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SAINT-THELEAU 

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La vie de saint Théleau, qui est des plus curieuses, a été publiée, en 1893, dans les Annales de Bretagne, par M. J. Loth, qui l'emprunte à un manuscrit du XIIème siècle.

Disciple de saint Dubrice, il se rend à Jérusalem, en compagnie de saint David et de saint Patern ; on les reçoit au temple avec grand empressement, on les juge dignes de l'épiscopat, ils prêchent au peuple à la satisfaction générale, et reçoivent des fidèles, comme gages de reconnaissance, chacun un présent : à saint Paterne, qui avait une voix superbe, une chape et un bâton de chantre ; à saint David, un autel précieux, car on avait remarqué avec quelle grâce il officiait ; quant à notre saint Théleau, on donna une cloche ou timbre, dont la valeur surpassait la beauté, car non seulement elle guérissait les malades et ne permettait pas qu'un faux serment fût prêté impunément devant elle, mais encore sonnait d'elle-même à toute heure, comme pour exciter les âmes à s'élever vers Dieu ; et le biographe ajoute que cette vertu persévéra tant que la cloche fut manipulée par des personnes que le péché n'avait pas perverties.

Revenu dans son pays, Théleau fut choisi comme successeur de saint Dubrice à Llandaf. Mais la peste désole le pays, et saint Théleau doit se réfugier en Bretagne-Armorique, dont le roi Budic est quelque peu son parent ; il est bien reçu, également, par saint Samson, archevêque de Dol, et c'est avec son concours que furent plantés, sur une étendue de trois milles, ces fameux pommiers qui ont providentiellement remplacé, pour notre pays, la vigne dont la culture allait commencer à décroître puis à disparaître de notre sol.

Mais la peste a cessé de désoler le pays de Llandaf. Le saint est sur le point de s'embarquer pour y retourner, lorsque Budic vient le supplier de délivrer le pays d'Armorique d'un serpent ailé qui a déjà fait périr un tiers des habitants. Saint Théleau, inspiré du Ciel, attaque le monstre et, lui passant son étole au cou, le précipite à la mer.

Alors, le peuple, saisi d'admiration, se joint aux instances de Budic et de saint Samson pour le retenir près d'eux, et saint Théleau finit par y consentir, à condition qu'il les quittera définitivement, si Dieu lui en manifeste sa volonté, et lorsqu'il aura fini de rassembler toutes les brebis dispersées de son troupeau de Llandaf. Heureux de ce consentement, Budic et saint Samson organisent un cortège triomphal pour conduire saint Théleau à Dol et lui faire prendre possession du siège épiscopal. A cet effet, on lui présente une monture magnifique. Le Saint la refuse, mais immédiatement apparaît près de lui, et comme venant du ciel, un cheval de toute beauté, sur lequel il fit à Dol son entrée solennelle. Après quoi, saint Théleau fit présent à Budic de ce cheval incomparable, et lui déclara avoir obtenu de Dieu, par ses prières, que désormais la cavalerie bretonne serait victorieuse de ses ennemis ; et, de fait, ajoute l'auteur de la vie du Saint, les Bretons sont, depuis, sept fois plus forts à cheval qu'à pied contre leurs ennemis.

C'est donc bien à saint Théleau que revient de droit le patronage des chevaux en Bretagne. Et ce n'est que par oubli du fait cité plus haut, grâce à l'influence française, grâce surtout à la consonnance du mot Théleau, Eleau avec Eloy, que, peu à peu, on a attribué au grand orfèvre de la Cour de Dagobert, la vertu bien spéciale de saint Théleau, qui, par ses prières, obtint du Ciel le perfectionne­ment de la race chevaline bretonne.

Saint Théleau retourna à Llandaf, où il mourut, en donnant des marques non équivoques de sa sainteté, et l'une des plus singulières fut que, pour satisfaire l'ardent désir que témoignaient ses dévots serviteurs de posséder ses précieuses reliques, Dieu permit qu'elles se multiplient si bien, qu'après sa mort on lui reconnut trois corps iden­tiques en grandeur et en beauté.

C'est une portion de ces reliques qui enrichit la paroisse actuelle de Landeleau, où elles sont vénérées de temps immémorial.

Ce qui a contribué à faire oublier, dans nos parages, la vie galloise de saint Théleau, c'est sans doute l'importance attachée à la tradition toute locale des faits et gestes de ce grand Saint dans les forêts du Poher, où il aurait séjourné assez longtemps, lors de son passage en Armorique.

