Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue

LE GRAND ROCHER

  Retour page d'accueil      Retour page Saint-Michel      Retour page Regard d'hier  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Le Grand Rocher est le site le plus célèbre de la Lieue de Grève. Il servait de repaire à un dragon.

Le Grand Rocher de Saint-Efflam en Plestin-les-Grèves

Voici ce que dit Julien Le Huérou, de Prat (1807 – 1843) :

Voici le dragon rouge annoncé par Merlin !
Il vient, il a franchi les marches de Bretagne,
Traversant le vallon, éventrant la montagne,
Passant fleuves, étangs, comme un simple ruisseau,
Plus rapide nageur que la couleuvre d’eau :
Il a ses sifflements ! – parfois le monstre aveugle
Est le taureau voilé dans l’arène et qui beugle.
Quand s’apaise la mer écoutez longuement
Venir sur le vent d’est le hideux beuglement.

Le barde Claude Rannou qui tenait une auberge à Saint-Michel-en-Grève prit le nom de Barde de Roc’h Allaz. En 1886, Maurice Barrès le cite au cinquième rang des poètes de Basse-Bretagne nourris de l’esprit français, après La Villemarqué, Luzel, Proux et Quellien.

Rannou naquit à Lanvézéac en 1808 et devint instituteur. En 1837 il était en poste à Saint-Michel-en-Grève où il fut jugé brouillon, mauvais, mal avec l’autorité. Or il décida de se présenter aux élections de 1848 pour lesquelles il rédigea une longue profession de foi : Bien-être à tous et pour tous. Il ne recueillit que 595 voix sur plus de 144 000 : 2 dans le canton de Guingamp, 2 à Callac, 365 à Plestin, 1 à Plouaret. Il fut encore plus surveillé et révoqué enfin en 1851. Il tint ensuite un café avec le soutien de son ami le barde Le Scour, marchand de vin à Morlaix. C’est alors qu’il publia dans le Journal de Lannion plusieurs poèmes : Joie à tous les bardes de Bretagne où il cite Le Jean, Karis, Luzel, Proux, Le Scour, Le Quéré, Charles Le Bras, etc…Et aussi La femme du marin, A mon cher pays La Bretagne. Et Teutatès, discours de Fergussoch, recueilli par Fillitoch, bien avant la jeunesse de Jésus-Christ. Il mourut en 1869 et fut enterré au pied du clocher de St Michel. On ne retrouva pas sa tombe.

Elégie

LA FEMME DU MARIN
(sur un ton triste)

La mer est rude, la nuit est sombre,
Nulle étoile ne brille au ciel,
Et le vent tourné du mauvais côté
Met la guerre dans les nuages.


Isa, ma fille chérie, mon amour,
Prête-moi ton bras pour me fortifier !
(soutenir)
Si tu ne prends pitié de moi,
Mon cœur va défaillir.

Viens, ma fille,oh ! allons sur le rocher !
Envoyons avec nous des lumières !
Ton pauvre père courant sur son vaisseau
Peut-être alors nous apercevra….

 

Une gwerz jadis chantée à Ploumilliau raconte l'histoire de Saint-Efflam et du roi Arthur :

Se promener à la Lieue de Grève ils sont allés.
Ils sont allés se promener à la Lieue de grève
Pour faire sortir le serpent.
Comme ils étaient déjà prêts
La soif du roi s’est emparée.
Et de l’eau à boire il n’y avait pas.
Efflam, quand il vit son besoin, Se mit en oraison.
Trois coups sur lez roc il a frappé

Et de l’eau à boire il y a eu.
Quand voit le roi ce miracle
Il se frappe trois fois la poitrine.
Marchons hardiment désormais en notre route ;
Je sais à quoi m’en tenir sur votre puissance.
Alors ils sont allés à la Lieue de Grève pour faire sortir le serpent…

Le grand serpent demandait
Quand Efflam sur lui arrivait :
Quel genre de mort me sera infligée ?
La tête la première dans la mer tu seras jeté.
Dans la mer je ne serai point précipité,
A la Roche Rouge je serai traîné.
Près de la Roche Rouge quand il est arrivé
La roche par la moitié s’est fendue.
Le serpent au milieu a sauté :
Efflam, Efflam, dites moi
Que me donnerez vous pour me divertir ?
Une sonnerie j’ai sur moi,
Qui sonne à l’heure de midi,
A midi et à minuit
Quand les chrétiens prennent leur repos.
Maintenant, ami, tu resteras là
Aussi longtemps que durera la vie.
Là tu resteras sans boire ni manger
Aussi longtemps que j’aurai nom Efflam.

