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L'AFFAIRE DE LANNION SOUS LA REVOLUTION

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La misère était grande en Bretagne. Les récoltes avaient été presque nulles, depuis quelques minées, particulièrement en 1789, et, malgré les décrets les plus sévères, les blés devenaient la proie des accapareurs. Le peuple des campagnes manquait du nécessaire, ses provisions étant épuisées ou vendues, les habitants des villes mouraient presque de faim.

Lannion

Au commencement d’octobre 1789, il n’y avait de vivres que pour quinze jours dans les magasins de la marine de Brest ! Le conseil permanent de cette ville délégua six de ses membres pour acheter les grains nécessaires à la subsistance de la ville et du port. Le 16 octobre ces commissaires arrivent à Lannion pour y prendre livraison d’un convoi de blé et faire de nouveaux achats. Le 17 au soir, neuf heures, ce convoi de treize voitures vient les y rejoindre avec les grains achetés à Portrieux.

Huit hommes de la milice bourgeoise les escortent, sous le commandement du major Chrétien.

Malgré le décret de l'Assemblée nationale, dont les commissaires étaient porteurs, le peuple s’insurge contre ceux qu’il traite d’accapareurs et de fraudeurs. L’émeute se forme, s’empare des attelages, du grain et des hommes d’escorte, malgré les efforts de Chrétien et de Rivoalan, officier municipal. Ceux-ci sont bientôt renversés par la foule et traînés sur le pavé, aux cris furieux de « A mort ! à la rivière ! ». Rivoalan et Chrétien s’échappent néanmoins et courent demander l’appui du lieutenant colonel des volontaires, mais en vain !.

Ils se retirent, indignés de cette complicité, et Chrétien réclame à la foule, dirigée par un sieur Cadiou, alloué et lieutenant général de la sénéchaussée de Lannion, son portefeuille qui lui avait été volé dans la bagarre. Pour toute réponse il ne reçoit que de nouvelles injures.

« Il faut le pendre ! » hurlent les forcenés. Et l’un d’eux lui jette une corde au cou. « Oui, oui, dit Chrétien, indigné de tant de lâcheté, oui ! pendez-moi à la plus haute flèche de vos clochers ! Que le plus hardi vienne tirer sur la corde ! Ma tête servira de signal pour appeler à Lannion tous les vrais citoyens qui seront mes vengeurs ! ».

Quelques personnes applaudissent à cette courageuse réponse et la multitude lâche sa victime. Les commissaires délégués de Brest peuvent enfin se retirer dans une auberge et prendre quelque repos. Mais cette trêve ne fut pas de longue durée.

Le lendemain était un dimanche. Dès la première heure le bon peuple des campagnes environnantes, accourant à la ville pour assister à la messe, est vite endoctriné par les meneurs et se joint à la foule de la veille pour courir sus aux « accapareurs qui, lui a-t-on dit, veulent faire mourir de faim le pauvre monde en emportant tout le blé du pays ».

L’auberge qui a donné asile aux délégués est bientôt prise d’assaut par l’émeute qui menace d’enfoncer les portes de leurs chambres quand Le Hir, Guilhem, Bernard, Béranger et Demontreux les ouvrent d’eux-mêmes et descendent à demi vêtus. Les factieux les emmènent de vive force à l'auditoire. Pendant le trajet, un boucher s’élance vers Le Hir, en brandissant sa hache et propose de lui fendre la tête : « Le temps n’est pas encore venu ! » dit quelqu’un, et cette parole lui sauve la vie.

A l’auditoire siège l’alloué Cadiou, le chef de l’émeute. La foule menace de mort les délégués de Brest, s’ils ne veulent renoncer à leur mandat et signer l’abandon des grains au peuple de Lannion : « Je ne signerai pas, dit Demontreux, vous êtes maîtres des blés et de nos personnes, mais non de notre honneur ! ».

Un boucher saute sur la table du juge et, aiguisant son couteau sur son affiloir, se propose comme exécuteur du peuple. D’autres forcenés mettent le poing sur la figure des Brestois qui, les bras croisés, gardent leur attitude courageuse et calme.