Voici à ce sujet les renseignements recueillis, par un Recteur de cette paroisse de Landeleau, vers 1860, niais qui sont empruntés à un ancien registre conservé, nous dit-on, au coffre de la fabrique : 

Lorsque saint Théleau vint en ce pays, sa première intention fut de bâtir sa maison sur le Menez-Glaz, près de Lan-al-Loch ; il planta à cet effet dans le sol des pierres debout qu'il recouvrit, en guise de toit, d'une pierre plate. Tout enfant (dit le narrateur) je me suis blotti plus d'une fois dans cette espèce de four (ancien dolmen) pour m'abriter contre la pluie, mais depuis, la maison du Saint s'est en partie écroulée, parce qu'on a voulu y faire des fouilles sous prétexte d'y chercher un trésor. Sur la pierre plate on voyait des sortes d'empreintes de mains énormes, les mains, dit-on, de saint Théleau qui se hissait parfois sur le faîte de sa demeure et s'y tenait prosterné les mains sur la pierre pour prier Dieu.

Il commença à construire son logis dans la lande ; mais aussitôt qu'il en eut disposé les premiers matériaux, il fut distrait de sa besogne par un tapage infernal ; c'étaient les grenouilles du marais voisin Lan-al-Loc'h qui coassaient toutes ensemble, comme pour lui dire : « Théleau arrête-toi » ! Le Saint s'obstinant, le vacarme s'accrut, et finalement les grenouilles eurent raison du Saint, qui ne pouvait ni prier ni dormir en ce lieu. Il s'enfonça donc plus avant dans le pays, et arriva dans un bosquet, près d'une fontaine, où il bâtit une maison de planches qu'il assujettissait avec des chevilles qu'il façonnait, dit-on, sur son bonnet en guise de billot. La maison bâtie, il édifia une église et songea à y joindre un territoire pour former une paroisse. S'étant abouché de son projet avec le seigneur du pays, le seigneur de Châteaugall, celui-ci lui dit : « Je t'abandonne tout le territoire dont tu pourras faire le tour en une nuit, mais il est bien entendu qu'au chant du coq, en quelque lieu que tu sois, tu feras halte » [Note : Ici la légende de saint Théleau se confond avec celle de saint Edern, à Lannédern].

Le Saint, rentrant chez lui, conta la chose à sa soeur qui, depuis quelque temps, était venue tenir son ménage ; celle-ci feignit un grand contentement, mais en conçut au fond du coeur une violente jalousie. Cependant, saint Théleau, se tenant sur le seuil de sa porte se mit à siffler ; aussitôt, un cerf sortit du bosquet et vint s'agenouiller aux pieds du Saint ; celui-ci, la nuit tombée, monta sur le cerf et se mit en route, l'animal galopant de toute la vitesse de ses jambes ; mais comme il traversait la cour du manoir de Castel-ar-Gall, les gens lâchèrent sur eux les chiens ; le Saint n'eut que le temps de sauter sur un chêne, tandis que le cerf se réfugiait dans le bois. C'est pour cette raison que le Saint est représenté à cheval sur un cerf, en crosse et mître.

Le Saint fut très mécontent des gens de Castel-ar-Gall qui l'avaient retardé dans sa marche et avaient mis le cerf en fuite, et ce mécontentement dure encore ; car on raconte qu'une année, au beau milieu de la procession de la troménie, dont nous allons parler, survint une pluie torrentielle ; les pèlerins se débandèrent et l'on dut mettre à l'abri, dans la grange de Châteaugall, les croix, bannières et reliques, pour les reprendre le lendemain. Mais voici que, pendant la nuit, les cloches de Landeleau se mettent en branle. Grand émoi dans le bourg et dans les fermes voisines ; on accourt à l'église, personne ne s'y trouve ; les cloches sonnaient toujours d'elles-mêmes, les chemins s'emplissent de monde, puis tout à coup le ciel s'illumine et l'on voit, passant dans les nuages, les croix, bannières, reliques qui n'avaient pas voulu rester à Châteaugall et rentraient d'elles-mêmes à Landeleau dans l'église paroissiale, où on les retrouva effectivement, le lendemain, dans leur place ordinaire. Mais revenons à notre Saint : il eût sans doute rattrapé le retard causé par les gens de Castel-ar-Gall, si sa soeur, par jalousie, n'avait fait le jeu de ses ennemis [Note : Dans la légende de saint Edern, sa soeur use d'une ruse analogue pour abréger la route du Saint, mais ce n'est pas par jalousie, c'est pour épargner à son frère la fatigue de desservir une paroisse trop grande]. Elle alla prendre un coq dans le poulailler, et le fourra dans le tuyau de la cheminée ; puis elle mit le feu dans l'âtre à un fagot de bois vert ; le coq, cherchant à fuir la fumée, battait des ailes, chanta désespérément, réveilla les basses-cours du village, et ce cri, se transmettant de ferme en ferme, arrêta saint Théleau, lié par la promesse, sans quoi la paroisse de Saint-Théleau se serait étendue jusqu'à Collorec d'un côté et à Cléden de l'autre.

