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LA CHAPELLE NOTRE-DAME DE KERNASCLEDEN

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La Bretagne est le pays des chapelles, et le XVème siècle est l'âge, en Bretagne, qui en a vu le plus construire. Toute chapelle, si humble qu'elle soit, réjouit le coeur du chrétien. La souveraine majesté de nos grandes cathédrales impose l'admiration aux incrédules mêmes ; pour les fidèles, la petite chapelle a quelque chose peut‑être de plus touchant. Les cathédrales et les églises paroissiales sont les monuments de la foi ; indispensables au culte, elles continuent d'exister dans un pays tant que la religion n'y a pas perdu tout empire. Les chapelles sont les monuments de la ferveur ; elles éclosent là où la foi surabonde, où règne la piété : c'est le luxe béni de la religion. Toute chapelle, en effet, représente une ardente aspiration vers le ciel, qui a voulu se manifester et se perpétuer sur terre par un monument. Pieuses confiances, saints espoirs, voeux exaucés, joies immenses et douleurs navrantes, mystiques extases et repentirs exemplaires, tous les sentiments du coeur humain, tournés vers Dieu et purifiés à cette flamme, ont recherché à l'envi ce moyen de témoigner de leur sincérité et de leur ardeur.

Un des dogmes les plus profonds et en même temps les plus populaires du christianisme, la croyance à l'intercession des saints, a aussi enfanté des milliers de chapelles. Or les Bretons ont toujours eu pour la Vierge une dévotion très-vive, et pour leurs saints nationaux, plus nombreux chez eux qu'en aucun autre pays de la chrétienté, un culte des plus assidus. Mais les Bretons ont presque toujours été pauvres. Cette race énergique et dure, si entêtée de son indépendance, de ses coutumes nationales et de sa vieille loyauté, n'eut jamais assez d'esprit pour comprendre tous les mérites du culte du veau d'or ; et aujourd'hui même que ce culte est vraiment devenu la religion du monde, c'est encore en Bretagne qu'il a le plus de peine à s'établir : d'où vient que les Parisiens nous traitent de sauvages.

Une fois cependant, dans leur vie de nation, les Bretons se sont trouvés riches, grâce à un concours particulier de circonstances, à la sagesse de leurs princes et à leur propre honnêteté. Ils ne manquèrent point, on le pense, de mettre leurs saints de moitié dans leur aubaine, d'autant qu'ils en rapportaient bien justement l'origine à la protection de leurs célestes patrons. On était alors au XVème siècle. L'architecture de ce temps-là, bien qu'elle se soit montrée, en Bretagne, capable de grands édifices [Note : Par exemple les cathédrales de Nantes, de Vannes et de Quimper], se plaisait de préférence aux petits monuments et à la grâce du détail : disposition bien favorable pour l'édification de nombreuses chapelles. Eglises et chapelles surgirent comme par enchantement et couvrirent le sol. Si maintenant l'on veut savoir ce qu'est véritablement une chapelle bretonne du XVème siècle, ce que nos pères y entendaient mettre d'art, de poésie, de piété, il faut aller visiter le monument désigné en tête de cette notice, la chapelle de Notre-Dame de Kernascleden, en la paroisse de Saint-Caradec-Trégomel, sur la route du Faouet au Guemené.

Bien que cette chapelle n'ait jamais été décrite d'une manière suffisante, je n'en tenterai point une description, qui est affaire au crayon plus qu'à la plume. Je ne veux qu'en donner idée par un simple croquis. Je terminerai par une inscription et un document qui s'y rapportent, l'un et l'autre inédits jusqu'à présent.

Le style de tout l'édifice est celui du milieu du XVème siècle : l'inscription nous donnera la date précise. Le plan général figure une croix latine ; la longueur totale hors oeuvre est de 112 pieds de roi, la largeur de 48.

A l'intérieur, toute la chapelle est couverte de voûtes d'arêtes, en pierre, portées sur des arcs doubleaux et croisées d'ogives. Le chevet oriental est droit. Le choeur a deux bas-côtés ou collatéraux, qui de part et d'autre s'ouvrent sur le vaisseau principal par trois arcades en ogive. La nef a trois travées comme le choeur, mais un seul col­latéral, celui du Nord. L'irrégularité provenant de l'absence du collatéral Sud n'est sensible qu'à l'intérieur ; car en dehors, le porche des apôtres qui s'ouvre sur la façade méridionale de la nef présente un développement considérable et une saillie égale, ou peut s'en faut, à celle du bas-côté Nord.

