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LE PRIEURÉ DE NOTRE-DAME DE KERNITRON A LANMEUR

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A 300 mètres au Nord de la petite ville de Lanmeur, l'antique chapelle de Notre-Dame de Kernitron [Note : Prononcez Kernitronn (son nasal). La prononciation locale fait même entendre : Kernitroun] abrite dans un bosquet de hêtres et de marronniers aux vigoureuses ramures ses vétustes murailles en granit jaunâtre et sa pesante tour carrée, sommée d'une flèche d'ardoises. C'est un de ces vieux sanctuaires que le peuple entoure chez nous d'une immémoriale vénération, comme s'il saluait en eux les églises-mères de la région, les tiges fécondes d'où ont jailli tant de rameaux parés d'une si riche floraison religieuse et monumentale. Dans le pays de Lanmeur, Kernitron passe pour la doyenne, pour l'aieule des églises d'alentour ; c'est en quelque sorte la capitale mystique du Trégor morlaisien.

Ville de Lanmeur (Bretagne) : la chapelle de Kernitron.

A cette prééminence incontestée, due au prestige de sa légendaire fondation par des princes et des saints, aux grâces précieuses que Marie y a dispensées de tout temps avec une largesse particulière, et que le Souverain Pontife a consacrée en 1909 par l'hommage de la Couronne d'Or, l'église de Kernitron joint le mérite d'être un ancien et curieux édifice, dans lequel un bon juge, le savant chanoine Abgrall, découvre « le spécimen le plus complet et le plus intéressant de l'architecture romane dans cette partie du diocèse de Quimper ». Elle réunit donc en elle l'attrait d'un pélerinage en renom, d'un sanctuaire privilégié hanté journellement par de pieux fidèles, et celui d'un beau monument qui subsiste comme le rare souvenir d'un très lointain passé. Ces titres divers nous paraissent justifier la publication de la présente notice, destinée à faire connaitre l'histoire de l'ancien prieuré royal et abbatial de Notre-Dame de Kernitron aux visiteurs qui affluent chaque année plus nombreux, en pélerins fervents ou en archéologues avertis — les deux choses, Dieu merci, ne s'excluant nullement l'une l'autre — sous ses voûtes séculaires.

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A en croipe le naïf et délicieux Albert Le Grand, qui rédigea vers 1640, au monastère des Dominicains de Morlaix, sa célèbre Vie des Saints de la Bretagne Armorique, la fondation du l'église de Kernitron doit être attribuée à saint Samson, évêque de Dol, auquel le comte de Domnonée Judual avait donné, vers l'an 550, la ville de Lanmeur, nommée alors Kerfeunteun (la ville de la Fontaine), à cause d'une source présumée druidique qui coule encore aujourd'hui sous la crypte de l'église paroissiale.

Les circonstances dans lesquelles Judual fut amené à faire ce riche présent au premier évêque de Dol méritent d'être rapportées, tant à cause de leur caractère émouvant et tragique que parce qu'elles se trouvent intimement liées à l'histoire même de Lanmeur et à la touchante légende de son patron Saint Mélar. Judual était fils du comte de Domnonée Iona ; après la mort de celui-ci, le comte de Poher Conomor, ambitieux sans scrupules qui rêvait de devenir roi de toute la Basse-Bretagne, obligea sa veuve à l'épouser, et s'empara de la tutelle de l'enfant, en s'arrogeant de ce chef la régence de la Domnonée. En l'an 514, il résidait au château de Beuzit, vieille place forte dont on voit encore la terrasse bordée d'une double enceinte de talus et de douves à 1000 mètres dans l'ouest de Lanmeur, près du chemin de Plouézoc'h. Là, Conomor vit un jour se présenter devant lui, implorant protection et secours, un jeune enfant haletant, épuisé, aux pieds saignants, aux vêtements en lambeaux. Cet enfant, c'était le prince Mélar, fils du comte de Cornouaille Méliau, qui avait péri assassiné par son propre frère Rivod. Après cet horrible fratricide, Rivod voulut compléter son crime et s'assurer du pouvoir en faisant aussi mourir Mélar, et il corrompit le gardien du jeune prince, Kerioltan, lui promettant, en échange de la tête de son neveu, toutes les terres qu'on découvrait du sommet du Mont-Frugy, à Quimper.

Prévenu à temps du complot, Mélar put tromper, pendant la nuit, la surveillance des soldats de Rivod, et s'enfuit seul, à pied, comme un pauvre faon traqué, par l'antique voie romaine au pavage grossier, coupé de fondrières, qui courait droit vers Carhaix à travers les Montagnes Noires. Carhaix était la capitale de Conomor, près duquel Mélar espérait trouver un asile, et, ne l'y ayant pas rencontré, il poursuivit sa route jusqu'à Lanmeur, par une autre vieille voie restée depuis jalonnée de chapelles, de croix, de souvenirs du passage de ce malheureux enfant. Conomor n'avait encore pas fermé son cœur à toute pitié. Il accueillit avec bonté le jeune prince et lui garantit la vie sauve tant qu'il ne quitterait pas le Beuzit. Mais dès le lendemain, on vit arriver au château Kerioltan et son fils Justin, qui avaient suivi la piste de Mélar et qui, n'ayant pu le rejoindre en chemin pour l'égorger, voulaient tenter d'en arriver à leurs fins par traîtrise. Tous deux tombèrent aux genoux de Mélar, versant des larmes, battant leur coulpe, feignant un profond repentir dont la candeur du pauvre enfant ne pouvait soupçonner l'hypocrisie. Il releva les misérables, les assura de son pardon et consentit même, malgré les sages conseils de Conomor, à les accompagner jusqu'à leur hôtellerie de Lanmeur, où, suivant la coutume de l'époque, il partagea leur couche, tel, dit un hagiographe, qu'un agneau entre deux loups. Tant de confiante candeur, de faiblesse et d'abandon ne désarmèrent point les deux scélérats. Au milieu de la nuit, Justin trancha d'un seul coup d'épée le cou frêle du prince, enferma sa tête dans un sac de cuir et se sauva avec son père par la fenêtre. La main de Dieu était déjà sur lui. En sautant, il se brisa le crâne contre une pierre. Déchiré par la douleur, le remords et la cupidité, Kerioltan galopa ventre à terre, sans débrider, jusqu'à Quimper, jeta aux pieds de Rivod la blonde tête de l'enfant et gravit aussitôt le Mont-Frugy pour découvrir les domaines qui lui coûtaient son fils. Mais ses yeux, assurent les légendaires, jaillirent de leurs orbites, et, se roulant à terre comme un furieux, il expira dans les affres de la rage et du désespoir. Trois jours plus tard, Rivod était à son tour frappé par la colère céleste, et mourait en damné sans avoir pu jouir du pouvoir acheté au prix d'un double crime.

Conomor fit ensevelir les restes mortels du jeune martyr en l'église de Lanmeur, dans la très ancienne crypte conservée sous le chœur de l'édifice actuel. Son tombeau, taillé en forme de sarcophage dans un bloc de granit, exista jusqu'au dix-huitième siècle sur le maître-autel, et l'on visite encore, dans une maison voisine, la chambre où il fut assassiné. Sa statue en occupe l'un des coins, et des taches rousses sur la muraille sont regardées comme les éclaboussures de son sang.