C'est en mémoire de ce parcours que saint Théleau accomplit sur son cerf, que, tous les ans, le jour de la Pentecôte, on refait le même chemin en portant les reliques du Saint ; aussi la procession est-elle appelée tro-ar-relegou, le tour ou parcours des reliques. Ces reliques son contenues dans un reliquaire rectangulaire en étain, soutenu aux encoignures par quatre cerfs de même métal mais dorés ; les jambes de ces animaux sont coupées, probablement pour donner plus d'assiette au reliquaire dans les rudes secousses qu'il doit éprouver durant la procession ; pour plus de précaution, il est placé sur un solide brancard et sous la sauvegarde d'une forte garniture en fer formant une sorte de cage en berceau au-dessus des reliques.

Le dimanche qui précède la Pentecôte, au sortir de la messe célébrée à la chapelle Notre-Dame de Lannach, le bedeau monte sur le talus du placître et met en adjudication l'honneur de porter les reliques du Saint au jour de la grande procession ; comme il y a deux porteurs, ils s'entendent naturellement sur le prix maximum de leur enchère, qui est montée parfois jusqu'à 125 francs. Les porteurs se choisissent alors deux gardes du corps qui, armé de baguettes blanches dont nous verrons tout à l'heure l'utilité, se tiendront constamment de chaque côté des reliques pendant la procession.

La procession, suivie par environ deux milles hommes, car plusieurs sont venus des paroisses voisines, se met en marche dès sept heures du matin, précédée d'une douzaine de clairons, et l'on se dirige vers la première station, qui est la chapelle de Notre-Dame de Lannach, distante du bourg d'une demi-lieue ; jusque-là l'on marche d'un bon pas, mais qui n'a rien d'exagéré, car on y porte les bannières, et les jeunes filles et enfants du bourg précèdent la procession avec des oriflammes et portant sur les épaules des statues de Saints.

En arrivant à la chapelle, les deux porteurs des reliques les élèvent sur le brancard à bout de bras au-dessus de la porte d'entrée, et toutes les personnes qui assistent à la procession passent dessous les reliques, essayant au passage de toucher de la main les reliques ou du moins les franges du brancard qui les supporte, et c'est ici qu'interviennent avec leur baguette les deux gardes ; ils tolèrent bien qu'on touche les franges, mais si les mains ont la témérité de vouloir toucher aux reliques elles-mêmes, la baguette blanche s'abat immédiatement sur la main audacieuse ; mais il n'y a que deux baguettes, pour cinq ou six mains qui se tendent à la fois, et plusieurs ont pu satisfaire leur dévotion sans que leurs doigts soient trop endoloris. Si vous suivez jamais la procession, n'oubliez pas qu'il y a quatre à cinq marches pour descendre dans la chapelle, et que le torrent humain qui s'y précipite pourrait facilement donner le spectacle d'une cascade, si on ne prenait quelque précaution ; la chapelle a heureusement une seconde porte, par laquelle s'écoule la foule qui, après une demi-heure de défilé, va se reformer pour recommencer une procession d'une allure un peu plus vive ; pour cela, on dépose les bannières, brancards et étendards, dans la chapelle, les enfants et vieillards abandonnent la partie, et les vaillants, avec une seule croix en tête et les reliques du Saint, se mettent en marche avec l'entrain que devait avoir saint Théleau lorsqu'il parcourut le même chemin sur son agile monture. Une bonne partie des pèlerins, trois ou quatre cents hommes et femmes, précèdent la croix et les reliques qui sont suivies du plus grand nombre. C'est que les premiers ont promis de faire le tro-ar-relegou en corps de chemise et pieds nus, et s'ils se trouvaient au milieu de la foule, leurs orteils courraient trop de risques.

