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LE COUVENT DE SAINT-FRANCOIS

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Autrefois était dans la forêt de Fougères une très ancienne chapelle connue sous le nom de l'Hermitage, bâtie là où se trouve aujourd'hui le village qui porte le même nom. Dans les dernières années du XIème siècle, de nombreux solitaires s'étaient retirés dans cette forêt. Ils s'y étaient fixés dans un lieu que le biographe de saint Bernard de Tyron désigne sous le nom de Quercus docta, et qui semble être, d'après la tradition, le village actuel de Chesnedé, ou Chiennedé. 

FONDATION

La fondation, dans la forêt de Fougères, du couvent ou plutôt de l’ermitage de Saint-François, remonte à l’année 1441, sous le règne du duc Jean V qui avait investi son fils aîné de la propriété de cette forêt.

Celui-ci qui, deux ans plus tard, à la mort de son père, devint le duc François Ier, fit don le 24 janvier 1441 (nouveau style) (Note : Le texte dit 1440 ; mais le millésime ne changeait alors qu’à Pâques) à quelques religieux de l'Ordre de Saint-François d'Assise dont le frère Guillaume Vaurouillon, bachelier en théologie, et le Frère Jacques des Lieux, maître en théologie, de trois journaux de terre en la forêt, au lieu appelé le « Pas au meunier », et il leur permit d’y établir un « hermitage » afin d’y « user et finir leurs jours » pour le salut de leur âme (Réformation de la forêt de Fougères de 1664, page 36 - Bibliothèque de Fougères).

Jean V confirma la donation le 29 janvier suivant (BLANCHARD, Mandements de Jean V, tome V, p. 2. — Et : Réformation de la forêt de Fougères de 1664, p. 36) ; approuvée par l’évêque le 8 février 1441, elle fut à nouveau confirmée par le donateur, devenu duc, le 15 février 1444 (n.s.) ; de plus, à la demande du frère Vaurouillon (ou Baurouillon, ou Vauroulon) et de ses frères, le duc François Ier, « féru de très-singulière et fervente dévotion... au bon saint, monseigneur saint François, leur donna congé de bâtir une petite chapelle, et pour ce faire, de prendre du bois dans la forêt (Lettre conservée aux Archives de la Loire-Inférieure, dont copie aux Archives d’Ille-et-Vilaine, fonds de la Borderie F 562) ».

Ce n’est que plus tard (3 juin 1494) que par Lettres patentes du roi Charles VIII, l’autorisation fut accordée de transformer l'hermitage en « Couvent » [Bref état... (Inventaire des titres de Saint-François), Archives d’Ille-et-Vilaine, Q 289. — Le chartrier contenait des bulles pontificales relatives à cette transformation).

Je crois qu’il faut entendre par là qu’à cette époque seulement de 1494 fut constituée une maison régulièrement organisée selon les règles franciscaines, avec un enclos, pourvue d’une certaine autonomie, et capable par exemple de former des novices et d’admettre à la profession.

Un inventaire des titres de Saint-François établi à l’époque de la Révolution, après avoir mentionné la Lettre patente du « roi Charles » du 3 juin 1494, mentionne une autre Lettre du « roi Charles », donnée le 20 mai 1549, portant permission de tirer de la pierre pour établir la clôture du couvent. Il y a là évidemment de la part de l’auteur de l'Inventaire, une erreur ou de date ou de nom ; car en 1549 le roi était Henri II. Aussi M. Maupillé (Notice sur les cantons de Fougères, p. 82 – Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VIII), suivant du reste en cela le texte de la réformation de la forêt de Fougères (P. 38), attribue-t-il ce prince la Lettre patente en question. — Cependant, en présence de cette expression : « du roi Charles » on peut se demander si ce n’est pas la date qui est fautive, plutôt que le nom du roi, et s’il ne faudrait pas lire par exemple 1495. — Je me contente de poser la question, tout en remarquant qu’on aurait attendu bien tard pour construire en 1549 la clôture d’un couvent organisé en 1494. Il est vrai qu’il ne s’agissait que de « parachever » la « muraille de la clouaison », comme elle avait été « devisée et encommencée ».

On peut supposer que les disciples de saint François d'Assise, ainsi venus dans la forêt de Fougères, étaient un essaim du Couvent des Cordeliers existant à Rennes depuis le XIIIème siècle.

Ces religieux étaient appelés indifféremment Cordeliers, Frères mineurs ou Franciscains. Leur Ordre remontait à 1209.

Cet ordre était destiné à se diviser en plusieurs branches ; les Récollets et les Capucins sont des franciscains.

A l’époque où commence l’établissement de la forêt de Fougères, ni les Récollets ni les Capucins n’existaient encore ; ces derniers ne datent que de 1528, et les Récollets, institués en 1490, ne s’introduisirent en France qu’au XVIème siècle (Les Récollets eurent un couvent à Fougères, au faubourg Roger, à partir de 1607).

Mais déjà la division s’était manifestée chez les Franciscains ; dès le XIVème siècle on distingua les « Conventuels » qui avaient mitigé leur règle, des « Observantins » qui la maintinrent, au moins en partie, car bientôt on connut la « petite » et la « grande observance » qui différaient par le degré de fidélité aux règles primitives.

Dans quelle catégorie faut-il ranger les moines de Saint-François de la forêt de Fougères ?

On les voit dans l’inventaire de leurs titres s’intituler « Cordeliers » [Note : Cependant à une date relativement récente (1733), ils s’intitulent dans l’« Inventaire » : « Frères mineurs de l’observance » et l'Acte de Réformation de la forêt de 1664, énumérant les pièces produites par les religieux à l’appui de leurs droits, parle, à propos de la confirmation de Jean V, du « Couvent de l'Observantion de saint François », et signale les suppliques (de 1559 et 1560) des « orateurs frères mineurs de l’observance de Monsieur Saint François de la forest de Fougères ». — Mais le plus souvent ce document parle des « Cordeliers »]. C’était le nom donné en France aux Frères mineurs qui eurent en Bretagne des couvents à Quimper (fondé en 1230) ; à Rennes (entre 1230 et 1242) ; à Nantes (en 1250) ; à Vannes (en 1260) ; à Dinan (en 1261) ; à Guingamp (en 1283) ; à Bourgneuf (en 1332) ; à Landéan (en 1441) ; à Saint-Brieuc (en 1642).

Ces neuf couvents appartenaient à la « Custodie » de Bretagne [Note : En 1239 les couvents de Nantes et de Bourgneuf furent attachés à la « Custodie de Nantes » en compagnie de cinq couvents observantins. R. P. Antoine DE SERENT, Essai de géographie des établissements de l'Ordre de saint François en Bretagne. Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques (1909)]. L’ordre avait été réparti en 1517 par Léon X en deux « familles » : la famille cismontaine et la famille ultramontaine ; celle-ci comprenait la France. Elle était divisée en plusieurs « provinces » qui se subdivisaient en « Custodies ». La province de Touraine, constituée en 1239, comptait cinq Custodies dont la « Custodie de Bretagne ».

Le « Custode » était un dignitaire placé près du « Provincial ».

Le Supérieur du Couvent prenait le nom de « Gardien » ; le second Supérieur, en l’absence du Gardien prenait le nom de « Vicaire ».

Le « Discret » était un religieux désigné par ses confrères pour accompagner le Gardien au chapitre provincial.

Les Frères mineurs « observants » de Bretagne obtinrent en 1484 leur autonomie complète ; en 1517 ils furent érigés en province régulière sous le. nom de saint Yves ; on l’appela aussi la « province sainte » à cause de la vertu éclatante de ses religieux. Ils possédaient plusieurs couvents en Bretagne.

La première réforme des Cordeliers remonte au XIVème siècle. Une seconde réforme eut lieu au début du XVIIème siècle (Abbé PONDAVEN, archiviste de l’évêché de Quimper - Mémoires de l'Association bretonne, t. 35, p. 41-43).

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DONATIONS

Malgré une crise dont nous aurons à parler, l’établisse­ment de la forêt de Fougères prospéra, par suite de libéralités provenant soit des particuliers, soit des souverains.

Ceux-ci se montrèrent particulièrement favorables.

Les faveurs accordées au couvent de Saint-François par le duc François Ier furent successivement confirmées par les rois de France Charles VIII (1498) ; Henri II (1559) ; François II (1560) ; Henri IV (1598) ; Louis XIII (1612) ; Louis XIV (1643).

Plusieurs même les accrurent :

En 1532, le roi François Ier accorda une rente de 50 livres aux Cordeliers de la forêt pour messes et services.

En janvier 1613, Louis XIII leur céda « par aumône et charité », 7 arpents du marais de Mare-Noire, en leur permettant d’y établir un « vivier et réservoir à poissons » (Réformation de la forêt de Fougères de 1664, p. 37 et 38) pour pourvoir à leur nourriture pendant les deux Carêmes qu’ils devaient observer chaque année (Donation enregistrée in extenso au Parlement le 25 février – 14ème registre, folio 75).