Peu après cette tragédie, Conomor quitta Lanmeur pour aller habiter à l'autre extrémité de la Domnonée, près de Corseul. Son ambition croissante le poussait à se défaire de son pupille Judual, tout comme Rivod s'était débarrassé de Mélar. Mais quand il alla réclamer le prince à Saint Lunaire, qui l'élevait et l'instruisait dans son monastère, celui-ici le lui montra du rivage sur le pont d'un navire qui s'éloignait rapidement, toutes voiles dehors, l'emportant hors des atteintes du tyran, vers la cour de Childebert, roi de France. Ne pouvant atteindre le fils, Conomor se vengea sur la mère, sa femme, se mit à persécuter le clergé, à molester ses sujets, à entasser tant d'iniquités et de sacrilèges qu'il s'attira le surnom terrible de Conomor le Maudit. Les évêques et les abbés de Bretagne, réunis sur la montagne de Méné-Bré, près de Guingamp, fulminèrent contre lui un solennel anathème, et Saint Samson, fondateur du monastère de Dol, se rendit à Paris pour obtenir de Childebert qu'il voulût bien rendre aux Domnonéens leur vrai comte Judual, en l'aidant à combattre et à renverser l'odieux usurpateur. Sa requête fut exaucée, et bientôt Conomor, vaincu dans deux premières rencontres, devait reculer, pour une lutte suprême, jusqu'à ses montagnes du Poher.

La bataille eut lieu à l'emplacement actuel de l'abbaye du Relec, en Plounéour-Ménez, et dura trois jours entiers, acharnée, implacable. Saint Samson se tenait en prières sur un rocher, invoquant le secours de Dieu pour Judual. Celui-ci, redoublant d'efforts, enfonça les rangs des ennemis, s'élança sur Conomor lui-même et le tua d'un coup de javelot. Cette dernière et complète victoire lui rendit le sceptre de Domnonée. Vivement reconnaissant envers Saint Samson, qui resta toujours son conseiller et son ami, Judual lui fit de nombreuses libéralités territoriales et lui donna, comme nous l'avons dit, la ville de Lanmeur, où il établit un nouveau monastère qui fut l'origine du prieuré de Kernitron.

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La tradition locale raconte autrement, et d'une façon non moins captivante, la fondation de l'église de Kernitron. Elle l'attribue à Sainte Tryphine, femme du roi Arthur (en réalité, ce fut la seconde épouse de Conomor), douce et pieuse princesse dont les malheurs ont fourni le sujet d'un des plus attendrissants de nos anciens mystères bretons. Elle vivait heureuse avec son mari au château de Beuzit ; non loin, au château de Kervouran, habitait aussi sou frère, homme méchant et envieux, capable de tout immoler à sa soif de puissance et de richesses. Le roi d'Angleterre, dévoré vivant par la lèpre, lui avait promis la main de sa fille et la moitié de son trône s'il parvenait à le guérir. Pour cela, selon la révélation d'une sorcière, il. n'existait qu'un seul moyen : faire manger au monarque la chair grillée d'un nouveau-né de sang royal. Afin de procurer au roi cet affreux remède, le seigneur de Kervouran n'hésite pas à faire enlever l'enfant que sa soeur venait de mettre au monde, mais une tempête brise sur les rochers le bateau qui emportait vers Londres le fils de Tryphine et sa nourrice, et l'évêque de Saint-Malo, témoin du naufrage, recueille l'un et l'autre dans son palais.

Kervouran attend longtemps et en vain, sur les quais de Londres. Il s'en prend de sa déconvenue à l'infortunée Tryphine, et la calomnie près du roi Arthur, l'accusant d'avoir fait elle-même disparaitre son enfant. Crédule et emporté, le souverain veut châtier par une mort infamante celle qu'il croit coupable, et la pauvre reine, pour échapper aux bourreaux, doit s'enfuir, déguisée en pauvresse, jusqu'à Alençon, où elle devient gardeuse de pourceaux au service d'une riche dame de cette ville. Quelques années se passent. Un jour, Tryphine voit entrer dans la cour du manoir un fier et beau cavalier dont l'aspect la fait blêmir et frissonner ; au cri qu'elle pousse, le roi Arthur, car c'était lui, la regarde à son tour, reconnaît sa femme, s'élance vers elle et la saisit dans ses bras avec des paroles de tendresse et de repentir. Depuis longtemps, désabusé sur le compte de Tryphine, déplorant ses soupçons injustes, il la cherchait pour lui rendre, dans son cœur et à sa cour, la place dont elle n'avait pas cessé d'être digne.

Le bonheur renaît donc au château de Beuzit ; toutefois, la tragédie n'en était pas encore à son dernier acte, et la pauvre reine devait subir une seconde et terrible épreuve, avant que la protection divine vengeât son innocence en confondant ses ennemis. Sur les instances de Tryphine, Arthur avait consenti à pardonner au misérable Kervouran, mais ce dernier, toujours brûlé de haine, combine contre sa sœur une machination diabolique qui verse une seconde fois le désespoir et la fureur dans l'âme inquiète d'Arthur. Traînée devant les juges, condamnée au supplice des pires criminels, Tryphine gravit les marches de l'échafaud, et voyant en face d'elle l'époux qui a ordonné son martyre et qui vient y présider, elle lui jette ce déchirant adieu : « Arthur, je meurs sans colère, puisque c'est vous qui me faites mourir, je meurs sans regrets, puisque vous ne m'aimez plus ».

Au moment où elle s'agenouille pour poser sa tête sur le billot, un grand tumulte s'élève sur la place de Lanmeur. Les rangs de la foule s'écartent, et laissent passer, monté sur un magnifique cheval, un enfant beau comme un chérubin, équipé de pied en cap d'armes étincelantes, et qui brandit, dans sa main déjà ferme, une épée flamboyant au soleil. C'est le fils d'Arthur et de Tryphine, élevé secrètement chez l'évêque de Saint-Malo, et que le prélat, instruit par un avertissement divin, envoie sauver et venger sa mère. L'enfant court droit à Kervouran, l'accuse, le provoque, croise le fer avec lui, et d'un seul coup d'estoc, le renverse sur le pavé, ses entrailles à nu. Se voyant perdu, le scélérat confesse publiquement ses impostures et ses calomnies, rend hommage à la vertu de Tryphine, et meurt pardonné par sa victime. Désormais, les mauvais jours sont finis, et le château royal sera un séjour heureux d'affection et de paix, où Tryphine vivra tranquille entre l'époux qui la vénère et le fils qui l'a arrachée au bourreau. Mais de tels orages ont enseigné à la reine de Bretagne le néant des joies et des espoirs du monde. Elle tourne son regard vers le Ciel, vers l'Ami qui seul ne trahit point, vers la Sainte Vierge qui l'a protégée, et elle fait construire près de sa demeure une riche église où tous les jours, durant de longues heures, elle s'absorbera en oraisons ferventes, en méditations, en actions de grâces, ce qui donna lieu au peuple d'appeler cette église Ker-an-Itronn (le lieu de la Dame).

