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LE MANOIR DE TROHEIR A KERFEUNTEUN

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I.

En écrivant Troheir, j'ai suivi l'orthographe qui paraît prévaloir aujourd'hui mais je trouve ce nom écrit à diverses époques Trohei, Trohey [Note : Une fois (en 1668) on trouve Trohaye, faute d'orthographe évidente, due à un greffier du Présidial écrivant sans doute comme il entend prononcer], Tronhéir, Troheir, Tro-eir, Troheier cette dernière forme, conservée par la prononciation vulgaire et bretonne, a été adoptée par le cadastre.

L'étymologie du nom n'est pas douteuse. Ce nom n'est qu'une corruption ou une abréviation des mots Traon-Tei ou Teir, vallée du Tei ou Teir. La jolie rivière qui baigne les terres de l'ancien manoir et qui fait tourner son moulin porte aujourd'hui le nom de Steir ; mais elle s'est longtemps nommée Teir et plus anciennement Tei [Note : Hévin écrit Teir].

Le manoir de Troheir a eu très anciennement des seigneurs particuliers. En 1326, Geffroy de Tronheïr, homme d'armes (armiger), fait un contrat d'échange. En 1349, le même fait son testament dont le vicaire de Villa fontis (Kerfeunteun) est dépositaire. Il nomme en cet acte Guy, son frère, Jean, son fils, Théophanie, sa soeur. Vers le même temps, Jean de Troheir et Elyonore, sa femme, font à leur tour leurs testaments, que présente à la cour des Regaires Nicolas Cervi (Le Cerf), curé de Campo Gloaguene (Mez Gloaguen) [Note : Elyonore, nièce de Yves Cabellic, archidiacre de Poher et neveu de l'évêque Yves Cabellic. Elle fut iuhumée dans la chapelle de saint Nicolas, aujourd'hui saiut Frédéric, à la cathédrale. LE MEN, Monog. de la cath., p. 37]. — Les époux de Troheir habitaient rue Obscure, à Quimper [Note : Cartulaire de Saint-Corentin].

Il semble que, dès cette époque, Troheir n'était pas une demeure seigneuriale. Au commencement du XVème siècle, nous trouvons ce manoir aux mains des du Juch, seigneurs de Pratanroux (1426), et, peu après, le seigneur y a deux métayers (1444) [Note : Réf. des fouages de Kerfeunteun (1426). Henry du Juch à Troheir, manoir. (1444) Henry du Juch, deux métayers à Troheir].

Depuis cette époque, les deux terres de Pratanroux et Troheir n'ont été séparées que pendant quelques années du XVIIIème siècle. Vendues en deux lots, en 1775, elles furent acquises par le même, et aujourd'hui elles sont de nouveau réunies aux mains d'un descendant de cet unique acquéreur.

Quand j'ai conté l'histoire de Pratanroux, j'ai dit que Troheir avait passé par héritage des Juch aux de Baud, et par mariage de ceux-ci aux Rosily, qui l'ont vendu en 1775. Aujourd'hui, je ne reviendrais pas sur Troheir, s'il ne s'agissait de mettre en lumière des titres curieux qui viennent de m'être communiqués [Note : C'est à M. l'abbé Peyron que je dois l'indication de ces pièces. Elles figurent en résumé dans l'inventaire des titres de l'Evêché dressé au commencement du XVIIIème siècle et classé aux Archives départementales G. 52, 53, 54. Les titres que réfère l'inventaire sont classés par paroisses G. 15, 16, etc. Les titres de Troheir sont à Kerfeunteun G. 17].