En février 1617, le même souverain leur accorda de nouveau 10 arpents de terre entre la prée du Pont-Richard et le marais de Mare-Noire ; Cette fois il autorisa la construction d’un moulin (Donation enregistrée in extenso au Parlement le 19 avril – 15ème registre, folio 73)). Aussi voyons-nous, en 1621, les moines passer un marché pour la construction d’une chaussée ; mais on pourrait croire, d’après le nom de « Pas au Meunier » qu’il y avait déjà eu là un moulin et que les religieux ne firent que le rétablir. L'Inventaire des titres appelle ce lieu le « Pas au Moulin ».

En juin 1620, le roi « franchit » la maison de Saint-Pierre du Bourg-Roger où les Cordeliers se proposaient d’établir un hospice (Voir Lettres patentes aux Archives d’Ille-et-Vilaine, série H).

Enfin le 12 novembre 1654, Louis XIV (ou plutôt sa mère), ajouta aux dons précédents 10 à 12 journaux de prés en aval, dans la coulée, entre le Pas au Meunier et le gué de la Grand'Riviere.

Toutes ces terres étaient amorties de droits et redevances « comme à Dieu dédiées » (Réformation de la forêt, p. 40).

Les particuliers, à l’exemple des souverains, se montrèrent généreux.

Jean Meneust, sieur de la Galesnais et du Bois-Guyon donna en 1575, pour lui et sa femme Françoise Guérin, dame de Mare-Bouillon, 3 journaux de terre vagues dans le voisinage du couvent, à charge de « messes, obits et prières... ».

A une date indéterminée, mais que je crois pouvoir placer vers 1620, on voit passer aux mains des religieux de Saint-François quelques immeubles situés au Bourg-Roger de Fougères, à l’entrée du vieux chemin « Mellouen » (rue actuelle de la caserne), immeubles formant « l’île Saint-Gorgon », et comprenant, avec quelques maisons, une chapelle dédiée à ce saint. — La chapelle dont le pignon était en bordure du chemin Mellouen, existait déjà en 1482 (Note : Elle est signalée dans un compte de miseur de cette époque. - Voir LE BOUTEILLER, Histoire de Fougères, III, p. 237)). — Elle avait été fondée, nous dit M. Maupillé (Notice sur les deux cantons, article Laignelet, p. 71 - Mém. Soc. Arch. t. VIII) de deux messes par semaine, par Henri Fauvel, seigneur de la Chapelle (Fontaine-la-Chèze, aux portes de Fougères). — On y venait en pèlerinage pour guérir de la goutte ; l’affluence était telle le 9 septembre (lendemain de la fête de la Nativité de la Sainte Vierge) que Guillaume de la Fontaine, petit-fils du fondateur, sollicita et obtint du roi Henri III, en février 1575, l’autorisation de tenir ce jour-là et les jours suivants, une foire qui fut l’origine de la foire de l'Angevine à Fougères (LE BOUTEILLER, Histoire de Fougères, t. IV, p. 84).

M. Maupillé croit que les immeubles composant l’île de Saint-Gorgon furent tous donnés aux Cordeliers par le seigneur de la Fontaine.

Ce n’est pas entièrement exact : une partie de ces propriétés des religieux avait une autre origine :

En effet nous voyons dans l'Inventaire des titres du couvent, mention d’un testament de Madeleine de Carel instituant le 22 décembre 1590, en faveur des Cordeliers, une rente assise sur la terre de Mézangers. D’autre part, on trouve aux Archives départementales (16ème registre d’enregistrement du Parlement, folio 50 — et Lettre patente, Archives d’Ille-et-Vilaine,  série H), à la date du 27 août 1620, l’enregistrement de Lettres patentes de juin 1620, portant approbation d’un échange fait entre les Cordeliers et Jacques de la Chapelle, sieur de Mézangers. Les religieux renonçaient à la rente et recevaient en échange :

« la maison de Saint-Pierre à Fougères », peut-être moyennant une soulte ; peut-être même sous forme d’acquêt, car nous voyons dans l'Inventaire mention d’un achat de la maison Saint-Pierre en 1620.

Voilà donc une partie importante (hôtellerie bien achalandée) de l’île Saint-Gorgon qui ne provenait pas des libéralités des seigneurs de Fontaine-la-Chèze. La chapelle en provenait à peu près sûrement. Quant à la maison voisine, elle semble avoir appartenu à M. de la Chèze d'Erbrée (seigneur de la Fontaine) en vertu d’un échange par lui consenti le 12 décembre 1618. Il est donc probable qu’elle a été donnée à Saint-François par lui, en même temps que la chapelle.

Dans un aveu de 1683, cité par M. Maupillé, les moines déclarèrent que « ces héritages leur avaient été accordés pour auspices (sic), à cause que leur maison conventuelle est dans la forêt ». M. Maupillé, semblant citer encore le même aveu, ajoute (article Landéan, page 84) que les religieux désiraient établir « un ospice (sic) où ils pourraient descendre lorsque les affaires de leur couvent les appelleraient à la ville ».

Et de fait, nous voyons les Cordeliers de Saint-François, en 1620, faire amortir par le roi leur maison Saint-Pierre, destinée à devenir un hospice ; nous les voyons demander en 1621 au seigneur de Fontaine-la-Chèze l’autorisation de tirer de la pierre dans sa carrière ; nous les voyons encore en 1622 solliciter et obtenir les autorisations nécessaires de leur Provincial.

Mais je ne sais pourquoi, opposition fut faite à la création de cet hospice par la communauté de la ville.

On peut être surpris de voir le 10 juillet 1629 un contrat de vente de la maison Saint-Pierre, alors qu’en 1644 un rentier indique que cette maison appartient aux Cordeliers.

Il paraît aussi que ceux-ci reprirent leur projet d’établir un hospice, car nous voyons en 1663 une nouvelle opposition de la communauté ; c’est alors, je crois, qu’ils durent songer à vendre leur hôtellerie.

En 1662 et 1664 on mentionne des procès-verbaux d’expertise de la maison Saint-Pierre. En 1665 furent vendus les meubles garnissant cette maison qui, en 1676, appartenait à Jeanne Rousseau. Celle-ci la tenait de son père Jean Rousseau, à qui les moines l’avaient vendue (LE BOUTEILLER, Notes manuscrites).

Mais il se pourrait que l’hôtel Saint-Pierre eût été réduit.

Les moines n’avaient cédé qu’une partie de leur propriété ; car depuis 1675 le prétendu hospice était loué ; et en 1786 il leur appartenait encore et servait de caserne.

Un rentier (Bibliothèque municipale de Fougères) du duc de Penthièvre (engagiste de la baronnie de Fougères), pour les années 1777 à 1785, s’exprime ainsi : « La maison où pendait autrefois pour enseigne l’image Saint-Pierre, servant aujourd’hui de caserne aux cavaliers de la maréchaussée, appartient aux R. P. Cordeliers de la forêt ».

D’après un plan d’alignement de 1785, la caserne de la maréchaussée se trouvait entre l’auberge Saint-Pierre et la chapelle Saint-Gorgon. Il semble donc bien que la caserne et l’hôtellerie étaient choses distinctes.

En 1791 furent vendus nationalement : maison servant de caserne, cour, écurie, jardin et chapelle.

De cette dernière, il reste encore quelques débris ; elle fut démolie en 1842. — Chose bizarre, en 1681, le seigneur de Fontaine-la-Chèze présentait encore le chapelain de Saint-Gorgon, bien qu’il ne fût plus propriétaire de la chapelle (LE BOUTEILLER, Notes manuscrites).

Tout est bizarre dans cette affaire compliquée où l’apparente contradiction des documents rend difficile le discernement de la vérité.

M. Maupillé semble croire (p. 72) que l’hôtel Saint-Pierre, qui existait jadis, fut une fondation des Cordeliers. Je pense, au contraire, que cette hôtellerie remonte à une époque où les religieux ne possédaient encore aucun im­meuble dans le Bourg-Roger.

En 1659, Judith du Chataigner, épouse de Bertrand Du Guesclin, offrit à son tour la prée de la Saichefilière, ou Cerfilière, comme on dit de nos jours, située à un ou deux kilomètres à l'Ouest, pour fonder un obit, « au jour et feste de saint Pierre aux Liens », dans la chapelle de la Sainte Vierge que ses parents avaient fait édifier et décorer de peintures dans l’église du couvent. Il s’agissait sans doute d’un autel élevé dans la chapelle qu’en raison de son importance, on n’hésitait pas à qualifier d’église. De plus, une « messe à haute voix avec diacre et sous-diacre » devait être chantée « chacun an » pour « le repos des âmes des défunts sieur et dame de la Thebaudays » (père et mère de Judith du Chataignier) [Note: Ces détails que rapportent M. MAUPILLE dans les Mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VIII) et le chanoine GUILLOTIN DE CORSON dans le Pouillé du diocèse de Rennes, t. III, p. 140), paraissent avoir été pris dans un exemplaire de la Réformation de la forêt de Fougères en 1664, qui provient des archives de Rillé et se trouve à la Bibliothèque municipale de Fougères. Dans ce document les fautes de transcription ne sont pas rares ; il m’a semblé que quelques-unes avaient amené de légères erreurs chez les auteurs précités]. 