La procession ainsi formée, abandonne bientôt la grand'route pour se rendre à travers les champs et les landes au fameux chêne qui servit de refuge à saint Théleau contre les chiens de Châteaugall, dont le manoir n'est pas éloigné ; là, le prédicateur, monté sur un talus, fait en quelques mot l'éloge du saint Patron, pendant que quelques dévots, au risque de troubler le sermon, s'acharnent à arracher quelques morceaux d'une vieille souche d'arbre, qu'ils prétendent bien devoir appartenir au tronc de l'arbre primitif, et dont les reliques servent à protéger les maison de l'incendie ; les agents d'assurances doivent avoir peu de clients dans le pays. Après ce repos d'un petit quart d'heure, les pèlerins sont de nouveau en marche vers la troisième station, la chapelle du Peniti Saint-Laurent située sur une colline dominant les sources de l'Aulne dans un site ravissant ; là, à dix heures, la grand'messe est chantée, après laquelle, en plein air, le prédicateur fait un nouveau sermon écouté religieusement par ces deux mille fidèles, après quoi un repos d'une heure et demie leur est accordé pour prendre quelque réfection bien méritée après ce pieux exercice qui n'a pas duré beaucoup moins de cinq heures.

A une heure, les clairons appellent les pèlerins dispersés, qui s'empressent de reprendre le parcours traditionnel de la procession, sans se laisser attarder par les difficultés de la route ; au fond d'un vallon, un ruisseau a formé une mare large de plus de dix mètres ; sur quelques pierres formant une chaussée étroite passent les reliques et quelques pèlerins privilégiés, mais la masse n'hésite pas à traverser l'obstacle, enfonçant dans l'eau et la vase bien au-dessus de la cheville. Si l'on doit escalader une pente un peu escarpée, au lieu de ralentir la marche, les clairons vous enlèvent en sonnant la charge, c'est une terrible épreuve pour les jarrets et les poumons ; heureusement que, de temps en temps, l'on aperçoit sur la terre une jonchée de fleurs d'ajonc ; c'est un signe pour indiquer qu'un village n'est pas loin, et que les femmes et les enfants qui n'ont pu suivre la procession, ne voudraient pas être privés du bénéfice salutaire de passer sous les reliques ; un instant, les porteurs s'arrêtent, élèvent le brancard, et les gens du village peuvent satisfaire leur dévotion. Après ces quelques moments de répit, on repart pour descendre ou monter par monts et vaux jusqu'à ce qu'on atteigne la quatrième station, la chapelle Saint-Roch, où l'on a le temps de se reposer un peu plus longtemps, pendant que se renouvelle le passage de tous les pèlerins sous les reliques, à l'entrée de la chapelle. De Saint-Roch, la procession se dirige ensuite vers Landeleau ; mais à une demi-lieue du bourg, on retrouve les enfants et les jeunes filles avec les bannières et enseignes, et dès lors la procession s'avance à une allure plus modérée qui permet aux chants de sortir des poitrines d'une manière plus mesurée et moins haletante, car durant tout le parcours, à la sonnerie des clairons a succédé le chant du cantique breton composé par un ancien bedeau de la paroisse, en l'honneur du saint Patron.

A l'arrivée au bourg, ceux qui n'ont pu suivre la procession se rangent en curieux sur le bord de la route, et plusieurs, forçant la consigne, s'efforcent par surprise de passer sous les reliques, pendant la marche, malgré la vigilance des deux porte-verges préposés à la garde des reliques et à l'observance des règlements traditionnels ; du restez tous pourront sans tarder satisfaire leur dévotion, car une fois encore, à l'entrée du cimetière, toute la procession défilera sous les reliques, et après le chant des vêpres et la bénédiction du Saint-Sacrement, les reliques elles-mêmes seront données à baiser à tous les fidèles. Il est plus de cinq heures quand se termine enfin cette longue cérémonie qui a commencé à sept heures du matin.

Si vous voulez vous édifier, allez donc à la procession le saint Théleau, d'autant plus qu'il en est de ce pèlerinage comme de tant d'autres : si vous ne le faites pas de votre vivant, vous devrez le faire après votre mort, mais combien serait-il plus pénible ; alors vous aurez à porter votre cercueil sur les épaules, et vous n'avancerez chaque jour que de la longueur du cercueil lui-même.

