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Léhon durant la Révolution.

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Léhon, prieuré-cure du diocèse de Saint-Malo, relevait de l'archidiaconé de Dinan et du doyenné de Plumaudan. La Sainte Vierge était la titulaire de l'église paroissiale. Le prieur des bénédictins de Léhon était tout à la fois le seigneur de la paroisse, le présentateur du bénéfice et le gros décimateur. Lorsque le prieuré de Léhon eut été définitivement supprimé et réuni à la mense conventuelle de Marmoutiers, le 11 septembre 1777, ces droits furent dévolus à cette dernière.

Le rectorat de Léhon était à portion congrue. Sur ses 700 livres de traitement, son titulaire payait, en 1790, 26 livres d'impôts appelés décimes. Le 11 mars 1791, le recteur déclarait qu'outre sa portion congrue, il jouissait d'un presbytère composé d'une cuisine, d'une salle, avec chambre sur la cuisine et grenier au-dessus, une cave sous la salle, l'ensemble mesurant 31 pieds de long sur 14 pieds de large. Un petit jardin avec un cabinet à l'une de ses extrémités joignait ce bâtiment.

L'église paroissiale est indiquée comme « passable ». « Le presbytère pas mal et tout proche de l'église ». On comptait à Léhon deux confréries dites du Saint Sacrement et de Saint Joseph, sans aucun revenu fixe ; une chapellenie dite de la Marotais ou, des Le Poussé, du nom de ses fondateurs, qui se desservait dans l'église, et deux chapelles, celle de Clermont et celle du Saint-Esprit. Elles étaient l'une et l'autre fondées de messes et entretenues par la Fabrique, qui en recevait les oblations. En 1769, lors d'une visite pastorale, l'évêque de Saint-Malo demanda que l'on fit réparer la chapelle du Saint-Esprit, qui tombait en ruines.

On complétera ces renseignements sur les prestimonies et chapelles de la Marotais et de Clermont, par ce qu'en dit Fouéré-Macé dans Le Prieuré Royal de Léhon, 288-290. Sur la chapelle du Saint-Esprit, consulter le même ouvrage, p. 145 et 286. Le 4 août 1807, la municipalité de Léhon demandait la fermeture de la chapelle de Clermont, ainsi que le transfert au bourg de l'assemblée qui se tenait autour de cette chapelle le lundi de Pâques, sous prétexte que la « consommation de cidre serait plus forte au bourg qu'à Clermont, où il ne se trouve qu'une seule maison » (Archives des Côtes-d'Armor, série V, non cotée). Nous ignorons quel fut le résultat d'une supplique appuyée de raisons aussi convaincantes pour des bretons.

La fabrique de Léhon possédait elle-même, vers 1755, 60 livres de revenu fixe, une fois les fondations acquittées. Ses recettes s'élevaient en 1750 à 129 livres et ses dépenses à 121 livres 14 sous.

Pour les prédications des stations, Léhon était groupé avec Calorguen et Trévron. Quant au jour d'adoration, Mgr. des Laurents l'avait fixé au 16 avril de chaque année.

La vente du mobilier et des ornements de l'église produisit 156 fr. 65 le 1er juin 1794.

Le 24 août suivant, on inventoriait à Dinan un pied de calice pesant 6 onces 5 gros et demi d'argent blanc, sa coupe et sa patène pesant 5 onces 4 gros d'argent doré, plus 1 marc 6 gros de galon d'argent et 4 marcs 3 onces 5 gros de galon doré. Comme on le voit, le butin fut maigre, et quelqu'un d'assez avisé avait dû se trouver à Léhon pour se précautionner à temps contre les spoliateurs.

Indépendamment du prieuré royal de Léhon, les propriétés ecclésiastiques en cette paroisse consistaient en la chapelle de Clermont, qui fut achetée le 21 décembre 1792 pour 260 l. Ses dépendances : une maison au village du Saint-Esprit, le Courtil de la Chapelle, le Grand-Pré, le Cotay, le Petit Pauré et la pièce de la Lande furent acquises par divers particuliers le 24 frimaire an III (14 décembre 1794).