L'extérieur est presque exactement symétrique. Au-dessus, du portail de l'Ouest rayonne une belle rose, et au-dessus de la rose la tour, se détachant du sommet du gable et lançant en l'air sa jolie flèche, couronne avec élégante la façade occidentale. Sur le flanc méridional de la nef, le porche des apôtres répond, comme je viens de le dire, au bas-côté qui existe sur le flanc Nord. Au-delà et à l'Est du transept Sud un second porche, plus petit que le précédent, s'ouvre sur le chœur ; et de même à l'Est du transept Nord une petite sacristie, voûtée comme tout l'édifice, forme une saillie répondant à ce second porche.

Tel est le plan général, simple et élégant. Mais ce qui donne surtout au monument son caractère et son charme, c'est l'ornementation. Nulle part on ne l'a épargnée ; on y a su toutefois mettre assez de mesure pour garder cette libéralité de tourner en surcharge. Fenêtres, portes, contre-forts, flèche, voûtes, piliers, crédences, extérieur et intérieur, on a voulu que tout fût décoré ; mais partout dans cette décoration on sent le soin, l'étude, tout le fini et toute la correction dont était capable l'art du XVème siècle s'exerçant sur un granit rebelle. Rien de plus élégant et de plus puissant comme effet que les dispositions rayonnantes du XIVème siècle, unies aux formes flamboyantes du XVème, dans les moulures qui remplissent la rose de la façade occidentale, la rose du transept Sud, et le tympan de la grande fenêtre du chevet. Nulle part le granit n'a été mieux découpé, refouillé, ciselé, dentelé et festonné que dans les deux porches de la façade Sud [Note : Toutefois les statues des apôtres dans le grand porche, sont assez mauvaises ; mais elles accusent une date plus récente]. Et je ne crois pas que l'on trouve beaucoup de fresques de même date plus satisfaisantes sous le rapport du dessin, et en particulier de l'élégance des draperies, que celles qui tapissent encore les voûtes du choeur et du transept Nord, malgré l'état de dégradation où elles se trouvent maintenant [Note : Ces fresques ont été restaurées de nos jours et on reconnaît facilement dans les fresques du choeur l'histoire de la sainte Vierge, patronne de la chapelle].

Mentionnons aussi deux anciens autels de pierre, dans le genre de ceux du Folgoët, dont l'un, le plus petit, se voit encore à sa place dans le transept Nord, pendant que de l'autre, qui était le maître-autel, il ne reste plus que la table avec sa corniche ornée de feuillages, et une autre pièce présentant une longue série de dais gothiques, fouillés avec soin, qui devaient autrefois se trouver placés sous la corniche et au-dessus d'une série correspondante de niches garnies de statuettes : le tout formant la face antérieure de l'autel. Ces débris sont déposés dans la nef il serait facile, avec eux, de rétablir en entier le monument d'où ils proviennent.

Les arcades de la nef reposent sur des massifs quadrangulaires garnis de colonnettes cylindriques à chapiteaux, qui reçoivent les moulures de l'intrados et les nervures des voûtes. Dans le choeur, au contraire, les massifs affectent la forme monocylindrique et sont absolument dépourvus de chapiteaux ; en sorte que les nervures de l'intrados vont se perdre en butant droit contre ces massifs, et celles de la voûte contre la partie supérieure des murs. Cette disposition indique que le choeur a été bâti quelque peu après la nef, et en tous les cas par un autre architecte, moins habile que le premier.

Quoi qu'il en soit, l'édifice entier était achevé et voûté en 1464. L'inscription dont j'ai parlé nous l'apprend. J'ai dit qu'elle était inédite ; cependant M. Cayot-Delandre en a parlé. A la p. 441 de son ouvrage intitulé : Le Morbihan, son histoire et ses monuments, on lit : « Une inscription tracée à l'intérieur de l'église (de Kernascleden), sur le mur du transept Nord, nous apprend qu'elle fut consacrée en 1443 : Anno Di M° CCCC° XXXX° III° dicata fuit ista capella, etc. ».

