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LES PARDONS DE LANVELLEC ET SAINT-CARRÉ

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Le pardon de l'église paroissiale de Lanvellec se célèbre en l'honneur de saint Brandan le troisième dimanche de septembre, mais il n'offre rien de particulier. Il n'en est pas de même du pardon de Notre-Dame de Pitié qui a lieu, en la Chapelle-Neuve, au village de Saint-Carré en Lanvellec ; c'est l'une des plus belles fêtes populaires religieuses de Basse-Bretagne.

Le village de Saint-Carré doit son nom à une très antique chapelle dont l'origine se perd dans la nuit des temps. Elle était complètement ruinée quand vers 1660 un pauvre journalier nommé Jean Bizien, dévot serviteur de la sainte Vierge, fut favorisé d'apparitions merveilleuses de la Reine du ciel, retrouva dans les fondations du vieux sanctuaire une statué de Marie et entreprit de relever la chapelle. Aidé par le seigneur du lieu M. de Perrien et par les habitants du village, ce bon laboureur réussit dans son entreprise et put poser convenablement la statue miraculeuse de la Vierge dans l'édifice qu'il éleva et qui porte encore le nom de la Chapelle-Neuve. Jean Bizien termina son œuvre en 1697 et mourut en 1702.

Lanvellec : chapelle de Saint-Carré (Bretagne)

C'est aux fêtes de la Pentecôte que la foule des pèlerins vient à Saint-Carré gagner les indulgences appelées autrefois pardons et concédées par les Souverins Pontifes depuis Innocent XII en 1677 jusqu'à Grégoire XVI en 1838. Pendant trois jours on évalue ordinairement à quinze mille le nombre des pieux visiteurs du sanctuaire. La fête commence le samedi par les premières vêpres solennelles suivies de la procession des Miraculés ; elle se continue le dimanche et le lundi ; une grande foire se tient le mardi autour du sanctuaire.

Le samedi 12 juin 1886, quittant Plouaret nous nous acheminions nous-même vers Saint-Carré. Ignorant le chemin nous suivions les pèlerins déjà nombreux partis de Plouaret. Après avoir marché pendant quelque temps le long d'une grande route, nous nous engageâmes dans les champs, et apercevant au fond de la vallée le clocher de Saint-Carré nous nous agenouillâmes à l'imitation de ceux qui nous précédaient pour saluer le sanctuaire béni. Jusqu'alors les enfants, très nombreux ce jour-là, avaient couru les sentiers, mais une fois la chapelle aperçue et saluée ils marchèrent, comme leurs parents, gravement, en silence ou récitant des prières.

Nous sommes arrivés au village : une foule énorme entoure déjà la chapelle car le son des cloches annonçant les vêpres se fait entendre ; à l'ombre du sanctuaire grouille une multitude de pauvres estropiés et mendiants; les uns sont couchés sur de méchantes paillasses, les autres reposent dans de petites carioles à bras, ceux-ci chantent des complaintes en breton, ceux-là sont des aveugles conduits par la main ; si l'on avance vers la fontaine qui avoisine le sanctuaire on en retrouve d'autres assis sur les gradins de pierre et tenant à la main des écuelles, vous offrant de puiser l'eau dans la source sacrée ; tout le banc de granit formant la cloture du cimetière autour de la chapelle est également occupé par ces malheureux dont l'existence se passe à se rendre de pardon en pardon.

Mais chose touchante, au milieu de tous les cris des mendiants, de tous les chants des aveugles, du bruit causé par la multitude, circulent en silence des centaines de pèlerins faisant, le chapelet à la main, le tour du sanctuaire ; c'est, en effet, de la sorte qu'il faut agir avant d'entrer dans le temple, si l'on veut mériter la faveur de Marie. Beaucoup achètent ensuite des cierges et en façonnent des ex-voto comme le raconte le joli chant de Notre-Dame de Saint-Carré dont voici quelques extraits traduits du breton.

« La pauvre mère disait à son fils le jour du pardon de Saint-Carré : Jannik, Jannik, mon fils chéri, lève-toi un peu et sortons :

Vois mon fils, vois le beau temps ! comme le soleil béni est clair ! N'entends-tu pas le chant des petits oiseaux ? Partout des fleurs dans les champs !

Mon mal est si grand, ô ma mère, que je ne vois ni n'entends rien, ni la lumière du soleil béni, ni le chant des petits oiseaux !

Je ne rêve qu'à Marguerite ; elle est morte, hélas ! et mon pauvre cœur est brisé de douleur et ne guérira plus jamais !

Lève-toi, mon fils, Dieu est grand et il te donnera encore la santé : c'est aujourd'hui le pardon de Saint-Carré, la sainte Vierge te guérira.

Allons donc prier la Vierge pleine de pouvoir et de bonté, celle-là guérira ton cœur, quelque grand et profond que soit le mal !

....................

La mère prend un cierge de cire, blanche comme la neige sur la terre, et le pétrit en forme de cœur devant l'image de Notre-Dame.

