GWENCHLAN

  Retour page d'accueil      Retour page Saint-Michel      Retour page Le Grand Rocher  

On ne peut parler de Saint-Michel-en-Grève, sans parler de ce mystérieux personnage Guinclaff ou Gwenc’hlan, voire Guiklé :

 

Gwenc'hlan

 

« Il vivait par la grâce de Dieu
Il n’eut pendant qu’il fut au monde
Que des feuilles vertes.
Il n’avait pas d’autre abri
Ceux-là qui vivaient alors
N’avaient pas plus d’avantage de nourriture.
Il était couvert d’une cape rousse
Pendant le jour et la nuit en sa vie sur terre
Il eut de Dieu sa gloire au ciel
Sans y manquer
Par la grâce de Dieu il connaissait
L’avenir au vrai, le temps manifesté divinement.
Un dimanche, le Roi Arthur l’arrêta,
Un beau matin au soleil levant :
Je vous en supplie au nom de Dieu,
Que vous disiez au Roi Arthur
Quel sorte de prodigeil arrivera au vrai
Avant la fin de ce monde »

rocher1.gif (6139 octets)

La chaise de Gwenc'hlan sur le Grand Rocher

 

Ainsi commence le « Dialog etre Arzur Roe d’an Bretounet ha Guinclaff » (dialogue entre Arthur roi des Bretons et Guinclaff). Poème de 247 vers en moyen breton mais qui contient des éléments extrêmement anciens et qui pour cette raison mériterait une étude approfondie. Ce texte est sensé nous révéler les événements dramatiques qui agiteront la Bretagne entre 1470 et 1488 : hérésies, troubles, attaques des Anglais, etc… 

A quoi reconnaîtra-t-on que ces temps de malheur sont proches ?. L’été et l’hiver seront confondus, les jeunes enfants auront, tels des vieillards, les cheveux gris et la terre la plus ingrate donnera le meilleur blé. On reconnaît ici le thème antique du « monde à l’envers ». 

Le baron Taylor précise encore : « Le prophète armoricain fut longtemps poursuivi par un prince étranger qui en voulait à sa vie. Son ennemi s’étant rendu maître de sa personne, lui fit crever les yeux, le jeta dans un cachot où il le laissa mourir, et tomba bientôt lui-même dans un champ de bataille sous les coups des Bretons, victime de l’imprécation prophétique du barde. Cadavre abandonné en pâture aux oiseaux de proie, sa tête livrée au corbeau, son cœur au renard, son âme au crapaud symbole du génie du mal. Au milieu de ce cri de vengeance éclate la haine de Gwenc’hlan contre les Chrétiens : Un jour viendra où les prêtres du Christ seront poursuivis ? On les tuera comme des bêtes fauves. Le carnage qu’on en fera sera tel qu’ils mourront tous par bandes sur le Menez Bré. Dans ce temps là la roue du moulin moudra menu. Le sang des moines lui servira d’eau ».

En 1884, l’abbé Le Pon, Laouénanig Zant Erwan (le petit roitelet de Saint Yves) évoque le souvenir de Gwenc'hlan et de son rocher :  

Hier soir grondait la mer bleue
Entre le Port Blanc et Roc’h Allaz.
Et entre le Port Blanc et Roc’h Allaz
J’entendis un long hurlement
Comme la voix de Gwinklan sur le bord de sa tombe,
Disant anathème à mon Dieu.


Marguerite Philippe, native de Pluzunet, l’une des informatrices d’Anatole Le Braz stipule :
« 
Il habitait, à l’entendre, le manoir de Rûn-ar-Goff, sur le versant occidental de la montagne. Son physique même n’était pas celui du commun des hommes. Il avait la tête mobile sur les épaules, et pour voir derrière lui n’avait pas besoin de tourner le corps. Ainsi, rien ne lui échappait : il avait les yeux partout à la fois. Il était comme le Ménez, qui, sans bouger, regarde les quatre coins du ciel. Au moral, pareillement, il possédait l’omniscience. Les autres mortels ne connaissent les événements que quand ils se sont produits ; lui les voyait se mettre en marche. D’humeur taciturne, il se plaisait peu à la conversation des humains, mais il avait avec les animaux de longs colloques. Les corbeaux, avant de regagner leurs gîtes des bois, venaient, le soir, lui faire leur rapport, et les oiseaux de passage s’arrêtaient sur le bord de sa croisée pour lui rendre compte de ce qu’ils avaient observé d’insolite sur leur parcours.
Quand approcha pour lui l’heure fatidique, un aigle de mer vint la lui annoncer. Il arracha une plume à l’aile de l’oiseau, et, avec cette plume, il écrivit son testament :
« Je vais disparaître, disait-il. Qu’on ne cherche point ma tombe : il ne sera au pouvoir de qui que ce soit de la découvrir. Je veux dormir en paix dans une sépulture inconnue. Qu’on ne cherche pas d’avantage mes livres et les secrets qu’ils contiennent. Je les emporte avec moi pour me servir d’oreiller. Quant à mes richesses, qui sont immenses, je les eusse volontiers léguées à mes concitoyens. Mais je leur donnerais là un présent funeste. Que les Bretons gardent leur pauvreté : elle est la source des meilleures joies ».
Cela fait, il plia le papier en quatre et le jeta au vent. Puis, à la nuit close, il se mit en route vers le Ménez. Derrière lui venaient les douze chariots de Rûn-ar-Goff, chargés de tonnes d’or, d’argent et d’escarboucles. Il avait eu soin, au préalable, de bander les yeux des conducteurs, en sorte que ceux-ci voyagèrent à l’aveuglette, réglant leur marche sur celle des chevaux. Ils racontèrent le lendemain qu’ils avaient dû accomplir un très long trajet. Le vrai, c’est que Gwenc’hlan, pour les mieux dépister, leur avait fait faire plusieurs fois le tour de la montagne. Brusquement, les attelages s’étaient arrêtés ; d’eux-mêmes aussi les chariots s’étaient vidés : les tonnes pesantes avaient chu sans bruit, comme englouties dans un puits sans fond. Après quoi l’on avait entendu s’élever une espèce de psalmodie vague, suivie d’un grand soupir. Et c’était tout ce que l’on avait su de la fin de Gwenc’hlan 
».