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LES MAISONS NOBLES DE LANLOUP

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§ I. — KERDUEL ET LES « OSTELS » DE LANLOUP.

Avant d'examiner ce que devint la paroisse pendant la Révolution, jetons maintenant un coup d'œil sur les autres maisons nobles dont les possesseurs se disputaient si jalousement avec le seigneur les diverses prééminences.

Les chartes de Beauport ne mentionnent que Kerhuel et Kerduel (aujourd’hui Kerzuel) dont la moitié fut donnée aux moines en 1263 par Conan le Clerc d'Yvias, sans doute de la même famille qu'Hervé, époux de Mahaut d'Avaugour, dame de Plouha. Plus tard Kerduel fut possédée par les seigneurs du manoir voisin de la Noë verte et figure dans divers titres comme métairie noble exploitée par les Le Fol, les Alain, les Boscher, etc.

Les aveux à la seigneurie de la fin du XIVème siècle, malgré le qualificatif pompeux d'ostels donné à leurs demeures par divers avouants, ne nous apportent non plus aucun renseignement sur les maisons nobles, celles-ci relevant d'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit, directement de la seigneurie de Coetmen dont les titres de cette époque ont disparu.

Parmi ces aveux, une mention particulière est due cependant à celui rendu en 1401 par Guillo et Catherine Even pour l'ostel de Catherine de Kertugdual dont le nom est encore conservé, après plusieurs siècles, par un des villages de Lanloup. La même année également nous voyons l'ostel Jouhan Guillaume dont une descendante épousa Pierre de Lanloup, et un peu plus tard l'ostel de Guillaume Conen fils Alain et l'ostel Salamon dont le nom apparaît toujours, mais un peu déformé, dans Kersalaun.

Ce n'est que par la réformation de 1423 que nous sont connus les nobles de la paroisse : Jean Berart, Guillo et Pierre Lhostellier, Jean Plédran, Jean de Bréhant, Geffroy Cillart, Eonnet Martin, Françoise Langebin, etc. ; il est assez remarquable de constater qu'aucune de ces familles ne figure plus, à Lanloup, à la réformation suivante faite seulement dix-huit ans plus tard.

Deux noms méritent l'attention : ceux de Margotte du Boisbilly et de la deguerpie Jean Boterel.

La première, mentionnée par de Courcy, à tort croyons-nous, comme épouse vers 1320 de Guillaume du Boisgelin, capitaine de Cesson, suivant une ancienne généalogie [Note : Archives C.-d.-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) : Dossier Boisgelin. La femme de Guillaume, gouverneur de Casson, était par ailleurs Jeanne de Montfort comme l'a indiqué LAMARE (Mémoires de la Société d'Emulation, 1865). Certains auteurs donnent pour femme, à Olivier, Catherine de Trégarantec], femme d'Olivier du Boisgelin, père de Richard, vivant à la fin du XIVème siècle, ce qui s'accorde mieux avec la réformation. Quant à la seconde, c'était Marguerite de Kermoysan, de la maison de Kergolleau en Plouézec, manoir voisin de Lanloup qui venait de passer à la famille de Trogoff par le mariage de son aînée, Jeanne de Kermoysan, avec Jean de Trogoff.

Divers aveux de 1440 mentionnent ensuite l'ostel de Dom Guillaume Kergouriou que l'on voit encore à l'entrée du chemin de Lanloup au Kerdreux, l'ostel Rolland Alain, celui de Constance Crenan, celui de Rolland de Lanloup, frère de Jean, celui de Geffroy Lires, époux de Catherine du Boisriou, petit-fils de Margelye de Lanloup [Note : En réalité, ce Geffroy Lires était fils de Margelye Lires et d'Alain le Febvre, mais ses deux oncles, Guillaume et Rolland, étant décédés s. h., il reprit le nom de son aïeul le sergent féodé. Lui-même n'eut que deux filles, Margelye et Isabelle, et peu après la descendance de la branche cadette s'éteignit également], celui de Thomas Lires, neveu de la même Margelye, etc.

Outre ces trois derniers qui y figurent avec le seigneur de Lanloup, la réformation de 1441 indique enfin Sylvestre Boisgelin, sr. de la Noë verte, Geffroy Geslin parent de sa femme et Jean Le Fol.

