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LA SEIGNEURIE DE LANLOUP ET SES SEIGNEURS

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§ 1 — ORIGINES.

Quel est le fondateur de Lanloup ? Nous l'ignorons et sommes réduits à des conjectures. Le nom de la paroisse indique cependant qu'elle eut pour origine certaine un petit monastère dédié à saint Loup ; et le fait qu'elle fut jusqu'à la Révolution l'une des enclaves de Dol dans le diocèse de Saint-Brieuc, permet de supposer avec vraisemblance qu'elle dut son existence, comme Lanvollon d'ailleurs dont elle dépendait, à des moines du monastère de Dol, disciples de saint Samson. C'est même très probablement l'un des monastères fondés en Domnonée par ce saint lui-même entre 550 et 553 et dont Judual lui fit donation vers 556 [Note : Voir LA BORDERIE : Histoire de Bretagne, t. I, p. 420 et suiv. - LA BORDERIE : Annuaire historique et archéologique de Bretagne, de 1862, p. 155 et 179].

L'on sait, d'autre part, en quelle vénération étaient tenus saint Germain d'Auxerre et saint Loup de Troyes par les moines bretons dont ils avaient fondé un grand nombre de monastères lors de leur mission, en 429, pour combattre l'hérésie pelagienne, entre autres celui de Lan-Iltud où fut élevé saint Samson. Ce prestige, dû non seulement à leur piété, mais aussi à leurs talents militaires, s'était encore universellement accru pour saint Loup depuis que Troyes avait été épargnée par Attila grâce à l'ascendant pris par son saint évêque sur le Fléau de Dieu (Acta sanctorum : Julius, t. VII, p. 51 et suiv.). Rien d'étonnant donc à ce que les moines de Dol lui aient dédié leur monastère.

Mais objectera-t-on, le patron actuel de Lanloup n’est pas l’évêque de Troyes, mais bien l’archevêque de Sens, du même nom, que vécut au siècle suivant : le pardon de septembre, les cultes de sainte Colombe, de saint Blaise et de saint Gilles ne permettent aucun doute à cet égard (Acta sanctorum : Septembris, t. I, p. 248 et suiv.).

Cette objection n'est, certes pas salis valeur : tandis que nous n'avons rien trouvé dans la vie de l'archevêque qui permette de lui attribuer la fondation ou le patronage de ce monastère nécessairement fort antique et très probablement antérieur même à sa naissance, la substitution du culte dus deux homonymes peut être, au contraire, facilement expliquée.

Les Bollandistes nous apprennent, en effet, qu'en 1144 Hugo de Tonciacus, archevêque de Sens, ayant reconnu le corps de saint Loup caché pendant l'invasion normande, en donna les premières reliques aux moines de Saint-Victor. Peu après, devant les miracles opérés par celles-ci, elles furent partagées entre les diverses églises construites en l'honneur du saint jusqu'à l'extrémité de la Gaule, et ces mêmes auteurs ajoutent qu'il y eut parfois confusion avec celles dédiées à saint Loup de Troyes. Comme les moines de Saint-Victor vinrent précisérnent à cette époque en Goello, il n'y aurait rien d'extraordinaire à ce qu'ils soient les auteurs, bien involontaires d'ailleurs, de cette substitution. La confusion était d'autant plus facile que le lann de saint Loup, situé près de la côte sur le chemin joignant les divers postes militaires que les Normands y établirent après leur conquête au commencement du Xème siecle, dut subir le sort des autres villages de la Domnonée et, très probablement, être réduit au seul souvenir de son nom pendant, de longues années encore après la défaite des pirates en 936.

Peut-être un jour, la découverte du manuscrit de Louénan, sur la fondation des divers monastères du Goello au VIème siècle, viendra-t-elle éclairer l’origine de cette paroisse et montrer s’il y eut ou non substitution des deux saints, comme nous le pensons, à la fin du XIIème siècle.

§ 2 — DE 1237 A 1474.

C'est dans le courant du XIIIème siècle, en 1237, que nous voyons pour la première fois, à notre connaissance, mention écrite de la paroisse dans une charte de Beauport. Dans les années suivantes, de nombreuses chartes de la même abbaye, relatives pour la plupart à des donations, nous apportent de précieux renseignements sur le terrier de Lanloup et des paroisses voisines. Il ressort nettement de leur examen que l'étendue de la paroisse était, contrairement aux allégations, d'ailleurs sans preuves, de certains auteurs [Note : Abbé Lucas : Le diocèse de Saint-Brieuc pendant la période révolutionnaire, t. II, p. 299, art. Lanloup ; et abbé HELLIER : Registre manuscrit au presbytère de Lanloup, fourmillant d'erreurs et n'indiquant aucune source], la même qu'aujourd'hui et que, si les chemins n'avaient pas alors la largeur des routes actuelles, leurs tracés n'en différaient pas sensiblement. C'est ainsi que nous voyons déjà mentionné le chemin allant de l'église de Plouha à Lanloup et celui de Lanloup à l'église de Plouézeo en passant par Kéramburon, existant encore aujourd'hui tel que sauf une légère rectification dans le bois de Goasfroment. Le chemin de Kermaria-an-Isquit, sanctuaire déjà célèbre, au vieil établissement romain du Questel est également indiqué, traversant Lanloup, suivant la si jolie vallée de Bréhec et franchissant, comme de nos jours, le ruisseau sur le pont de Lanloup en Plouha.

Enfin, celui conduisant à la Grand'ville, en Plouézec (actuellement Kermeur), dont le tracé est emprunté en partie par la route actuelle de Plouha à Paimpol, venait compléter ce réseau vicinal.

Ces chartes nous font connaître le pasteur de la paroisse en 1237 : Eudes, chapelain de Lanloup (Anciens Evêchés de Bretagne, t. IV, p. 102) et son seigneur temporel en 1266 : Rolland chevalier (Anciens Evêchés de Bretagne, t. IV, p. 173).