Dans son aveu au Roi du 16 juillet 1682, l'Évêque se déclare seigneur des paroisses de Cuzon et Kerfeunteun. Les aveux rendus à l'Évêque par les seigneurs de Troheir comprennent, outre le manoir de Troheir et quelques domaines, trois manoirs et sept villages disséminés dans ces deux paroisses sous le fief de Troheir. En outre, la terre de Troheir s'étendait sur les trois villages de Kerminihy, Kergroach et Kergolvez, au delà du Stéir, dans la paroisse de Saint-Mathieu de Quimper ; ces trois villages en tant qu'annexes de Troheir étaient du fief des Regaires [Note : Kerminihy, habité en 1475, est mentionné comme en friche à l'aveu de 1750 ; et le nom même disparait dans les aveux postérieurs. Voici du reste la composition exacte de la terre de Troheir : - Domaines : 4 tenues au manoir de Troheir et moulin, village de Kerbascan (Kerfeuntun). Kerminihy, Kergroach, Kergolvez, 3 tenues (Saint-Mathieu). Manoir de Kerledan avec moulin, manoir de Trevazon, Kerancloarec (Cuzon). - Cheffrentes : (Kerfeunteun) manoir de Kerambiquet, de Kerpaen (sergenterie féodée des Regaires), de Bécherel ou Bécharle. Villages de Penfrat, Penanrun, Keranmoel. Kersterancoet, Kermoyec. — (Cuzon) Kerannizin, Tyezegar. (Je copie l'orthographe des titres anciens, les noms ont subi quelques modifications)].

La seigneurie de Troheir était, jusqu'en 1475, soumise au bail féodal : c'est-à-dire que le seigneur Évêque percevait le revenu intégral de la terre pendant la minorité du seigneur. Droit exorbitant, importé d'Angleterre par le comte Geffroy (1185), antipathique aux Bretons, et contre lequel les seigneurs ne cessèrent de protester. Moins d'un siècle après, ils obtenaient de Jean Ier la conversion du bail en rachat : c'était le droit pour le seigneur suzerain de percevoir, au décès du vassal, une année du revenu de la terre, en quelque âge que fussent ses héritiers [Note : Hevin, consult. 11, p. 45, lire sur le rachat cons. 9 et 11 ; sur le bail établi par raisons politiques et militaires, voir cons. 107].

Il est singulier que plusieurs siècles après la Constitution de Jean Ier (1275), le bail féodal subsiste encore dans le fief de Cornouaille. Je ne dis pas assez : il semble que le bail soit encore le régime ordinaire sous le fief des Regaires de Quimper vers 1540 ; et je l'y retrouve en 1571, 1624, 1643 et même 1661 [Note : Je puise ces indications dans l'examen des titres de l'Évêché pour Cuzon et Kerfeunteun, seules paroisses que j'aie étudiées. G. 52, 54].

Je ne trouve de cette bizarrerie qu'une explication c'est que le seigneur Évêque omettait d'exercer son droit de bail, comme nous le voyons souvent faire grâce du rachat [Note : Exemple. – L'Évêque fait grâce du bail, en 1506, au seigneur mineur de Missirien (Kerfeunteun), à une condition pourtant et dont les justiciables ne se plaindront pas, c'est que pendant cette minorité la cour des Regaires exercera la justice de Missirien. Tit. de l'Evêché, G. 15, Cuzon].

II.

Troheir semble avoir été du petit nombre des terres nobles qui n'avaient pas de justice [Note : C'est une singularité. Hévin, cousult. 77, p. 379].

Mais les seigneurs de la maison du Juch, ayant haute justice et patibulaires à Pratanroux, imaginèrent d'élever trois poteaux de justice sur la colline de Kergroach, située en face de Troheir et qui domine la route et le pont du Stéir ; c'était affecter la haute justice puisque « les patibulaires étaient le signe du droit de glaive ». Les Évêques hauts justiciers protestèrent ; mais l'usurpation se renouvela un peu avant 1475.

Le seigneur de Troheir était alors Henri du Juch, chevalier, allié par son premier mariage à la maison des Le Barbu et capitaine de Quimper. Il dresse à son tour ses fourches patibulaires. Il faut en finir de cette prétention, sans cesse renaissante ; et l'Évêque Thibaud de Rieux appelle Henri du Juch devant sa cour des Regaires, « demandant et concluant que ledit Messire Henry fut condamné à faire réparation de l'attentat, et à mettre la chose en premier état avec amende et des dommages à l'égard de justice ».

« Ledit Révérend Père en Dieu disait et pouvait dire que ledit Messire Henry était et est son homme ès fief des Regaires qu'il tient et doit tenir à devoir de bail, les manoirs et hébergements de Troheir....... qu'à cause de son droit épiscopal et des Regaires et par privilège et antique possession, à lui (l'Évêque) appartient toute justice, tant haute que moyenne et basse avec tout justiciement aux paroisses de Cuzon et Kerfeuntun, et que tout ce être notoire ».