C'est à cette époque qu'à Kerduel dont nous avons déjà parlé, à la Noë verte et Kerguistin qui existaient également de longue date, vinrent s'ajouter les deux manoirs de Kerverret et de Kervégan construits par la famille du Boisgelin. Ces quatre derniers demeurèrent jusqu'en 1789 les seules maisons nobles de Lanloup ; nous allons les étudier maintenant plus en détail.

Armes du château et de l'église de Lanloup (Bretagne).

 

§ 2. — LA NOË VERTE (en breton Goaz-Glas).

Situé à la naissance de la Noë qui lui a donné son nom, au milieu de bois qui le dérobent à la vue, ce manoir est entouré d'une double enceinte. Celle extérieure, très vaste, s'étend jusqu'à la route de Pléhédel à Lanloup sur laquelle s'ouvre le grand porche d'entrée flanqué de deux tourelles avec meurtrières. Elle date des guerres de la Ligue comme l'indiquent les armes en alliance de Rolland Pinart et Catherine Taillard sur le claveau d'une porte près du vieux colombier. Une magnifique allée au milieu d'un mail conduit de l'entrée principale à la deuxième enceinte fermant la cour du manoir dans laquelle on pénètre par un second porche accompagné comme toujours d'une plus petite porte pour les piétons. Une partie du bâtiment principal est transformé en ferme, le reste inhabité. Sa façade date des XVème et XVIème siècles et le seul écusson antique qui subsiste, aux armes des Lannion entourées du collier des ordres, indique en effet que la restauration de l'ancien manoir fut achevée entre 1558 et 1606.

Si, à gauche, la jolie tourelle servant d'escalier est toujours debout, la grande tour de droite, mentionnée encore par Gaultier du Mottay a été abattue dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, époque où de maladroites restaurations ont également mutilé les belles cheminées.

Lanloup (Bretagne) : manoir de la Noë-Verte.

Dans ses « Antiquités des Côtes-du-Nord », le chevalier de Fréminville soutient, d'ailleurs sans preuves, que ce château appartenait en 1220 à Auffray de Goesbriand, capitaine de 50 lances sous le duc Pierre de Dreux, et prétend que l'écusson de cette famille se voyait encore sur la grande tour, ce qui n'a malheureusement pas été confirmé par l'auteur du répertoire archéologique. Nous n'avons, quant à nous, trouvé aucune trace des Goesbriand ni à Lanloup, ni dans les communes voisines, non plus que l'alliance par laquelle le manoir serait passé de cette famille dans celle des Boisgelin qui, indiscutablement l'occupait à la fin du XVIème siècle. N’y aurait-il pas là une confusion du savant archéologue avec le château de la Noë verte en Plouézoch qui fut lui, dès longtemps, à la famille de Goesbriand ? Nous n’osons l’affirmer.

Quoi qu'il en soit Sylvestre du Boisgelin, fils de Richard et de Sybille de Hillion, ayant reçu ainsi que sa sœur Catherine, femme de Jean le Serre, partage de leur frère aîné, Geffroy, le 4 avril 1418, est mentionné à partir de cette époque comme sr. de la Noë verte. Il partagea de son vivant, le 8 septembre, 1440, les deux fils qu'il eût de Marguerite Geslin, Prigent et Mathelin. Le premier, sr. de la Noë verte après son père, eut un fils, François, époux d'Anne de la Noë, et trois filles : Marguerite, l'aînée, épouse de son parent Jacques du Boisgelin ; Jeanne, épouse de Jehan Ruffaut ; et Marie, épouse de Rolland Rocquel, fils du premier mariage de Guillaume qui épousa secondes noces la veuve de Prigent du Boisgelin, Tiphaine de Trélever (fille de Rannou et de Jeanne de Quilidien).

François étant décédé sans hoirs avant le 26 janvier 1503, date du partage de sa mère dans lequel il est rappelé, eut pour héritière la fille aînée de sa sœur Marguerite, Jeanne du Boisgelin, épouse ainsi qu'il apparaît par différents actes de 1503 et 1504 de Pierre Ruffaut [Note : Archives des Côtes-d'Armor : Dossier Boisgelin. Ces actes établissent la filiation de la branche de la Noë verte indiquée d’une facon fantaisiste dans l'histoire des pairs de France du chevalier de Courcelles]. Ce dernier mourut peu après et sa veuve épousa en 1506 Yves Pinart, fils de Rolland et Marguerite Quintin. Celui-ci, sr. de Kerverziou en Plouigneau, docteur es droits, fut un des juristes les plus éminents de l'époque, conseiller au Parlement, sénéchal de Léon ainsi que de presque toutes les juridictions du Goello, entre autres de la seigneurie de Pordic en 1507, de celle de Langarzeau en 1511, de celles de Plouha et Yvias en 1516, de celle de Coetmen en 1522, etc. [Note : Documents trouves chez. M, de Callouet, à Lizandren (Bibliothèque Nationale), provenant de Gaignières].