Quel étail ce Rolland, sr de Lanloup, qui, deux ans plus tard sans doute avant de partir pour la croisade, empruntait, avec l’assentiment de son fils aîné Guillaume, 40 livres aux moines de Beauport, alors les grands banquiers de la région avec le duc Jean le Roux, et, leur donnait en gage pendant dix ans toutes ses dîmes de la paroisse évaluées par an à 10 rais, de froment, mesure marchande de Lanvollon ? Quel était son fief ?  C'est ce que nous allons examiner.

Dans deux aveux de la seigneurie, des 9 et 10 janvier 1667 et du 20 mars 1682, le sr de Lanloup « connaît et confesse tenir le fief de Lanloup en juveigneurerie, à devoir de foy lige, chambellenage, lods et ventes le cas échéant, sans devoir de rachat sous la baronnie de Coetmen ».

Ce sont là les termes ordinaires de l'aveu d'un juveigneur à son aîné et, la similitude des armes y aidant, Kerviler a pu avancer que le Rolland mentionné dans les chartes de 1266 et 1268 était l'un des fils de Geslin, premier vicomte de Coetmen, et de l'héritière de Tonquédec sa femme (KERVILER : Bibliographie bretonne, fascicule 25, art. Coetmen). Ce serait également, par là même, le premier seigneur de Lanloup.

Cependant, les aveux antérieurs qui nous sont parvenus, depuis ceux des 10 juin 1435, 20 juin 1436, 9 juillet 1460 jusqu'à celui du 20 décembre 1656 ne font pas expressément mention de juveigneurerie et le sr de Lanloup « connaît et confesse tenir son fief prochement, meuvement, en fait et en foy lige du noble et puissant seigneur de Coetmen ».

C'est également bien là aveu de juveigneurerie, toutefois avec une nuance, et nos vieux jurisconsultes (HÉVIN : Question des fiefs, chapitre XVII) sont unanimes à reconnaître dans cette formule l'aveu rendu par une fille ou une sœur à son père ou à son frère.

Ce serait donc la femme de Rolland, fille de Geslin de Coetmen, qui reçut, en dot la seigneurerie de Lanloup.

Quoi qu'il en soit, deux faits demeurent certains : La seigneurerie de Lanloup est un ramage de la vicomté de Coetmen, détachée elle-même peu auparavant du Goello et Rolland fut le premier seigneur de ce fief dont il prit le nom.

En l'absence du contrat de mariage de Rolland et d'aveux de cette époque, nous ignorons la consistance exacte du nouveau fief, mais, dans l'une des enquêtes, inédite croyons-nous, qu'il fit le 27 octobre 1485 sur les prééminences des Coetmen, Fougues de Rorsmar, séneschal de Goello, rapporte « qu'il apparaît entre autres choses par deux livres de comptes en parchemin de vieille et antique escripture datant d'environ deux cents ans, que Lanloup est une ancienne pièce de l'estimation de trois cents livres de rente » (Bibliothèque Nationale : Fond français 8.269, fol. 259).

C'était là une somme importante pour l'époque et la fortune des srs de Lanloup ira constamment en croissant, malgré de nombreux partages, grâce aux riches et illustres alliances qu'ils contractèrent comme nous l'allons voir.

Nous ignorons quels furent les cadets de Guillaume ainsi que le nom de sa femme, mais divers actes [Note : Archives C.-d.-N. : Dossier de la famille de Lanloup : Transaction du 8 mars 1416 entre Rolland de Lanloup et Thomas Gicquel] nous permettent d'établir avec certitude leur descendance et nous font connaître leur fils aîné Johan, époux de Marguerite Gicquel (de la maison de Kerguiziou) ; Merien, son frère, tuteur de ses neveux en 1363 ; et Margelye, leur sœur, à qui 12 livres de rente furent données en dot lors de son mariage, en 1334, avec Geffroy Lires, fils d'Henry [Note : POL DE COURCY mentionne un Geslin de Lanloup au combat des Trente le 27 mars 1351. C'est là une erreur de ce savant auteur (v. la chronique de Jean de Saint Paul, D. M., t. 1, p. 280 ; et CHAPELET : le combat des Trente)].

Une mention toute particulière est due à ce dernier que son beau-frère avait pourvu de la charge de sergent féodé. Celle-ci consistait à précéder, porteur des verges insignes de sa fonction, le seigneur allant à l'auditoire pour rendre la justice, à faire les bannies et ajournements, à recueillir les rentes dont il gardait, il est vrai, le huitième, enfin à arrêter les malfaiteurs. Deux enquêtes par tourbe des 8 octobre 1426 et 25 février 1427 rappellent qu’outre ces fonctions multiples, le sergent féodé de Lanloup avait un devoir singulier à remplir.

Soit pour développer l’adresse de ses sujets, soit simplement pour entretenir leur bonne humeur, le seigneur de Lanloup avait le droit, le jour de la Pentecôte, de faire sauter, aux nouveaux mariés convenanciers, un fossé près de l'église que le sergent féodé, devait franchir le premier. L'enquête ajoute qu'un jour Geffroy Lires, sans doute trop vieux, n'ayant pas voulu exécuter ce saut, les nouveaux mariés s'y refusèrent leur tour énergiquement, et, finalement, le sergent féodé dut payer un certain Guillaume Lozou pour le remplacer.

Cet usage, fort populaire, se maintint très longtemps car on le trouve encore mentionné dans l'aveu de 1682 qui précise que le fossé, large de cinq pieds de roy, était alors plein d'eau et que celui qui défaillait à ce devoir ou tombait dedans devait payer soixante sols monnoye d'amende et une livre de cire à la fabrique de l'église.

