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LE CHATEAU DE LAMBALLE.

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Au commencement du XVIIIème siècle, les ruines du château de Lamballe étaient encore assez importantes. Voici ce que l'on trouve dans un mémoire contemporain : « Les fortifications de ce château sans parler des deshors consistoient dans un renfort nommé Villemarquer à l'orient, près duquel estoit une platte-forme extrêmement élevée où l'on mettoit une batterie de canon pour commander une hauteur qui estoit de ce costé là assez près de ce fort ; tirant vers midy est l'église de Notre-Dame dont tout le chœur en dehors est dispozé pour servir de fortification et commande cette mesme hauteur ; on y voit encore les échauguettes, les guerittes, un parapet, des embrazures et des logemens pour les soldats , pratiqués sur les voutes des recherches [Note : La valeur de ce mot n'a pas encore été fixée ; je pense qu'il doit être rapproché des chapelles de la Cherche ou Recherche qui existaient dans quelques églises de Bretagne et de Normandie. M. Fr. Michet suppose que cherche vient de l'anglais church, église. M. le Héricher se rapproche, je crois, davantage de la vérité en y retrouvant une partie de l'église, et non pas l'église tout entière : Il pense que c'est la circata, l'abside avec le tour de ses chapelles] de l'églize ; il y avoit de plus un ravelin du costé du midy, et le este estoit flanqué de six tours, une desquelles qui joignoit la porte du château renfermoit huict estages, dont le premier estoit de douze pieds de hauteur. La ville avoit autres fois aussi ses murailles dont on voit encore des restes, et où il y avoit trois grandes portes et deux petittes qui ouvroient sur six fauxbourgs qui l'environnent. Il y avoit aussy plusieurs tours ». Cinquante-deux, suivant le chanoine Jean Chapelain.

Château et Chapelle des ducs de Penthièvre à Lamballe (Bretagne).

Aujourd'hui il ne reste plus que les fortifications de l'église Notre-Dame, ancienne collégiale et chapelle castrale ; une maison de mince apparence et relativement moderne occupe une partie de l'emplacement du château [Note : Cette maison, pendant quelques années, a servi d'asile aux sourds-muets recueillis par M. l'abbé Garnier, avant que ce respectable ecc!ésiastique, à force de persévérance, eût fondé le bel établissement qui s'élève auprès de Saint-Brieuc] ; le reste est converti en jardins et en promenades publiques dont la création remonte à Julien Chomel syndic des bourgeois en 1643, et le complément, au maire Bisuchet en 1800. Le bâtiment jadis construit pour conserver les archives des ducs de Penthièvre, est vide depuis que tous les titres qui y étaient déposés ont été classés dans des salles réservées des Archives départementales, à Saint-Brieuc.

J'ai pensé que les lecteurs de la Revue de Bretagne et de Vendée me permettraient de mettre ici en ordre toutes les notes que j'ai pu réunir sur cet antique donjon dont le nom appartient à l'histoire de France.

Sur le grand chemin de Rennes à Saint-Brieuc, via Redonensis non loin du point où cette voie traversait la rivière de Goissan s'élève un rocher au pied duquel était jadis un oratoire construit en l'honneur de saint Paul [Note : Ecclesiam, eciam sancti Michaëlis apud Monte consulare, cum terris et decimis et possessionibus suis, capellam de Lanna-Pauli cum decimis suis et possessionibus, Coetmaioch etc. (D. M. l. 616. — Arch. de Rennes)]. Etait-ce un souvenir du premier évêque de Léon, ou d'un ermitage habité par quelque pieux anachorète dont la légende est oubliée ? — Je ne puis répondre à cette double question. Il m'est seulement permis d'affirmer que ce rocher et le territoire qui l'entourait faisaient primitivement partie de la paroisse de Maroué [Note : Lamballe était cerné complétement par Maroué et les trèves de cette ancienne paroisse, presque jusqu'aux fossés. D'après une tradition les recteurs ne Lamballe furent longtemps obligés de remplir le devoir pascal dans l'église de Maroué] ; la chapelle de Lanna-Pauli donna son nom à cette petite circonscription qui plus tard s'appela Lamballe.

Une agglomération d'habitations était groupée autour de cette chapelle, sur la gauche du chemin actuel qui se dirige vers Moncontour ; l'emplacement de ce village, depuis longtemps livré à la culture, s'appelait au XIème siècle Vetus Lambala, plus tard les vieilles Lamballes [Note : « Dedit Deo et beato Martino veterem Lambalam... et totam illam terram que est inter novam Lambalam et aquam que vocatur Goissan ». (Act. de Saint-Martin de 1084). Dans un aveu de 1741, on lit : « Autre pièce de terre appellée la Vieille Lamballe, contenant deux journaux de terre ou environ, joignant à la terre de la seigneurie de Mouexigné, d'autre à terre d'Ollivier Bertho ». Il faut rapprocher ce texte de la mention des Grands et petits Saint-Pal, ainsi que du pré du même nom relatée dans l'aveu de Penthièvre de 1682]. Dans toute cette partie du territoire la charrue met au jour des débris anciens qui remontent jusqu'à l'époque gallo-romaine [Note : Feu M. Cornillet, qui s'occupait avec tant de zèle des antiquités de Lamballe, avait recueilli plusieurs de ces débris qui sont aujourd'hui déposée au musée de Saint-Brieuc. Dans la chronique du chanoine Jean Chapelain on lisait, « Le vieux Lamballe est au-dessous du tertre où est la justice. Me Français Fruot, hoste de la Corne-de-Cerf à Saint Melaine, en a fait tirer quantité de beaux mérains et pierres »] ; il y a lieu de croire que la chapelle de Lanna-Pauli s'éleva sur l'emplacement de quelque bourgade antique ruinée par les invasions normandes. Il existe de nombreux exemples analogues sur tout le littoral du diocèse de Saint-Brieuc.

