Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

GUIDE DU PAYS DE LANMEUR.

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Lanmeur"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

1ère EXCURSION : Saint-Jean-du-Doigt ( 14 km). — Plougasnou (15 km.) — Trégastel-Primel (19 km.) — Le Guerzit (26 km.) — Saint-Samson (29 km.) — Térénez (33 km.) — Morlaix, retour (46 km.).

La Vierge-Noire. — Manoir de la Boissière
On quitte Morlaix par le quai de Tréguier (rive droite du port) et la route de Lanmeur, qui s'élève en lacets vers le plateau de Ploujean, entre les parcs touffus des châteaux de Coatserhô (à droite) et de Neckoat (à gauche) [Note : V. La Rivière et la Rade de Morlaix ; Le Goaziou, éd. ]. Elle rencontre à droite, au premier carrefour, la Vierge-Noire, statue en bronze de Vierge-Mère abritée sous un petit édicule et érigée par la famille de Tromelin, puis elle laisse du même côté, au carrefour suivant, les restes du manoir de du Boissière (pavillon avec traces de mâchicoulis, grand portail) où la reine Anne de Bretagne, se rendant en pèlerinage à Saint-Jean-du-Doigt en 1506, reçut l'hospitalité chez son écuyer Pierre de Kersulguen, seigneur du lieu. La voie romaine de Morlaix à Primel passe à la Boissière, et les champs d'alentour sont jonchés de fragments de tuiles. On a trouvé dans le jardin une petite Vénus d'or massif déposée au musée de Morlaix.

Château de Trofeunteniou. — Vallée du Dourdu.

A ce carrefour, il y a une bifurcation. La route de Lanmeur poursuit tout droit, et à gauche se détache celle de Plougasnou, que nous suivrons. Elle traverse du Sud au Nord un plateau fertile coupé de haies verdoyantes, où se montre à gauche le village de Ploujean serré autour de son vieux clocher sombre. Au carrefour de Croasquérou (croix écotée à gauche), on commence à longer le bois du château de Trofeunteniou (le vallon des fontaines), dont l'avenue débouche à droite, un peu plus loin, en face de la vieille Croix du Lièvre (Croas-ar-Chad). Ce château (invisible de la route) est un édifice du XVIIIème siècle, rebâti vers 1750 par Joseph du Trévou, comte de Brefeillac, officier au régiment du Roi. Ses deux fils, l'un et l'autre lieutenants de vaisseau, périrent sous la Révolution, dans des circonstances tragiques ; l'aîné se noya en voulant s'évader de nuit, à la nage, du château du Taureau où il était prisonnier ; l'autre, capturé à Quiberon, fut fusillé à Auray. Trofeunteniou appartient vers le début du XXème siècle au général Foch [Note : Peu après 1883, Ferdinand Foch, alors lieutenant-colonel épousa Julie Bienvenüe, nièce de Fulgence Bienvenüe, originaire de Saint-Brieuc, et racheta le château à la famille La Jaille. C'est Anne Fournier, la fille du Maréchal, qui occupa la dernière le château, jusqu’à sa mort en 1981]. Devant la maison s'étend une belle esplanade encadrée de hêtres centenaires.

Au sortir du bois on descend vers la vallée du Dourdu. Une auberge (à droite) est tenue par Thomas Parc, directeur, de la troupe bretonne de Ploujean qui donna, sur la place du bourg, une fameuse représentation du Mystère de Saint Guénolé, en 1898. La route circuite fortement et aborde une rampe dominant une creuse et pittoresque vallée qu'encaissent de Hautes croupes revêtues de taillis, d'ajoncs et de bruyères. Au Sud paraissent les clochers de Garlan et de Plouigneau, et, de l'autre côté du vallon, on voit le vieux manoir de Kernoter, avec ses murailles flanquées de tourelles.

Au bas de la descente, on franchit la rivière du Dourdu (l'Eau Noire) près d'un hameau aux maisons blanches, blotti dans un joli site frais de verdure et d'eau courante, puis on gravit la pente opposée. A gauche se découvre le fond de l'estuaire, vaseux et triste à marée basse, mais où le flux vient apporter quelques gabarres aux voiles rouges, chargées de sable ou de varech. Un éperon rocheux, qui fait saillie au tournant de la vallée, au-dessus d'un vieux moulin à mer, portait autrefois le château féodal de Kerantou, dont il ne reste plus traces.

Croix des Gâteaux Beurrés — Manoir du Rohou — Manoir de Kergréis — Chapelle de Kermouster.

A mi-petite se rencontre, la bifurcation du chemin de Plouézoc'h (V. La Rivière et la Rade de Morlaix ; p 35-36), qui monte en un raidillon assez abrupt, jusqu'à la chapelle de Saint-Antoine (voir plus loin). Laissant cette chapelle à notre gauche, continuons notre ascension, qui se termine au carrefour du Rohou, où passe la ligne de Trégastel. De ce point (90 mètres d'altitude), la vue s'étend sur l'immense pays tourmenté de Morlaix et la chaîne bleue de l'Arrée. La reine Anne de Bretagne, se rendant à Saint-Jean-du-Doigt, s'arrêta ici pour contempler, de ses yeux pourtant endoloris, l'un des plus riches pans de son manteau ducal, ainsi étalé devant elle. Elle y fit même honneur à une savoureuse collation que lui servit sur ce tertre la Châtelaine de Kerjean, Jeanne de Quélen. Depuis, la croix qu'on voit érigée à l'angle du parc du Rohou a gardé le nom de Croas-Couign-Amann (la croix des gâteaux beurrés). Le vieux manoir de Kerjean, édifice du XVIème siècle converti en ferme, existe non loin du carrefour (1 kil. à gauche). Le manoir du Rohou (les Roches), possédé par la famille Huon de Kermadec, a appartenu au chevalier du Dresnay des Roches, chef d'escadre et gouverneur des Iles de France et Bourbon en 1768. Il a conservé quelques parties anciennes, entre autres un pavillon flanqué d'une tourelle à cul-de-lampe.

Le ruisseau de Trobriant franchi, on trouve à droite une vieille croix de granit (statue de saint Pierre) précédant le manoir de Kergréis, l'une de ces humbles gentilhommières déchues, si nombreuses aujourd'hui encore dans la commune de Plougasnou. Bientôt, on passe à Kermouster, devant une chapelle récemment rebâtie, où l'on peut voir cependant 5 statues gothiques (demander la clef dans l'auberge). Ces statues sont : le patron Saint Sébastien ; une belle sainte Anne assise portant sur ses genoux la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus ; saint Samson ; saint Eloi et une Vierge-Mère. Dans le cimetière est un lech, lourd monolithe de granit marquant une sépulture de l'époque carolingienne.

Croix de la Reine — Fontaine de St Sylvestre — Manoir de Mesquéault — St Jean-du-Doigt.

Un kilomètre plus loin, au bord de la route, à gauche, tout près de la borne No 9, émerge au milieu des ajoncs une croix de schiste, petite et fruste reposant sur un grossier piédestal. C'est Croas-ar-Rouanez (la Croix de la Reine), qui indique l'endroit où la Reine Anne, se rendant à Saint-Jean-du-Doigt, descendit de litière pour accomplir à pied le reste de son pélerinage. On grava sur l'une des pierres, selon la coutume, l'empreinte du pied mignon de la royale voyageuse, et elle s’y distingue encore. Elle mesure exactement 18 centimètres. Presqu'en face, du même côté, dans une prairie confinant aux pinèdes du Mesgouez, est la chapelle - fontaine de saint Sylvestre, dont le pardon a lieu au mois de Mai. On y trempe dans l'eau consacrée des baguettes de coudrier qui, plantées ensuite dans les champs de lin, assureront une bonne récolte.

Au carrefour suivant se montre à droite le manoir ruiné de Mesquéault (grand portail, corps de logis gothique, colombier) possédé vers 1402 par Jean Périou, gouverneur de Lesneven et de Brest. Au delà s'étendent les bois de Kerprigent (voir plus bas). On salue à gauche une croix de 1588, portant l'image de la sainte Face et une Vierge-Mère couronnée, on traverse un ruisseau, on passe à Kerallan, ancien village de cacous (lépreux) qui exerçaient la profession de cordiers, et l'on gagne, au carrefour de Pen-an-Hent, signalé par une grande croix de bois, la bifurcation qui mène, à droite, au bourg de Saint-Jean-du-Doigt. Le clocher de Plougasnou paraît à gauche.

Le village de Saint-Jean-du-Doigt, qu'on atteint, 2 kilomètres plus loin, décore de sa belle et noble église le plus délicieux des paysages, une combe ombreuse, verdoyante et feuillue, rafraîchie par des ruisseaux, des fontaines, des filets d'eau jaillissant de chaque creux de roche, exquise à rencontrer au sortir du plateau dénudé de Plougasnou. Ce charmant décor sylvestre a pour fond le rideau bleu de la mer, tendu d'une colline à l'autre, et que les vagues déferlant sur la plage frangent d'une écume argentée. Il y a à Saint-Jean plusieurs villas et on y loue, à des prix modérés, des chambres et des logements meublés. Hôtels Saint-Jean et des Bains (petit déj. 50 et 75 c., déjeûner ou dîner 2 fr. ; chambres depuis 1 fr. 50 ; pension 5 à 7 fr.) Location de cabines pour bains de mer, 10 fr. par mois. La plage de sable fin est l'une des plus agréables de la région..

Légende de la Translation du Doigt.

L'église de Saint-Jean-du-Doigt a remplacé, au XVème siècle, une antique chapelle dédiée à saint Mériadec. Voici, selon la légende, en quelles merveilleuses circonstances. Un jeune homme de Plougasnou se trouvait, vers 1420, au service d'un puissant seigneur de Normandie, près du château duquel existait une église où, depuis des siècles, on conservait l'index droit de Saint-Jean-Baptiste. Il avait une grande dévotion à cette relique, et souhaitait ardemment pouvoir en emporter une parcelle, lors de son prochain retour en Bretagne. Le jour même de son départ, il alla s'agenouiller devant l'autel, pria de tout son cœur, et se mit en route, empli d'une allégresse mystérieuse. Comme il traversait une ville, les cloches des églises s'ébranlèrent d'elles-mêmes et le saluèrenl d'une sonnerie retentissante. Ce prodige ameuta le peuple autour du voyageur ; on l'accusa de sorcellerie et on le jeta en prison. Il s'y endormit paisiblement, mais le lendemain, lorsqu'il se réveilla, il se trouva étendu sur le gazon, près d'une fontaine, au versant d'une douce vallée qu'il reconnut bien. C'était celle de Traon-Meriadec en Plougasnou, dans laquelle l'avait ramené une intervention divine. Doutant d'abord de ses yeux, il se lève, regarde autour de lui, distingue l'église paroissiale, le rocher de Primel, la maison de son père. Alors il s'élance joyeusement vers la chapelle ; sur son passage, les chênes et les ormeaux inclinaient leurs branches, et la cloche de l'oratoire tinta d'une façon si surprenante que tous les gens d'alentour s'encoururent pour en savoir la cause. Ils trouvèrent le jeune homme prosterné au pied de l'autel, sur lequel les cierges s'étaient allumés seuls. En leur présence, la relique, qu'à son insu il avait apportée de Normandie « en la joincture de sa main droite avec le bras, entre la peau et la chair », jaillit de sa cachette et s'alla poser devant le tabernacle.

Le duc Jean V, informé de cette translation miraculeuse et de la véracité des évènements, vint à Plougasnou vénérer le Saint-Doigt, et il offrit un reliquaire d'or pour lui servir d'étui. Plusieurs guérisons obtenues à son contact attirèrent bientôt, de tous les coins de la Basse-Bretagne, une affluence toujours croissante de pélerins. On décida alors de remplacer la chapelle, devenue trop petite, par une église monumentale et digne du Précurseur. La première pierre en fut posée le 1er août 1440, et les libéralites du duc et de nombreux seigneurs permirent de l'édifier avec magnificence. Les travaux interrompus à maintes reprises, furent activement poussés, après 1506, grâce aux largesses de la reine Anne, et achevés en 1513.

Vers 1489, des soldats anglais pillèrent l'église et enlevèrent la Relique, qu'ils emportèrent dans le dessein d'en faire hommage à leur roi. La flotte arriva bientôt à Southampton et le clergé de la ville se rendit en procession sur le port afin de recevoir le Doigt. Mais le coffret qui devait le contenir était vide ; le jour même du vol, le précieux index s'était retrouvé à Saint-Jean, dans son tabernacle. Les auteurs du sacrilège, ajoute la légende, furent frappés de cécité et ne recouvrèrent la vue qu'après être revenus, en pélerins repentants, restituer ce qu'ils avaient soustrait et implorer leur pardon.

Pèlerinage d'Anne de Bretagne.

En 1506, la reine Aune, voyageant en Basse-Bretagne, était à Morlaix, lorsqu'elle fut atteinte d'une douloureuse enflure à l'œil gauche. Ayant entendu parler des guérisons opérées par la Relique de Saint-Jean, elle l'envoya quérir par son aumônier Guillaume de Guicaznou et le frère de celui-ci, Mériadec de Guicaznou, capitaine de Morlaix. Les prêtres de la région se rassemblèrent pour escorter le Saint-Doigt, que portaient sur un riche brancard le recteur de Plougasnou, Raoul de Coatanscour, et le gouverneur de la chapelle, Salomon de Kergournadec'h. A peine le cortège était-il sorti du porche, que le reliquaire eut un brusque sursaut. On l'ouvrit, et on constata que le Doigt n'y était plus ; il avait regagné son autel. Au récit de ce prodige, Anne de Bretagne se jeta à genoux en disant : — « Ce n'est pas à vous, Sainte-Relique, de venir à moi ; c'est plutôt moi qui dois aller vers vous ». Elle voulut d'abord faire la route à pied et ne consentit qu'avec peine à se laisser porter en litière jusqu'à Lanfestour, à plus d'une lieue de Saint-Jean. Arrivée au terme de son pélerinage, la pieuse souveraine fit ses dévotions, et le lendemain, la Relique lui fut appliquée sur l'œil malade, qui guérit ausitôt. On a dit qu'Anne de Bretagne avait témoigné sa reconnaissance en faisant don à l'église de Saint-Jean d'un beau trésor d'orfèvrerie, mais l'examen des pièces qui le composent rend cette assertion inadmissible. Il y a lieu de croire que la munificence de la reine se manifesta par le don d'une forte somme d'argent pour subvenir à l'achèvement de l'édifice, qui fut en effet terminé peu après, en 1513.

« Saint-Jean, écrit M. le chanoine Abgrall, offre l'ensemble le plus complet et le plus parfait de ce qu'était autrefois une église paroissiale avec toutes ses annexes : église monumentale entourée du cimetière, porte de style ou arc de triomphe, fontaine sacrée, calvaire, ossuaires, oratoire ouvert ou abri pour célébrer la messe les jours de grand pèlerinage, riche trésor toujours conservé. Aucune autre paroisse n'a la même bonne fortune de posséder semblables richesses. ».

