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LA SEIGNEURIE DU PERRIER OU DU POIRIER

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A Kermoroc'h, au lieu-dit, au Moyen Age, le Perrier et depuis le Poirier, il ne reste à peu près rien des ouvrages d'art ou constructions, qui s'élevaient jadis sur cette vieille terre féodale, à l'exception de modestes édifices, tel que le manoir-ferme encore par la force de la tradition, hardiment appelé le château du Poirier.

Il y a quelques années y subsistait cependant un petit mais harmonieux ensemble, composé principalement d'une chapelle, dite de Langoërat, remontant au XIVème siècle, d'un calvaire du XVIème et d'une aimable fontaine du XVIIIème s.

La chapelle n'est plus que ruines. Quant au calvaire et à la fontaine, ils ont disparu, transportés sur la côte pour y décorer une demeure de plaisance.

Cet enlèvement a du reste suscité de très vives protestations, en particulier celles du Professeur Maurice Le Lannou, publiées en bonne place dans le journal « Le Monde » des 1er et 2 octobre 1972, sous le titre énergique : « Le Vol du Calvaire ». [Note : La description de ce calvaire a été donnée dans l'article du professeur Le Lannou, qui avait été particulièrement frappé par le fait que le socle, de la croix présentait à côté des apôtres Pierre, Paul et André, Saint Yves Hélory de Kermartin].

J'avais pensé que l'heure était venue, avant qu'il ne s'efface, de ranimer le souvenir de ce qui fut l'une des très importantes seigneuries du Trégor. On verra les raisons sentimentales et d'ordre familial qui m'y avaient incité.

Mais, voici qu'à ma grande satisfaction, j'ai récemment appris que le département des Côtes-du-Nord, ayant acquis la propriété où avaient été réinstallés calvaire et fontaine, acceptait en principe de les restituer à Kermoroc'h et que prenait corps le projet, formé par les autorités administratives et nombre d'intéressés, de restaurer la chapelle avec ses entours. [Note : Ouest-France des 10 et 11 novembre 1976, édition des Côtes-du-Nord, p 8, la croix et la fontaine du Dourven reviendront-elle à Kermoroc’h].

Un document établi à la fin de l'Ancien Régime, en 1783, lors d'une tentative de vente de la seigneurie, ouvre un aperçu sur les éléments qui la constituaient. « La terre et seigneurie du Poirier, dit le texte, s'étend dans les paroisses de Plouisy, Squiffiec, Trégonneau, Saint-Laurent et Guénézan, évêché de Tréguier.

Elle est décorée de haute et moyenne justice.

Elle a droit de pêche sur la rivière du Trieux, dans les endroits où donne le dit fief, ainsi que terrage sous la Poterie, droit de guet et a cens sur les vassaux avec droit de vente et rachat, création de juges et officiers de justice, droit de menée à la cour supérieure, justice patibulaire à quatre poteaux, issues, landes communes, largesse, franchise, droit de déshérence et de confiscation d'épaves et tous autres droits appartenant à haut justicier.

Le seigneur du Poirier est fondateur des églises paroissiales et trêviales de Plouisy, Squiffiec, Trégonneau, Landebaëron, Kermoroc'h, des chapelles de Kermaria - La lande, Saint-Jean Kergrist et Langoërat avec nomination de chapelain à Langoërat...

Cette terre a été mise en régie à compter de 1778 et, quoique depuis ce temps les grains aient été vendus à bas prix, elle rapporte... plus de 16 600 livres par année.

Eu égard à sa beauté, à ses droits et à sa mouvance qui est considérable, on désirerait la vendre sur le prix du denier 40... » [Note : Archives des Côtes-du-Nord, E. 2570].

Un autre document antérieur, c'est-à-dire un aveu rendu en 1701 par Charlotte de Rohan, dame de Pons et du Poirier, à la seigneurie de Guingamp, précisait que la seigneurie du Poirier avait aussi alors prééminence dans l'église de Pédernec, ainsi que fiefs, domaines et dunes dans les paroisses ou trêves de Kermoroc'h, Saint-Michel, Saint-Laurent, Trézélan et Landebaëron [Note : Archives des Côtes-du-Nord. E 2569].