Deux maisons avec leurs dépendances qui relevaient de la chapellenie dite de l'Epousée, ou plutôt des Le Poussé ou de la Marotais, furent aliénées le 6 nivôse an III (26 décembre 1794).

Le Courtil sur Blanche, propriété de l'église de Léhon, avait été adjugé le 19 octobre précédent. Enfin, cinq pièces de terre qui restaient encore à cette fabrique, furent mises en vente en vertu des lois révolutionnaires toujours en vigueur. Leur aliénation eut lieu le 18 juillet 1807 et produisit 1.650 francs, mais, chose curieuse, le contrat d'acquisition ne porte ni la dénomination ni la contenance de ces propriétés.

Les établissements religieux de Dinan étaient aussi largement possessionnés à Léhon ; ainsi, la métairie des Clos-Castel et le pré du Mottais, appartenaient aux Trinitaires du prieuré Saint-Jacques ; la prée Gentais était aux Dominicains ; la prée Moraine, que nous avons située à tort à Dinan, était à la confrérie de N.-D. de Grâces ; le pré Ferré et le clos des Manouais, à la fabrique de Saint-Malo de Dinan ; le clos Gautrel, le pré Even, le Trublet, le champ Jagu, la petite porte Barbier et le pré aux Prêtres appartenaient à la fabrique de l'église Saint-Sauveur. Le tout fut vendu comme biens nationaux. Pour les dossiers de ces ventes et noms des acquéreurs, voir Archives des Côtes-d'Armor, série 1 Q 1.

 

CLERGE.JULIEN-JOSEPH-JEAN AUBRY, recteur, naquit à Dinan, paroisse Saint-Malo, le 17 mars 1721, du mariage de Sébastien et de Jeanne Vallée, et reçut le sacerdoce le 26 mars 1746.

Après avoir été d'abord simple prêtre à l'église Saint-Malo, où nous le trouvons en 1758 secrétaire de la « noble confrérie des prêtres » de cette ville, M. Aubry, d'après l'abbé Leray, devint vicaire à Rennes, puis en 1761 curé, autrement dit vicaire de Léhon. Sur la résignation de M. J. B. Le Cerf, il fut ensuite pourvu le 7 juillet 1762, du rectorat de cette paroisse. Il s'y dévoua, spécialement au cours de l'épidémie qui désola sa population en 1780 (cf. Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1362).

Comme recteur, cet ecclésiastique prêta d'abord serment le 12 mars 1791, mais en y ajoutant les restrictions nécessaires pour le rendre licite ; ce qui ne l'empêcha pas d'écrire dès le mois de mai suivant aux membres du district de Dinan, « que puisque l'on ne trouvait pas bon son serment, il ne le trouvait pas bon lui non plus et qu'il fallait par suite le regarder comme non avenu ». [Note : M. l'abbé Martin, recteur de la Chapelle Gaceline (Morbihan), nous a signalé qu'un de ses arrière-grands-oncles, M. François Le Bois, étudiant ecclésiastique au collège des Laurents, avait eu des démêlés avec M. Aubry, de Lehon, à propos du serment civique. La Revue du Monde catholique a publié vers 1896, paraît-il, un article sur ce François Le Bois, intitulé « un Kloarec en 1791 ». Nous n'avons retrouvé nulle part trace de cet incident].

Aussi, l'abbé Aubry ayant un peu plus tard. réclamé son traitement pour les quartiers de juillet et d'octobre 1791, les autorités du district annotèrent sa demande en ces termes, en l'adressant au département : « Nous sommes d'avis que ce prêtre soit privé de traitement, attendu que sa véritable rétractation est bien antérieure à l'époque du traitement qu'il désire ».

