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LANGUENGAR

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Languengar était, jusqu’à la Révolution, une petite paroisse située au Nord-Est de Lesneven.

Elle devait sans doute son origine — ou du moins sa dénomination — à l’un de ces Saints bretons dont nous ne gardons guère d’autre souvenir que le nom gravé sur le sol.

Paroisse de Languengar (Bretagne).

Saint Guengar — qu’on a parfois identifié, mais à tort, croyons-nous, avec saint Guiner ou Guigner ou Eguiner — avait fondé là, aux premières heures peut-être de la christianisation du pays, un petit monastère, un « lann », y avait vécu saintement avec quelques moines et était parti pour le Ciel.

Saint Guengar n’était pourtant pas le patron de la paroisse. La patronne de Languengar était sainte Azénor. Avec un charme exquis, Albert le Grand a raconté « l'Histoire admirable de saint Budoc, archevesque de Dol et de la princesse Azénor de Léon, sa mère ».

Saint Budoc est le patron de Porspoder et de Plourin-Ploudalmézeau en Léon, de Beuzec-Cap-Sizun, de Beuzec-Conq, de Trégarvan et autrefois de Beuzec-Cap-Caval (Beuzec = Budoc) en Cornouaille ; il a des chapelles à Landunvez et à Plomeur. Son culte est donc encore aujourd’hui assez répandu.

Le culte de sainte Azénor ne fut jamais aussi étendu. Elle n’eut jamais sous son patronage que la petite paroisse de Languengar.

Paroisse de Languengar (Bretagne) : sainte Azénor.

L’une des tours du Château de Brest, datant en partie du XIIIème siècle, porte encore le nom de Tour Azénor. A Châtelaudren, dans la chapelle de Notre-Dame du Tertre, sur les lambris, de curieuses peintures du XVème siècle racontaient l’histoire de sainte Azénor. A Porspoder, dans l’ossuaire transformé en chapelle, un très ancien retable redit aussi ses touchantes tribulations.

Le rentier du Folgoët, dans les extraits qu’en donne M. de Kerdanet dans sa Notice sur Notre Dame du Folgoët, mentionne le 5 Août 1421, la donation d’un champ par Azénor Moal, et ce champ porte le nom de Parc Azénor. Il y a encore dans le pays, des femmes — peu nombreuses cependant — qui portent le joli nom d’Azénor ou d'Honorée, car Azénor est devenu Enor, Enori, Honorée, et en breton on dit le plus souvent « santez Enori ou santez Honorée ». Il y a aussi des Honorine et des Eléonore qui, probablement, ont pour patronne sainte Azénor ; en remontant dans le passé, on trouverait que leurs marraines sont des Enori ou des Honorée.

De l'église de Languengar, vendue à la Révolution et détruite en 1832, il ne reste plus rien. Une crois au bord de la route, un fût de colonne, quelques pierres, en marquent seulement la place. Trois fontaines subsistent : la première en bordure de la route, tout près de la croix dont nous venons de parler ; elle n’a pas d’autre nom que celui de Feunteun Languengar, et nous n’avons pas trouvé de tradition qui s’y rattache. La deuxième se trouve dans une prairie, près de la ferme qui a remplacé le presbytère et qu’on appelle encore aujourd’hui ar Presbytal koz. Les pierres qui l’encadrent, comme celles qui entourent le lavoir, proviennent de l’église ou du cimetière. La troisième est située au village de Closmeur, tout près de Lesneven. C’est cette dernière fontaine qui porte le nom de Feunteun Santez-Enori. Elle est surmontée d’une ancienne croix massive en granit, mais qui n’a rien de monumental. Elle est connue cependant de tout le pays environnant et on y vient aujourd’hui encore des paroisses d’alentour. Ce sont les mères qui ne peuvent nourrir elles-mêmes leurs enfants qui viennent demander là cette grâce à sainte Azénor. Le rit consiste à vider la fontaine au moyen de bassins ou d’écuelles en récitant des prières, et à boire ensuite de l’eau de la source. C’est le même rit qu’à la fontaine, beaucoup plus fréquentée, de sainte Ediltrude « Santez Ventroc, Ar Zantez » à Treflez (Note : le même rit s'accomplissait autrefois à la fontaine de Sainte-Pétronille, en Ploudaniel). C’est la seule forme, croyons-nous, sous laquelle subsiste aujourd’hui le culte de sainte Azénor.

La statue en bois de la Sainte, celle qui se trouvait dans l’église de Languengar, après avoir passé par la chapelle du Saint-Esprit — chapelle aujourd’hui remplacée par une belle croix de granit —, après avoir fait un séjour au musée religieux de Saint-Louis de Brest, a trouvé un refuge dans l’église de Lesneven, où les descendants des anciens paroissiens de Languengar peuvent encore la vénérer.

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Paroisse de Languengar (Bretagne).

 

Le territoire de Languengar avait la forme d’un rectangle allongé de Lesneven vers Plouider. Il semble bien que ce territoire, comme celui de Goulven et de Tréflez, a été découpé, à une date assez reculée, dans Plouider qui était ici la grande paroisse primitive, le « plou », le plou de Sant Dider dont on a fait un Saint Didier qu’il a bien fallu aller chercher quelque part et qu’on a fini par trouver à Langres ou à Vienne.

La substitution remonte d’ailleurs très haut dans le passé ; elle était faite avant le XVème siècle. Et cependant, aujourd’hui encore, les fidèles disent toujours Sant Dider et jamais Sant Didier.

Dans les anciens actes on écrivait : Ploe-Ider ou Ploe-Dider, le bourg était appelé Guic-Ider, et il y a encore aujourd’hui à Plouider le Parc Sant-Dider et la Feunteun Sant-Dider et les habitants se disent encore Ploéis-Dider.

La dépendance de Languengar par rapport à Plouider est encore indiquée par ce fait qu’en 1420 Languengar appartenait aux Coatmenec'h, vicomtes de Plouider (Note : Famille depuis longtemps disparue : La branche aînée s’est fondue au XVème siècle dans Le Vayer, puis La Feillée, Beaumanoir du Besso et Rosmadec, d’où la vicomté de Coatmenec'h a passé aux Kergroadez, Montmorency et enfin Barbier de Lescoët. La branche cadette Kerrom, près de Saint-Pol-de-Léon, s’est fondue dans du Louët de Coatjunval. Armes : fascé de gueules et de vair de 6 pièces ; devise : Soit).

Lors des réformations de 1427 et 1448, Languengar est paroisse. Mais ce fut toujours une petite paroisse. Au XVIIIème siècle, elle est classée dans la sixième et dernière classe des bénéfices ecclésiastiques ayant moins de 300 livres de revenus. Avec Saint-Matthieu in finibus terrae et Lanneufret, Languengar est coté à 100 livres. Lesneven était dans la 4ème classe des bénéfices ayant de 500 à 800 livres de revenus, et Plouider de la 3ème classe ayant de 800 à 1.100 livres de revenus.

Il y avait sur la paroisse de Languengar les terres nobles de Lescoët, de Traongurun et de Lanselin

Lescoët :

La première était l’apanage de l’antique famille même nom, à laquelle appartenait Guillaume de Lescoët, capitaine de Lesneven en 1357 pour Charles de Blois, époux de Tiphaine de Keranrais. Leur fille héritière Méance épousa Hervé sire du Chastel, dont l’un des descendants, Hervé du Chastel, fonda par testament, en 1477, un collège de six chapelains ou chanoines dans l’église de Saint-Michel de Lesneven. Depuis, Lescoët passa par mariage aux Rieux, et par acquit aux Boiséon. En effet, par contrat du 15 Mars 1589, Guy de Scépeaux, comte de Chemillé, et sa femme Marie de Rieux, héritière des du Châtel, cédèrent aux seigneur et dame de Boiséon, non pas la seigneurie du Châtel elle-même, mais certaines terres qui en dépendaient en Plouguerneau et Guissény et en plus les terres et seigneuries de Lescoët et Mesnoalet en Léon (Note : Mesnoalet était dans la paroisse de Guillers). Un de Lescoët de la branche cadette de Kergoff la racheta aux Boiséon (Note de M. Le Guennec).

Vers 1595, Claudine de Lescoët, dame de Lescoët et de Kergoff, épousa Jacques Barbier, seigneur de Kernao, gouverneur de Lesneven en 1603, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, celui-là même qui devait être le protecteur et le bienfaiteur des Récollets lors de la fondation de leur couvent en 1625. C’est ainsi que la terre de Lescoët passa aux Barbier de Kerno, qui devaient la garder jusqu’à la Révolution, en prenant le titre de barons, puis de marquis de Lescoët.

M. de Kerdanet nous dit que la terre de Kergoff en Kernouès et celle de Lescoët en Languengar, unies depuis longtemps, furent érigées en châtellenies, par lettres patentes de Louis XIV du mois de Juin 1656, en faveur d'Alain Barbier, seigneur de Kerno, fils de Jacques Barbier et de Claudine de Lescoët, héritière de sa maison (Note : Les armes du Barbier de Lescoët étaient : d’argent deux fasces de sable, et la devise : Sur ma vie).

On voit encore les armes des Lescoët : de sable à la fasce d’argent chargée de 3 quinte feuilles de sable et surmontée d’un lambel, à l’une des clefs de voûte de la chapelle de Notre-Dame de Locmaria, en Plabennec. Leur devise était : Maguit mad (nourrissez bien).

Lors d’un différend avec la ville au sujet des prééminences, lorsqu’il est question de la reconstruction de l’église vers 1754, il est dit dans un rapport « que le chef-lieu de la terre de Lescoët est dans la paroisse de Languengar et non en celle de Lesneven ».