La mention relative à la beauté des lieux, portée dans le document de 1783, apparaît encore de nos jours comme tout à fait justifiée. Du coteau, situé à l'est, d'où la vue tombe sur l'emplacement de la forteresse féodale disparue, on devine tout en bas, au pied de cet emplacement, les restes du système extérieur de défense, soit le cours d'un ruisseau qui se perd dans un petit étang [Note : Cet étang a été récemment compris dans la clôture d'une propriété privée et ne se voit plus de la route], offert à la rêverie romantique, tandis que plus haut, au second plan, s'étale un vaste mouvement de terrain, boisé par endroits, où, sur la toile de fond des lointains, culmine le Ménez Bré.

La maison du Perrier portait d'azur à dix billettes d'or.

Le vieux dictionnaire de la noblesse par Chesnay Desbois et Radier donne l'énumération des diverses branches du Perrier qui, sorties du Trégor, s'étaient, par la suite, fixées au loin, notamment en Guyenne, en Béarn, en Provence et même en Prusse.

Les armes de ces différentes branches, où se retrouvent toujours les billettes d'or sur fond d'azur, démontrent que ces branches étaient bien issues de la tige Trégoroise.

Chacun connaît les fameuses stances de Malherbe « Ta douleur du Perrier sera donc éternelle... ». Elles étaient adressées à François du Perrier, qui appartenait à la branche de Provence et était gentilhomme de la Chambre du roi Henri IV.

D'après le dictionnaire de Chesnay Desbois le premier seigneur du Perrier, nettement connu comme tel, aurait été Hudron, qui serait mort vers l'an 1000.

Ce dictionnaire présentant ensuite d'évidentes confusions dans la liste relative aux premiers successeurs d'Hudron, je ne m'arrêterai, en ce qui les concerne, qu'à ceux mentionnés dans l'histoire de Dom Lobineau ou dans celle de Dom Morice.

En 1294, Hervé, seigneur du Perrier, prit les armes aux côtés du duc de Bretagne, Jean II, qui à cette époque, allié du roi d'Angleterre, Edouard 1er, luttait contre le roi de France Philippe Le Bel. Hervé reçut le commandement des troupes d'Aquitaine [Note : DOM MORICE : Histoire de Bretagne, Preuves, t. I, folio 1465].

Au milieu du XIVème siècle, le seigneur du Perrier était Jean, que l'on trouve d'abord, en 1348 apposant son sceau, orné d'un poirier, au bas d'une quittance donnée à un trésorier du roi de France [Note : DOM MORICE : Histoire de Bretagne, Preuves, t. I, p. 1486], ensuite, en 1352, contresignant la nomination par Jeanne de Penthièvre d'ambassadeurs envoyés en Angleterre pour traiter de la délivrance de son époux, Charles de Blois.

A cette même époque, le nom du Perrier fut particulièrement illustré par Richard du Perrier qui, élu évêque de Tréguier, en 1338, apporta d'importants agrandissements à sa cathédrale et y fit transporter, pour le mettre à l'abri d'éventuelles profanations, le corps de Saint Yves. Du parti de Charles de Blois dans la guerre de succession de Bretagne, Richard du Perrier, laissant la mître pour l'épée, prit part, en 1345, à la défense de la Roche-Derrien, assiégée par l'armée anglaise de Northampton. Lorsque la place dut se rendre, Northampton accorda aux défenseurs une capitulation honorable [Note : R. COUFFON, Un catalogue des Evêques de Tréguier, dans Bulletin de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, année 1929, p. 54 et s.].

A la fin de ce même XIVème siècle, le seigneur du Perrier était Alain, dont le duc de Bretagne, Jean IV, fit un maréchal de Bretagne.

En 1373, Alain fit édifier la chapelle de Langoërat. Dix ans plus tard, en 1383, il entreprit la reconstruction de sa forteresse, qui avait été mise à mal.

Fidèle du duc Jean IV, Alain du Perrier était près de lui, quand, en 1387, à Vannes, celui-ci s'empara du connétable de Clisson et le fit jeter dans une tour du château de l'Hermine.