L'Arc-de-Triomphe. — La Maison du Gouverneur.

L'arc de triomphe de l'entrée du cimetière est une large arcade gothique, encadrée d'une moulure saillante à choux frisés et fleuron. De chaque côté, il y a un contrefort à pinacle et une niche à dais sculpté abritant, à droite la statue de saint Jean Baptiste et à gauche celle de saint Roch. Cette porte principale ne s'ouvre que pour la foule ; une autre porte plus basse et plus récente, qui l'accompagne à droite, la relie à un vieux logis du XVIème siècle, (porte gothique à choux frisés ; tourelle), qui a longtemps passé pour être un hôpital fondé par la duchesse Anne afin d'y recueillir les pélerins malades et nécessiteux. Mais c'était en réalité la maison du gouverneur, c'est-à-dire du chapelain chargé de gérer les biens de la chapelle et d'y veiller au bon ordre. Aussitôt le portail franchi, on se trouve devant la fontaine de Saint-Jean, célèbre dans toute la Bretagne : Tout le jour du pardon, c'est à qui, vers la rampe, Se dresse pour toucher le Saint Doigt ; à qui trempe Ses yeux dans la fontaine ; ou le long de son dos, Sur ses bras fait couler les salutaires eaux (Brizeux, les Bretons, chant XI)

La Fontaine de Saint-Jean. — L'Oratoire.

Ce beau monument a pour base un large bassin circulaire, en granit, orné de moulures et d'un double rang de mascarons, formant bouches d'écoulement. Au centre de la coupe, un pilier supporte trois vasques superposées, auxquelles des têtes d'anges font une gracieuse couronne. Dans la vasque intérieure, Jésus-Christ se tient debout, les bras croisés ; plus haut, saint Jean Baptiste, escorté de deux anges, verse sur son front l'eau baptismale. Dieu le Père, s'inclinant pour bénir son Fils, domine la fontaine. On a longtemps prétendu que ce château d'eau était l'œuvre d'un artiste italien, appelé en France par Anne de Bretagne, mais il ne date que du règne de Louis XIV, et c'est un sculpteur morlaisien, Jacques Lespaignol, qui en exécuta vers 1690 les ornements de plomb.

Près et à droite du porche de l'église existe un très joli oratoire daté de 1577, avec un chevet en hémicycle et sept pilastres en gaine soutenant un toit pyramidal coiffé d'un lanternon de plomb estampé. Il contient un autel de pierre surmonté d’un œil-de-bœuf et accosté de deux console. Les sculptures des sablières valent d'être étudiées en détail pour l'étrangeté des sujets qu'elles représentent. Ou y voit, de gauche à droite, un personnage couché, ayant une bouteille à la main et un tonneau entre les jambes ; deux chimères affrontées ; un homme étendu, se tenant le pied dans la main, et une dame couchée, avec, près d'eux, deux petits génies qui semblent veiller sur leur sommeil ; un personnage arrachant la langue de deux dragons ; un masque de lion séparant deux chimères au corps squameux ; un baladin marchant la tête en bas, et qui mord les queues de deux dragons dont il tire les langues ; une tête de bœuf dans un cartouche ; un personnage attaqué par un loup ou un chien ; deux hommes luttant; le pied de l'un deux posé sur la gorge de l'autre ; des guivres bizarrement entrelacées ; des génies tenant des têtes d'animaux dans des cartouches, etc. Cette curieuse frise est coupée de corbels saillants formés de figures d'anges portant les instruments de la Passion. Un autre ange, à la clef de voûte, tient un écusson au blason effacé. L’oratoire de Saint-Jean, dont on a longtemps cherché la destination, fut bâti pour servir de reposoir au Saint Sacrement lors des processions de la Fête-Dieu qui se déroulaient autour de l'église, comme le prouve son ancien nom d'oratoire du Sacre.

L'Eglise de St-Jean-du-Doigt.

L'église de Saint Jean du Doigt est l'un des plus beaux monuments gothiques du Finistère. Telle qu'on l'aperçoit en pénétrant dans le cimetière, elle frappe par la rare élégance de ses proportions, les ciselures de ses galeries et de ses ogives, la teinte dorée du granit de ses murailles. Le clocher s'élève à l'extrémité du bas-côté de droite. Il mesure 33 mètres de hauteur et trois galeries superposées, découpées en quatrefeuilles, en ajourent la base. Plus haut montent de longues baies géminées, puis vient la plate-forme, cernée d'une balustrade flamboyante. La flèche haute de 22 mètres, et ses quatre clochetons ne sont que des charpentes de bois recouvertes de lames de plomb, et la tour n'a jamais eu d'autre couronnement. Dès 1567, on refaisait l'ancien aiguillon du clocher, et l'on achetait à cet effet 24.000 livres de plomb travaillé en tableaux, en cédant au marchand presqu'autant de vieux plomb. La flèche édifiée alors a été depuis bien des fois réparée et modifiée.

Sur la façade Sud du clocher est un ossuaire à arcades tréflées du XVème siècle. Au retour d'angle existe un autre ossuaire daté de 1618, dont les baies cintrées sont séparées par des pilastres. Avant de pénétrer dans l'église, on fera bien de la contourner à droite pour admirer son vaste chevet droit, d'une ordonnance vraiment majestueuse. L'immense maîtresse-vitre, de 11 mètres de hauteur, est terminée en plein cintre et garnie au tympan d'une large rose rayonnante. Les deux fenêtres latérales ont aussi des tympans délicatement découpés.

Le porche latéral, aux lignes sobres et dignes est surmonté d'une chambre d'archives. A la clef de voûte, écusson chargé d'une fasce, et d'un lambel, aux armes des Goezbriand, seigneurs de Roslan en Plougasnou. Le dais gothique du bénitier, en kersanton, supporte une niche de bois aux sculptures très déliées, qui abrite une statue de saint Roch transformée en saint Jean Baptiste. Cette inscription en caractères gothiques se lit au-dessus de la porte :

Le : XVIIIe : jour : de : novembre : l’an :
MVCXIII (1513) :
fut : l'eglise : de : ceans : déd : p : Anthoine :
de : Gruignaulx : evesque : de : Treguier.

En pénétrant dans la nef, on reste surpris de l'élévation de la voûte et de la hardiesse des arcades, supportées par des piliers d'une légèreté extraordinaire. Les sablières sont décorées d'un cordon de pampres de vignes mêlés de grappes de raisin et de pommes de pin. Examinons d'abord le maître-autel, ouvrage imposant qui a le tort de masquer en grande partie la maîtresse-vitre. Il est formé de deux parties bien distinctes. Le retable proprement dit, en chêne doré, est l’oeuvre du sculpteur morlaisien Jean Bertoulous, qui l'exécuta en 1646-47. Les statuettes de la Foi, l'Espérance, saint Pierre, Jésus-Christ et deux anges adorateurs décorent le tabernacle. Sur les édicules latéraux sont figurés, en bas-reliefs d'une correction admirable, les scènes de l'Annonciation et de la Visitation. La décoration pompeuse qui surmonte l'autel est due à un artiste de Laval, Olivier Martinet, et fut posée en 1672. Elle se compose de trois grandes niches en pierre blanche, peintes et dorées, dont la centrale contient une statue de Vierge-Mère ; les deux autres, accostées de six colonnes en marbre noir et rose, abritent les statues du Christ et de saint Jean Baptiste, aux formes athlétiques. Un tableau sur toile, enfumé par le temps, du Baptême de Notre Seigneur, occupe le milieu du retable.

A l'autel de droite, le retable encadre un tableau retouché de Salomé portant sur un plateau la tête de Saint-Jean-Baptiste. Les statues sont celles de saint Mériadec et de saint Jean de la Croix. A droite de l'autel, élégante crédence gothique et enfeu des seigneurs de Traouviniec. A gauche, sur le premier pilier, on lit en gothique le nom de B. Treguer, et, sur le second, cette inscription : M. P. Chevalyer fit faire.

Au-dessous, dans le même bas-côté, une chapelle latérale contient, sous un enfeu à arcade feuillagée, crossettes et pinacles, la sépulture des seigneurs de l'Isle. On y voit une jolie sainte Barbe gothique et un saint Laurent. Plus bas, statues de l'Ecce Homo et de saint Maudez, et fonts baptismaux, avec une belle cuve octogone en granit, décorée d’une frise de grappes de raisins, de feuillages, de grotesques, avec des têtes saillantes aux angles. La même décoration se répète sur la petite cuve. Dans les sablières, personnage jouant de la trompe et anges tenant des attributs ou des écussons.

L'autel situé au haut du bas-côté gauche offre les statues de saint Zacharie et de sainte Elisabeth, et un curieux tableau de la Naissance de saint Jean Baptiste, que des femmes lavent dans un bassin. Au ciel paraissent des anges tenant une banderolle avec cette inscription : IN : NATIVITATE : EJUS : MULTI : GAUDEBUNT . Le premier enfeu de gauche était celui des seigneurs de Kermorvan, terre possédée au temps de Louis XIV par les marquis de Rosmadec. Ensuite, belle Vierge-Mère, sur un socle armorié, puis enfeu des seigneurs de Kéricuff, vieux manoir situé à l'entrée du bourg. Le troisième enfeu, qui dépendait du manoir de Kerjezéquel, contient une piscine où, le jour du pardon, les pélenins se baignent les yeux dans « l'Eau du Doigt » (Dour ar Biz). A côté se voit, posée sur un plateau, la tête ensanglantée du Précurseur. Le pilier d'en face est entouré d'un tronc circulaire et supporte un groupe ancien du Baptême de Notre Seigneur. Plus bas, statue de saint Jean l'Evangéliste tenant sa coupe. Figurines dans les frises. La porte ogivale du fond s’ouvre sur un petit réduit voûté, qu'éclaire au dehors un soupirail et qu'on nomme la Prison, parce que jadis, le jour du pardon, on y enfermait les malandrins surpris en flagrant délit de vol. Au-dessus, ancienne chambre des fabriques. Les orgues, placées dans la même aile, sont surmontées d'une statue du Précurseur et décorées de vieilles peintures représentant sainte Cécile touchant de l'orgue, le roi David jouant de la harpe et des anges musiciens.

Dans la nef, le tref ou poutre triomphale soutient un Christ en croix accompagné de la Sainte Vierge et d'une sainte Femme. Au-dessus des deux premières arcades du chœur sont deux figures en haut-relief de personnages agenouillés et priant. Ce sont deux seigneurs de Kervoaziou, du nom de Marc'hec, qui se sont fait représenter ainsi, adorant le Saint Sacrement et invoquant saint Jean Baptiste.

Si Von peut se faire ouvrir la tour, on y verra deux cloches, curieuses par les inscriptions qu'elles portent. La plus grosse, fondue en 1791, l'an second de la Liberté, eut pour parrains « les représentants de la Société des Amis de la Constitution établie à Morlaix » et fut nommée la Constitution. La deuxième, fondue en même temps, reçut le nom de Jean-Baptiste.

Le Trésor de St-Jean-du-Doigt.

Le trésor de Saint Jean du Doigt se compose de neuf pièces, dont deux, le calice et la croix, d'une importance capitale. Pour le voir, s'adresser à la sacristie.

a) La relique de saint Jean Baptiste (première phalange de l'index, avec l'ongle) enfermée dans un petit reliquaire d'or, d'argent et de cristal.

b) Le calice de vermeil, don prétendu d'Anne de Bretagne. C'est une pièce d'orfèvrerie splendide, de 0 m. 35 de hauteur et de 0 m. 15 d'ouverture. La coupe repose dans une fausse coupe enrichie d'une profusion d'ornements et d'arabesques feuillagées, que séparent trois paires de dauphins affrontés et couronnés, alternant avec autant de cornes d'abondance. Un enfant nu tient de chacune de ses mains levées la queue des dauphins.

Le nœud, de forme octogone, a 8 niches à coquilles et en plein cintre, abritant les statues de saint Jean Baptiste, tenant un agneau sur son bras gauche, et des 7 Apôtres saint Jacques, saint Pierre saint Paul, saint Barthélémy, saint Thomas, saint Philippe et saint André. L'une des volutes du pied est formée d'un génie ailé tenant les queues de deux dauphins renverses la tête en bas.

La patène, large comme une assiette, porte au fond un bel émail figurant la Sainte Vierge et saint Joseph à genoux devant l'Enfant Jésus. Au second plan, deux bergers s'approchent pour adorer le Messie. Un médaillon présente l'effigie en profil de François Ier, époux de Claude de France, fille d'Anne de Bretagne et probablement donatrice de ce magnifigue calice. Au centre du revers, l'Agneau divin, portant le nimbe crucifère et le guidon croisé, est inscrit dans une étoile rayonnante.

c) La croix processionnelle, en argent, offre les statues du Christ, de la Sainte Vierge et de l'apôtre saint Jean. Des médaillons en quatrefeuilles, placés aux extrémités des quatre branches, contiennent les figures en bosse ou en gravure des quatre Evangélistes, de trois Prophètes et de saint Jean Baptiste. A l'avers de la croix est un groupe de la Trinité ; au-dessous, saint Jean Baptiste montre l'Agneau couché à ses pieds : Ecce Agnus Dei.

d) le crâne de saint Mériadec, dans un chef d'argent.

e) un fragment du bras de saint Maudez, dans un avant-bras d'argent.

f) un bel ostensoir rayonnant, en vermeil, du style Louis XIII.

g) un petit calice d'argent du XVIème siècle, orné sur le pied de feuillages dorés et de huit jolis médaillons en émail de têtes d'apôtres.

h) un bénitier portatif en argent.

i et j) deux anciens crucifix d'ivoire.

Le Pardon de St-Jean-du-Doigt.

Le pardon de Saint-Jean-du-Doigt a lieu les 23 et 24 juin. C'est l'un des plus célèbres de Bretagne. Au XVIIIème siècle, il attirait chaque année de 15 à 20.000 pèlerins. Bien que ce chiffre ait fort diminué, l'affluence des fidèles est encore considérable, et sauf le détail de la braie ancienne, les vers de Brizeux demeurent véridiques :

« Dès le premier rayon de ce pieux dimanche
Vous verrez arriver la foule noire et blanche,
Avec la braie ancienne et le nouveau surtout,
De Léon, de Tréguier, il en vient de partout,
Des monts où St-Michel lève sa tête immense,
Et de Châtel-Audren où le breton commence.
Ils viennent. Tout est plein dans l'église, à l'entour.
D'autres, pour voir la mer, sont montés dans la tour.
Les cloches sont en branle, et perclus, hydropiques,
Lépreux vous rendent sourds au bruit de leurs cantiques.
Tous au bord du chemin chantent St-Jean-du-Doigt
St-Jean le Précurseur, le patron de l'endroit »
(Brizeux, Les Bretons, chant XI).

Dans l'église étincelante de cierges, festonnée de guirlandes, pavoisée d'oriflammes, la célébration des offices n'arrête point les dévotions individuelles. Chaque pèlerin défile à son rang autour du Keff Sant Yan, devant un prêtre qui lui pose sur le front le chef de saint Mériadec, dont l'attouchement préserve des maux de tête, puis il va baigner ses paupières dans « l'Eau du Doigt » et se rend au maître autel se faire appliquer sur les yeux la relique de Saint-Jean-Baptiste.