En 1635, voici quelles étaient les prééminences des Lescoët-Barbier dans l’église de Languengar. « A la maîtresse vitre, se voyaient les armes des du Châtel : d’or à trois fasces de gueules, dont les écussons étaient mitrés et crossés ; au soufflet en haut, l’image de la Trinité et le dictum du Chastel.. autour des dits écussons : Mar car Doue, S’il plaît à Dieu ; en la chapelle plus haute, du côté gauche, est la chapelle de Lescoët ; plus bas que les armes du Chastel, on voit en la vitre un écusson d’argent à 3 tourteaux de gueules et un lambel, et un autre mi-parti, portant au second : d’azur à 3 râteaux d’or, qu’on dit être les armes de Keranguen, Sr. de Traongurun, armes mises depuis peu en place de celles du Chastel. Opposition de la dame de Kergroadès, qui se dit fondatrice de l’église, avec droit de présenter le Recteur, et prétend que, comme propriétaire de la chapellenie de Coatmenec'h, elle a les armes de Coatmenec'h au pignon suzain de l’église et au principal portique d’icelle ».

Traongurun :

Nous ignorons quels furent les anciens seigneurs de Traongurun.

En 1618, Traongurun appartient aux Barbier de Kerjean. « A cette date, en effet, le manoir de Kerjean est érigé en marquisat pour les Barbier, mais en y réunissant la terre de Lanven, qu’ils avaient acquise de l'Abbaye du Relecq en 1563, et trois autres seigneuries situées aux environs de Lesneven, à savoir Rodalvez, Traongurun et Kerbiquet ».

Et cependant, nous venons de voir qu’en 1635 les Kéranguen, sieurs de Traongurun, ont leurs armes dans l’église de Languengar immédiatement au-dessous des armes du Chastel et même, semble-t-il, depuis longtemps déjà.

Il est vrai que cela n’est pas allé sans difficultés. C’est ainsi qu’en 1623, le seigneur de Kerlifiry ou Kertiviny en Cléder, propriétaire de Lanselin, intente un procès aux Kéranguen au sujet des usurpations faites par ces derniers de divers écussons dans les vitraux et sur l'ossuaire de l’église de Languengar. Le seigneur de Kerlifiry, qui se dit issu de la grande famille de Kermavan (Carman ou Kervaon), traite avec arrogance sa partie adverse qu’il prétend issue de boutiquiers de Lesneven (Note de M. Le Guennec).

Cette famille de Kéranguen parait avoir été l'une des plus importantes de la région à cette époque. « Le 14 Février 1581, Marie Barz, veuve de Jehan Le Jar, demeurant en la trêve de Treffoumezan (Trémaouézan), en la paroisse de Ploudaniel, vend à Michel de Kéranguen, capitaine de Lesneven, pour le prix de neuf écus d’or solides, une vieille masure à apparence de maison, située en la dite ville de Lesneven, entre terre du collège (des chanoines de Sainte-Anne) et le chemin menant au lieu du Penar-Cosquer, sur la rue dite de Jérusalem, à charge de payer 10 sols de rente chacun an aux gens du Collège ».

Le 9 Août 1594, Jean de Kéranguen est parmi les notables du Léon qui signent au Folgoët leur soumission à Henri IV entre les mains de Sourdéac, gouverneur de Brest. Dans cet acte, « ils protestent n’avoir oncques eu l’intention de se désunir de l'Etat et couronne de France, et que telle difficulté qu’ils faisaient de reconnaître l’autorité de Sa Majesté, n’était que dans la crainte de tomber sous la domination de l'hérésie ; mais que depuis, s’étant la conversion de Sa dite Majesté faite à la foi catholique, apostolique et romaine, qui était ce que plus ils désiraient, ils se réduisent sous son obéissance, et promettent de servir le roi de leurs personnes et biens avec la même fidélité qu’ils avaient fait aux rois ses devanciers ».

Le Léon, par la voix de ses représentants, affirmait sa foi et sa loyauté. Dans un procès-verbal dressé en Septembre 1632, par Guillaume Le Clerc, sieur de Goasquellen, fabrique, nous voyons que les Kéranguen ont leurs tombes dans le chœur même de l’église Saint-Michel de Lesneven. « Au troisième rang : une tombe à défunt écuyer Gabriel Kéranguen, sieur de Traongurun, armoriée de ses armes d’argent à 3 tourteaux de gueules, devise : Laka evez, et appartenant depuis aux héritiers de défunte Marie de Kéranguen, dame de Kerigoual. Autre tombe, où est inhumé ledit sieur de Traongurun, avec trois autres emplacements de tombes au même rang. Au quatrième rang : devers l'Epître, un grand escabeau avec petite fenêtre en la muraille costière, audit sieur de Traongurun, avec ses armes ». Les Kéranguen avaient aussi leurs prééminences dans la chapelle Notre-Dame de Lesneven, car dans un procès-verbal de réparations urgentes à faire, signé en Décembre 1635 par le fameux peintre verrier Alain Cap, il est remontré aux seigneurs prééminenciers qu’ils aient à effectuer les réparations qui de ce chef leur incombent. A savoir : Messires René, seigneur baron de Penmarc'h, René de Lescoët, seigneur de Kergoff, « écuyer Pierre Calloët, sieur de Kerantany, curateur des enfants mineurs des feus sieur et dame de Traongurun, etc... ». Les sieurs de Traongurun arrivaient donc au troisième rang parmi les prééminenciers de Notre-Dame.

Le sieur et la dame de Traongurun défunts dont il est ici question sont Gabriel de Kéranguen, fils de François de Keranguen et de Françoise Le Mercier de Beaurepos. Inhumé dans le choeur de Saint-Michel, le 23 Août 1632, il avait été le père spirituel — c’est-à-dire le protecteur officiel, le syndic — des Récollets. Sa femme Marie Calloët, dame de Kerguezec, morte à Lesneven, le 5 Novembre 1635, fut enterrée aux Dominicains de Morlaix.

Les enfants allèrent sans doute à Morlaix avec leur tuteur, car dans les registres de Saint-Martin de Morlaix, à la date du 8 Février 1638, on trouve mention du mariage de noble écuyer Yves Le Borgne, seigneur de Langaran, et de Françoise de Kéranguen, fille de feu Mre. Gabriel de Kéranguen, et de feue Marie Calloët, sieur et dame de Traongurun, de la paroisse de Languengar ; le mariage fut célébré dans la chapelle de Saint-Jacques en Saint-Matthieu.

Peu après, Traongurun fut acheté par un riche financier morlaisien, Jacques Allain, sieur de la Marre, dont l’un des fils, Pierre-Hiérôme Allain, sieur de Montafilant, Traongurun, Lancelin, etc... était gentilhomme de la vénerie du duc de Berry, en 1710 (Note de M. Louis Le Guennec).

En 1660, il y a encore une dame de Traongurun, qui est membre bienfaitrice de la confrérie de la Sainte Trinité. C’était la confrérie des « tailleurs d'habits » et l’une des plus anciennes de Lesneven. Fondée en 1429, elle avait son autel de la Trinité à la chapelle Notre-Dame. Elle fut florissante jusque vers 1730.

Avant de quitter les Kéranguen, disons qu’il en est aussi mention dans les archives de Sainte-Anne d'Auray. A la date du 22 Juin 1646, on lit ce procès-verbal : « Le 22 Juin 1646, Damoiselle Péronelle de Keranguen, fille de Drongurun (en marge : Manoir de Drongurun) près Lesneven, évêché de Saint-Paul de Léon, épouse de François Trémel, sieur de Dourmap, conseiller du Roi et son lieutenant au siège de Lesneven, sieur et dame de Dourmat (Dourmap en Plouider), sont venus ici rendre leurs voeux et actions de grâces de ce qu’ayant été entre deux et trois ans en mariage sans enfants ils se vouèrent à Madame Sainte Anne et promirent que si c’était une fille qu’elle en porterait le premier nom puis celui de sa marraine, en effet l’enfant s’appelle Anna Marie. Elle promit aussi de lui faire porter l'habit de Notre-Dame des Carmes jusque à sept ans, lequel ils ont fait bénir ici et de plus elle a donné en reconnaissance sa jupe de noces toute neuve qui est gros de Naple tabizé (tapissé) enrichie d’une dentelle d’argent de 4 à 5 pouces de large (c’est-à-dire 0m. 12 ou 0m. 13) pour être mise en un devant d’autel, dont ils ont promis de payer l’exécution et tout ce qui restera pour la faire ».

On trouve encore en 1671 un Nicolas Kéranguen, prêtre, chanoine du Folgoët, demeurant en la paroisse d'Elestrec. Mais nous ne pensons pas qu’il soit de la famille noble de Traongurun. On dit en 1671 qu’il venait presque tous les jours depuis 1663 dire la messe à Notre-Dame de Lesneven. Missire Guillaume Emdivivat prêtre de Trégarantec, y venait depuis une vingtaine d’années. Il en était de même du recteur et du vicaire de Kernouès, ce qui nous montre combien étaient nombreuses les fondations à Notre-Dame et grande la dévotion qui y attirait les fidèles.

Malheureusement, à cette époque déjà la chapelle Notre-Dame menaçait ruine. C’est ce que déclarent, dans un procès-verbal du 6 Août 1671, les prêtres dont nous venons de rappeler les noms. Le recteur de Trégarantec disait « qu’il était fort incommodé à l’autel par les chutes de chaux et de pierres, comme aussi par le vent qui faisait remuer le corporal et la Sainte Hostie et qui obligeait à mettre la patène dessus ». Kéranguen dit aussi « que par mauvais temps, la pluie et le vent faisaient tomber pierres et chaux sur l’autel, de manière qu’on ne pouvait pas conserver le Saint-Sacrement». Le 22 Juillet 1687, le tonnerre tomba sur Notre-Dame et ajouta encore au délabrement. D’autre part, des procès interminables arrêtaient les réparations, de sorte que tôt après la construction de la nouvelle église de Saint-Michel (1763), l'Evêque, par mesure de précaution, dut interdire la chapelle Notre-Dame. Elle fut démolie en 1773 avec l’intention de la reconstruire, mais là encore les responsabilités se dérobent dans la chicane, et la Révolution survint, qui dispersa même les ruines.

Lanselin :

Lanselin doit sans doute son nom, comme Languengar, à un petit monastère primitif fondé ou dirigé par Sant Silin (Voir Loth : les Noms des Saints bretons).

