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CAHIER DE DOLÉANCES DE KERMOROCH (ancienne trève de Squiffiec)

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Subdélégation de Guingamp. — Département des Côtes-du-Nord, arondissement de Guingamp, canton de Bégard.
POPULATION. — En 1793, 483 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 165).
CAPITATION. — Total en 1770, 431 l. 1 s. 1 d., se décomposant ainsi : capitation, 294 l ; 21 d. p. l. de la capitation, 25 l. 14 s. 6 d. ; milice, 39 l. 4 s. 7 d. ; casernement, 72 l. 2 s. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3281).
VINGTIÈMES. — En 1788, 458 l.
FOUAGES. — Confondus avec les fouages de Squiffiec. — 10 feux 1/2 (Procès-verbal).

OGÉE. — Voy. la notice de Squiffiec.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril 1789, à 8 heures du matin, dans le lieu ordinaire des délibrations. Pas de président indiqué. — Comparants : Pierre Querello ; François Lauraine ; Guillaume Henry ; Pierre Le Barzic ; François Raoul fils Marc ; Philippe Marteville ; Philippe Duedal ; Claude 0llivier ; Jean-Marie Legal ; Mathurin Lebarzic ; Joseph Leparquer ; François Raoul fils Jean ; Yves Raoul ; François Le Bail ; François Kerfaut ; Claude Le Bail ; François Raoul fils Guy ; Marc Henry ; Louis Henry ; Gilles Lebarzic ; Maurice Derrieunic ; Yves Jacquier ; Louis Legrand ; Guillaume Raoul, fabrique ; Yves Merrien ; René Turquet ; Offret, commis ; Marchery. — Député : Louis Legrand.

 

Extrait de doléances, plaintes et remontrances de la trêve de Kermoroch, paroisse de Squiffiec, évêché de Tréguier.

Quel est ce tumulte, cette émotion générale dans toute l'étendue du royaume de France, mais particulièrement dans la classe si ignorée et si refoulée que celle des paysans, à laquelle on pourrait donner à juste propos le titre d'esclave, gémissant au fond des campagnes ? Y aurait-il à craindre que les entreprises de Sa Majesté et de la sagesse auraient pour rôle de perpétuer notre esclavage et servitude ? Non, sans doute ; l'inspiration divine paraît se joindre à la sagesse et présider aux dévouements que Sa Majesté fait sentir n'être fondés que sur la justice, puisque Son Altesse se soumet à un tel degré d'humilité que de recevoir agréablement, et avec protestation d'y avoir égard, les plaintes, doléances, et même les avis des plus simples sujets ; nous tâcherons donc de mettre devant les yeux de sa justice les forces de la distribution des impôts qui nous revient, et que nous payons toujours avec soumission à Sa Majestés, les charges seigneuriales et féodales qui nous accablent.

ARTICLE PREMIER. — Le dixième et les deux sols pour livre du dit impôt se répartit régulièrement sur la petite partie de revenus que nous possédons ; souvent s'augmentent-ils du double au triple, sans jamais pouvoir parvenir à la restitution.

ART. 2. — Les fouages ou la taille surpassent encore le dernier impôt en ce qu'il revient à chaque journal de terre vingt sols, tant bon que mauvais, sans y comprendre la rente foncière et convenancière due aux seigneurs, qui montent, à une supputation commune, à deux boisseaux froment par an pour chaque journal de terre, qui aujourd'hui vaut huit livres le boisseau.

[Note : Voy. à ce sujet le Rentier des seigneuries de Coetnizan et Kermoroch, de la 2ème moitié du XVIIIème siècle (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds de la Bourdonnaye-Montluc) ; la plupart des terres qui y sont mentionnées sont des domaines congéables ; par exemple, de la seigneurie de Kermoroch dépend le convenant Garandel, qui doit de rente 2 boisseaux de froment, 2 boisseaux d'avoine, 6 l. en deniers, 2 chapons, 4 poulets et, pour une corvée, 9 l. 12 s. (Rentier, fol. 193) ; le Rentier contient beaucoup d'autres mentions analogues].

ART. 3. — La capitation n'est pas beaucoup moins excessive que les derniers impôts en ce qui concerne la distribution en notre classe ; cet impôt se fait encore avec plus d'inégalité que tout autre : deux personnes de la même classe, la première paye cent soixante livres, le dernier ne paye que douze livres avec exemptions de grand chemin ; le premier y est obligé selon sa capitation, voilà l'injustice, voilà la protection et la grâce de pouvoir trouver accès auprès des commissaires.

ART. 4. — La dîme usuraire à la douzième gerbe aux seigneurs est illicite, en ce qu'elle ne fut consentie qu'à conditions de prendre le soin de conserver les gaigneries des vassaux du pillage des corbeaux et autres bêtes pernicieuses au blé, enfin de faire exactement la chasse aux loups pour la garantie des bestiaux ; ces devoirs sont négligés ; on n'a jamais vu les accomplir ; la dîme est donc injuste et doit être supprimée.