Johan laissa un fils, Rolland, et une fille, Jehanne, religieuse à Hennebont à qui il était dû, suivant un acte de 1363, huit livres monnoye de rente par chaque foire de Guingamp au mois de septembre. Elle était morte en 1425, année en laquelle son neveu et héritier principal Jehan reçut quittance de l'humble abbesse de l'abbaië et moustier de N. D. de la Joie.

Rolland, qui ne semble pas avoir habité Lanloup mais le manoir de Launay, en Pléguien, eut pour première femme Mahaut Boterel, décédée en 1418 et pour seconde Margelye de Coetleguer. Il dut mourir peu après ce second mariage puisque le 1er avril 1420 son fils aîné donnait partage à Catherine l'une de ses sœurs.

Outre ce fils aîné Jehan, dont nous parlerons tout à l’heure, et cette fille Catherine, épouse de Geffroy de Kergozou, il avait eu de son mariage trois autres enfants : Jehanne, mariée à Geffroy du Boisgelin, fils aîné et principal héritier de Richard et Sybille de Hillion ; Constance, épouse de Jean le Goff ; Rolland qui prêta serment parmi les nobles de Goello en 1437, lui rendi aveu le derrain jour de janvier 1440 et eut pour fils Ollivier don’t un aveu à son oncle date du 24 décembre 1454.

Peut-être en l'absence de Rolland ses droits dans la paroisse avaient-ils subi quelques atteintes, c'est probable, car à peine héritier de la seigneurie, Jehan entre en procès avec tout le monde : avec les seigneurs de la Noë verte et de Kerjollis au sujet de leurs prééminences respectives en l'église ; avec les héritiers de son grand-oncle Geffroy Lires au sujet de chefrentes ; avec un grand nombre de ses sujets à propos de dîmes.

Il n'admet pas davantage que son suzerain, le vicomte de Coetmen, empiète sur ses droits ; et le 17 avril 1453, entre autres, il fait opposition aux officiers du dit vicomte de faire inventaire des biens de ses sujets mineurs. Il rappelle à cette occasion à la cour de Lanvollon « qu'il est noble homme, de noble ancessorie, qu'il a en la paroisse de Lanloup et ailleurs beaux et riches domaines, fiefs, juridictions et obéissances ; que d'ancienneté lui et ses prédécesseurs sont appelés seigneurs de Lanloup et que comme eux il a cour et juridiction, pouvant même pourvoir ses sujets mineurs de gardes et d'user de bannies. ». Il tient à être traité suivant son rang et, le 4 mars 1439, aux plaids généraux du vicomte de Coetmen à Lanvollon, il se plaint que bien qu'il soit noble homme, plusieurs des sergents partables de la cour s'avancent à faire ajournement sur lui et il supplie qu'il lui soit baillé et commis sergent noble pour officier sur lui à l'avenir. La cour fait droit à cette supplique et désigne Richard de Botloy.

Bref, il défend ses droits avec acharnement, aussi est-il très remarquable de voir que, contrairement à l'attente, ceux-ci ne sont pas détaillés dans ses aveux au vicomte des 10 juin 1435 et 20 juin 1436. Ces aveux, des plus succincts, ne diffèrent d'ailleurs entre eux que par la chefrente due au sr de Coetmen en son château de Tonquédec qui passe de cinq sols en 1435 à dix sols à partir de 1436 sans que le motif de cette augmentation soit indiqué.

On voit cependant, tant par ces aveux que par ceux qui lui étaient rendus par ses vassaux, que le seigneur était non seulement suzerain mais possesseur foncier de presque toute la paroisse, à l'exception de la partie ouest où la Noë verte et Kerduel entre autres, bien qu’enclavées dans la seigneurie, relevaient directement de Coetmen comme le confirme d’ailleurs un aveu du 22 juin 1467 par lequel Marguerite Geslin, veuve de Sylvestre du Boisgelin, reconnaît « être subjette et justiciable à noble et puissant Rolland, vicomte de Coëtmen ». Toutefois, pour l'entretien des routes, qui naturellement appartenaient au sr de Lanloup, les vassaux de Coetmen lui versaient une contribution.

Jehan de Lanloup avait épousé, en 1420, Guillemette le Borgne, de la maison de la Villeballin [Note : Ce renseignement important est relaté, ainsi que l’alliance de Béatrix, dans un armorial manuscrit dû à Maurice le Borgne, provenant des archives du baron du vieux Chastel] et en secondes noces, le 25 décembre 1428, Aliette de la Haye, fille de Jean et de Amice du Plessix.

Il eut, du premier lit, Béatrix, épouse de Geffroy le Picart, sr de la Demi-ville en Plélo, fils de Perrotin le Picart et de Marguerite Conen et, du second lit, Guillaume son fils aîné, Clémence épouse le 13 juillet 1459 de Ian de Launay, fils d'Yvon, Catherine, Alix épouse en 1466 d’Olivier Lesné, fils d’Even, enfin Pierre qui d'Aliette Johan n’eut que trois filles : Marguerite, Olive et Catherine (Registres de Lanloup).

Guillaume, mentionné avec sa femme, dont le nom n'est malheureusement pas indiqué, dans un acte du 21 octobre 1456 rendit un aveu semblable aux précédents le 9 juillet 1460 et mourut sans hoirs vers 1473.

L'arrêt de réformation, du 18 juillet 1670, lui attribue pour femme Jeanne de la Lande et donne leur descendance. C'est là une erreur, peut-être voulue, en tous cas manifeste, Jeanne de la Lande étant, ainsi qu'il est prouvé par plusieurs actes, femme de Jean le Picart, fils de Béatrix, qu'elle avait épousé en 1481. En Guillaume s'éteignit bien la lignée masculine de cette première famille de Lanloup, comme l'ont d'ailleurs indiqué déjà de Courcy, S. Ropartz et Kerviler. Son neveu, Jean le Picart, en hérita.