Vers 1525, il y a un sieur de Lanselin qui semble être un des compagnons habituels du trop fameux Marhec, seigneur de Guicquelleau. C’est ainsi que, le 18 Décembre 1526, on voit Jehan Marhec, Guillaume du Beaudiez, Tanguy Denys, sieur de Lanselin et Jehan de Keraldanet, fils aîné du sieur de Rascol, « s’en aller à Plounéventer parler au recteur dudit lieu pour avoir de lui les cent écus qu’il avait promis bailler à Catherine Marhec, sa nièce et soeur de Jehan Marhec, en faveur du mariage d’entre elle et ledit Jehan de Keraldanet »

Tanguy Denys, sieur de Lanselin, est l’un des convives de Guicquelleau, dans la nuit dramatique du 15 au 16 Janvier 1527, où Henry de Penmarc'h fut lâchement agressé, par son hôte Jehan Marhec. Le sieur de Lanselin se vit lui-même menacé par le forcené qui, pour tous ses crimes, fut, le 17 Février suivant, conduit au gibet où il eut la tête tranchée.

Dans le rentier du Folgoët on trouvait, à la date de 1488, une donation faite par Alain Denis, d’une pièce de terre « aux mètes (limites) de Rétalezre ». Cet Alain Denis était peut-être de la famille des sieurs de Lanselin.

En 1623, Lanselin, nous l’avons vu, appartenait aux sieurs de Kerlifiry et en 1710, à Pierre-Jérôme Allain, sieur de Montafilant.

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Paroisse de Languengar (Bretagne).

 

Languengar, nous l’avons dit, était l’une des plus petites paroisses du diocèse de Léon. Le recteur était pauvre, « puisqu’il est notoire, écrit l’un d’eux, qu’il ne jouit pas, à beaucoup près, de la portion congrue ».

Mais Languengar est tout près de Lesneven — à peine un quart de lieue les sépare — de sorte que les recteurs pouvaient être aussi chanoines de la collégiale de Sainte-Anne érigée en l'église Saint-Michel ou encore aumôniers des confréries, d’autres enfin, pouvaient aider à desservir les nombreuses fondations de la chapelle Notre-Dame.

Beaucoup de ces Recteurs portent le titre de maître-ès-arts et font partie de la célèbre Confrérie des Maîtres-ès-arts de Lesneven, qui rayonne sur tout le Léon et même au delà.

Le premier recteur dont nous ayons trouvé mention est Guillaume Joncour, prêtre du diocèse de Quimper qui, le 28 Décembre 1467, fut nommé recteur de Languengar par le Pape Paul II sur la résignation, entre les mains du Pape, de Alain Corre. — Ces deux recteurs ne purent être chanoines, puisque la collégiale ne fut fondée qu’en 1477.

En 1544, nous trouvons recteur de Languengar Gilles Godeuc qui est aussi chanoine de la collégiale. C’est ce que nous apprend la conclusion d’un procès, où il est dit « que Jacques de Kernechquerault (ou Créachquéraulf ?) s’engage à payer 14 livres aux gens du collège (des chanoines) représentés par Missire Gilles Godeuc, recteur de Languengar, demeurant à Kerlouan, contrat fait et agréé en la maison de Marie du Poulpry, à Lesneven ».

Si l’on s’étonne de voir ce recteur de Languengar et chanoine de Lesneven résider à Kerlouan, il faut se rappeler que l’on était alors à l’époque de la commende et de ses abus, où l’on voit les bénéfices se multiplier scandaleusement sur la même tête. C’est ainsi qu’en 1573, nous voyons encore missire Jehan Kerdaniel, sieur de Tréornou, recteur de Lambézellec et y résidant, procureur des chanoines de Sainte-Anne « qui n’a daigné rendre ses comptes de gestion que six ans sur douze ». Ces bénéficiers se faisaient remplacer au choeur par quelques pauvres prêtres de Lesneven ou des environs.

Ce Gilles Godeuc devait être un personnage assez remarquable : nous le trouvons en 1539 à Nantes, à la session extraordinaire des Etats réunis pour la réformation de l’ancienne coutume de Bretagne. Avec messire François du Faou, doyen du Folgoët, et messire Alain de la Bouexière, sénéchal de la juridiction de Lesneven, on voit là Gilles Godeuc, procureur de Mgr Christophe de Chavigné, évêque de Léon, d'Hamon Barbier, abbé de Saint-Mathieu — le fameux abbé aux innombrables prébendes — et des chanoines de Lesneven.

Après la période troublée de la Ligue, c’est Prigent Boudeur qui fut recteur de Languengar, de 1623 à 1649. Il était maître-ès-arts et chanoine de Lesneven. Il vit la fondation du couvent des Récollets en 1625 et mourut le 12 Juin 1649.

Le 13 Juin, Mgr de Rieux nommait à sa place Jacques Rospars, qui reste à Languengar jusqu’en 1654.

Vient ensuite Guillaume Gall (ou Guillerm Gall) qui est maître-ès-arts ; puis Yves Yort ou Jort, qui est chanoine de Lesneven et qui reste à Languengar de 1664 à 1684. Il participa à la grande mission prêchée par le P. Maunoir, du 20 Octobre au 20 Novembre 1669. Le jour de la communion pour les âmes du purgatoire, on distribua plus de 18.000 hosties, ce qui montre qu’on vint à la mission de tout le Léon. Ce recteur de Languengar avait une grande dévotion à Notre-Dame de Lesneven ; il y conduisait ses paroissiens. Nous voyons, en effet, cette mention dans un cahier de comptes d’un gouverneur de Notre-Dame à la date du 16 Juin 1674 : « Procession de sainte Enori de Languengar, 15 sols ».

Après Yves Yort, les recteurs se succèdent rapidement : de 1684 à 1686, c’est Jean Prigent qui se démet ; nous le retrouverons tout à l’heure comme chanoine de Lesneven ; — de 1686 à 1688, Jean Belican, et de 1704 à 1708, Jacques Le Bescond, qui meurt le 16 Décembre, à l'âge de 30 ans.

Le recteur suivant fut Guillaume Pasquier, qui était chanoine de Lesneven depuis 1686. Il mourut au bourg de Lannilis. Son corps fut apporté en la chapelle des Récollets, reçu au flambeau et enterré le lendemain dimanche, 7 Juillet 1709. Il avait beaucoup aimé ces religieux, auxquels il léguait ses livres.

Lorsque Guillaume Pasquier fut présenté au canonicat vacant à la collégiale de Sainte-Anne, le 23 Janvier 1686, le droit de présentation appartenait à Louise-Renée de Pénancoët, la célèbre duchesse de Portsmouth.

C’est en 1684, le 6 Octobre, que, par acte de son procureur, écuyer René Le Ciet, sieur de Mestidren, la duchesse avait acquis tous les biens possédés dans le Léon par le duc de Brissac, héritier des seigneurs du Châtel, fondateurs de la collégiale de Sainte-Anne. Elle avait acquis par là même le droit de présentation des chanoines, et elle en usait pour la première fois.

Mais dès 1684, en femme qui sait faire reconnaître ses droits et gérer ses intérêts, elle était entrée en relation avec les chanoines. C’est ce que nous voyons par les comptes de Missire Jean Prigent, procureur du Chapitre, qui portent au 12 Novembre 1685 : « Pour des confitures sèches présentées à Madame la Duchesse, 13 sols 4 deniers ». Etait-elle venue à Lesneven, ou bien lui offrit-on ces confitures à Brest où elle faisait un court séjour ? — Ce qui est certain, c’est qu'elle y vint en 1686 et pour une visite solennelle.

C’est la préparation de ce grand événement qu'il faut voir dans les lignes suivantes des comptes de missire Jean Prigent : « Le 10 Avril 1686, pour les dépens de Monsieur notre Recteur et moi, députés par le collège des chanoines pour aller à Brest rendre visite à Madame la Duchesse, notre patronne, 78 sols. — Pour le louage de nos chevaux, 48 sols. — Pour leur nourriture pendant deux jours, 40 sols ».

Ce « Monsieur notre Recteur » était missire Jean Laoust, originaire de Lesneven même, qui avait obtenu récemment — en 1681 de la Cour de Rennes, le droit de se qualifier Recteur de Lesneven. Jusque là étant, comme ses prédécesseurs, à la nomination de l'Abbesse de Saint-Sulpice de Rennes, il n’avait le droit qu’au titre de Vicaire perpétuel de Lesneven.

C’est le 5 Mai 1686, le 3ème dimanche après Pâques, que se fait la réception solennelle de la duchesse de Portsmouth. La veille, les habitants avaient reçu une lettre du marquis de Lavardin, lieutenant général de la province de Bretagne, qui leur écrivait de Brest son désir que la Communauté de Lesneven rendît à Mme la duchesse de Portsmouth les honneurs dus à une personne de son rang.

Les habitants décidèrent d’envoyer leur Syndic, accompagné du plus grand nombre possible d’entre eux, saluer cette dame à son arrivée, en lui présentant « un plat des plus belles confitures ». (C’était évidemment son faible ou bien c’était une spécialité de Lesneven à cette époque).

Les chanoines, de leur côté, firent confectionner par Guillaume, leur bedeau, un dais qui fut posé au-dessus du banc réservé dans le choeur aux présentateurs et où se plaça ladite dame, leur patronne. « Ils firent balayer le choeur et muraille deux fois, 15 sols, et plus, pour ficelles, clous et épingles, 6 sols ».

En ce temps-là, cependant, la duchesse avait perdu ses principaux protecteurs : la duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre, était morte en 1670, et Charles II, le Roi d'Angleterre, dont elle avait été la favorite, était mort en 1685. Mais, on le voit, elle gardait encore son crédit près de Louis XIV, qui se souvenait des services qu’elle lui avait rendus pendant son séjour à la Cour d'Angleterre.