Telle est la légende de Kernitron : Elle a fait couler bien des larmes, dans tout le pays de Tréguier, alors que ces troupes de Comediancherrien, de " tragédiens " dont Lanmeur possédait l'une des plus célèbres, la représentaient, sur les théâtres rustiques des bourgs, dans la vieille langue bretonne, devant une assemblée palpitante d'émotion et de pitié. Peut-être contient-elle une part de vérité, en ce qui concerne la fondation même de l'église, car Sainte Tryphine ayant été pendant deux ans (546-548) la femme de Conomor, a pu, avant d'être égorgée par son farouche mari, sorte de Barbe-Bleue de ces temps barbares, résider au Beuzit et faire édifier à Lanmeur l'église qu'un peu plus tard Saint Samson utilisa pour son monastère. En tout cas, le nom de lieu de la Dame doit plutôt se rapporter à la Dame par excellence, à la Souveraine Patronne de l'église, qu'à une princesse terrestre.

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Saint Magloire fut le premier abbé du monastère de Lanmeur, que les Normands saccagèrent et brûlèrent en 877. Lorsque les vaillants chefs Allain Barbe-Torte et Juhaël Bérenger eurent délivré la Bretagne de l'engeance saxonne et danoise, après avoir écrasé ses dernières bandes à la bataille de Trans en 937, les sanctuaires détruits par les pirates du Nord se relevèrent de leurs ruines. Des moines bénédictins de l'abbaye de Saint Jacut de la Mer vinrent s'établir à Lanmeur, où ils rebâtirent la chapelle de Kernitron et l'église paroissiale de Saint-Mélar, dont la crypte, échappée aux dévastateurs, est demeurée comme un type presque unique de nos primitifs monuments chrétiens.

D'après une bulle du pape Alexandre III donnée en 1163 pour Saint Jacut, le prieuré de Kernitron possédait la cure de Lanmeur avec deux parts de la dîme paroissiale, et certains droits en l'église de Plougasnou. Les bons moines qui le desservaient créèrent à Lanmeur, dans la suite des âges, divers établissements de bienfaisance : un hôpital dédié à Saint Colomban, plus tard destiné à renfermer les fous agités de la région, ce qui a donné lieu à l'apostrophe trégorroise : Te zo nuioc'h foll evit ar re zo staget en Lanmeur. (Tu es plus fou que ceux qui sont attachés à Lanmeur) ; une maladrerie dans les faubourgs, consacrée à Sainte Madeleine, au lieu dit encore : Laourou (les lépreux) ; un autre hôpital de pélerins, nommé an Hospital Pell (l'hospice éloigné), sur la route de Lannion, à proximité de la grande artère que suivaient chaque année, au moyen-âge, des milliers de fidèles pour la célèbre dévotion nationale du Tro-Breiz.

Aucun document pour ainsi dire n'a survécu qui puisse nous donner quelque lumière sur l'histoire de Kernitron, dans le cours des temps antérieurs au seizième siècle. Mais, comme garant de la vénération populaire, consacrée par d'abondantes faveurs, qui s'attachait, toujours grandissante, à cette dévote chapelle, nous avons la pieuse et très ancienne coutume encore observée de nos jours. Lorsque les processions des paroisses voisines, Guimaëc, Saint-Jean-du-Doigt, Plougasnou, Locquirec, passent à certains endroits élevés d'où l'on aperçoit au loin le clocher de Kernitron, le cortège s'arrête, et, tourné vers l'antique sanctuaire, entonne l'Ave Mari Stella. L'hymne achevé, la procession reprend sa marche. Chacune de ces stations s'appelle Salud ar Verc'hez (Salut de la Vierge) et se trouve signalée par une vieille croix de pierre qu'on nomme Kroas ar Salud (la Croix du Salut). Dès cette époque, déjà, les mêmes paroisses, et d'autres encore moins proches, avaient l'usage d'envoyer à la procession du grand pardon de l'Assomption, à Kernitron, leurs bannières et leurs croix d'argent, afin d'embellir le défilé, et en signe de déférence pour la Toute-Puissante Dame qui régnait mystiquement sur le pays. Deux puissants châtelains d'alentour, les seigneurs de Boiséon en Lanmeur et de Tréléver en Guimaëc, s'étaient constitués les chevaliers de la Sainte Vierge, les défenseurs du patrimoine de son sanctuaire, où ils avaient chargé de leurs armoiries murailles, clefs de voûte et verrières. En reconnaissance, le prieur leur donnait, au premier jour de janvier, une viande de chevalier, c'est-à-dire une solide collation pour eux et leurs gens. Plus tard, cette redevance fut transformée en celle d'un quartier de froment.

Au quinzième siècle, la translation du Doigt de Saint Jean dans une chapelle de Plougasnou, et l'immense concours de pélerins qui en fut la résultante, ne purent que profiter à l'église de Kernitron. Les innombrables fidèles qui chaque année, au solstice d'été, affluaient des profondeurs du Tréguier et de la Ccrnouaillc par la vieille voie pavée joignant Carhaix à Lanmeur et se prolongeant jusqu'au littoral, ne manquaient pas, au passage, d'entrer se prosterner devant l'image de Marie et de lui offrir, avec leur prière, leur humble offrande. On voit encore à Lanmeur, sur la colline de Saint-Fiacre, au bord du chemin de pélerinage, un curieux souvenir de ces pieuses migrations. C'est un oratoire voûté, dépendant de la chapelle voisine, et sous lequel on transportait, à l'époque du pardon de Saint-Jean-du-Doigt, la statue du patron des jardiniers. Près d'elle, dans une petite loge munie d'un banc de pierre et de deux embrasures permettant de surveiller la route de l'aller et celle du retour, se tenait le fabrique, implorant les aumônes des voyageurs, célébrant les mérites de Saint Fiacre, « prêchant pour son saint ». Les deniers et les liards, quelquefois les sols, tombaient dru dans le plat de cuivre placé devant la statue. Aujourd'hui, la chapelle s'est écroulée, les pélerins de Saint-Jean ont déserté l'ancienne voie romaine pour des routes plus commodes, et, réfugié dans son oratoire chancelant, battu des vents d'hiver, réduit à la plus lamentable détresse, le pauvre Saint Fiacre semble écouter encore si quelque pas de pélerin charitable ne résonne pas au loin sur le vieux chemin abandonné.

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Au seizième siècle, l'abbaye de Saint Jacut tomba en commende, et les charitables Bénédictins durent quitter Lanmeur, mais Kernitron continua de dépendre, jusqu'à la Révolution, des évêques de Dol, qui en nommaient les prieurs. Dans un acte de 1551, le plus ancien que nous possédions sur ce bénéfice, un certain Jehan Hameury, qualifié « gouverneur, syndicque et trésorier de la chapelle de Nostre-Dame de Kernytron » acquiert de Marguerite Pasquelin, femme de noble Guillaume Corre, une rente de 100 sols sur une maison dans la Rue Vassalour, à Lanmeur.