A l'issue des vêpres se forme la procession, qui sort du cimetière au grand carillon des cloches. En tête, précédées de clairons et de tambours rythmant la Marche, s'avancent la croix du trésor au gai tintement de ses clochettes, et les lourdes bannières paroissiales de Saint Jean et de Plougasnou, éployées par de robustes gars. Leur passage sous l'arc de triomphe constitue un véritable tour de force, auquel peu de bras et de reins peuvent aspirer. Suivent des statues portées par des jeunes filles à ceintures bleues et fines cornettes de dentelles des étendards, des reliquaires, une frégate toute pavoisée et hérissée de canons, qui, par intervalles lâche sa bordée. Le Saint-Doigt vient enfin, porté par des prêtres en brillantes dalmatiques, et derrière eux se précipite la foule pour gagner la colline où doit s'allumer le feu de joie.

Les habitants de la paroisse ont formé d'avance sur le placître de Pen-ar-C'hra, une énorme pyramide de lande sèche, enguirlandée de feuillage et de fleurs. Un long câble tendu au moyen d'un cabestan la relie à la plate-forme du clocher. Lorsque la procession est arrivée sur ce tertre, elle fait halte, et une fusée lancée de la tour vient en siflant allumer le bûcher, tandis qu'éclatent des détonations de pièces d'artifice et des salves de coups de fusils. La flamme s'élève grésillante, parmi des myriades d'étincelles, la fumée de l'encens se mêle à celle de la poudre et du pétillant feu d'ajoncs, et la procession, entonnant l'hymne du Saint-Doigt, redescend par une vieille voie pavée jusqu'à l'église.

A mesure que tombe la nuit, les feux de la Saint-Jean, obéissant au signal donné par le tantad de Pen-ar-C'hra, s'allument successivement, piquant de cent lueurs l'obscurité tiède et douce, flambant au carrefour des routes animées par des bandes de pèlerins qui, munis d'odorants bouquets d'herbes de la Saint Jean ou de tisons du bûcher, talismans assurés contre l'incendie et la foudre, regagnent en chantant leurs hameaux.

Le lendemain 24 juin, la fête a un caractère plus religieux et plus recueilli. On ne danse point au pardon de Saint Jean, parce que le Précurseur mourut par la volonté d'une danseuse. La prohibition est de toute antiquité. On raconte qu'un aubergiste ayant voulu passer outre et faire danser chez lui, le soir du pardon, un incendie dévora la nuit même sa maison et son avoir, La leçon a été comprise [Note : Désormais, la fête de Saint-Jean sera célébrée le dimanche le plus rapproché du 24 Juin. Le feu de joie aura donc toujours lieu le samedi].

Manoirs de Pontangler et de Corran — Oratoire de Lorette — Eglise de Plougasnou.

De Saint Jean à Plougasnou, on ne compte qu'un kilomètre par la traverse de Pontangler, sentier à peu près impraticable aux véhicules. Ceux-ci devront remonter la route de Morlaix jusqu'au premier carrefour, où ils tourneront à droite vers Plougasnou (2 kil. 1/2), mais les piétons trouveront plaisir et profit à suivre la traverse. Après avoir franchi le ruisseau du Donnant, il faut se retourner pour voir le clocher de l'église bien profilé sur le ciel bleu, dans un cadre de feuillage, avec le gâble dentelé et la belle fenêtre du pignon Ouest. Puis ou passe devant les restes du vieux manoir de Pontangler, bâti au XVIème siècle par les Marrec de Kervoaziou. Un autre manoir, Corran, existe plus près de la plage, dans un bouquet d'arbres. Il a un double portail et des lucarnes en pierre de l'époque Louis XIII. Alain de Corran, sieur dudit lieu, procureur du Roi au siège de Lanmeur, le bâtit vers 1630, et plaça ses armoiries, trois fleurs de lis, une étoile en abyme encore visibles sur la poterne du portail.

On gravit une pente caillouteuse, puis on arrive sur le plateau de Plougasnou, dont le bourg et l'église se montrent au-delà de l'oratoire de N. D. de Lorette, étrange édifice posé au bord du chemin, au milieu d'une plaine nue d'où l'on découvre magnifiquement la mer, les côtes farouches de Saint Jean et de Guimaëc, les rivages éloignés de Lannion. Deux cariatides, homme et femme, aux jambes entortillées, en supportent la façade, et il est couvert d’une toiture courbe en grandes pierres de granit. Trois statues s'y abritent, et parmi elles une belle Vierge-Mère drapée et hanchée dans le genre du XVème siècle. Les jeunes filles venaient jadis suspendre dans cet oratoire des mèches de leurs cheveux, le jour du 15 août, afin d'être mariées dans l'année. L'inscription gravée sur la corniche donne la date de 1611 et le nom de la fondatrice, demoiselle Anne de Keredan, dame douairière de Kerastan. Les armoiries sculptées au-dessous sont celles d'Yves Boetté, sieur de Kerastan, et de sa veuve Anne de Keredan (un cerf surmonté d'un croissant, mi-parti de deux fasces accompagnées de deux roses). Le blason des Corran timbre le pignon Ouest. Auprès sont deux socles de croix brisées et un petit menhir renversé.

A l'entrée du bourg de Plougasnou, nous rencontrons une très vieille croix pattée monolithe.

L'église intéressante à visiter offre extérieurement 3 parties remarquables. Son abside a une maîtresse-vitre au gracieux tympan flamboyant du XVème siècle, et une chambre du trésor couverte en pierres de taille. L'ordonnance de ce chevet rappelle un peu celui de St-Jean. Le porche latéral, daté de 1616, est surmonté de lanternons Renaissance et décoré d’une statue en granit de saint Pierre, patron de la paroisse.

Eglise de Plougasnou.

Sous ce porche, deux colonnes cannelées d'ordre dorique soutiennent un fronton au centre duquel émerge à mi-corps le buste d'un personnage portant fraise et bonnet à bords retroussés. Au-dessus dans une petite niche ionique, Pitié en pierre. Une inscription gravée à droite constate la dédicace de l'église par gravée Le Gras, évêque de Tréguier, le 2 mai 1574. L'image de saint Pierre est sculptée sur les vantaux de la porte, entre deux sortes de cariatides. Joli bénitier à droite.

La tour est très haute et très belle. Elle fait honneur à l'architecte Jean Taillanter, qui la commença le 8 octobre 1582, selon l'inscription du portail pratiqué à sa base, et la décora de galeries à pilastres, de balcons, de corniches à corbelets. Les armoiries des Scépeaux, seigneurs de Guicaznou, se distinguent encore sur la façade, entourées du collier de Saint Michel. Une tempe flèche de pierre s'élance de la plate-forme, d'où l'on embrasse un horizon solennel de terre et d'eau.

Pénétrons clans l'église par le porche du clocher, garni de deux colonnes corinthiennes à fût renflé, et contournons la nef par le bas-côté droit. Nous y trouvons d'abord les fonts baptismaux accompagnés d'un foyer pour réchauffer les nouveaux-nés ou tiédir l'eau pendant l'hiver. Ces fonts sont formés de deux jolies cuves octogonales, décorées de feuillages sculptés et mascarons divers (têtes d'évêque, de femme aux cheveux ondulés, d'hommes coiffés de chaperons). La plus grande porte cette inscription en gothique : J : ALBI : FECIT : ISTUM, et la devise de Bretagne : A : MA : VIE. deux fois répétée. Si on le peut, se faire montrer la cuve intérieure en plomb, garnie de 4 gracieuses figures féminines de la Renaissance. L'enfeu voisin était celui des Le Pape, seigneurs du Cosquérou, dont les armoiries (une corneille traversée d'une lance) surmontent extérieurement la fenêtre. Remarquer à gauche deux arcades romanes supportées par des piles barlongues ; la dernière, vers le maître-autel, a trois têtes humaines sculptées sur son tailloir.

Les deux enfeus situés à droite étaient ceux des seigneurs de Kermadéza et du Mesgouez ; ils contiennent des tombes sans inscriptions. Au-dessus du portail latéral, autre enfeu, dépendant jadis du manoir de Pontplancoet. Au pilier d'en face s'appuie un vieil autel de granit, avec une frise de grappes de raisin et de feuilles de vigne, et l'inscription bretonne : SANT : SACRAMANT.

Plus haut encore, jolie chapelle seigneuriale de Kericuff, timbrée des armoiries des Kermabon et des Kerliviou, et précédée d'une élégante arcade gothique de chêne ciselé, qui faisait autrefois partie d'un chancel environnant le chœur. On voit dans cette chapelle l'enfeu ogival des seigneurs de Kericuff, des poutres, des frises et des clefs sculptées, un curieux groupe de la Trinité et un tableau du Crucifiement, à droite duquel on remarque saint Nicolas et les trois petits enfants dans le saloir. Sous l'arcade de l'enfeu, décorée de pinacles et de crossettes frisées, vénérable statue assise, en pierre blanche, de saint Pierre, tiare en tête et clef à la main.

Le maître-autel à tourelles provient de l'ancienne église de Saint-Mathieu de Morlaix, à laquelle la fabrique de Plougasnou l’acheta en 1713. Sur la porte de l'édicule central, bas-reliefs du Sauveur du Monde et de l'Agneau Pascal, entourés d'anges adorateurs et de têtes de chérubins. Au-dessus, statue de Jésus-Christ portant sa croix. Dans les niches latérales, statuettes de saint Pierre, saint Marc avec son lion, un saint évêque, etc. Peintures sur bois du Christ et de la Sainte Vierge. Les panneaux sont encadrés de belles arabesques et moulures, et des torchères enflammées séparent les tourelles. Des deux côtés, statues très dignes de Notre-Dame de Guicaznou et de saint Pierre.

L'aile gauche, qui a été élargie, ne contient plus qu'un seul autel, celui du Rosaire, avec un retable monumental exécuté vers 1669 par Jean Berthoulous, sculpteur à Brest. Il est flanqué de quatre grosses colonnes torses chargées de branches de vignes où se jouent des Amours. En haut règne un fronton brisé au centre duquel, dans une niche, plane une belle Vierge-Mère que deux anges désignent aux hommages des fidèles. Le tableau central, signé Jacques Alix, 1668, et de bonne facture, figure la Sainte Vierge donnant le Rosaire à saint Dominique et à sainte Thérèse, dont les statues sont nichées dans les piédestaux des colonnes. La porte de ce bas-côté est garnie à l'extérieur d'une arcade ogivale provenant de l'enfeu détruit des seigneurs de Mesquéault. L'écusson brisé a pour timbre une tête de femme coiffée d'une sorte de casque. Au-dessus de la porte, ancien tableau du Crucifiement. Auprès, grand Christ.

Le trésor de l'église, très appauvri sous la Révolution, comprend pourtant encore :

a) une croix processionnelle en argent du XVIIIème siècle, à boules et clochettes, avec les statuettes du Christ, de la Sainte Vierge, de saint Jean et de saint Pierre portant chape et tiare.

b) un ravissant ostensoir en vermeil de style Louis XIII, accosté de deux anges gracieux tenant des palmes. Sur le pied, Christ portant sa croix, et Cène. Il a été beaucoup admiré à l'Exposition de 1900.

c) un beau calice de vermeil chargé de feuillages et de rinceaux Renaissance. Sur le nœud, il y a six statuettes d'apôtres, avec leurs attributs. Au-dessous, on lit le nom à demi-effacé de François Postic, prêtre qui légua le 27 juillet 1590 ce calice à l'église, d'après son testament conservé dans les archives paroissiales.

d) une très jolie Vierge-Mère en argent, de 0m40 de hauteur, coiffée d'une couronne fleurdelisée et tenant un sceptre à la main. Sur le socle de bois, élégant cartouche aux armoiries des donateurs, Toussaint de Kerc'hoent, seigneur de Morizur, et sa femme Jeanne Le Ségaller, dame du Mesgouez en Plougasnou, mariés en 1662.

La chapelle du vieux cimetière, transportée dans le nouveau, mérite d'être vue. On s'y rend en suivant à gauche du chevet de l'église, un chemin descendant vers la mer. Le cimetière est à droite, à 100 mètres. La chapelle qu'on y a rebâtie est l'ancien oratoire du Sacre, et doit dater de 1580 environ. Son chevet demi-circulaire, ses trois pignons aigus épaulés de contreforts, sa toiture élevée sommée d'un épi de plomb et soutenue par des colonnes rondes, lui donnent un aspect original. Aux recoupement des poutrelles courbes sont des culots feuillagés, et un beau Père Eternel forme la clef de voûte centrale. Dans les frises, évêque ; martyr tenant une palme, chimères, grotesques, banderolles et feuillages. L'autel de granit s'accompagne de deux consoles portant un saint évêque et une sainte sans attribut. Au-devant de la croix, petite chaire de pierre à six pans, dont la galerie est ajourée d'arcatures gothiques. En continuant à suivre le chemin, on arriverait (1. kil.) à la plage de Saint-Jean.

Le bourg reçoit lors de la belle saison un certain nombre de villégiateurs. (Hôtel des Bains ; petit déj. 50 c., déj. 2 fr., dîner 2 fr. 50, chambre 1 fr. ; pension 120 à 150 fr. par mois. — Hôtel de Bretagne, prix modérés. — Chambres meublées, 30 à 40 fr. par mois ; maisons, 100 à 120 fr. — Poste de secours du Touring-Club, maison Clech). A gauche de l'agglomération, vieux petit manoir des Salles, avec les armoiries des Kermerchou sculptées sur sa façade et sur une dalle funéraire servant de seuil au portail.

Ancien camp retranché — Menhir de Goasmeur — Manoir de Tromelin.

Le littoral de Plougasnou, profondément déchiqueté par les vagues, s'ouvre au Nord-Ouest du bourg pour former l'anse pittoresque de Trégastel, que le sauvage promontoire de Primel abrite des vents du large. Deux routes conduisent à Trégastel (4 km. environ). La plus commode — nous suivrons l'autre au retour —, s'amorce à gauche de la place de l'église en prolongeant le chemin de Morlaix. A la première bifurcation, prendre à droite. On arrive bientôt sur un point culminant, un de ces runs si nombreux dans la paroisse. En cet endroit, il y a, dans une garenne à gauche, les traces d'un camp retranché, avec doubles parapets et douves. On y jouit d'une très belle vue sur la côte et la mer. Plus loin, on voit du même côté la chapelle rebâtie de Saint-Nicolas, puis le menhir de Goasmeur, haut de 3 mètres, sur la pente d'une agreste et verte coulée qui se creuse de plus en plus jusqu'à son débouché dans l'anse. Il y a là, toujours à gauche, le vieux manoir à tourelle de Tromelin, antique résidence des familles de Coatanscour et de Toulbodou, et le moulin à mer de l'Abbesse (Milin-an-Abbadès) qui dépendait jadis d'un prieuré que l'abbaye des Bénédictines de saint Georges de Rennes avait dans la paroisse.