§, 3. — DE 1474 A 1609.

Si en 1477 et 1478 plusieurs aveux sont encore rendus à Jean le Picart, sr de Lanloup, il semble bien que de bonne heure il prit le nom et les armes de sa mère ; car, dans le registre paroissial de 1474 il figure déjà sous le nom de Jean de Lanloup, suivi il est vrai de l'indication : videlicet le Picart.

Le 29 avril 1477 des lettres patentes lui furent octroyées pour l'établissement d'une foire à Lanloup le 1er septembre, établissement auquel fit du reste opposition le procureur de Goello.

Il habitait ordinairement, comme ses ayeux paternels, le manoir de la Demi-ville. Toutefois, après sa mort, sa veuve, Jeanne de la Lande, vint demeurer dans « l'ostel » de Lanloup qu'elle eut sans doute en douaire, manoir plutôt délabré si l'on en juge par la description insérée dans un procès-verbal fait en 1520 à l'occasion d'un différend entre son fils aîné Jean et François du Boisgelin, sr de Kernevret, qui venait de briser une vitre armoriée de l'église et voulait édifier une chapelle privative sur le terrain du seigneur.

Dans toute la province, d’ailleurs, l’ambition de se distinguer à l'église par des prééminences de place, escabeaux et sépultures, sévissait tellement, parmi les nobles à cette époque, que le roi François Ier dut abolir toutes ces prérogatives par ordonnances de 1536 et 1539 sauf pour les patrons et fondateurs.

Si ces querelles allèrent jusqu'à troubler le service divin et même à provoquer quelques meurtres, elles furent, par contre le prétexte de procès-verbaux des plus intéressants et des plus utiles pour l'histoire locale de nombreuses paroisses ; nous y reviendrons à propos de l'église.

La montre de 1543 ne fait pas mention de Jean pour Lanloup, mais de Pierre son frère, qui y fut représenté par Philippe, son fils, en archer à cheval.

Le sr de Lanloup, résidant alors à la Demi-ville, y figure pour Plélo avec un archer, et le procès-verbal ajoute « qu’il lui fut enjoinct faire hommes d'armes à la prochaine montre, ce qu'il a contrarié disant avoir grand nombre d'enfants et son bien ne le pouvoir porter ».

Sa fortune ne devait cependant pas être si modeste, si l'on en juge par les riches alliances des nombreux enfants qu'il eut en effet de Jeanne de Botbarec et par leurs contrats : Son fils aîné, Jacques, épousa, le 18 juillet 1559, sa voisine Vincente de Quelen, fille aînée d'Yves et de Jehanne du Perrier, sr et dame de Kermartin ; le second, Yves, Péronnelle Botherel de la maison de Quintin ; un troisième, Geffroy, Marie Lorence, dame de Kercabin. Ce dernier devint ainsi la tige des seigneurs de Lanleff dont les descendants se fondirent à la génération dans du Bouexic et du Cludon. Enfin un quatrième fils, Pierre, moine de Beauport, mourut, suivant le nécrologe de cette abbaye, le 18 janvier 1569. Quant à leurs sœurs, Péronnelle s'allia en 1552 à François Poences, sr de Kermorvan ; Françoise le 1er décembre 1557 à Jean du Maugoner, sr du Bois de la Salle ; Marie à Guillaume de la Noë ; Anne à Yvon Furet .

Jean, étant mort, vers 1552, son fils aîné Jacques lui succéda comme sr de la Demi-ville, mais lui- même mourut sans enfant, vers 1570 et son frère Yves en hérita. L'extrait d'un compte de 1574 montre que, comme ses prédécesseurs, il habitait à cette époque la Demi-ville et nous renseigne sur les chefrentes de la seigneurie : Celles en argent se payaient le dernier jour de janvier, doublaient une fois tous les trois ans et étaient « amendables de quinze sols monnaye de deffaut de paiement ». Celles en « bled » ne se doublaient pas et se payaient au même terme suivant « l'apprecy » de Lanvollon.

Lanloup : armes de Guillaume de la Noë et de Marie de Lanloup.

Yves dut mourir au début des guerres de la Ligue. Si les registres paroissiaux de Lanloup, de la fin du XVIème siècle, ne nous ont malheureusement pas été conservés, Gaultier du Mottay, par les lamentables comptes des trésoriers de Plérin et les humbles suppliques des pauvres paroissiens aux abois, nous a montré les tribulations des habitants de la côte du Goello, pillés et ranconnés sans cesse, tantôt par les troupes de Mercœur, tantôt par celles du maréchal d’Aumont et tout particulièrement par la garnison de Paimpol composée en majeure partie d’Anglais. Le 10 décembre 1596, nous rapporte-t-il en particulier, le capitaine Tertre et ses soldats ayant couru la paroisse de Plérin emmenèrent à Paimpol le bétail des villages des Alleux, la Grange et Kerpault « fors une vache qui fut par eux laissée à Saint Lou en gage de cinq escuz que les dits soldats y devaient pour leur digné » (Annuaire des Côtes-du–Nord, 1878 : GAULTIER DU MOTTAY, Plérin pendant les guerres de la Ligue).

Que d’honnêteté !. Il est probable que Lanloup fut courue à son tour ainsi que Plélo, et les habitants n’eurent pas en leur nouveau seigneur Jean, fils aîné d’Yves, un grand défenseur car, ainsi que nous l’apprend son contrat de mariage avec sa seconde femme, Céleste d’Avaugour, le 17 septembre 1593, il s’était empressé de gagner Rennes à cause des troubles et guerres civiles.