[Note : La seigneurie de Kermoroch possédait des dîmes en Kermoroch : dans le Compte de la recette de M. de Kerouspy, pour M. le président de Montluc, des seigneuries de Coatnizan et de Kermoroch, nous lisons : « Reçu du fermier de la dîme et des coutumes. 1.050 l. » (Arch. d’Ille-et–Vilaine, série E, fonds de la Bourdonnaye-Montluc, Comptes)].

ART. 5. — L'assujettissement des moulins est un droit qui rappelle aujourd'hui la mémoire de l'ancienne servitude ; l'institut de ce droit était sur le pied du seizième pour droit de moute ; aujourd'hui le huitième est trop peu ; le quart est leur taux presque ordinaire. Si on a le malheur de les réprimander, on court le risque d'être emprisonné, hommes et bêtes.

ART. 6. — Les corvées quotidiennes que les seigneurs exigent de leurs vassaux sont aussi accablantes. Serait-on aux occupations les plus sérieuses de l'agriculture, quand le seigneur parle, il faut obéir et à ses propres dépens.

ART. 7. — Ces longs trains de procédure pour un objet de peu de valeur, la moindre discussion entre deux parties, si on est connu possédant de tant soit peu de biens, les frais vont parvenir à plus de cent pistoles ; la justice s'empare du bien, et le plaideur à la mendicité.

ART. 8. — Les commissions exorbitantes que les seigneurs exigent des misérables fermiers et colons pour se procurer un couvert pour lui et sa famille égalent et même souvent surpassent le provenu de rente annuelle, et elles ne laissent presque personne sortir de la misère ; cette oppression s'exige le plus souvent pour faculté de congédier, chose qui nous paraît tout à fait étrange et contraire à toutes lois. Comment ! Un lignager ne peut accorder le droit de retrait à un parent d'un autre estoc, et le seigneur peut aliéner le droit de congédier son vassal à un étranger.

[Note : On lit dans une lettre de Prigent, agent du seigneur de Kermoroch, à Rousset, secrétaire du marquis de Montluc (28 février 1766), les passages suivants : « ... J'ai fait usage du pouvoir de Monsieur le marquis pour le convenant Legoas, et, au lieu de 75 l. qu'on proposait pour le pouvoir congédier, j'ai tiré 100 l. pour l’assurance des colons actuels ; ainsi, je crois qu'ils ont mérité la préférence. Je vais aussi accorder la faculté de congédier l'issue Kerbihan, les proposants l’afféagement ne poussant pas leurs propositions au taux raisonnable ». Les Comptes nous montrent d'ailleurs que, pour la seigneurie de Kermoroch, les revenus casuels (qui comprennent, entre autres, les commissions) sont plus élevés que les revenus fixes. Pour les années 1764 et 1765 le total des « revenus certains » est de 649 l. 2 s. 10 d. ; celui des revenus casuels s'élève à 1.314 l. 10 s. 6 d. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds de la Bourdonnaye-Montluc)].

ART. 9. — Mais pourrions-nous nous dispenser de parler des veuves, mineurs et orphelins, qui est la partie encore plus opprimée de notre classe par l'impétuosité d'un perfide greffier de basse juridiction, qui, mal instruit du pouvoir lui accordé par la loi et la justice, se rend le seul héritier des effets délaissés aux dits mineurs par la mort de père et mère et souvent jugule les parents pour lui payer des suppléments ?

[Note : Dans l'état de 1766. nous voyons mentionnée la juridiction de Kermoroch, qui exerçait la haute justice et appartenait au président de Montluc (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1819)].

ART. 10. — La noblesse pourra donc à juste cause démontrer à Votre Majesté souveraine que les paysans vendent les bœufs, les moutons gras et les poulardes et qu'ils ramassent de grands trésors, mais il leur serait plus convenable d'avouer que nous vendons souvent la farine et qu'il ne nous demeure que le son pour toute nourriture.

ART. 11. — Mais Votre Majesté, toujours guidée par l'inspiration divine et la sagesse de votre Conseil, a d'autres vues sur nous, puisque vous nous honorez du titre de la classe la plus utile ; vous l'avez bien pesé, Sire, parce que les deux premières classes jointes ensemble ne seraient pas dans le cas de défricher une seule pièce de terre en état de produire une seule récolte. Votre Majesté enfin a bien voulu nous donner l'exemple de la plus grande humilité en vous soumettant à requérir les avis d'une classe si plongée dans l'ignorance.