M. Cayot s'arrête là. La nouvelle édition du Dictionnaire d'Ogée reproduit la date qu'il donne. Malgré cela, l'inscription est inédite. M. Cayot s'est trompé et sur la place qu'il lui prête, et sur la lecture même ; ce qui a lieu de surprendre, vu la belle conservation et le fort relief des caractères. L'inscription n'est point dans un transept, mais dans le choeur, sur le mur du collatéral Nord ; elle est moitié latine, moitié française et forme trois lignes. Les abréviations sont assez fortes. Elle doit se lire ainsi : Anno Domini millesimo guadringentesimo quinquagesimo tercio, die secunda septembris fuit dedicata ista capella per reverendum in Christo patrem et dominum dominum Yvonem Pontis Salis, episcopum Venetensem [Note : Traduction : « En l'an de Notre-Seigneur 1453, le 2 septembre, cette chapelle fut dédiée par révérend père en Dieu et seigneur Monseigneur Yves de Pontsal, évêque de Vannes »]. Et l'an soixante-quatre (1464) fut voulté par P. et J. Les Bail ; recteur en cely temps J. Fégear.

J'ai insisté sur cette inscription, parce que Kernascleden étant véritablement un chef-d'oeuvre et un type de l'art breton au XVème siècle, il importait d'en fixer positivement la date, et par conséquent de corriger l'erreur de M. Cayot. Il n'est point non plus indifférent de conserver le nom des frères Bail, à qui l'on doit une partie du monument, et de remarquer que l'inscription se trouvant encastrée dans le mur du choeur, le choeur comme la nef, c'est-à-dire toute la chapelle était achevée, voûtes comprises, à la date de 1464.

Du reste, l'édifice qui fut terminé en 1464 et que nous admirons aujourd'hui, succédait à un autre plus ancien, érigé à la même place. En effet, il y a dans les Preuves de Dom Morice (t. II, c. 1227) une bulle du pape Martin V, en date du VI des Ides de mai (13 mai) 1430, par laquelle le Souverain-Pontife autorise l'établissement de deux chapelains perpétuels, qu'Alain IX, vicomte de Rohan, se proposait de fonder et de doter en la chapelle de Kernascleden, s'il obtenait l'agrément de Sa Sainteté. On apprend de cette pièce qu'une chapelle existait dès lors en ce lieu sous l'invocation de la Vierge, que le terrain où elle était bâtie avait été donné par les ancêtres d'Alain IX de Rohan [Note : « Ipso (Alanus vicecomes de Rohan) in capella sub vocabulo gloriosœ Virginis Mariœ infra limites parochiœ ecclesiœ parochialis de Tregomoel Venetensis diocesis, in loco de Kaerenescheden, in fundo seu solo per progenitores (dicti Alani) pro ipsa capella tunc conservanda pie donato, construcia et fundata... duas perpetuas portiones pro totidem perpetuis ipsius capellae portionariis, in eadem capella Altissimo servituris, instituere sufficienterque dotare proponit », D. Morice, Preuves II, 1227] ; que ce même Alain avait lui-même donné de sa terre pour construire et fonder à Kernascleden un hôpital destiné aux pauvres qui y affluaient [Note : « Qui (Alanus vicecomes de Rohan), ut etiam asserit, pro quodam hospitali pro receptatione et sustentatione Christi pauperum ac miserabitium personarum illuc confluentium apud capellam ipsam fundando et construendo fundum in solo suo proprio libere donavit » (Id. ibid.)] ; enfin, que le patronage ou présentation des deux chapellenies de Kernascleden, fondées par notre Alain, fut attribué au vicomte de Rohan et à ses héritiers à perpétuité. — M. Cayot a donc tort de dire que le pape Martin V confirma l'acte de fondation de la chapelle de Kernascleden (Ibid., p. 441), puisque ce n'était qu'une augmentation de cette fondation, et que la préexistence de la chapelle ressort clairement de la bulle de 1430.