Le seigneur de Pratanroux et Troheir, se rendant à l'évidence, reconnaissait les conclusions de l'Évêque en ce qui concernait la paroisse de Kerfeuntun (Kerfeunteun) et Cuzon ; mais il soutenait que Kergroach et Kergolvez, situés dans la paroisse de Saint-Mathieu, n'étaient pas au fief des Regaires, mais dans un autre fief qu'il ne nomme pas...... Il maintenait avoir la justice sur cette partie de sa terre et apparemment la haute justice puisqu'il élevait des patibulaires.

Mais l'Évêque et le capitaine de Quimper se mirent bientôt d'accord et « pour obvier à grande involution de procès et paix et amour nourrir entre eux », ils signèrent, le 19 mars 1475, l'acte de transaction dont je viens d'abréger l'exposé de faits [Note : Arch. dép. G, 17, Kerfeuntun].

Cet acte est revêtu des formes les plus solennelles : il est dressé dans la Cathédrale « en présence et du consentement des chanoines présents en chapitre et chapitre faisant à son de cloche ».

Le seigneur de Troheir reconnaît tenir Troheir et ses annexes en Saint-Mathieu à devoir de bail sous le fief des Regaires. Il reconnaît que l'Évêque seul a la justice haute, moyenne et basse, sur toute la terre de Troheir. Il reconnaît qu'il n'a eu droit d'élever les fourches à Kergroach.

« Sur quoi, en considération des confessions grés, octrois et consentement dudit chevalier, et en considération de plusieurs biens que ledit chevalier, ses pères et autres prédécesseurs, ont es temps passés octroyés à l'église Cathédrale de Cornouaille », l'Évêque lui accorde de tenir la justice patibulaire aux lieux où elle est assise, en la paroisse de Saint-Mahé.

Mais c'est une pure tolérance, l'acte dit expressément que « cette justice ne fera gagner à Messire Henry ni ses hoirs et successeurs aucune connaissance de cour et juridiction sur ce qu'ils auront d'héritage à Kerfeuntun et Cuzon ».

Quant aux possessions de Troheir, en Saint-Mathieu, puisque l'Évêque tolère le signe public de la haute justice, il faut bien qu'il tolère la haute justice elle-même. Donc il consent que le seigneur de Troheir exerce la justice, mais « sauf le ressort par appel ou contredit réservé aux Regaires ». De plus, il est stipulé que cette justice s'exercera concurremment avec celle des Regaires, c'est-à-dire que, « si la justice des Regaires est saisie la première, soit d'office, soit par les parties, elle restera saisie, sans qe le seigneur de Troheir puisse exercer le retrait en cour ».

Voilà une haute justice singulièrement amoindrie ! Selon la règle, dans les hautes justices les contredits sont portés devant le sénéchal de Nantes ou celui de Rennes, d'où l'appel va droit au parlement des Ducs ; mais jamais contredits ni appels ne vont d'un seigneur à un autre.

Mais qu'importe au seigneur de Troheir cet amoindrissement de sa justice nouvelle ? Ce qu'il lui faut, c'est le titre de haut justicier ; ce qu'il veut surtout, ce sont les fourches patibulaires qui, dressées sur sa terre, annoncent au loin son droit de glaive.

Enfin, et ceci importe, le droit de bail féodal est remplacé par le droit de rachat au profit du seigneur Évêque.

En regard de ces concessions faites par l'Évêque, voici celle que fera le seigneur de Troheir :

« Il constitue de cheffrente sur le tout des héritages tenus es dites Regaires, savoir est :

Une paire de mittaines bonnes et honnêtes à bailler à un prélat pour être à son ponfical. Quette cheffrente ledit Messire Henry et ses successeurs seront tenus payer et rendre audit Révérend Père en Dieu et ses successeurs à peine d'amende et de saisie.