Moulin de l'Abesse Trégastel — Pointe de Primel.

L'anse de Trégastel sert de refuge à quelques barques de pêcheurs et de goëmonniers. A gauche, la pointe bouleversée du Diben se prolonge par une traînée de roches brunes sur lesquelles les vagues déferlent en gerbes neigeuses. A droite sescarpent les remparts naturels du « Château de Primel », colossal bloc de granit qui fut autrefois le piédestal d'une forteresse. La route et la voie ferrée courent de compagnie vers leur but commun, le village de Trégastel, joliment situé à la base du cap, entre deux plages de sable, et devenu, en ces dernières années, une petite station balnéaire déjà peuplée de plusieurs villas. (Grand Hôtel de Primel, petit déj. 60 c., déj. ou dîner 2 fr. 50 ; ch. 2 fr. — l'Hôtel de la Plage, petit déj. 50 c., déj. ou dîner 2 fr., ch. depuis 1 fr. 50 ; pension 5 fr. — Hôtel de la Falaise, petit déj. 0 fr. 75 et 1 fr. Déj. 2 fr. 50 ; Dîner, 3 fr. ; Ch. de 3 à 5 fr. Pension, juillet 6 à 7 fr. ; août 7 à 8 fr. — Hôtel Talbot.

La pointe de Primel, qui s'avance à près d'un kilomètre en mer, est des plus curieuses à visiter. On y trouve des traces d'occupation primitive (menhir à demi-enfoui de Men-ar-Vioc'h (la Pierre de la Vache) dans l'enclos de la propriété Vérant ; vestiges d'enceintes retranchées ; sépultures préhistoriques. Le sentier qui la traverse se faufile entre de vieux talus en pierres sèches, escalade des blocs dentelés, laisse à droite les débris de la petite chapelle de Sainte-Marthe, traverse une esplanade vêtue d'un gazon ras, où sont les levées d'une ancienne batterie avec corps de garde et guérite de guetteur, et aboutit au Château de Primel, roche énorme séparée du continent par une étroite fissure où les vagues s’engouffrent et rejaillissent.

Primel était jadis une place forte, et le chef-lieu de la seigneurie de Plougasnou. Son château succéda à un établissement gallo-romain, vers lequel convergeaient des voies pavées venant de Morlaix, de Carhaix et de Locquirec. Sous la Ligue, les royalistes y tinrent garnison, mais leur chef Goezbriand s'y laissa prendre en 1596 par les Ligueurs alliés aux Espagnols. Le fameux Fontenelle, l'un des plus terribles partisans de l'époque, occupa quelque temps Primel, puis s'en fit chasser par les Espagnols, qui voulaient conserver ce poste pour eux seuls. Trois fois les milices de Morlaix et des navires venus de Brest assiégèrent Primel par terre et par mer ; l'opiniâtreté espagnole, secondée par les défenses formidables du château, déjoua toutes leurs tentatives. Enfin, en 1598, don Graviel de Amezcoa abandonna la place. Un peu plus tard, en 1616, une bande de routiers s'y installa et exerça des ravages dans le pays. Le gouverneur de Morlaix, Boiséon, les mit en fuite et fit aussitôt abattre les fortifications de Primel, dont Vauban ne trouva plus de traces quand il vint à Plougasnou vers 1690.

Château de Primel — Manoir de Traon-ar-Run — Chapelle de Sainte Barbe.

Un pont suspendu (à droite, petite caverne), franchit l'abîme et permet d'atteindre le sommet du rocher (48 mètres d'altitude), d'où l'on embrasse un coup-d'œil magnifique sur la côte hérissée d'écueils, l'entrée de la baie de Morlaix avec son fort du Taureau, ses phares, ses tourelles et ses îles, les côtes de Saint Pol et de Roscoff, l'île de Batz l'horizon infini du large, les rochers dits les Chaises de Primel, les rivages abrupts de Saint Jean et de Guimaëc, enfin le profil vaporeux des terres lannionnaises.

Regagnons Plougasnou par la route de Sainte Barbe, à gauche de la pointe. Elle longe une belle plage de sable fin, aspectée à l'Est, puis escalade une dure montée qui se termine près du vieux manoir de Traon-ar-Run (le bas du tertre), à gauche. C'est un type de vieille gentilhommière trégorroise, avec ses murs de pierres brutes tachées de lichens d'or, son double portail, sa cour fermée, sa tour d'angle à la poivrière basse. Il fut bâti au XVIème siècle par la famille de Tréménec, dont l'écusson : un fretté au franc canton chargé de 3 calices, est encastré dans l'arrière-façade. La butte au pied duquel il est assis porte la chapelle de Sainte Barbe (prendre la clef au manoir ; pardon le dernier dimanche de juillet) qui contient les statues de sainte Barbe avec sa tour et son épée, une Vierge-Mère, saint François d'Assise montrant ses stigmates et sainte Angèle. Sur le pignon Ouest, écusson renversé portant les armoiries des Bartage, sieurs de Kerbiquet (un fretté brisé d'un croissant). De ce tertre, la vue est superbe comme aussi du sémaphore voisin, où l'on peut demander à se servir d'une forte longue-vue marine. A gauche, la côte escarpée domine de petites plages entremêlées de rochers, dans l'un desquels s'ouvre une caverne dite Grolle du Chevalier.

Manoir de Runfellic — Run-ar-Vugale — Kericuff — Plage du Guerzit — Chapelle St Samson.

Le chemin se dirige en serpentant vers Plougasnou. A l'un des coudes se détache à gauche un sentier menant au manoir de Runfellic (double portail avec restes de créneaux ; puits à édicule) reconnaissable à la tourelle de moulin à vent qui l'avoisine. Ou monte encore, laissant à droite le moulin à vent ruiné de Guicaznou et l'on arrive au bourg, à gauche de l'église.

On devra regagner Morlaix par la côte, pour voir les grèves du Guerzit, de Saint-Samson et de Térénez situées devant le dédale d'écueils, d'îlots et de balises qui hérissent les passes de la rade. Il faut suivre d'abord la route de Primel, et prendre à gauche au premier carrefour. On descend dans un vallon, en longeant à droite le grand tumulus de Run ar Vugale (le tertre des enfants), signalé par une petite croix de pierre, puis le vieux manoir à colombier de Kericuff, qui a perdu ses deux tourelles. Au hameau de Kérénot (3 km.), tourner à droite, puis encore à droite 400 mètres plus loin, et enfin à gauche. On dévale alors vers la plage du Guerzit, anse de sable fauve arrondie entre deux collines rocheuses tapissées de fougères et de genêts.

Revenir ensuite ses pas, mais au lieu de tourner à gauche vers l'école de Kérénot, continuer droit devant soi. La route décrit une courbe et mène au hameau de Saint Samson, qui domine un littoral accidenté. Sa chapelle a été bâtie sous Louis XIII par la famille Le Ségaller, aux armoiries (un sautoir cantonné de quintefeuilles) encore visibles sur l'écusson du portail. On y voit deux statues du saint patron, un Christ portant le globe du monde une Vierge-Mère et une sainte Barbe. Un peu au Sud coule la fontaine sacrée, où le jour du pardon (dernier dimanche d'août), on fait boire les enfants pour les fortifier. Au-delà, dans un bouquet d'arbres, vieux manoir du Cosguer (double portail et colombier. Au-dessous du hameau de Saint Samson, (2 auberges), il y a à droite une jolie plage de sable fin, et, à gauche, l'épaulement gazonné d’une vieille batterie à guérite de veilleur. Curieux rochers du Crapaud et du Canon.

Chapelle St-Maudez — Manoir de Pontplancoët — Croas-ar-Merdy — Kervény — Térénez.

Pour gagner Térénez, faut revenir à Kérénot, puis tourner à droite. Un kilomètre plus loin, nouveau carrefour, où l'on prend encore à droite. On rencontre bientôt la vieille chapelle de Kerbabu, dédiée à saint Maudez (Prendre la clef au manoir de Kerbabu ; pardon le lundi de la Pentecôte). Les statues sont celles du Christ, de saint Maudez, saint Tugdual, saint Roch, et, dans la nef, une jolie sainte Catherine foulant aux pieds la tête du tyran Maximin, qui s'arrache la barbe de fureur.

(Un autre chemin plus direct (6 kilomètres) mène de Plougasnou à Kerbabu et à Térénez. Il passe. (2 kil. du bourg) au vieux manoir de Pontplancoët, édifice du XVIème siècle flanqué de deux tourelles rondes et blotti dans un frais vallon, au bord d'une eau courante. Sa chapelle, dédiée à Notre-Dame de Pitié (pardon le 8 septembre) est l'ancien oratoire du manoir de Kersaint, reconstruit là pierre par pierre. Un peu plus loin, vieille croix à personnages de Croas-ar-Merdy (statues du Christ, la Sainte-Vierge, saint Jean et sainte Marguerite sur son dragon) décorée des armoiries de la famille de Léau, alliées à celles des Kerret et des Quélen. On laisse à gauche, les restes du manoir de Kervény, à portail ogival timbré de l'écusson des Coatanscour, puis on atteint la chapelle de Kerbabu.

Manoir du Guermeur — Château de Mesgouez.

Non loin de cette chapelle, tourner à droite. Le chemin traverse un haut plateau sans talus ni arbres, semé de maisons blanches, et descend vers Térénez, pittoresque petit port assis au débouché de l'anse du même nom. On y trouve les ruines d'un vieux manoir entouré d'une enceinte de murailles croulantes, une bonne auberge et un charmant coup-d'œil sur le rivage, le promontoire de Barnénez et les îles. Il y a, à droite et à gauche du hameau, des coins de sable propices aux baignades.

Rebrousser chemin et continuer droit, sans tourner vers Kerbabu. A droite, manoir du Guermeur, flanqué de deux tourelles, puis croix et hameau de Kerangroas. Cette route n'est pas très praticable en hiver, mais dans la belle saison, elle est suffisante. Elle rejoint (4 km. de Térénez) la route de Plouézoc'h à Plougasnou (tourne à droite), non loin du château du Mesgouez (1 km. à gauche). Ce Château, rebâti modernement, est sans caractère ; sur les pilastres du portail, lions héraldiques de la famille Pastour du Mesgouez. Auprès, chapelle de saint Joseph et colombier.

On traverse le vallon assez profond de Pont-Cornou, puis on remonte vers les hautes landes de Plouézoc'h (97 mètres d'altitude), d'où la vue s'étend sur la mer et les montagnes d’Arrée. On laisse à droite l'église de Plouézoc'h, on passe devant une belle croix moderne (à droite), puis devant la chapelle de saint Antoine (à gauche ; voir plus bas) et l'on atteint à mi-pente de la vallée du Dourdu la route de Morlaix, qui nous ramènera à notre point de départ.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

 

2ème EXCURSION : Lanmeur (83 km.) — Guimaëc (16 km.) — Locquirec (22 km). — Lanmeur, retour (31 km.) — Morlaix, retour (42 km.).

Moulins de Coatgral et de Poullech — Manoir de Boiséon.

Les routes de Plougasnou et de Lanmeur se confondent d'abord jusqu'au carrefour de la Forge-Neuve, puis la dernière, laissant l'autre à gauche (voir 1ère excursion) court dans la direction Est. Elle descend bientôt, en décrivant des lacets, le long d'un ruisseau tributaire du Dourdu. A droite, bois du château de Kerozar, que nous verrons au retour. On atteint dans la vallée la rivière sinueuse du Dourdu (à gauche, vieux moulin gothique de Coatgral), qu'on remonte l'espace d'un kilomètre, puis on l'abandonne au Poullech, ancien moulin féodal des seigneurs de Boiséon. Suit une rampe presque continue de 4 kilomètres, qui mène sur un plateau aride de 110 mètres d'altitude, au lieu typiquement nommé Run-Cras (la hauteur desséchée). Les montagnes d'Arrée profilent au Sud leurs croupes onduleuses.

La route borde à droite le bois du manoir de Boiséon, qui mérite d'être visité. Une vieille et longue avenue défoncée y conduit. Ce manoir est une maison Renaissance, à portes cintrées et lucarnes de pierre, toute entourée de ruines. Un portail flanqué de hauts pilastres donne accès dans sa cour, où il y a une énorme vasque ronde en granit, portant sur 5 piliers et mesurant. 11 mètres de tour. A gauche sont les débris d'un vieux château inachevé, grands pans de murs en pierres de taille percés de larges fenêtres. A droite, sous le manoir, dorment deux beaux étangs merveilleusement environnés de futaies profondes. Une tourelle à meurtrières, baignant dans l'eau, défendait le passage de leur chaussée, qui mène à la chapelle de saint Claude, en ruines, et au colombier. La terre de Boiséon est le berceau d'une des plus puissantes familles trégorroises ; Louis XIII l'érigea en comté en faveur de Pierre de Boiséon, gouverneur de Morlaix et célèbre capitaine royaliste pendant les guerres de la Ligue.

Poursuivons notre route. A droite, vieux manoir à tourelle de Coatanfrotter, voisin d'une fontaine légendaire, et résidence au XVIIème siècle des Lollivier de Kergariou. Après un petit ruisseau, on traverse un pays plat et élevé, d'où l'on aperçoit à droite, dans le lointain, le fonds de la baie de Saint-Michel et la montagne de Méné-Bré près de Guingamp, puis l'on rencontre la voie ferrée de Plestin et l'on débouche sur la grande place de Lanmeur (à gauche Hôtel des. Voyageurs et Hôtel Lavalou).

Histoire de Lanmeur.

La petite ville de Lanmeur a une origine très ancienne. On la nommait jadis Kerfeunteun (lieu de la fontaine) à cause d'une source qui coule sous l'église et qui servit, dit-on, aux cérémonies du culte druidique. Elle changea ce nom en celui de Lanmeur (le grand monastère) lorsque saint Samson y fonda, au VIème siècle, une abbaye dépendant de l'évêché de Dol.

Le patron de la paroisse est saint Mélar, malheureux enfant dont la tragique histoire est rapportée par nos vieux légendaires. Il était fils de Méliau, comte de Cornouaille, qui périt assassiné par son frère Rivod. Ce dernier voulut aussi faire massacrer son neveu, mais ses émissaires se bornèrent à couper la main droite et le pied gauche de Mélar, pour le rendre incapable de monter à cheval et de combattre. Des moines recueillirent le pauvre petit mutilé, le soignèrent, lui fabriquèrent une main d'argent et un ried d'airain dont il se servait si adroitement que Rivod commença à concevoir des craintes. Il gagna le gouverneur du prince, nommé Kerioltan, et lui proposa un odieux marché. En échange de la tête de Mélar, il lui donnerait toutes les terres qu'on découvre de la plus haute montagne de Cornouaille, Kerioltan accepta ; mais Mélar, prévenu à temps, put s'enfuir et se réfugia près de Lanmeur, au château de la Boissière, chez le comte de Poher Conomor.