Plus tard, en 1394, quand la guerre eut éclatée entre le successeur de Jean IV, le duc Jean V, et le connétable de Clisson, le maréchal du Perrier, agissant pour Jean V, alla mettre le siège devant la Roche-Derrien, tenue par le vicomte de Coetmen pour le compte de Clisson. Il s'empara de la place et la détruisit. A son tour, et pour se venger, Clisson attaqua la forteresse du Perrier, qui tomba au bout de huit jours de siège et subit le même sort que la Roche-Derrien [Note : DOM LOBINEAU, Histoire de Bretagne, t. I, p. 488]. Cette forteresse ne fut plus jamais reconstruite.

Geoffroy du Perrier, successeur d'Alain, épousa Plezou, fille du sire de Quintin, laquelle lui donna quatre enfants, dont Jean l'aîné.

En 1426, Geoffroy fut tué aux confins de la Bretagne et de la Normandie, à Saint-James sur Beuvron, alors qu'avec les troupes commandées par le connétable de Richemont, il tentait d'en déloger les Anglais [Note : DOM LOBINEAU, Histoire de Bretagne, t. I, p. 568].

Ceux-ci, en effet développaient la redoutable offensive qui, grâce à Jeanne d'Arc, devait échouer devant Orléans.

Jean, fils aîné de Geoffroy et de Plezou, devint dès lors seigneur du Perrier. En 1427, Jean était déjà un personnage marquant puisqu'il fut amené à ratifier, avec le duc de Bretagne et quelques autres seigneurs bretons, le triste traité de Troyes [Note : DOM MORICE, Histoire de Bretagne, t. I, p. 503].

L’année suivante, sa puissance augmenta considérablement du fait qu'il adjoignit à sa seigneurie du Perrier celle de Quintin. En effet, lorsqu'elle s'était mariée, Plezou, sa mère, avait deux frères. Or, ces deux frères moururent successivement sans enfants. Le second décéda en 1428, laissant sa succession à Jean, son neveu.

Sur la période, pendant laquelle le Perrier a été lié à Quintin, les renseignements, qui suivent, sont en grande partie tirés de l'étude de La Borderie sur la généalogie des seigneurs de Quintin [Note : A. DE LA BORDERIE, Nouvelle généalogie des seigneurs de Quintin, dans mémoires de la Sociéte Arhéologique des Côtes-du-Nord, année 1889].

Jean s'était marié deux fois. Une première fois, en 1400, avec Olive de Rougé, dont il avait eu plusieurs enfants, et notamment un fils aîné, autre Geoffroy. Une seconde fois, en 1423, après veuvage, avec Constance Gaudin, fille de Péan Gaudin, sire de Martigné-Ferchaud. Ce second mariage fut déplorable. Bien plus jeune que son mari, Constance le domina complètement. Prodigue d'un côté, cupide de l'autre, et cela au profit des enfants nés de son mariage, elle ne cessa de s'employer à frustrer ceux du premier lit.

Geoffroy, fils de Jean et d'Olive de Rougé, ne supporta pas cette situation et porta plainte devant la juridiction ducale. En 1437, la procédure se termina par une transaction : Jean, sous réserve d'un usufruit, abandonna ses biens à Geoffroy.

En 1444, Geoffroy mourut, laissant le Perrier et Quintin à Tristan, le fils encore mineur qu'il avait eu de son mariage avec Isabeau de la Motte.

Constance mit cette mort à profit pour de nouveau faire pression sur son vieux mari et l'amener à dépouiller son petit-fils, Tristan. Elle parvint effectivement à faire revenir Jean sur la transaction de 1437, puis, pour lui éviter de changer d'avis et lui occuper l'esprit, l'envoya en pèlerinage à Jérusalem.

Mais la mère du jeune Tristan, Isabeau de la Motte, ne l'entendit pas ainsi. Pour défendre les droits de son fils, elle trouva un solide appui en la personne du connétable de Richemont. Du coup, Constance fut paralysée en ses intrigues.

Le temps arrangea les choses au mieux des intérêts de Tristan. Constance mourut. Revenu de son pèlerinage, Jean renouvela les dispositions qu'il avait prises en 1437. Contre une rente, dont son petit-fils Tristan s'engagea à lui faire le service, il se retira en sa demeure du Perrier, celle qui avait remplacé la forteresse de jadis et qui n'était plus qu'un simple manoir. Il y vécut paisiblement les dernières années de sa vie et mourut en 1461.