La duchesse exerça son droit de présentation pendant trente ans, de 1684 à 1714, sans difficulté. Une fois, cependant, elle trouve opposition. Le 11 Août 1711, à la place de missire Le Fèvre décédé, elle présentait Henri de Villemaudy, sous-diacre au diocèse d'Angoulême. — Ce sous-diacre était le fils de sa secrétaire, Mme de la Villemaudy. Dans leur délibération, les chanoines déclarent l’avoir reçu, mais avec les oppositions accoutumées, c’est-à-dire que le nouvel élu n’était pas prêtre, donc incapable de desservir les fondations de la collégiale, et qu’il était étranger au diocèse et non résidant, donc dans l’impossibilité de participer au choeur aux prières canoniales.

En 1714, la duchesse de Portsmouth dut vendre la seigneurie du Châtel, avec tous les droits y afférents au financier Crozat, qui devint par là-même présentateur de la collégiale de Sainte-Anne. Après lui, ce fut son gendre, Charles-Antoine de Gontaut-Biron, et le dernier présentateur fut Louis de Gontaut-Biron, duc de Lauzun, marquis du Châtel et de Carman, maître de camp de Royal-Dragons, lieutenant général de la province de Beauvoisis, noble Génois. — Ce dernier présentateur se souciait fort peu des chanoines de Lesneven. Après avoir pris part à la guerre de l'Indépendance américaine (1778), il commanda les armées de la République sur le Rhin (1792), puis dans le Var et enfin contre les Vendéens, et pour n’avoir pas réussi contre ces derniers, il porta sa tête sur l’échafaud à Paris, en 1793.

Le chanoine Jean Prigent, qui fut si peu de temps recteur de Languengar et eut un rôle si actif dans les relations de la Collégiale avec la duchesse de Portsmouth, a laissé quelques autres traces de son activité. Il en est question à propos d’un prône fait à Notre-Dame, le dimanche 7 Mars 1777 : « Au prône de la grand'messe, célébrée par Jean Le Gall, prêtre, chanoine de Sainte-Anne, ayant pour diacre Pierre Bidault, aussi chanoine, et Jean Prigent, minor, prêtre (minor, c’est donc qu’il y avait un Jean Prigent major, aîné, — cela s’est vu depuis ailleurs !) ledit prône fait par François Le Reffloch, chanoine, faisant les fonctions curiales ; a été remontré de la part de Goulven Kéraméal, sieur dudit lieu et d'0llivier Gellart, trésoriers de Notre-Dame, qu’après qu’on eût placé sur le grand autel le rétable fait par François L'Herel, maître sculpteur, on a remarqué qu’il manque beaucoup de jour, et pour avoir de la clarté de la grande fenêtre de Kerno, il convient de hausser l’arcade donnant sur cette chapelle. A été aussi remontré que le sépulcre dédié à N. S., n’étant en lieu décent, on désire le placer en l’ancienne sacristie ».

Nous pensons qu’il s’agit là d’un magnifique Christ au sépulcre de grandeur naturelle qui, au moment de la démolition de la chapelle Notre-Dame, en 1773, fut transporté dans la crypte de l’église nouvellement construite (1763). Il fut en dépôt pendant quelques années au musée religieux de Brest.

Ramené à Lesneven, il a reçu les hommages des fidèles dans la touchante cérémonie du baisement des pieds du Christ durant la mission de 1930 et sera de nouveau placé dans l’église.

En 1684, Jean Prigent est procureur syndic du collège des chanoines et fait une déclaration détaillée des biens de la collégiale, déclaration destinée aux commissaires de la réformation du domaine.

Il tient aussi ses comptes en règle. Pour 1685, nous notons : « - Payé aux marguilliers députés pour faire la cueillette des deniers pour la construction d’un presbytère, 11 livres. - Payé à Landerneau, pour 2 milliers d’ardoises, 6 livres. - Pour le dîner à l’hôtel du Lion d’Or, de ceux qui les ont charroyées, 28 sols. - A Nicol, libraire, pour coller et accommoder les chartes du canon de la messe, de l'In principio et du Lavabo, 7 sols. - Pour 2 petits bâtons de fer pour appuyer le pot à fleurs de plomb qui est au-dessus de la tour de notre choeur, 10 sols. - Pour une aune et demie de toile de Pontivy, pour faire des serviettes à l’autel, 30 sols. - Payé à Bernard Prigent, maître-tailleur de Guissény, pour une bourse, une pale, un voile de calice, le tout couvert de brodure et de damas rouge, 1 écu ». Etait-il lui-même de Guissény, le bon chanoine, pour aller ainsi chercher un tailleur si loin alors qu’il y en avait tant à Lesneven ?... Il fut lui-même, en 1799, chapelain de la Confrérie de la Sainte-Trinité, la confrérie des tailleurs. « - Pour 6 chandeliers de bois faits par un sculpteur de Lannion, 21 livres. - Pour les faire garnir de fer blanc, 10 s. 6 d. - Pour le dîner des sieurs chanoines au bourg de Ploudaniel, et des sieurs Grall, prêtre de cette paroisse, et Le Gall, sous-diacre, à la fin d’un service pour le repos de Marie Bléas, femme de Charles Quéméneur, notre fermier de Kernahellan, 42 s. 6 d. (Lorsque ce Charles Quéméneur mourut, en 1697, les chanoines firent aller la clochette autour de la ville pour leur fermier), soit, 5 sols. Pour le port d’une lettre au sieur Pattouillac, notre procureur à Vannes, pour le procès que nous avons avec le sieur Cadrouillac, prêtre, 3 sols ».

Nous trouvons, en 1711, mention de Jean Le Roux, recteur de Languengar, mais sans aucun renseignement. En 1712, Sébastien Audren de Kerdrel, recteur de Lanildut, était titulaire de la chapellenie de Traongurun) à Languengar. En 1735, c’est missire Jean Chopin qui est nominé recteur de Languengar. Il devait y rester 23 ans. Il ne devint chanoine de Sainte-Anne que le 8 Février 1747, l’année même de la visite du duc de Penthièvre à Lesneven. Il prend part aux délibérations qui préparent cet événement : « On offrira le vin du Chapitre à son Altesse sérénissime, Monseigneur le duc de Penthièvre, prince du sang, duc, pair, amiral de France et gouverneur de cette province, et le doyen des chanoines, le sieur Joubier, le complimentera ». Cette visite princière eut au moins ce résultat d’obliger les habitants à réparer les routes devenues presque impraticables. « Il faut convoquer toutes les paroisses, dit la communauté de Lesneven, pour élargir et réparer les chemins du pays de Léon, de manière que les carrosses et autres voitures de son Altesse puissent passer avec facilité. » — On soigna particulièrement la route de Penmarch à Lesneven. — C’est du château de Penmarch que le duc devait venir à Lesneven — et la route de Lesneven à Plouescat — c’est par là que le cortège devait s’en aller. — On prépare 19 ou 20 chambres et lits pour les seigneurs qui suivent le duc et les écuries et autres logements pour les chevaux et les équipages. Et le 30 Août 1747, Mgr. le duc de Penthièvre se présentait avec toute sa suite à l’entrée de Lesneven, où une porte, garnie de lauriers, avait été dressée au haut de la rue Segalen. Son arrivée est saluée par des vivats et de nombreux coups de fusils. La Communauté offre le « vin de ville », le doyen de la collégiale fait son compliment et offre le « vin du Chapitre ». Le duc répond et, précédé des chevaliers du Papegai, des milices bourgeoises, de tous les corps de la ville, des membres de la communauté et du clergé, et suivi de la foule joyeuse, il s’avance vers l'église où on chante un Te Deum. Le soir, un grand feu d’artifice fut tiré devant les halles. Celle réception solennelle, « dont le duc parut content », coûta à la ville 576 livres 18 sols.

En 1758, le chanoine Jean Chopin, recteur de Languengar, est nommé recteur de l’importante paroisse de Ploudalmézeau, où il ne fut pas heureux : il dut démissionner au bout de quelques années. Il est remplacé à Languengar et peu après à la collégiale — par missire René-Nicolas Desloges, qui meurt le 17 Mai 1761, à l’âge de 30 ans.

A la collégiale lui succède messire Jacques-Marie Bourdon, sieur abbé du Goasven, prêtre, originaire de la paroisse de Saint-Louis de Brest ; mais à Languengar, c’est messire Mathias de Chateaufur qui devient recteur.

Peu après, le 20 Février 1762, ce nouveau recteur, « sieur abbé de Kervolant, résidant en cette ville de Lesneven, paroisse Saint-Michel, est reçu chanoine à la place du sieur Rolland Le Bourdonnec, décédé ».

A la mort de M. de Chateaufur, survenue le 28 Août 1772, il y eut quelques difficultés. Une délibération des chanoines du 21 Juin 1773 dit, en effet : « Le Sr. Tersec, procureur des créanciers de M. de Chateaufur, menace le Chapitre de le signifier pour rendre compte aux héritiers bénéficiaires de ce qui leur est dû. Le Chapitre décide : 1° de demander mémoire de ce qui est dû à M. de Kerandraon, avocat du Chapitre : 2° d’établir état des messes non desservies par M. de Chateaufur ; 3° de réclamer au général de la paroisse les frais adjugés à la collégiale par sentence du Présidial ».

En 1790, le manoir des Iles, en Kernouès, était habité par la famille de Chateaufur (Note : Les Chateaufur étaient originaires de Plounévez-Lochrist. Ils avaient pour armes : « d’azur uu château d’argent flanqué de deux tours plus basses de même, le tout jouit ensemble ». — Note du Dr Odeyé).

Le successeur de M. de Chateaufur fut Toussaint-Yves Le Floch, né à Lesneven en 1736. Il était professeur au collège de Saint-Pol, lorsqu’il fut nommé en 1772 recteur de Languengar.

