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CAHIER DE DOLÉANCES DE LAMBALLE EN 1789

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GROUPE DE LAMBALLE
(Ville de Lamballe ; Paroisses de Morieux, Maroué, Saint-Yves-la-Poterie, Noyal-sous-Lamballe, Meslin, Trégenestre, Plestan, Pléboulle, Hénan-Bihen).

En tête des paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc rattachées au territoire de la sénéchaussée de Rennes comme appartenant au duché de Penthièvre, qui relevait directement du Parlement de Bretagne, nous avons tout naturellement placé la ville de Lamballe, siège de l'administration du Penthièvre. A la suite du cahier de cette ville, nous avons groupé ceux des paroisses dont les assemblées ont été présidées par les principaux officiers de la justice du duché et dont certaines, comme Morieux et Maroué, sont de véritables faubourgs de Lamballe : Morieux, dont l'assemblée (1er avril), fut présidée par le procureur fiscal Boullaire de la Villemoisan, Maroué (31 mars), avec sa trève de Saint-Yves-de-la-Poterie (sans date), Noyal-sous-Lamballe (31 mars) et Meslin (1er avril), où la présidence des assemblées appartint à Le Dissez de Pénanrun, sénéchal du duché, ce qui explique les similitudes existant entre ces deux derniers cahiers ; au cahier de Meslin, nous avons joint celui de Trégenestre (2 avril), sa trève. Nous terminons ce groupe par les cahiers de Plestan (3 avril) et de Pléboulle (4 avril), parce que les procès-verbaux des assemblées de ces paroisses mentionnent expressément l'absence des officiers de Lamballe auxquels appartenait la présidence, et nous y avons ajouté le cahier d'Hénan-Bihen (29 mars), paroisse qui était le siège de la juridiction du même nom, parce que son assemblée a été présidée par P.-J. Quintin, celui-là même qui a présidé l'assemblée de Pléboulle. — Dans la plupart des cahiers, on retrouve l'influence des Charges d'un bon citoyen de campagne, dont d'ailleurs la paroisse de Plestan s'est bornée à reproduire le texte imprimé.

VILLE DE LAMBALLE.

Subdélégation de Lamballe. — Dép. des Côtes-du-Nord, arr. de Saint-Brieuc, chef-lieu de canton.

POPULATION. — En 1781, 3.031 hab., non compris les maisons nobles et religieuses (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4368) ; — en 1789, 917 feux (Procès-verbal) ; — 4 à 5.000 hab. (Arch. Nat., BA 26) ; — en 1793, 3.845 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 162).

CAPITATION. — Rôle de 1788 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4107) ; 916 articles ; total, 4.526 l. 7 s. 9 d. ; se décomposant ainsi : capitation, 3.097 l. 10 s. 8 d. ; milice, 418 l. 3 s. 5 d. ; casernement, 988 l. 18 s. 8 d. ; frais de milice, 21 l. 15 s. — Total en 1789 (état de répartement arrêté le 23 février 1790), 4.921 l. 6d., se décomposant ainsi : capitation, 3.530 l. 13 s. 8 d. ; milice, 418 l. 3 s. 5 d. ; casernement, 1.092 l. 17 s. 7d ; frais de milice, 24 l. ; non-valuers. 136 l. 14 s. 9 d. (Archives des Côtes-du-Nord, C 43).

VINGTIÈMES. — En 1787, 4.758 l. 6 d.

VINGTIÈMES D'INDUSTRIE. — 75 l.