En possession de Quintin et du Perrier, Tristan fut vraiment un seigneur d'importance. Il s'employa à fortifier Quintin et à en reconstruire le château.

En 1451, le duc de Bretagne, Pierre II, érigea Quintin, en même temps que Derval et Moncontour, en grande baronnie de Bretagne.

En 1455, aux Etats de Vannes, on trouve Tristan, conscient de sa dignité, réclamant préséance sur le nouveau baron de Derval [Note : DOM LOBINEAU, Preuves, Coll. 1162].

En 1478, le duc de Bretagne confia à Tristan du Perrier et au sire de Pont-l'Abbé la tutelle du jeune vicomte de Rohan [Note : DOM MORICE, Preuves, t. I, p. 113].

Tristan mourut en 1482.

De son mariage avec Isabeau de Montauban était née Jeanne du Perrier, qui recueillit alors Quintin et le Perrier. Jeanne du Perrier épousa en premièes noces Jean de Laval, dont elle eut un fils Guy, puis en 1484, en secondes noces, Pierre de Rohan Guémené, baron de Pontchateau, frère de Jean II, vicomte de Rohan.

Pierre de Rohan, de par sa femme désormais sire de Quintin et du Perrier, se manifesta tout de suite comme l'un des principaux ennemis de Landais, le trésorier ministre du duc de Bretagne François II. Il fut de ceux qui, dès 1484, cherchèrent à s'emparer de Landais pour le mettre à mort, puis qui arrachèrent au duc l'autorisation de l'arrêter. Enfin, il fut des commissaires qui, le 19 juillet 1485, le jugèrent et l'envoyèrent à la potence [Note : DOM MORICE, Preuves, t. II, p. 145 et s.].

Aux dernières heures de la lutte de la Bretagne pour son indépendance, Pierre de Rohan, soutenant son frère le vicomte de Rohan, qui souhaitait faire épouser par ses fils les princesses de Bretagne, soit Anne, l'héritière du duché, ainsi que sa sœur, Isabeau, et qui se trouvait en fait à combattre aux côtés du roi de France, eut grand peine à conserver sa ville de Quintin. En 1487, il dut par deux fois la reprendre à ses adversaires.

Pierre de Rohan mourut en 1517 sans enfants de Jeanne du Perrier.

Dès 1504, il avait perdu sa femme. Celle-ci avait laissé Quintin et le Perrier à Guy XVI, comte de Laval, né de son premier mariage.

Guy s'étant lui aussi marié deux fois, la première fois avec Charlotte, princesse de Tarente, la seconde avec Anne de Montmorency [Note : Dictionnaire de la noblesse de CHESNAY DESBOIS et BADIER, article Perrier], la baronnie de Quintin passa aux descendants de son premier mariage, tandis que la seigneurie du Perrier était attribuée à l'aînée des enfants du second mariage, Marguerite de Laval qui, en 1529, épousa Louis V de Rohan sire de Guéméné.

En faveur du fils de celui-ci, Louis VI de Rohan Guémené, seigneur du Perrier, le roi Charles IX érigea, en 1570, la terre de Guéméné en principauté.

Un nouveau Pierre de Rohan, né du mariage de Louis VI avec une autre Rohan, Eléonore de Rohan Gyé, succéda à son père comme prince de Guémené et seigneur du Perrier. Il eut pour frère Hercule de Rohan, duc de Montbazon.

De la seconde femme de Pierre, Antoinette de Bretagne-Avaugour, naquit une fille Anne de Rohan qui recut l'héritage de Guémené et du Perrier. Ayant, en 1617, épousé le fils de son oncle Hercule de Rohan Montbazon, soit son cousin germain, devenu Louis VII de Rohan, Anne fit ainsi de son mari le prince de Guémené et avec encore d'autres possessions, lui apporta le Perrier.

La situation prééminente des princes de Guémené, à la Cour, à Paris et dans le royaume, ne les conduisit guère à fréquenter leur fief du Trégor.

Pour gérer l'ensemble de leurs possessions, ils s'en remettaient à une administration structurée, se rapprochant, semble-t-il, de celle qui fonctionnait chez leurs cousins dans le duché de Rohan, administration dont le tableau a été présenté par Hervé du Halgouët [Note : HERVÉ DU HALGOUET, Le Duché de Rohan et ses seigneurs].