De ce premier mariage Yves eut un fils, Rolland, héritier de la Noë verte, qui succéda à son père dans ses charges de sénéchal de Goello et Léon. Marié en 1526 à la fille aînée d’Yvon Taillard, sr. de Lizandré, et de Marguerite de Kerbuzic, Louise, qui mourut à 12 ans avant la consommation du mariage, il épousa en 1534 Catherine, sœur cadette de celle-ci, qui lui apporta en dot Lizandré. Il acheta d'autre part le 26 février 1547 à Renée de la Feillée, dame d'Assérac, tous les droits prééminenciers qu'elle tenait en la chapelle de Kermaria-Nisquit et prit le titre de sr. de Lizandré-Kermaria.

Leur fille aînée, Louise, mariée en 1552 à René de Tinténiac, sr. de Kerymerch, étant décédée sans hoirs en 1558 (Communication de M. Le Guennec), sa cadette, Julienne, épouse de François de Lannion, sr. du Cruguil, en hérita. Leur second fils, Jean, eut la Noë verte à la mort de son père en 1563 mais mourut en 1606, sans enfant de Marie Roquel, sa voisine de Goasfroment, qu'il avait épousée en 1598.

Ce fut son neveu Jean, sr. des Aubrays, troisième fils de Claude et Renée de Quelen qui en hérita. Celui-ci n'est autre que le fameux Lézobré de la légende dont les combats avec le maure du roi et le seigneur de Coatarsquin ont fait le sujet de ballades connues, toujours populaires à Lanloup. Héritier après la mort de son second frère Guillaume de la seigneurie de Lizandré, il vint habiter ce dernier château et délaissa la Noë verte. Cependant les deux enfants qu'il eut de Mauricette le Barbier de Kerjean furent baptisés à Lanloup le 19 mai 1646 longtemps après leur naissance et l'acte de baptême mentionne que leur mère « les voyant infirmes, a voulu, pour satisfaire à sa dévotion et autres considérations les faire baptiser en cette paroisse en laquelle est la Noë verte et, pour les attacher de plus fortes affections aux pauvres et à la charité, les a faits tenir par personnes simples et de conditions connues ».
M. de Kéranflec'h a publié (Revue de Bretagne et Vendée, 1857) le curieux testament du sr. des Aubrays daté du 21 janvier 1651 dans lequel le vieux capitaine rappelle entre autres à sa femme sa promesse de ne pas se remarier et la prie de prendre la tutelle de leur fils Jean-Baptiste. Mais, décédé le 26 octobre 1658, son fils lui survécut peu et sa femme s'empressa de convoler en secondes noces avec le marquis d'Espinay, de sorte que ce furent Renée Francoise de Lannion et son mari Alain de Guer, marquis de Pontcallec, qui héritèrent de la Noë verte et Lizandré. Ce dernier, tant détesté par son beau-père « à qui il n'avait jamais rendu que des déplaisirs et mépris sauvages », entra dans les ordres en 1677 après la mort de sa femme, devint l'un des catéchistes les plus dévoués du Père Maunoir et mourut en odeur de sainteté chanoine de Vannes et recteur de Riec dont il fut l'insigne bienfaiteur. Il ne résida jamais à la Noë verte qu'il avait louée à Jean du Liscoet, sr. de Kerroux, époux de Barbe Hamon.