En 1837, le chevalier de Fréminville écrit : « Lorsqu’on passe du Finistère dans les Côtes du Nord en suivant le littoral que baignent les flots de la Manche, on trouve d’abord une vaste plage de sable appelée communément la Lieue de Grève. Cette dénomination est ici plus exacte que celle, toute semblable, que porte la plage de sable qui traverse la route de Lanvéoc à Quimper sur la baie de Douarnenez et qui n’a à peine que mille toises d’étendue. La Lieue de Grève a bien réellement une lieue de l’Ouest à l’Est depuis la fontaine de Saint-Efflam jusqu’au village de Saint-Michel en grèves situé à l’extrémité opposée. Ses rivages nous rappellent des traditions importantes…. ».

L’auteur explique alors que les noces d’Efflam s’étaient déroulées avec pompe et luxe. Mais Efflam était déterminé à suivre sa vocation et à conserver sa virginité ; il se décida à prendre la fuite avec ses compagnons les plus dévoués. Conduit au lit nuptial près de sa jeune épouse, il chercha à lui persuader qu’il fallait vivre saintement ensemble en se bornant l’un envers l’autre à une affection toute fraternelle. Mais Hénora que la bonne mine et les grâces de son époux avaient touchée tout différemment, se trouva fort peu disposée à consentir à un pareil genre de vie. L’éloquence du pieux Efflam ne la persuada nullement. Elle l’écoutait avec distraction et son long sermon finit par l’endormir. Le prince voyant alors l’inutilité de sa faconde, craignant aussi de finir par succomber à une tentation trop forte, se leva sans bruit, se déroba du palais, courut au port.

Ils mirent pied à terre sous une roche escarpée, appelée encore aujourd’hui Roch hyr glas. A peine la troupe dévote avait-elle débarqué qu’elle fut épouvantée à l’aspect d’un horrible dragon qui sortit tout d’un coup d’une caverne située au pied du rocher. Ce monstre faisait la désolation de la contrée. Personne n’osait le combattre. Il avait la ruse de marcher à reculons, de sorte qu’en suivant ses traces on prenait une direction toute opposée à celle qu’il avait prise ; on s’éloignait de lui au lieu d’aller à sa rencontre. Heureusement arrive Artus qui terrase son hideux adversaire et le laisse sans vie. Autre version : le roi et le reptile, après avoir lutté une journée entière, se séparent d’un commun consentement. De même le second jour. Efflam prie : le dragon se précipite à la mer. Il est parfois nommé Morvarch.

Dans le récit du Barzaz Breiz : Arthur attaque impétueusement le monstre avec sa terrible épée, sa massue à trois têtes, son bouclier en peau de lion. Le dragon un peu blessé se replie en bon ordre. Efflam, avec une courte prière, le renverse. Ce combat d’Arthur fut le seul qu’il livra en Armorique.

Nouvelle version : à l’arrivé de Saint-Efflam, la contrée était païenne habitée par une population d’hommes rudes et grossiers qui s’appelaient de leur vrai nom les Sidérites (ar Sidérited). Ils étaient idolâtres et avaient leur grand temple à Tréguier. Quand Gestin revint de Rome, Efflam les avait convertis.

Le dragon était une bête étrange et monstrueuse : tête humaine, corps de serpent, queue de poisson. Il habitait au pied de la falaise un trou profond, une caverne mystérieuse communiquant avec l’enfer. Dès que le soleil se levait dans le ciel, il sortait de son repaire, rampait sur le sable et soufflait sur tout le parage avoisinant une haleine de flammes et de fumée qui répandait au loin une intolérable odeur de soufre…Tous les ans, la veille de Noël, il réclamait une proie humaine de sang royal. On la lui apportait à la tombée du soir au pied du Roc’h al Laz (la roche du meurtre). On lui livrait aussi les enfants morts sans baptême….Arthur, qui demeurait à Coat-Trédrez, le poursuivit. Il se réfugia dans un autre trou appelé Chapelle Cornic. Arthur déchira des vêtements : « Ohé, serpent ! Si vraiment tu es un sorcier, fais moi un vêtement neuf avec ces haillons ! ». Le dragon met le nez dehors, souffle sur les morceaux d’étoffe et en fait un habit neuf. Mais Efflam dessine une croix dans l’air : désormais le monstre lui appartient. On le traîne de Roc’h Serf à Roc’h ru. Un bourrelet de sable marque le trajet. Le dragon demande :

«- Que me donneras-tu pour me divertir ,

  - Un biniou, répond Saint-Efflam. Tu n’auras le droit d’en jouer qu’à midi et minuit. »

Si on entend un bruit fort et prolongé comme un souffle de machine à battre le blé, il convient de ne pas s’arrêter, sinon on est enlevé par une lame traîtresse. Il faut appeler Saint Efflam trois fois : Saint Efflam vinniget ! Alors la cloche de la chapelle tinte et la mer cesse de monter.