On raconte, à cette occasion, qu'une personne de Landeleau, qui avait fait voeu de faire le tour des reliques et était morte avant l'accomplissement de sa promesse, apparut à une de ses amies et lui dit que, pour la sauver du purgatoire, elle la priait de faire le tour des reliques à sa place, mais sans parler. « Comment le pourrais-je ? dit celle-ci, car les portes des chapelles sont fermées, et il me faudra en demander les clefs ». « Sois-en sans inquiétude, dit la morte, et fais comme je te le dis ». L'amie se met donc en route, et quel n'est pas son étonnement en arrivant aux chapelles de Lannac'h, Saint-Laurent et Saint-Roch, de les voir ouvertes, avec les cierges allumé sur l'autel ; elle put ainsi accomplir son pèlerinage. En rentrant dans l'église de Landeleau, elle vit la morte habillée de blanc, qui la remercia en lui déclarant que grâce à elle le Paradis lui était ouvert.

Comment ne pas conclure de tout ceci que saint Théleau est un des plus grands Saints de Bretagne ? A la troménie de Saint-Ronan, aux processions de Gouesnon, de Plouguerneau, tous les Saints du pays sont en quelque sorte convoqués à la fête ; à Saint-Ronan, ils sont placés sur le parcours ; à Plouguerneau et à Saint-Gouesnou, ils sont portés le long du chemin ; à Landeleau, les Saints n'apparaissent pas, mais on n'est pas moins persuadé que, bien qu'invisibles (ordinairement), pas un Saint de Bretagne ne manque de venir rendre visite à saint Théleau, le jour de son Pardon. Ecoutez plutôt ce qu'on raconte.

Un homme de Landeleau avait fait voeu de se rendre à Sainte-Anne d'Auray le dimanche de la Pentecôte, sans penser que c'était le jour de la procession de saint Théleau. Il avait déjà fait un bon bout de chemin vers le pays de Vannes, lorsqu'il rencontra un vieillard à longue barbe blanche et une femme âgée qui lui sembla très belle malgré son grand âge. La femme lui dit : « Où allez-vous ainsi, brave homme ? Vous vous êtes mis en route de bonne heure et vous marchez bon pas ? ». — « C'est que je vais bien loin, jusqu'à Sainte-Anne d'Auray ». — « D'où êtes-vous donc ? ». « De Landeleau ». — « Mais n'est-ce pas aujourd'hui le Pardon de saint Théleau ? ». — « Oui, et j'aurais bien aimé y rester, mais j'avais promis d'aller à Sainte-Anne ce jour-là ». — « Eh bien, croyez-moi, dit la femme, retournez à Landeleau, faites avec les autres le tour des reliques, et vous y gagnerez plus d'indulgences qu'en faisant le pèlerinage de Sainte-Anne, c'est moi qui vous le dis ».

La bonne femme parlait d'un air convaincu mais notre homme, s'imaginant qu'elle voulait lui en imposer, continua son chemin. Arrivé à Sainte-Anne, il veut se confesser pour faire ses dévotions ; mais le prêtre, apprenant qu'il était de Landeleau, le renvoya, en lui disant qu'il aurait dû rester au Pardon de sa paroisse. « On me l'a déjà dit, répondit celui-ci ». — « Eh bien, dit le prêtre, si vous aviez regardé en face ceux qui vous l'on dit, vous auriez suivi leur conseil ». Là-dessus, le pèlerin revint de sainte-Anne bien déconcerté. En approchant du pays, il rencontra les deux personnages qui l'avaient abordé à l'aller. « Eh bien, lui dit la femme, avez-vous fait bon voyage ? ». — « Ma foi, non. M. le Recteur de Sainte-Anne m'a bien grondé, m'a refusé l'absolution et m'a dit que j'aurais mieux fait de suivre votre conseil ». — « Ne vous en étonnez pas, mon brave homme ; si le Recteur de Sainte Anne vous a si mal accueilli, c'est qu'aujourd'hui ni saint Joachim, ni sainte Anne, n'étaient chez eux » ; Elle souriait étrangement, la vieille femme, en s'exprimant ainsi ; le pèlerin la regarda attentivement ainsi que son compagnon, et n'eut pas de peine à reconnaître les traits de sainte Anne et de saint Joachim, dont il venait de voir le statues à Sainte-Anne.

C'étaient eux, en effet, qui étaient allés rendre visite à saint Théleau à l'occasion de son Pardon. Le pèlerin ne savait quelle contenance faire ; il s'était machinalement découvert et tournait son chapeau entre les doigts d'un air fort décontenancé. « Consolez-vous, lui dit la bonne sainte Anne, il ne vous en coûtera rien pour cette foi d'avoir délaissé la fête de votre saint Patron ; mais que la leçon vous serve, car les plus grandes grâces se gagnant aux pieds des Saints de son pays ».

(Archives du diocèse de Quimper et de Léon).

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