Son fils Charles, époux de Bonne-Louise le Voyer et père du chef de la conjuration de Cellamare, loua également la Noë à Julien de Ploesquellec et Gabrille de Kerimel, puis la vendit en 1691 ainsi que la seigneurie de Lizandré aux enfants Callouet, héritiers de Jean et de dame Renée de Bahuno, moyennant 72.600 livres (Archives des C.-d.- N., B-82). La Noë échut à Suzanne, épouse de Claude du Bois-Berthelot, et les registres de Lanloup mentionnent en 1694 la naissance de leur fils Guillaume-Jacques-Auguste qui, plus tard, siégea aux Etats de Bretagne de 1736. Celui-ci, bien que résidant en général dans son château du Bois-Berthelot en Canihuel, vint plusieurs fois à la Noë verte ainsi que sa femme Thomasse Richer et plus tard leur fils Paul-Alexandre qui, en 1763, donna aux paroissiens l'autorisation de démolir pour leur commodité la tombe élevée relevant de la Noë dans l'église de Lanloup. Epoux de Rose Tauf puis de Marie-Jeanne de Tremic, lieutenant de vaisseau et maréchal de camp en 1795, il fut grièvement blessé à Auray et réussit à gagner la flotte anglaise. Il revint en France sous le Consulat et mourut à Saint-Brieuc en 1812.

La Noë verte fut vendue comme bien national et partagée eu 9 lots, plus la chapelle Saint-Mathurin qui en dépendait.

Huit des lots furent achetés en juillet 1705 par les trois frères le Gorrec de Pontrieux muyennaid. 231.300 livres estimés 2.354 livres 4 s. de revenu, et le dernier lot contenant seulement deux pièces de terre, par Jacques le Bitter de Lanloup. Quant à la chapelle Saint-Mathurin, elle fut achetée 17 thermidor an III moyennant 270 livres, estimée 3 livres de revenu.

Celle-ci, qui, d'après l'abbé le Floch (Note de l'abbé le Floch dans les papiers de la fabrique), « jouissait d'une vaste et pieuse renommée et était en rapport de riche construction avec la magnifiance et antique structure du château » est mentionnée dans plusieurs actes comme lieu d'abandon de nouveau-nés qui demeuraient pupilles de la paroisse et avaient toujours pour parrain et marraine les seigneurs d'un des manoirs. Elle disparut sans doute peu après sa vente car suivant l'auteur précité « cette innocente chapelle devint victime du fléau dont le comble de l'iniquité avait fait frapper la France à une époque de trop lugubre mémoire. Le désastre devint général, la main inexorable de 1793 envahissait les propriétés, démolissait tout ce qu'il y avait de plus sacré sur le sol français ; on ne respectait ni les hommes, ni leurs droits les plus inviolables ! Ce fut dans cette calamité que Lanloup vit tomber la belle et antique chapelle Saint-Mathurin qui avait une dévotion fixe et arrêtée à tous les lundis ».

Le vénérable recteur nous semble cependant avoir attribué un méfait de trop à la Révolution puisqu'en l'an XIII la chapelle était encore debout. Un acte de cette époque signale en effet qu'un jeune homme jouant aux quilles faillit être tué près d'elle d'un coup de boule.

La vieille statue, de Saint-Mathurin qui, d'après la tradition, en provient, a trouvée asile dans la nef de l'église.

 

§ 3. — KERGUISTIN (les Châtaigniers).

Du manoir de Kerguistin situé sur l'ancienne route de Plouézec à Lanloup, il ne subsiste plus aujourd'hui qu'une portion de l'enceinte flanquée de tours comme celle de la Noë verte et datant également des guerres de la Ligue.

Le manoir lui-même a disparu et est actuellement remplacé par une ferme. La réformation de 1669 nous apprend qu'au milieu du XVème siècle, il passa de la famille de Kersalliou dans celle de Botloy par le mariage de Jeanne de Kersalliou, dame de Kerguistin, et d'Alain de Botloy, fils d'Henry, sr. du Val, puîné de la maison de Kerdeuser et de Margelye de Kerret. Cet Alain, qui figure pour Ploubazlannec à la montre de 1469, eut comme fils Pierre, époux de Marguerite Poulart de la maison de Kerberzeau, et sans doute aussi Yvon mentionné dans les registres de Lanloup comme époux, en 1494, de Jeanne de Kerysper puis de Jeanne de Kergozou après 1496. Christophe, fils de Pierre, employé à la réformation de 1513 et figurant à celle de 1535 ainsi qu'à la montre de 1543, eut de son mariage avec Thomine de Kerbouric de nombreux enfants dont l'aîné, Jacques, sr. de Kerguistin, prit part pour Lanloup à la montre de 1569. Ce dernier eut entre autres enfants deux filles : l'aînée, Françoise, épouse en 1571 de Guillaume du Boisgelin ; la cadette, Jeanne, épouse de Henry Taillart ; et un fils, Henry, sr. de Kerguistin, époux de Louise de Trogoff, tous trois mentionnés à plusieurs reprises dans les registres de 1597 à 1611. Henry étant mort sans enfant, ce furent son neveu Yves du Boisgelin et sa femme Marguerite du Goazlin, sr. et dame de Kersoson, qui héritèrent de Kerguistin. L'acte de décès de la dame de Kerguistin, du 1er décembre 1637, nous apprend que le manoir n'avait pas de chapelle privative dans l'église mais plusieurs tombes « devant le tabernacle où repose le Saint Sacrement ».