Un grand nombre d’autres donations, sous forme de rentes, parvinrent au couvent ; la plupart étaient très peu importantes comme nous le verrons ; mais la quantité de ces offrandes et de ces testaments est assez impressionnante ; elle montre que le couvent était devenu un lieu d’édification renommé et que la vie religieuse y était intense.

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CHARGES DU COUVENT

Toutes ces libéralités, nous l’avons vu, étaient faites à charge de messes et de prières.

Il est intéressant de constater, en ce coin désert de la forêt de Fougères, si éloigné des bruits du monde, les nombreuses et solennelles cérémonies qui s’y célébraient périodiquement, aux intentions des rois et reines de France, en reconnaissance et échange des bienfaits qu’en avaient reçus les moines de Saint-François :

Le 4 mai de chaque année, jour-anniversaire de la mort de Henri IV, il était célébré, à la demande de Louis XIII, lors de sa donation de 1613, une grand'messe dans l’église du couvent, pour le repos de l’âme de son « très-honoré seigneur et père ».

Le 14 mai, anniversaire de la mort de Louis XIII, il était célébré tous les ans une autre grand'messe pour ce monarque, à la demande de son fils qui venait (1654) de faire une nouvelle donation au couvent.

Le 26 juillet, fête de sainte Anne, grand'messe périodique pour Anne d'Autriche, « dame reine-mère du roi ». (Charge de cette donation de 1654).

Le 25 août, à l’occasion de la saint Louis, grand'messe pour la France et le roi régnant. (Charge de la donation de 1613).

Le 8 septembre, fête de la Nativité de la Sainte Vierge, grand'messe pour la reine régente, Marie de Médicis, à la demande de son fils Louis XIII. (Charge de la donation de 1613).

De plus, tous les premiers jours du mois, une messe solennelle du Saint-Esprit était chantée au couvent pour le roi Louis XIII et les deux reines (Marie de Médicis et Anne d'Autriche). Ces douze grand'messes mensuelles étaient suivies d’une procession générale pendant laquelle on chantait le Veni Creator ; et un salut du Saint Sacrement était donné à la fin de chaque messe (Charge de la donation de 1617).

De plus encore, tous les soirs, après vêpres, un salut était donné en l’honneur de la Sainte Vierge, aux intentions dès donateurs. (Charge de la donation de 1613) (Note : L'Inventaire fait mention de bulles et de brefs accordant des indulgences à l’église du couvent).

Ces marques de reconnaissance, que les circonstances de lieux rendent peut-être encore plus dignes d’attention, étaient certainement légitimes. On veut croire que les autres bienfaiteurs, et notamment le fondateur, le duc François Ier, si dévot à monseigneur saint François, n’étaient pas oubliés. Ce dernier, du reste, avait précisé en faisant sa donation, qu’il désirait être « participant aux bonnes oeuvres, messes et oraisons » des religieux ses obligés. Et il en était de même de tous les autres donateurs. On a vu que le roi François Ier l’avait spécifié en accordant une rente en 1532.

La réputation de sainteté du lieu fit aussi que les fidèles ambitionnèrent d’être inhumés à Saint-François.

En juin 1660, Marguerite de Bonnefosse, femme de Jean Lejeune de la Tendrais (ce sont les fondateurs du couvent des Urbanistes de Fougères) fut inhumée à Saint-François (Note : GUILLOTIN DE CORSON, Petites seigneuries de Bretagne, p. 151. Marguerite de Bonnefosse avait donné à Saint-François une rente de 120 livres, assise sur la terre de Bonabry). Les sieur et dame d'Assigné de la Moussaye possédaient également un enfeu dans la chapelle, ainsi que d’autres personnes, car en 1614 et 1615 elles furent invitées à réparer les vitres des chapelles du couvent. C’étaient sans doute des vitres armoriées dont l’entretien était à la charge des possesseurs d’enfeu.

On voit, au début du XXème siècle, près du couvent quatre grandes pierres dont une au moins est une pierre tombale ; elle porte l’effigie d’une femme et on peut encore y lire ces mots : Cy gist damoiselle Léo ?... et la fin d’un millésime... CXXV. Le reste est effacé. Parmi les autres pierres, l’une est sûrement une table d’autel ; dans l’état actuel on ne peut se rendre compte de ce qu’étaient les deux dernières. D’autres pierres tombales ont été utilisées dans la construction de l’ancien moulin.

Les religieux étaient enterrés dans un petit cimetière près de la cour d’entrée, un peu à gauche de l’avenue.

Cette question des inhumations, ainsi du reste que celles des aumônes, des quêtes et des dîmes, ne fut pas malgré un Concordat entre les parties intéressées, sans amener quelques difficultés avec les prieurs recteurs de Landéan, qui appartenaient à la Congrégation des chanoines Génovéfains de Rillé. Après de longues procédures, les religieux de Saint-François, qui se réclamaient de Lettres patentes du 23 mai 1457, obtinrent le 8 novembre 1664 un arrêt du Parlement qui leur donnait, sur ces divers points, satisfaction à l’encontre des prétentions du prieur de Landéan. Cela n’empêcha pas du reste un nouvel incident le 24 octobre 1674 à propos de la sépulture de Jeanne Fleuriais, ce qui provoqua un nouvel arrêt en date du 4 décembre de la même année en faveur des Cordeliers.

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PRIVILEGES

Les moines de Fougères paraissent avoir été assez stricts pour le maintien de leurs privilèges tant au temporel qu’au spirituel, et si l’on en croit un passage de l'Inventaire des titres, ils auraient énergiquement défendu leurs droits d’exemption contre les prétentions épiscopales.

Depuis leur installation à Saint-François, les Cordeliers jouissaient d’un droit de chauffage dans la forêt, où ils prétendaient pouvoir prélever 70 charretées de bois mort, mort-bois ou, à défaut, bois vif. Ce droit fut l’occasion d’une telle multiplicité de réclamations, d’enquêtes, d’arrêts, etc., que l’on peut dire que les moines payaient bien ce chauffage en peines et ennuis. En 1664 le droit fut réduit à 50 charretées ; et à partir de 1726 il fut accordé aux religieux en remplacement du bois la modique somme de 75 livres. Précédemment on leur avait alloué 50 livres. Cela ne mettait pas la charretée de bois à un prix élevé ! — En 1641, il fut établi dans la forêt un « triage » pour l’exercice du droit de chauffage des religieux : c’était un coin de forêt bien délimité hors duquel ils ne pouvaient ramasser le bois.

Les Cordeliers avaient aussi le droit de prendre dans la forêt des « bois à merrains » pour les réparations du couvent ; ils en réclamèrent en 1648.

Un autre privilège leur avait été accordé en 1500 par le roi : la franchise des droits d’entrée et de sortie, d’aides et d’octrois pour leurs provisions.

Cela ne les empêcha pas d’être condamnés le 22 décembre 1694 par le Siège royal de Fougères, à la requête du fermier des grands et petits devoirs (impôts sur les boissons) à payer 170 livres et les dépens en plus.

Il paraît qu’ils jouissaient encore d’autres franchises, car un arrêt du Parlement du 1er octobre 1657 fit défense « au fermier du domaine d’exécuter ni d’emprisonner les domestiques des religieux pour les taxes sur la forêt de Fougères ».

En 1651, ils obtinrent une faveur d’un autre genre : sur leur requête, le 22 mars de cette année, une sentence rendue en la maîtrise des eaux et forêts de Fougères fit défense « à toutes personnes de tirer dans la forêt ni sur l’étang des religieux des coups de fusils ». — Il s’agit évidemment, quand on dit : « la forêt », des très proches alentours du couvent.

S’ils savaient maintenir leurs privilèges, les moines savaient aussi défendre leur réputation. On les voit en 1533 obtenir la condamnation de deux « calomniateurs », du nom de Martin et Hupin, qui durent venir s’entendre avec les « calomniés » pour la réparation qui leur était due.

Il existait, dans la forêt de Fougères, à une demi-lieue environ du couvent de Saint-François, une chapelle dite de « l'hermitage », d’origine très ancienne, qui semble marquer le souvenir des anachorètes si nombreux au XIème siècle dans notre forêt.

Une petite ferme, qui l’entourait, a retenu son nom. — L’une et l’autre furent données, avec la closerie de Chênedé (Notice sur les cantons de Fougères, article Landéan, p. 85) située dans le voisinage, par les ducs de Bretagne, au XVème siècle, à l’hôpital Saint-Nicolas de Fougères, nous dit M. Maupillé [Note : Je ne crois pas qu’il faille confondre « l'hermitage » avec le lieu que Geoffroy le Gros, biographe de saint Bernard de Tyron, appelle « Quercus docta ». Nos historiens locaux s’accordent pour identifier ce lieu avec « Chênedé ». (Voir LE BOUTEILLER, Histoire de Fougères, II, 189) ; — et MAUPILLE, Notice sur les deux cantons de Fougères, p. 35 (ou Mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VIII)].