Je suis porté à penser que Geoffroi Boterel I, fils du comte Eudes, dans le dernier quart du XIème siècle, construisit le château de Lamballe ; après la forteresse il fonda le prieuré de Saint-Martin dont les archives nous ont été conservées. Geoffroi Boterel, toujours en guerre avec les aînés de sa maison, dut chercher à défendre ses domaines du côté de Rennes. Ce qui pouvait encore subsister du Vetus Lambala fut abandonné, et les habitants se rapprochant des remparts du comte, formèrent le burgum du nouveau Lamballe, appelé en 1144 Lambalum opidum [Note : Quineciam quicumque manserit in elemosina que est inter cenobium eorum et Lambalum opidum. (Act. de Saint-Martin de Lamballe)].

Les plus anciens actes fournissent peu de détails sur cette ancienne forteresse ; une charte de 1084 mentionne un moulin situé devant sa porte [Note : Dedit eciam predictus comes (Goffredus) molendinum quemdam ante portam ipsius castri situm. (Act. de Saint-Martin de Lamballe)], ainsi que le marché public qui s'y tint quelque temps [Note : Convenit eciam inter eum (comitem) et monachos ut ipse, mercatum suum de terra ilia quam eis donaverat anbi transferret quod quidem ita fecit, et eum in castrum transtulit. Nec multo post hominibus patrie illius mercatum ipsum infra castrum propter incomoditatem loci ferre non votentibus, accessit sepedictus comes ad monachos.... et peciit ab eis quatinus mercatum ipsum in terra sancti Martini iterum transferri permitterent. (id.)] ; vers la même époque on constate encore l'existence d'une autre porte qui paraît avoir fait partie de l'enceinte du bourg [Note : Quamdam terram ante portam Lambauti que vulgari sermone vocatur Guarda, quia in medio ejusdem terre quidam parvus mous insurgit. (id.)].

Le Penthièvre étant tombé au pouvoir du duc Pierre Mauclerc, la forteresse de Lamballe fut épargnée. Si ce prince était porté à détruire les tours des barons, il savait se servir des positions stratégiques qui, dans ses mains, servaient utilement à consolider son système de centralisation despotique. Aussi il conserva le forteresses de Lamballe et de Jugon. En 1213 nous voyons Pierre Mauclerc fixer à huit livres la redevance que le prieur de Saint-Martin était tenu d'acquitter pour la garde du château [Note : Mihi nihil retinens propter ejusdem domus beneficia et oraciones exceptis octo libris mihi per manum prioris ejusdem domus in quadragesima Domini de gardugio annuatim reddendis. (Act. de Saint Martin)].

Il n'est plus question du château de Lamballe ensuite jusqu'au milieu du XIVème siècle. Pendant sa longue lutte contre Jean de Montfort, Charles de Blois en fit compléter les fortifications ; sans le prévenir, ses officiers enclavèrent l'église Notre-Dame dans le système de défense, et le pieux duc, pour soulager sa conscience, crut devoir faire une aumône : il donna au recteur une rente annuelle de trente florins, et à « l'œuvre » de l'église quatre-vingt-dix florins (D. Morice, II, 33). Quelques années plus tard, le château de Lamballe était la résidence habituelle du connétable de Clisson et de Beaumanoir, pendant la guerre qu'ils faisaient au duc. Livré à celui-ci par le traité du 20 juin 1387, Bertrand Gouyon, qui y commandait, s'y laissait surprendre, le 10 juillet suivant, par Beaumanoir, qui « échella et entra de nuict dans la ville et dans le chasteau ».

Chaque siècle avait dû apporter au vieux donjon du Penthièvre des modifications et surtout des augmentations, principalement à dater de Guy de Bretagne. Aux barons des XIVème et XVème siècles, à Marguerite de Clisson, la résidence d'un comte breton du XIème devait sembler trop étroite. Néanmoins, je pense que la principale tour de Geoffroi Boterel avait été respectée. Dans la société féodale le donjon primitif était le témoin traditionnel des droits et de la propriété du seigneur sur sa terre ; nous connaissons en Bretagne des châteaux qui, réduits à un simple pan de mur, donnaient à leurs possesseurs les droits de hauts-justiciers ; il arrivait même parfois que de la noble masure il ne dépendait pas assez de terre pour nourrir un simple vassal. Dans le courant de cette étude, je noterai les textes qui me paraissent établir que, lorsqu'en 1696 le comte de Toulouse acheta la seigneurie de Lamballe à la princesse de Conti, la tour de Geoffroi Boterel existait encore.