En 1587, le prieur de Kernitron était Messire François de Goezbriand, prêtre, fils aîné de la maison du Roslan en Plougasnou. De son temps, Maistre Paul Riou, prêtre et chapelain de Lanmeur, donna par testament à l'hôpital de Lanmeur, à Notre-Dame de Kernitron et à Saint Mélar, deux pièces de terre dont l'une, dite Parc-ar-Peulven, devait sans doute ce nom à un menhir. Son successeur, Messire Yves Arrel, sieur de Coatmen, fut un personnage d'importance qui réunit au titre de prieur commendataire de Kernitron ceux de doyen de Lanmeur, chanoine et chantre de Tréguier, grand-vicaire et official de Dol. Il trouva les affaires de son prieuré en triste état, à la suite des calamités de la Ligue et des ravages accomplis par les gens de guerre dans la région : partout des terres en friche, des maisons pillées et brûlées, des hameaux dépeuplés par la famine ou la peste. Aussi, pour éviter la saisie et la vente des biens du bénéfice, à cause du défaut de payement de l'impôt des décimes dûs au roi, auquel son fermier ne pouvait satisfaire, il dut s'engager, en 1615, à désintéresser dans un an Maître Antoine Deschault, receveur des décimes de l'évêché de Dol. En même temps, il faisait condamner, à s'acquitter de leurs charges ceux de ses tenanciers qui avaient profité du désordre et des troubles pour s'affranchir de payer les rentes du prieuré.

Malgré tout, de bonnes âmes n'oubliaient pas la Vierge de Kernitron dans leurs libéralités dernières. En 1605, Levenez Le Bihan, demeurant à la Maladrerye, près Lanmeur, lègue par testament « pour sa dévotion et offrande par chacune feste de N.-D. au moys d'aougst » la somme de 15 sols tournois de rente au gouverneur de « la chapelle de Nostre-Dame de Kernytron », et donne de plus à celle-ci « un devantheau de drap pourpre bordé par les deux boutz de veloux noir et un chapelet à grains d'ambre du nombre de 92 grains merchés d'estaine et un grain de corail enfeuillagé ensemble, avecques une croix d'argent ». Vers 1620, « honorable femme Catherine Parfaict » lègue à la chapelle une rente de 2 boisseaux froment sur le Parc-Quitté en Plouégat-Guerrand. Cette Catherine Parfaict avait été la compagne quasi-morganatique du seigneur de Lanmeur, Pierre de Boiséon, comte dudit lieu et gouverneur de Morlaix, veuf de Jeanne de Rieux, et lui avait donné plusieurs enfants baptisés sous le nom de Keranmoroch. Par acte du 19 avril 1630, une riche châtelaine du pays, dame Marie du Dresnay, douairière de Goasmap, qui habitait en Plestin le curieux manoir Renaissance de Leslec'h, lègue pour elle et pour son fils Jean de Kermoysan deux renées de froment de rente à Notre-Dame de Kernitron afin d'y continuer le service solennel qui se faisait à la fête de la Vierge au mois de mars, à l'intention de leurs ancêtres.

Messire Yves Arrel est connu surtout par la Vie de Saint Mélar qu'il publia en 1627 chez l'imprimeur morlaisien Alienne. A sa mort, survenue vers 1630, le prieuré de Kernitron passa à Messire François de Coëtlogon, sieur abbé de la Gaudinaye, chanoine de Tréguier, archidiacre de Plougastel, grand-vicaire de Dol, prieur de Saint-Nicolas de Prigny, coadjuteur en 1666 de l'évêque de Cornouaille, auquel il succéda deux ans plus tard. C'est le frère de l'illustre amiral de Coëtlogon, maréchal de France, qui commandait l'arrière-garde de la flotte française à la bataille de la Hougue, où il dégagea le Soleil Royal de Tourville, assailli par plusieurs vaisseaux anglais. En 1664, l'abbé de Coëtlogon afferma les revenus de « sa prieurée de Kernitron » à n. h. Claude du Gras, sieur du Bois de la Rive, moyennant une redevance de 1000 livres que celui-ci ne put sans doute payer, car en 1666, un nouveau bail judiciaire des mêmes revenus était passé, « à ses périls et fortune », avec Maître Yves Thomas et Jean Chauve!, pour le prix annuel de 766 livres.

A son élévation sur le trône épiscopal de Saint Corentin, François de Coëtlogon résigna son bénéfice de Kernitron en faveur d'un de ses chanoines, Messire Olivier du Louet, sieur abbé de la Rive, comte et archidiacre de Cornouaille et de Poher, chanoine de Quimper et de Châteaunoir (à Brasparts), qui le conserva jusqu'en 1694. A peine mis en possession, l'abbé de la Rive eut un procès à soutenir contre le doyen de Lanmeur, qui voulait l'obliger à contribuer à l'entretien du vicaire perpétuel de la paroisse, dans la proportion où il percevait sa part des dîmes. Nous ne connaissons pas le nom de ce doyen, qu'une lettre du vicaire perpétuel Pierre Le Masson nous dépeint comme un homme emporté, furieux contre les juges de Lanmeur qui l'avaient débouté de sa demande. « Il dict qu'il viendra voir les juges et qu'il en fera traisner une demi-douzaine en prison, où il les laissera pourrir et mourir de faim ».

Le nouveau prieur de Kernitron habitait Quimper. Par suite de sa négligence à payer les décimes royaux, montant à 46 livres par an, il vit, en 1671, une sentence du présidial de Rennes ordonner la saisie de son temporel, qu'il sauva en versant aussitôt l'arriéré. Pourtant, il s'occupa avec un certain zèle de son église et lui fit faire de grandes réparations par l'entremise d'un homme de loi de Lanmeur, Charles du Parc de Kerguiniou, auquel il afferma eu 1673, moyennant 550 livres, les revenus du prieuré, non compris les offrandes et les dîmes. De l'examen des quelques comptes de cette époque qui ont survécu, il résulte que le pardon de la mi-août était célébré avec pompe. Le clergé et les fidèles de Plestin, Plouézoc'h, Guimaëc, Garlan et Piougasnou y arrivaient en procession, avec leurs croix d'argent et de vermeil et leurs lourdes bannières de brocart ; et les prêtres prenaient part à une collation composée, pour chacun d'eux, de 2 sols de pain, de beurre et d'un pot de vin. Le prédicateur qui prêchait à la grand' messe du pardon recevait 40 sols d'honoraires. L'église était décorée de feuillages et de fleurs, et de nombreuses « chandelles blanches et jaunes » payées 12 livres illuminaient les autels, taudis que la fumée de l'encens acheté 4 livres 10 sols montait en nuages embaumés sous les voûtes romanes. Une autre collation était servie aux prêtres de Lanmeur qui chantaient les vêpres, la veille du pardon. Pour sa peine d'ouvrir, fermer et balayer l'église, le sacriste Joncour recevait chaque année un quartier de froment et 3 livres argent.