L'hermitage constituait un petit bénéfice à la présentation du seigneur de Fougères, c’est-à-dire du roi. On connaît quelques-uns des chapelains.

Cependant une charte de Charles IX, du 3 juin 1562, conservée aux archives de l’hôpital de Fougères, nous apprend que « l'aulmosnerie et hermitaige situés... en la forest du d. Fougères » avait été « usurpée » par un gentilhomme séculier, dont on ne dit pas le nom, avec l’appui d’autres gentilshommes ses parents et alliés qu’on ne nomme pas davantage, sous prétexte qu’il avait été pourvu de ce bénéfice par l’évêque.

Déjà, nous dit la Charte, une saisie avait été effectuée en juillet 1560 ; la saisie remonte plus loin, car la réformation de la forêt de 1542 mentionne qu’à cette date l’hermitage était saisi.

A la mort du gentilhomme en question, une nouvelle saisie fut requise par le procureur du roi en la sénéchaussée, et ordonnée par la Lettre de 1562 que nous venons d’analyser.

Trente ans plus tard, par Lettre patente du duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne, en révolte contre le roi, en date du 18 octobre 1591, Lettre signalée par l'Inventaire des titres de Saint-François, les Cordeliers de la Forêt furent chargés de desservir la chapelle de l'hermitage (Note : Le titre de plusieurs pièces dont il est fait mention dans l'Inventaire montre que les Cordeliers de Saint-François reçurent la charge d’un autre hermitage dans la forêt de Villecartier ; ou tout au moins qu’ils reçurent une rente à propos de cet hermitage).

Ils exigèrent pour ce service une partie des revenus de la closerie. Dix livres par an leur furent versées en conséquence par l’hôpital. En 1675 le versement fut de 15 livres. — Le P. Jean Le Corvaisier, cordelier de Saint-François, était en 1595 le chapelain de l'hermitage ; il est probable qu’il appartenait à la famille Le Corvaisier qui, du XVIème au XVIIème siècle, posséda la Villegontier.

La chapelle de l'Hermitage n’a disparu qu’à une époque récente.

Un texte mentionne le « droit de prédication » des moines de Saint-François dans « différentes paroisses de cette province et celles limitrophes ». C’est surtout à ce ministère de la prédication que semblent s’être adonnés les Cordeliers. A Fougères on dut plus d’une fois avoir recours à leur éloquence : les archives de Saint-Sulpice racontent notamment que le 19 septembre 1496, à l’occasion du miracle du Cierge [Note : Il s’agit d’un miracle relaté en ces termes dans les comptes de Saint-Sulpice : « Le lundy, 19 jour dud. moys de septembre aud. an (1496) environ troys heures de l’après midy d’iceluy jour, miraculeusement se alluma le grand cierge d’emprès l’image de Notre-Dame, quel cierge Beylet, sr. de la Tullaye entretient, et quel cierge dura ainsy allumé depuis l’heure prédicte jusques o lendemain environ troys heures après midy qu’il s’éteignit tout par lui-même, ainsi que relatèrent plusieurs personnes dignes de foy... (on avait) sonné les cloches jour et nuyt et durant tout le temps que le dict cierge se tint allumé... pour ce 10 s... (Le cierge en question était posé sur un grand chandelier de bois qui en portait dix). ... Le mardy en suivant fist l’un desdits fraires de la forest le sermon cyens pour laditte cause auquel fust donné à un disner à luy et à son compagnon, pour ce 3 s., 4 d. (Voir LE BOUTEILLER, Histoire de Fougères, III, p. 317), on « envoya à la forest, devers les beaux pères de Saint-François du d. lieu » pour « que ce feust leur plaisir de venir le lende­mains l’un d’eux faire un sermon cyens... ».

Il est possible également que les Frères Vauroulon et Des Lieux et leurs compagnons aient eu l’intention de mener la vie contemplative. Le lieu était bien choisi pour cela ; la règle de saint François admettait ce genre de vie en certains couvents, et les termes des Lettres du 24 janvier 1441 semblent confirme cette intention

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REVENUS

En 1770 le revenu de l’établissement fut estimé valoir 1450 livres. (Voir REBILLON, Situation économique du clergé à la veille de la Révolution, p. 424). En 1790 l’estimation fut de 1193 livres.

A cette dernière date les religieux déclarèrent (Note : Chanoine GUILLOTIN DE CORSON, III, 141. Ce chiffre indique sans doute le revenu net. Il semble que les autres chiffres indiquent le revenu brut des immeubles seulement) posséder : leur couvent, entouré d’un enclos muré de 9 journaux de terre ; la grande prairie ; l’étang et le moulin ; la métairie des Baillées ; et la prée de la Cerfilière.

Ils possédaient en plus de ces biens et des privilèges dont nous avons parlé, un bon nombre de petites rentes par dons et testaments pour fondations de messes. Ces rentes, dans la suite des temps, outre qu’elles perdaient de leur importance avec la baisse progressive de la valeur de l’argent, devenaient difficilement recouvrables, soit à cause des changements de propriétaires des terres ou maisons sur lesquelles elles étaient assises, soit parce que les héritiers des fondateurs après quelques générations, avaient oublié la charge qui leur incombait avec l’héritage, soit à cause de la mauvaise volonté ou de la mauvaise foi des débiteurs qui cherchaient à éviter les paiements. Il fallait donc que les religieux fussent constamment aux aguets. Ils étaient fréquemment obligés à des réclamations ; leurs archives étaient remplies de pièces de procédure pour cet objet et comme les rentes étaient le plus souvent très peu importantes, il dut arriver plus d’une fois que les frais atteignirent la valeur du capital.  Beaucoup de ces rentes ne dépassaient pas 3 livres ; la plus forte était de 200 livres par an, fondée par les de Vaux de Lévaré. Une autre fondée en 1507 et 1538 par Etienne du Bailleul se composait d’une pipe de vin (2 barriques) et de 10 livres en sus. Il semble que ceux qui bénéficièrent le plus de ces petites rentes furent les procureurs et avocats si nombreux alors, et qui poussaient fort à la procédure. Les auteurs de ces dons étaient des prêtres, des chanoines, des familles notables du pays ou des environs et beaucoup de familles plus modestes.

En somme les Cordeliers de la forêt, s’ils étaient, grâce à leur petite terre, à l’abri du besoin, n’étaient pas riches. Les ornements de leur chapelle paraissent avoir été assez médiocres (1 soleil, 1 ciboire, 3 calices, 1 encensoir, 2 burettes, le tout d’ar­gent ; 10 chasubles, 4 aubes...) ; leur mobilier était plutôt pauvre (Note : L’inventaire dressé par la municipalité de Landéan complété par le district mentionne 12 couverts d’argent, 1 cuiller à soupe et 2 à ragoût, 5 douzaines de draps, 10 douzaines de serviettes, etc...), puisque le produit de la vente, y compris celle des bestiaux (2 vaches et 1 génisse), ne dépassa guère 3.000 livres.

Les Etats de Bretagne avaient coutume de donner quelques aumônes aux religieux mendiants. Deux quittances, l’une de 25 livres, du 19 janvier 1611, et l’autre de ... livres, du 15 juin 1619, conservées aux Archives départementales (C 2944 et C 2948) portent l’empreinte de deux jolis sceaux, non identiques, des Cordeliers de Fougères qui m’ont été signalés par M. l’Archiviste.

En voici la description :

1° Sceau ogival de 52 m/ m sur 37. Le Christ en croix, deux feuilles de fougère issant du pied de la croix. Légende en gothique : S. Patris, guardiani convent — filgeriensis.

2° Sceau ogival de 50 m/ m sur 38 ; Le Christ en croix, comme ci-dessus ; dans le champ, une cordelière. Légende en romain : S. PATRIS . GARDIANI . CONVENTVS . SILVE . FVLGERIARVM . 1601.

couvent saint-françois de Landéan

On trouvera ici le dessin, un peu agrandi, de l’empreinte du deuxième sceau.

La crédulité populaire, on le sait, attribuait des richesses immenses à tous les moines. Dans tous les couvents disparus, la légende veut qu’il y ait un trésor caché. Il n’en pouvait être autrement ici. De là les racontars, bien connus dans le pays, relatifs au saint François en or massif, de grandeur naturelle, caché par les moines avant leur expulsion et celle du trésor enfoui près de la chapelle de l’hermitage. On a même parlé d’une barrique d’argent également cachée en terre dans la forêt.

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HISTOIRE DES RELIGIEUX

Si dans les actes de réformation de la forêt (Note : Nous en connaissons deux, un de 1664 qui se trouve à la Bibliothèque de Fougères et un de 1542, qui se trouve aux Archives d’Ille-et-Vilaine) et dans l’inventaire des titres dont il a été déjà question on a pu trouver des renseignements sur les biens des Cordeliers, on reste presque entièrement démuni en ce qui concerne l’histoire des religieux avant la Révolution.