OGÉE. — A 4 lieues de Saint-Brieuc ; à 15 lieues 3/4 de Rennes. — Il y a une communauté de ville, avec droit de députer aux Etats de la province, une subdélégation, une brigade de maréchaussée, deux postes, l'une aux lettres, l'autre aux chevaux, et un marché tous les jeudis. Sept grandes routes aboutissent à Lamballe, où l’on compte 3.800 communiants. Les habitants font un commerce considérable de blé, de cidre, de parchemin, d'étoffes de laine comme molletons, droguets et autres. Ils ont quatre foires par an, qui durent chacune six jours.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électoral, le 29 mars 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Mathurin-Laurent Micault de Mainville (voir Note 1), maire électif. — Comparants : les bourgeois, notables, artisans, laboureurs et habitants de la ville, composée des paroisses Notre-Dame et Saint-Jean, Saint-Martin et partie de la paroisse de Maroué, dont les noms suivent : Micault de Mainville, maire et correspondant de la Commission intermédiaire (40, 8, 6 ; 1 domestique, 2 ; 1 servante, 1, 10 ; exempt de casernement) ; Le Dosseur (voir Note 2) ; [François] Genty (voir Note 3), ancien maire (48 ; 2 servantes, 3) ; Hervé Destouches, greffier (10 ; 1 commis, 3 ; 1 servante, 1, 10) ; Boullaire de la Villemoisan (voir Note 4), procureur fiscal (20) ; Prével, chirurgien (16 ; 1 servante, 1, 10) ; Labbé (1) ; Limeul (voir Note 5) (24) ; Saullay, commis à la réformation (20) ; Bigot de Préameneu (voir Note 6), inspecteur des domaines du duc de Penthièvre (16 ; 1 servante, 1, 10) ; J. Coz marchand (40 ; 1 domestique, 2 ; 1 servante, 1, 10) ; Lerestif du Rinoux ; [Suliac] Lemaître, marchand (6) ; P[ierre] Poulain, cordonnier (0, 15) ; Le Restif de la Glolais ; Marie [marchand] (1) ; Bahier [marchand et fermier] (36 ; 1 domestique, 2 ; 1 servante, 1, 10) ; Hervé ; La Touche Pinault, greffier de la communauté (5 ; 1 servante, 1, 10) ; Coz fils ; Caro de la Villourmel (sous réserve de revision), ancien avocat, directeur des domaines du duc de Penthièvre (27 ; 1 servante, 1, 10) ; Mathurin Pero, débitant (0, 10) ; Yves Heurtel, fossoyeur (1) ; Duval [notaire royal et procureur (9 ; 1 clerc, 3 ; 1 servante, 1, 10)] ; Auffray (?) ; Josse, commis à la réformation (12) ; Chapplain, notaire (12) ; Audouard (voir Note 7), notaire royal et procureur (12 ; 1 clerc, 3 ; 1 servante, 1, 10) ; Bellanger [ainé, alloué (54 ; 1 servante, 1, 10)] ; Grolleau de la Villegueury (voir Note 8), subdélégué (9, 14 ; exempt de casernement) ; Bertrand, contrôleur des actes (12 ; comme receveur des domaines de la seigneurie, 10 ; pour le bien de son épouse, 14, 11 ; 1 servante, 1, 10 ; exempt de casernement) ; Droguet de la Villeaune (voir Note 9) (28 ; 1 servante, 1, 10) ; Bellanger de Latouche, avocat (6 ; 1 servante, 1, 10) ; Besnier (voir Note 10) ; François Fichet du Portal (voir Note 11) (40) ; 1 domestique, 2 ; 1 servante, 1, 10) ; Le Dissez de Penanrun (voir Note 12), sénéchal et directeur de la réformation du duc de Penthièvre (50 ; pour ses domestiques, 5) ; De la Vergne (voir Note 13), docteur-médecin (27) ; Sevoy de la Villejosse, avocat (8) ; J. Aulanier, avocat (21 ; l servante, 1, 10) ; Rio, procureur (24 ; 1 clerc, 3 ; 1 servante, 1, 10) ; Baratoux, commis à la réformation (6) ; Peltier, procureur et procureur fiscal de la commanderie de Malte (12 ; 1 clerc, 3) ; Lecorre, commis à la réformation (2, 10) ; Revel de l’Etang (54 ; 1 servante, 1, 10) ; Houdu de la Villecario, avocat (3) ; Jean Bichemin, marchand (3) ; Jérôme Rageot, chaudronnier (2) ; Guesnier, notaire et receveur des consignations (22 ; 1 servante, 1, 10) ; Botrel, architecte (15) ; J. Saudrais, marchand (8 ; 1 servante, 1, 10) ; Mellet, chirurgien (11) ; Jean Bichemin ; Hingant ; Le Restif de la Rochegaubert, commissaire aux saisies (15 ; 1 clerc, 3) ; Panel, aubergiste (16 ; 1 garçon d'écurie, 2 ; 1 servante, 1, 10) ; Mouillard [de la Rivière (17 ; 1 servante, 1, 10)] ou [de la Bourdonnais (6)] ; Chanoine, notaire et procureur (3) ; Rouxel ; Lhostelier, l'ancien, huissier (0, 10) ; [Joseph] Heurtaut, marchand (27 ; 1 servante, 1, 10) [ou Gilles Heurtault, marchand (14)] ; Cornillet, marchand et général et d'armes (12) ; Haudrère fils, marchand (18 ; 1 servante, 1, 10) ; Vallerey (5) ; Riallan, marchand (12) ; Joseph Mouésan, marchand et fermier (30 ; 1 compagnon, 2 ; 1 servante, 1, 10) ; Grolleau de Kervot (voir Note 14), ancien maire (30 ; 1 clerc, 3 ; 1 servante, 1, 10) ; Charles Lemoine de Béler ; Labbé ; Michel Loizel, chaudronnier (1, 10) ; François Jehan ; Aulanier du Moulin, marchand (9) ; M. Hubert (1) ; Charles Louet ( ?) ; Jean Le Breton, menuisier [ou drapier] (3) ; Le Maire Crolo, boulanger (2, 10) ; Nivet fils, menuisier (4) ; [Claude] Collas, serrurier (2) ; Lemonnier de la Motte (1) ; Leclerc, huissier royal (2) ; Gesbert, commis à la réformation (17) ; De la Porte (voir Note 15), avocat (33 ; 1 servante, 1, 10) ; Chapplain, serrurier (0, 15) ; Genty, avocat (3) ; L[aurent] Botrel, maçon et entrepreneur (1, 10). — Députés : Le Restif l'aîné, avocat ; De la Porte, avocat ; Caro de la Villourmel, avocat ; Hervé, négociant, « au lieu et place du sieur Bigot qui a déclaré ne pouvoir accepter cette commission, parce qu'elle ne peut se concilier avec la place d'inspecteur des domaines de S. A. S. Mgr le duc de Penthièvre ».

Note 1 : Mathurin-Laurent Micault de Mainville, alloué de la juridiction de Penthièvre depuis 1771, fut élu maire en 1786. Il fut réélu par les citoyens actifs au mois de janvier 1790, mais il disparut de la nouvelle municipalité élue le 14 novembre suivant. Le 2 août 1789, il avait été élu colonel de la garde nationale. Il fut impliqué en 1793 dans la conspiration de la Rouërie, mais le Tribunal révolutionnaire l'acquitta (QUERNEST, Notions historiques et archéologiques sur la ville de Lamballe, dans les Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, t. XXIV, 1886, pp. 135, 140, 141, 143, 178, 182 ; A. BOTREL, La communauté de Lamballe en 1788, 1789 et 1790, dans les Annales de Bretagne, t. XX. 1904-1905, p. 314, n. 1 et p. 315).

Note 2 : Ce personnage est peut-être le même dont il est parlé plus loin, à propos des défrichements effectués dans le Penthièvre.

Note 3 : François Genty, notaire et procureur, avait été maire de Lamballe de 1748 à 1750 (QUERNEST, op. cit., p. 182). II. figure en l'an IX, sur la liste des notables du département, comme ancien maire et homme de loi (KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XV, p. 419). On trouvera sur sa situation sociale des détails interessants dans l'acte de liquidation de la succession de sa femme, Mathurin Macé, en 1788 (Arch. des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, B 577).

Note 4 : Sur Boullaire de la Villemoisan, voy. par ailleurs. — Ce personnage a présidé les assemblées de Coëtmieux, le 4 avril (Ibid.), et de Morieux, le 1er avril (Voy. plus loin). Rectifions ici une erreur commise à son propos par M. KERVILER (Bio.-bibliographie bretonne, t. V, p. 155) et par nous-mêmes (loc, cit.) : Boullaire n'a été député ni à l'assemblée de la sénéchaussée ni aux Etats généraux (Voy. à ce sujet Armand BRETTE, Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats généraux, t. II, p. 385, n. 3). Il a seulement été désigné par la communauté de ville de Lamballe, le 27 janvier 1789, pour être son deuxième député aux Etats de Bretagne (Arch. communales de Lamballe, Registre des Délibérations de la communauté de ville, 1787-1789, fol. 31 v°).

Note 5 : Limeul a assisté De la Porte dans la présidence des assemblées de Quintenic et de Saint-Denoual, qui se sont bornées à donner leur adhesion au cahier qui serait adopté par l’assemblée de la sénéchaussée.

Note 6 : Né le 9 mars 1755 a Rennes, où son père était avocat au Parlement, Alexandre, Etienne Bigot de Préameneu fut avocat au parlement en même temps qu’inspecteur des domaines de Penthievre. Il fut président, en 1795, de l'administration municipale de Lamballe, puis receveur de l'enregistrement. Nous le retrouvons en l'an IX à Bain (Ille-et-Vilaine), où il était sous-inspecteur des forêts ; élu juge de paix du canton de Bain, le 11 pluviôse an X, par 1.111 voix sur 1.796 votants, il fut installé le 1er ventôse suivant ; une lettre écrite par lui au préfet d’Ille-et-Vilaine le 9 nivôse an X donne sur les manœuvres de ses adversaires des details fort curieux. Par décret du 19 mai 1811, il fut nommé conseiller de préfecture d’Ille-et-Vilaine ; il possédait alors un revenu personnel de 5.000 francs et il reprit à ce moment, dans sa signature, le nom de Préameneu, qu'il avait abandonné pendant la Révolution. Destitué par la Restauration, il est mort à Rennes le 1er octobre 1833 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série M, dossiers individuels des conseillers de préfecture, et série U, dossiers des juges de paix ; voy. aussi KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. III, p. 241, et QUERNEST, op. cit., p. 182). Il était le frère du célébre Bigot de Préameneu, qui fut ministre des cultes et membre de l’Académie française.