Depuis la réconciliation du connétable de Clisson avec le duc de Bretagne, ce prince était en paix avec les Penthièvre ; mais Marguerite de Clisson élevait ses enfants dans des sentiments de haine et d'ambition qui amenèrent le guet-apens de Chantocé. Dès le commencement de janvier 1417, Olivier de Blois faisait à Lamballe des préparatifs qui laissaient deviner une prise d'armes imminente. — Jehan Gaudin, son argentier, demandait à deux architectes, « Olivier Le Maczon et Olivier Le Blanc, massons, » un devis assez considérable : il s'agissait de terminer deux tours commencées depuis peu de temps, et de faire une porte surmontée d'une grande salle dans la courtine qui reliait ces deux tours ; le prix total du devis s'élevait à 750 livres, et les travaux furent adjugés au rabais, le 20 janvier, moyennant 550 livres, à Jamet Mabille, qui s'était associé Simon Ridemoine, Pierre Villeeuvees et Jehan Le Père. Le comte de Penthièvre fournissait la pierre, la chaux et le bois ; les entrepreneurs s'engageaient à avoir terminé pour la Toussaint [Note : Le document original auquel j'emprunte ces détails est trop long pour que je la donne ici, malgré tout l’intérêt archéologique qu'il présente].

En janvier et en mars 1420, on travaillait encore à compléter les fortifications du château de Lamballe ; nous y voyons, par des anciens comptes, construire des barbacanes, ainsi que le « parapet du hourd sur le grand mur ; » on « combloit de terre » la tour située « sur l'esve de la garenne, » ainsi que l'autre tour « procheine de l'esglise Nostre-Dame ; » on rasait des maisons, afin d'élargir les douves qui étaient curées et approfondies ; on établissait des « chollez » dans les salles, ainsi que des moulins à bras et des cabanes sur les remparts. « L'huis de l'engin du chasteau estoit recousu de cloux ; » [Note : Les charpentiers, payés à raison de 2 sous 6 deniers la journée, employaient du bois pris dans la forêt de Maroué. Un compte de 1390 établit que, sous Jean de Penthièvre, le charpentier et son valet étaient payés à raison de 24 livres par an. On voit que les travaux extraordinaires de 1420 étaient rétribués à un taux bien supérieur] les tours et le portail étaient convertis en genêts ; enfin on ouvrait la porte Moguel [Note : Dans un acte de 1243 , nous voyons Eudes Corin, prêtre, et son frère Ruellan, donner à l'abbaye de Saint-Aubin quamdam plateam sitam in Lambalia extra muros, ante portam Guillelmi Moguel, juxta plateam Stephani Redion, in feodo de Lescoit], qui était pourvue d'un pont.

Cependant le duc de Bretagne était prisonnier d'Olivier de Blois le 13 février, et, dès le 27, le maréchal de Coëtquen, par ordre de la duchesse, venait, camper sous les murs de Lamballe. Les comptes des receveurs font mention des travaux exécutés de nuit, pendant le siège : on éleva un « chaffault » sur les portes Moguel et Saint-Martin, maçonnée à neuf ; une « cabane » est établie sur le pignon de l'église Notre-Dame ; les charpentiers établissent quatre engins, tant pour la ville que pour le château. Des maçons, des charpentiers, des maréchaux travaillaient sans relâche aux échauguettes, à « clore l'huys et confriter les murs, » à faire « le troit pour canons et engins ; » tout cela coûta 180 livres 5 sous 4 deniers.

Le maréchal de Coëtquen poussa vigoureusement le siége, et, afin de faciliter le passage de ses troupes, fit construire, à travers un marais, un pont de pierre qui conserva son nom ; le 6 mars, la ville était bloquée.

Olivier de Blois, à la nouvelle du péril qui menaçait l'une de ses principales forteresses, essaya d'arracher à son prisonnier des ordres pour arrêter le zèle du maréchal. Il se rendit dans la chambre du duc, « à grands bruits d'armes et de haubergeons, reniant Dieu et se donnant au diable, » s'il ne le faisait périr sans délai, et s'il ne mettait sa tête sur la plus haute de ses tours. Le duc effrayé envoya Jean de Kermellec pour engager le maréchal à épargner Lamballe, mais Coëtquen, n'obéissant qu'à la duchesse, continua ses opérations : le château capitulait le 12 avril. — Le mois suivant, le 19 mars, la duchesse ordonnait de « dislacérer les murailles et forteresses des chasteau et ville de Lamballe ».

Toutes les paroisses des châtellenies de Penthièvre, de Jugon et de Moncontour, ainsi que celles du Turnegoët furent convoquées à prendre part à cette oeuvre de destruction qui était dirigée par Herczart, « maistre des œupvres de la Hunaudaie » [Note : Les représentants de chaque paroisse recevaient une distribution de pain, lorsqu'ils avaient démoli une longueur déterminée des murailles ; ainsi les gens de Moncontour eurent pour leur part trois douzaines et demie de pains à quatre deniers l'un. — D. Morice, II, 1031]. Les tours construites en 1417 furent minées et étayées ; on mit le feu aux étais et les constructions s'écroulèrent. Cinq mois après, Olivier de Blois visitait les ruines de sa forteresse en compagnie de Guillaume Deshaes, « mestre des œuvres du chasteau ; » mais il n'eut le temps d'y rien faire exécuter ; ce fut seulement en 1422, dans l'année qui suivit la confiscation définitive du Penthièvre par le duc de Bretagne, que l'on pensa à réparer les moulins et les chaussées depuis longtemps négligés, et à retirer quelques poutres des décombres de 1420.