La vénération inspirée par la chapelle ne la mettait pas à l'abri des voleurs. Vers 1674, les troncs furent forcés et vidés, et leur réparation coûta 21 livres. Les larrons durent y trouver, mêlés au billon des aumônes, des grains de chapelets, des croix et surtout des bagues d'argent, gages de modestes fiançailles placés de tout temps sous la protection spéciale de Notre-Dame de Kernitron. On lui offrait aussi force échevaux de lin et de fil.

Les travaux commencés en 1673 comprirent la réfection totale de la toiture du clocher, sur laquelle on plaça une croix de plomb avec coq et girouette payée 60 livres à Pierre La Roche, pintier de Lannion. La couverture de l'église fut arrangée, le lambris restauré, la nef blanchie, les autels redressés et clos de balustres. On acheta des voiles d'autels garnis de dentelle, et la maison prieurale elle-même fut séparée, ainsi que la sacristie.

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En 1679, la chapelle de Kernitron reçut la visite de Maître François Bouyn, commissaire de la réformation du domaine royal à Morlaix et Lanmeur, venu pour dresser procès-verbal détaillé de tous les écussons, bancs et sépultures seigneuriales existant dans l'église. Cette pièce intéressante nous apprend le nom et les armoiries des gentilshommes qui avaient contribué à l'ornement et à la dotation de ce pieux sanctuaire, ou qui avaient désiré reposer sous ses dalles, près de l'image révérée de Marie. La maîtresse vitre contenait, au premier rang, les armoiries des comtes de Boiséon, et, plus bas, celles des seigneurs de Trémédern en Guimaëc, de Kerprigent et de Kermabon en Saint-Jean-du-Doigt.

La vitre latérale montrait le blason des Trogoff de Kerprigent, et dans le chœur, adossés aux piliers, étaient divers bancs armoriés dépendant des manoirs de Crec'h, de Penanru, de Keroignant et de Keropartz en Lanmeur, et de Rosangavet en Plouézoc'h, avec des tombes hautes portant les écussons sculptés des familles de Guicaznou et de Boiséon. Les fenêtres qui éclairent l'unique bas-côté ou chœur, à droite, offraient les armes des Trogoff, des Quenquizou de Kerprigent, des Kermabon, et des Carion, seigneurs de ce manoir de Kervouran dont nous avons vu le nunt dans la légende de Sainte Tryphine. Au pied de la chaire du prédicateur, il y avait deux pierres tombales ornées du blason de la terre du Parc, en Lanmeur. Dans la chapelle de Sainte-Anne, les deux vitres renfermaient les armoiries des Le Rouge, seigneurs d'Ancremel en Plouigneau, et celles de Maître Yves Arrel, prieur de Kernitron en 1610, qui probablement avait restauré cette partie de l'édifice. Enfin la lizière de la nef était décorée des armes des Boiséon, qui se retrouvaient encore dans la fenêtre du bas et dans les trois petites « turquoises » de la porte latérale. De tous ces écussons, pas un seul n'a été épargné par le marteau révolutionnaire.

M. du Parc de Kerguiniou correspondait ponctuellement avec le prieur, et lui donnait des nouvelles de son bénéfice « J'aurois bien voulu, lui écrit-il le 22 août 1680, que nous aurions eu l'honneur de vous posséder le jour du pardon, où il y a eu un grand nombre de peuple, et Dieu mercy sans aucun désordre ; ma femme et moy avons fait prier Dieu à N.-D. de Kernitron pour la conservation de votre santé que nous vous souhaitons ». Il le remercie « du bel authel benist » que M. de Lannerien lui a fait rendre par son ordre, l'assure que « l'on n'a jamais dit plus de messes à Kernitron que l'on faict à présent et que tout va bien ». Parfois, les nouvelles sont moins bonnes. En 1683, M. de Kermabon ne veut payer la dîme qu'à la 36ème gerbe, tandis qu'auparavant ses gens la payaient à la 12ème ; mais le différend s'apaise vite. Selon l'ordre de Mlle du Rest, soeur du prieur, Mme de Kerguiniou fait faire, sur le montant dies offrandes du pardon, des réparations aux autels et une statue de Sainte Anne, qui n'avait jusque là qu'une triste image de papier collé. Le pardon de 1684 « se passa fort bien, sans aucune querelle, où il y avait un grand peuple à la prédication, à la grand'messe et aux vespres », et M. de Kerguiniou eut effectué le voyage de Quimper « si le bruit des volleurs qui sont par pays » ne l'eut engagé à rester prudemment dans son vieux logis de Lanmeur. Aussi n'espère-t-il avoir l'honneur de saluer l'abbé de la nive qu'à la Foire-Haute.

Notons, en 1682, la fondation de dom Bizien Cocquin, prêtre de Lanmeur, léguant aux chapelains de Kernitron la somme de 59 livres pour le salaire d'une messe à chant quotidienne, pendant un an, sauf le dimanche. Son exécution testamentaire, M. du Parc die Kerguiniou, devra être averti tous les jours pour qu'il assiste à ladite messe, sy bon lui semble. Par ailleurs, dom Cocquin donne encore 60 sols d'aumône à Kernitron et attribue son surplis et aube au prêtre qui l'assistera durant sa dernière maladie. En 1683, le testament de « Dlle Elisabeth Chauvel, gisant au lit malade au lieu de Penanguer lez cette ville », lègue aussi 60 sols à Kernitron et pareille somme aux pauvres le jour de son enterrement.

En 1694, Maître François Courson, vicaire perpétuel de Lanmeur, demande au prieur de Kernitron de lui fournir une portion congrue comme gros décimateur dans la paroisse et la trêve de Locquirec. Il touche déjà 300 livres du doyen de Lanmeur, M. de Lorido, prieur de Manne près de Nantes, mais cela ne lui suffit pas, ayant besoin de deux curés, l'un à Locquirec. trève de 1000 âmes, éloignée d'une grosse lieue, l'autre à Lanmeur, qui compte 2500 âmes. Il réclame donc 200 livres du prieur, qui accéda, semble-t-il, sans se faire prier à cette juste requête.

Deux ans plus tard, l'abbé de la Rive laissait son prieuré à un sien neveu, Messire Jean-Baptiste de Kermellec, chanoine de Quimper, qui eut maintes difficultés avec le fisc. En 1698, sommation lui fut faite, en la personne de son fermier Maître 0llivier Jourin, sieur de Kerhorre, de payer 25 livres pour taxe d'enregistrement des armoiries du prieur, et, à défaut de payement, l'une des vaches de Maître Jourin fut saisie. L'année suivante, on réclama au prieur une somme de 200 livres « pour le droit dû au Roi en raison des trois foires annuelles qui se tiennent à N.-D. de Kernitron ». Il était absent, et son frère répondit pour lui qu'il n'y avait jamais eu de foires à Kernitron, ainsi qu'en faisaient foi les aveus rendus à la Chambre des Comptes. Pourtant, on trouve au XVIIIème siècle des actes de baux des coutumes de ces foires, qui avaient lieu les 15, 16 août et 9 septembre, et qui étaient affermées ensemble pour la très modique somme de 10 livres., En 1700, l'abbé de Kermellec fut encore tourmenté pour le payement du droit de « nouvel acquest », et dut établir que depuis 10 ans, les biens de son bénéfice ne s'étaient point augmentés. En 1714, les agents du fisc revenaient de nouveau à la charge peur les coutumes des foires die Kernitron. Par ailleurs, l'abbé de Kermellec plaida contre le procureur fiscal du prieuré royal de Saint Georges de Plougasnou, qui exigeait un droit de rachat ou de mutation sur les terres de Kernitron comprises dans ce fief, et il fit établir par jugement que « le temporel de Kernitron étant un fief amorty non sujet aux droits de rachat, il ne devait à celui de Saint Georges que celui de galerne », c'est-à-dire 3 sols versés dans la huitaine qui suivait le décès du titulaire.