Il fut le maître et l’ami du poète breton Claude Le Laé, de Lannilis — l’auteur de Michel Morin. — Le poète dans ses oeuvres parle avec tendresse et reconnaissance de ce « précepteur, maître d’études et maître de quartier », qui l’aidait et l’encourageait dans ses essais poétiques. Il ne fut pas chanoine de Lesneven. Il resta d’ailleurs très peu de temps à Languengar. C’est lui, cependant, qui eut à répondre à l’enquête sur la mendicité ordonnée dans toutes les paroisses en 1774. Voici sa réponse : « Il y a, en toute la paroisse de Languengar, 44 familles tant grandes que petites, lesquelles forment un total de 230 personnes. Parmi ces 44 familles, il y en a 15 qui, sans être riches, sont cependant aisées ; 21, qui peuvent vivre sans mendier, et 8 de mendiants, lesquels forment un total de 40 personnes de tout âge et de tout sexe. Il y a, par conséquent, un cinquième de mendiants dans la paroisse. Les causes les plus ordinaires de la mendicité sont, non seulement la cherté du blé et le défaut habituel du travail, car les gens aisés font presque tout le labourage eux-mêmes, mais encore, chez les uns le grand nombre d’enfants, et en général parmi tous, l’habitude nécessaire qu’ils ont contractée de faire usage de tabac, ce qui absorbe environ un tiers par semaine de leur salaire. Il y a, dans la paroisse, des mendiants de toute espèce, vieillards, infirmes, enfants et gens valides. Quoique la paroisse soit fort petite, en procurant un asile aux vieillards et aux infirmes, les paroissiens, quoique non riches, pourraient suffire au soulagement des gens valides. Et le moyen le plus efficace pour supprimer la mendicité, est d’empêcher les pauvres de mendier hors de leur paroisse. Par ce moyen, ceux qui, sans nécessité, se sont livrés à la mendicité, se trouveraient forcés de s’occuper à quelque travail convenable, et les coureurs n’enlèveraient pas la subsistance des pauvres originaires. On ne voit pas comment on pourrait faire un établissement pour les pauvres, car l’église est elle-même pauvre, et le recteur ne peut être qu’une faible ressource, puisqu’il est notoire qu’il ne jouit pas, à beaucoup près, de la portion congrue. Il reste donc à désirer que quelque personne puissante et charitable fasse un fonds pour le soulagement des pauvres malheureux de cette paroisse ».

En quittant Languengar Toussaint-Yves Le Floch devint recteur de Sizun. Il fut l’un des vaillants qui restèrent cachés dans le Léon pendant la Révolution. En l'an III (1794-1795), il résidait au manoir de Kermorvan, en Plounévez-Locbrist. Il avait reçu les pouvoirs de vicaire général pendant la tourmente (Chanoine H. Perennès : Les Prêtres de Quimper ... déportés pendant la Révolution, T. II, p. 179). Echappé à la Terreur, le recteur de Sizun allait être victime des lois de proscription du Directoire. En effet, la loi du 19 Fructidor an V (5 Septembre 1797), en révoquant celle du 7 du même mois qui rappelait les prêtres déportés, remettait en vigueur la loi du 26 Août 1792, qui ordonnait la déportation des prêtres qui avaient refusé le serment à la Constitution civile du Clergé. C’est en vertu de cette loi que des prêtres en grand nombre furent de nouveau incarcérés et déportés les uns à Rochefort et les autres à l'île de Ré. M. Toussaint Le Floc'h entra à l'île de Ré le 7 Mai 1799, et ne fut libéré que le 15 Avril 1800. On sait les souffrances que les prêtres déportés eurent à supporter. Au Concordat, M. Toussaint-Yves Le Floc'h redevint curé de Sizun et il y mourut le 4 Février 1814.

En 1776, Toussaint-Yves Le Floc'h avait été remplacé par René Castel, qui mourut à son poste le 22 Novembre 1782. Sa pierre tombale, ramenée de l’ancien cimetière de Languengar, se trouve aujourd’hui au presbytère de Lesneven.

Le dernier recteur de Languengar fut Louis-François Rolland, né et baptisé à Plourin le 22 Mars 1743 ; il eut pour parrain Louis-Marie de Carné, et pour marraine Françoise-Marie de Carné de Kerannot. Il fut ordonné prêtre en 1769 et était curé — c’est-à-dire vicaire — à Plounévez-Lochrist quand il fut appelé au rectorat de Languengar ; il avait donc 39 ans d'âge et 13 ans de prêtrise. Les premières années de son ministère à Languengar furent, semble-t-il, très calmes. Il ne fut jamais chanoine de la collégiale de Lesneven. Bientôt, cependant, il dut sentir lui aussi, les premières agitations qui préparaient la Révolution. Comme tant d’autres, il en salua les premières heures avec joie, comme l’aurore de réformes que tout le monde réclamait. A l’heure où se constituèrent les Municipalités, les paroissiens de Languengar ne trouvent rien de plus simple que d’élire leur recteur comme maire : cela fut fait dans bien d’autres paroisses. Pour suivre la vie municipale de Languengar — vie bien éphémère, comme nous le verrons — nous avons un Cahier de Délibérations qui commence par ces mots : « Registre contenant le nombre de cinquante folios, premier et dernier compris, pour servir à enregistrer les délibérations et autres affaires de la Municipalité de Languengar et a été chiffré et millésimé pas nous Louis-François Rolland, recteur et maire de la paroisse du dit Languengar. Fait au lieu ordinaire des assemblées municipales le premier jour du mois de Juin mil sept cent quatre-vingt-dix. — Signé : Rolland »

Et le premier souci du recteur maire de Languengar et des braves gens qui l’entourent est de parer aux besoins de leur église. « Le troisième jour de Juin mil sept cent quatre-vingt-dix, la municipalité de Languengar étant assemblée à la manière accoutumée, le maire a représenté que, pour l’usage décent du service divin, il manque des aubes, des nappes d’autel, un missel, deux processionnaux, un propre de Léon, et qu’il est nécessaire de faire raccommoder l’horloge, et requiert également qu’il soit fait une porte et une fenêtre au presbytère sur le côté septentrional ». Et séance tenante, la municipalité décide à l’unanimité l’achat de quatre aubes, deux nappes d’autel, un missel, deux processionnaux, un propre de Léon et des cartes d’autel, et ordonne de raccommoder l'horloge. Elle autorise aussi l’un de ses membres à toucher du sieur Brichet, à Lesneven, « les levées arréragées du constitut dû à la fabrique de cette paroisse par le clergé de France et de faire les réparations nécessaires au presbytère et d'y employer la somme qui lui sera confiée ». Le 20 Juin, la municipalité, sur requête du procureur, décide « que le maître-autel soit réparé tout en neuf, ainsi que les crédences qui par vétusté sont tout pourries, et la table de communion », et elle autorise le procureur à abattre deux ou trois arbres du cimetière pour fournir le bois propre à cet objet. Mais il y a autre besogne plus épineuse : c’est la levée de la capitation et autres impositions. La municipalité désigne comme « égailleurs » les gens « les plus capables d’établir la juste proportion entre tous les contribuables ». Elle nomme aussi un garde-messier ou garde-champêtre qui sera reçu et assermenté par la municipalité.

Et nous arrivons au 14 Juillet 1790. Cette fête de la Fédération, qui souleva quelques difficultés à Saint-Pol et à Brest, se passa fort tranquillement à Languengar. « Aujourd’hui quatorze Juillet mil sept cent quatre-vingt-dix, à l’heure de midi, nous maire et officiers municipaux soussignés de la paroisse de Languengar, d’après l’invitation à nous faite par la commune de Paris, avons rassemblé la commune de notre municipalité pour la cérémonie du pacte fédératif et de la sainte alliance qui se contracte, en ce jour mémorable, par tous les Français ; à laquelle cérémonie, après avoir chanté la sainte messe, nous avons promis par la prestation du serment civique, d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution sanctionnée par le Roi. La formule du serment a été lue à haute voix par le maire, qui a juré le premier et a reçu le serment que chaque officier municipal et le procureur de la commune, ensuite chaque membre de la commune de la municipalité, a prononcé devant le maire, et disant : Je le jure, et ont, les même jour, mois et an, les officiers municipaux signé, et avons terminé la cérémonie par le Te Deum ». Signé : Rolland, maire ; Jean Le Beyon (Beyou ?) ; Y. Thomas ; Jean Queff ; D., procureur de la commune.

Et les soins de la municipalité se reportent aussitôt sur l’église : « Il convient qu’après avoir fait un autel neuf, on lui donne quelque teinture, — et l’on choisit sur-le-champ la couleur du marbre vert, — et que l’on fasse aussi un catafalque qui sera confié à François Lorléac'h, menuisier à Lesneven, qui a fait le maître-autel ».

Pour obéir aux décrets des 14 et 20 Avril 1790 et sur réquisition du procureur syndic du district de Lesneven, on fait « l'inventaire du mobilier, des titres et papiers dépendant du bien temporel de notre fabrique »

Voici cet inventaire : « ARTICLE 1. Nous avons trouvé : 1° cinq anciens ornements, un de chaque couleur, qui peuvent encore servir ; 2° Trois ornements propres pour les trois couleurs : rouge, blanc et vert ; 3° Une chape noire, une rouge, une verte, et deux blanches, déjà usées, mais qui serviront encore ; 4° Une chape neuve pour les trois couleurs, rouge, blanc et vert. ARTICLE 2. Nous avons trouvé : 1° deux calices avec leurs patènes d’argent ; 2° Une croix d’argent et une de laiton ; 3° Un ciboire, un soleil, une custode, un encensoir, avec sa navette, le tout en argent ; 4° Deux burettes avec leurs cuvettes d’argent ; 5° Trois burettes avec la boîte pour les Saintes Huiles, et un petit ciboire pour la communion des malades, le tout aussi d’argent ; 6° Une coquille d’argent pour la cérémonie du baptême ; 7° Une image de la Sainte Patronne, en argent, où sont enfermées des reliques ; 8° Une petite croix d’argent, où sont enfermées les reliques de la Sainte Croix. ARTICLE 3. Nous avons trouvé : 1° Un missel neuf, un autre ancien ; 2° Un rituel, deux processionnaux et un vespéral tout neuf ; 3° Les trois livres du lutrin, passablement bons polir durer encore longtemps. ARTICLE 4. Nous avons trouvé : 1° Cinq aubes, autant d’amicts et de cordons, sept nappes d’autel ; 2° Deux paires de cartes d’autel neuves, et une autre paire déjà usée ; 3° Six chandeliers pour l’autel, et sept autres, tant bons que mauvais. ARTICLE 5. Au Saint-Esprit (chapelle du Saint-Esprit), nous avons trouvé : 1° Un calice avec sa patène d’argent ; 2° Un ornement complet mais fort usé ; 3° Une aube arec son amict et son cordon ; 4° Un missel et quatre vieux chandeliers.