La suppression, de ses appointements n'arrêta pas M. Aubry de renouveler devant sa municipalité, le 18 mars 1792, l'expression de sa volonté bien arrêtée, de ne pas s'assermenter, et cela tout en continuant d'exercer quand même ses fonctions pastorales à Léhon, où l'on retrouve encore sa signature le 13 juillet de cette année, au grand déplaisir des autorités de Dinan, qui insistaient sur la nécessité de supprimer les paroisses de Léhon et de Taden, que « les Dinannais, écrivaient-ils, fréquentaient plus que leurs propres paroisses », alors livrées aux constitutionnels et privées de « bon prêtres ».

Nous avons vu en effet qu'à l'arrivée des jureurs, les prêtres insermentés de Dinan avaient tous dû, sans exception, s'éloigner de cette ville à une distance, d'au moins six lieues ; aussi les Dinannais (et ils étaient nombreux), qui ne voulaient pas assister aux offices des intrus Tobie et Tudeau, avaient-ils pris le parti de s'en aller le dimanche assister à la messe soit à Taden, soit à Léhon.

Mais l'église de cette localité se trouvant du coup trop exigüe, les assistants se répandirent dans les chapelles des environs, au vif mécontentement des membres du district, qui voyaient « leurs curés » officier à Dinan dans les églises presque désertes. Aussi écrivaient-ils le 23 juillet 1791 à la municipalité de Léhon « qu'ayant appris qu'il se fait des rasemblements nombreux à la chapelle de Clermont, ils lui prescrivent de faire fermer cet édifice et d'en apporter les ornements à Dinan ».

Lors de l'application de la loi, du 26 août 1792, l'abbé Aubry, comme septuagénaire, ne s'exila pas ; mais, par ordre du procureur syndic du district de Dinan, il dut se retirer à la maison de réunion créée le 19 octobre suivant, au couvent des Filles de la Croix, à Saint-Brieuc, pour les ecclésiastiques sexagénaires ou infirmes, par décision du Conseil général des Côtes-du-Nord (cf. Archives des Côtes-d'Armor, L 161, f° 133 v).

Entre le 27 octobre 1792 dans cette prison, à laquelle seul le titre manquait pour répondre à la réalité des choses, M. Aubry y mourut avant le 27 septembre 1793, date à laquelle ses héritiers, en instance de succession, déclaraient « qu'il était décédé à la maison de réunion des prêtres non assermentés ». C'est là tout ce que nous savons concernant le trépas de cet ecclésiastique, dont l'acte de décès ne figure pas sur les registres de l'Etat-Civil briochin, ce qui n'est pas un cas unique à cette époque. [Note : Bibliographie. — Fouéré-Macé : Le Prieuré Royal, op. cit. — Archives des Côtes-d'Armor, séries L/v et L/m 5, 34. — Archives municipales de Dinan : Registres de délibérations du district du 11 juillet 1790 au 24 janvier 1792 ; Registre de Correspondance du même du 7 juillet 1791 au 1er août 1792].

TOUSSAINT-CLAIR-FELIX MONCOQ, vicaire, naquit à Dinan le 25 février 1750, du mariage de Guillaume et de Rose-Noëlle Feillet et fit son cours au Collège de cette ville, sur les palmarès duquel il figure comme élève de quatrième en 1763.

Après avoir rempli quelques mois les fonctions de curé d'office à Saint-Maudez eu 1778, puis à Tressaint en 1783, nous retrouvons l'abbé Moncoq à l'occasion de sa nomination comme vicaire à Léhon le 13 mai 1784.

Comme tel, ce prêtre suivit la conduite de son recteur et refusa de s'assermenter. Obligé en conséquence de quitter sa paroisse après la promulgation de la loi du 26 août 1792, M. Moncoq y prit un passeport le 11 septembre suivant et arriva à Jersey le surlendemain après une traversée fort agitée. Le nom de ce prêtre figure parmi ceux des ecclésiastiques réfugiés en cette île, que nous ont laissé MM. le chanoine Gofvry et Lefebvre d'Anneville, curé de Sotteville (Manche).