Note 7 : Audouard a présidé le 3 avril l'assemblée de Landehen. Il fut officier municipal dans la municipalité élue au mois de janvier 1790 (BOTREL, op . cit., p 315).

Note 8 : Louis-Pierre Grolleau de la Villegueury avait été maire de Lamballe en 1785. Il le fut de nouveau de 1808 à 1815 ; il était alors notaire (QUERNEST, op. cit., pp. 182-183 ; voy. aussi KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XVII, p. 223).

Note 9 : Julien Droguet de la Villeaune, né à Pléhérel le 11 janvier 1724, mourut à Lamballe le 15 avril 1793. Sur la famille Droguet, qui avait des alliances nobles, voy, KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XII, p. 341, et René ROUAULT DE LA VIGNE, Un médecin agronome au pays de Lamballe. pp. 4-5. Il était le beau-père du docteur Lavergne.

Note 10 : Peut-être ce personnage est-il le même que Jacques-Julien Besnier, ancien commissaire des guerres, qui fut président de l'administration municipale de Lamballe en 1798 (QUERNEST, op. cit., p. 183) et qui appartint au premier Conseil général du département des Côtes-du-Nord, en l’an VIII (L. DUBREUIL, La Révolution dans le département des Côtes-du-Nord, p. 278).

Note 11 : François-Xavier Fichet du Portal avait été adjudicataire des octrois de Lamballe en 1770 ; il devint président de l’assemblé municipale de cette ville en 1797 (KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XIV, p 52).

Note 12 : Pierre-Trémeur Le Dissez de Pénanrun étail né à Carhaix en 1731, Il fut d’abord sénéchal à Rostrenen, puis à Lamballe. Il fut désigné, le 23 juillet 1788, par l’assemblée des trois ordres réunie à Saint-Brieuc, pour faire partie de la grande députation des cinquannte-quatre Bretons envoyés à Versailles pour demander le retrait des édits de mai (Arch. communales de Lamballe, Registre des délibérations de la communauté [1787-1789], fol. 17 v° et suiv. ; cf. B. POCQUET, Origines de la Revolution en Bretagne, t. I, pp. 271-273). Le 10 novembre suivant, la communauté de ville l’adjoignit à son maire pour assister à la tenue des Etats (Arch. communales de Lamballe, registre cité, fol. 19) ; il n'a cependant pas siégé, car il lui aurait fallu pour cela obtenir l'autorisation du duc de Penthièvre, « mais il a cru que, quand il y aurait réussi, ce petit succés aurait pu prévenir contre lui ceux dont il n'aurait pas été connu » (Ibid., fol. 31). Contrairement à ce que déclare M. KERVILER (Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats généraux, t. II, pp. 122 et suiv.), il ne fut pas député suppléant aux Etats généraux (A. BRETTE, Documents relatifs à la convocation des Etats généraux, t. II, p. 419, n. 3 et p. 385, n. 3). Le 1er juillet 1790, il fut élu membre du Conseil général des Côtes-du-Nord, puis, le 21 octobre, juge au tribunal du district de Lamballe, dont il devint président le 25 novembre 1792. L'élection du 21 octobre 1790 suscita une protestation anonyme dont voici le texte : « Au Comité de Constitution de l'Assemblée Nationale. L'on vient de procéder à l'élection des juges du District de Lamballe. La consternation est générale, parce que l'on y a, je ne scais par quelle fatalité, élu juges les sieurs Le Dissez et de la Porte, l'un et l'autre conseils du ci-devant duc de Penthièvre, le premier aux gages de cent louis, logé, chauffé habituellement, et le dernier aux gages de cinquante louis, mais tous les deux généreusement gratifiés, toutes fois et quantes ils augmentent le revenu du ci-devant duc. Vous sentez bien, Messieurs, dans une telle conjoncture, la répugnance doit être considérablement grande. En effet, comment la ville de Lamballe pourra-t-elle réclamer ses droits usurpés par le ci-devant duc ? Comment les ci-devant vassaux pourront-ils se pourvoir, soit qu'il s'agisse de contester le fond ou la qualité de certains droits, soit qu'il s'agisse de franchissement de rentes en argent, en grains, etc., etc., etc. ? D'ailleurs, combien ne peut-il pas survenir de contestations sur le mode des franchissements, surtout lorsque l'on remontera au principe ou à l'origine des créations ? La ville de Lamballe et toutes les paroisses qui composent le District sont absolument sans confiance. Mais il est un moyen, Messieurs, de la rétablir, cette confiance, c'est d'engager impérieusement les sieurs Le Dissez et de la Porte à opter le service de la nation ou celui du ci-devant duc. Il est physiquement impossible qu'ils soient tout à la fois attachés, dévoués à la nation et au ci-devant duc, autrement les hommes de la naution ou celui du ci-devant à la nation et au ci-devant duc, autrement les hommes de la nation et les hommes du ci-devant duc... » (Arch. Nat., D IV 558 ; nous devons la connaissance de cette pièce à une obligeante communication de M. Léon Dubreuil). En l’an VIII, Le Dissez fut nommé président du tribunal de Dinan, et c’est là qu’il mourut le 9 messidor an XII (R. KERVILER, loc. cit.). Ce dernier auteur a confondu notre personnage avec son fils Pierre-Claude Le Dissez de Penanrun, qui fut élu en 1792 troisième suppléant à la Convention, devint , membre du directoire des Côtes-du-Nord aprês le 9 thermidor, s’enrôla dans les volontaires du département et prit part à la défense de Nantes (Léon DUBREUIL, La Révolution dans le département des Côtes-du-Nord, passim, et renseignements personnellement communiqués par cet érudit).