Kerioltan ne renonçait pas à son dessein. Il se présenta devant Mélar en feignant un repentir dont la candeur du pauvre enfant ne put soupçonner l'hypocrisie. Le jeune prince pardonna au misérable et voulut même, selon les usages du temps, reposer la nuit suivante entre Kerioltan et son fils Justin. « Ainsi le pieux Mélar, dit un légendaire, s'endormit comme un agneau entre un loup et un tigre ». Quand tout bruit se fut éteint dans le château, les deux scélérats égorgèrent leur victime et lui tranchèrent la tête, qu'ils mirent dans un sac pour la porter à Rivod. Justin s'en saisit et sauta le premier par la fenêtre, mais il alla se briser le crâne au fond des douves. Kerioltan attendit jusqu'an matin, se glissa hors de la place, ramassa près du cadavre de son fils le sac fatal et s'enfuit. Arrivé à Quimper, il jeta aux pieds de Rivod la blonde tête de l'enfant, puis se hâta de gravir la montagne afin de contempler ses nouveaux domaines. Comme il écarquillait les yeux pour mieux voir, la colère de Dieu le frappa de cécité. Furieux, il se roulait par terre en écumant, et il périt de male rage, suivi dans la tombe, trois jours plus tard, par l'affreux Rivod.

Conomor fit inhumer avec respect le corps du martyr dans la chapelle du château ; plus tard, ses restes furent transférés à Lanmeur, et l'on plaça l'église sous son vocable. Les reliques de saint Mélar, transportées à Paris lors des invasions normandes, s'y trouvent toujours, dans l'église de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. Au temps de Louis XIII, on voyait encore son tombeau, sarcophage de granit placé au-dessus du grand-autel de l'église de Lanmeur. Il a depuis disparu.

Pendant la guerre de la succession de Bretagne, il y eut, en 1342, près de Lammeur, une bataille entre l'armée franco-bretonne de Charles de Blois et les Anglais de Robert d'Artois. Ce dernier en fut le vainqueur. C'est le seul fait historique que présentent les annales de la localité. Lanmeur avait autrefois une cour royale de justice réunie en 1745 à celle de Morlaix.

Eglise et Crypte de Lanmeur.

L'église paroissiale a été reconstruite en 1902-1905 dans de belles proportions. On a gardé un portait roman encastré dans la façade Ouest, et le clocher, du XVIIIème siècle. Le mobilier intérieur est moderne, ainsi que la chaire, sur laquelle sont sculptées des scènes de la vie de saint Mélar. On voit cependant, derrière l'autel latéral de gauche, quatre vieilles statues : un saint Mélar couronné, en manteau royal à collet d'hermines, tenant le sceptre et sa main droite coupée ; un autre saint Mélar plus petit et semblant plus ancien ; un saint Paul portant l'épée et le livre ; une sainte mutilée.

Derrière ce même autel s'ouvre un escalier qui descend à une très curieuse crypte régnant sous le chœur. (Pour visiter, s'adresser au presbytère ; offrande.) Cette crypte est le plus ancien monument chrétien du Finistère, puisqu'elle fut édifiée au VIème siècle pour abriter le corps de saint Mélar. Elle est partagée en trois petites nefs par deux rangées de piliers cylindriques et monolithes. Sa hauteur n'atteint pas 2 mètres.

Deux des piliers, plus gros que les autres, sont couverts à mi-hauteur d'une ornementation barbare (serpents entrelacés ou tiges végétales). D'étroites fenêtres, pratiquées dans les murs, indiquent que primitivement la crypte était dégagée et qu'on pouvait y regarder de l'extérieur. Sur l'autel, une statue ancienne de saint Mélar le représente avec la main droite et le pied gauche coupés, selon le texte de sa légende. Près de la porte est une petite vasque remplie d'une eau courante qui se perd sous le pavé de la crypte. On prétend que cette fontaine doit déborder, un dimanche de la Trinité, et inonder l'église. Aussi la grand'messe est-elle, ce jour-là, célébrée à Kernitron.

Chapelle de Kernitron.

La chapelle du prieuré de Kernitron s'élève tout près de Lanmeur, dans un bouquet de hêtres. (Prendre le chemin à gauche de la place, avant l'église, et tourner à droite). Elle occupe l'emplacement du monastère de saint Samson. Sa grosse tour romane, coiffée d'un toit pointu à lucarnes et pinacles d'angle, est d'un singulier aspect. Cette chapelle est un très intéressant spécimen de l'architecture du XIème siècle. On y pénètre par une porte latérale accostée de colonnettes (chapiteaux et tailloirs richement sculptés). Un pignon aigu surmonte le tympan de ce portail, dans lequel un bas-relief méplat très fruste, représente le Christ bénissant, entouré des attributs des Quatre Evangélistes. A gauche, la façade offre d'étroites baies romanes, tandis que le pignon Ouest, édifié en 1411, présente un petit porche ogival surmonté d'une fenêtre flamboyante ; à droite, les ouvertures sont gothiques, et le chœur se termine par un chevet droit ajouré d'une large maîtresse-vitre.

A l'intérieur, en remarque d'abord, en face du portail, l'autel et la statue (XVIIème siècle) de Notre-Dame de Kernitron, Vierge-Mère assise qui fut couronnée en 1909 avec un cérémonial imposant. A droite, un vieux tableau restauré figure la Sainte Famille. Au ciel se montrent le Père Eternel et le Saint Esprit entourés d'anges. Le donateur, gentilhomme du temps de Louis XIV, à perruque poudrée habit rouge à basques, jabot et manchettes de dentelle, est agenouillé dans un angle. Ses armoiries et sa devise : Joye sans fin à Goudelin font reconnaître en lui François de Goudelin, seigneur de Goasmelquin en Plouégat-Guerrand, vivant en 1660.

Au maître-autel, groupe archaïque de la Trinité et Vierge-Mère. Dans le bas-côté droit, beau Christ à la colonne, en granit tableaux du Rosaire et de la Dernière Cène, et enfeu des seigneurs de Kerprigent. Grand Christ au-dessus de la porte d'entrée. Les colonnes qui flanquent les piles du clocher ont des chapiteaux romans d'une décoration remarquable, et d'autres colonnes appliquées garnissent les murailles du bas de la nef.

Légende de la fondation de Kernitron.

La fondation de Kernitron est attribuée, par les traditions locales, à sainte Tryphine, qui habitait vers 545, avec le comte Conomor son mari, au château voisin de la Boissière. Les malheurs de cette douce et pieuse princesse font le sujet d'un émouvant mystère breton. Indignement calomniée par son frère Kervoura, elle s'enfuit jusqu'à Orléans et devient gardeuse de pourceaux au service de la duchesse de cette ville. Son mari, que le poète a transformé en roi Arthur, convaincu trop tard de la fausseté des accusations de Kervoura, recherche sa femme pendant six ans et la retrouve avec bonheur. Sur les instances de Tryphine, il consent à pardonner à l'odieux Kervoura, mais ce dernier, toujours brûlé de haine, combine contre sa sœur une infâme machination qui jette une seconde fois le désespoir et la fureur dans l'âme d'Arthur L'infortunée Tryphine, condamnée à mort, se résigne et, au moment de s'agenouiller pour recevoir le coup fatal, dit à son mari : « Arthur, je meurs sans colère, parce que c'est vous qui me faites mourir ; je meurs sans regrets, puisque vous ne m'aimez plus ». Des larmes jaillissent sous toutes les paupières ; au même instant un grand bruit retentit sur la place. C'est l'évêque de Saint-Malo qui accourt, accompagné d'un bel enfant, fils d'Arthur et de Tryphine, traîtreusement enlevé par Kervoura dès sa naissance, et élevé en secret dans le palais épiscopal de Saint-Malo. L'enfant marche droit au calomniateur de sa mère, lui offre le combat, lui perce le cœur, puis, le pied sur son cadavre, appuyé sur son épée plantée dans le corps du misérable, il proclame l'innocence de Tryphine aux cris de joie de la foule. Le roi ouvre ses bras à sa femme et à son fils, et les ramène dans son château de Lanmeur, désormais séjour heureux d'affection et de paix. Pour remercier la Sainte Vierge de sa protection vengeresse, Tryphine fit construire près de sa demeure une belle église où elle se complaisait en longues actions de grâce, ce qui fait que le peuple l'appela : le lieu de la Dame (Ker 'n Itron).

La chapelle de Kernitron est un lieu de pèlerinage très fréquenté à toutes les fêtes de la Vierge, principalement au jour de l'Assomption (pardon de nuit, feu de joie). Lorsque les processions des paroisses voisines passent sur des points élevés d'où l'on aperçoit le clocher de Kernitron, elles s'arrêtent, et, tournées vers le vieux sanctuaire, elles entonnent l'Ave Maris Stella. Chacune de ces stations nommée Salud ar Verc'hez (Salut de la Vierge) est signalée par une croix de pierre dite Croas-ar-Salud.

Manoir de Kerandulven — Eglise de Guimaëc.

Rejoignons, au-delà de Kernitron, la route de Guimaëc, sinueuse et d'un terrain médiocre (il est question de la rectifier). A droite se voient le bois et le manoir à tourelle de Kerandulven. Après avoir monté jusqu'à la cote 112, on redescend vers Guimaëc, dont le bourg apparaît à 2 km. de distance. Au-delà, on découvre la mer, les rivages des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) et la vallée inférieure du Douron.

Guimaëc (3 km. de Lanmeur) a une église du XVIIème siècle, avec quelques parties gothiques ou modernes. Le clocher, daté de 1655, est flanqué de deux tourelles. La porte du pignon Ouest porte des scènes naïvement ciselées : l'Annonciation, la Nativité, la Présentation au Temple, la Fuite en Egypte. Au petit porche latéral, statue de saint Pierre tenant sa clef, et curieux chapiteaux simulant des noeuds de corde. A droite de la porte, bénitier décoré d'une tête de mort.

Le maître-autel est surmonté d'un tableau du Sacré-Cœur, d'une Vierge-Mère à l'altitude digne, et d'un saint Pierre, patron de la paroisse, tiare en tête et clef à la main. L'autel de droite a la statue de saint Eloi et un groupe de la Trinité. Au-dessous sont deux enfeus gothiques ; le second, orné de crossettes frisées et de pinacles, est timbré des armoiries : un bandé de six pièces, des seigneurs de Trémédern, qui avaient cette devise bretonne : Mervel da veva (Mourir pour vivre). A l'autel de gauche, curieuse sainte Anne triple et groupe des saints Côme et Damien.

Dans la-nef, il y a, à droite, un beau grand Christ de bois à la tête inclinée, et un vieux tableau qui montre saint Eloi opérant la guérison d'un homme blessé à la jambe. Le saint tient un marteau, et à ses pieds sont des tenailles et un fer à cheval. On sait que saint Eloi est en Bretagne le patron des maréchaux-ferrants et le protecteur attitré de la race chevaline. A gauche, vieux tableau de l'Eucharistie. Un joli calice en argent, daté de 1583, est conservé à la sacristie. Le pardon de Guimaëc a lieu le 1er dimanche de juillet.

Menhir de Rannou Tréléver — Manoir de Kerambellec — Chapelle de Christ.

Dans le mur du cimetière, à droite de l'échalier qui fait vis à vis au clocher, est encastré un lech ou petit menhir renversé. On dit que cette pierre fut lancée, «d'une lieue» de distance par l'Hercule trégorrois, le fameux Rannou Tréléver, Sur la maison d'une bonne femme médisante qui déchirait sa réputation. Son formidable projectile renversa en passant la cheminée de la vieille commère, au grand effroi de celle-ci, et alla se planter là où on le voit aujourd'hui.

Une excursion intéressante peut se faire de Guimaëc, si l'on dispose de quelque temps. On suit le chemin qui s'ouvre au Nord, devant le pignon Ouest de l'église, et l'on descend presque aussitôt dans un vallon. A droite, restes du manoir de Kerambellec, (pavillon d'angle garni de mâchicoulis et de meurtrières). On continue sans bifurquer et l'on arrive (1 km. 1/2) à la chapelle de Christ, monument du XVIème siècle aux portes ogivales décorées de fleurons et de pinacles, avec des gargouilles en forme de chimères et des crossettes sur les rampants du pignon. (S'informer de la clef, déposée dans l'une des maisons voisines, quelquefois assez loin). Il y a dans cette chapelle plusieurs oeuvres d'art et statues de style. Le retable du maître-autel offre les bas-reliefs de la Flagellation, le Portement de Croix, le Crucifiement, la Descente de Croix, la Résurrection. Au-dessus, adossé à la fenêtre du chevet, grand Christ couronné, en robe rouge à longs plis. Un autre Christ en ivoire d'excellente facture surmonte le tabernacle. Dans le tympan flamboyant de la vitre, écusson aux armes alliées des Kergus de Mezanbez et des Kerrerault.

A gauche de l'autel, curieuse Vierge-Mère foulant un dragon à face humaine ; à droite, niche à volets contenant un groupe triple de sainte Anne portant la Sainte Vierge, qui porte à son tour l'Enfant Jésus. Sur les volets sont. peints saint Pierre, saint Jacques, saint Dominique et un saint évêque. Dans la chapelle latérale, éclairée par une fenêtre armoriée du blason des Estienne de Kervéguen, autre Christ en robe. Le choeur est fermé par une belle grille de bois, avec neuf colonnes et une riche frise sculptée. Sa corniche soutient plusieurs statues, le Christ, les bon et mauvais Larrons, la Sainte Vierge, saint Jean, saint Sébastien, etc... A droite de cette grille, un autel de pierre porte en lettres gothiques élégantes la date de 1556. Derrière la chapelle coule une fontaine consacrée au pied d'une croix à personnages ayant à son avers un Christ couronné et en robe. Le pardon a lieu le second dimanche de septembre.

Le « Tombeau de la Fileuse » — Pointe de Beg-ar-Fry — Chapelle St-Pol.

Au Nord de la chapelle se détache à droite un vieux chemin (jadis voie romaine de Locquirec à Primel), qui mène à Saint-Jean-du-Doigt. En le suivant l'espace de 200 mètres, on arrive au « Tombeau de la Fileuse » Bez an Inkinerez), monument mégalithique formé de 8 pierres levées. C'est un dolmen qui a perdu ses tables. Naguère encore, les pèlerins de Saint-Jean avaient coutume de se frotter le dos à la pierre du fond, pour se préserver des rhumatismes. D'autres mégalithes se voient plus avant dans le même chemin.

Continuant au Nord, on parcourt un pays de landes mélancoliques, balayé par le vent de mer, où surgissent çà et là des blocs mégalithiques bouleversés. On franchit un ruisseau près de la hauteur de Run-ar-C'horred (le tertre des Nains) à gauche, qui porte un dolmen ruiné et plusieurs peulvens, puis l'on parvient (5 km. de Guimaëc) sur le majestueux promontoire de Beg-ar-Fry (le bout du nez), gigantesque colline dominant les flots de plus de 80 mètres. La vue y est magnifique sur l'immense baie comprise entre les côtes de Saint-Pol et de Lannion. En suivant à gauche le bord de la falaise, on parvient (1 km.) à la chapelle de saint Pol, oratoire vétuste, isolé dans un ravin délicieusement sauvage.