En 1441, le sénéchal Jean Troussier et son lieutenant Rolland Boschier dressaient un état des travaux faits à la tour de Lamballe. Neuf années plus tard, le 20 juillet 1450, le duc Pierre nommait Jean Guité au gouvernement du Coulombier de Lamballe, et le faisait, en outre, « controleur des œupvres et réparations des murs et forteresses dudit lieu, » ainsi que du pavage de la ville [Note : Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble que la tour ou le coulombier de Lamballe ne sont autre chose que l'ancien donjon de Geoffroi Boterel qui avait été démantelé sans être compris dans la démolition de 1420 ; j'y crois reconnaître la tour à huit étages qui existait encore en 1690]. Ces réparations étaient peu importantes, comme nous le verrons dans un instant, et, en 1489, les troupes anglaises mises en quartiers d'hiver à Lamballe achevèrent d'apporter le désordre dans l'ancienne forteresse du Penthièvre ; un chroniqueur prétend qu'ils ne se firent pas faute d'y brûler des maisons et des édifices publics.

En 1555, le duc d'Etampes, alors propriétaire du Penthièvre, songea sérieusement à reconstruire le château de Lamballe, qui alors « estoit du tout inhabitable ; » nous verrons plus bas que son but principal était de faire revivre une source de revenus que la force des choses avait tarie.

Le duc d'Etampes s'entoura, à cet effet, d'hommes spéciaux ; c'était l'époque où les de l'Orme avaient la réputation d'être les architectes les plus experts de France. On sait que Philibert de l'Orme visita plusieurs fois , sous François Ier, les côtes et les forteresses de Bretagne ; il alla principalement à Concarneau, à Brest et à Saint-Malo. Or, Philibert avait un frère, nommé Jean, qui lui succéda comme « commissaire général des réparations et fortifications de Bretaigne, et général de la maçonnerye du royaulme de France » [Note : Dans son livre intéressant sur Les grands Architectes français de la Renaissance, M. Adolphe Berty, p. 45, paraît croire qu'en 1552 Jean de l'Orme avait été remplacé dans sa charge de général de la maçonnerie ; nous le voyons cependant porter encore ce titre en 1555 ; il se qualifiait, en outre, « Jehan de l'Orme, sieur de Saint-Martin, valet de chambre du roy »]. Le duc d'Etampes appela donc auprès de lui Jean de l'Orme, et lui adjoignit Jean Frigneulx, voyer de Bretagne et maître-maçon à Nantes, Yvon des Poullains, maître-maçon à Lamballe, et Pierre Guichard, maître-maçon pour le roi en Bretagne [Note : Pierre Guichard avait fait « la haulte guerre de ses plus jeunes ans ; » il était dans Turin quand cette ville fut assiégée, prit part à l'assaut de Pavie, sous M. de Saint-Pol. Il avait travaillé aux fortifications de Montmélyant en Savoie, d’Estappe en Picardie et de plusieurs places en Provence].

Ces architectes constatèrent que, depuis un siècle, les habitants de Lamballe avaient construit leurs demeures dans les douves et jusque sur les ruines des remparts ; de ce nombre était le seigneur de Crénan. — On y voyait même un colombier, et une chapelle sous le vocable de saint Julien, on ne pouvait plus rétablir l'escarpe et la contrescarpe sans démolir au moins six maisons. Dans ce document je note les murs de quelques tours : des Prises, Trouvée, celles de Bariot, de l'Ave Maria, de la Fleur de Lis ; je remarque aussi l'arbalestrye, établie dans les fossés.

Le devis des travaux rédigé var Jean de l'Orme, comprenait entre autres choses la construction d'une porte, avec pont-levis à bascule, outre les deux tours situées du côté de la ville ; l'exhaussement de ces tours ; l'établissement d'un mur de trois toises de hauteur entre l'église Notre-Dame et la galerie neuve ; de trois portes, dont deux grandes surmontées des armoiries du duc d'Etampes. Il s'agissait, on le voit, de restaurer les clôtures de la forteresse, plutôt que les bâtiments servant au logement [Note : Les fondations des nouvelles murailles étaient estimées dans le devis au prix de soixante livres tournois ; ce chiffre peu élevé s'explique par ce fait que presque partout on retrouvait les anciens fondements. Dans les flancs des tours on devait pratiquer des canonnières pour chacune desquelles était allouée une somme de vingt livres tournois. Les parements intérieurs et extérieurs étaient en pierre de taille, et la maçonnerie en briques ou moellons]. Le devis fut accepté, le 14 février 1455, par Pierre Guichard, qui devait avoir terminé les travaux pour la Saint-Jean-Baptiste [Note : Ces travaux furent suivis d'autres, pendant plusieurs années ; suivant la Chronique de Lamballe de Jean Chapelain, en 1558, Guillaume du Chastel, capitaine de Brest, ayant mis en déroute un corps anglais qui était descendu dans le Bas-Léon au nombre de 10.000 hortunee, envoya ses prisonniers au duc d'Etampes, qui les fit travailler au château et aux fortifications de Lamballe ; ces prisonniers étaient au nombre de 1.700]. Dans un document de l'année suivante sur lequel je reviendrai, P. Guichard rappelle qu'il a reconstruit la nouvelle enceinte du château de Lamballe sur les anciennes murailles, qui avaient douze pieds d'épaisseur ; que dans ses travaux, il a retrouvé une grande quantité de boulets d'artillerie en pierre ; que les nouveaux murs ont de neuf à dix pieds d'épaisseur, et qu'ils s'appuient sur le roc de telle sorte que s'ils venaient à être renversés, le château resterait néanmoins en plate-forme ; il parle aussi de la nécessité de compléter les moyens de défense en construisant un cavalier de huit pieds pour mettre la place à l'abri d'une hauteur voisine.