Note 13 : Lous-Marie Lavergne, né le 25 mars 1756 à Loudéac, où son pêre était chirurgien, fit ses clases au collège de Saint-Brieuc, puis alla étudier la médecine à Nancy. Il vint se fixer à Lamballe à lafin de 1782 et y épousa le20mai 1783 Jacquemine Droguet de la Villeaune, fille de Julien Droguet. Il fut maire de Lamballe de 1794 à 1795, de nouveau en 1795, puis de 1796 à 1797. Il est mort à Lamballe le 5 octobre 1831. Médecin des épidémies et de l’hôpital de Lamballe, il a publié divers travaux techniques, et il obtint en 1787 un accessit de l'Académie royale de médecine pour une étude sur la Topographie physique …. du pays de Lamballe ; il fut un des premiers à encourager la vaccine. En même temps, il s'adonnait aux études agronomiques, propageait par l'exemple et par la plume la culture de la pomme de terre ; il travaillait au reboisement des landes et il se préoccupait d'assurer aux céréales un plus grand rendement. Voy. René ROUAULT DE LA VIGNE. Un médecin agronome au pays de Lamballe : le docteur Lavergne (Saint-Brieuc, 1908, 14 p.. in-8°), extrait du Bulletin archéologique de l'Association bretonne (1907, session de Lamballe).

Note 14 : Pierre-César Grolleau de Kervot, notaire et procureur, fut maire de Lamballe de 1762 à 1766 (GUERNEST, op. cit., p. 182).

Note 15 : Jean-Baptiste de la Porte était né le 8 avril 1755 à Rennes, où son père était notaire ; en 1785, il était procureur fiscal du duché de Penthièvre. Le 31 janvier 1789, la communauté de la ville le choisit pour son troisième député aux Etats de Bretagne (Arch. commun. de Lamballe, registre cité, fol. 32). En 1790, il fut élu second juge au tribunal du district de Lamballe. Député des Côtes-du-Nord à l’assemblée des Cinq-Cents, il fut nommé en 1800 juge au tribunal d’appel de Rennes, et mourut dans cette ville le 18 mai 1824 (LEVOT, Biographie bretonne, t. I, p. 504 ; R. KERVILLER, Bio-bibliographie bretonne, t. XI, pp. 428-429 ; L. DUBREUIL. La Révolution dans le département des Côtes-du-Nord, pp. 190-196 et 219-230, QUERNEST, op. cit., p. 179).

 

Précis d'observations, plaintes et doléances pour la ville de Lamballe.

ARTICLE PREMIER. — Le Tiers Etat forme la Nation ; l’intérêt du peuple est la loi suprême ; ses droits sont imprescriptibles ; on ne peut leur opposer ni possession ni privilèges.

ART. 2. — Les voix doivent être comptées par tête et nom par ordre dans tous les cas, et parce que nos représentants seront toujours en nombre au moins égal à celui des ordres du Clergé et de la Noblesse.

ART. 3. — Nos représentants ne pourront être ni nobles, ni anoblis, ni ecclésiastiques, mais toujours de notre ordre.

ART. 4. — Nul ne pourra présider notre ordre qu'autant que la réunion des suffrages l'aura fait élire au scrutin.

ART. 5. — Tous impôts seront à l'avenir supportés d'une manière égale et par chacun en proportion de sa fortune, sans distinction d'ordres ; et l'on supprimera tous impôts particuliers, sauf à les remplacer, s'il en est besoin, par des impositions générales.

ART. 6. — II ne sera établi ou conservé aucuns subsides ou impôts qu'en proportion des dettes et charges de l'Etat, qui seront à cet effet premièrement liquidées. Ils ne seront accordés que jusqu'à la première tenue des Etats généraux, qui sera fixée à terme court.

Les frais de perception seront diminués. On proposera l'abonnement ou l'affranchissement des impôts qui en seront susceptibles ; ou ceux qui ne seront pas supprimés seront convertis en d'autres, moins onéreux.

La répartition en sera faite par les différentes corporations d'habitants en chaque district, et il ne sera fait qu'un seul rôle pour les trois ordres et pour chaque impôt.

Les contestations ou réclamations des contribuables seront réglées gratis par les commissaires des Etats des provinces

ART. 7. — Tout Français pourra parvenir aux emplois dont il sera capable, sans que sa naissance soit un motif d'exclusion (voir note qui suit).

Note : On peut rapprocher cet article d'une pétition adressée en janvier 1790 à l'Assemblée nationale par le Conseil municipal provisoire de Lamballe, où l'on demandait l'abolition de toute distinction nobiliaire, de toute prérogative réservée à la noblesse, on l'on déclarait dangereuse la noblesse personnelle elle-même, et ou l'on priait l’assemblée d’ordonner « que toute qualification qui ne sera pas la simple dénomination de l'état par lequel un citoyen se rend utile à la patrie soit interdite à tous les Francais » (Arch. Nat., D XIV3).

ART. 8. — Un ordre ne peut pas obtenir le droit de juger seul et souverainement les deux autres, mais la Nation doit au moins le partager. On ne peut donc attribuer au Tiers Etat moins de la moitié des charges des Parlements. Il nous restera à désirer qu'elles ne soient accordées qu'au mérite et à vie, sans finances, à des sujets qui auront les qualités requises pour être les représentants de cet ordre.

ART. 9. — Nous réclamons de nouvelles lois civiles (voir note qui suit) et criminelles, conformes au progrès de la raison ; la réformation de toutes les Coutumes, leur réduction à une seule, ainsi qu'un seul poids et une seule mesure.

Note : La pétition citée plus haut demande « que le patrimoine de chaque famille soit divisé à l'avenir entre tous les héritiers par portions absolument égales ».

ART. 10. — Un nouveau tarif des droits de contrôle et insinuation, qui ne soit susceptible d'aucune interprétation arbitraire, et par lequel il sera statué que, dans tous les cas diuteux ou non prévus, la décision sera en faveur des particuliers.

ART. 11. — La suppression des banalités (voir note qui suit), fuies, garennes et colombiers, celle du droit de chasse (voir note qui suit) au delà des limites des plaisirs de Sa Majesté, parce qu’il est un prétexte ou moyen continuel de vexation.

Note : Un certain nombre d'aveux rendus dans le cours du XVIIIème siècle au duché de Penthièvre, pour des maisons situées dans cette ville, mentionnent l'obligation pour leurs propriétaires de suivre les moulins à blé et à foulon et les fours de la seigneurie (Arch. des Côtes-du-Nord. E 198). Dans la seconde moitié du siècle, il y avait à Lamballe sept fours banaux : trois de ces fours pouvaient fournir chacun en 24 heures 160 rations et les quatre autres respectivement 680, 466, 540, et 392 rations. Quant aux moulins, il y en avait quatre en ville et douze dans un rayon d’une lieue ; ensemble, ils pouvaient moudre 200 sacs en 24 heures, et, en tenant compte des cinq moulins à vent qui se trouvaient dans le même rayon, on pouvait moudre 300 sacs en 24 heures. Le prix de la moûture était, suivant la Coutume, du seizième en nature ou de 24 s. par sac de 200 (Arch. Nat., F12 555). Chaque quartier de la ville avait un four banal aunquel il était effecté, avec défense d’aller cuire ailleurs (Ant. DUPUY, Administration municipale en Bretagne, 2ème partie, p. 72). Sur l’exercice de la banalité à Lamballe, voy. aussi par ailleurs, sur l’entretien des bâtiments des fours et moulins, voy. Arch. des Côtes-du-Nord, E. 66.