Il est d’ailleurs bien curieux ce contrat entre Jean, veuf de Jeanne de Kervenno, qu’il avait épousée le 7 septembre 1587, et Céleste, fille de défunt, haut et puissant René d’Avaugour, sr de Kergrois et de défunte Renée de Plouer, sa femme, et l’on ne peut vraiment dire que l’alliance des Lanloup et de cette illustre maison fut uniquement un mariage d’amour. Lisons en effet : « Pour parvenir au mariage pourparler entre lui et la dite demoiselle, lequel autrement ne se ferait, lui a donné le tiers de tous et chacun ses héritages et biens meubles pour en jouir elle et les enfants qui seront procréés et sortiront de leur dit espoir et futur mariage, héritages sur la mison noble de la de Demi-ville en Plélo et sur le lieu noble du clos Rouault en Trégomeur. ». Céleste d’Avaugour mourut quelques années plus tard et sa fille unique, Céleste, lui survécut peu : le 6 juin 1606, ses oncles se partageaient sa succession.

Dès 1600 Jean avait épousé en troisièmes noces Claude Bizien qui, par acte du 13 avril 1619, demandait un curateur pour ses deux enfants : Geffroy âgé de 14 ans et Péronelle âgée de 17 ans.

Ce Geffroy, époux de Charlotte de Follenay, de la maison de la Herviays, figure comme parrain à Plouha le 5 novembre 1632. Il dut mourir peu après sans enfant car sa sœur Péronnelle hérita de lui de la Demi-ville et la porte-Hamon qu'elle transmit aux enfants qu'elle eut d'Olivier de Triac, sr de Preby, fils de Gilles et d'Anne-Gilette le Gascoing. Peut-être la pierre tombale armoriée des six annelets des Lanloup, qui sert aujourd'hui d'échalier au cimetière de Trégomeur, recouvrait-elle jadis la dépouille de ce dernier représentant de la branche aînée. Sa veuve, remariée à un sr de la Ville-Tehart, mourut à La Bouillie en 1642 (Vicomte FROTTIER DE, LA MESSELIERE : Le pays de Lamballe (Mémoires de la Soc. d'Emulation, année 1921)).

§ 4. — DE 1609 A 1737.

Jean avait donné en partage à sa sœur Anne, épouse de Jean Frontaut, la métairie noble du Boursech, en Lanloup, qu'elle vendit dès le 15 janvier 1611 à Anne du Quellenec, dame de Kerjollis.

Quant à Guillaume, son juveigneur, par acte du 27 novembre 1609, il lui « baille, délaisse, transporte : les manoirs, métairie, coulombier, moulin et son distrait fief, honneurs, droits de patronnage, seigneureric et juridiction de Lanloup, avec les dixmes, hérittaiges, rentes et chefrentes, droicts, décorations, prééminences et prérogatives en dépendant es paroisses de Lanloup, Plouha et Pléhédel. Ensemble, le manoir et métayerie des Landes, coulombier, avec les rentes, hérittaige, droicts, décorations, prééminences et prérogatives en dépendant en la paroisse de Lantic, de la forme et manière qu'en jouissaient leurs deffunts père et mère, à charge de tenir les dites choses du dit seigneur comme juveigneur d'aisné à foy et hommage de ramage et parage ».

Enfin, le sr de Lanloup promettait « d'abondance » de payer à son frère, avant un an, la somme de deux mille quatre cents francs.

Il recevait, en échange, la Porte-Hamon, mais Guillaume pouvait en retirer les meubles portatifs et de prix.

Avant cette donation, Guillaume et sa femme Francoise du Perrier, de la maison de Kermilven, fille d’Yves sr de Lesvedec et Kergouriou et d’Anne du Rufflay, habitaient le manoir de Kerivoas en Plouha, vieux fief des du Rufflay, que Françoise avait, entre autres, apporté en dot. A cette époque Louis de Rohan, prince de Guéméné et seigneur de Plouha, venait, par acte du 24 mai 1585, d'autoriser Anne du Rufflay à batir un refuge à pigeons à Kerivoas, à charge à la dite dame de payer, au terme de Saint-Gilles, 6 bons pigeonneaux à messire Christophe du dit Plouha ; et, une sentence du présidial de Rennes, du 26 novembre de la même année, maintenait la dite dame dans le droit de mettre ses armes et sa litre dans le portail de l'église de Plouha. C'est qu'en effet dans cette église, les sr de Kerivoas étaient fondateurs de la chapelle Sainte-Marguerite située dans le chœur du côté de l'Evangile et y avaient d'importantes prééminences : Deux vitres armoriées aux armes des du Rufflay et de leurs alliances au–dessus des autels Saint-Louis et Sainte-Marguerite, un banc à accoudoirs et trois tombes. Le sr de Lanloup possédait également, à cause du manoir de Kerandraou un autre banc dans cette chapelle surmontant un enfeu ainsi que deux autres tombes dans l'église, l'une sous le portail principal aux armes des Olivier et l'autre dans le chœur près du marchepied du grand autel.

C’est à Kerivoas que naquirent les nombreux enfants de Guillaume et de Françoise du Perrier. Afin de ne pas importuner le lecteur par de longues nomenclatures généalogiques, nous le renvoyons au tableau, dressé depuis cette époque d’après les registres de Lanloup et Plouha.

A partir de 1610 Guillaume et sa femme vinrent habiter Lanloup. Leurs portraits nous ont été conservés par un ancien tableau d’autel, actuellement encore dans l'église, daté de 1634 et signé Georgius le Tourneur, représentant le Christ en croix devant Jerusalem, assisté de la Vierge, de sainte Madeleine et de saint Jean. De chaque côté, agenouillés sur des prie-Dieu portant leurs armes respectives pleines, sont les donateurs, lui en armure, elle en costume du XVIIème siècle assistée de son patron saint François. Au-dessus sont encore leurs armes, toujours encadrées du collier de l'ordre, mais cette fois mi-partie ; enfin, dans les nuages, la Sainte Trinité. Près de Guillaume l'on peut lire son âge, aetatis 64 et près de sa femme, aetatis 57.