Encore et toujours le dragon. Voici ce qu’en dit le baron Taylor :«  La Bretagne était alors ravagée par des animaux sauvages et des dragons qui désolaient toute la contrée, surtout le pays de Lannion, couvert dans ce temps là d’une grande forêt. Beaucoup de ces dragons avaient été tués par le roi des Bretons, Arthur , qui n’a pas trouvé son pareil. Quand Saint-Efflam prit terre, il vit Arthur qui combattait, son cheval étranglé gisant à ses côtés rendait le sang par les naseaux. Devant lui se dressait un animal sauvage qui avait un œil rouge au milieu du front, des écailles vertes sur le dos, la taille d’un taureau de deux ans, la gueule armée de dents blanches et aiguës comme celles du sanglier. »

L’Apocaypse dit que le serpent-dragon lança de l’eau après la femme, mais la terre engloutit le fleuve. Le Dragon furieux alla faire la guerre au reste de ses enfants, ceux qui observent les commandements de Dieu. L’Eglise réduisit les démons à l’état d’esclaves. 

En octobre 1867, le poète anglais James Kenward, barde Elyynydd, déclama devant le Congrès celtique de St Brieuc un poème inspiré par Plestin, traduit par Mr Lynch, professeur au Lycée de St Brieuc.

By Plestin’s strand where wildly
The Atlantic surges toss,
………………………..
Sur cette plage de Plestin, où se brisent,
dans leur furie les vagues de l’Atlantique,
sur les hauteurs de Roc’hellas saint Efflam éleva une croix ;
tant que ses bras miséricordieux domineront les ondes,
le voyageur pourra braver, sans crainte, les périls de l’Océan.
Frères ! vous qui suivez, en pélerins, les pas de la nation celtique,
tenez la croix devant vos yeux,
et ne craignez pas les attaques de l’ennemi – tenez haut la croix –
Espérez – combattez – résistez – souffrez ;
vive sera la lutte, assurée la victoire ! »

Les Bardes bretons ont eux aussi chanté le Grand Rocher, par exemple Jean Marie Le Jean dans « Les bardes d’Armorique » :

Ha te,roc’h ar strobinel , pe welloc’h Roc’h Allaz…
Et toi, roche de la sorcellerie
Ou mieux roche du meurtre
Envoie nous aussi Rannou
Ce rude breton de tout temps.
Il nous dira sa chanson
Sur la joie de tous les poètes du pays
Et l’élégie qu’il a nouvellement composée ».

Frédéric le Guyader (1847 – 1926) occupa des postes modestes dans l’administration des Finances, puis il fut conservateur de la bibliothèque de Quimper. Né à Brasparts, il est enterré au cimetière de Kerfeunteun en Quimper ; sa tombe porte un médaillon. Dans un long poème de l’Ere bretonne, il conte l’histoire de Saint-Efflam :

Au temps d’Hoël le grand, tout le pays d’Armor
Les monts, les vaux, les bois, les marais, les rivages,
Fourmillait de dragons et de bêtes sauvages.
Saint Pol en délivra l’évêché d’Occimor.

Mais une hydre effroyable, aux yeux verts striés d’or
Dragon long de cent pieds, promenait ses ravages
Sur ce pays très doux, peuplé d’icthyophages,
Plestin, où Saint Efflam accosta dans le Trégor.
Hoël parlait, un jour, d’un homme à tenir tête
A l’Apocalyptique et tyrannique bête.
Saint Efflam vint s’offrir pour vaincre le Dragon.

Hoël lui dit : Il n’est qu’un seul homme en terre
Qui le puisse dompter : c’est le Roi d’Angleterre ;
C’est Arthur « Mab Uter », le fils de Pendragon.

Arthur se fit un jeu d’exterminer la bête.
Les princes de son temps prenaient souvent le froc.
Lui, l’hercule du nord, grandi par la conquête
Chasseur d’hommes, chassait aussi l’ours et l’auroch.