Cette chapelle abrite les statues de son patron saint Pol Aurélien, escorté du dragon, saint Jacques, une Pitié. A droite du balustre de l'autel, étrange cariatide supportant une table. Une fontaine coule sous une arcade, dans la façade de gauche. D'après la légende, saint Pol y aurait plongé, pour l'étouffer, la tête d'un dragon dont il voulait débarrasser la région et depuis son eau a la propriété de guérir les chiens enragés, qui, du reste, s'y rendent instinctivement.

Chapelle Ste Rose — Manoir de Penamprat « Croas-Fulup » — Manoir de Kerven.

A 500 mètres au Sud de la chapelle est le vieux manoir à colombier de Penamprat, jadis habité par les familles de Kergariou et de Pestivien. Des cavernes très curieuses, mais d'un accès difficile, s'ouvrent dans les chaotiques rochers du littoral.

A droite de Beg-ar-Fry (2 km.), existe une autre Chapelle, sainte Rose de Lima, perchée au sommet d'un escarpement formidable au pied duquel s'abrite la petite plage de Poul-Roudour. Pour regagner Guimaëc, il faut reprendre la route suivie à l'aller.

Guimaëc dépassé, poursuivons à l'Est vers Locquirec, A droite, vieille petite croix de pierre dite Croas-Fulup, portant « l'empreinte des griffes du diable », qui a vainement essayé de la renverser, puis, à gauche (1 km. 1)2) manoir restauré de Kerven, avec un double portail et une tourelle hexagonale coiffée d'une haute poivrière. Il fut construit à la fin du XVIème siècle par Olivier Nouël, sieur de Kerven, maire de Morlaix en 1598, époux de Françoise Calloët de Lannidy, qui mourut en odeur de sainteté au couvent des Calvairiennes de Morlaix, fondé par elle. Un de leur fils, le P. Joseph de Morlaix, religieux capucin, fut aumônier de Louis XIVème et l'un des plus célèbres prédicateurs français de son temps. Kerven appartient plus tard à M. de Bergevin. Dans la chapelle moderne sont 2 statues du XVIIème siècle, saint Sébastien le patron, et une Vierge-Mère.

Plage du Moulin de la Rive — Locquirec — Eglise de Locquirec.

On descend, par une pente rapide, à la belle plage du Moulin de la Rive (Hôtel) gracieusement arrondie entre deux collines, dans un cadre de landes et de rochers, à l'embouchure d'une petite rivière qui s'étale sur le sable fin. Sur la gauche, à l'arrière-plan, la pointe de Beg-ar-Fry dresse ses assises de granit rose au-dessus des vagues, qu'elle semble déchirer comme une colossale étrave de vaisseau. Du même côté se détache un chemin qui mène (1 km. 1/2) à la petite chapelle de saint Engar. On remonte à droite vers le vieux hameau de Keraël, on traverse celui de Pennenès, et l'on dévale de nouveau vers Locquirec en découvrant la large et belle baie de Plestin.

Locquirec (5 km. de Guimaëc ; Hôtel des Bains, petit déj. 75 c., déj. 2 fr. 50, dîner 3 fr., chambre dep. 2 fr., pension 6 à 7 fr. — Les Mouettes, pension de famille ; prix modérés. — Poste de secours du T. C. F. à l'hôtel des Bains) est une jolie et paisible station balnéaire, peuplée d'assez nombreuses villas et située sur une pittoresque presqu'île où l'on exploite des carrières de dalles schisteuses renommées sous le nom de pierres de Locquirec. Une chaîne de rochers la protège au Nord ; a l'Est s'évase l'estuaire sablonneux du Douron, rivière qui sépare le Finistère des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Locquirec doit son origine et son nom à saint Quirec, qui, au Vème siècle, y établit un monastère dans les ruines d'un poste romain dont on retrouve maints vestiges (sépultures, médailles, tuiles, ciment). Plus tard, l'église qu'il avait fondée devint un prieuré de chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et une trève de Lanmeur.

L'église de Locquirec, blanchie à la chaux, a extérieurement une apparence presque moderne. Son clocher, daté de 1691, est accosté d'une tourelle que surmonte la statue en granit de saint Jacques, patron de la paroisse. Le chevet à trois pans n'est guère plus ancien, mais à la façade Sud, le portail et les fenêtres sont en ogive, et, à l'intérieur, les arcades de la nef, d'un tracé élégant, paraissent remonter au XIVème siècle. Le maître-autel est du siècle suivant et d’une très archaïque exécution. Ses deux panneaux en haut-relief figurent des scènes de la Passion : à gauche l'Ecce Homo, la Flagellation, la Sainte-Face, la rencontre de Jésus et Marie ; à droite, guerriers romains, Descente de Croix et Mise au Tombeau. Deux cavaliers de ce panneau ont été volés, il y a quelques années, par de peu scrupuleux touristes. Au-dessous sont représentés en bas-relief saint Claude, saint Jean Baptiste, saint Jacques, saint Louis et sainte Barbe. Dans le sanctuaire sont les statues de saint Quirec (moderne) et de saint Jacques, patron actuel de la paroisse, avec le bourdon de pèlerin, la gourde et le chaperon orné de coquilles.

A gauche du maître-autel, il y a une curieuse niche à volets abritant une Vierge-Mère qui foule aux pieds un monstre à tête de femme, terminé en serpent et tenant une pomme dans la pince qui lui sert de main droite. Autour s'élèvent les deux tiges d'un arbre de Jessé représentant la généalogie des rois de Juda, ancêtres de Notre-Seigneur. Les volets offrent six scènes sculptées ; à gauche l'Annonciation, la Visitation, la Nativité ; à droite l'Adoration des Mages, la Présentation et la Fuite en Egypte.

L'autel latéral de gauche possède un beau tableau du Rosaire, encadré par un retable à colonnes dont les socles portent les figures de saint Nicodème et d'un saint Evêque. Au-dessous, ange portant la tunique du Sauveur, et Pitié en albâtre adossée au premier pilier de la nef. Les anges musiciens peints sur les lambris du transept et du choeur sont signés : Cleran fecit 1712. L'autel latéral de droite a un tableau de la Cène. l'image du Bon Pasteur sur la porte de tabernacle, et une statue de saint Eloi tenant son marteau. Des anges placés aux encoignures du transept portent des instruments de la Passion : l'échelle, la lance, la colonne et la croix.

Pointe du Château.

En s'avançant au-delà de l'église, on parvient, par un sentier longeant des enclos de villas ; à la pointe du Château, où, pour peu que la brise fraîchisse, les vagues déferlent avec une rare violence. Cette pointe porte les ruines d'une batterie jadis armée de 2 canons qui protégeait la baie de Toul-an-Héry. En 1804, un convoi français, pourchassé par des navires de guerre anglais, se réfugia dans cette anse. L'ennemi l'y suivit, mais une frégate et une chaloupe canonnière, secondées par les batteries de Locquirec et de Plestin, soutinrent si vaillamment l'attaque que la flotte anglaise dut reprendre le large. Le port d'échouage, situé à droite du village, est abritée par une jetée de 118 mètres.

Château de Kergadiou — Manoir de Linguez — Toul-an-Héry — Chapelle de N.-D. de la Joie — Château de Trémédern.

On pourra regagner Lanmeur par un autre chemin accidenté et tortueux mais intéressant, si l'on dispose du temps nécessaire pour tout visiter. On remonte au carrefour de Pennénès, puis on tourne à gauche près d'une croix de pierre. On traverse plusieurs hameaux de vieilles maisons en pierres jaunes, pins (3 km. 1/2 de Locquirec), à un carrefour voisin d'un bizarre entassement de blocs de quartz dit les Cléguer, on prend à gauche un chemin s'abaissant vers le rivage. On rencontre à droite le beau château moderne de Kergadiou, à M. de Mauduit du Plessis, et le vieux manoir de Linguez (tourelle extérieure à cul-de-lampe), au-dessous desquels on débouche au fond de l'estuaire du Douron, au hameau de Toul-an-Héry, ancien port ducal de Lanmeur au moyen-âge. Il a perdu toute importance, mais on y exporte encore des grains et des pierres de construction. Quelques vieux bâtiments et magasins sont des vestiges de sa prospérité disparue. A gauche, château moderne de l'Ile-Blanche, bâti sur le bord de la grève. A droite, un peu en amont, est le pittoresque et vieux logis de la Tour d'Argent, flanqué d'une grosse tourelle ronde. Il passe pour avoir été autrefois un grenier à sel. Un bac fait communiquer en cet endroit les communes de Locquirec et de Plestin.

Revenons sur nos pas jusqu'au carrefour de Kergadiou, et 200 mètres plus foin, tournons à droite. Au bout d'un kilomètre arrêtons-nous pour aller visiter à droite (300 m. de la route) la chapelle de Notre-Dame de la Joie, bâtie au XVIème siècle et remplie d'oeuvres d'art. Elle occupe une charmante situation au-dessus d'un vallon boisé et frais, au haut d'une avenue montueuse. Il faut suivre cette allée pour aller prendre la clef de l'autre côté du vallon, à Trémédern, (800 m. environ). Du manoir de ce nom, qui a été démoli, il subsiste un vaste jardin muré, au bout duquel est le Vieux-Château, enceinte retranchée avec douves et deux mottes. Jehan de Trémédern, chevalier banneret, combattit à Patay avec Jeanne d'Arc.

Légende de Notre-Dame de la Joie.

Au portail de la chapelle sont les armoiries alliées des Kerrerault et des Le Nuz. Celles de la famille de l'Isle ornent la clef de la maîtresse-vitre. Le chœur est précédé d'une clôture de chêne à colonnes torses, surmontée d'une admirable frise de la Renaissance, formée d'arabesques, de chimères, de licornes, de génies ailés soufflant dans des trompes, de médaillons, etc. Au-dessus du maître-autel il y a six scènes en haut-relief de la Passion : Couronnement d'épines ; N.-S. conduit par les soldats ; Montée au Calvaire ; Crucifiement ; Descente de Croix ; Mise au Tombeau. D'autres scènes en bas-relief représentant le Baiser de Judas et la Descente aux Limbes, et des panneaux portent les images de saint Pierre, saint Paul saint André, saint Mathieu, saint Jean et saint Jacques.

L'autel de gauche a une belle Vierge-Mère couronnée de roses, tenant un sceptre à la main ; sur les volets de la niche sont peintes quatre scènes d'une facture minutieuse, signées : P. Barazer fecit 1593, et rappelant le genre des primitifs italiens ou de Jean de Bruges : l'Adoration des Mages ; la Présentation au Temple ; l'Assomption et le Couronnement de la Sainte Vierge. Ces peintures ont pour légendes des hexamètres latins ou des versets du Cantique des Cantiques. Sur le devant du maître-autel, peinture de la Nativité entre saint Henri et saint Louis. A gauche : Nativité de la Sainte Vierge ; son Mariage ; Annonciation ; Jésus au Temple. A droite : le Paradis terrestre ; Rencontre de sainte Anne et saint Joachim à la Porte Dorée ; Visitation ; Présentation ; Fuite en Egypte. Dans la chapelle de droite, il y a encore d'autres peintures sur les volets de la niche de saint Herbot. A la clef de voûte du lambris, armes des Le Ségaller de Kergomar. L'ancienne croix à personnages du placître porte les armoiries d'un Le Lévyer de Restigou, sénéchal de Lanmeur vers 1600.

La chapelle de La Joie doit ce nom à l'épisode légendaire qui en motiva la fondation. Le fils aîné du manoir de Trémédern revenant de la croisade armé, de toutes pièces et la visière baissée, rencontra sur ce tertre un gentilhomme qu'il ne reconnut point. Le sentier était étroit, et aucun d'eux ne voulant céder le pas à l'autre, ils convinrent de tranche le différend en combat singulier. Au moment de croiser le fer, le chevalier prononça tristement : Sainte Vierge, dois-je donc mourir ici, après avoir échappé à tant de périls, si près du manoir de mon père et sans l'avoir revu ? — Qui êtes-vous donc ? questionna l'autre. — Je suis le fils du sire de Trémédern, répliqua le croisé en levant sa visière, et alors les deux frères se reconnaissant, laissèrent retomber leurs épées et se jetèrent dans les bras l'un de l'autre en versant des larmes de bonheur. Puis ils firent voeu, pour commémorer leur rencontre, de bâtir en ce lieu une chapelle sous le vocable de Notre Dame de la Joie.

Fontaine de Saint Mélar — Château de Tréléver — Manoir de Mezaudren.

Après avoir visité ce sanctuaire, dont le pardon se célèbre le 8 septembre, et regagné le chemin, revenons encore sur nos pas jusqu'à la route quittée précédemment et continuons à la suivre. A droite, quelques décombres sur un placître herbeux marquent l'emplacement de la chapelle de Saint Mélar, dont la fontaine subsiste. Peu après, nouveau carrefour. Le chemin de gauche, qui descend vers le Douron, mènerait (800 m. environ) aux ruines du château de Tréléver, place-forte bâtie sur un mamelon rocheux commandant la rivière. Il n'en reste plus que des décombres enfouis sous la végétation et la base d'un portail flanqué de deux tours rondes. La tradition locale a gardé le souvenir d'un seigneur du lieu, Rannou Tréléver, sorte de Goliath bas-breton doué d'une force prodigieuse et qui jonglait avec les rochers comme un enfant fait d'une balle. Le peulven enfoncé dans le mur du cimetière de Guitmaëc atteste encore sa vigueur surhumaine, puisqu'il fut, dit-on, lancé de Tréléver par Rannou. Nos athlètes modernes les mieux musclés ne sauraient renouveler pareil exploit.

Keroignant — Kerbouran — Le Hellès — St-Hubert — Le Bois de la Roche — Garlan — Kervézec.

A droite, notre chemin va plonger dans un agreste vallon, qu'il franchit en laissant sur la gauche les trois vieux manoirs, fort pittoresques dans, leur vétusté, de Mézaudren (grand portail en ogive, fenêtres à meneaux), de Keroignant, et de Kerbouran (joli puits couvert d'un dôme à pilastres dans la cour close). On trouve à droite un chemin allant vers Guimaëc, puis du même côté le curieux manoir du Hellès, précédé d'un portail à créneaux et meurtrières, et flanqué de trois pavillons. Il fut bâti vers 1580 par Philippe de la Forest, gentilhomme de la chambre du Roi, époux de Marie de Guicaznou ; leur tombeau à statues couchées existait encore, avant la Révolution, dans l'église de Lanmeur. On arrive enfin à cette localité (9 km. depuis Locquirec).