Le lieutenant-maire, M. le Bricquir [Note : de la même famille que le notaire de Morlaix] de Meshir, et un gentilhomme, M. de Miniac, se jettent bravement entre les délégués et leurs adversaires, sauvant, pour la troisième fois, les héroïques Brestois, tandis que M. de Kerdanet, rentrant dans la salle, des clefs à la main, annonce aux assistants que le blé est « acquis au peuple » et enfermé dans les magasins de la ville. « Bravo ! bravo ! » crie-t-on de toutes parts, et Bricquir de Meshir, profitant de cette diversion favorable aux délégués, monte à son tour sur une table et s’écrie : « Laissez-les aller, je vous les représenterai, j’en réponds sur ma tête ; il faut les juger... ». Mais il est interrompu par mille voix : « Non ! non ! qu’ils abandonnent le grain ! » et les vociférations, les menaces, de recommencer de plus belle. Bientôt, le couteau sur la gorge, les malheureux délégués sont forcés de signer l’abandon des blés qu’ils étaient chargés d’amener à Brest.

Ils repartent aussitôt de Lannion, escortés par la milice, et, arrivés dans la nuit à Morlaix, s’empressent de protester énergiquement contre les violences dont ils viennent d’être l’objet et surtout de dénoncer l’indigne complicité du bureau de Lannion. Leurs plaintes ne restent pas sans écho et, dès le 20 octobre, une troupe, partie de Brest, se dirige vers la ville séditieuse. Elle se composait de 1.500 hommes et de quatre pièces de campagne, sous les ordres du jeune Daniel du Coloé, major des volontaires nationaux. Il était accompagné de quatre commissaires, chargés de réclamer la restitution des deux cent soixante sacs de grain, le désarmement des factieux, et la remise, entre leurs mains, du sieur Cadiou et de ses complices.

Mais le bruit causé par « l’affaire de Lannion » s’était déjà répandu au loin et toutes les villes bretonnes, indignées, envoyèrent des volontaires en armes pour punir la lâche conduite des Lannionnais. Cotoé, à peine arrivé à Morlaix, se trouvait à la tête de près de trois mille hommes. On dépêcha des courriers pour enrayer le mouvement et engager toutes les villes à contenir leurs milices. Les communes de Morlaix, Guingamp, Pontrieux, Quimper, Moncontour, Tréguier, Landerneau, Pontivy et Brest envoyèrent alors des commissaires délégués qui, réunis en assemblée avec ceux de Lannion, prirent d’énergiques mesures pour éviter le retour de semblables excès.

Cette réunion eut lieu le 26 octobre 1789, sous la présidence de Monsieur Bouestard de la Touche, de Morlaix, assisté de plusieurs honnêtes habitants de Lannion, tels que Le Bricquir de Meshir, Rivoalan, Kerdanet et autres. L’assemblée, forte de la présence des troupes cantonnées dans la ville, fit reprendre les grains emmagasinés par les factieux, solder, aux frais de la municipalité de Lannion, les troupes qui étaient venues y rétablir l’ordre, et arrêter Cadiou et ses misérables complices, principaux instigateurs de l’émeute.

Profitant ensuite de leur réunion pour resserrer les liens de fraternité des cités bretonnes, les commissaires délégués des communes se promirent, au nom de leurs commettants, attachement, mutuelle assistance et fidélité inviolable. Cette assemblée fut le point de départ du pacte fédératif, signé l’année suivante à Pontivy (J. Baudry)

 

Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu'en 1815.