Comme Hercule lui-même il combattait nu-tête
Avec une massue ou des quartiers de roc.
Et, buveur colossal autant que rude athlète,
Il vidait un tonneau d’hydromel comme un broc.

Saint Efflam conduisit Arthur vers la caverne
Que regardait le dragon, nouvelle hydre de Lerne,
Surpris de rencontrer un Moine en pareil lieu.

Ver de terre, dit en ricanant l’Hercule,
Où cours-tu quand ici tout le monde recule ?
Cousin, dit Saint Efflam, je n’ai peur que de Dieu.

Le dragon attendait comme un dogue à la chaîne.
Arthur marche vers lui d’un pas tranquille et sûr,
Brandissant les deux mains un chêne au tronc très dur
Qu’il venait d’arracher dans la forêt prochaine.

La foudre et le fracas que l’ouragan déchaîne
Font cent fois moins de bruit que le combat d’Arthur.
Il frappe. Il tonne. Il hurle. Il geint. Mais comme un mur
Le dragon sur son chef reçoit le tronc de chêne.

Alors exaspéré le grand chasseur d’aurochs
Ramasse autour de lui de gigantesques rocs
Et les jette au dragon, dressé devant son antre.

Mais sans plus s’émouvoir de tous ces vains éclats
Ce dragon, à la fin, plus ennuyé que las,
Se couche, baille et dort, étendu sur le ventre.

Devant Hoël, devant tout son peuple assemblé,
Le fils de Pendragon devenait ridicule.
De l’aurore pourtant jusque au crépuscule
Sous les pas du géant le sol avait tremblé.

Suant, mourant de soif et de honte accablé,
Le lamentable Arthur se dérobe et recule.
Le ver de terre alors succédant à l’Hercule
Marche au dragon sans arme et nullement troublé.

Les saints bretons faisaient des choses étonnantes :
Saint Efflam prit le monstre aux écailles sonnantes,
Le traîna comme un chien en laisse vers la mer

Et du haut d’une roche où vient briser la houle,
Précipita la bête au fond du gouffre amer,
Puis, élevant deux doigts, le saint bénit la foule.

Dans la Vita Euflami publiée au XIème siècle, il est dit que la forêt où à la suite de saint Gestin s’était installé Saint Efflam était sainte et tabou. Efflam consacra tellement ce loc par sa présence qu’au XIXème siècle encore se manifestèrent de tels miracles que personne n’osait ramasser les branches de cette forêt qui pourrissaient à terre ni en casser ou en couper un tronc. Ainsi parle de La Borderie qui indique que ce lieu se nommait Donguel et ne se trouvait pas au voisinage de la fontaine.

Charles le Goffic a consacré au grand rocher un de ses très rares poèmes en langue bretonne :

AR ROCH ALLAZ

Etal ar c’hoz stankou a zo eur garrek glaz
Eur garrek glaz ha krenn hanvet ar Roc’h Allaz.

Ha war ar garrek ze neb a ra he ziskwiz
A chom vit he vuez disjoaü ha languiz.

Alies meus gwelet nijal tresek ar stank
Gwelet ive tec’hel meus durzunel yaouank ;
………………………………………….

Auprès des vieux étangs il y a un rocher vert
Un rocher vert, appelé le rocher de l’Hélas

Et sur ce rocher quiconque fait une pause
Reste toute sa vie triste et peiné.

Souvent j’ai vu voler vers l’étang,
Vu aussi s’enfuir plus d’une jeune tourterelle ;

Dans sa robe étincelante, heureuse quand elle arrivait,
Très mélancolique hélas quand elle repartait.

Sous la pierre du destin elle était un instant demeurée
Et depuis le chagrin débordait de ses yeux.

Cette pierre là, hélas pour moi, avant de connaître sa signification,
Je m’y suis dans ma jeunesse reposé.

Et voici pourquoi, mon cher Ianick, voici pourquoi
Le bonheur fuitmon âme jour et nuit.
(Traduction M. Priziac)

 

Nombreux sont les autres écrivains et poètes qui ont décrit ce rocher légendaire. Sans souci d’ordre chronologique donnons leur la parole :

Anatole Le Braz : « Une grossière croix de bois est plantée tout au sommet d’où l’on domine un merveilleux panorama de mer. Sur cette croix divers récits ont cours. Les uns voient en elle un ex-voto érigé à la suite d’un naufrage. Un navire avait fait côte, une nuit de brume ; matelots et passagers allaient périr. Une femme, une mère qui se trouvait à bord avec ses enfants, invoqua Notre Dame de Bon Secours et aussitôt on vit une forme de montagne qui semblait s’avancer sur les eaux, enveloppée d’un nimbe de lumière. C’était le Roc’h Karlès qui situé jusque là très loin dans les terres, se détachait sur l’ordre de la Vierge du groupe de collines dont il faisait partie et venait à la rencontre des naufragés pour leur permettre de s’accrocher à ses flancs ».