Guillaume mourut à 78 ans en 1648. Son fils aîné Geffroy, sr des Landes, époux le 16 novembre 1624 de Anne Loz, dame du Porzou, fille et seule héritière de Jean, sr de Kermellec et de Françoise Kerasquer, étant décédé le 11 mars 1635, ce fut son petit-fils Yves, né à Plouha le 23 février 1626, qui lui succéda.

Il épousa, par contrat du 3 avril 1652, Sainte le Vicomte, de l'antique maison du Rumain, fille de Vincent et de Péronnelle de Kerimel. C'est à eux que l'on doit la reconstruction du manoir actuel de Lanloup ainsi que le montrent leurs armes en alliance au-dessus de la porte et dans la cour sur un fort curieux cadran solaire horizontal porté par un pied monolithe, cadran tracé, d'après une inscription, sous la latitude, de 48 degrés 40 minutes, par Jacques Hervé, de Lannion, géographe.

Autours de l'écusson, surmonté d'une couronne, se lit la devise Soli, Soli, Soli (accoutume-toi au soleil seul) et dans chaque pan de ce cadran octogone sont inscrits sur deux lignes les vers suivants :

L'heure qu'il est à ce jour - ce cadran vous la marque.
Mais la mort à quelle heure - arrive, point ne marque,
Car Dieu qui de la vie - a borné tous les cours
Ne veut dire aux mortels - quand finiront leurs jours.
Ce pourtant povant estre - à ton heure dernière
Avant que la prochaine - achève sa carrière,
Soit toujours en état - d'aller devant Dieu,
Puisque tu peux mourir - en cette heure, en ces lieux.

Sainte le Vicomte fut inhumée à Beauport le 29 août 1663 dans la chapelle du chœur et Yves le 22 février 1668 dans sa chapelle de Lanloup.

Ses aveux des 2 décembre 1656 et des 9 et 10 juin 1667 nous sont parvenus. Outre les bornes de la paroisse, toujours les mêmes depuis l'origine du fief, ils indiquent soigneusement toutes les prérogatives et prééminences du seigneur car depuis les ordonnances de 1539, il était particulièrement recommandé de ne rien omettre. Aussi retrouvons-nous leur nomenclature encore plus détaillée dans l'aveu, déjà mentionné en tête de ces notes, que rendit le 20 mars 1682, de Lanvollon où il résidait l'hiver, Gabriel fils aîné d'Yves, pour les fiefs, seigneurie, terres et baillages dépendant de la seigneurie et chastellenie (sic) de Lanloup.

Dans ce document, le sr de Lanloup fait connaître qu'il a droit de haute, moyenne et basse justice exercée par sénéchal, alloué, lieutenant, procureur fiscal, greffier, etc. et que ses armes sont sculptées sur les piliers de justice à colliers de fer devant le portail de l'église ; qu'il est premier patron et fondateur de celle-ci, de la chapelle paroissiale Sainte-Colombe ainsi que de la maison presbytériale et qu'en conséquence, il a ses armes dans les principales vitres, droit de lisières dehors et dedans, labbes et tombes élevées, bancs accoudoirs, etc...

Qu'il possède le manoir et lieu noble de Lanloup avec ses dépendances, cours, jardins, colombiers, pré, verger, deux bois de haute futaye, estang, vivier, chapelle, etc...

Qu'il a droit de saut sur les nouveaux mariés, etc., etc...

Cet aveu n'eut pas l'heur de plaire à François de Neufville, duc de Villeroy, baron de Coetmen qui, s'il n'était pas encore à cette époque le maréchal le plus chansonné du royaume, eu était à coup sûr le seigneur le plus orgueilleux et l'un des plus insolents (V. Aimé VINGTRINIER : Le dernier des Villeroy). Il contesta à Gabriel ses droits, pourtant peu discutables de haute et moyenne justice, sa qualité de patron de l'église de Lanloup et de la chapelle Sainte-Colombe, le droit de sault des nouveaux mariés et le droit de quintaine.

Un procès s'en suivit et, par sentence des 10 décembre 1685 et 10 janvier 1686, le sr de Lanloup fut déboulé de tous les droits contestés par le baron de Coetmen et condamné à réformer ses aveux et à enlever ses piliers de justice.

Ayant fait appel, il fut, après production des titres justificatifs le 3 may 1686, maintenu dans tous ses droits par arrêts des 3 août 1686 et 2 septembre 1687.

En 1690 la déclaration du sr de Lanloup porte : Terre et chastellenie de Lanloup, toute charge rabattue 400 livres de rentes non compris les maisons roturières qui en dépendent ; les maisons et manoirs de Kerivoas et Kerandraou, en Plouha, 570 livres de rente.

Dans l'intéressant rapport du recteur de l'époque, messire Pierre Gaultier de Kermen, publié par M. Ropartz, le portrait de Gabriel-Yves est peu flatteur et ce seigneur nous apparaît plutôt dénué de scrupules lorsque faisant venir le recteur pour examiner ses titres de fondations, il les lui enlève de vive force pour ne pas en payer les redevances. Il s'en suivit du reste un long procès que le recteur finit par gagner. Les autres vassaux ne paraissent d'ailleurs pas avoir eu à s'en louer davantage, si l'on en juge par un procès qui lui fut également intenté le 28 juin 1707 par le nouvel acquéreur de Kerverret, Guillaume Taillant, sr du Resto.

Le plaignant n'était pas homme de peu d'importance, étant procureur au parlement de Bretagne, fermier général de la baronnie d'Avaugour et du comté de Goello. Aussi déclare-t-il à la Cour dans son mémoire qu'ayant été si fort outragé, injurié et insulté par le sr de Lanloup dans différents écrits des 6 mai, 24 mai et 15 juin 1707, il se croit fondé, non seulement à être relevé de l'obéissance qu'il doit au dit seigneur à cause de Kerverret, mais encore à lui demander des réparations, car rien n'est plus ignominieux, ajoute-t-il, pour un genilhomme que de l'accuser d'être traître ; la sentence fut rendue à son profit (Arch. C.- d.- N. : Dossier Taillart).