A partir de Louis VII, pour le fief du Perrier ou du Poirier, — disons du Poirier, car désormais la transformation du nom était acquise —, la famille dans laquelle les princes de Guémené recruteront avec le plus de constance leurs officiers de justice ou administrateurs fut celle des Turquet.

Donnés pour originaires de Picardie par d'assez récents généalogistes, (le Vicomte de la Messelière, R. Couffon...), qui ont évidemment trouvé l'indication première de cette origine dans les vieux historiens de la Bretagne, faisant mention d'un nommé Turquet, maître d'Hôtel du roi Charles VIII [Note : Bertrand d'Argentré, Dom Lobineau, Dom Morice et autres, se référant à Jalligny (Histoire de Charles VIII) rapportent qu'en 1489, Turquet, l'un des maîtres d'hôtel du roi, avait été adjoint au Prince d'Orange, chargé d'une mission près de la Duchesse Anne de Bretagne. A noter que ce maître d'hôtel était aussi un juriste. Le corps des maîtres d'hôtel tenait la juridiction, dite des requêtes de l'hôtel du roi. Les maîtres d'hôtel étaient souvent chargés de missions très diverses (ESMEIN, Cours d'Histoire du Droit, p. 381 et 382, Paris, 1908)], les Turquet, devenus bretons, apparaissent en tout cas au milieu du XVIème siècle comme patronnés par la puissante maison de Rohan.

Dans leur seigneurie de Plouha, les Rohan avaient alors utilisé les services de l'un d'eux, qui avait nom, François Turquet, et qui était venu demeurer là, au petit manoir de Kerpradec, du fait de son mariage en 1546, avec Marie Le Veneur, dame dudit lieu.

Un fils de ce François Turquet, Jean Turquet, sieur de Kerpradec, avait passé la majeure partie de sa jeunesse à Paris, dans l'Hôtel des Rohan Guémené, puis avait été chargé par eux d'affaires à caractère juridique et administratif relatives au Poirier, sans que son rôle puisse être autrement précisé [Note : Bibl. Nationale, Manuscrit FR 22 313, Lettres du 11 avril 1660 et 11 juillet 1660].

Quoiqu'il en soit deux des fils de Jean Turquet furent par la suite envoyés au Poirier.

L'aîné, Louis, successivement élève au collège des Jésuites de la Flèche, reçu bachelier en Sorbonne, devenu étudiant en droit romain à Bourges et finalement ordonné prêtre, avait été choisi par les Rohan pour contribuer aux recherches relatives aux origines de leur maison.

En rémunération de ses peines et travaux, il avait bientôt obtenu le bénéfice de la chapelle de Langoërat et l'usufruit de la terre, qui entrait alors dans le domaine direct du seigneur du fief par opposition au domaine proche et aux arrières-fiefs.

Au second fils de Jean, Pierre, sieur de Beauregard, fut confiée la charge de procureur fiscal de la seigneurie [Note : Dans l'ancien droit fisc et domaine étaient pratiquement termes synonymes. Le procureur fiscal remplissait dans l'étendue de la seigneurie les fonctions équivalentes à celles de l'actuel procureur de la République dans le ressort de son tribunal. Il n'existait que dans les hautes justices]. Cette charge devait, en fait, demeurer dans la descendance de Pierre jusque dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, c'est-à-dire pendant tout le temps où les princes de Guémené furent en possession du fief. En raison de la prépondérance administrative, qu'elle donnait à son titulaire, elle devait, durant la même période entraîner la nomination de certains membres de cette descendance dans d'autres charges de la seigneurie [Note : Archives des Côtes-du-Nord : B. 301, 316, 903 - E. 2569, 2572].

Cependant celui des Turquet qui a le plus fortement marqué le Poirier de son empreinte fut ce Louis, dont il vient d'être question. Le regretté René Couffon l'a fait connaître, en commentant quelques pages de la correspondance de ce chercheur du plus lointain passé de la maison de Rohan, en un mémoire présenté à la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, sous le titre : « Louis Turquet sectateur de du Paz et Chapelain du Perrier » [Note : Extrait des mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, Les Presses Bretonnes, Saint Brieuc, 1938].