Ainsi, selon nous, faut-il situer avant le départ de M. Moncoq pour l'exil, les récits que M. Fouéré-Macé, op. cit., p.. 221 et sq., nous a laissés de certains épisodes, qui, dit-il, sans en indiquer la date ont signalé le ministère de ce prêtre à Léhon au cours de la Révolution, en particulier à la ferme des Islots, où il faillit se faire arrêter.

Nous ignorons l'époque du retour en France de l'abbé Moncoq.

Cependant, le préfet Boullé, dans son enquête vers 1802-1803, signale cet ecclésiastique comme « habitant Dinan depuis 18 mois, ayant une conduite peu régulière et conseille de le placer vicaire afin de le surveiller ». Mais Mgr. Cafarelli passa outre à ces renseignements probablement inexacts, et désigna M. Moncoq pour recteur de Langrolay le 16 janvier 1804. Après avoir prêté le 24 mai suivant le serment prescrit par Napoléon, avant d'entrer en fonctions, l'abbé Moncoq conserva son rectorat jusqu'au 1er août 1818, date à laquelle il démissionna, et s'en vint habiter Dinan, où il mourut, âgé de 79 ans, le 6 décembre 1829.

A la réorganisation des paroisses, en 1803, M. FRANCOIS-MICHEL PICOUAYS, prêtre de Saint-Juvat, puis M. FRANÇOIS-MARIE GALLEE, ancien recteur de Saint-Samson, furent successivement désignés comme recteurs de Léhon. Mais la première de ces nominations fut rapportée, et M. Gallée ne put se résoudre à accepter ce poste, si bien que M. THOMAS PLAINE, qui remplissait les fonctions de curé d'office de cette paroisse depuis 1803, devint définitivement recteur de Léhon et de Tressaint réunis, le 6 juin 1804. On a vu son article biographique, parmi ceux des prêtres de la ville de Dinan.

Mais cet état de choses ne devait pas durer. Trois ans plus tard, en exécution du décret impérial du 30 septembre 1807, Léhon se voyait supprimé comme succursale et réuni pour le culte à Saint-Sauveur de Dinan. Et, bien que dès le 15 juin 1809, les Léhonnais se déclaraient prêts à assurer 300 francs de traitement au prêtre qu'on leur désignerait pour desservir leur église, pourvu qu'on consentit à l'ériger en annexe, il leur fallut cependant attendre le décret du roi Louis XVIII en date du 16 mars 1823 pour voir à nouveau leur localité rétablie en succursale, avec M. G. May pour recteur. (Archives des Côtes-d'Armor, série V).

Léhon, qui ne compte vers 1925 qu'un seul prêtre originaire, en possédait deux lors de la Révolution. C'étaient MM. ANTOINE-NICOLAS-PIERRE PIHAN, dont on lira la biographie et l'article Saint-Solen, et OLIVIER-JEAN FLEURY, dont nous parlerons à l'article Saint-Carné.

Fit dit ministère caché à Léhon, Lanvallay, Saint-Solen et paroisses circonvoisines, au cours de la Révolution : FRANÇOIS-JÉROME TOURNOIS, religieux capucin connu sous le nom de P. Romain de Dinan, dont voici l'acte de baptême : « François-Jérôme Tournois, fils de François et de Marguerite Le Roy, de la paroisse de Trélivan, a été baptisé par nous, recteur soussigné, le 30 septembre 1765. Son parrain Jean Merven, sa marraine Marie Hallouet, qui ne signent ». Signé : Soyer, recteur.

Le voisinage des Capucins de Dinan éveilla de bonne heure chez le jeune Tournois des germes de vocation à la vie franciscaine. Après avoir achevé son noviciat et fait profession à Saint-Brieuc le 2 octobre 1786, ce religieux vivait lors de la Révolution au grand couvent de la Fosse, à Nantes, où il opta en 1790 pour la vie commune. A la fermeture de sa maison, et lors de la dispersion de ses membres, le 6 mai 1791, le P. Tournois s'en revint dans son pays natal, et se mit à la disposition des recteurs voisins pour les aider dans leur ministère. C'est ainsi que les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, op. cit., I, p. 226, signalent plusieurs fois la signature de ce bon prêtre sur les registres de Saint-Solen du 21 décembre 1791 au 1er septembre 1792, et M. Fouéré-Macé l'indique également comme présent à Léhon le 13 juillet de cette même année.