Leur fille Marguerite, dame de Kersoson, Kerguistin, Kergillot, née en 1599, épousa, en 1632, Guyon-Raoul Jehannot qui mourut le 9 octobre 1653. Elle-même était décédée le 7 mars 1647. Ils eurent de nombreux enfants : Catherine, Raoul sr. de Kerguistin, Jean sr. de Kersoson, René sr. de Kerfutan et Anne.

Raoul n’eut que des filles de son mariage avec Françoise Rolland. Demoiselle Louise-Françoise, l'aînée, qui dès 1660 habitait Lanvollon, avait loué Kerguistin à escuyer Louis Percevaux, sr. de la Villemeno, époux de Anne de Tannouarn. Elle porta ce manoir en dot à son mari Francois le Rouge, sr. du Marc’hallac’h, rappelé dans le compte de messire Kermen en 1693, époque à laquelle le manoir était loué à Marie le Piver d'une vieille famille de Lanloup. Conservé par la famille le Rouge du Marc'hallac'h ainsi que nous le voyons par un aveu du 15 septembre 1775, rendu par Joachim le Rouge, il fut constamment loué par ses possesseurs jusqu'à la Révolution [Note : A l'extinction de la branche du Marc'hallac'h avec le décès de Marie-Rose le Rouge, le 5 avril 1790, Kerverret échut aux Le Rouge de Guerdavid ; puis, par héritage aux Loz, de la Fruglaye et Nompère de Champagny ; vendu ensuite par Mme M. V. E. P. de Nompère de Champagny, vicomtesse de Nantois, à M. Duval].

Si le manoir et son colombier n'existent plus, le moulin seigneurial connu sous le nom de moulin de Traoulas existe toujours le long de la route de Bréhec. L'on peut remarquer, à ce propos, combien nos pères avaient résolu, sans savants calculs, l'utilisation complète d'un modeste ruisseau comme celui de Lanloup qui, sur un parcours de trois kilomètres, n'alimentait pas moins de sept moulins dont on voit encore les traces. C'étaient, en partant de l'amont, les moulins de Kergolleau, de la Noë verte, de Lanloup, de Traoulas dépendant de Kerguistin, Marec dépendant de Kerjollis, des Moines dépendant de Beauport, et de la Grève dépendant de la seigneurie de Plouha.

Malgré les frais d'entretien, ces moulins étaient d'un gros rapport pour la noblesse qui en augmentait sans cesse le fermage, comme nous l'avons vu pour le moulin de Lanloup. Les meuniers prélevaient, au fur et à mesure de ces augmentations, un pourcentage en nature de plus en plus élevé sur la mouture, ce qui leur valait une réputation de malhonnêteté bien établie auprès des pauvres mouteaux astreints au devoir de suite.

 

§ 4. — KERVERRET.
Une ferme, à l'intersection des routes de Pléhédel et de Kermaria, perpétue le nom du manoir de Kerverret qu'elle a remplacé, nom dû à l'antique cimetière qui entourait la chapelle voisine de Sainte-Colombe et dans lequel eurent lieu, en dehors de l'église, toutes les inhumations jusqu'au XVIIème siècle.

C’est un fait trés remarquable que le cimetière de Lanloup ait ainsi été ramené au centre de l’agglomération à l'inverse de ce qui se faisait ailleurs, et l'on peut se demander si cet éloiguement primitif n'indiquerait pas que Sainte-Colombe fut la première église bâtie au centre de l'ancien lann dont nous avons vu le chapelain Eudes en 1237.