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Après la mort de l'abbé de Kermellec, survenue vers 1725, le prieuré cessa d'appartenir à des ecclésiastiques bretons. Il passa d'abord à noble et discret Messire Jean-Noël Gaillande, prêtre, docteur de la maison et société de Sorbonne, y demeurant paroisse de Saint-Benoît à Paris. On trouve un acte de ferme des revenus du temporel, consenti par lui en 1744 à Jacquette Le Guillou, fille majeure de Lanmeur, moyennant 790 livres par an. La preneuse s'engage à s'acquitter en espèces sonnantes, à payer la viande de chevalier due au seigneur de Boiséon, la portion congrue du recteur de Lanmeur et du vicaire de Locquirec ; enfin, elle s'oblige à balayer et nettoyer l'église, blanchir et approprier le linge et les ornements, et à recueillir les offrandes, argent, croix, bagues, lin, fil et autres aumônes.

Le successeur de Messire Jean-Noël Gaillande fut un Lazariste distingué, Messire Edme Perriquet, prêtre de la congrégation de la Mission et vicaire général, demeurant à Saint-Lazare-lez-Paris. Il était en 1752 assistant du supérieur général, et il devint en 1754 supérieur du grand séminaire de Saint Lazare. Ses fonctions le retenaient dans la capitale, et il paraît n'avoir jamais visité son prieuré de Basse-Bretagne, où il avait comme receveur et représentant le recteur de Lanmeur, M. Joseph Philippe, qui afferma en 1752, pour 750 livres, le temporel du bénéfice.

En 1755, le prieuré de Kernitron se trouvait de nouveau vaquant. Deux compétiteurs se le disputèrent, l'abbé de Kerousy et Messire Denis Savarin, prêtre du diocèse de Besançon, protonotaire apostolique, docteur en théologie de la Faculté et Maison de la Sapience de Rome, où il habitait paroisse de Saint-Laurent in Lucina. Ce fut ce dernier qui l'emporta, ayant obtenu des lettres de provision du pape Benoît XIV ; et, par procuration donnée devant le chancelier du consulat de France il chargea M. Yves 0llivier, prêtre, de prendre possession en son nom. Dom Savarin était un bon abbé peu fortuné, qui dut rester à Rome jusqu'en 1758, n'ayant pas, semble-t-il, les moyens suffisants pour revenir en France. Aussi ses demandes de fonds à son homme d'affaires, l'avocat Charuel, sont-elles parfois pressantes, et gémit-il sur les dépenses, trop élevées à son gré. Il correspond aussi avec le recteur de Lanmeur, qui l'avertit, en 1757, « qu'il ferait plaisir au public en faisant refondre la grosse cloche, fendue depuis 1750 ». La sœur du recteur se charge de recevoir les offrandes, et en témoignage de gratitude, dom Savarin lui offre une « cappe de taffetas » achetée 36 livres. Au mois d'août 1758, le feu prend à l'écurie et aux crèches de la maison du prieuré, et en sauvant ses bêtes, le fermier est gravement brûlé. « On croit cependant qu'il en reviendra, écrit le recteur. La maison du prieuré a été aussi préservée du feu par un grand bonheur dû à la protection de la Sainte Vierge, et le grand secours qu'il y a eu en cet incendie ». En octobre, le pauvre fermier était heureusement guéri de ses brûlures.

Quelques mois plus tard, dom Savarin quittait Rome pour gagner sa ville natale de Besançon, où une lettre du recteur de Lanmeur le prévint que le 10 mars 1759, une violente tempête de nuit avait enlevé un des quatre pans de la flèche du clocher, dont la chute endommagea le toit de l'église. Mais le bon prieur se rassura en apprenant que les offrandes suffiraient à payer la réparation. Toutefois, estimant que rien ne vaut l'oeil du maître, il se résolut à venir lui-même habiter, surveiller et faire valoir son prieuré, et, en juillet, il s'achemina vers la Bretagne par le coche d'eau de la Loire, étant trop pauvre pour se payer la malle-poste de Paris. Il vécut une vingtaine d'années à Lanmeur des modestes revenus de son bénéfice, à peine supérieurs à 1.000 livres, et il y mourut le 6 octobre 1771, à l'âge de 64 ans.

La dévotion des familles nobles qui possédaient des droits honorifiques à Notre-Dame de Kernitron s'était, paraît-il, beaucoup refroidie au XVIIIème siècle. Non seulement, elles n'y assistaient plus au service divin, mais encore elles laissaient à l'abandon leurs vitres armoriées et leurs bancs seigneuriaux. Les unes, criblées de brèches, n'arrêtaient plus l'air froid ni la pluie ; les autres, tout rompus et vermoulus, rendaient l'église « presque inhabitable ». Dom Savarin gémissait de cette fâcheuse situation, et il tenta d'y remédier à l'amiable, en invitant les propriétaires de prééminences à remettre celles-ci en état décent. Mais partout, on fit la sourde oreille, et il dut recourir à de plus énergiques moyens. Sommation publique est faite en 1768 par Mathurin Stéphan, huissier du siège royal de Morlaix, à la sortie des grand'messes célébrées à Lanmeur, Plouégat-Guerrand, Plougasnou, Guimaëc, Saint-Mathieu et Saint-Melaine de Morlaix, de la part de Messire Denis Savarin « prieur protonotaire apostolique du prieuré royal et abbatial de N.-D. de Kernitron, docteur de la Sapience, collège primitif du royaume, résidant à son manoir prioral de Lanmeur » à tous les seigneurs prétendant droits dans cette église, de produire dans huitaine leurs titres justificatifs et de procéder aux réparations, à défaut de quoi le prieur fera jeter hors de sa chapelle les bancs et les escabeaux hors d'usage et remplacera par du verre blanc les écussons brisés des fenêtres. Nous ne savons pas si cette menace obtint l'effet désiré.