Château et Chapelle des ducs de Penthièvre à Lamballe (Bretagne).

Lorsque la reconstruction des fortifications du château de Lamballe fut arrêtée et même commencée, on agita la question qui était le motif véritable de ces travaux.

Je n'ai pas besoin d'entrer ici dans de longs détails sur le droit de guet ; mes lecteurs ne sont pas sans savoir que les vassaux devaient concourir personnellement, et à des époques fixées, à la garde du donjon seigneurial. Par suite de cette obligation, le vassal, en temps de guerre, pouvait s'y réfugier avec sa famille et avec ses biens. Plus tard ce service fut transformé en un cens, sorte d'impôt qui s'acquittait par feu, en temps de guerre comme en temps de paix [Note : D'après le compte du receveur Morice de Lesmelleuc, le droit de guet à Lamballe était perçu, en 1412, à raison de 10 sous par feu, moitié en août et moitié en février ; il portait alors sur 1652 feux, ce qui représentait un revenu de 825 livres 7 sous. Nous avons vu plus haut le cens de guet imposé au prieuré de Saint-Martin de Lamballe, alors que le service personnel existait encore]. Lorsque le château était en ruines ou sans défense, le guet, comme le cens de guet, cessait de plein droit ; or, au milieu du XVIème siècle, et depuis 1420, c'était le cas dans lequel se trouvait le château de Lamballe [Note : Voy. d'Argentré, p. 367, la constitution du duc Pierre II. Lorsque les châteaux étaient démantelés, les aveux réservaient soigneusement le devoir de guet pour le cas où les fortifications seraient rétablies. Le 7 août 1429, pendant son court séjour à Lamballe, Olivier de Blois exemptait du devoir de guet et du cens de 10 sous, dûs pour l'année précédente, quelques individus « en appareil d'arbalestriers pour la tuicion et garde du chasteau ». Il s'agissait probablement de vassaux qui n'avaient pu s'acquitter de leur service, par suite du blocus du maréchal de Coëtquen].

Plusieurs paroisses, particulièrement celles de Ploubalay, Saint-Enogat Planguenoual, Saint-Lourmel Saint-Denoual, Saint-Glen Tregomar et Henanhihen, se refusèrent à payer le guet ; il fallut faire une enquête pour constater la légalité de ce devoir. Henri II, par lettres du 30 juillet 1556, maintint le duc d'Étampes dans son droit, en faisant observer que si, pendant longues années, la ruine des fortifications du château avait exonéré les vassaux du Penthièvre de cette prestation, il n'en était plus de même maintenant que « nostredit cousin entend faire réédifier et construyre ledict chasteau ».

A l'enquête se présentèrent un grand nombre de gentilshommes, et parmi eux René du Cambout, gouverneur et grand-maître des eaux et forêts de Bretagne, son fils cadet, Geoffroi de Chateautro, seigneur du Cartier [Note : Le témoin déposa qu'il était resté une belle tour de l'ancien château], capitaine des francs archers de l'évêché de Saint-Brieuc, le sire du Guemadeuc, etc. Je remarque aussi l'architecte Pierre Guichard, le procureur syndic de la ville de Saint-Malo, et Pierre l'Abbé, écuyer, seigneur de la Rivière-Quédillac [Note : Je note ce témoin parce qu'à l'exemple de P. Guichard, il profita de cette circonstance pour rappeler ses états de services. Pierre l'Abbé avait fait, en 1539, l'expédition de Plémont dans les troupes royales, et avait servi sous « les sieurs de Lange, l’admiral d’Annebaut et le prince de Melphe ; » il avait vu faire une partie des fortifications de « Thurin, Montalte, Pignerol, Saimlain, Carmeignolles ; » comme lieutenant du capitaine Blancfosse avait vu faire partie des « forteresses des forts de Boullongne, du Mont, de Chastillon, esquelles deux places il a esté plus de deux ans en garnison, et avoit esté en plusieurs places des frontières de Picardie et de Champaigne »].

Les paroisses qui se refusaient à prendre part au guet du château de Lamballe n'excipaient pas seulement de la désuétude dans laquelle la redevance était tombée ; elles soutenaient aussi que leur grand éloignement de la capitale du Penthièvre rendait pour elles la nouvelle forteresse peu profitable. Dans l'enquête on s'attacha à établir que le château, avec ses dix canons, était très-utile pour arrêter les descentes qui pourraient avoir lieu dans la baie d'Iffiniac, à Dahouët et à Erquy.