Note : En 1753, le receveur du duché de Penthièvre, Marion, avait proposé au Conseil du duc de renouveler le défense de la chasse dans la seigneurie, mais le duc jugea « à propos de laisser les choses en l'état » (Ibid., E 67).

ART. 12. — La suppression enfin de tous les droits seigneuriaux. La puissance législative a incontestablement le droit de disposer des propriétés privées, même les plus légitimes, pour le bien public. Cependant il est juste de ne pas user de ce droit sans payer une indemnité suffisante ; et il serait à désirer qu'elle fût telle que les propriétaires eux-mêmes en fussent satisfaits. On atteindrait peut-être à ce but par une loi gui permettrait aux vassaux de retirer ou affranchir ces droits : 1° en cas de vente faite par le seigneur et sur le pied fixé par les Coutumes ou de l'éventillement qu'on en ferait si elles n'en contenaient pas l'évaluation ; 2° en cas de succession collatérale au delà des degrés de frère et neveu ; 3° par des échanges des domaines de la couronne, surtout des maisons royales non habitées et de ceux qu'elle acquiert sans cesse par contrats, successions, confiscations, abolitions et autres moyens. L'Etat se trouverait un jour seul seigneur. Ainsi s'anéantiraient presque tous les sujets de procès et, avec eux, les trois quarts de notre droit encore gothique. Les lois pourraient être si simples que nos pairs ou jurés pourraient nous rendre gratuitement la justice (voir note qui suit).

Note : Les aveux rendus au duché de Lamballe, au cours du XVIIIème siècle, pour des maisons situées dans la ville de Lamballe mentionnent, en dehors des banalités les devoirs de chambellenage, lods et ventes (le plus généralement au douzième, rarement au huitième), des corvées pour le curage des bieds et rivières de la seigneurie, l'obligation des possesseurs à « cueillette, recette et perception des rentes chacun à son tour et rang, leur étant donné rôle dûment garanti, et d’en payer le reliquat à la coutume » ; les rentes amendables sont assez rares , et l’amende est régulièrement de 15 s. monnaie (Arch. des Côtes-du-Nord, E198).

ART. 13. — Il ne doit y avoir que deux degrés de juridiction, et les subalternes doivent être réunies à celles des lieux principaux selon l'arrondissement le plus commode qu'il sera possible de faire.

ART. 14. — Les officiers municipaux seront amovibles et élus par le Tiers Etat du lieu en assemblée générale.

Certain nombre en sera remplacé tous les deux ans, les anciens conservant néanmoins le droit d'assistance et de représentation.

Les déliberations se feront portes ouvertes, et la commune sera assemblée toutes les fois qu'il s'agira d'intérêts majeurs (voir note qui suit).

Note : La constitution de la municipalité de Lamballe avait été déterminée par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 6 juin 1706. L'assemblée devait être composée : du sénéchal de la juridiction ducale, président ; de l'alloué président en l'absence du sénéchal ; du lieutenant de ladite juridiction ; de l'agent du duché du syndic en exercice ; du procureur du Roi syndic de la communauté ; du recteur en semaine ; du doyen des chanoines de Notre-Dame ; des deux plus anciens gentilshommes établis dans la ville ; des deux plus anciens syndics ; du plus ancien avocat ; du plus ancien procureur postulant, « et, en cas qu'il n'y ait point d'avocat postulant, des deux plus anciens procureurs postulants » ; des deux plus anciens bourgeois, qu'ils soient ou non marchands, et du greffier de la communauté. Un arrêt du 13 avril 1745 confirma pour la ville de Lamballe le droit que les règlements généraux donnaient au receveur des octrois et deniers patrimoniaux de prendre place dans la municipalité et lui assigna rang aussitôt après les juges et l'agent du duc de Penthièvre. L'arrêt de 1706 ordonnait à la communauté de procéder tous le deux ans à l'élection de ses officiers. Dans une délibération prise le 4 janvier 1780 pour répondre à une enquête de l'Intendant, la communauté de ville de Lamballe donnait sur son fonctionnement les indications suivantes : « Tant parce que le nombre des délibérants fixé par les règlements est peu considérable, qu’ils s’y est tounjours trouvé des places vacantes, que parce qu’elle ne peut attendre plus de secours que de ceux qui ont passé par les charges, elle s’est constamment conservé tous ses anciens maires, qui n’ont cessé de tenir rang tant dans ses marches que dans ses assemblés, du jours de leur entrée dans la mairie, après les deux plus anciens ;… par les mêmes motifs on a de tout temps accordé l’entrée et le droit de suffrage à Messieurs du barreau lorsqu’après s’être démis de leurs charges ils ont continué de résider dans cette ville… ; en sorte que, selon les règlements, quand toutes les places de la communauté sont remplies et chacune par un seul sujet, le nombre de ses membres doit être de dix-neuf, y compris le greffier, qu’aujourd’hui, y compris ce dernier et les anciens officiers, elle n’a encore qu’un pareil nombre d’opinants et qu’il y a tout lieu de présumer qu’il en sera toujours de même à l’avenir, c’est-à-dire qu’elle serait au-dessous du nombre que fixent les règlements qui sont ses lois, si elle observaint à la lettre ces règlements … L’assemblée ne peut influer sur le choix des membres auxquels leurs états donnent de droit l’entrée, tels que MM. les juges, agent du duché, miseur, ecclésiastiques, avocats, procureurs, mais elle choisit en cas de vacance, à la pluralité des voix, son maire, son procureur du Roi syndic et son greffier, MM. de la noblesse et les deux plus anciens bourgeois, en ne choisissant cependant son maire, conformément aux nouvelles décisions, que parmi les trois sujets qui ont été agréés par Mgr le duc de Penthièvre… ». La même déliberation nous apprend qu’à cette époque le duc de Penthièvre poursuivaint au Conseil d’Etat l’application, au profit de la ville de Lamballe, de l’arrêt rendu pour celle de Pontivy le 10 mai 1776 (Arch, d’Ille et-Vilaine, C 3932 ; et A BOTREL, op. cit., pp. 296-297).

ART. 15. — L’état des revenus et dépenses du Gouvernement, ainsi que des provinces et de chaque ville, sera mis sous les yeux du public tous les ans, et, quant aux provinces d'Etats, après chaque tenue.

ART. 16. — Le Gouvernement accordera le moins de pensions et gratifications qu'il sera possible, et l'état en sera aissi rendu public annuellement, avec indication des causes qui les auront procurées.

ART. 17. — On n'obtiendra plus en Cour de Rome d'expéditions bursales ou non gratuites. Les évêques rentreront dans leurs droits usurpés, surtout en celui d'accorder des dispenses pour mariage.

ART. 18. — L'inaliénabilité des domaines de la couronne sera modifiée.