Sans revenir sur le contenu de ce mémoire, il y a lieu seulement d'ajouter, quelques détails susceptibles d'apporter un complément de lumière sur ce prêtre, qui mourut nonagénaire, après avoir consacré sa longue vie et ses intenses activités à la gloire des Rohan, à la chapelle de Langoërat et aux terres du Poirier.

Ayant pris en main ces terres, qui depuis longtemps avaient été négligées, Louis Turquet entreprit, à ses frais, de leur redonner vie et d'en tirer le meilleur parti possible.

Autour des ruines de l'ancien château fort et pour décorer les lieux, il boisa douze journaux de terrain. Il boisa également pour former une sorte d'avenue une autre bande de terrain s'étendant entre les ruines en question et la chapelle de Langoërat.

La chapelle étant alors en fort mauvais état, il la fit restaurer et lui ajouta une aile, qu'il dédia à Saint Louis, roi de France, son patron et celui de Louis VII de Rohan.

Dans cette aile il plaça un vitrail, bien entendu, aujourd'hui détruit, sur lequel René Couffon avait relevé un certain nombre d'emblèmes héraldiques : les lys du duc de Vendôme, gouverneur de Bretagne, les mâcles des Rohan, les billettes des du Perrier et aussi, près des marques de ces illustres maisons, les cœurs contrepointés des Turquet.

Depuis que la chapelle est tombée en décrépitude, un écusson est apparu, sculpté sur une des pierres qui soutenaient la voûte. Dans cet écusson, qui présente les armoiries des Turquet, les cœurs ont la particularité d'être couverts par la mâcle des Rohan [Note : Les restes de la chapelle ont fait l'objet d'une description de la part de M. Michel Briand, dans le journal « Le Télégramme de Brest » du 25 novembre 1971, page 8 de l'édition de Lannion. Pour compléter sa description l'auteur s'est référé à une autre description, donnée dans un « Livre d'Or » remontant aux années 1949-1950, établi par les jeunes filles de Kermoroc'h, alors que la chapelle subsistait encore].

Là ne s'arrêtèrent pas les travaux de Louis Turquet. Sur le domaine il défricha et mit en culture soixante dix journaux de terre. Il les fit clore et « fossoyer » et y planta une grande quantité de pommiers de Normandie, ce qui était, paraît-il une idée originale à l'époque. Il se construisit une demeure dite La Solaye ainsi que les bâtiments d'une métairie destinés à abriter la main-d'œuvre, le cheptel et tout le nécessaire à l'exploitation.

Telles furent ses créations matérielles, mais il prit bien d'autres soins. Il s'attacha de toute son énergie à défendre et maintenir les droits de la seigneurie. La conservation dans les églises, relevant à un titre quelconque du fief du Poirier, des armoiries ou marques de prééminence des Rohan, ou de leurs auteurs, fut l'un des grands sujets de ses préoccupations. Ses lettres à Gaignart et à du Lizieu, l'un et l'autre secrétaire-intendant du prince de Guémené, sont révélatrices de son zèle.

Dans une lettre à Gaignart où il était question d'une église, pouvant être celle de Kermoroc'h ou celle de Squiffiec, il écrivait « j'ai fait remettre les armes du Poirier, que vismes ôter par un vitrier pour y mettre une vitre blanche, ce qui m'occasionna une furieuse passion dont ne fus délivré qu'à ma première confession au jour suivant » [Note : Bibl. Nationale : manuscrit FR 22 313. Lettre du 11 avril 1660].

Dans une autre lettre à du Lizieu il s'indignait d'une démarche du marquis du Liscoet, venu le voir, pour tenter de réaliser dans l'église de Kermoroc'h ce que ledit marquis avait déjà fait dans l'église tréviale de Saint-Michel près Guingamp, c'est-à-dire l'introduction à son profit de marques de prééminence injustifiées.