Lorsque les guerres de la Ligue éclatèrent en Bretagne, Lamballe, alors au duc de Mercœur, eut à souffrir plus que toute autre place. Du Matz prétend que le château « n'estoit en ce temps là nullement fortifié ny gardé ; » je crois que cette apppréciation est inexacte : le duc de Mercœur augmenta les fortifications faites par le duc d'Etampes, et d'ailleurs il y a un fait certain, c'est que le château de Lamballe, trois fois assiégé, ne fut jamais pris.

Le premier siége commença le 17 septembre 1589 ; les seigneurs de Chasteauneuf, du Pont, de la Hunaudaie, du Guemadeuc, de la Moussaye, d'Assérac, de Chemillé, de Molac et de la Magnanne [Note : La Chronique de Lamballe, de Jean Chapelain, nomme M. de Montsoreau au lieu de La Magnanne] prirent la ville et la ravagèrent pendant trois jours.

Au mois de juillet de l'année suivante, les mêmes personnages revinrent à Lamballe par ordre du prince de Dombes, et cette fois, cherchèrent à s'emparer du château ; mais leurs efforts échouèrent devant la valeur de ses défenseurs dont la Chronique de Lamballe nous a conservé les noms : le capitaine Mesnage Le Roy, le sieur des Fourneaux le Picard, le sergent Bourdays la Garenne, la Serre et la Merlaye.

En 1591, le 21 janvier, les garnisons de Moncontour, de Quintin, de Saint-Brieuc, du Guemadeuc, de la Hunaudaye, de Limoëlan, de la Moussaye, du Parc et de la Latte, entraient à Lamballe, vers six heures du matin, par escalade et livraient la ville au pillage.

Après un combat acharné de trois heures, les troupes du château chassèrent l'ennemi qui laissa dix-sept morts. Sans la trahison d'une femme qui leur ouvrit une porte vers le faubourg qui conduisait à Moncontour, il ne se serait pas échappé un homme. Les ligueurs dans cette affaire perdirent neuf des leurs et, parmi eux, le sieur des Fourneaux, Marc Boschier, Guillaume de Troguindy, Henri Gillet et le sieur du Chauchois, de Henantsal [Note : En 1591 d’après un état conservé aux archives d'Ille-et-Vilaine, la garnison de Lamballe était composée d'une compagnie de cent harquebusiers et de « vingt cuyrasses »].

Le dernier siége de Lamballe eut lieu le 16 juillet 1591 ; le prince de Dombes le dirigeait et avait avec lui ses principaux lieutenants, M. d'Assérac, de Coëtquem, de la Hunaudaye, de Molac, de la Moussaye, de Liscoët, de Montmartin et de la Tremblaye. La ville bientôt emportée, on s'attaqua au château ; une mine fut éventée, et, pendant trois jours et trois nuits, les canons des assiégeants préparèrent une brèche par laquelle furent tentés inutilement plusieurs assauts. La place, malgré l’énergie de ses défenseurs, aurait été forcée de se rendre peut-être, si deux événements n'étaient survenus à temps pour éloigner les troupes royales : d'abord la blessure mortelle du célèbre La Noue Bras-de-Fer, qui était venu avec la compagnie du comte de Montgommery ; ensuite, l'annonce de l'arrivée du duc de Mercœur accourant au secours de son château. Pendant ce siège, qui dura huit jours, les Anglais et les lansquenets du prince de Dombes profanèrent les églises et ravagèrent tous les environs de Lamballe.

Depuis cette entreprise, le château de Lamballe n'eut plus à repousser que quelques tentatives de la garnison de Moncontour. — Pendant cette période le duc de Mercoeur, en 1593, fit faire quelques travaux moyennant 1850 écus, par Fr. Gillet, de la paroisse de Trebry. Il s'agissait alors d'un « coulidor, sur les contre-escarpes du grand et petit chasteau, à commencer au coin dudict petit chasteau vers et au joignant de la rue du Val et continuer jusques à une plate-forme qui est au bout et avis l'esglise et grande vitre de Nostre-Dame, estant ladicte esglise en l'enclos dudict grand chasteau, ». Ce « coulidor, » de quatre pieds de hauteur au-dessus des contrescarpes, avait cinq pieds de largeur ; dans ce travail était compris le nettoyage des fossés et la réparation des talus.

En 1606, Marie de Beaucaire afféageait un terrain sis « sur les ruines des fortifications près la tour aux Chouettes ; » il s'agit ici de l'enceinte de la ville, qui avait singulièrement souffert pendant les guerres civiles. L'année suivante, Henri IV autorisait la veuve du duc de Mercœur à lever 15,000 livres sur ses vassaux du Penthièvre, conformément au traité secret de 1598, pour être employées à réparer ses maisons en Bretagne. De 1608 à 1611, on travaillait aux terres, aux guérites et au corps de garde du château. En juin 1610, le sieur Péchin, capitaine de Lamballe, avait reçu ordre de la duchesse de cesser la forte-garde qui se faisait au château depuis la mort du roi ; il prétendit exiger alors que les habitants lui fournissent douze hommes pour former un poste ; la communauté des habitants, réunie à son de caisse dans l'auditoire, réclama en faisant observer que la tranquillité générale du pays ne justifiait pas une mesure extraordinaire ; que s'il s'agissait de rétablir le service personnel du guet, il y avait lieu d'y appeler les paroisses astreintes à ce devoir. La communauté eut aussi à s'opposer aux prétentions du capitaine Péchin, qui voulait transformer l'une des tours en donjon. Les Lamballais faisaient valoir qu'il suffisait de « deux valets, maîtres du donjon, pour faire la loi au château et à la ville ; il ne pouvait en résulter que la retraite des bourgeois riches, qui ne manqueraient pas d'abandonner une place qui eût été à la discrétion de malveillants ou d'ennemis publics » [Note : Pendant les guerres, on avait transporté au château de Dinan les titres, papiers, tapisseries et meubles des châteaux de Lamballe et de Moncontour. Un monitoire de 1603 nous apprend que ce dépôt avait été pillé en 1598 par les habitants de Dinan, lors de la capitulation du capitaine Lassalle].