Au décès de dom Savarin, l'évêque de Dol, Mgr de Hercé, qui devait périr fusillé à Quiberon en 1795, annexa le prieuré de Kernitron au doyenné de Lanmeur, et attribua les deux bénéfices réunis à son frère Messire François de Hercé, abbé commendataire de Chazel-Benoist et vicaire général de Dol, qui en fut le dernier titulaire. En 1790, l'abbé de Hercé fournit déclaration des revenus et charges de son prieuré. D'après ce document, le temporel du bénéfice comprenait l'église, différents bâtiments formant la métairie, une maison au bourg, un bois de 126 marronniers, jardin, pièces de terre labourables, en friche et sous prairie, le tout estimé valoir 414 livres de rente. Le prieur de Kernitron percevait aussi, dans les dix fréries ou trèves de Lanmeur, les deux tiers de la dîme paroissiale levée à la douzième gerbe, l'autre tiers appartenant au doyen ; dans les cinq fréries de Locquiree la dîme était partagée par moitié entre eux. Ces dîmes, prélevées sur les récoltes de froment, d’orge, d'avoine et de mistillon, formaient plusieurs cours appelés les dîmes de Kermaria et de Kerneheoder, de Kerouhant-Guen, de Ruëmelenec et Ruëtraon, de Kerouhant-Hellès, de Locquirec, de Kermouster, de L'Hospital-Pell et de Penhast, affermées 1.232 livres à divers particuliers. Il y avait de plus 109 livres de fondations anciennes, dues sur des héritages en Lanmeur, Garlan, Plougasnou et Plouégat-Guerrand, 30 livres de rente censive, et enfin les coutumes des foires qui se tenaient sur le placître de la chapelle le 16 août et le 9 septembre. « Ces foires de peu de conséquence commencent ordinairement de 9 à 10 heures du matin, et finissent à 3 ou 4 heures de l'après-midy, n'étant composées que de quelques vaches et génisses, sans autres marchandises ». Aussi n'étaient-elles affermées que 12 livres. En tout, le revenu du prieuré se montait à 1.797 livres 13 sols.

Ses charges, évaluées à 1.400 livres, comprenaient les réparations de la chapelle de Kernitron et les deux tiers de celles du chœur de l'église de Lanmeur ; les deux tiers des portions congrues du recteur de Lanmeur, de son vicaire et du curé de Locquirec ; les décimes, dons gratuits et autres impositions ; les honoraires — 50 livres par an — des chapelains qui desservaient la messe dominicale ; les frais du pardon, prédicateurs, collation des prêtres, etc. On le voit, l'excédent des recettes, inférieur à 400 livres, ne laissait pas grande marge au prieur et ne faisait pas de lui un très riche prébendier.

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Voici la Révolution, époque funeste à tant de pieux sanctuaires. Mise en vente comme bien d'Église devenu propriété nationale, la chapelle de Kernitron fut acquise le 7 juin 1791, pour une somme de 5.900 livres, « avec le cimetière y joignant, une petite issue plantée de 14 plants de chêne et 4 frênes dans ledit cimetière », par Sébastien-Jean-Marc de Trogoff de Kerlessy. Ce dernier était le frère du recteur insermenté de Lanmeur et de l'amiral de Trogoff, qui arbora en 1793 le drapeau blanc sur son escadre dans le port de Toulon ; il n'avait acheté Kernitron que pour l'empêcher de tomber entre les mains de quelque trafiquant sans scrupules, qui eût abattu l'édifice afin d'en vendre les matériaux, et il la conserva ouverte au culte autant que les circonstances le lui permirent. L'église subit, il est vrai, les ravages des iconoclastes qui martelèrent ou effacèrent toutes ses armoiries et fondirent ses cloches, mais elle traversa, sans subir d'autres dommages, cette terrible tourmente ; les prêtres insermentés de Lanmeur l'utilisèrent jusqu'au Concordat, tandis que le clergé constitutionnel occupait l'église paroissiale.

Le pélerinage n'avait pas complètement cessé, même aux jours les plus sombres, et la pacification religieuse lui donna un nouvel essor. En 1826, la famille de Trogoff céda à la fabrique curiale de Lanmeur l'entière propriété de la chapelle de Kernitron avec ses dépendances. Depuis, durant tout le cours du XIXème Kernitron a vu accourir à ses pardons, presqu'aussi fêtés qu'autrefois, les foules chrétiennes d'alentour, fidèles à l'antique dévotion des ancêtres, toujours remplies de confiance dans la toute-puissante intercession de Marie, et n'ayant pas désappris le chemin du séculaire oratoire où tant de générations ont trouvé, aux pieds de la Dame du lieu, courage, réconfort et consolation.

L'insigne faveur de la Couronne d'or, accordée en 1909 par le Souverain Pontife Pie X à Notre-Dame de Kernitron, sur la demande de Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, comme réunissant la triple condition de l'antiquité, de la vénération et des miracles, a placé la vieille église trégorroise au rang d'honneur des plus fameux sanctuaires finistériens, Rumengol, le Folgoat et Notre-Dame des Portes. Elle permet d'espérer que le culte de la Vierge aura, sur la terre de Lanmeur, et selon l'expression de l'éminent prélat qui a obtenu cette grâce, « un épanouissement dans l'avenir aussi prolongé que ses racines dans le passé ont été profondes et tenaces ». Les fêtes du couronnement furent célébrées, le 15 août 1909, avec une pompe inoubliable, dont l'ancienne Kerfeunteun n'a jamais rencontré l'équivalent dans ses fastes les plus lointains. Plus de 12.000 personnes se pressaient, ce jour-là, dans les rues trop étroites et sur la place de la ville, entre les vieilles façades décorées de guirlandes fleuries, d'étendards et de banderolles chargées d'inscriptions pieuses. A la grande procession qui s'achemina, sous le ciel pur où flambait un radieux soleil, vers l'immense champ préparé pour la messe en plein air et la cérémonie, assistaient l'archevêque de Rennes et sept autres archevêques ou évêques parmi lesquels tout l'épiscopat breton. Au chant des hymnes latines et celtiques, au bruit des fanfares, au roulement voilé des tambours, au claquement joyeux des drapeaux et des oriflammes, s'avançait sur la route jonchée de fleurs une émouvante et poétique théorie de paysans brandissant haut les croix dorées et les multiples bannières de dix-sept paroisses, de marins portant les petits navires pavoisés, d'enfants escortant les saintes images, de jeunes filles aux coiffes brodées, aux robes virginales ceinturées d'azur. [Note : Il y a lieu de noter ici un surprenant phénomène de mirage qui fut constaté par plusieurs personnes très dignes de foi. Vers les 9 heures du soir, lorsqu'après les vêpres célébrées au champ du couronnement, la procession regagnait Lanmeur, on l'aperçut de Plougasnou, à 10 kilomètres de là, déroulant dans le firmament le cortège multicolore et triomphal de ses bannières et de ses étendards, comme si la Vierge de Kernitron avait voulu manifester à toute la région qu'Elle protège, les beautés de son incomparable fête]. Des centaines de prêtres entouraient la statue de Notre-Dame, et derrière les prélats suivait une foule innombrable accourue de tous les points du Finistère et des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor).