On est mieux documenté pour la période révolutionnaire.

Nous verrons que les archives du couvent qui auraient pu nous renseigner sur la période antérieure ont été détruites en 1793. Nous devons nous estimer heureux de posséder un inventaire détaillé des titres disparus. Le peu que nous apprend ce document laconique par nature mérite cependant d’être noté.

Nous avons indiqué au début de cette étude les nombreuses branches de l'Ordre fondé par saint François d’Assise.

Ces divisions ne pouvaient manquer de provoquer des difficultés de toutes natures : rivalités, discussions, revendications, désordres, scandales même parfois !

Certains passages de cet Inventaire nous laissent entrevoir que dans ce couvent de Saint-François de la forêt, qui paraissait fait pour la paix et la tranquillité, il y eut parfois des orages et des dissensions.

Je vais citer les textes sans me charger de les expliquer, car une explication entraînerait toute une étude de l’his­toire des ordres religieux.

« ... Sont le nombre de vingt pièces... relatives aux contestations que les Frères et Religieux de la famille, de l’observance, et Cordeliers de la forêt de Fougères, eurent ensemble en 1400 et années successives, avec plusieurs bulles des papes, procurations, déclarations d’appel, factums, etc... ».

On peut se demander s’il ne faut pas lire 1500 au lieu de 1400, le couvent n’ayant été fondé qu’en 1441, mais peut-être les pièces en question étaient-elles relatives à des difficultés déjà survenues chez les franciscains de la province dont Saint-François faisait partie.

Je continue les citations :

« Lettre patente donnée à Nantes au mois de septembre 1500... concernant les religieux de l’observance et ceux de la province de Touraine, et ceux des Cordeliers de Saint6François dans la forêt de Fougères (Note : Ce texte semblerait indiquer qu’en 1500 les observants n’appartenaient déjà plus à la province de Touraine) .. ».

« Grosse en vélin d’arrêt du Parlement rendu au mois de septembre 1501, qui chasse les frères de la famille du couvent de la forêt, et y rétablit les religieux de Touraine (Note : Ce texte semble établir une différence entre les religieux de la famille et ceux de Touraine. Les uns et les autres étaient pourtant de la famille ultramontaine) ... ».

« Lettre patente donnée par la reine Anne le 30 mai 1505 sur les différends entre les religieux de la famille et autres dans la forêt de Fougères... ».

« Autre lettre patente donnée par le roi le 4 mars 1527 qui ordonne que les religieux produiront dans un mois au Conseil les pièces qui fondent les contestations entre eux... ».

« Grosse d’une déclaration faite le 29 mars 1551 au Conseil du roi par les religieux de l’observance et ceux de la forêt sur leurs contestations respectives... ».

« Grosse d’arrêt du Conseil du 30 mars 1551 portant injonction aux religieux de Saint-François de la forêt de Fougères de payer une somme de 45 livres, 6 sols, 4 deniers, pour les dépens auxquels ils avaient été condamnés... ».

De quoi il résulte que de graves et pénibles événements, sur lesquels on n’a aucun autre détail, se passèrent à Saint-François pendant la première moitié du XVIème siècle.

Et l’on peut croire que dans la seconde moitié du XVIIème siècle il y eut de nouvelles dissensions puisqu’un arrêt du Parlement du 2 juin 1663, mentionné dans l'Inventaire des titres de Saint-François intervint « entre les religieux Cordeliers... et autres de Paris, pour les causes y exprimées... ».

Ces causes, nous ne les connaissons pas. Peut-être des recherches dans les Archives du Parlement pourraient-elles nous éclairer.

C’était sans doute une conséquence de la réforme faite à cette époque.

Par ailleurs voici les noms des moines de Saint-François que j’ai pu relever :

1441 : Frère Vauroulon, fondateur. 

1441 : Frère Jacques des Lieux.

1500 : Frère Jean le Bigot, cordelier de Saint-François, obtient des indulgences pour Saint-Sulpice.

1575 : P. Dormay ou Dormux ou Dorinay, gardien.

1592 : P. Jean Le Corvaisier, cordelier, chapelain de l’hermitage.

1593 : Frère Jean Desbois.

1611 : Frère Le Corvaisier, gardien (probablement le même que Jean Lecorvaisier).

1619 : N. Lemercier, gardien.

1632 : Frère Gilles Hauterie, vicaire.

1634 : Gilles Auffray, novice.

1642 : Bonaventure Mazières et Guillaume Anfray.

1653 : Jean Meslin et Guillaume Anfray.

1653 : Frère Jean Jamet, mort à la Landelle, inhumé à Montanel.

1659 : Jean de Botherel de Malhère, novice.

1662 : Frère René Langlois, gardien.

1683 : P. Pierre Ferry, cordelier, chapelain de l’hermitage.

1700 : P. Barbeguière, gardien.

1702 : P. Lucas, docteur en théologie, gardien.

1702 : Frère Pierre Huet, discret.

1702 : Frère J. Biennamé (?) vicaire.

1706 : Frère Laurent.

1717 : P. Boulmer, gardien.

1738 : P. Armand, gardien.

1748 : Frère Moysan, vicaire.

1750 : Frère Robiou, gardien.

1751 : Frère Refuveille, supérieur.

1754 : Frère Albert Duval.

1779 : Frère Salmon, prêche une station à Villamée.

1790 : P. Paul Meneust, gardien.

1790 : P. Bonaventure Cariguel.

1790 : Frère Pascal Henri, convers

On peut ajouter trois noms de Pères qui résidant ailleurs, se déclarèrent en 1790 affiliés au couvent de Saint-François, ce qui signifie, je crois, qu’ils y avaient fait leur noviciat et leur profession et que malgré leur éloignement, ils conservaient des droits à l’entretien sur les ressources de l'Etablissement. Voici leurs noms :

P. Le Remeur, qui mourut à Nantes, victime de Carrier.

P. Lesainthomme, qui peut-être fit du ministère à Laignelet pendant la Révolution après le départ du curé constitutionnel Desrues.

P. Le Tanneur, qui appartenait probablement à une famille de ce nom habitant le pays.

D’autres religieux devaient également appartenir à des familles du pays : notamment le Frère de Botherel de Malhère (en Laignelet), le Frère Le Mercier, le Frère Le Corvaisier ; Auffray, Meslin, Meneust sont aussi des noms connus dans la région.

Il ne semble pas que les Cordeliers aient jamais été très nombreux à Saint-François.

Des rapports établis en 1790 nous apprennent que le couvent ne comportait, en plus de la « principale chambre » que huit cellules de religieux ; les autres pièces habitables étant destinées aux hôtes. — Un passage de ces rapports semble indiquer que les Pères recevaient des pensionnaires.

En 1664 il n’y avait, paraît-il, que six religieux à Saint-François (Archives municipales de Fougères).

Il y eut neuf profès en 1683 (MAUPILLE : Notice sur les paroisses des cantons de Fougères, p. 84 - Mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VIII)) ; en 1770, il n’y en avait que quatre (REBILLON : Situation économique du clergé, p. 424) ; cinq, en 1785 (Chanoine GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, III, 141), et deux seulement en 1790.

En plus, il y avait des frères convers. Il y en avait un en 1770 et un en 1790 et il pouvait y avoir des novices. Il y en avait en 1634, 1653 et 1659. — Les novices versaient une dot ou constituaient une rente en entrant au couvent. Ces rentes étaient d’environ 80 livres et pouvaient s’affranchir par un versement de 1.500 livres (Inventaire des titres du couvent).

Voilà à peu près tout ce que l’histoire nous apprend d’un couvent qui a eu trois siècles et demi d’existence.

Il existe bien dans le pays quelques vagues légendes auxquelles on ne doit pas se fier ; c’est ainsi qu’on m’a assuré qu’au moment de la Révolution le gardien devait être le Père Blanc ; et nous verrons que c’est faux. On a parlé aussi d’un Frère Anselme que d’aucuns appellent Asseline, qui serait mort tragiquement. Ce n’est pas plus certain. Il circule plusieurs versions sur cette mort : l’une est romanesque, peu édifiante, et sur plus d’un point invraisemblable ; selon une autre il s’agirait simplement d’une noyade accidentelle.

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LA REVOLUTION ET LA SUPPRESSION DU COUVENT

En 1790, il y avait à Saint-François trois religieux seulement : deux prêtres et un frère convers.

M. Guillotin de Corson dit qu’un des moines de Saint-François nommé Louis Remeur, périt victime des noyades de Carrier à Nantes le 16 novembre 1793. Ainsi présenté, le fait n’est pas tout à fait exact Le Père Remeur avait en effet quitté Saint-François, je ne sais depuis quand ; il résidait à Nantes, où on le qualifie de « confesseur de religieuses », et âgé de 60 ans environ. — En 1790 on le dit néanmoins agrégé à la maison de Saint-François. — Il en était de même pour un Père Lesainthomme, âgé de 36 ans, résidant à Trois (?) en Poitou (peut-être les Trois-Moustiers en Vienne) et pour un Père Le Tanneur, âgé d’environ 36 ans, résidant à la maison de Saint-Brieuc.