ART. 19. — Les douanes seront reculées aux frontières.

ART. 20. — Tous les privilèges exclusifs seront supprimés.

ART. 21. — Les bois devenant d'une rareté inquiétante, il sera pris des mesures pour qu'il soit fait des plantations dans les terrains incultes, et il sera publié une instruction pour faire connaître les espèces de plants qui y croîtraient le mieux.

ART. 22. — On obtiendra un crédit qui fera cesser les difficultés relatives aux privilèges qui ont été accordés pour défrichements. On en sera déchu si l'on brûle les terres, qui par là redeviennent stériles pour longtemps. On sera obligé de les ouvrir et fumer comme les anciennes terres et d'en obtenir un certificat du général de la paroisse, qui ne sera sujet à aucuns droits, sera déposé et joint à la déclaration, sans augmentation de salaire pour le greffier (voir note qui suit).

Note : Jacques-Daniel-Auguste de Farcy, seigneur de Cuillé, conseiller au Parlement de Bretagne, avait été chargé, le 17 février 1736, par le duc de Penthièvre, d'achever la réformation du domaine de ce duché (Paul DE FARCY, Généalogie de le famille de Farcy, Laval, 1891, in-4°, p. 452). Par une ordonnance du 5 avril 1741, il régla le mode d'établissement des soumissions que devraient présenter les personnes désireuses d'afféager des terres vaines et vagues ; le registre ouvert pour l’inscription des adjudications pendant la période 1742-1748 ne contient pas moins de cent cinquante rôles ; dans un mémoire présenté au Parlement postérieurement à l’année 1769, le duc mentionnait des afféagenents de 150 journaux à Ploubalay et de 1.200 journaux à Plestan, localité où le recteur était à la tête de l’opération (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3913 ; voy. Henri SÉE. Les classes rurales en Bretagne du XVIème siècle à la Révolution, p 442) ; dans le domaine de Moncontour, 2.000 journaux avaient été afféagés à une compagnie du Maine et 4.000 journaux à une compagnie de Normandie (Arch. des Côtes-du-Nord, E 68 ; voy. aussy E 554). Consulter également, sur les défrichements dans la région de Lamballe, les Expériences et défrichements par M. LE DOSSEUR, régisseur des terres de Guémadeuc (brochure Imprimée à Lamballe en 1775 et signalée par M. PLIHON, L’imprimerie à Lamballe avant et pendant la Révolution, dans le Bulletin archéologique de l'Association bretonne, t. XXVI, p. 134-138). En ce qui concerne la pratique du brûlement des landes et de l’écobuage et ses inconvénients, voy. Henri SÉE.

ART . 23. — La presse sera libre.

ART. 24. — A tous autres égards, nous nous référons aux arrêtés qui ont été pris par les députés du Tiers Etat de cette province dans leurs assemblées à Rennes aux mois de décembre et février dernier, avec réservation de vérifier si les seigneurs ont remboursé à la province ce que lui a coûté l'acquisition du droit de lods et ventes des échanges, et parce que, si l'on affecte à l'entretien des grands chemins quelques droits ou objets particuliers, ce sera autant que tous les ordres y contribueront également ; qu'enfin, si l'on ne réclame pas la restitution de ce qui aura été indûment exigé du Tiers à tous égards, il sera du moins indemnisé par de justes compensations.

ART. 25. — Les villes situées, comme Lamballe, sur la route de Brest se trouvent sujettes à de fréquents passages de troupes, qui sont une surcharge accablante pour une grande partie des habitants. Il n'est aucun de ceux qui y étaient sujets en 1788 à qui il n'en ait coûté au moins 30 livres pour cet objet. Il leur en a coûté à peu près autant, et quelquefois plus, chaque année (voir note qui suit). La charge va devenir, il est vrai, un peu moins pesante, puisqu'il y a lieu d'espérer qu'elle sera partagée par les exempts (Voy. la délibérations de la communauté de ville du 20 mars 1789). Cependant elle sera toujours d'environ 20 ou 24 livres, une année dans l'autre. Il serait donc juste d'accorder une diminution de moitié ou d'un tiers au moins à la ville de Lamballe sur sa contribution à l'impôt personnel (voir note qui suit).

Note : Depuis longtemps, les habitants de Lamballe se plaignaient de la surcharge que leur imposaient les passages de troupes et de convois militaires se rendant de Rennes et Saint-Malo à Brest et de Saint-Malo à Lorient; le 24 novembre 1782, ils assurent même « que Saint–Brieuc, plus grand que Lamballe et infiniment plus aisé, n’a jamais plus de deux bataillons », alors qu’on veut leur imposer le casernement de deux bataillons (A. BOTREL, op. cit , p. 302, n. 3).

Note : Depuis 1778, les trois municipalités de Quintin, Lamballe et Moncontour multipliaient les démarches en vue d’obtenir une nouvelle répartition de la capitation entre les villes de l'évêché de Saint-Brieuc ; dans des mémoires très circonstanciés, elles exposèrent les diverses calamités qui les avaient frappées, et, passant en revue chacune des branches de leur activité commerciale et industrielle, elles faisaient voir la décadence dont elles souffraient ; les divers mémoires de la ville de Lamballe sont très instructifs à ce sujet, notamment en ce qui touche l'anéantissement de ses tanneries et de ses manufactures de drap, de chapellerie et de parchemin. En regard de cet exposé, les trois villes montraient les progrès réalisés par la ville de Saint-Brieuc et l'importance que lui donnaient son port, son évêché et tous les bureaux dont elle était le siège. Malgré les arguments contenus dans les mémoires que publia en guise de réponse la municipalité de Saint-Brieuc, la Commission diocésaine, à qui incombait régulièrement le soin de procéder au répartement de l'impôt, décida, le 6 mai 1782, que cette ville serait chargée de 3.400 l. et qu'une décharge correspondante serait accordée aux trois autres villes, savoir 1.800 l. à Quintin, 600 l. à Lamballe et 1.000 l. à Moncontour (Voy. sur toute cette affaire le très intéressant dossier de la Commission intermédiaire, Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4368). La municipalité de Saint-Brieuc, mécontente de cette décision, porta le débat devant les Etats, qui, dans leur séance du 19 janvier 1785, la chargèrent définitivement d'un supplément de 2.600 l. ; Quintin, Lamballe et Moncontour furent déchargées respectivement de 1.300 l., 700 l. et 600 l. (Ibid., C 2702, p. 386).

Quand la charge du logement des troupes ne deviendrait pas commune généralement, il serait néanmoins d'une justice indispensable qu'elle le devînt en cette ville, eu égard au grand nombre d'ecclésiastiques, de gentilshommes et de pauvres qui y résident, tellement que l'on peut même regarder le passage d'un régiment comme cas de foule, et que la fréquence des passages suffirait d'ailleurs pour justifier ce règlement (voir note qui suit).