La route parcourue à l'aller nous ramène à Run-Cras, où nous la quitterons pour prendre à gauche l'ancien chemin de Morlaix, plus court et plus intéressant. Peu après le carrefour, on jouit d'une vue très étendue sur la région, jusqu'aux montagnes de Commana et de Plounéour. Ou descend longuement vers la vallée du Dourdu, et l'on traverse le gros hameau du Bois de la Roche. Avant de passer la rivière dans un bas-fond verdoyant, on voit à gauche les ruines de la chapelle de saint Hubert, où un personnage grotesque formant console porte un cartel avec la date de 1475. Le bois qui domine ces débris dépend du château du Bois de la Roche, grand édifice du XVIIème siècle converti en ferme, bâti sur une esplanade rocheuse au-dessus de la rivière et du vieux moulin seigneurial (très joli site). Dans la chapelle, Vierge-Mère de style Louis XIV.

Au sommet de la montée suivante, un embranchement se détache à gauche et mène (1 km. 1/2) au bourg de Garlan. Dans l'église neuve, il y a 2 vieilles statues, saint Eloi et saint Marc. Au presbytère, beau saint Yves assis, du XVIème siècle.

Près du carrefour, à gauche, s'élève dans un bouquet de verdure le gracieux manoir restauré de Kervézec, bâti en 1568 par la famille Balavesne. Son portail est défendu par des meurtrières et une galerie à mâchicoulis. Un beau pavillon à quatre étages surmonte l'édifice, et se relie à une haute tour ronde flanquée en arrière d'une petite tourelle. L'aile de droite est en partie moderne. On peut faire le tour de ce manoir, inhabité, et visiter la chapelle.

Domestique de Notre-Dame de Lorette, qui contient des fragments d'anciens vitraux (Crucifiement et Résurrection) les statues de la Sainte Vierge et de saint Pol, et la dalle funéraire du dernier seigneur, Alain-Louis Le Gualès de Lanzéon, mort en 1812. Ses quatre fils avaient péri pendant les guerres de la Révolution. Kervézec appartient à Mme Abrial, née Potier de Courcy.

Châteaux de Kervolongar et de Kerozar — Chapelle de Sainte-Geneviève.

A un kilomètre de Kervézec, on rencontre à droite le bois de Kervolongar, où donnent accès deux originaux portails à pilastres du XVIIIème siècle. Le château construit sous Louis XV par les Thépault de Tréfalégan, a été remanié par le général comte de Porsanz, qui l'a habité, et se détache très noblement avec ses pavillons et ses tourelles, dans un riche cadre de futaies touffues. Pour le voir, on peut entrer par le portail inférieur et suivre une petite avenue du bout de laquelle on aperçoit la façade. A gauche, une fontaine a pour dalle un écusson aux armes alliées des Thépault et des Kergroas. Dans la chapelle, statues de Notre-Dame des Anges et de saint-François.

La route se relève ensuite jusqu'à la cote 82, devant l'entrée du beau parc de Kerozar, à gauche. (Château moderne appartenant au général Lebon ; pièces d'eau ; petit temple grec ; statues). Le vieux manoir avait vu naître, en 1569 le célèbre missionnaire breton Pierre Quintin, de l'ordre de saint Dominique. Le dernier seigneur de Kerozar, M. Guillotou de Kerever, ancien capitaine au régiment de Provence, périt en 1795 à la descente de Quiberon.

A droite, un chemin signalé par une borne-tronc de pierre conduit (300 m. environ) à la chapelle de sainte Geneviève, qui vaut d'être visitée. La clef en est déposée chez le gardien de Kerozar. Cette chapelle est un grand édifice du temps de Louis XIII sommé d'un clocher à galerie, beffroi et tourelle d'escalier. Dans la façade de gauche, il y a une jolie porte Renaissance, à pilastres ioniques, et médaillons d'homme et de femme. La devise des Kersulguen : Laissez dire, est inscrite au tympan, sous un écusson martelé.

Au-dessus du maître-autel, vieux tableau de sainte Geneviève avec son cierge éteint par le diable et qu'un ange vient rallumer. Statues de la même sainte, N.-D. de Pitié, N.-D. de Grâce, Sainte Barbe, etc. La grille à balustres du chœur, datée de 1639, porte un Christ en croix et un saint Michel terrassant le dragon. Dans le sanctuaire est l'ancien banc, délicatement ciselé, des seigneurs de la Boissière, dont les armoiries surmontent le dosseret central. Dans la nef, à gauche, curieuse sainte Anne triple, et à droite saint François d'Assise montrant ses stigmates. Les panneaux de la tribune offrent encore, malgré leur triste état de dégradation, des motifs gothiques et Renaissance très intéressants. Le lambris, voûté en berceau, à des clefs de voûte historiées et des sablières décorées de figures d’anges portant des attributs divers. Le pavage, aux dalles de granit et de schiste bleu géométriquement combinées, porte la date 1640. Avec ses vieux murs tachetés de mousses el les hêtres qui l'entourent, cette chapelle forme, dans son petit vallon discret et riant, un sujet d'étude digne d'inspirer un artiste. Le pardon a lieu le premier dimanche de septembre.

Manoirs du Vieux-Launay et de Coatcongar — St-Nicolas — Chapelle St-Charles.

Plus près de Morlaix, on rencontre à droite le manoir du Vieux-Launay, ombragé de grands arbres. Sa porte principale est en ogive, mais les bâtiments ont été remaniés. A gauche, les bois de Coatcongar cachent une jolie maison de campagne où naquit en 1845 le poète Tristan Corbière (V. La Rivière et la Rade de Morlaix). Près de la ferme subsite un beau puits à colonnes et dôme de granit, seul reste d'un ancien manoir que posséda Fontenelle le Ligueur.

Nous arrivons à Saint Nicolas, au carrefour des anciennes routes de Paris et de Lannion, où se tient le 15 octobre la célèbre foire de chevaux dile : la Foire haute. La chapelle du cimetière de Saint Charles, à gauche, contient une statue de saint Nicolas et un bas-relief de la Madeleine, tous deux anciens. De ce carrefour, on descend sur Morlaix par une pente très déclive, qu'il convient d'aborder avec prudence. Près de la caserne de Guichen, on tournera à droite pour arriver sur le quai de Tréguier, à la hauteur du Pont-tournant.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

 

3ème EXCURSION : De Lanmeur à Plougasnou et à St-Jean-du-Doigt (9 kilomètres).

Camp de St-Mélar — Manoir de Botdon.

De Lanmeur à Plougasnou et à Saint-Jean-du-Doigt, on compte environ 8 kilomètres. La route s'éloigne d'abord vers l'Ouest. A un kilomètre de Lanmeur, en face du vieux hameau de Rupeulven et d'une ferme dont le puits forme à l'extérieur tourelle de défense, suivre à droite un chemin creux qui conduit (500 m.) au camp appelé Douvejou sant Melar (les douves de saint Melar) et qui est le seul reste du château de la Boissière, résidence de Conomor et de Tryphine ; où saint Mélar périt assassiné par Kerioltan. L'esplanade rectangulataire de ce camp est entourée d'une double enceinte de retranchements et de fossés. On y a trouvé des tuiles romaines, et les champs d'alentour en contiennent de très nombreux fragments.

Un kilomètre plus loin, on tourne à droite à l'angle du bois du manoir de Botdon, modeste gentil-hommière convertie en ferme, encore timbrée sur son portail d'entrée d'un écusson seigneurial. Jacques Tournemouche, sieur du Botdon, baili de Morlaix en 1612, construisit ce manoir, plus tard possédé par les familles Jégou de Boisalain et du Trévou.

Menhir de Kermerchou — Manoir de Kermabon — Peulven et Manoir de Kerprigent.

On laisse à gauche le hameau de Kermerchou au devant duquel se voit un petit menhir, puis le vieux manoir de Kermabon, au bord d'un étang mi-asséché. C'est un édifice bien dégradé du XVIème siècle, à portail ogival. Sa chapelle, jadis dédiée à sainte Anne, est devenue une grange. La famille de Kermabon, issue d'ancienne chevalerie, comptait parmi les principales du pays de Lanmeur.

On longe ensuite à gauche le bois agreste du manoir de Kerprigent, dans lequel existe un beau peulven (on le voit de la route). C'est un bloc de quartz de 3 m. 50 de hauteur, très grossièrement équarri. Auprès gît un autre mégalithe renversé. A quelques mètres de ce peulven, il y a un carrefour. En tournant à gauche, on verra apparaître bientôt, au bout d'une avenue, le manoir moderne de Kerprigent joliment posé au bord d'un étang, dans un cadre de fraîche verdure. Près de la chapelle moderne, à gauche de l'allée, gît sur le sol un écusson aux armes écartelées des Quenquizou, des Kermabon, des Guernisac et des Quélen. Cette propriété appartient à la famille de Preissac.

L'ancien manoir, plus rapproché du bourg, était une maison forte, dont Fontenelle s'empara pendant les guerres de la Ligue et où il plaça garnison. La tradition rapporte de quelle façon les habitants de Plougasnou se débarrassèrent de ces hôtes dangereux. Un dimanche, au lieu de commencer les vêpres, le recteur monta en chaire et proposa à ses paroissiens d'aller sur le champ déloger les routiers cantonnés à Kerprigent. Les fidèles acceptèrent, s'armèrent de fourches, de faux, de bâtons, et marchèrent sur le château, leur recteur en tête. Assaillis brusquement, les Ligueurs ne purent tenir devant l'élan de la foule, ils s'enfuirent de tous côtés. Le château fut aussitôt incendié et démoli, et les braves paysans rentrèrent tranquillement chez eux. On ajoute que la dame de Kerprigent, irritée de la destruction de sa demeure, assigna en justice le recteur et les habitants, et les fit condamner à la reconstruire au lieu où s'élève aujourd’hui le manoir. Au-delà de Kerprigent, le chemin gravit une butte de 88 mètres d'altitude, où sont les ruines d'un vieux moulin à vent, et d'où l'on jouit d'un coup-d'œil très étendu.

Manoir de Kervoaziou — Chapelle de St-Mélar.

Revenons au carrefour et poursuivons notre route vers le Nord. Un kilomètre et demi au delà, on remarque à droite le vieux manoir de Kervoaziou, grand bâtiment surmonté de 5 cheminées. La façade a perdu tout caractère, car on en a modernisé les ouvertures. Les seigneurs du lieu, nommés Marec ou Marc'hec, avaient été les donateurs du grand vitrail de Saint-Jean-du-Doigt, où se voyaient leurs effigies et leurs armes, et deux d'entre eux sont figurés en prière au-dessus des arcades du chœur. Kervoaziou a appartenu ensuite aux familles de la Forest, de Penhoët et de Groesquer.

On peut s'arrêter là pour aller visiter, de l'autre côté du vallon du Dounant, la chapelle de saint Mélar (1 km. ; s'informer du sentier, assez difficile). On descend dans une charmante coulée humide et verte jusqu'à un vieux moulin couvert de lierre ; on tourne alors à droite et l'on trouve bientôt, à gauche, dans un petit bouquet d'arbres, la vieille chapelle. La clef est déposée au hameau du Léhen (500 mètres plus loin).

La chapelle de saint Mélar porte les dates 1601 et 1621. A gauche du maître-autel, dans une niche à volets, statue de saint Mélar couronné, portant un sceptre et sa main droite coupée. Sur les volets sont des scènes en bas-relief. A gauche : 1° la princesse Haurille présente à Rivod son fils Mélar, en costume royal ; 2° Rivod ordonne à Kerioltan de faire mourir Mélar ; il est vêtu en seigneur du temps d'Henri III, avec des culottes bouffantes, et il cherche sa bourse dans sa poche. A droite : 1° Mélar montant dans un char traîné par deux bœufs, pour s'enfuir à Lanmeur ; derrière sont les remparts de Quimper, d'où il était descendu au moyen d'une corde, et au ciel paraît le Père Eternel escorté de quatre têtes d'anges. — 2° Assassinat de Mélar par Kerioltan et Justin. Au-dessus, têtes d'anges, et vue du château de la Boissière.

Sur le maître-autel, grand Christ de bois ; à droite, autre niche à volets contenant une Vierge-Mère. Sur les volets, images de saint Nicodème, portant la couronne d'épines et le linceul, et de saint Germain, en évêque bénissant. Daus la chapelle de droite, statues de saint Loup, tenant une crosse finement ciselée, et de saint Eloi, armé d'une tenaille. Vieux coffre à sculptures Renaissance. Des traces d'anciennes fresques qu'on distinguait naguère sur les murs, ont disparu sous un récent bageon. Vieille croix et fontaine près de la chapelle.

A un kilomètre de Kervoaziou, on rencontre un nouveau carrefour. La route de droite descend vers Saint-Jean-du-Doigt ; celle de gauche vient de Morlaix. En continuant droit, on arrive à Plougasnou.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

 

4ème EXCURSION : De Lanmeur à Plouégat-Guerrand (5 km.).

Eglise de Plouégat-Guerrand.

Une autre excursion intéressante peut s'effectuer de Lanmeur, c'est celle de Plouégat-Guerrand, joli bourg dans une charmante campagne vallonnée et feuillue, pleine de souvenirs du passé. On suit d'abord, l'espace d'un km., la grande route de Morlaix à Lannion, qu'on abandonne pour bifurquer à droite et bientôt longer l'enceinte de l'immense parc muré du Guerrand, le plus considérable du Finistère (125 hect.). A l'angle du parc, on tourne à gauche, et l'on débouche, à droite, sur la large place du bourg.

L'église de Plouégat-Guerrand date du XVIème siècle mais son style gothique n'a pas grande richesse. Le morceau le plus remarquable en est le clocher, décoré d'une porte à crossettes frisées et pinacles, d'une balustrade flamboyante et d'un beffroi à crochets garni sur ses angles de chimères formant gargouilles. A la façade Sud est accolé un porche Renaissance flanqué d'une grosse tourelle et qui ressemble à un bastion. Il abrite les statues des douze Apôtres et une Vierge-Mère aux côtés de laquelle sont peints des anges tenant des banderolles portant : Ave Maria. Les images des Quatre Evangélistes, à demi-effacées, se distinguent aussi sur la voûte, qui offre à sa clef l'écusson des seigneurs de Guerrand de gueules à la fasce d'argent. La porte est ornée de bas-reliefs gothiques figurant saint Méen, en évêque, saint Egat, patron de la paroisse, muni d'une patène, le Baptême de N.-S. et saint Gildas, Une inscription en partie illisible donne la date de 1536.

L'intérieur est partagé en trois nefs par des piliers ronds ou octogones sans chapiteaux. Le maître-autel, bel ouvrage du temps de Louis XIV, a malheureusement été barbouillé d'un brun chocolat qui en noie tous les détails. Son retable à tourelles porte, à gauche, une Vierge-Mère et, à droite, saint Egat. Au-dessous est figurée la scène de l'Annonciation, la Sainte Vierge à gauche, l'ange Gabriel à droite. Chacun d'eux est accosté d'anges supportant sur leurs têtes des corbeilles fruitées et formant cariatides. Les armoiries des du Parc, marquis du Guerrand, sculptées au-dessous, ont été mutilées pendant la Révolution. Plusieurs statuettes sont nichées des deux côtés du tabernacle ; on y reconnaît saint Nicolas et les 3 enfants au saloir. Sur la porte du tabernacle, Sauveur du monde, surmonté d'un Père Eternel. Au sommet du dôme est le Christ ressuscitant. A gauche, contre le premier pilier, statue de sainte Marguerite debout sur un fantastique dragon ; à droite, sainte Catherine.