Inventaire des titres relatifs à la propriété des biens immobiliers, revenus et rentes qui appartiennent à la fabrice de Languengar. ART. 1er. Un rentier contenant le nombre de dix-huit articles. ART. 2. Au soutien de l’article 1 du rentier concernant la propriété d’un parc (champ), Parc-an-Ty-Coz, et de deux autres parcs nommés Corn-Jacq-Bihan, et Jacq-Bian, près le bourg de Languengar, le nombre de neuf pièces de différentes dates. ART. 3. Au soutien des articles 2, 3 et 4 du rentier concernant les parcelles dans Parc-ar-Pavé, dans Parc-Mesdu et Parc-Lost-Louarn, deux baux à ferme des 31 Juillet 1775 et 27 Décembre 1785, date de l'inventaire. ART. 4. Au soutien de l’article 6 du rentier concernant une maison et dépendances au terroir de Pen-ar-Gosquer en Languengar, affermées à François Abily et à Paul Le Buguet le nombre de 6 pièces. ART. 5. Au soutien de l’article 8 du rentier concernant la propriété d’une montagne nommée Ménez-ar-Réas, de Parc-Tonguès et trois parcelles de terre dans Messiou-Huellah, au terroir de la Flèche, en Plouider, le nombre de 8 pièces. ART. 6. Au soutien de l’article 9 du rentier, relatif à la propriété des deux parcs nommés Parc-ar-Zantès, terroir près le bourg de Plouider, le nombre de 9 pièces. ART. 7. Au soutien de l’article 10 relatif à la propriété d’une maison et dépendances au terroir du Carpont en Plouider le nombre de 17 pièces. ART. 8. Au soutien de l’article 11 du rentier concernant une rente foncière de 13 livres 10 en argent et de deux poulets dus par Michel Arzur et femme sur leur lieu de Gourven en Plouider, le nombre de 4 pièces. ART. 9. Au soutien de l’article 12 du rentier concernant la propriété d’un parc nommé Coat-Tanguy et d’une garenne du même nom, au terroir de Coattanguy en Tréflez, le nombre de 8 pièces. ART. 10. Au soutien de l’article 10 du rentier relatif à la propriété de Parc-Pella au village de Rababuan en la paroisse de Goulven, le nombre de 8 pièces. ART. 11. Au soutien de l’article 14 du rentier concernant la propriété d’une parcelle de terre au terroir de Trégueiller en Plounéour-Trez, un bail du 10 Décembre 1785. ART. 12. Au soutien de l’article 15 du rentier relatif à une rente foncière constituée et annuelle de trente-neuf livres due par le sieur Duplessis-Bergott, de Lesneven, au nombre de 4 pièces. ART. 13. Au soutien de l’art. 16 du rentier concernant une rente foncière et annuelle de dix livres, léguée par testament du 13 Avril 1749 par Marguerite Cadour, épouse de Jean Grall, de Rodalvez en Plouider, une pièce. ART. 14. Au soutien de l’art 17 du rentier relatif à une rente constituée et annuelle de vingt livres au capital de 300 livres, suivant contrat du 20 Septembre 1776, par le clergé de France, une pièce. ART. 15. Au soutien de l’art. 18 du rentier concernant la rente constituée et annuelle de 39 livres 5 dus par le sieur Nouvel, suivant contrat du 26 Janvier 1787, au nombre de 16 pièces, et un parc nommé Parc-ar-Guevel au terroir de Lesgall, paroisse de Ploudaniel. ART. 16. Les aveux et déclarations relatifs il la propriété des biens mentionnés au présent inventaire et de différentes dates, au nombre de 44 pièces. ART. 17. Au soutien de la propriété du presbytère de Languengar, un aveu fourni au Roi, le 9 Juin 1726. Le présent inventaire fait et conclu les dits jour, mois et an, et avons signé : ROLLAND, maire ; Y. THOMAS ; Jean LE BEYOU ».

Le 1er Octobre 1790, assemblée extraordinaire : visite de MM. Le Jeannic et Le Bras, administrateurs du district de Lesneven, qui remettent sur le bureau une instruction concernant les fonctions des municipaux.

Le 4 Octobre, c’est le Conseil général de la commune de Languengar qui se réunit pour entendre son maire lui déclarer : « Vous n’ignorez pas, Messieurs, qu’il est parvenu à votre connaissance la circulation d’une lettre de la part de Monsieur Le Guen, député à l'Assemblée nationale, pour engager toutes les municipalités du district de Lesneven, à demander la réunion de ce district à celui de Landerneau. Nous ne pouvons, Messieurs, que désapprouver la disposition de cette lettre, car l’intérêt commun des municipalités de campagne, dans la circonstance des choses présentes, semble plutôt exiger la proximité de leur district que son éloignement pour plusieurs raisons, mais surtout pour le versement des deniers publics ».

Et sur-le-champ, le Conseil général arrête « de faire parvenir ses voeux, par l’intermédiaire de Messieurs les Administrateurs du district de Lesneven, à Messieurs les Administrateurs du district tel que l'Assemblée nationale l’a établi ».

Le 5 Octobre, pour se conformer aux décrets de l'Assemblée nationale des 14 et 20 Avril 1790, art. 9, le recteur de Languengar communique à la municipalité le compte du revenu de la cure en l’année présente 1790 :

« - Le revenu provenant de la dîme et prémices de la cure, sur le pied du prix courant du marché de Lesneven, a été estimé monter à 318 livres 10 sols.

- Vu ensuite les frais d’exploitation qui montent à 49 livres 10 sols.

Total du revenu, les frais déduits, cy. : 269 livres.

- Procédant à examen du même compte, ils ont trouvé une donnée de 66 livres 14 sols provenant du tiers de la rente de l’église : 66 livres 14 sols.

- Vu ensuite les charges qu’il a à acquitter, qui sont :

  . Le loyer du presbytère : 24 livres.

  . Une imposition au rôle du supplément pour les dix derniers mois de l’année 1789 : 3 livres.

  . Une autre imposition au rôle de capitation de l’année 1790 : 6 livres.

Total des charges : 33 livres.

- Le revenu de la cure, les frais d’exploitation déduits : 269 livres.

- Le tiers de la rente de l’église : 66 livres 14 sols.

Total de tout le revenu : 335 livres 14 sols.

Les charges à déduire, cy : 33 livres.

Total du revenu net, cy : 302 livres 14 sols.

Lequel compte, fait et conclu, ils ont délivré en double à Monsieur le Recteur, pour être vérifié et appuré par les assemblées administratives, ou leurs directoires, et ont les officiers municipaux signé ».

Au 14 Novembre, nous avons une délibération absolument opposée à celle du 4 Octobre. Quelles influences ont agi ? — Nous l’ignorons. Il faut noter toutefois que le recteur-maire n’est pas là et ne signe pas. C’est le procureur de la Commune, Jean Queff, qui, en déposant les lettres de M. Le Guen, député à l'Assemblée nationale, a dit : « Messieurs, étant placés à la tête de la Commune, notre devoir est de veiller à son intérêt, or, nous ne pouvons mieux remplir ce devoir, qu’en déférant à l’avis que Monsieur Le Guen a bien voulu nous donner dans ses lettres des 6, 10 Octobre et 3 Novembre présent mois, cet avis tend, comme vous le verrez par la lecture de ces lettres, à nous faire réclamer contre le grand nombre de districts et de tribunaux, établis dans notre département, d’autant que leur entretien ne peut manquer que d’être trop onéreux au peuple, ainsi je requiers l'Assemblée de prendre cet objet en considération, et de délibérer en conséquence. L’Assemblée, ouï le procureur de la commune, arrête qu’il sera incessamment écrit à Monsieur Le Guen pour le remercier de la part qu’il veut bien prendre dans l’intérêt du peuple. Elle reconnaît bien, par la lecture de ses lettres, que l’entretien de tant de districts et de tribunaux doit causer au peuple une contribution au delà de sa force. Ainsi elle déclare que son voeu est qu’ils soient réduits au moindre nombre possible. Et ont les membres composant le Conseil général de la commune signé, à l’exception de Jacques Thomas et Claude Quitteur, qui ont déclaré ne savoir signer ».