Bref, Gabriel avait plutôt mauvaise réputation. Cela ne l'empêcha pas de contracter un riche mariage en épousant, le 16 novembre 1684, Jeanne Hiéronyme de Lantivy du Coscro, seconde fille de François et de Florimonde de Keradreux, baronne de Rostrenen.

Ce fut églement une riche héritière qu'épousa, le 20 avril 1717, leur fils aîné Gabriel Vincent, en la personne d'Anne Josèphe de la Boessière, fille d'Olivier et de Marie de Crésolles. Aussi, profitant du démembrement de la baronnie de Coetmen par le sr de Carnouet, il racheta à ce dernier, par acte du 12 janvier 1737, moyennent quatre mille livres tournois en principal, vins et commissions, tous ses droits, soit :

La chefrente de dix sols monnoye due sur la maison noble de Lanloup et dépendances, la rente de dix livres due sur deux pièces de terre en la paroisse de Lanloup, appartenantes à M. de Kervenno de Botmilio, la mouvance sur la terre de Kerverret, les droits de foire et marché dans la paroisse et généralement tous autres droits certains et casuels de fief, seigneurie et mouvance, supériorité, armoiries, prééminences, sans réserves aucunes dans l'étendue de la paroisse de Laloup, dans l'église paroissiale et chapelles en dépendantes, à charge de relever du Roy sous son domaine et juridiction de Saint-Brieuc et d'y faire acquitter à l'avenir les droits seigneuriaux qui s'y trouveront dûs.

Quelques mois plus tard, le nouvel acquéreur de la baronnie, Alexis de Coetmen, regrettait amèrement que la seigneurie de Lanloup en eût été détachée, mais convenait que le sr de Carnouet avait vendu fort cher le rachat de la mouvance tant, ajoutait-il, le sire de Lanloup désirait ne plus relever que du Roi.

§ 5. — DE 1737 A 1789.

Peu de temps après ce rachat, Gabriel Vincent mourut et sa veuve rendit aveu au Roi le 6 septembre 1738. Elle-même, décédée le 6 juin 1746, fut enterrée à l'entrée du porche de l’église, sans doute sous cette pierre que l'on voit encore au jourd'hui avec son écusson complètement martelé, témoin de l'acharnement des révolutionnaires en 1791.

Son fits aîné Jean Guillaume avait, en plus de la seigneurie, hérité de sa mère de biens importants, entre autres de la seigneurie de la Boessière avec la chapelle privative de Saint-Melar dont la reconstruction fut l'objet de démêlés san fin avec l'abbé de Quimperlé, seigneur de Callac, et de plusieurs terres en Prat, La Roche-Derrien, etc. provenant de sa grand'-mère maternelle Ysabeau de Kerbouric.

Bon administrateur, il donna à titre de convenants une grande partie de ce domaine, entre autres la seigneurie de Kerivoas, aux Courson moyennant une rente convenancière de deux cents livres tournois, un veau gras et cinquante livres de beurre (V. DE COURSON : Histoire d'une famille bretonne).

Ses différents aveux nous montrent également qu'il savait augmenter sans cesse ses fermages, en particulier celui du moulin de Lanloup qui passa de 72 livres en 1738 à 86 livres 5 s. 1754, enfin à 115 livres en 1763 peu de temps avant sa mort.

Nous ne croyons pas qu'il ait contracté d'alliance et l'aveu du 5 août 1754, rendu pour lui par son cadet Claude Olivier, nous montre que les deux frères résidaient alors ensemble au château de Lanloup. Ce frère et héritier n'eut que peu de temps la seigneurie : Capitaine au régiment de Vermandois, il mourut, à bord du navire la Marie-Ursule de Saint-Brieuc le 13 janvier 1768 en se rendant à la Guadeloupe, et son corps fut jeté à la mer le lendemain.

Son frère Anne-Joseph, seul survivant des neuf fils de Gabriel Vincent, lui succéda. Il épousa, le 2 février 1769, Charlotte-Marie-Suzanne de Maillé de la Tour-Landry, décédée cinq mois après son mariage, et en secondes noces, le 31 janvier 1773, Marie-Anne de Cornulier qui mourut à Angers le 4 mai 1775, laissant une fille unique, Marie-Anne, née le 10 février 1774.

Par sentence du 12 août, de cette dernière année, Anne-Joseph hérita de dlle Claude-Marguerite de Kersaliou de biens importants, entre autres à Lannebert, et la fortune des Lanloup parvint alors à son apogée, bien peu avant la Révolution qui allait les en dépouiller.

Si la tradiction est plutôt sévère pour les derniers seigneurs de Lanloup, ce qui paraît d’ailleurs justifié, tout au moins pour certains, elles nous apprend, par contre, qu’Anne-Joseph fut un homme fort modeste, très aimé du peuple. Ayant étudié la médecine, il soignait les pauvres et avait fondé pour eux un petit hospice qu'il entretenait de ses deniers. Aussi avions nous été très étonnés d'apprendre, également par la tradiction, qu'il avait été pendu par ses ex-vassaux dans les premières années de la Révolution. N'ayant rien trouvé, à ce sujet dans les registres de cette époque que nous étudierons dans autre chapitre, nous découvrîmes par hasard la vérité, qui, bien qu'aussi tragique, est heureusement plus honorable pour les habitants de Lanloup. Une plaquette révolutionnaire, se vendant à l'époque chez tous les marchands de nouveautés (sic), nous apprit en effet que le 24 floréal an II de la République, une, indivisible et impérissable, Anne-Joseph de Lanloup, ex-noble et médecin à Saint-Loup, convaincu d'avoir entretenu des correspondances avec les ennemis intérieurs et extérieurs, d'avoir fait passer des secours en argent et excité la guerre civile, fut condamné à mort et exécuté le même jour à Paris sur la place Louis XV actuellement place de la Concorde.