Les seuls moines présents en 1790 étaient le Père Paul Meneust ou Le Meneust, âgé de 50 ans — le Père Bonaventure Cariguel, âgé de plus de 70 ans, — le Frère Pascal Henri, âgé de 50 ans (Note : De plus un domestique portait la bure sans avoir fait de voeux. C’était un tertiaire s’appelant Paul Lecomte. Deux autres domestiques aidaient au « faire valoir »).

Le Père Meneust est dit affilié à la maison du Mans et le P. Cariguel à celle de Dinan.

Les religieux furent mis en demeure le 21 mai 1790 de déclarer s’ils désiraient rentrer dans le monde, ou s’ils préféraient continuer la vie commune dans des Maisons où les religieux seraient réunis au nombre d’au moins vingt.

Sans se prononcer catégoriquement parce qu’ils voulaient attendre à connaître la nouvelle Constitution, ils marquèrent leur préférence, le gardien pour la vie commune, les deux autres pour la vie privée.

Le gardien était le frère du recteur de Saint-Léonard. Il mourut peu après (3 novembre 1790) au presbytère de Saint-Léonard, chez son frère.

Le domestique portant la bure fut de bonne heure renvoyé par les administrateurs du district de Fougères. Le P. Cariguel et le Frère Henri, avec 2 domestiques qui s’occupaient des bestiaux et des terres, restèrent donc seuls au couvent.

En vertu des lois révolutionnaires les ordres religieux étant supprimés (février 1790), les biens meubles et immeubles du couvent étaient confisqués, et une pension devait être servie aux religieux. Cette pension fut fixée à 1.000 livres par an pour le P. Cariguel à cause de son âge, et à 400 livres seulement pour le Frère Pascal Henri. La pension n’était due qu’à partir du 1er avril 1791, date à laquelle les couvents devaient être évacués.

Un premier inventaire avait été dressé le 21 mai 1790 par la municipalité de Landéan. Il fut complété par d’autres le 27 octobre 1790 et le 18 février 1791, établis par les administrateurs du district.

Le P. Cariguel et le Frère Henri ne vivaient pas en bonne intelligence. Le premier, dans des lettres coupées de textes latins, se plaignit aux membres du district. Ceux-ci, le 29 novembre 1790, avaient mis les scellés sur les logements non occupés et sur le caveau, ce qui ne plut pas au Frère Henri, ni sans doute aux autres habitants de la maison, domestiques compris ; car il arriva que les scellés du caveau furent brisés, la serrure forcée, la porte ouverte, et une notable quantité de vin et de cidre consommée...

Après tout ces provisions appartenaient plutôt à la maison qu’à la Nation : « C’était notre bien », déclara non sans raison le Frère Henri.

Lorsque les administrateurs du district s’aperçurent de ce fait, le 18 février 1791, jour où ils étaient venus inventorier la bibliothèque, il y eut grand tapage : les administrateurs firent des menaces ; ils calculèrent ce que chaque personne avait pu boire, et crièrent au vol et au scandale !

Mais le scandale n’était pas si grand que le disaient les membres du district ; ils s’étaient trompés dans leurs calculs, n’ayant pas tenu compte des deux domestiques, ni des allants et venants qui, les uns et les autres, n’étaient pas sans boire.

En ce coin désert de la forêt, les religieux, par tradition, se montraient accueillants et hospitaliers envers les forestiers et les passants. On en trouve une preuve dans un récit de visite en forêt de 1542 où on lit ceci : « Et ce faict, avons entré au dict couvent de sainct Françoys ; et après le disgnez d’iceluy jour suismes partiz du d. sainct Françoys... ».

Les administrateurs n’étaient cependant pas sans soupçonner que les moines avaient pu se faire aider par des amis à vider les bouteilles, car ils sommèrent le P. Cariguel et le Frère Henri de fournir des explications ; mais ceux-ci ne pouvant sans les compromettre désigner leurs convives, préférèrent se laisser traiter d’ivrognes et de voleurs (Notes : Les mêmes administrateurs traiteront bientôt également de voleuses les Ursulines qui avaient essayé de sauver de la spoliation une partie du linge de leur maison).

L’EXPULSION.

Quoi qu’il en soit, le district décida de retenir sur le traitement des deux moines, par prélèvements successifs, la valeur du litige. Puis on leur remit un quartier de ce traitement, une partie des effets à leur usage personnel, et on les expulsa (20 février 1791). — On eut cependant honte d’expédier ainsi le vieux Père Cariguel qui ne savait où trouver un gîte ; on lui permit de passer encore une nuit au couvent, mais on exigea qu’il partît dès le lendemain matin.

Un « gardiataire » nommé Pierre Herbert fut désigné pour veiller avec les domestiques à la « conservation du tout » jusqu’au jour de la vente.

Le P. Cariguel se retira à Dinan et prêta le 17 septembre 1792 le serment de Liberté-Egalité ; il mourut dans cette ville âgé de 73 ans, le 11 février 1793.

Le Frère Henri se plaignit au Département ; il qualifia de « tyrannique » le procédé dont on s’était servi à son égard ; mais rien n’y fit. — Il semble alors avoir désiré continuer la vie commune ; le District lui indiqua la maison de Rennes désignée pour recevoir les religieux ; mais je ne crois pas qu’il s’y soit rendu.

Le 27 mars 1791 on le voit revenir à Saint-François pour recevoir le mobilier de sa cellule, que lui remit un administrateur. On ne sait ce qu’il devint.

Vente des biens du Couvent.

Le mobilier, le matériel, les provisions et les bestiaux furent vendus à l’encan du 14 mars au 21 avril 1791. On possède le détail très long des objets vendus, de leurs prix et les noms des acheteurs.

On voit adjuger morceau par morceau des outils de jardinage, des ustensiles de cuisine, de la literie, du linge, un peu de vaisselle d’étain, d’autre de faïence, quelques meubles sans valeur, du foin, des provisions, des vaches...

Le produit de la vente atteignit 3.067 livres 3 sols 3 deniers.

Les acheteurs furent nombreux et parmi eux se trouvaient des gens de toute catégorie.

Le peu d’argenterie du couvent fut joint aux vases sacrés et ornements et apporté au District par la maréchaussée.

Puis, le 5 avril 1791, le couvent, l’enclos, l’étang, le moulin, les terres et prés de Saint-François furent vendus nationalement aux enchères publiques à Fougères, et adjugés à Julien-Marie Le Harivel pour la somme de 31.000 livres.

Le même jour, 5 avril 1791, la maison servant de caserne à la maréchaussée et la chapelle Saint-Gorgon furent adjugées à François Liger au prix de 8.300 livres.

Peu après son acquisition, M. Le Harivel « ne voulant point, dit un procès-verbal, fronder les opinions des gens de la campagne qui verraient d’un mauvais oeil détruire cette église, désirant d’ailleurs pour sa commodité et celle de ses voisins y conserver sa chapelle », demande à acheter l’autel, les boiseries de la chapelle, l’horloge et la cloche du couvent.

L’administration du District consentit, le 21 mai 1791, à vendre pour 80 livres, prix d’estimation, l’autel et les boiseries à M. Le Harivel.

Quant à l’horloge, elle fut mise en adjudication sur le prix d’expertise, soit 72 livres, et adjugée à M. Le Harivel sans autre enchérisseur. Les estimations avaient été faites par M. Julien Pierre dit Saint-Martin.

Le District voulut attendre la décision de l'Assemblée Nationale relativement aux cloches. Il est probable que la cloche de Saint-François fut envoyée avec un certain nombre de cloches des églises et chapelles de la région à la fonderie de Rennes, le 4 juin 1793.

De même l’argenterie du couvent dut être envoyée, de 1791 à 1794, à la Monnaie de Nantes, ou à la Convention, jointe à l’une ou l’autre des expéditions faites par le District des vases sacrés des églises et chapelles fermées.

Bibliothèque.

Les administrateurs du District, pour se conformer à la loi, avaient procédé, le 18 février 1791, à l’examen détaillé de la bibliothèque qui comprenait environ 800 volumes laissés à l’abandon dans un grenier.

Le Père Cariguel déclara que les livres intéressants avaient été enlevés, il y avait déjà longtemps, par les Provinciaux de l’Ordre. Ce qui restait fut jugé de peu de valeur ; c’étaient des ouvrages de philosophie et de théologie, la plupart en latin ; il y avait un bon nombre d’in-folios.

A la fin de mai 1791 tous ces livres furent amenés à Fougères par les soins des administrateurs du District et réunis aux volumes provenant des autres maisons religieuses fermées.