En vertu de la loi, les officiers municipaux et les notables doivent être renouvelés par moitié chaque année, c’est pourquoi les citoyens actifs sont réunis à la sacristie de Languengar, le 14 Novembre 1790, le dimanche d’après la Saint-Martin. Ils sont 20 citoyens actifs et parmi eux l’ou en trouve 6 qui sont dans les conditions voulues pour être éligibles. « L’assemblée ainsi constituée, avant de procéder à l’élection d’un président et d’un secrétaire, M. Rolland, recteur et maire, a représenté à l’assemblée que, par la proclamation du Roi du 24 Août 1790, sur les décrets de l’assemblée nationale, pour la Constitution civile du Clergé, titre 4, art. 6, sa fonction est déclarée incompatible avec celle de maire, qu’ainsi il fait sa démission entre ses mains, et après avoir complimenté l’assemblée sur le choix qu’elle avait fait de lui pour cette fonction sans aucun mérite de sa part, il a pris place parmi les membres de l’assemblée. Ensuite, voulant procéder à l’élection, par le moyen de scrutin, d’un président, et d’un secrétaire, toute l’assemblée a crié d’une voix unanime qu’il était inutile de recourir au scrutin, qu’elle n’eut nommé d’autres pour être président que M. Rolland, recteur, et pour secrétaire que Jean Queff, procureur de la commune, ainsi M. le Recteur est devenu président de l'Assemblée, et M. le procureur de la commune secrétaire. Après quoi le président a prêté serment de maintenir de tout son pouvoir la Constitution du Royaume autant qu’elle s’accorderait avec la loi de Dieu et de l'Eglise, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourront leur être confiées. Le secrétaire a fait le même serment, l’un et l’autre en présence de l'assemblée. Ensuite, les membres de l'assemblée ont individuellement fait le même serment entre les mains du président en disant : " Je le jure ". On a ensuite procédé par la voie du scrutin, à la nomination des trois scrutateurs, et ceux qui ont recueilli plus de voix, sont les dits Thomas, Meulouet et Queffeur qui, par conséquent, ont continué cette fonction. Procédant ensuite à l’élection d’un maire, par scrutin individuel, et les voix recueillies, vérification faite des billets, Jean Prigent, cultivateur, a réuni onze voix, et ayant par conséquent la pluralité absolue des suffrages, il a été proclamé maire. Passant ensuite à la nomination d’un officier municipal, et le dépouillement du scrutin fait, Yves le Broch a réuni le nombre de treize voix, Jean Péron six et Paul le Borgne une, ainsi Yves le Broch a été proclamé officier municipal dans la place de Yves Thomas. Pour compléter le nombre des membres du conseil général, comme il ne restait plus que trois qui eussent les qualités nécessaires pour pouvoir y entrer, savoir Jean Péron, Hervé le Bourch et Paul le Borgne, Guillaume Roudault étant le gendre d'Yves Meulouet, qui était déjà du nombre des notables, les dit Jean Péron, Hervé le Bourch et Paul le Borgne ont été nommés pour devenir membres du conseil général dans la place de Jean Prigent, Jean Le Gall et Jean Roumier, morts, qui l’étaient auparavant. Après quoi, le corps municipal et le conseil général ainsi constitué, le maire, les officiers municipaux et les membres du conseil général ont chacun séparément et devant la commune, prêté le serment de maintenir de tout leur pouvoir, la Constitution du royaume autant qu’elle s’accorderait avec la loi de Dieu et celle de l'Eglise, d’être fidèles à la nation, à la loi, et au roi, et de remplir fidèlement leurs fonctions, et avons signé à l’exception de Jacques Thomas, de Claude Queffeur, Goulven Abiven et Michel Bergot et qui ont déclaré ne savoir signer ».

Et tous signent, la plupart traçant péniblement des majuscules. A partir de ce jour, M. Rolland ne signe plus au registre des délibérations, il cesse, pour un temps, de rédiger les procès-verbaux, et c’est le procureur Jean Queff qui prend la plume à sa place, mais avec quelle orthographe fantaisiste ! Nous en donnerons quelques spécimens : « Ce jour tres mars 1791 âpres avoire éttée avertit personellement huit jour avant par le sieur Regteur de notre paroisse Languengar pour nommer des Commisere pour le rolle fonciere suivans decret et instruction de lassemble nationnalle du 20, 22 et 23 novembre 1790 nous avons nomme et nous nommon pour commissere jean peron munie de Lansilin, jean le galle le jeune idem terroire guillomme Roudot item terroire jaque simmoun petit Lensilin jaque grall de trangurun pole Bagnet de penarcosquer ce dit sis commissere se trouveron le jour quil leur sera indicquéé pour arpentage, mesurage et evaluâtion de bien font. En foi de quoi nous signon jaque thomma et glode quelles qui sont notre conseille generalle de commune pole Borgne malade ne savoir signer ».

Leur grosse préoccupation sera la question des impôts, en établir l'assiette et en faire la perception. Au décret qui leur dit de diviser, dans ce but, la paroisse en sections, ils répondent : « étant donnée la connaissance que nous avons de la " consistance " (étendue) du territoire de notre paroisse nous l’avons divisé en une seule section et encore elle ne sera pas grande ! ». Et ils donnent la délimitation de la paroisse et de la section : « Au levant, l'eau relevant de Lescoët et coulant par la prairie jusqu’au moulin de Lansilin ; au nord, l'eau coulant depuis le dit Lansilin jusqu’à ce qu’elle se trouve avec l’eau revenant du moulin de Traongurun jusqu’à une prairie nommée Prat-ar-Roué ; au couchant depuis le dit Prat ar Roué jusqu’au premier bout d’une prairie appartenant au fermier de Traongurun, puis passant par le fossé de Parc an dour et traversant le chemin montant dans Parc ar Feunteun, puis dans Parc ar Vengleus et au nord du dit fossé se trouve le village de Pen ar Valy, — et ledit levant, nord et couchant donnant tout sur la paroisse de Plouider ; au midi, la venelle dudit Pen ar Valy venant jusqu’à la fontaine et le pont de Ste Honoré et ensuite l'eau coulant jusqu’au moulin de Kergoniou et de là le chemin allant à Plouescat jusqu’au vivier de Lescoët ».

Le 26 Juin 1791, ordre est donné d’enlever les armoiries « tant des vitrages que des pierres ». Le 14 Juillet 1791 se passe fort paisiblement à Languengar : « Ce jour quatorze juillet 1791, nous officier municipaux nous avons asistée monsieur notre Curée quil a celebre la sainte messe apres laquelle nous pretté le sermant civique conformement aux decret de lasemble nationnalle quil lordone annuellement à pareille jour pour la comfédération generalle du Roiyome à laquelle sérémoni ont assistée les sousignents ».

Au 7 Août, c’est le recteur qui reprend la plume et rédige la délibération, sans doute parce qu’il s’agit des dépenses faites pour l’église et le presbytère et qu’il fallait mettre à jour les comptes qui, pour ces braves gens, étaient un peu compliqués.

Le 13 Novembre 1791, arrivent de nouveau les élections, et les citoyens actifs de Languengar sont réunis à la sacristie pour élire de nouveaux officiers municipaux et de nouveaux notables. Le Recteur est là et rédige le procès-verbal, mais ne fait aucune mention de lui-même. On nomme le président, le secrétaire et les scrutateurs de l’assemblée. « Cela étant fait, le président a prêté le serment de maintenir de tout son pouvoir, en tout ce qui concerne le civil, la Constitution du Royaume ». Secrétaire et scrutateurs en font autant. Puis Jean Prigent, cultivateur, réélu maire, procureur et officiers municipaux élus, font de nouveau le serment de maintenir la Constitution, mais toujours avec la restriction : « En tout ce qui concerne le civil ». Et ils signent.

Le 27 Novembre 1791, la municipalité délibère « d'ôter du coffre-fort la somme de 93 livres et de les livrer aux mains de Jean Queff, procureur, pour payer les ornements, chappes, chasubles, dalmatiques et autres effets achetés des Récollets de Lesneven ». — Nous voyons, en effet, au registre des délibérations de la municipalité de Lesneven, qu’au 27 Octobre 1791 on a nommé une commission pour vendre le mobilier des Récollets. Ainsi, à la veille de disparaître, la pauvre paroisse de Languengar s’enrichit aux dépens de ceux qui sont dépouillés avant elle. En Décembre 1791, et en Janvier 1792, il est question du rôle des contributions foncières et mobilières à établir. L’enthousiasme n’est pas grand puisque le procureur de la commune écrit au 8 Janvier 1792 : « La municipalité ne veut rien délibérer... Je leur ai dit : " Songez bien que vous avez à faire ce rôle pour dimanche prochain ". Et ce dit jour rendu, personne n’est venu autour de notre greffe municipal et conséquemment je suis resté seul » (sic). Les remontrances viennent de Lesneven, et on finit par charger le procureur de faire la recette de ces contributions moyennant salaire. En Juin, voici qu'un Aballéa, juge de paix, demande une maison pour son bureau et une autre pour la police correctionnelle. Et l'on délibère de demander à MM. les administrateurs du Directoire de Lesneven, « chef-lieu de notre canton », de céder un « portique » de l’audience ou quelque chambre à côté, tant pour le bureau que pour la maison demandés.

Le 7 Août 1792 et « an quatre de la liberté, M. Queff, procureur de la commune, présente une lettre dont il se chargea hier à Lesneven et adressée à la paroisse. Cette lettre dit que pour parfaire le paiement du rôle des dons patriotiques, le collecteur doit dix huit livres, sans quoi il aurait des frais à son compte particulier... Sur ce chef, le procureur requiert que l'assemblée prenne un parti pour savoir si cette réclamation est fondée, car, autant qu’il s’en rappelle, il croit que toutes les déclarations patriotiques de la paroisse ont été satisfaites ; la vérification qui peut se faire au directoire du district peut prouver le fait ».

L’assemblée immédiatement arrête que le collecteur du rôle de la contribution patriotique, qui est Paul Le Borgne, se rendra au directoire du district pour vérifier si cette somme de 18 livres reste encore due, car l’assemblée se rappelle que cette même somme fait le troisième terme de la soumission du sieur Rolland, recteur, sur les paiements duquel on a retenu cette même somme, et l'assemblée nomme le sieur Queff pour seconder le dit collecteur.

Nous rencontrons ici encore le nom de M. Rolland, recteur, Etait-il encore là ? Il est très probable que non, car un décret du Département, édicté le 1er Juillet de cette année 1792, ordonnait à tous les prêtres qui n’avaient pas fait le serment de quitter immédiatement leurs paroisses et s’en tenir éloignés d’au moins quatre lieues. M. Rolland était originaire de Plourin ; il s’était sans doute retiré dans sa paroisse natale et c’est de là que, pour obéir à une nouvelle loi de proscription, il partit pour l’exil : il s’embarqua à Roscoff pour l'Angleterre, le 3 Octobre 1792.

Dans cette même séance du 7 Août, « observe également le sieur Queff, que hier, à Lesneven, il apprit que des commissaires, aux termes de la loi, doivent descendre sur la paroisse pour fermer les portes de notre église comme étant dans la classe de celles supprimées ; en conséquence, il pense qu’il serait bon de faire un état de la situation des biens et dettes de notre église pour faciliter l'opération de Messieurs les commissaires ».