Lors de l'application de la loi du 26 août 1792, le P. Tournois qui, du reste, n'était pas positivement atteint pour l'instant par les termes mêmes de cette loi, ne s'exila pas. Mais quand parut l'arrêté du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) du 1er décembre 1792, qui condamnait à la déportation ou à l'internement tous les prêtres insermentés de ce département, le zélé religieux, tout insermenté qu'il était, ne chercha pas davantage à s'expatrier, mais, remplaçant dans la mesure de ses forces les recteurs et les vicaires qu'une législation cruelle obligeait à prendre le chemin de l'étranger, il exerça en secret, durant le temps de la Terreur, un ministère caché aussi fructueux que rempli de périls.

Au printemps de 1795, les représentants du peuple en mission en Bretagne, s'étant convaincus que pour rallier les habitants des campagnes au régime nouveau, il était indispensable de tolérer l'exercice public du culte dans les départements de l'Ouest, une accalmie momentanée s'en suivit. Les habitants de Léhon en profitèrent pour solliciter la réouverture de leur église, ce qui leur fut accordé provisoirement le 11 mai 1795, et, dès le lendemain, le P. Tournois fit devant la municipalité de cette commune la déclaration officielle d'exercer désormais les fonctions cultuelles dans cette localité, tâche dont il s'acquitta du reste avec tout le zèle imaginable depuis la fête de l'Ascension jusqu'à celle de l'Assomption de 1795. C'est alors que prit fin cette tolérance. La Convention avait en effet voulu obliger, par sa loi du 11 prairial an III (30 mai 1795) tous les prêtres catholigues à souscrire la déclaration d'une promesse de soumission « in globo » à toutes les lois de la République, mais quand la municipalité léhonnaise signifia cette exigence au P. Tournois, le 16 août 1795, celui-ci ne crut pas en conscience pouvoir s'y conformer.

Une autre loi, celle du 7 vendémiaire an 1V (29 septembre 1795), en prescrivant de reconnaître par un nouveau serment l'universalité des citoyens en qualité de Souverain, vint sur les entrefaites aggraver encore les dispositions coercitives de la loi précédente. Aussi, le P. Tournois, en défiance contre toute espèce de serment réclamé par les révolutionnaires, dut-il désormais se cacher derechef.

Spécialement signalé, du fait de son orthodoxie intransigeante, aux colonnes mobiles, lancées tout autant à la poursuite des prêtres réfractaires qu'à celle des chouans insaisissables, ce saint religieux devint dès lors l'objet de leurs plus actives recherches.

Ses jours étaient désormais comptés, et il en avait le pressentiment.

Le samedi 23 janvier 1796, l'intrépide missionnaire, retiré à la ferme de la Forestrie, en Trélivan, se disposait à célébrer la sainte messe dans la chapelle de Coëtmeur, lorsqu'on accourut l'avertir de l'arrivée d'une troupe de gens armés.

Accompagné de Jean-Mathurin Le Bourdais, 27 ans, fermier à la Forestrie, et de Marcel Ruquays, 23 ans, de Léhon, le P. Tourbois s'empressa sans tarder de prendre la fuite, de crainte de causer la perte de ses hôtes s'il était trouvé dans leur demeure. Mais comme les trois hommes essayaient d'éviter la colonne mobile, cette troupe les aperçut à l'instant même où, sortant du bois de la Forestrie, les fugitifs sautaient dans un champ voisin, dans l'espoir de traverser la route de Broons pour gagner ensuite les vallées de Léhon.