Dans cette même lettre, il écrivait encore : « Si par bonheur on eust retiré (à temps) ce minu de la Comtesse de Quintin, que luy avez envoiez, il (le Procureur fiscal, son frère, Turquet de Beauregard) n'eust pas manqué d'opposer les usurpations de la seigneurie Saint Michel (sur le Poirier) car, quoyque mon frère soit moins économe de son bien, il a mieux fait que ceux qui l'ont précédé. Et sans doute que j'eusse aimé mieux être obligé de paier les espices de mon arret de mort et de son exécution, si j'eus commis une telle perfidie, que de dresser et faire signer à un prince aveugle (Louis VII de Rohan avait perdu la vue) et à madame sa femme un aveu visiblement marqué de déffectueux, tel qu'est bien celui de l'an 1588, qui est le juste motif de cette ennuyeuse procédure contre le sieur de Kertanguy-Tavignon pour lui faire fournir un papier terrier de la seigneurie du Poirier, vu qu'il avait touché, tant en arbres qu'en argent, plus de cinq cents escus pour cette perfidie tant préjudiciable au seigneur du Poirier » [Note : Bibl. Nationale : manuscrit FR 22 313. Lettre du 11 juillet 1660].

Louis Turquet était véritablement en Bretagne l'homme de confiance du prince de Guémené. Dans les mandements que celui-ci délivrait pour l'administration de ses possessions bretonnes et que, d'après lui, il faisait habituellement contresigner, on trouve au bas de deux d'entre eux, classés aux archives des Côtes-du-Nord et concernant, non pas le Poirier, mais la principauté de Guémené et la châtellenie de Corlay, la signature Louis de Rohan, suivi de celle : L. Turquet [Note : Archives des Côtes-du-Nord, B 316].

Cette confiance s'expliquait par le dévouement, l'activité, l'entregent et l'érudition du saint prêtre qu'était aussi le chapelain du Poirier.

Particulièrement éclairé sur l'ancienne histoire non seulement de la Bretagne mais de toute l'Armorique, grand collectionneur de vieux documents, auteur de travaux, dont on trouve mention dans la préface de l'histoire de Bretagne par Dom Morice, auteur aussi d'un traité juridique sur l'usement de Rohan [Note : Bibl. Nationale : manuscrit FR 22 313. Lettres des 16 mai et 24 juin 1648.], féru d'héraldisme, Louis Turquet s'était souvent, livré en Bretagne à des voyages d'études ou à de plus courts déplacements. En ces circonstances, il rencontrait d'éminents esprits de la province : historiens, magistrats du parlement, généalogistes... avec lesquels il savait pertinemment discuter. Le plus souvent c'était pour combattre les positions ou attitudes qu'il tenait pour facheuses à l'égard de la maison de Rohan.

Quelles n'auraient pas été ses réactions s'il avait assez vécu pour pouvoir lire, dans les mémoires de l'étrange Cardinal de Retz, les racontars de celui-ci, dépourvus de galanterie, c'est le moins qu'on puisse dire, sur le comportement privé de l'épouse de Louis VII de Rohan, l'illustre madame de Guémené.

Ce n'est certainement pas avec l'humour, dont il assaisonnait souvent ses lettres, qu'il aurait pris la chose.

Louis Turquet, par ses travaux, avait apporté au Poirier une très importante plus value, aussi, bien avant sa mort, par diverses dispositions testamentaires, avait-il pris un grand nombre de mesures pour l'emploi des revenus qu'il avait créés. Il avait notamment institué plusieurs fondations pieuses : rentes au profit de deux prêtres, chargés de célébrer deux messes matinales chaque dimanche et fête « chômable », l'une en la chapelle de Langoërat, l'autre en l'église de Kermoroc'h ; rentes au profit des hôpitaux de Guingamp, de Tréguier, de Guémené et au profit de la confrérie du Rosaire en Notre-Dame de Confort ; rentes au profit de deux pauvres écoliers de son lignage pour leur permettre « après être sortis du toit de leurs parents de faire des études de langue latine » [Note : Codicille du 2 avril 1643 au testament du 20 février 1640 (archives personnelles)].

Toutefois, comme la concession de terres, qui lui avait été faite au Poirier, se rapprochait fort, au point de vue juridique du système du domaine congéable, et qu'il devait envisager la possibilité d'un rachat de la plus value par les princes de Guémené, il avait passé pour assurer le service de ses œuvres pies des arrangements avec celui qui ne possédait plus l'ancien Perrier, devenu le Poirier, mais qui, restant le chef de nom et d'armes du Perrier, lui était reconnaissant de tout ce qu'il avait fait pour cette seigneurie, c'est-à-dire Marc du Perrier seigneur du Ménez et de Coatconien.