L'étlilite actuel, du XVème siècle, renferme un porte-cierges en fer forgé de cette époque et deux vieilles statues dignes d'attention L’une, de sainte Catherine, porte à la hase les armes des Kergoet, ce qui permet d’identifier san nul doute la donatrice, Catherine de Kergoet, dame de Kerjollis, épouse de Jean du Quellenec dans les premières années du XVIème siècle ; l’autre, de la même époque, porte un costume de religieuse. Sainte-Colombe renferme en outre d'autres statues anciennes, quoiqu'un peu plus récentes, entre autres celle de saint Thérézien, évêque, dont le nom est également conservé par une croix à la limite de Lanloup et de Pléhédel ainsi que par une gentilhommière de ce dernier village qui fut donnée au XVIème siècle à la famille Poulart par l'héritière de Kerthérézien.

Suivant l'enquête de 1520, la vitre au-dessus de l'autel portait en haut et à droite les armes de Lanloup, et au-dessous deux écussons aux armes des Boisgelin ; la vitre de la fenêtre latérale les armes de Lanloup qui se voyaient également en bosse sur chacun des deux pignons.

Du cimetière, il ne subsiste plus qu'une seule tombe connue autrefois sous le nom de tombeau de St Mélars, décrit par Fréminville, qui en a, à juste titre, contesté l'authenticité. Jollivet, d'après Delaporte, l'attribue à un évêque-abbé, Saint Méloir, patron de Tréméloir, dont les Bollandistes ne soufflent mot. Ce tombeau, constitué par une dalle trapèzoïdale en granit, est orienté comme jadis de l'ouest à l'est et porte à la tête une petite croix. Il est objet d'un culte antique et l'on y fait marcher les enfants pour fortifier leurs membres, ce qui rappelle d'ailleurs la pratique suivie sur le tombeau de saint Loup à Troyes. Cette cérémonie, complétée par une friction sur l'autel de la chapelle, doit, pour être efficace, se répéter un certain nombre de lundis ; toutefois les enfants qui peuvent être amenés le jour du vendredi saint sont exempts de deux voyages (Note de l'abbé Le Gall).

Revenons à Kerverret. L'arrêt de réformation mentionne qu'en 1513 ce manoir était noble auparavant 60 ans et plus [Note : Comte DE ROSMONDUC : La noblesse bretonne devant la réformation. Bibliothèque Nationale, L, m. 325.  Réserve. Art. Boisgelin], mais ne donne aucun renseignement sur l'ascendance de son propriétaire d'alors, François du Boisgelin.

Le chevalier de Courcelles, dans sa généalogie de la famille du Boisgelin, malheureusement criblée d'erreurs pour cette époque, donne comme auteur à cette dernière branche Mathelin, frère de Sylvestre ; nous n'en croyons rien. Les divers aveux à la seigneurie de Lanloup indiquent, en effet, que Kerverret était une mouvance lige, tenue en ramaje de Lanloup et, les derniers, que c’en était même une juveigneurie, fait d'ailleurs confirmé dans un acte de décembre 1616 entre Guillaume de Lanloup et Thebaut du Boisgelin. Ce dernier acte fait connaître, en outre, que le sr. de Kerverret n'ayant pas de moulin, avait le droit de faire moudre ses blés au moulin de Lanloup de préférence à tous autres que le seigneur.

Kerverret fit donc, sans nul doute, partie des biens qui, apportés en mariage par Jeanne de Lanloup à Geffroy du Boisgelin, furent vraisemblablement ensuite le partage d'un cadet, tandis que le Boisgelin échut à l'aîné, Guillaume, époux de Margelye de Kerarscouet. Les Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) conservent l'acte du 13 mars 1479 par lequel ce Guillaume, très âgé, se démit de ses biens en faveur de son fils aîné Jean ainsi que l'acte de partage de ses biens le 7 décembre 1482 entre ses deux fils, Jean, époux d'Aliette de la Forest, et son puîné, Guillaume, époux d'Anne du vieux Chastel dont Lobineau a fait, à tort, un frère de Sylvestren (Bibliothèque Nationale, f. fr., 1871). Jean mourut sans héritier à la fin du XVème siècle et Guillaume en 1502 ainsi que le prouve un important conseil de famille tenu le 7 juin de cette dernière année pour son unique héritière Claude.