Savoir : Es trois prochaines fêtes de Noël, le chevalier, s'il n'est absent hors de cette contrée ou empêché par maladie, en fera le paiement en sa personne chacun jour de Noël au commencement de la messe de Puer natus est, au bout du grand autel de l'église cathédrate, au R. P. en Dieu, ou à celui qui dira la grand'messe. Et les hoirs et successeurs dudit Messire Henry, seront tenus de payer de leurs personnes cette cheffrente à chacun Évêque le jour de son entrée en la ville de Quimper au bout du grand autel ; et par deux autres fois, durant la vie de chacun hoirs et successeurs, le paiement aura lieu aussi de leurs personnes au bout dudit autel, le jour de Noël [Note : Disposition singulière si la copie n'est pas fautive] et es autres fois ledit Messire Henry et ses hoirs...... paieront ladite cheffrente...... à chacun jour et fête de Noël par chacun an, à l'issue de la porte de la maison épiscopale, comme ils (les évêques) partiront d'icelle maison à aller à la grande messe de Puer natus est .... ou aux vicaires du R. P. en Dieu, s'il est absent. Et à chaque fois que ledit Messire Henry et ses successeurs ne feront ie paiement en personne, comme dit est, ils seront tenus le faire par procureur qui soit noble homme ayant pouvoir exprès d'iceux quant à ce » [Note : Noble homme dans le style du temps, c'est gentilhomme. Hévin, consult. 121. En outre, l'acte nous apprend que le Sr du Juch abandonne une rente de six sous à lui due sur la maison dite de la Psalette, rue Obscure. Vers 1888, la maison n°31, rue Royale, où Bertrand de Rosmadec avait établi la Psalette : c'est l'hôtel de Jacquelot de Boisrouvray. L'acte le décrit ainsi : Maison de la Psalette de l'église cathédrale qui autrefois était à maître Guillaume Maucousu (Guillaume Maucousu, chanoine, a signé le p. v. de la fondation des tours de la Cathédrale : 28 juin 1424) assise en la ville de Quimper-Corentin, en la rue Obscure, devant la maison où demeura autrefois Pierre Morvan, d'un costé, et la maison que vers 1888 tient M. Guillaume Lorguelloux (Lorgueilleux), et entre deux, il y a une vieille mazière que tient vers 1888 M. Fortaine-Guillou].

Le seigneur de Troheir « s'oblige en plus, dans les quinze ans prochains, de bailler de cinq ans en cinq ans (1480-1485-1490) lettres de connaissance en forme authentique du contenu on cet acte ».

Cette précaution qui semblait superflue ne devait pas recevoir une exécution entière.

Avant l'échéance du premier terme de cinq ans, Thibaud de Rieux était mort (1479) ; et, ce premier terme à peine expiré, Henry du Juch mourait au Mur (Saint-Evarzec), le 5 des ides d'octobre (11 octobre 1480), et, deux jours après, les cordeliers de Quimper le couchaient dans l'enfeu de ses ancêtres [Note : Nécrologie des cordeliers].

Guy du Bouchet, successeur de Thibaud de Rieux, et Raoul Le Moel, successeur de Guy, entretenaient les mêmes relations d'amitié avec Hervé du Juch, seigneur de Pratanroux et de Troheir, fils d'Henri et son successeur dans la charge de capitaine [Note : Mais non successeur immédiat : il était mineur, en 1480, à la mort de son père, auquel succéda Charles de Keinmec'h]. C'est ainsi que, la mort de Henri donnant pour la première fois ouverture au droit de rachat sur Troheir, Guy du Bouchet donna ordre à son receveur de laisser Hervé du Juch jouir du rachat, c'est-à-dire de ne pas lui réclamer le revenu d'une année (20 novembre 1480).

III.

L'acte que je vais résumer montre de la part de Raoul Le Moel les mêmes dispositions bienveillantes pour le seigneur de Troheir.

Cet accord a été dressé, le 17 août 1500, entre Raoul Le Moel et Hervé du Juch, capitaine de Quimper. Les parties n'entendent déroger en rien aux conventions du 19 mars 1475 ; mais :

« Attendu la difficulté de trouver des mitaines bonnes et honnêtes telles que à tel seigneur et prélat peut et doit appartenir pour officier en pontifical, il a été convenu ....