Vous annoncez donc, Sire, que l'Etat est obéré. Vous avez dans votre royaume tant d'abbayes et monastères qui ne font aucun service public ; les religieux, par l'abondance des biens qu'ils possèdent, se rendent souvent plus scandaleux à leurs riverains qu'ils ne sont édifiants ; en leur accordant une pension convenable et médiocre, il est en votre pouvoir de joindre le revenu à votre domaine, qui produirait un revenu immense à l'Etat ; tant d'autres bénéfices si opulents accordés pour l'entretien d'une seule personne, qui pourrait participer aussi au bien de l'Etat ; enfin tant de communautés religieuses qui possèdent des trésors remplis de barriques lattées [Note : Peut-être faut-il lire tallées] d'or et d'argent, qui ne parviendront jamais à aucun bien public et par conséquent propres au recouvrement de l'Etat.

Une répartition égale des impôts dans les trois ordres pourrait sans doute faire un adoucissement au Tiers ordre, qui les a tous supportés jusqu'à présent. Enfin Votre Majesté ayant fait connaître en tout cas son dévouement pour le bien public, nous avons tout lieu de croire et d'espérer que votre bonté se portera toujours à prouver la liberté à la partie la plus soumise de ses sujets.

Vous aurez sans doute pour but de supprimer tout ce qui est injuste, comme les procès. Nous pensons qu'ils doivent être réduits à trois ou quatre audiences, la première pour appeler la cause, la seconde pour fournir les moyens ; la troisième ou quatrième devrait donner la décision, et toutes personnes en état de faire entendre leurs raisons pourraient être admises à plaider leurs causes comme dans plusieurs tribunaux.

La réception d'aveux et de déclarations devrait se faire gratis ; les seigneurs, qui jouissent des revenus, doivent payer les personnes qui agissent pour eux, et on ne devrait fournir qu'un dans la vie.

Pour ce qui regarde les inventaires des mineurs, les parents qui sont au nombre de douze, comme frères, cousins, oncles germains, ne pourraient jamais tomber en pareil désordre qu'un séditieux greffier qui n'a pour but que ses vils intérêts ; ce serait donc aux parents à choisir un écrivain pour procéder à l'inventaire et à la vente, si requis est, et en faire le dépôt au greffe, sans néanmoins interdire à la justice le pouvoir de poursuivre les parents mutins et opiniâtres.

Nous requérons aussi, Sire, qu'il plaise à Votre Majesté accorder à la commune de Rennes, à laquelle nous joignons notre réquisitoire, qu'il soit voté par tête aux Etats généraux et non par ordre. Nous supplions également de nous accorder les bois blancs, comme hêtre, frêne, orme, châtaignier, ne pouvant manœuvrer nos [sic] sans ces bois, faire ni charrue, ni charrette, par conséquent, hors d'état de faire aucuns charrois, auxquels non nous soumettons toutes et quantes fois que Votre Majesté l'ordonnera.

[Note : Nous voyons d'après une lettre de Prigent, du 20 Juin 1765, combien, sur la seigneurie de Kermoroch, on surveillait les arbres : « Le sieur Herpe avait été obligé de faire une brèche dans un coin du fossé du convenant Trividic pour faire passer ses bois dans leur longueur, et, pour cela, il abattit un vieux chêne qui, preuve faite, valait 15 à 20 s., lequel chêne ayant resté quelques jours sur le chemin, fut enlevé par les pauvres voisins... ; ces voisins mandés sur les lieux ont reconnu le fait et, quoiqu'à la mendicité, ils ont offert de payer craignant que je n'allais, comme juge, les condamner aux galères. J'ai fait valoir ce talent qu'ils me donnaient pour les épouvanter ; ils ont pleuré et promis de ne rien toucher désormais... ». Prigent examine aussi dans la même lettre une autre affaire relative à « trois arbres abattus sur la prée » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds de la Bourdonnaye-Montluc, liasse des seigneuries de Coatnizan et de Kermoroch)].

Quant au grand chemin, auquel un chacun y est assujetti selon sa capitation, nous souhaiterions savoir de quoi sont devenus les fonds pour la confection d'icelui, auquel nous y travaillons depuis environ quarante ans sans jamais avoir reçu aucun salaire.

[Note : La tâche de Kermoroch, sur la route de Guingamp à Tréguier, était, en 1788, de 430 toises, et son centre se trouvait à 1 lieue 1/3 du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883)].

Nous prenons aussi la liberté de mettre sous les yeux de Votre Majesté que nous sommes accablés par la grande quantité de pauvres que nous sommes obligés de soutenir et d'entretenir parmi nous, auxquels la noblesse refuse l'ouverture même de leurs portes.

Fait et arrêté en notre dite trève de Kermoroch, le premier jour d'avril présent mois mil sept cent quatre-vingt-neuf, en suppliant votre bonté souveraine d'avoir égard vis-à-vis de sujets qui se soumettent à Votre Majesté divine, sous nos signes.
[17 signatures].

(H. E. Sée).

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