L’abbé Desportes (XIXème siècle) explique que « le dragon des légendes symbolise sans doute le paganisme terrassé par les saints, l’esprit infernal dont la honteuse domination s’étend sur le monde. Le Psalmiste n’a-t-il pas dit aux Justes : Super aspidem et basilicum, et conculcabis leonem et draconem : Tu marcheras sur l’aspic et sur le basilic et tu fouleras au pied le lion et le dragon. »

Dans la Bretagne touristique, 1928, page 79, Jack-Dal nous conte l’histoire : « Roch-Ellas se dressait au centre de sa courbe comme un éperon rocheux gigantesque ; dernière convulsion de l’écorce terrestre aux confins du domaine maritime ; défi vain ; dernière convulsion ; protestation muette contre l’envahissement possible des flots…Roch-Ellas ! Le Grand Rocher au pied duquel Efflam le chaste aborda, fuyant dès le soir de ses noces les plaisirs de la cour d’Irlande et le charme trop troublant de son épouse Henora. Un dragon furieux sortit de la montagne dès qu’il aperçut Efflam sur le rivage, mais le saint put le vaincre avec le secours d’Artus. Le chef des Chevaliers de la Table Ronde se sentit épuisé de fatigue, et très altéré après le combat. Efflam pria puis frappa de son bourdon un rocher d’où jaillit aussitôt une source qui étancha la soif de son compagnon. En mémoire de sa délivrance Efflam fonda un ermitage auprès de cette fontaine miraculeuse. »

En 1884, Gaultier du Mottay écrit que « Au pied du Roc’h ar Laz on a trouvé un cimetière gaulois contenant nombre de petits cromlec’hs circulaires s’enlaçant comme les anneaux d’une chaîne, cimetière qui aurait disparu au milieu du siècle dernier » (1839). On y découvrit des vases grossiers recouverts de pierres plates et remplis de cendres et de débris de coquilles. En 1890, l’Abbé Le Dantec compose une tragédie : Saint-Efflam victime des Druides. En 1897, l’abbé Joncourt compose le cantique de Saint Efflam. Celui-ci arrête un sacrifice humain que les Druides offraient à Teutatès sur le sommet du Roc’h ar Laz. Il convertit la population. Dans la tradition populaire Teutatès est désormais évoqué. Le peuple rime : Teutatès, doué ar patatès !

Vers 1920, parut le roman La Roche qui tue inspiré par le Grand Rocher que l’auteur dit être un poste de contrebande. Le nom de l’auteur, Pierre Maël, est le pseudonyme de deux écrivains lorientais qui eurent une production abondante : Charles Causse et Charles Vincent. L’action se déroule pendant la Révolution. Elle met en scène une confrérie occulte, la Kerret ar Laz, et un personnage qui se nomme Roger Le Bec, comte de Plestin. Des événements dramatiques ne cessent de se produire de Toul an Héry en Plestin, au château du Taureau en passant par Beg an Fry où a lieu, un débarquement anglais. Une grande bataille s’y déroule le 11 septembre 1793, de l’aube à la chute du jour : « Jamais le Roc’h ar laz ne justifia mieux son terrible nom de Roche qui tue. Elle tua en effet, et le sable des plages, les galets des criques, les genêts des landes se rougirent de sang…Ce fut effrayant. Les Anglais sont de rudes soldats. Ils tinrent deux heures sur ce granit troué comme une écumoire. Ils y laissèrent trois cents hommes avant de remonter dans leurs canots et leurs chaloupes. Les Bretons perdirent un nombre égal de braves. A midi, la bataille durait encore. Mais le comte Roger chassa les habits rouges de toutes leurs positions, reprit le Roc’h ar laz, la vallée de Pontaryar et Locquirec ».