La part que le duc de Vendôme prit dans la lutte de la haute noblesse contre la cour de France, porta le dernier coup à la forteresse du Penthièvre qui, cette fois, disparut si complètement que, malgré mes recherches, il m'a été impossible d'en trouver un dessin ou un simple croquis de plan. Ce nom de Penthièvre, pendant des siècles, semble avoir eu pour destinée d'être porté par des rebelles : César, duc de Vendôme, l'avait du chef de sa femme, fille unique du duc de Mercœur.

Il avait pour capitaine, dans son château de Lamballe, Charles Budes, seigneur du Hirel, du Plessis-Budes et de Guébriant, qui avait, en outre, la charge de garder le hâvre de Dahouët et Verdelet. Charles Budes était accompagné de ses frères, Julien, seigneur de Blanchelande en Trégueux, capitaine de cinquante-huit gens d'armes à pied, au traitement de 100 livres tournois par mois, et le seigneur de la Combe.

Pendant ces dissensions, Lamballe fut l'arsenal du duc de Vendôme, qui en faisait venir des escouades d'ouvriers pour les travaux d'Ancenis [Note : Lamballe et la paroisse de Maroué fournissaient des gastadours ou pionniers qui avaient une certaine renommée ; suivaint Albert le-Grand, le roi breton Salomon, lors du siège d'Angers, où les Normands s'étaient enfermés, fit détourner la rivière de Maine par deux mille Lamballais, « excellents gastadours ». Ceci est la légende ; mais ce qui est véritablement historique, outre la mention que je viens de noter en 1614, c'est la lettre écrite en 1565 par le sieur de Sain-Agathe à Sébastien de Luxembourg pour lui annoncer qu'il lui est difficile, au commencement de l'année, de lui envoyer 15 ou 20 Lamballals. A cette époque de l'année, ces hommes se décidaient difficilement à quitter leurs demeures. — Un mandement du duc de Vendôme ordonnait aux fermiers de la seigneurie de Lamballe de payer à Du Hirel 3775 livres pour la solde de la garnison, et pour faire face à la dépenee des travaux de fortification du château], et, à plusieurs reprises, y prenait des armes; nous voyons le sieur de Montigny recevoir à Lamballe « huit mousquetz, deux arquebuses et quatre fourchettes, vingt corselets garnis de leurs haussaires ; » une autre fois, le duc demandait trois douzaines de « balles de Berges, cinquante livres de grosse poudre, trois pièces de fer avec leurs boîtes ». Au mois de juin 1614, on brûlait une charretée de bois pour chauffer les ferrures avant de les appliquer à la « grosse coulleuvrine ». J'ai eu occasion de voir plusieurs mandements ordonnant la délivrance, à Lamballe, de canons, de mousquets, de bandoulières et d'arquebuses montées à la walonne ».

La rebellion du duc de Vendôme ranimait dans les domaines de Bretagne le souvenir encore chaud des derniers troubles ; les magistrats ne réprimaient pas les désordres ; des motifs d'amitiés, de sympathie politique ou d'alliances de famille faisaient fermer les yeux sur des excès dont le principal mobile n'était parfois que la vengeance particulière. C'est en vain que l'on adressait au duc de Vendôme des plaintes comme celle-ci, par exemple : « Certains portantz qualitez de gentilshommes et qui les suivent et assistent, allant, venant et séjournant en ladicte ville et forsbourgs de Lamballe, tant aux jours de foires et marchés qu'autres, après avoir beu et yvrongné, font et apportent plusieurs troubles et scandales publicz, jurant et blasphémant le saint nom de Dieu, battent, tuent et offensent tant à coups d'espées que aultrement plusieurs des habitantz et aultres personnes, troublent et empeschent le repos et traficq publicq ».

M. de Vendôme songea à réprimer ces désordres, lorsqu'il s'aperçut qu'il était temps de faire sa soumission. Au commencement d'août 1614, le sénéchal de Lamballe, Olivier Bertho, reçut des ordres formels à cet égard ; c'était peu avant l'arrivée à Nantes du roi et de la régente qui venaient faire l'ouverture des Etats (16 août). Depuis le mois de mai, César de Vendôme voyait avec une certaine anxiété « la file perpétuelle des gens de guerre marchant du côté de la Bretagne » forcer la cour à envoyer dans cette province un régiment de Suisses, le régiment de Rambures, et six compagnies de chevau-légers ; moyennant 100,000 livres et une amnistie, il était disposé à rentrer dans le devoir.