Un ancien bénédictin assermenté, du nom de Marye, retiré au Pont-Dom-Guérin (où il tenait, je crois, une petite école), fut chargé le 20 septembre 1794 de mettre tous ces livres en ordre. Le 3 novembre suivant, Marye proposa d’en constituer une « bibliothèque nationale ». Une partie de ces ouvrages doivent se trouver actuellement à la Bibliothèque municipale de Fougères (Note : Mary du Domaine se rétracta après la Révolution à Saint-Léonard. C'était un bénédictin du Bec. Il était né à Mortain).

Archives.

Les archives qui étaient très nombreuses, mais en assez mauvais état, au dire de la municipalité de Landéan, étaient ou furent réparties en quarante-cinq sacs. Elles furent amenées au District. — Déjà le livre des recettes y avait été remis le 7 septembre 1790 ; et le 25 novembre de la même année, trois autres registres y furent également déposés.

Ces documents n’ont pas été retrouvés.

Un procès-verbal du 8 décembre 1793 nous apprend que « différents papiers provenant des maisons religieuses, les livres, les ornements et autres objets de même origine, furent brûlés ou dévastés par les Vendéens lors de leur passage à Fougères au début de novembre 1793 ».

Heureusement le District avait fait procéder par un professionnel, notaire ou procureur, à un inventaire détaillé des titres de Saint-François. C’est de cet inventaire que nous avons plusieurs fois parlé. Il est intitulé « Bref état des titres et pièces au soutien de la propriété des maisons, moulins, terres et héritages, situés en la forêt de Fougères, cy devant appartenant aux religieux Cordeliers établis en lad. forêt, par de Laignelet » (sic).

Ce « bref » état qui contient en réalité plus de cent grandes pages, énumère tous les titres, un à un, en donne un court sommaire et s’applique surtout à relever les dates de l’acte et le nom du notaire qui le rapporta. En marge de la première page une note porte que « les pièces mentionnées dans cet état ont été dilapidées et brûlées par les Vendéens » ; suit un paraphe avec des initiales, où on croit reconnaître celles du nom de Baron, notaire, frère du secrétaire du District.

La destruction de ces archives est infiniment regrettable. L’inventaire, qui par lui-même fournit déjà de précieuses indications, montre que les archives de Saint-François comprenaient en original ou en copie des pièces anciennes ; quelques-unes provenaient des rois et des ducs, des papes même. Elles auraient permis de reconstituer l’histoire de la communauté et auraient fourni des détails précieux sur les moeurs des diverses époques et sur les familles du pays.

Peut-être quelques pièces pourront-elles être retrouvées un jour ou l’autre.

Une délibération du District du 15 janvier 1793 mentionne que « les titres relatifs à Saint-François seront remis à M. Le Harivel sous récépissé, pour être remis au District au premier réquisitoire ».

Ce récépissé existe encore aux Archives départementales et la présence de ce document semble indiquer que les titres n’ont pas été rendus au District.

Il est ainsi rédigé : « 17 février 1793. Soussigné, reconnais qu’il m’a été communiqué primo : un sac n° 1, contenant le nombre de 32 pièces. — 2° un sac N° 2, contenant 8 pièces. — 3° un sac n° 3 contenant 11 pièces. — 4° un sac n° 4 contenant 14 pièces. — 5° un sac n° 5, contenant 12 pièces ; lesquelles, relatives à la propriété de la maison et dépendances de Saint-François sont chiffrées en marge : « Baron » ; et je m’oblige de les remettre au premier réquisitoire qui m’en sera fait de la part du Directoire du district. Ce 17 février 1793. Signé : Le Harivel ».

On peut donc vaguement espérer que les événements qui se précipitèrent firent oublier par les administrateurs les liasses confiées à M. Le Harivel, et que, celui-ci les ayant conservées, elles échappèrent à la destruction des Ven­déens. Il serait fort heureux qu’il en eût été ainsi, mais en tous cas, si ces pièces existent encore on ne sait où elles se trouvent.

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LES BATIMENTS

Le chanoine Guillotin de Corson, dans son Pouillé du diocèse de Rennes, dit que les bâtiments actuels du couvent de Saint-François peuvent remonter au XVème siècle.

Je crois plutôt qu’il ne reste de l’établissement du XVème siècle que la chapelle et la partie inférieure de la façade sur la cour ; l’ensemble du couvent actuel me paraissant dater de la fin du XVIIème siècle ; à cette époque on dut procéder à de grands remaniements, à une réfection presque complète.

C’est du reste une époque où beaucoup d’édifices religieux de notre pays furent agrandis ou reconstruits.

La toiture à la Mansard, ainsi que le fronton du pavillon qui regarde la ferme, indiquent bien cette période ; le large escalier de pierre qui se trouve dans le pavillon rappelle en plus petit celui de l’abbaye de Rillé, construit au début du XVIIIème siècle. Enfin l’inventaire des titres signale des marchés passés par les Cordeliers le 1er juin 1692 et le 5 novembre de la même année avec des charpentiers et des tailleurs de pierres pour « causes de réfections et réparations de leur couvent ». — En 1648, les Cordeliers s’étaient déjà fait donner du bois nécessaire « aux réparations de la maison ». — De plus, je remarque en 1678 un emprunt fait par les Cordeliers, de petite importance il est vrai, 600 livres, mais qui ne fut remboursé qu’en 1700.

Le produit de la vente de l’hôtel Saint-Pierre n’aurait-il pas été utilisé pour la réfection du couvent ? Il me semble que tous ces indices viennent confirmer mon opinion.

Par ailleurs il est visible qu’il a été opéré des remaniements, au cours du XIXème siècle, et peut-être à la fin du XVIIIème. Le 21 mai 1791, M. Le Harivel, devenu propriétaire, avait demandé au District et il en avait obtenu l’autorisation, de procéder à la démolition d’une partie de l’immeuble qui, disait-il, était en très mauvais état et lui paraissait inutile pour « une habitation commode ». Le reste devait être réparé. Un devis détaillé était joint à la demande, mais je ne l’ai pas retrouvé aux Archives,

La chapelle.

La chapelle, ou église, puisque les textes la désignent ainsi, était jadis plus grande. C’est M. Madiot qui l’a diminuée. Le pignon existant sur la cour est son oeuvre ; il a été entièrement reconstruit, avec remploi de quelques matériaux anciens, parmi lesquels on peut citer l’appareillage de la grande porte qui semble du XVème siècle, deux écussons martelés dont le cordon de l'Ordre de Saint-Michel est encore visible. — Par contre un autre écusson placé au milieu du pignon est plus récent. La rose et le rampant du pignon, lequel se termine par une élégante croix sont récents aussi. — La face intérieure de ce pignon est restée inachevée. Alors que les autres murs sont recouverts d’un enduit, celui-là est resté brut ; on voit même encore les trous de boulins.

Le reste de l’église paraît appartenir au XVème siècle ; les fenêtres (Note : Quatre étaient percées dans la côtière Sud ; elles sont de dimensions inégales ; deux sont aujourd’hui murées), de style flamboyant, sont à un seul meneau, à l’exception de celle du chevet qui en compte deux. Cette dernière fenêtre est d’un dessin très pur et très-élégant ; elle est vraiment remarquable.

A l’intérieur, sur un jambage de fenêtre, dans la côtière Nord, se voit un écusson ancien gravé dans l’ébrasement des pierres de l’appareillage ; c’est très probablement l’écusson des Chauvel de la Fontaine (La Chèze) (Note : La présence d’un écusson des de la Fontaine dans la chapelle de Saint-François suppose une libéralité de cette famille pour un enfeu peut-être ou pour des prières ou autres motifs. Cela indiquerait une libéralité antérieure à celle relative à la maison Saint-Pierre ou cela montrerait que cette donation n’est pas de la date que l’on suppose. L’écusson est gravé sur une pierre de l’appareillage d’une fenêtre qui paraît remonter au XVème siècle ou au début du XVIème siècle ; mais l’écusson a pu être sculpté après la construction de la fenêtre), d’argent à 3 branches de chêne englantées de sable, posées en fasces 2-1. Un autel de la chapelle était dédié à la Sainte Vierge. Nous avons déjà dit que les fenêtres étaient garnies de vitres armoriées.

Vers 1925, la chapelle désaffectée est divisée en deux étages par un plancher sur la moitié de sa longueur ; à l’étage supérieur avait été aménagé un petit oratoire ; (c’est sans doute l'oeuvre de M. Le Harivel qui, on s’en souvient, ne voulait pas heurter l’opinion en supprimant la chapelle et tenait à conserver un oratoire pour son usage personnel). On voyait jadis dans cet oratoire des stalles d’un certain mérite qui paraissaient être du XVIème siècle. Elles ont été vendues depuis. La charpente, assez remarquable, paraît contemporaine de celle de l’église abbatiale de Paimpont.

Une des curiosités de la chapelle consiste dans la présence de cinq à six pots acoustiques encastrés dans un des murs. De ces pots acoustiques destinés à éviter les résonances désagréables, on ne connaît actuellement que bien peu d’exemples encore en place.