Elle le donne à son cher fils et dit : prenez, Jannik, allez et consacrez-le à la Mère de Dieu et tôt après vous serez guéri.

Jannik prend le cœur de cire, le consacre à la Vierge et dit : Vierge Marie, qui êtes si pure, je veux vous dire ma peine :

Le jour du pardon de Saint-Pierre je vis, devant le saint en son église, Marguerite... comme elle était belle ! et moi je n'étais qu'un pauvre pâtre !

Vierge Marie, Mère de compassion, mère du Dieu tout puissant, nuit et jour, pendant que je serai dans ce monde, on m'entendra vous dire : Gloire et louange à la Vierge, pleine de pitié et de bonté ; chantons à la Vierge Marie : gloire, amour et louanges !.

....................

Le fils et la mère sont couchés dans une petite et pauvre chaumière ; et voilà qu'entre dans la maison la Mère de Dieu, la Vierge Marie.

Sans faire de bruit, tout doucement, elle pose la main sur le cœur de Jannik, elle lui sourit aussi, après quoi elle se retire.

Au matin quand se reveilla la mère, hélas ! son fils était mort ! Le soleil levant remplissait la chaumière et il paraissait lui sourire encore.

Elle se jette à terre sur ses genoux et s'écrie : Gloire à la Vierge Marie qui guérit toute douleur et toute plaie.

Gloire à Marie en tout temps puisqu'elle a guéri mon cher fils ? Mon fils Jannik est maintenant à chanter avec les anges de Dieu » {Note : Luzel, Bepred Breizad].

Comme la plupart des constructions de la fin du XVIIème siècle la Chapelle-Neuve n'a rien d'architectural. Cependant au chevet est une représentation de la descente de croix du Sauveur digne d'être signalée. Ce groupe d'une demi-douzaine de grands personnages est une œuvre intéressante de sculpture. Sur la façade de l'édifice est pratiquée une tribune renfermant un autel ; c'est là que se font les offices solennels quand la multitude des pèlerins ne peut s'assembler dans la chapelle, ce qui a lieu durant les trois jours du pardon.

Après les vêpres du samedi sermon en langue bretonne et procession des Miraculés ; on appelle ainsi les pèlerins attribuant à une grâce extraordinaire le succès de leurs espérances, la guérison de leurs maladies, la consolation de leurs peines intérieures, la résignation et le courage obtenus durant l'année par l'intercession de la Vierge de Saint-Carré ; ils forment un groupe à part, quelquefois revêtus d'habits de pénitence, toujours recueillis et priant.

Saint-Carré de Lanvellec (Bretagne).

La procession fait le tour du village et s'arrête devant un grand bûcher ; le clergé met alors le feu aux fagots qui brûlent en crépitant et dont les flammes s'élancent bientôt dans les airs ; pour activer ce feu on y lance force pétards et c'est un embrasement général qui, au milieu des coups produits par la poudre, gagne la croix fleurie posée au sommet du bûcher.

Pendant que le feu de joie se consume, le clergé chante debout, devant le brasier, le Cantique de Saint-Carré.

Miret ho fe d'ar Vretoned,
Hag ar Vretoned dei bepred
Da welet chapel Zant-Kare
Hag Itron Varia Drue.

[Note : Gardez leur foi aux Bretons,
Et les Bretons viendront toujours
Voir la chapelle de Saint-Carré
Et Notre-Dame de Pitié].

Et la foule des pèlerins répète en chœur le refrain du cantique :

Itron Varia Zant-Kare
O mamm Jezuz, Mam a Drue,
Goulennet evid-on pardon,
C'houi zo ma Mam ha ma Itron.

[Note : Dame Marie de Saint-Carré,
Mère de Jésus, Mère de pitié,
Demandez pour moi pardon,
Vous êtes ma mère et ma dame].

Au retour de la procession la bénédiction du Saint-Sacrement, donnée du haut de la tribune, termine la cérémonie.

Mais jusqu'au soir les pèlerins continuent de circuler autour de la chapelle et viennent encore prier au pied de la statue miraculeuse.

Les deux autres jours du pardon, grand'messes, vêpres et processions solennelles, mais sans feu de joie.

Signalons en finissant l'usage de la promenade qui se pratique à Saint-Carré le lundi surtout entre la grand'messe et les vêpres. En ce moment de la journée, les jeunes gens venus au pardon se joignent aux jeunes filles et se promènent avec elles sur la place du village ; les parents, les laissent ainsi libres de se livrer aux rêves de leur âge et de s'entretenir, deux à deux, des projets de mariage que plusieurs forment déjà. Cette promenade, faite en plein jour et sous les yeux de la famille, est un trait caractéristique des moeurs bretonnes. Les vieux parents aiment à voir leurs enfants purifier en quelque sorte leurs amours à l'ombre du sanctuaire béni de Notre-Dame de Saint-Carré.

(Abbé Guillotin de Corson, 1902).

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