Aussitôt les soldats se précipitent avec furie sur ces personnes sans défense et les fusillent presque à bout portant. Mais là ne s'arrêta pas la rage des assassins : ils se jetèrent ensuite sur les cadavres de leurs victimes, les dépouillèrent de leurs vêtements, ne leur laissant que leurs chemises ensanglantées qu'ils leur retroussèrent jusqu'aux épaules ; puis ils coupèrent la main droite du P. Tournois et, dans leur fureur, lui écrasant la tête à coups de crosses, ils répandirent par terre sa cervelle encore toute fumante.

Une petite fille qui gardait ses bestiaux, fut seule témoin de l'horrible drame, et toute tremblante d'épouvante, s'en fut se réfugier à la ferme des Clos-Gastels (Clos-Castels ?), où elle raconta ce qui venait de se passer.

Ce ne fut seulement qu'à la nuit tombante (car les bourreaux avaient pris la précaution de monter la garde près des restes de leurs victimes), que les parents de Jean Le Bourdais et la femme du parrain du P. Tournois purent s'approcher des cadavres des Confesseurs de la Foi et pieusement procéder à leur ensevelissement.

Inhumés d'abord près de le pièce de terre dite le Champ aux Agneaux, où ils étaient tombés, leurs ossements furent solennellement relevés le 30 septembre 1817 par les soins de l'abbé François Lécuyer, alors recteur de Quévert, qui, lui aussi, avait passé la Révolution caché dans le pays ; puis, le 10 septembre suivant, on les enterra dans le cimetière de Quévert, au milieu d'une imposante cérémonie, dont un procès-verbal, que l'on n'oublia heureusement pas de rédiger, est seul aujourd'hui à nous, en avoir conservé le souvenir ; car il est triste de dire que, par suite d'une inconcevable négligence, le lieu de la sépulture de l'héroïque P. Tournois est aujourd'hui complètement inconnu...

D'autre part, l'acte de décès de ce vaillant religieux, non plus que celui de ses compagnons, ne fut enregistré ni à Trélivan, ni à Léhon, ni à Ouévert, et malgré nos recherches, à l'exception d'une brève mention [Note : Extrait du Registre des Dépôts de pièces faits au Tribunal de Dinan du 24 frimaire an IV au 30 frimaire an XII : « Du 3 pluviôse an IV (23 janvier 1796). Le citoyen Lamy, lieutenant de la gendarmerie de Dinan, a déposé un procès-verbal du « lief » des cadavres de François Tournois, Jean Bourdas et d'un autre inconnu, présumés chouans, trouvés morts près les bois de Vaucouleurs » — (Greffe du Tribunal de première instance de Dinan)], nous n'avons pu trouver jusqu'ici aucune pièce officielle relatant leur trépas. Dans l'absence de tout document écrit, nous nous sommes servi pour rédiger cette biographie, du récit que l'abbé Carron nous a retracé en 1820, au tome III, p. 475, des Confesseurs de la Foi de l'Eglise gallicane, de la vie, de l'apostolat et de la mort du P. Tournois, tel qu'il l'avait recueilli lui-même de la bouche de témoins qui avaient bien connu les travaux et le trépas de ce saint religieux. — Fouéré-Macé, dams le Prieuré Royal, op. cit., p. 232 et sq., a utilisé cette relation en y ajoutant quelques nouveaux détails. Nous ne pouvons qu'engager nos lecteurs à se reporter à ces deux ouvrages, que le cadre de notre publication nous a contraint d'abréger sur certains points.

Guillon, dans ses Martyrs de la Foi durant la Révolution française, publiés en 1821, rapporte un peu différemment, t. IV, p. 659, la mort du P. Tournois. Nous reproduisons son récit : « Les soldats, dit-il, apercevant ce religieux et ses deux compagnons, leur crient « Arrêtez ! ». A cet ordre, les fugitifs s'avancent vers eux. On les fouille, on leur prend ce qu'ils ont ; puis, un militaire qui semble leur porter intérêt, leur dit de s'en aller ; mais à peine ont-ils fait dix pas, qu'une décharge de la troupe les étend roide morts tous les trois ». Il n'y a du reste dans cette narration rien d'inconciliable avec celle de l'abbé Carron. (A. Lemasson).

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