Vers le chevet, au rez-de-chaussée, une petite manivelle pourrait, selon la remarque de M. le chanoine Mathurin, avoir servi à actionner un rideau pour masquer une fenêtre ou même peut-être pour isoler le choeur, ainsi que l’on fait dans quelques ordres religieux, pendant la célébration de l’office.

Façade sur la Cour.

La partie inférieure doit appartenir au XVème siècle. La façade a par ailleurs visiblement été remaniée.

Elle comportait six frontons à l’étage mansardé ; au premier étage six petites fenêtres devaient probablement éclairer un long couloir ; au rez-de-chaussée trois portes en anse de panier, avec chanfreins abattus en gorge et relevés en contre-pointe au milieu de l’arcade ont bien le même aspect que certaines portes des grosses tours du château de Fougères, lesquelles sont du XVème siècle.

M. le chanoine Mathurin, curé-doyen de Saint-Sulpice, pense que cette façade devait vraisemblablement être précédée d’un cloître. Un mur dont on voit encore les traces au ras du sol, parallèlement à la façade, devait supporter les colonnes. Un grand nombre de pierres moulurées, toutes semblables, dont quelques-unes servent aujourd’hui de socles aux poteaux d’un hangar de la ferme, doivent provenir de ce cloître disparu (Note : L’existence d’un cloître est prouvée par ce passage du procès-verbal de la vente du mobilier de Saint-François : « ...les jeunes pommiers des cloistres, vendus au sr. Le Breton pour 4 livres 15 sous ... ». Il paraît qu’on avait transformé l’intérieur du cloître en verger ou en pépinière. L’article suivant de la vente est relatif à « plusieurs petits pommiers du verger vendus au sr Hubert pour 25 sous... »).

Il est probable que la galerie couverte qui courait le long de la façade devait aux deux extrémités se retourner perpendiculairement, d’une part contre la chapelle (laquelle était plus longue que maintenant), et d’autre part le long d’un bâtiment disparu, démoli par M. Madiot qui le remplaça par un élégant pavillon beaucoup moins long.

Le cloître devait ainsi avoir une certaine ampleur ; il se prolongeait peut-être jusqu’au mur qui fermait la cour.

Façade sur l’étang.

L’aspect de la façade sur l’étang peut faire illusion sur la date de sa construction : les chanfreins en gorge des petites fenêtres des cellules du premier étage, la forme en anse de panier des voûtes des ouvertures du rez-de-chaussée pourraient porter à croire à l’ancienneté de la façade.

Mais si l’on considère la toiture à la Mansard qui implique pour le moins un remaniement au XVIIème siècle ; si l’on porte attention au caractère d’unité de la façade qui semble faite d’un seul jet ; si l’on considère l’excessive simplicité de l’appareillage des ouvertures du rez-de-chaussée où l’on n’aperçoit ni moulure ni chanfrein, sauf à la porte du milieu dont l’arête est abattue en gorge ; si l’on remarque encore que la gorge de cette porte ne se relève pas en contre-pointe au milieu du cintre, et que la rose ovale qui la surmonte n’est même pas chanfreinée, bien qu’elle appartienne au même appareillage ; si l’on examine enfin la couleur de certaines pierres qui semblent relativement neuves ; si l’on pense à tout cela on devient hésitant ; on n’ose plus attribuer une date ancienne à cette façade.

Et si l’on se rappelle qu’à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème les ouvertures en anse de panier sont fréquentes ; et qu’à Fougères notamment elles furent à cette époque en grande vogue, puisqu’on en retrouve encore beaucoup d’exemples [rue Pinterie, Grand-Rue, place Saint-Léonard, place d'Armes (A la Tête Noire), rue de la Forêt, etc.], parfois à demi-dissimulées derrière une moderne devanture de boutique, si l’on se rappelle cela, on est amené à supposer que toute la façade est de la fin du XVIIème siècle ; avec cette restriction cependant que les fenêtres du premier étage, en partie tout au moins, furent construites avec des pierres de remploi provenant d’un édifice plus ancien.

La façade a d’ailleurs belle apparence avec ses six frontons, ses treize petites fenêtres carrées qui aéraient les cellules des moines, et les onze fenêtres et les deux portes du rez-de-chaussée, voûtées, comme nous l’avons dit, en anse de panier.

A une extrémité, le chevet droit de la chapelle fait une légère saillie sur le grand corps de logis. A l’autre extrémité le pignon d’un pavillon paraissant ancien formait également saillie. Dans ce pignon ont été pratiquées des ouvertures relativement modernes.

Les alentours.

La cour d’honneur du couvent, dans laquelle se trouvait le cloître, et à laquelle on accédait par une avenue, était fermée par un haut portail qui lui aussi paraît être du XVIIème ou du XVIIIème siècle. — A côté se voit une croix de pierre qui semble plus ancienne, et qui pourrait provenir du petit cimetière voisin.

Au bout de l’avenue une petite maison pouvait servir de loge au Frère portier ; elle paraît ancienne, du XVIème siècle peut-être ; elle renferme une assez jolie cheminée de granit.

Dans la pelouse, du côté de l’étang se trouve un bassin. On se demande comment on y amenait l’eau.

Un oratoire de dimensions fort restreintes se trouvait au bord du chemin dans la direction du moulin ; il était encastré dans le mur de l’enclos, et sa façade était ouverte, défendue seulement par des barreaux de bois. Un autel était surmonté de la statue de saint François d’Assise. Il devait y avoir aussi une statuette de la Vierge, car j’ai entendu appeler cet oratoire : « Chapelle de Bon-Secours ». — Son ancienneté ne paraissait pas considérable, mais il était en assez grande vénération dans le pays. On y venait, à genoux au bord du chemin, implorer saint François ou la Sainte Vierge pour obtenir la guérison de la riffle, disent les uns, du croup, selon d’autres. — La disparition de ce petit sanctuaire qui donnait un aliment à la piété et ajoutait au pittoresque du lieu est à regretter.

Pour l’agrément du site, l’étang vient d’être rétabli ; la chaussée s’était rompue. Elle a été solidement réparée.

On m’a assuré que cet étang, qui fut pêché, paraît-il, en 1870, ne l’avait pas été depuis 72 ans. Cela paraît concorder avec ce que l’on sait de la mort de l’abbé Duval, recteur de Laignelet, tué en 1799, au Saudre-Emoussé, un jour que l’on pêchait l’étang de Saint-François. Mais est-il vrai qu’il n’avait pas été pêché depuis ?

Faut-il dire que, selon quelques-uns, la fameuse statue de saint François en or fut jetée par les moines dans l’étang lors de leur expulsion (c’est peut-être le Frère Henri qui fit le coup ? !) ; alors que, selon d’autres, elle fut enterrée au pied d’un grand sapin dans le parc ; d’autres encore prétendent qu’elle fut enfouie dans la forêt...

Peu importe du reste ; ce qui est certain c’est qu’on aura beau la chercher, on ne la retrouvera pas !

Les voies de communication.

Bien que le couvent de Saint-François fût situé en pleine solitude, l’accès en était facile.

Il se trouvait placé entre deux routes dont l’une, jadis très fréquentée, était connue sous le nom de Grand Chemin de Bâzouges : c’est la route actuelle de la Verrerie à Chateaujaume. On la suivait pour aller de Fougères à l’abbaye de Savigny.

L’autre, qui aujourd’hui aboutit à la Croix-au-Mort, sur la route de Fougères à Laignelet, est parfois appelée dans les vieux actes (Réformation de 1664, p. 46) : « Grand chemin de la Croix-Janvier à Fougères ».

Il semble que ce dernier chemin était tombé en désuétude avant que le service vicinal ne l’eût rétabli.

Une autre route passait à la porte même du monastère. Dans un document de 1541 [Réformation du domaine de Fougères (1541). Archives départementales d'Ille-et-Vilaine) on la désigne ainsi : « Chemin par où l’on va du lieu et maison de la Tendrais à l’église et couvent, de Saint-François ».

J’ai l’impression qu’il s’agit là d’un chemin public destiné à relier plusieurs voies de communication importantes : Grand chemin de la Croix-Janvier, — Grand chemin de Bâzouges, — Vieille route de Caen (ou chemin Mellouen qui passait à Chenedé), — Chemin de Gâte-Sel (chemin du cimetière se dirigeant vers Parigné).

Le chemin en question ne pouvait avoir été créé uniquement pour relier la Tendrais et Saint-François, ces deux lieux n’ayant pas entre eux des rapports nécessaires et étant séparés par une propriété qu’on peut qualifier de nationale, aussi bien au temps des barons de Fougères que de nos jours. Il se peut aussi qu’il ait eu pour but de desservir le moulin qui, comme je l'ai indiqué, semble avoir été établi là depuis fort longtemps.

Un acte de 1658 défend aux religieux de clore les deux charrières qui sont dans la coulée. — Où sont ces deux charrières ?.

E. Pautrel

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