Après la grandmesse célébrée par un archevêque breton des Antilles, sur un autel de verdure resplendissant du feu des cierges et de l’or des somptueuses chasubles, Mgr Dubourg, archevêque de Rennes, et enfant du Trégor, prononça, à la gloire de Marie, en cette langue bretonne qu'il manie à merveille, un discours enflammé d'amour et d'espérance. A la minute solennelle du couronnement, lorsque l'évêque diocésain imposa à la statue vénérée, et d'abord à celle du Divin Enfant qu'elle tient entre ses bras, les couronnes dorées constellées de gemmes précieuses, une acclamation immense, un cri de joie, de tendresse et d'hommage jailli des entrailles même de la race, monta des rangs pressés des fidèles vers le trône de leur Dame, de la Vierge souveraine de Kernitron, qui depuis, et de plus en plus, par l'abondance nouvelle de ses grâces, fait de son sanctuaire, suivant la prédiction de Mgr Dubourg « l'église de Lourdes du pays de Trégor ». [Note : Il convient absolument de ne pas oublier, en parlant de cette grandiose journée, le nom de feu M. l'abbé Diraison, curé de Lanmeur, premier promoteur de la fête qu'il ne devait célébrer qu'au ciel, et celui de son digne successeur M l'abbé Le Sann, qui organisa avec une ardeur infatigable tous les détails de la cérémonie, et dont le zèle ardent pour le culte de N.-D. de Kernitron ne connaît pas d'obstacles]. Des pèlerins y affluent quotidiennement, soit pour demander des grâces, soit en accomplissement de vœux qui ont été exaucés, et de nombreux cierges se consument sans casse devant la statue. Parmi les faveurs signalées obtenues récemment, on cite la guérison d'une dame de Morlaix, affligée à l'oreille d'un grave abcès menaçant le cerveau. Des guérisons morales non moins admirables se sont produites à la chapelle. Pendant le mois de mai, consacré à Marie, les jeunes mères du canton viennent présenter leurs nourrissons à la Sainte Vierge, afin qu'ils puissent marcher de bonne heure. Le 1er et le 31 mai, pour l'ouverture et la clôture des prières, procession du soir à Kernitron, vêpres et sermon, et bénédiction au retour dans l'église paroissiale. La ville est illuminée, et le concours des fidèles très grand. Le soir du 14 août, veille du grand pardon, il y a aussi une procession à Kernitron, suivie d'un feu de joie. La chapelle reste ouverte toute la nuit ; des prêtres y confessent les pèlerins accourus en foule pour communier à la première messe, célébrée à 2 heures du matin.

Terminons cette notice sur un rapide aperçu de l'église, au point de vue archéologique et architectural. Cette église est romane par sa nef et son transept, bâtis, croit-on, vers 1150, et gothique par chœur, ainsi que par son pignon ouest. [Note : Le chœur et le transept de l'église de Kernitron ont été, par arrêté de M. le ministre de l'Instruction publique, en date du 28 mars 1914, classés parmi les monuments historiques]. La partie la plus curieuse en est la porte latérale, accostée de colonnettes aux chapiteaux richement sculptés et aux tailloirs ornés de dessins divers, étoiles, fleurons, torsades. Un pignon aigu surmonte le tympan de ce portail, dans lequel un bas-relief méplat très fruste représente le Christ environné d'une sorte de cercle ou gloire et tenant la main droite élevée ; autour de lui, on distingue les attributs des quatre Evangélistes, le lion. l'aigle, le bœuf et l'ange. Le clocher roman planté sur la croisée du transept est coiffé d'un toit pointu qui ne manque pas d'allure, grâce à ses lucarnes et à ses pinacles d'angle.

A gauche du portail, la façade méridionale de l'église offre des contreforts peu saillants et d'étroites fenêtres en meurtrières, très évasées à l'intérieur. De ce côté, l'église se termine par un pignon du XVème siècle, précédé d'un petit porche et ajouré d'une fenêtre à rosace flamboyante. Sur les deux contreforts étaient placés des écussons aux armes de Boiséon, dont le marteau révolutionnaire a épargné la devise : Talbia. Une inscription gothique d'une lecture incertaine donne la date de 1444.

A droite du portail, les fenêtres sont du style ogival du XIVème siècle, et le chœur est fermé par un chevet plat percé d'une large fenêtre aux meneaux peu élégants, qu'accompagne une rosace latérale. Dans le cimetière se trouvait un ossuaire gothique décoré des armes accolées de Boiséon et de Penhoat ; cet édifice, tombant de vétusté, fut démoli en 1784 et ses pierres servirent à construire le socle et les marches d'une croix commémorative de la grande mission bretonne que les Capucins de Morlaix donnèrent cette année-là à Lanmeur. La maison du prieuré, vieille construction divisée en petites cellules, a été aussi abattue depuis la Révolution. Elle se trouvait au nord de la chapelle, presque adossée à ses murs, et communiquait avec elle par deux portes aujourd'hui murées qu'on reconnaît extérieurement dans le bras du transept qui contient la statue de Notre-Dame de Kernitron.

Ville de Lanmeur (Bretagne) : Notre-Dame de la chapelle de Kernitron.

Le premier regard du visiteur est pour Celle-ci, dès qu'il a pénétré dans l'église. Son image miraculeuse trône sur un autel rehaussé de fraîches peintures modernes. Un sculpteur local du XVIIème siècle l'a figurée assise, le sceptre à la main, portant sur son genou droit l'enfant Jésus qui bénit et soutient le globe du monde. Les nombreux ex-voto qui l'entouraient autrefois avaient disparu lors, d'une malencontreuse réparation, mais ils tendent à se multiplier de nouveau, attestant la bonté de Marie et les faveurs qu'Elle dispense. A droite de cette chapelle, un petit retour contient l'autel de Sainte Anne. Du même côté règne le large chœur, avec son aile unique divisée en quatre travées par des piliers et des arcades ogivales. Dans ce bas côté, on remarque un bel Ecce Homo de granit, les deux tableaux restaurés du Rosaire et de la Dernière Cène, les vitraux des fenêtres et un enfeu contenant jadis la sépulture des seigneurs de Kerprigent.

Au maître-autel siège, à gauche, une vénérable statue gothique de la Trinité, qui partage avec la Sainte Vierge le patronage de l'église. Aussi, chaque année, y a-t-il pardon à Kernitron le dimanche de cette fête, et la grand'messe paroissiale s'y célèbre, pour éviter, dit-on, le danger d'une noyade provoquée par les eaux de la source qui coule dans la crypte de Saint Mélar, et qui doit, à pareil jour, déborder en inondant toute l'église. A droite de l'autel est une ancienne Vierge-Mère. Le chœur contient aussi un vieux tableau votif appendu à la muraille Nord. Il figure la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus entourés de Sainte Anne et de Saint Juacaim, tandis qu'au ciel paraît le Père Eternel escorté d'anges. Aux pieds de la Sainte Famille, le donateur est représenté à genoux, en costume de gentilhomme du temps de Louis XIV. habit rouge basques, jabot et manchettes de dentelles, grande perruque poudrée, bas de soie, tricorne à plume, canne à poignée d'argent. Son écusson : d'azur à l'épée d'argent garnie d'or en pal entouré de sa devise : JOYE : SANS : FIN : A GOVDELIN, permet de reconnaître en lui François de Goudelin, écuyer, seigneur de Goazmelquin en Plouégat-Guerrand, marié en 1660 à Françoise Le Borgne, dame de Penarstang en Lanmeur. On croit qu'il offrit cet ex-voto en reconnaissance de la guérison de sa fille Marie de Goudelin.

(L. Le Guennec).

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