Note : Un état dressé en 1781, et présenté par la municipalité de Lamballe à l’appui de sa demande en diminution de capitation, indique, rue par rue, les 48 maisons qui, depuis 1735, ont passé de mains roturières en mains nobles, entrainant ainsi pour les autres habitants et propriétaires une augmentation de l'impôt et des charges militaires. Dans son mémoire, la municipalité observait à ce propos : « 47 maison des plus belles et des plus vastes ont passé en mains nobles, et il n’a passé que six mauvaises petites maisons de mains nobles en mains roturières » (Ibid., C 4368).

Il y a lieu aux mêmes observations relativement au casernement.

Le moyen d'alléger le poids de ces charges serait de faire ou d'obtenir un fonds pour l'achat de lits qui seraient répartis en différents dépôts et distribués dans les casernes de villes de garnison ou de passage ; cette dépense n'excéderait pas cinq cent mille livres pour la province, car il ne serait pas nécessaire de construire de nouvelles casernes ; on trouvera toujours assez de maisons particulières ; l'embarras est de se procurer un nombre suffisant de lits. Il répugne à l'humanité de s’emparer de celui des malheureux ; il n'est point de charge publique plus dure (voir note qui suit).

Note : Un mémoire de la seconde moitié du XVIIIème siècle, relatif aux ressources offertes par la ville de Lamballe pour la subsistance des troupes, remarque qu'il n'y a pas, dans cette localité, de casernes appartenant au Roi. La municipalité fournissait des maisons pour en servir : au faubourg Saint-Martin, un particulier possède des casernes où il y a une grande cour fermée, une écurie pour 80 chevaux, des locaux pour recevoir 50 lits, un corps de garde et des greniers. La ville peut recevoir en garnison deux bataillons ou bien un bataillon et un escadron (Arch. Nat., F12 555). Sur les inconvénients dont souffrirent, en 1779, les habitants de Lamballe par suite de la présence des soldats dans leurs maisons, voy. la note suivante.

La ville de Lamballe est sujette à des inondations qu'il serait d'autant plus intéressant de prévenir qu'elles interceptent la route directe de Paris, Rennes, Normandie et Saint-Malo à Brest. La somme qui serait nécessaire devrait être aussi regardée comme une charge générale (voir note qui suit).

Note : Le mémoire de 1781, que nous avons déjà cité, donne sur ces malheureux événements les détails les plus precis : « Dès 1741, 30 janvier, une fonte de neige noya la ville ; les habitants, fuyant leurs maisons, virent leurs bestiaux, leurs meubles, leurs marchandises, surtout les tanneurs, chamoiseurs et parcheminiers, entrainés par les eaux ou ensevelis sous les vases, et leurs établissements détruits. Ce désastre fut renouvelé en 1747 (17 mai) par un orage qui fit autant de dégâts. Dix ans après, 1757 (8 juillet) un autre orage noya la ville et rompit les trois ponts de la grande route, que la province fit rétablir. A peine les malheureux habitants avaient réparé les dégâts de ces jours désastreux qu'ils virent leur moisson détruite en 1766 par une vimère et, en 1768, par des pluies continuelles qui grossirent tellement la rivière que, le 8 septembre, elle donna 5 et 6 pieds d'eau dans les maisons. Les habitants perdirent pour la quatrième fois leurs bestiaux et leurs effets, et, pour comble de malheur, les fruit assemblés dans les jardins en attendant la pressure, les fruits, moitié du revenue, furent enlevés… ». En 1779, survenant aussitôt après une terrible épidémie de dysenterie qui occasionna plus de 600 décès, une nouvelle inondation se produisit dans la nuit du 28 au 29 novembre, « un des ponts de la grande route fut enlevé, les autres ébranlés, des murs de clôture furent abattus, les tanneries et les parchemineries furent désolées, les pleins renversés, les cuirs et les peaux entrainés ou envasés ; la perte fut estimée à 100.000 l., et … trois régiments qui étaient à Lamballe ne laissaient pas aux foyers place aux habitants pour réchauffer des membres glacés d'effroi et de froid » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4368). « Voilà de grands frais pour cette ville, si la réparation du pont de Lamballe la regarde », écrivait le 29 décembre le procureur général Le Prestre de Châteaugiron (Correspondance du procureur général Le Prestre de Châteaugiron avec son oncle Lesquen de Kérohan, appartenant à M. de Foucauld, de Rennes, qui nous l’a obligeamment communiquée). De fait, la municipalité essaya de faire payer par les Etats la reconstruction de ce pont ; mais sa prétention fut rejetée (Lettres de la Commision intermédiaire à l’Intendant, en date des 14 avril 1780 [Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 517] et 20 mars 1781 [Ibid., C 3833, p 135]). La Commision observait que la ville de Lamballe percevait des octrois, dont la destination était précisément de couvrir la dépense d’entretien des banlieues, et elle s’appuyait, pour cela, sur une decision de principe prise en la matière par les Etats de Bretagne dans leur séance du 20 février 1769 (Ibid., C 2694, fol 215). Le 21 janvier 1789, dans une délibération qui avait principalement trait aux affaires politiques et au pillage des magasins de grains à Dahouët, la communauté de la ville de Lamballe arrêta « de prendre sur le champ, de concert avec MM. les juges de police, toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'inondation que pourrait produire la fonte des neiges et de prier M. Besnard, ingénieur en chef de la province, de venir à Lamballe examiner les causes des inondations et voir s'il pourrait trouver quelque moyen de les empêcher à l'avenir » (Arch. commun. de Lamballe, Registre des délibérations de la communauté de ville, 1787-1789. fol. 30 v°). 

Tel est le précis des objets sur lesquels porteront principalement les réclamations de nos députés pour notre ordre en général et pour cette ville en particulier.

ART. 26. — La convocation par sénéchaussée ne sera plus employée pour la Bretagne, parce qu'il en résulte une inégalité de représentation contraire aux droits des peuples. On demandera la convocation par municipalité, avec un arrondissement d'environ 35 paroisses pour chacune.

ART. 27. — Si l'on juge à propos de rendre partout la justice au nom du Roi, il est indispensable de créer des justices royales dans tous les endroits où des commissaires de police ne sauraient suffire. La ville de Lamballe, tenant un rang distingué parmi les villes de la province, aurait à réclamer un tribunal de cette espèce à plus d'un titre. Le nombre des individus qui la composent, sa situation sur les routes de Brest, Lorient, Saint-Malo et la Normandie, au milieu des terres les plus fertiles, qui la rendent l'entrepôt des grains de tout le canton, et dont le marché est un des plus forts de la province, son voisinage d'un port de mer, tout sollicite pour elle une justice principale (voir note qui suit).