Il y a tout lieu de croire, du reste, que la piété d'Alain IX, après avoir doté les chapelains, le porta à faire reconstruire la chapelle elle-même, de ses libéralités. Par ce qui est dit ci-dessus de l'hôpital, on voit que le pèlerinage de Kernascleden était très fréquenté dès 1430. Cette dévotion ne fit que croître, et amena bientôt la création d'une petite bourgade autour de la chapelle, puis de foires et marchés en cette bourgade. Un aveu, rendu peu de temps avant la Révolution (le 31 décembre 1787) au prince de Rohan-Guémené par le trésorier ou administrateur temporel de Kernascleden, agissant pour le général de la paroisse [Note : Le général d'une paroisse bretonne avant 1790, répondait à peu près au conseil de fabrique de nos jours] de Saint-Caradec-Trégomel, nous fait connaître quel était alors l'état des choses. Ce document contient des détails intéressants que je vais faire connaître.

L'aveu est divisé en trois chapitres. Les deux premiers renferment la description de quelques biens, donnés ou acquis au profit de la chapelle de Kernascleden en 1624 et en 1729. Le chapitre III est plus curieux ; il commence ainsi :

« Chapitre III. Suit la description détaillée des chapelle, cimetière, halle et boutiques dudit bourg de Kernascleden, bâtis et construits sur le fonds dudit seigneur prince de Guémené, suivant concession de ses prédécesseurs, et la désignation des foires et marchés qui se tiennent audit bourg.

Article 1er. L'église ou chapelle de Kernascleden, dédiée à la très-sainte Vierge sous le titre de l'Immaculée Conception, ayant de longueur hors oeuvres 112 pieds, et de largeur aussi hors oeuvres 48 pieds ; avec un petit cimetière au levant, clos et cerné d'un mur autour, fors vers ladite chapelle, ayant de longueur par le centre 2 cordes, sur 1 corde 2/3 de largeur : le tout contenant sous fonds, avec une petite issue et pavé au couchant, vis-à-vis de la tour, et issues au Nord, onze cordes. Dans laquelle chapelle on aperçoit, pour toutes marques de prééminence de la maison de Rohan, au pommeau ou clef du second montant en cintre soutenant le faîte de la nef de ladite chapelle, et vis-à-vis du maître-autel d'icelle, neuf mâcles gravées en bois pour armoiries distinctives.

Article 2. Une halle, au Midi de la chapelle de Notre-Dame, ayant de long 63 pieds et de largeur 13 pieds ; le tout pavé, dehors donnant sur une rue qui sépare ladite halle de l'église et de tous autres endroits sur l'issue ou place de foire ».

Les art. 3, 4 et 5 décrivent trois boutiques construites et adossées contre la muraille méridionale de l'édifice. Ces boutiques n'existent plus.

« Article 6. Déclare en outre le général de Saint-Caradec-Trégomel avoir droit de faire tenir au bourg de Kernascleden marché tous les samedis de chaque semaine et quatre foires par chacun an, savoir le 5 avril, le 4 mai, le 7 septembre et le 4 octobre ; et ce suivant et au désir de lettres-patentes du mois de décembre 1530, lui accordées par le roi François Ier, sur la supplication de Louis de Rohan, prince de Guémené ».

Le général de la paroisse devait au prince de Guémené, sur les biens déclarés au chap. Ier de l'aveu, 10s. 6d. de rente foncière, sur les biens déclarés au chap. II 2s. 6d. de rente féagère et féodale ; il devait aussi présenter au prince « un homme vivant, mourant et confisquant ». — Il était de plus « dans l'obligation de faire dire à perpétuité une messe basse, avec prières et oraisons à la fin, toutes les fêtes de Vierge, à l'intention dudit seigneur prince de Rohan et des siens dans ladite chapelle, où l'on est dans l'usage de faire prières, aux prônes des grand'-messes qui s'y célèbrent les dimanches et fêtes, pour ledit seigneur prince de Rohan, comme seigneur haut-justicier et suzerain, et de lui rendre et faire tous et tels autres devoirs et honneurs que sa dignité et celle de son fief le requièrent lorsque lui ou les siens assistent dans ladite chapelle aux offices divins ». (A. L. B.).

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