Après St-Efflam et St-Hénora le Grand Rocher a été habité par le prophète Gwenchlan. Ce barde-poète du Vème siècle, vécut, dit-on, entre Roc’h Hellaz et Port Blanc, puis au manoir de Run an Goff sur la pente ouest du Menez Bré où il serait enterré (Grégoire de Rostrenen - 1732). Il séjournait souvent sur le Grand Rocher. On peut voir encore sur le Grand Rocher une curieuse roche en forme de patère connue sous le nom de « chaise de Gwenc’hlan » et du haut de laquelle le devin vaticinait :

Quand le soleil se couche que la mer gronde
Je sais chanter sur le seuil de ma maison.
Quand j’étais jeune je chantais
La vieillesse est venue et encore je chante… »

François Luzel, dans la Revue De Bretagne et Vendée (1865), a récapitulé tous les noms donnés au Grand Rocher :

Roc’h kellaz

Roc’h Garlan

Roc’h Allaz, nom donné par Rannou

Roch’ al laz : la roche du meurtre, nom donné par Luzel

Roc’h laz

Baudoin de Maison Blanche, dans Recherches sur l’Armorique, dit que « le Roc hel-laz est le rocher de l’immolation. Le serpent allégorique précipité dans la mer par Saint Efflam n’est évidemment que le dolmen, l’autel impur, cette table ronde dans laquelle est plantée la croix si fameuse de la Lieue de Grève ».

A. de Barthélémy, dans ses Mélanges de 1853 écrit que « Efflam aborda vis à vis d’un grand rocher nommé Hyr Glaz entre Toul Efflam et Locmikel appelé par un poète breton Kerlas, lieu du meurtre ».

B. Jollivet dit en 1859 que « Gwench’lan étant païen, il ne serait pas impossible que le Dragon vaincu ne fut qu’une image poétique de la lutte que dut avoir à soutenir Efflam, propagandiste de la foi, contre le plus ardent défenseur de l’idôlatrie ».

Au siècle dernier les gens de la région déclaraient que le Grand Rocher avait été habité au IIIème siècle par le barde satirique Riwal. Brizeux le cite dans ses « Histoires poétiques » et Prosper Proux, dans « Les bardes de Cambrie » :

Chantez Riwal, le sorcier Riwal,
Le barde satirique
Enfourchant un manche à balai
Pour s’envoler au sabbat.
Et la foule des démons qui l’entoure
En hurlant à travers les champs
Et les nains noirs de la colline
Entraînés dans leur folle ronde
Et les marsouins aux longs grognements
et les chevaux marins qui hennissent
Sur la cime des vagues écumantes
Quand rugit la tempête et gronde le tonnerre

Et la belle sirène si traîtresse
Moitié femme, moitié poisson
Qui séduit les marins par ses chants
Et fait briser les vaisseaux contre les écueils.

Chantez le pays de la verte Irlande,
Le pays des martyrs et des grands saints :
Efflam, Renan, Ke et Sane,
Saints pleins de foi et de charité…

Au fait, constate Emile Souvestre, Riwal se nommait Jean Riwal et fut à la Roche Derrien, au XVIème siècle, aubergiste et ménestrel ambulant. Il donnait des représentations de l’histoire des Quatre fils Aymon. D’autres auteurs déclarent qu’il habitait une cabane sur les bords du Trieux et que sa famille fut massacrée par les Chouans, ce qui le fait vivre deux siècles plus tard que ci-dessus annoncé. On raconte qu’il aida un nommé Guillaume de Kergrist à enlever une demoiselle Marguerite du Bourgoët et qu’il la cacha quelques jours dans sa taverne. Cet homme redouté pour ses railleries eut une fin cruelle, car il tomba dans une trappe où se trouvait un loup ; Emile Ernault conte l’histoire en vers :

Quand Riwall le rimeur disparut tout à coup
Dans la fosse où déjà s’était pris un vieux loup,
Devant ces blanches dents, devant ces yeux de braise,
Le barde au pied boiteux n’était guère à son aise…
Riwall est chez les morts ; que l’enfer lui pardonne !
Riwall chez les vivants ne mordra plus personne !
………………………………………………….
Lui qui raillait toujours, certe il ne raillait plus,
Et dans son coin le loup tout piteux et confus,
Ses poils bruns hérissés et sa langue bavante,
Epouvanté, tâchait d’inspirer l’épouvante…
…………….
Depuis quinze cents ans
Sa mort fait chaque hiver rire nos paysans.

Depuis Gwenc’hlan, depuis Riwal, le Grand Rocher n’abrite plus aucun barde. Il est permis de le regretter.

(publié avec l’aimable autorisation de l’écrivain Edmond Rébillé)

 

 © Copyright - Tous droits réservés.