Note : Le mémoire relatif au casernement, et déjà cité plus haut, insiste sur ce fait que le sol de la région lamballaise est bon et fertile, produisant « beaucoup de froment, du blé noir, très peu de seigle, d'avoine et de fourrage ». Au marché du jeudi, on apportait alors beaucoup de froment et les armateurs de Saint-Malo y faisaient de gros achats pour les colonies (Arch. Nat., F12 555). La ville était entourée d'excellents pâturages (Ibid.), et il s'y faisait un commerce de bestiaux considérable (EXPILLY, Dictionnaire de géographie, t. IV. au mot Lamballe). Mais les diverses industries, notamment celles des peaux et de la laine, y avaient beaucoup diminué dans le quart de siècle qui précéda la Révolution. Citons encore, à ce propos, le mémoire par lequel la municipalité demandait la réduction de la capitation de la ville ; « Le coton ayant, depuis quelques années, pris, en doublure, la place du chamois et de la soie, celle des peaux en gants et en manchons, la chamoiserie, la ganterie et la manchonerie ont disparu ; Lamballe fournissaint les parchemins pour les gargousses de la Marine royale, de la Compagnie, à Saint-Malo et ports obliques, mais, l'économie ayant appris à les faire en toile goudronnée, plus de vingt fabricants, partie riche, les autres aisés, sont restés à trois, qui tous ensemble n'en fabriquent pas autant qu'en fabriquait le moindre ; les tanneries de Lamballe avaient une réputation méritée et elles fournissaient presque toutes les villes voisines, cette manufacture donnait, avec celle des parchemins, les familles bourgeoises ; il s'est élevé des tanneries aux environs, même à Broons et à Matignon ; elles ont, surtout les célèbres élevées à Paramé, prés de Saint-Malo, ruiné, avec les inondations, celles de Lamballe. On comptait encore en 1740 cinquante-deux fabricants de frises, tous riches et aisés.... ; il n'y a plus maintenant que huit pauvres ouvriers... Les ports de Brest, Saint-Malo et autres, qui tiraient ces étoffes pour garnir les mâts, les datons, les sabords, faire les vatons, les gants et habillements pour la pêche de la morue, les tirent de Tours et de Hollande, où elles sont meilleur marché ; le luxe a fait courir les maisons religieuses et les peuples aux étoffes étrangères…. » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4368). Sur l’état économique de Lamballe avant la Révolution, voy. une requête de la municipalité publiée par A. BOTREL. Le canton de Lamballe pendant l'insurrection de 1799, dans les Annales de Bretagne, t, XXVI, 1910-1911, pp. 536-537.

On peut ajouter à tous ces motifs la grande étendue de son ressort, comprenant 52 paroisses et deux petites villes, la qualité de sa juridiction, qui est actuellement la première pairie de Bretagne après avoir été longtemps entre les mains des ducs et des rois de France (voir note qui suit).

Note : Une lettre écrite le 8 avril 1766 à l'Intendant de Bretagne par Boullaire de la Villemoisan, subdélégué à Lamballe, donne les détails les plus précis sur l'exercice de la justice dans cette région : « ... La difficulté de pouvoir rassembler, surtout pour les paroisses éloignées de moi, les connaissances nécessaires a été le seul motif du retardement de cette opération [l'établissement d'une liste des juridictions), que je n'ai pu achever qu'à la faveur du tirage de la milice ; j'ai saisi ce moment pour faire des découvertes que je n'avais pu jusque là me procurer, car quelques procureurs fiscaux à qui je m'étais adressé refusaient de m'instruire par la crainte de déplaire à leurs seigneurs... Les juridictions moyennes et basses sont en si grand nombre dans cette partie que, pour en faire un état bien exact, il faudrait se transporter dans chaque endroit et s'y informer des fiefs qui y ont cours... Dans le grand nombre de juridictions que comprend cet état, il y a au moins les trois quarts des moyennes et basses justices qui ne s'exercent pas tous les ans, et l'autre quart ne s'exerce que de trois mois en trois mois, souvent même de six mois en six mois ou d'année en année. Quant aux hautes justices, la plus grande partie ne s'exerce que tous les mois, quelques-unes de deux ou de trois mois en trois mois, et quelques autres, mais en petit nombre, de quinze jours en quinze jours, et je ne connais que Lamballe qui s'exerce régulièrement toutes les semaines. C'est pourquoi il serait bien à désirer pour le public que toutes ces juridictions, où les affaires sont mal instruites par l'ignorance de praticiens et languissent par le défaut d'audiences, fussent supprimées et annexées aux juridictions supérieures ressortissant nûment à la Cour. Par ce moyen, on éviterait beaucoup de coûtage aux parties et, en diminuant les différents degrés d'appellations, on abrégerait la durée des procès et on procurerait au public la douce sécurité de se voir, et à moindres frais, promptement délivré des chicanes des plaideurs. Je dis à moindre frais, car je connais ici plusieurs occasions où l’on est obligé d'essuyer jusqu'à trois degrés de juridictions, et par conséquent trois sentences, auparavant de venir au Parlement ; il y en a même où l'on est obligé d’en essuyer jusqu’à quatre. D’ailleurs, l’ignorance est si grossière chez la plus grande partie de ces praticiens de campagne qu'ils savent à peine lire et écrire, et leur défaut d'aisance les mettant dans le cas d'exiger de leurs clients, leur plus grande occupation, les jours d’audience, est de s’en faire alimenter et désaltérer, sans que cette dépense fasses aucune considérations dans leur mémoire, dépense néanmoins à laquelle ces messieurs devraient faire attention, car ordinairement ils ne sont pas faciles à désaltérer… » (Arch. d’Ille-et-Vilaine 1819, publ, par A. GIFFARD, Les justices seigneuriales en Bretagne, p. 349, pièce justificative 18). — Le rare privilège de ressortir nuement au Parlement, sans passer par l’intermédiaire d’une sénéchaussée et d’un présidial, appartenait au duché de Penthièvre (ID., Ibid., p 60). Et c’est d’ailleurs ce qui explique la comparution à l’assremblée de Rennes des paroisses du Penthièvre.

ART. 28. — La police sera désormais administrée par les officiers municipaux (voir note qui suit).

Note : On sait que, sauf à Nantes, à Rennes, à Brest et à Morlaix, la police des villes était administrée par les juges de la juridiction ordinaire (A. DUPUY, Administration municipale en Bretagne, 2ème partie, pp. 77 et suiv. ; A. GIFFARD, op. cit., pp. 129-134 ; voy. aussi l'art. 9 du cahier de la ville de Vitré, t. I, p. 81).

ART. 29. — Il sera permis de prêter son argent à temps, suivant l'intérêt fixé pour les rentes constituées.

Tel est, comme dit est, le précis des demandes sur lesquelles porteront les réclamations de nos députés.

Fait et arrêté au dit Lamballe, ce jour vingt-neuf mars mil sept cent quatre-vingt-neuf.

[64 signatures, dont celle du président Micault].

(H. E. Sée).

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