« A la fin d'octobre, il ne restait de blé dans les magasins de la marine de Brest que pour trois semaines au plus, et le directeur des vivres avait par jour 12 ou 15 mille hommes à nourrir. Ne recevant de sa compagnie que des réponses vagues et des promesses de cargaisons de grains achetés chez l'étranger, qui tous les jours devaient arriver et cependant n'arrivaient point, il eut recours dans sa détresse à la municipalité. Après qu'il eut été vérifié par sa correspondance qu'il était personnellement exempt d'inculpation, on arrêta qu'il serait envoyé douze commissaires tirés du conseil même, et qu'ils se diviseraient en quatre commissions pour tirer des secours de toute la Bretagne, et y acheter les grains nécessaires à l'approvisionnement du port. On s'empressa de toutes parts de venir à l'aide d'une cité aussi intéressante par le nombre et le patriotisme de ses habitans, que par l'importance de ses arsenaux, et sa position qui la rend une des clefs de l'empire. La ville de Lanion seule, ou plutôt une faction qui la tyrannisait, repoussa avec dureté les demandes qui lui furent faites, et joignit l'injustice la plus révoltante aux traitemens les plus odieux exercés sur les commissaires. La municipalité y était sans force et sans pouvoir. Un prétendu conseil du peuple s'était emparé de toute l'autorité, et appesantissait un joug de fer sur tous les bons citoyens. Les députés de Brest furent traduits devant ce nouveau sénat ; ils lui exposèrent l'objet de leur mission, et le prévinrent de la prochaine arrivée des blés qu'ils avaient achetés dans les villes voisines, et dont le transport devait s'effectuer par Lanion, pour y être embarqués. Ils demandèrent protection et secours l'un et l'autre leur furent refusés. Cependant le convoi de grains qu'ils attendaient arrive le lendemain avec une escorte commandée par le brave Chrétien, major de la garde nationale de Pontrieux. Une multitude emportée l’attaque avec fureur, s'empare du convoi, désarme ceux qui l’escortaient, et veut pendre leur chef, qui ne dut son salut qu'à son sang-froid et à son courage. Les commissaires sont encore mandés au conseil du peuple, dont le président excite comme à dessein la colère par les questions insidieuses qu'il leur adresse. On nie la validité de leurs pouvoirs ; on les accuse d'être des accapareurs ; les couteaux s'aiguisent, les cordes se préparent pour les massacrer ou les pendre ; on les charge d'indignes traitemens et d'outrages ; on les réduit à implorer, comme une faveur, une mort prompte qui abrège leurs tourmens ; enfin on leur déclare que le seul moyen qui leur reste de racheter leur vie, est de faire au peuple un abandon pur et simple de leurs grains. Ils sont forcés d'y consentir, et n'en obtiennent pas davantage leur liberté. Le lieutenant du maire, instruit du danger qui les menace, vient à leur secours, obtient à force de prières qu'ils seront relâchés, et croit ne pouvoir les placer dans un plus sûr asyle que dans la maison même de M. Cadiou, président du conseil du peuple. Mais quelle est sa surprise et la leur, lorsque cet homme, violant dans sa propre maison les droits de l'hospitalité, vient leur signifier, à la tête d'une troupe de séditieux, qu'il faut mourir ou signer un acte dans lequel en faisant au peuple un nouvel abandon de leurs blés, ils se reconnaissent pour des accapareurs qui n'ont eu pour en faire l'achat aucun titre légal. Dans le premier mouvement de leur indignation, ils préfèrent la mort à une telle ignominie. Mais bientôt réfléchissant qu'un acte arraché avec une violence aussi révoltante, était radicalement frappé de nullité, ils se décident à signer la déclaration qu'on leur présente, et se hâtent de sortir d'une cité asservie par une action aussi cruelle. Ils en partent, non sans péril, et après avoir reçu plusieurs coups de pierre. Arrivés à Morlaix, ils protestent contre l'acte de violence exercé sur eux dans la ville de Lanion, et lui font sur-le-champ signifier leur protestation. De retour à Brest, ils rendent compte de leur mission au conseil-général assemblé en présence d'une foule de peuple qui assistait à la séance. Au récit des maux qu'on leur a fait endurer un cri universel retentit dans toute la salle. La ville entière veut partir sans délai pour effacer du nombre des cités, une cité inhospitalière qui a violé les droits des hommes, les droits des nations, et préparé des supplices à ceux qui venaient au nom de l'humanité, des lois et de la patrie, demander à des citoyens du pain et des secours pour des concitoyens. Ce n'est qu'avec peine qu'on parvient à calmer ce premier mouvement et à persuader aux habitans de remettre le soin de leur vengeance à 1.800 hommes, dont moitié de la garde nationale, moitié de troupes de ligne et de marine, sous les ordres d'un major d'infanterie et d'un major de marine. Le commandement en chef de l'expédition fut donné