Une seconde plaquette, d'un sieur Descloseaux, confirme cette exécution du dernier seigneur de Lanloup et indique quie son corps fut inhumé dans l'ancien cimetière de la Madeleine située rue d'Anjou, au faubourg Saint-Honoré (Bibliothèque Nationale, LB 41-7).

Parmi ces ennemis extérieurs avec lesquels le sr de Lanloup fut convaincu d'avoir entretenu des relations, figurait certainement au premier rang son gendre, Jean-Marie-Louis, comte de Bellingant, marquis de Crenan.

Celui-ci, après avoir pris part à la guerre d'Amérique et à une inspection au Levant, venait d'épouser, par contrat du 23 avril 1789, Marie-Anne de Lanloup, âgée de 15 ans seulement, quand la Révolution éclata. Ils habitaient alors Crenan, mais après l'émigration du marquis pour l'armée de Condé en 1792, ce domaine fut vendu et la jeune marquise incarcérée à la prison de Lannion avec ses belles-sœurs et sa belle-mère qui y mourut. Peu après, elle fut remise en liberté à la faveur de la loi du 8 ventôse.

Si d'après Jollivet (JOLLIVET: Les Côtes-du-Nord, art. Lanloup), qui vit son portrait dans l'ancien musée de Saint-Brieuc, Marie-Anne était remarquable par sa beauté, elle l'était non moins par son intrépidité et son sens profond des affaires dont elle avait sans doute hérité de ses ancêtres.

Agée de vingt ans à peine, suspecte et très surveillée, nous la voyons adresser réclamation sur réclamation pour sauver sa fortune confisquée après l'émigration de son mari. Aussi, par arrêté du 17 pluviôse an III le département des Côtes-du-Nord déclare-t-il la citoyenne Bellingant créancière légitime de la République pour la somme de 20.000 francs réputés propres par contrat de mariage du 23 avril 1789 avec les intérêts.

Ne s'en tenant pas là, elle revendiqua également la succession de son père, confisquée également à la suite de son exécution, et réclama, le 15 messidor an IV, en plus de la restitution des biens non vendus, les sommes suivantes, intéressantes comme renseignements sur la fortune d'Anne-Joseph :

1° la somme de 72.280 livres pour cause de la vente du lieu et métairie de Lanloup suivant certificat du 1er frimaire an IVème ;
2° la somme de 8.831 livres 11 sols 6 deniers pour la vente des effets mobiliers à Lanloup, district de Pontrieux, suivant extrait des procès-verbaux de vente du 1er frimaire an IV ;
3° la somme de 1.296 livres 8 s. 11 d. produit de la recette des immeubles faite par le receveur des domaines nationaux à Pontrieux le 10 frimaire an IV ;
4° 8.595 livres 18 s. 10 d. recettes d'immeubles par le receveur des domaines à Paimpol, sans date ;
5° Enfin 2.108 livres recettes d’immeuvles à Callac, district de Rostrenen, par le receveur des domaines nationaux à Callac.

Quatre ans plus tard, après le couo d’Etat du 18 brumaire, le marquis de Bellingant réapparaît et, par requête du 27 messidor en VIII, il expose que c'est à tort qu'il figure sur la liste des émigrés dans le département des Côtes-du-Nord, qu'il n’a jamais quitté Versailles, que certainement il a été confondu avec un Bellingant Nicolas, ex-curé déporté du Mans, et que par conséquent il a droit à la restitution de ses biens (V. Comte LE NOIR DE TOURNEMINE : Crénan). Par arrêté des consuls du 2 germinal an X, il rentre en effet en possession de ceux qui n'avaient pas été vendus.

Quant aux autres, sa femme en avait acquis une partie et, pour le reste, le ménage avait essayé de les récupérer par intimidation, tant et si bien que par arrêté du 13 germinal an VIII l'Administration centrale avait suspendu l'effet de deux contrats de rétrocession à vil prix passés devant Lariven, notaire à Plouha, qu'ils avaient extorqué.

L'avis adressé à ce sujet par l'administration centrale aux Ministres des finances et de la police générale ainsi qu'au général de division Labarolière mérite d'être cité :

« La lecture de ces deux actes vous pénétrera, comme nous, de la plus vive indignation. Vous y verrez un individu notoirement connu comme émigré et rentré comme chouan, exiger à vil prix la cession de biens vendus par la République. Vous y verrez, sous le voile des précautions du rédacteur de ces actes, la violence et les menaces employées pour arracher à de pauvres cultivateur les biens qu'ils ont légitimement acquis et dont l'acte constitutionnel leur garantit la propriété ; vous y lirez enfin des expressions injurieuses pour la Nation qui est indirectement désignée spoliatrice et usurpatrice.

Un pareil exemple demeurant impuni encouragerait les émigrés rentrés, répandrait une terreur générale dans l'âme des acquéreurs de domaines nationaux, ôterait à la Nation les ressources qu’elle trouve dans l’aliénation de ces domaines et tendrait enfin à avilir la République ».

Si, Anne de Lanloup et son mari ne récupérèrent pas ainsi toute leur fortune, du moins en sauvèrent-ils la plus grande part, mais les prodigalités du marquis de Crénan eurent vite fait de la dissiper et c'est dans une situation des plus embarrassées qu'il mourut à l'âge, de 75 ans le 17 mars 1836.

La dernière héritière du nom de Lanloup, séparée d'ailleurs de son mari, était décédée quelques années plus tôt.

Généalogie de la famille de Lanloup.

(R. Couffon, 1924).

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