Marc du Perrier, qui, sous certaines conditions, s'était porté garant de l'exécution des fondations, avait immédiatement pris à sa charge, en affectant deux de ses terres à ce service, la double rente (deux rentes de 75 livres chacune) instituée en faveur des deux écoliers [Note : Archives des Côtes-du-Nord, E 2569].

En fait après la mort de Louis Turquet, en 1676, les princes de Guémené ne procédèrent nullement au rachat des « édifices et superficies » laissés par leur chapelain.

En assez bon nombre les descendants de Pierre, frère de Louis Turquet, à commencer par autre Louis, sieur de Beauregard, neveu dudit Louis Turque et fils aîné de Pierre, continuèrent à demeurer sur les terres du Poirier dans de petits manoirs, construits ou reconstruits à neuf après la relative renaissance de la seigneurie, soit les manoirs dits le château du Poirier, la Solaye, Kermolquin...

Louis et Anne de Rohan, prince et princesse de Guémené avaient eu pour fils aîné Charles de Rohan. Celui-ci fut interdit comme prodigue. Son frère cadet, Louis, connu dans l'histoire sous le nom de Chevalier de Rohan, après avoir été dans sa jeunesse le compagnon de Louis XIV, complota contre son roi avec les Hollandais en guerre contre la France. Arrêté, condamné à mort, il fut décapité à Paris, le 27 novembre 1674.

Cependant, le prince et la princesse de Guémené avaient légué par voie de substitution leur patrimoine à la descendance de leur aîné, Charles. Par un double testament, ils avaient institué, à titre de légataires universel, les enfants de Charles, c'est-à-dire 1°) autre Charles de Rohan, destiné à devenir le prince de Guémené ; 2°) Jean-Baptiste de Rohan, dit le prince de Montauban ; 3°) Charlotte, Armande de Rohan, devenue par son mariage comtesse de Pons ; 4°) Elisabeth de Rohan, devenue par son mariage comtesse de Melun, et enfin 5°) Jeanne, Thérèse de Rohan dite mademoiselle de Montauban. Ce legs était grevé d'une nouvelle substitution « graduelle et perpétuelle » en faveur des enfants des bénéficiaires et des descendants respectifs de ces enfants.

Après la mort en 1667 de Louis VII, puis après celle, survenue au début de 1685, d'Anne, son épouse, un acte de partage fut établi le 29 avril 1685. Charlotte de Rohan, comtesse de Pons, fut déclarée attributaire du Poirier.

Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, soit quelques années avant la Révolution, Charles Vicomte de Pons et la Duchesse de la Vauguyon, née Rosalie de Pons, étaient au sujet de l'héritage du Poirier en litige avec Louis Le Gac de Lansalut-Servigné et Paul Dubois-Berthelot, tous deux héritiers du sieur Trévenal, de son vivant fermier général du Penthièvre.

En effet pendant un certain temps les pouvoirs de ce fermier général s'étaient étendus à la seigneurie du Poirier, du fait que la princesse de Conti, alors en possession du duché de Penthièvre, avait saisi le Poirier, au motif du retard qu'avaient apporté les derniers Rohan Guémené, auxquels il appartenait, à remplir envers elle leur devoir de foi et hommage.

Par transaction, du 26 août 1778, le Vicomte de Pons ainsi que le Duc et la Duchesse de la Vauguyon mettaient fin à la procédure en versant une somme de 24.000 livres à la partie adverse [Note : Archives des Côtes-du-Nord, E 2569. Le document constatant la transaction du 26 août 1778 rappelle les conditions dans lesquelles était intervenu le partage Rohan du 29 avril 1685].

A partir de cette époque le Poirier fut mis en régie. En 1783, le régisseur Antoine Vistorte de Boisléon entreprenait des démarches pour vendre la seigneurie.

En fait le Poirier ne sortit pas alors des mains de la famille de Pons, puisqu'au lendemain de la période révolutionnaire elle en était encore propriétaire.

(Jacques Turquet de Beauregard).

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