à M. Daniel, major-général de la garde nationale de Brest. Cette petite armée partit le lendemain, précédée de quatre pièces de campagne, de plusieurs brigades de maréchaussée et des archers de la marine qui formaient un petit corps de cavalerie. Celles des villes voisines vinrent s'y joindre pendant la route. Lesneven, Landernau, Landivisiau et Morlaix fournirent des détachemens qui firent monter l'armée à deux mille quatre cents hommes. La nouvelle de ce qui venait de se passer à Lanion excita dans toute la province la même indignation qu'à Brest ; elle fit craindre aux patriotes éclairés que cette ville ne devint le foyer d'un incendie qui pourrait se propager au loin, et qu'il ne serait pas facile d'éteindre. On fit partir aussitôt de toutes parts des médiateurs pour ramener la paix, et des troupes pour punir les coupables, s'ils tentaient de soutenir par les armes les excès auxquels l'erreur d'un moment ou des intentions criminelles les avaient entraînés. Vingt-cinq mille hommes furent en marche en un instant, et s'avancèrent sur Lanion. M. Daniel craignit que l’apparition subite d'une telle armée dans un pays dépourvu de vivres, n'exposât et l'armée et le pays entier aux horreurs de la famine ; et, quoique persuadé qu'il faut avoir une force imposante pour être dispensé d'en faire usage, il se pressa d'envoyer des courriers pour faire rétrograder les troupes. Malgré les avis alarmans qu'il recevait de divers côtés, des dispositions militaires et des intentions hostiles des habitans de Lanion, il continua sa route, et arriva à la vue de cette ville, à dix heures du matin, le troisième jour de son départ de Brest. Il fit ranger ses soldats en bataille sur la hauteur, et, après leur avoir recommandé l'esprit de clémence et les sentimens d'humanité qui sont dus à des hommes qui ne font aucune résistance et à des citoyens égarés, mais repentans, il attendit à leur tête la réponse qui serait faite aux conditions que devaient proposer les commissaires conciliateurs de Brest qui les avaient devancés : elles se réduisaient à la restitution des grains arrêtés, à la punition légale des auteurs de la sédition, et au paiement des frais de la campagne. Après une demi-heure de conférence, on vint lui annoncer qu'elles étaient acceptées. Il s'avance aussitôt vers la ville à la tête de sa troupe, et trouve en arrivant la municipalité et les notables qui lui annoncent les engagemens qu'ils venaient de prendre, et implorent son indulgence pour les malheureux habitans. Il répond qu'il n'est pas venu leur apporter la guerre, mais pour faire exécuter les lois, et que, quelque atroce qu'eût été leur conduite envers les députés de Brest, son intention n'était pas d'user de représailles. On avait renvoyé au lendemain la signature des articles arrêtée la veille, et tous les commissaires-médiateurs des différentes villes avaient été invités, ainsi que le commandant de l’armée, à assister à la conclusion de ce traité. Mais on avait manœuvré pendant la nuit et les chefs des factieux osèrent engager la municipalité à refuser de remplir les promesses qu'elle avait faites la veille. Le commandant indigné se proposait de se retirer, après avoir déclaré qu'il allait employer les moyens violens qu'une mauvaise foi aussi insignée l'obligeait de prendre pour faire rendre justice à ses commettans. Les commissaires annoncèrent pareillement que si la ville de Lanion persistait dans le refus de tenir ses engagemens, ils allaient s'éloigner à l'instant même, et faire cannaître à toute la France l’indignité d'une telle conduite. Les municipaux signèrent enfin, et firent arrêter de leur propre mouvement plusieurs personnes accusées d'avoir excité l'insurrection populaire. M. Cadiou fut mis en état d'arrestation à l'arrivée de l'armée ; beaucoup d'autres furent dénoncés à la justice. Des privilégiés furent accusés par les détenus d'avoir répandu de l'argent, et distribué de l'eau-de-vie le jour que la vie des députés de Brest avait été menacée. Plusieurs d'entre eux prirent la fuite pour se soustraire à la rigueur des lois : leurs co-accusés y échappèrent également à la faveur de la faiblesse des tribunaux, de la complication des formes de la justice criminelle et de cette agitation générale qui, dans les temps de troubles et de révolution, fait vaciller dans les mains incertaines des juges, le glaive de la justice. Cette expédition produisit cependant un effet salutaire, et en imposa aux mauvais citoyens très-nombreux dans ce canton, par la réunion des forces et des volontés des bons citoyens pour le succès de la cause commune. La ville de Brest ayant ratifié le traité, les grains ayant été rendus, et le procès des coupables commencé, l'armée, après avoir séjourné six jours à Lanion retourna en bon ordre à Brest et y rentra aux acclamations de tous les citoyens ».

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