Cette mesure odieuse se préparait depuis longtemps. En vertu de la Constitution civile du Clergé, en effet, l’administration civile s’arrogeait le droit de modifier la circonscription des paroisses et d’en supprimer, sans recourir en aucune façon à l’autorité religieuse. La loi du 12 Septembre 1791 avait fixé les nouvelles délimitations paroissiales. Cette loi, adoptant le projet présenté par les administrateurs du district de Lesneven, supprimait, dans ce district, un grand nombre de chapelles et de paroisses et en particulier Languengar qui était rattaché à Lesneven. Outre Languengar, la paroisse de Lesneven englobait encore Trégarantec, Guicquelleau ou Le Folgoët et Kernouès. La municipalité de Languengar décide donc de « faire sur le champ un état précis des biens et dettes de l'église de Sainte-Honoré ; un double sera présenté à MM. les Commissaires qui descendront pour annoncer absolument que la circonscription des paroisses sera réalisée, et un double restera aux mains de Jean Queff, Jean Beyou, Jean Prigent et Yves Broc'h qu’ils nomment pour se tenir prêts pour la réception de ces Messieurs ; et pour à quoi parvenir, ouverture a été faite sur le champ de toutes les armoires et coffres-forts et troncs, et le dit état fini, il résulte que tous les ornements, meubles, effets, linge, cloches, dettes, argent trouvé dans le coffre-fort qui est la somme de quarante-deux livres quatorze sols et six deniers et absolument ce qui appartient à l'église de Languengar et à la Chapelle du Saint-Esprit, a été détaillé dans ledit état ». —  On ne donne pas le détail de cet inventaire qui ne devait guère différer de celui que nous avons lu plus haut.

Mais voici que quatre jours plus tard, le 11 Août 1792, arrive à Languengar un commissaire extraordinaire du département. Il est envoyé pour contrôler l'administration des Directeurs du District, et les questions qu’il pose le prouvent surabondamment. C’est lui-même qui écrit : « Du onze Août mil sept cent quatre vingt douze l’an quatre de la liberté — séance présidée par M. le Maire où étaient Yves Broc'h, Jean Péron, officiers municipaux, Hervé Le Bourc'h, Jacques Grall, Jean Beyou, notables, absents Jean Le Gall ancien, Guillaume Roudaut et Paul Le Borgne, notables, — présent M. le Procureur de la commune. S’est présenté Paul-Louis-Marie Testard, commissaire extraordinaire du Département du Finistère, lequel nous a présenté ses pouvoirs et nous a en conséquence posé les questions suivantes :

1° Si la loi du 20 Juillet relative à la police municipale et au maintien de l’ordre public a été exécutée dans notre municipalité.

2° Si la liste des biens des émigrés y est écrite et envoyée au district.

3° Si la loi du 8 Juillet dernier qui fixe les mesu­res à prendre lorsque la Patrie est en danger reçoit son exécution.

4° Si conformément à l’article 2 de cette loi les Conseils généraux des communes se tiennent en surveillance permanente, s’il y a toujours dans la maison commune un bureau municipal en activité, nous observant que dans la circonstance présente nous devons à notre pays et à notre patrie et nous nous devons à nous-mêmes des secours moraux et physiques.

5° Si lors du remplacement de notre municipalité à la Saint-Martin dernière les président, secrétaire et votants de cette assemblée ont prêté le serment requis.

6° S’il y a sur le registre un acte qui constate l’installation des maire, officiers municipaux et notables élus.

7° Si copie des procès verbaux de ces réélections et installations a été remise au District.

8° S’il y a dans notre municipalité un registre d'inscription pour les gardes nationales et si les officiers municipaux et notables y étaient inscrits avant leur entrée dans leurs places.

9° Si les trésoriers et les fabriques tant de l’église que des chapelles ont soldé et rendu leurs comptes, et les reliquats versés aux coffres-forts.

10° Si les rolles des contributions foncière et mobiliaire sont en recouvrement et rendus exécutoires.

11° Si la contribution patriotique est recouvrée.

12° Si tous ceux qui doivent des patentes ont fait leur soumission et les ont payées.

13° Combien il y a dans notre municipalité d’églises et chapelles supprimées aux termes de la Circonscription ; si elles sont fermées ; si les inventaires des effets, ornements et argenterie y sont faits, et envoyés au District, ordonnant sur le champ si cet objet n’est pas rempli, qu’il le soit sous quarante-huit heures au plus tard.

14° Le dit Testard en sa deuxième qualité a requis une liste exacte des cy-devant gentilshommes absents ou émigrés et de plus la note des fermes qui leur appartiennent.

Nous enjoint le dit Testard de lui remettre dans la semaine une liste de tous les concitoyens en général depuis l’âge de 16 ans jusqu’à 50, d’inviter par une publication authentique tous ces derniers à se rendre demain en huit au chef-lieu du canton, une heure après-midi ; nous enjoint enfin le dit Testard de prendre des délibérations et répondre à ces questions et demandes ci-dessus sous huit jours et a signé, P. TESTARD fils, Commissaire extraordinaire du Département ».

Dans ce réquisitoire il y a un point qui touche particulièrement au coeur les braves gens de Languengar : c’est la fermeture de leur église qui « doit être faite sous quarante-huit heures au plus tard ». Aussi dans la délibération du 15 Août — que l’on remarque cette date, c’est une des plus grandes solennités chrétiennes, et leur église reste fermée et déserte ; le pasteur aimé a été obligé de les quitter et depuis quelques jours un assermenté a été installé à Lesneven ; aussi dans cette délibération il n’est question que de l’église et on ne lira pas sans émotion la plainte touchante qui sort du coeur de ces braves gens : « Attendu que notre paroisse est supprimée, voyant que nous n’avons plus de paroisse, ni succursale, ni même un simple oratoire, touchés de pitié jusqu’au fond de notre coeur, les larmes dans nos yeux, nous vous demandons de recevoir la démission de notre municipalité. Nous vous prions, Messieurs, de nous accorder une grâce : celle de ne point fermer nous-mêmes notre église. Nous vous prions, s’il vous plaît, d’avoir la bonté de venir vous-même la fermer quand bon vous semblera et de mettre sous votre charge tous les biens et ornements de notre église et chapelle et de nous donner en même temps décharge entièrement de tout ce que dessus dit. Hors de tout cela, nous nous soumettons à la volonté de l'Assemblée Nationale, à notre Roi François, au Département du Finistère, à notre district et pareillement à tous autres qui ont droit d’être nos supérieurs ». — Et ils signent péniblement, en majuscules : ils ont du moins déchargé leur âme.

Après cela rien ne semble plus les intéresser. Ils attendent — et désirent — la suppression de la municipalité trouvant, sans nul doute, que la besogne qui leur est imposée est trop écœurante. Cependant, le 21 Septembre 1792, ils sont encore obligés de se rendre au presbytère de Languengar « occupé jadis par ci-devant François-Marie Rolland, curé, dans l’intention de sequestrer et faire inventaire. Nous n’avons rien trouvé que deux armoires dans le salon au bas de la maison, attachées à la maison, de plus une autre armoire dans la chambre haute au-dessus de la cuisine, tout bois sapin, cette dernière attachée à la muraille couvrait l’escalier du grenier ; dans un petit cabinet au-dessus de l’escalier un bois de lit, mode de caserne, en bois de sapin, estimé trois livres ; une mauvaise table dans la cuisine et une mauvaise chaise estimées trois livres ; dans la cave des morceaux de bois estimés 1 livre ; deux étaux attachés à la cuisine appartenant au presbytère ; des morceaux de bois dans la chambre d’en haut estimés 12 sols ; un morceau de bois dans la cour estimé 5 sols ; avoir parcouru toutes les chambres, salons, cuisine, chambre d’en haut, toutes les crèches donnant sur la cour ; dans la grange donnant sur le pré un morceau de bois pour ramasser le blé, quatre râteaux de bois estimés une livre, — tout ci-devant enregistré sur notre cahier de délibérations dont nous comptons de donner copie à MM. les Administrateurs du Directoire du district de Lesneven ; dans les jardins plusieurs espaliers, plusieurs différentes plantes et quelques arbres dont les municipalités promettent de le garder à leur possible — en foi de quoi nous " perlaissons " à notre science et conscience, et nous signons ».

Cette dernière délibération ou plutôt cet inventaire fut fait lorsque Languengar n’existait déjà plus ni comme paroisse, ni comme municipalité. En effet, la loi du 12 Septembre 1791 avait été appliquée. A la promulgation de ce décret les municipalités intéressées avaient ordre de fermer les églises et de faire descendre les cloches. Ces églises elles-mêmes et tous leurs biens étaient mis en vente comme biens nationaux. Nous voyons alors quelques oiseaux de proie s’abattre sur toutes ces dépouilles. C’est un certain Renaud, de Brest, qualifié inspecteur principal des douanes, qui achète le presbytère et l'église de Languengar. En Février 1793, on transporte à Lesneven les registres paroissiaux de Languengar. En Juillet on défend d’enterrer dans le cimetière.

Chassé par la loi de proscription, le recteur, M. Rolland, s’est embarqué à Roscoff, le 3 Octobre 1792, pour l’Angleterre. Il demeura en exil jusqu’à la fin de la tourmente révolutionnaire. Au Concordat (1802), il fut nommé recteur de Kerlouan, y exerça un fructueux ministère pendant 22 ans et y mourut en 1824. A maintes reprises, il dut passer près de son ancienne église et avec tristesse il la vit peu à peu tomber en ruines. La paroisse de Languengar, en effet, ne devait pas renaître comme tant d’autres paroisses supprimées par la Révolution. Au Concordat, on ne jugea pas à propos de la rétablir, sa réunion à Lesneven était définitive et les biens de la fabrique de Languengar qui n’avaient pas été aliénés — 289 livres 10 sols de rente — furent attribuées à la fabrique de Saint-Michel, le 7 Thermidor an XI (27 Juillet 1803). L’église elle-même fut démolie en 1832 et les pierres en furent dispersées.

La petite paroisse de Languengar n’a donc pas résisté au choc de la tempête révolutionnaire. Aujourd’hui, la charrue passe et repasse là où fut l’église et le cimetière de Languengar. Une simple croix en granit, au bord de la route, la fontaine toute proche, deux noms : Languengar, ar Presbital Koz, c’est tout ce qui reste de l’antique paroisse de Saint-Guengar et de Sainte-Azénor (extrait des notes de H. Calvez).

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