Les registres de Lanloup indiquent, d'autre part, que François, sr. de Kerverret, naquit le 23 mai 1490 de Pierre et de Catherine de Kersimon [Note : La copie d'un acte de 1520, conservée aux Archives des C.-d.-N., indique, comme mère de François, Catherine de Kereven, mais c'est là certainement erreur du copiste, car Catherine de Kereven ne figure pas sur les registres de Lanloup, alors que Catherine de Kersimon y est maintes fois mentionnée comme marraine entre 1470 et 1500]. Ce Pierre, qui fit partie du conseil de famille de 1502 où il est mentionné comme parent de Claude, ne peut pas être, comme certains auteurs l'ont indiqué, frère de Guillaume, époux d'Anne du vieux Chastel, car les srs. de Kerverret auraient hérité de Claude, tandis que son héritière fut Françoise de Botloy, fille de Sylvestre, sr. de Kerautret, cousin germin de celle-ci [Note : Elle épousa Gilles du Boisgelin, sr. de Bellefontaine, fils de Jean et de Jacquette le Floch].

Pierre était donc forcément fils d'un puîné de Jeanne de Lanloup et probablement, sans toutefois que nous ayons la certitude, fils de Jean qui figure comme « passe » sur plusieurs actes de 1450 à 1454. Le fait que Pierre et son frère Philippe, époux de Marguerite Le Floch, étaient également passeurs d'actes, vient à l'appui de cette hypothèse.

Cette digression, peut-être un peu longue, sur la famille du Boisgelin, ne nous a pas semblé inutile étant donné le rôle qu'elle a joué à Lanloup dont elle possédait toutes les maisons nobles, et les erreurs publiées à son sujet.

François, d'après l'arrêt de 1669, se serait marié trois fois : 1° à Gilette Poences, dame du Poulfanc, dont Christophe, sr. de Kerverret ; 2° à N... ; 3° à Françoise de Botmiliau, d'où Charles, François, Henry et Jeanne.

Christophe, qui figure à la montre de 1543, eut pour fils Thebaut, époux de Marie Lestic, d'où Pierre et Jeanne.

Pierre, né en 1602, épousa, en 1627, Louise de Coattarel, d'où Louis, Marguerite, Jeanne et Alain.

Sa sœur, Jeanne, avait épousé, le 4 août 1621, Philippe du Poirier, sr. de Kergolleau, parent de la dame de Lanloup ; mais devenue veuve presqu'aussitôt, elle se remaria dans la chapelle de Sainte-Colombe le 13 juillet 1623 à Louis Percevaux, sr. de la Ville-Louais.

Celui-ci fit vendre Kerverret le 25 juin 1641 et l'acquit de son beau-frère.

Son fils François était sr. de Kerverret quand il épousa, en 1695, Isabeau de Kercabin, mais il vint habiter Pontrieux et loua le manoir à Jacques le Chat, sr. de Lisandren et Guillaume Couffon, sr. de Bellevue, qui y résidaient en 1666. Peu de temps après, la propriété achetée par Annas Marques, qui rendit aveu au sr. de Lanloup le 3 juillet 1686, fut revendue par autorité de justice le 16 février 1696.

Nous avons parlé plus haut des démêlés du nouvel acquéreur, Guillaume Taillart, sr. du Resto, avec Gabriel-Yves de Lanloup. Son gendre, Jan-Charles-Michel de Farcy de la Ville-du-Bois, époux de Louise Auréane, mentionne dans son aveu du 5 août 1754 qu’en la chapelle Sante-Colombe il y a dans la maîtrese vitre les armes des ancien propriétaires de Kerverret et qu’il possède du côté de l’épître un banc avec accoudoir.

Kerverret resta dans cette famille jusqu'à la Révolution, comme nous le voyons par un accord entre Anne Joseph de Lanloup et Angélique Farcy ; mais, de même que les seigneurs de la Noë et de Kerguistin, ceux de Kerverret n'habitaient pas leur manoir.

 

§ 5. — KERVÉGAN.

La dernière maison noble de Lanloup mentionnée dans la déclaration fournie le 18 mars 1666 par honorable homme Jan le Piver, fabrique et trésorier de la paroisse à Monseigneur le duc Mazariny, lieutenant général pour sa Majesté, au pays et duché de Bretagne est Kervégan (Bibliothèque Nationale : Nouv. Ay. Fr., 3615).