L'autel latéral de droite, dédié aux Trépassés, a deux colonnes de marbre noir et un tableau moderne inspiré d'une toile de Valentin conservée dans l'église Saint-Melaine de Morlaix. A gauche, belle Vierge-Mère Louis XIV présentant une rose à l'Enfant Jésus. Entre cette chapelle et le maître-autel, curieux panneau figurant Jésus au milieu des Docteurs, précédé d'une Vierge-Mère sous une arcade soutenue de deux anges. A droite, saint Nicodème bizarrement costumé, portant les clous et la lance. Dans le même bas-côté, sainte Marguerite agenouillée sur un dragon qui retient encore dans la gueule un pan de sa robe.

A gauche du maître-autel, joli tabernacle à colonnes torses d'ordre corinthien, orné d'une statuette du Sauveur du Monde. Statue de saint Eloi, tenant un fer à cheval, et Vierge-Mère gothique. L'autel latéral de gauche a aussi 2 colonnes de marbre noir, et un tableau de l'Ange Gardien, ainsi qu'un Ecce Homo et un saint Avertin pressant à deux mains sa tête douloureuse. A côté, enfeu des seigneurs de Kerhallon, abritant une tombe où se fit l'épitaphe de « Marie-Anne-Françoise, demoiselle de la Bouessière, décédée le 2 Avril 1733 ».

Dans la nef, il y a plusieurs vieilles et curieuses statues. A droite, à partir du chœur, on trouve celles de saint Jean, le Christ, sainte Geneviève, vêtue en paysanne trégorroise du temps de Louis XIV et munie d'une quenouille ; saint François d'Assise montrant ses stigmates, saint Sébastien criblé de flèches, saint Yves (ou plutôt le riche du groupe classique) avec chaperon, court manteau flottant, et bourse pendue à la ceinture. Du côté gabelle en remontant, saint Jean portant le livre et l'Agneau, étrangement vêtu d'une robe faite de la peau d'un chameau dont la tête et les quatre pieds pendent autour de lui ; sainte Barbe, veuve de sa tour ; saint Isidore, type précieux du costume breton du XVIIème siècle, avec sa double veste, son bragou-bras étroit, ses guêtres et son chapeau à cuve ; il porte une bêche, une faucille et une croix ; enfin groupe gothique de sainte Anne, la sainte Vierge et l'Enfant Jésus, tous trois assis dans une même chaire.

Au bas du collatéral de gauche sont les fonts baptismaux, au bassin octogonal de granit chargé sur chaque face d'une tête humaine saillante, il contient une cuve de plomb muni de masques de lion formant anses. Contre le mur, petite armoire Renaissance supportant un groupe du Baptême du Christ. Quelques dalles tumulaires encastrées dans le pavage offrent encore des traces d'inscriptions et d'armoiries. L'une d'elles, à droite du chœur, porte un bandé de 6 pièces, au lambel brochant, armes des Lézormel de Keramezre.

Croix du Cimetière — Tombeau de Guillaume Le Jean.

Dans le cimetière est une croix archaïque abritant sous un petit auvent les statuettes du Christ, de saint Laurent tenant son gril, d'une Vierge-Mère allaitant et de saint Egat avec sa patène. Un peu à droite de ce calvaire, en face du chevet de l'église, existe la tombe, très simple, de « Guillaume Le Jean homme de lettres, géographe, voyageur, membre de Sociétés Savantes, vice-consul de France à Massaouah, chevalier de la Légion d'honneur, décédé à l'âge de 47 ans » en 1871. Ses explorations périlleuses du Nil supérieur et de l'Abyssinie lui valurent sous le Second Empire une véritable célébrité, mais, épuisé de fatigue, miné par les fièvres, abattu par nos désastres, il revint mourir prématurément dans sa paroisse natale. La légende s'est déjà emparée, de lui ; ses compatriotes croient qu'il fut monarque de quelque contrée africaine, et appellent son mausolée la tombe du sultan.

Vieux Missel — L'Hôpital Château de Guerrand.

On peut voir au presbytère un monumental missel in-folio, en vélin, exécuté vers 1693 par Frère Michel Corcoran, religieux dominicain du couvent de Morlaix, aux frais de Messire Nicolas de Kerloaguen, protonotaire apostolique et recteur de Plouégal-Guerrand. On y trouve de curieux offices des saints locaux. Des titres enluminés dont l'auteur de ce bel ouvrage avait enrichi son œuvre, il ne subsiste plus qu un seul, dénotant par sa composition savante, sa facture minutieuse et son brillant coloris beaucoup de savoir-faire.

Sur la place, à droite et près de l'église, s'élève un grand bâtiment presque carré surmonté d'une haute toiture aux ardoises jaunies. C'est un ancien hôpital que le premier marquis de Guerrand fonda par testament en 1669. Il hébergeait 12 pauvres ; la Révolution l'a fermé. Sur la façade, une niche abrite une statue de Vierge-Mère. Le bâtiment qui y attient, et qu'occupe un forgeron, est l'auditoire du marquisat de Guerrand, où les juges exerçaient la haute justice de ce puissant fief.

Le Marquis de Guerrand — Manoir de Goasmelquin.

En face du bourg s'ouvrent les avenues, ombragées de hêtres séculaires, qui menaient autrefois au magnifique château de Guerrand, l'un des plus beaux de Bretagne, construit sur les plans de Perrault par Vincent du Parc, maréchal de camp et gouverneur de Concarneau, en faveur duquel Louis XIII avait érigé cette terre en marquisat. Son fils Louis-François du Parc termina le château et cerna de murailles son vaste parc dans lequel il enclava neuf métairies : Madame de Sévigné admirait fort la grâce et les belles manières du jeune marquis, mais il a laissé dans le pays de Lanmeur, sous le nom de markiz brunn (le marquis roux), les plus tristes souvenirs, et l'on y chante encore de vieilles gwerzes narrant ses méfaits. Devenu plus tard lieutenant-général, il contribua au gain de la victoire de Spire (1703) et reçut de Louis XIV douze pièces de canon enlevées aux Impériaux. Cette artillerie resta jusqu'à la Révolution dressée en trophée sur la terrasse du château où mourut le marquis en 1709, aprè avoir racheté, à force de repentir et de bonnes œuvres, ses fautes d'autrefois. Il passait ses journées à l’hôpital soignant les malades, distribuant des aumônes, puis, la nuit venue, se retirait dans l'oratoire, et, si l'on s'étonnait d'y voir, bien avant dans la nuit, briller une petite lumière, les gens du pays répondaient : « C'est le marquis de Guerrand qui veille : il prie Dieu à genoux de lui pardonner sa jeunesse ». L'expiation n'est-elle pas encore suffisante ? On raconte que les paysans attardés rencontrent parfois, sous les avenues du parc, un cavalier silencieux monté sur un cheval noir. Ils se signent alors craintivenment et récitent une oraison pour l'âme en peine du marquis de Guerrand.

A l'époque de la Révolution le marquisat appartenait à la famille Quemper de Lanascol. Elle émigra, et son domaine fut vendu nationalement à deux acquéreurs qui se le partagèrent. Du vieux château, malheureusement détruit vers 1840, il subsiste pourtant quelques débris dans le château actuel, agrandi en 1902 (chapelle, lucarne à fronton, petit oratoire ancien) et posé au bord d'un bel étang. Cette demeure appartient à la famille Martin-Métairie. L'autre manoir, possédé par M. Swiney, maire de Plouégat-Guerrand, est, paraît-il, l'ancienne orangerie. Il reste peu de chose des jardins superbes dessinés par Le Nôtre, mais on retrouve encore, dans l'enclos, les ronds-points, les sauts-de-loup et autres accidents artificiels des parcs du grand siècle.

Nous regagnerons Lanmeur par un autre chemin, à droite du bourg ; à travers un délicieux pays verdoyant et ombreux. On atteint (3 km.) la grand route de Lannion près du joli manoir de Goasmelquin (600 mètres à droite). Ce manoir, dans un frais vallon baigné par le ruisseau de Guerrand, a une tourelle à pans coupés sur sa façade et un double portail fermant sa cour. Marie de Goudelin, héritière du lieu, l'apporta aux Kersauson par son mariage, vers 1700, avec Hervé de Kersauson, sieur de Kervélec, sénéchal de Brest.

Pontmenou — Camp de Coatcoazer — Manoir de Lescorre.

En face de Goasmelquin, un chemin conduit (500 m.) au hameau de Pontmenou, situé sur l'ancienne route de Lannion, et d'un aspect curieusement vétuste. Ses maisons délabrées, ses masures, ses pignons ébréchés ou tapissés de lierre s'étagent en désordre sur le versant de la vallée du Douron, dominant de leurs talus escarpés le vieux chemin taillé dans le roc. Il y avait là jadis une léproserie et une chapelle dédiée à sainte Marguerite, d'où proviennent plusieurs des statues de l'église. Dans le pignon d'un petit oratoire moderne est encastré un écusson aux armes des du Parc de Guerrand (trois jumelles). Sur la rivière tournent deux ou trois moulins pittoresques, dont l'un est dit le Moulin au Duc. Une école évangélique, annexe de la Station protestante de Trémel, existe aussi à Pontmenou.

Rattrapons la grand'route et remontons vers Lanmeur. A 2 km. du carrefour se détache à gauche un chemin allant sur Plouégat-Guerrand. En le suivant l'espace d'un km. on rencontrera à gauche, dans un vallon boisé, la ferme de Coatcoazer, voisine (se faire conduire) d'un camp retranché carré, de 25 mètres de côté, qu'on nomme Ar Vered ou le Cimetière, parce qu'on y a trouvé d'antiques sépultures. Au-dessous coule la fontaine de saint Yves, où l'on fait boire les petits enfants pour les fortifier. Avant d'arriver à Lanmeur, on trouve encore, à gauche, les restes du petit manoir gothique de Lescorre, aux fenêtres garnies de meneaux, bâti au XVIème siècle par la famille de Kerguiniou.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

 

5ème EXCURSION : De Morlaix à Trégastel par le chemin de fer (20 km.).

Chapelle de St-Antoine.

De Morlaix à la station du Dourdu-en-Mer, voir notre Guide : La Rivière et la Rade de Morlaix.

En quittant cette station, la voie s'élève par une rampe de 2 kilomètres, au-dessus de la vallée du Dourdu, dont on découvre à droite l'estuaire sinueux et profond. La vue est très belle à marée haute, et s'étend, en arrière, sur les futaies étagées de Suciniou, le fond de la rade de Morlaix et le village de Locquénolé, enfoui dans la verdure. Parvenu sur le plateau de Plouézoc'h, qui pointe son clocher à gauche, le train oblique au Nord et s'arrête à la station de Plouézoc'h, établie en face de la chapelle de saint Antoine.

Cette chapelle, bâtie en 1574, a un chevet en hémicycle et un clocheton posé sur l'entrée du chœur. Son porche, faisant saillie sur la façade, est fermé par une grille de bois aux balustres élégamment tournés. A l'intérieur (s'informer de la clef à l'auberge en face), on voit au maître-autel les statues de saint Antoine ermite, escorté de son cochon, et d'une Vierge-Mère. A gauche est un beau groupe de saint Yves entre le riche, gentilhomme à perruque tenant une bourse gonflée et le pauvre, paysan déguenillé qui n'a pour lui que son bon droit et le papier sur lequel sa requête est écrite. Bas-reliefs de saint Antoine au désert et de la sainte Vierge avec l'Enfant Jésus et saint Jean.

A l'autel de droite, statues de saint Jacques, avec son bourdon de pélerin et son chaperon orné de coquilles, et de saint Philippe. Ils sont tous deux peints sur le coffre de l'autel. L'autel de gauche a les statues de saint Ivy et de saint Maudez, figurés en évêques ou abbés et bénissant. Du même côté, caveau funéraire contenant les sépultures de plusieurs membres des familles de Trogoff, Coroller de Kervescontou, Briand de Laubrière, etc., qu'énumère une longue inscription moderne.

Sur les piliers du transept se distinguent les armoiries des Goezbriand et des Kergournadec'h. Les sablières offrent des statues d'anges saillantes, et des têtes de dauphins terminent les poutres. L'une d'elles, en avant du chœur, soutient un groupe en grandeur naturelle du Crucifiement, couvert d'une sorte de dais dont les peintures représentent le Père Eternel et les quatre Evangélistes. Au bas de la nef gît dans un coin les restes de l'ancienne croix gothique du cimetière. On y reconnaît, outre un Christ mutilé, une Vierge-Mère, saint Yves argumentant sur ses doigts et saint Antoine, accompagné de son cochon qui porte une clochette au cou et fait le beau. La croix actuelle, datée de 1757, a des têtes de mort sculptées sur son dé. Le pardon de Saint-Antoine se célèbre le dernier dimanche d'avril ; il est nommé en breton : pardoun Calamaë (pardon des Kalendes de Mai). On y vient invoquer le saint pour la guérison des furoncles, et l'on jette, en guise d'offrandes, des clous dans sa fontaine, située près de Kerbriciou.

Près de la station, il y a un carrefour duquel on peut gagner, à l'Ouest Plouézoc'h (1 km.) ; au Nord Plougasnou (8 km.) ; à l'Est Lanmeur (7. km. 1/2) et au Sud Morlaix (8 km.).

La ligne longe le parc du Rohou, en dominant à droite une immense étendue de pays, coupe la route de Morlaix à Plougasnou au Carrefour de la Croas-Couign-Amann, et, se séparant de la ligne non encore terminée de Plestin, s'enfonce à droite dans des landes marécageuses entremêlées d'îlots de cultures et de bouquets d'arbres. La station suivante est celle de Kermouster, située à droite et non loin du hameau de ce nom, qui a une chapelle dédiée à Saint Sébastien. La ligne se pour-suit parmi les champs d'ajoncs et les fougeraies, passe non loin du vieux moulin à vent et du bois de Kerprigent, à droite et se rapproche, à travers une plaine infertile et mélancolique, du vallon de Traon-Mériadec, au bas duquel se découpe un coin bleu de mer. Le train fait halte à la station de Saint-Jean-du-Doigt, sise près du hameau de Kervronn et éloignée d'un kilomètre du bourg.

La station de Plougasnou est auprès et au Sud de l'agglomération. Ensuite vient celle de Saint Nicolas, établie près du chemin de Trégastel, à droite d'une chapelle reconstruite, accompagnée de deux fontaines consacrées s'écoulant dans le même bassin. Auprès, s'élève le fût de l'ancien calvaire, d'où provient un Christ gothique et mutilé déposé dans la chapelle. On peut gagner de là la pointe du Diben. Le. voyage s'achève, comme il a commencé, sous une impression charmante. La voie descend vers son point terminus en dominant à gauche la jolie anse de Trégastel avec ses maisons blanches, ses bateaux bercés sur la houle et la magique apparition de la pleine mer.

© Copyright - Tous droits réservés.