Le 30 août, étant à Derval, M. de Vendôme mandait au capitaine Budes de La Combe de licencier plusieurs compagnies, à commencer par la sienne ; il devait faire choix de cent gardes et renvoyer les autres dans leurs foyers, « les contentant le plus possible de belles paroles ». La Combe avait la mission assez délicate de leur prouver que l'argent qui était disponible devait être employé à indemniser les particuliers volés ou pillés ; le prévôt devait se charger de convaincre par des moyens plus énergiques ceux qui fermeraient l'oreille aux belles paroles.

Cependant les Etats de Bretagne voulant mettre fin aux troubles qui, depuis si longtemps, ruinaient la province au profit d'ambitions particulières, demanda au roi la démolition des fortifications de Lamballe et de Moncontour. Cette requête fut accordée avec une certaine restriction ; on devait démolir simplement les travaux exécutés depuis six mois. M. de Vendôme, craignant que, sous prétexte de raser les travaux neufs, on ne démolît complétement son château de Lamballe, envoya le capitaine La Combe aider du Hirel à surveiller l'exécution des ordres royaux.

Le 1er septembre, le roi étant à Angers, désignait un exempt de la compagnie des gardes pour aller, accompagné du sieur Louët Peschart, conseiller au parlement de Bretagne, procéder à la démolition des châteaux de Broons, Lamballe et Moncontour. Ces deux commissaires, avec une forte escorte sous les ordres du sieur de Saint-Luë, vinrent s'établir à Lamballe, laissant voir des dispositions peu rassurantes. Du Hirel, soutenu de la noblesse des alentours et de 120 hommes qu'il avait fait entrer dans la place, défendit le terrain pied à pied, de manière à ne pas désobéir au roi, et à laisser démolir le moins possible. Dans cette circonstance, Du Hirel fit preuve de tact, de prudence et de fermeté, alors que son maître ne lui avait donné que des instructions assez vagues [Note : Dans une lettre du 22 septembre, le duc de Vendôme écrivait à Du Hirel, entre autres choses : « Je loue votre prudence en tout ce que vous avez faict pour la démolition des nouvelles fortifications de Lamballe et vous remercie que cette prudence, ait esté accompagnée d'affection envers moy ». Dans une lettre du mois suivant, on trouve ce passage : « Comme vous avez commencé est de laiser entièrement exécuter la commission du Roy, et si on entreprend de l'excéder, empeschez par bonne voie et sans main mise qu'on ne fasse plus que sa volonté »]. De même, quand le maréchal de Brissac voulut abattre les fortifications qui se liaient à la collégiale et dominaient la rue du Val, ainsi que le centre de la ville, Du Hirel protesta ; le parlement ordonna de poursuivre, mais, le 16 octobre, le duc de Vendôme obtenait des lettres-royaux qui lui permettaient de conserver ces murailles dont la construction remontait évidemment au due de Mercœur [Note : Nous avons sous les yeux une lettre de Louis XIII, adressée le 31 juillet 1615 à Du Hierel, qui donne des détails intéressants sur l'animosité que le Parlement de Bretaigne laissait voie contre M. de Vendôme. Les intentions du roi étaient que le château restât clos, et que les habitants concourussent à la garde de la ville].

Château et Chapelle des ducs de Penthièvre à Lamballe (Bretagne).

La soumission de M. de Vendôme n'était pas franchement offerte ; en août 1615, sous un prétexte de préséance, il se rendait en Guyenne, faisait de nouvelles levées d'hommes, rappelait à lui ses anciennes bandes, et, tout en protestant de sa fidélité, à la fin de janvier 1616, il se rapprochait de la Bretagne. En février, avait lieu sa jonction avec le prince de Condé.

Vers cette époque, il écrivait à Du Hirel de recevoir au château de Lamballe et de protéger le sieur de la Roche-Giffart, poursuivi par M. de Montbarot, et lui enjoignait de ménager la noblesse du Penthièvre, « à laquelle il va peut-être faire un appel ». Les comptes de Du Hirel, datés de 1617, indiquent des armements qui étaient commencés, puis suspendus pendant cette période ; en décembre 1615, on mettait une garnison de quarante-cinq hommes dans le fort construit au rocher de Verdelet ; le 13 mars suivant, Alain Thomelin s'y logeait avec ses soldats, se disant envoyé par le sieur de Kerveno, et s'y maintenait, malgré les protestations de Du Hirel, jusqu'au mois de mai.

Le duc de Vendôme, ayant été compromis dans la conspiration du prince de Chalais contre Richelieu, fut emprisonné pendant quatre mois et perdit son gouvernement. Les Etats de Bretagne saisirent cette occasion pour demander la démolition complète des places fortes qui lui appartenaient ; le 30 juillet 1626, Louis XIII ordonnait la démolition complète des forteresses de Lamballe, de Moncontour, de Guingamp et d'Ancenis, et, en 1649, le duc de Vendôme recevait une indemnité de 330,000 livres à cause de la destruction des « chasteaux de sa femme ».

« Le mardy 15 septembre 1626, dit le chanoine Jean Chapelain dans sa Chronique, on commença à démolir le château jusqu'au samedy 28 novembre dudit an, pendant lequel temps le maréchal de Thémines, gouverneur du pays, fist son entrée à Lamballe ».

(Anatole de Barthélemy).

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