De ce manoir, situé comme Kerverret sur la route de la Noë verte à Lanloup, un peu plus loin que Sainte-Colombe, il ne reste plus que les débris d'un porche et, sur le linteau d’une porte, un fort beau pennon des armoiries de la famille du Boisgelin et de ses alliances, sur lequel on distingue encore facilement outre trois écussons des Boisgelin les armes des Lanloup, des Geslin, des la Forest, des Lestic, des Coattarel, des Hingant, des du Vieux Chastel, etc.

Ce manoir vint aux Boisgelin, comme Kerverret, de Jeanne de Lanloup et eut les mêmes propriétaires jusqu'à la mort de François.

Peu après, Jeanne de Botmiliau sa veuve, par aveu du 6 juin 1540, rendu pour elle et ses enfants Charles et Jeanne, déclara à Jean de Lanloup tenir Kervégan sous son fief et seigneurie, à foy lige, devoir de chambellenage, sans droit de rachat.

Charles fut marié deux fois : 1° à Jacquette de Coattarel de la maison de Kervaudour ; 2° à Eliette Poënces. Il rendit aveu le 24 mai 1565 à Guillaume de Lanloup dans les mêmes termes que sa mère.

De son premier mariage, il avait eu François qui épousa Renée du Tertre, dame de Kervégant en Servel qu'elle lui apporta en mariage, d'où un fils, Vincent, et deux filles : demoiselles Renée et Marie. Vincent épousa, en 1623, Anne de Plésidy de la maison de Collodic et rendit un aveu semblable au précédent le 15 février 1651. Il mourut le 17 juin de cette même année, un an après sa femme, et ses enfants se partagèrent leurs biens le 10 juillet suivant.

Claude eut Kervégan en Lanloup et Kervégant en Servel ; Jean, qui avait épousé Marguerite du Tertre, hérita « du grand canton de terre noble appelé la Tour Couffon en Plouha » ; et Isabeau, leur sœur, dame de la Motte, veuve de Henry le Cogniec, sr. du Colombier, et épouse en secondes noces de Jean Hingant, sr. de Kergroas, eut une assiette sur la métairie noble du Run en Plouha.

Claude et sa femme, Jeanne de Callouet, vendirent bientôt Kervégan par acte du 10 août 1657 à noble Raoul Ollivier, sr. du Bouredeau en Plouha et à Marguerite Gendrot son épouse [Note : De Courcy et, après lui, les autres armoriaux ont indiqué Françoise Gendrot ou Marguerite comme épouse de Jean Ollivier en 1411. C'est là une erreur ; celle-ci épousa, en effet, Raoul, sr. du Bouredeau, par contrat du 15 janvier 1646 (Archives Côtes-d'Armor)] qui rendirent aveu à Yves de Lanloup le 15 avril 1658.

Claude du Boisgelin s'était retiré à Servel et avait eu quatre enfants : Pierre, Gabriel, Maurice et Jean. Pierre mourut sans hoirs et son frère Gabriel qui lui avait succédé se noya en traversant une rivière en 1691, ne laissant pas d'enfant de Gilonne du Liscouet qu'il avait épousé un an auparavant.

Les nouveaux possesseurs n'habitèrent pas Kervégan qu'ils louèrent à Philippe Daniol, non plus que leurs héritiers.

François Ollivier, leur fils, sr. du Bouredeau, rendit aveu le 28 juin 1686 à Gabriel-Yves de Lanloup et n'échappa pas à un différend avec ce processif seigneur qui le condamna en 1711 à réformer ses aveux et à suivre le moulin de Lanloup. Kervégan passa ensuite dans la famille Harscouet par le second mariage de Mathieu, sr. de Kerhingant, et de Julienne Ollivier le 24 février 1705.

Leur fils Francois-Mathieu Harscouet, rappelle dans son aveu du 11 octobre 1755 à Jan-Guillaume de Lanloup qu’il a droit et possession de faire inhumer qui bon lui semble dans une tombe ou labbe dépendante de Kerverret, en la chapelle de ce manoir dans l'église de Lanloup, et d'y mettre chandelier et luminaire. Ses héritiers possédaient Kervégan à la Révolution.

Ainsi, à cette dernière époque, toutes les maisons nobles, à part le manoir de Lanloup, étaient louées à des métayers. Les vieilles familles nobles avaient disparu et, comme on peut le voir dans les registres, avaient été remplacées depuis près d’un siècle, par une noblesse étrangère au pays, modestes fonctionnaires, agents des fermes du Roi.

(R. Couffon, 1924).

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