Que pour éviter à toute difficulté, le seigneur fera le premier paiement d'une paire de mitaines ou gans bons et honnêtes à prélat pour officier en pontifical, brodés de fil d'or et enrichis à stigmates et autre décorements requis, jusqu'à la valeur et l'estimation d'un écu d'or ; et..... au lieu desdites mitaines, à chacun des termes en suivant jusqu'à la neuvième année, baillera un demi écu d'or du coin réel à la couronne ou soleil ou de Bretagne, si trouver le peut ; et, sinon, une moitié d'écu d'or de prix bon ; quel écu sera apporté en entier au lieu déclaré par la transaction de 1475, et là coupé en deux moitiés ou portions en présence du seigneur Évêque dont il (l'Évêque) choisira et prendra la portion que bon lui semblera ; et, le prochain neuvième an, paiera et baillera audit Évêque une paire de mitaines ou gans comme devant ; et par autant que ledit seigneur ne pourrait trouver les gans ou mitaines brodés comme devant, ledit seigneur Évêque consent de prendre autres mitaines ou gans à stigmates et autres décoremens enrichis d'or ou d'argent par orfèvre, jusqu'à la valeur d'un écu d'or qui sera par lui reçu, jurant et vérifiant, s'il en est requis (le seigneur du Juch) ne pouvoir ni n'avoir pu recouvrer lesdites mitaines ou gens ouvriers, ou matière pour les faire ès six semaines avant ledit terme. — Ainsi sera-t-il fait de neuf ans en neuf ans, subséquentement à jamais, savoir : le demi-écu par les intervalles de neuf ans et les gans au parachèvement desdits neuf ans, comme devant, que sera à chacun dixième an ».

En outre, il était dû à l'Évêque, « à son entrée et réception, une paire de gans ou mitaines par espèce de semblables devis que dessus ».

Nul doute qu'un troisième acte, que nous n'avons plus, n'ait apporté quelques modifications aux clauses des actes ci-dessus.

Ainsi, depuis le commencement du XVIIème siècle, le paiement des gants s'est fait de neuf ans en neuf ans et non tous les dix ans [Note : Un aveu de 1530 porte comme les transactions : tous les dix ans. Les aveux postérieurs (1650-1652-1711) portent au contraire : tous les neuf ans, et disent, à la première entrée de l'Évêque comme aussi de neuf ans en neuf ans aux subséquents. La période do neuf ans recommence à chaque entrée d'Évêque. — Les gants ont été baillés à Noêl 1530, et à Noël 1617. Ces deux dates embrassent une période de 87 ans, soit sept périodes de 9 ans, plus 6 ans].

En second lieu, le paiement de la cheffrente s'est toujours fait à l'église cathédra!e et jamais à la porte de la maison épiscopale. Il nous reste cinq procurations données par les seigneurs de Troheir ; et sept procès-verbaux constatant le paiement de la cheffrente ou donnant défaut, et ces douze actes, dont l'un est de 1530, supposent un paiement à faire ou fait à l'église.

En 1530, les gants sont dus. Raoul du Juch donne procuration à René Le Gallou, écuyer, René Mocam et Jacques de Moellien de payer un écu d'or, et d'affirmer sous serment qu'il « n'a

 pu trouver les gans stigmates ni ouvriers pour les faire, sans intention de déroger à l'appointement de 1475) ».

En 1532, le même donne procuration à Jacques de Nevet, chevalier, seigneur de Nevet, Jean de Penguily, chevalier, seigneur de Trohanet, Alain de Kerguelenen, chevalier, seigneur de Kerguelenen.

En 1642, Rolland de Lezongar, seigneur du Hilliguit, mari de Claude du Juch, donne procuration à René de Kerloeguen, seigneur de Crec'heuzen, de la Salle et de Toulgoet.

En 1617, Jean de Baud, seigneur de la Vigne et la Houlle, donne procuration à écuyer Jacques du Quellenec seigneur du Delien.

IV.

On a quelque peine à comprendre qu'en présence des termes des transactions de 1475 et de 1500, les seigneurs de Troheir aient affronté la menace de saisie de leur terre en n'exécutant pas ces actes. Au dernier siècle, l'Évêque invoquait en preuve de son droit deux saisies prononcées pendant la messe de Noël, en 1657 et 1658, et le Sénéchal repoussait ces actes comme étant de date trop récente. Nous avons sous les yeux une sentence (est-ce la première ?) rendue le 25 décembre 1566. — On peut supposer qu'à cette époque le seigneur de Troheir laissait défaut par négligence, puisque, l'année suivante, il se présente et proteste de sa fidélité ; mais plus tard les refus persistants de quelques seigneurs avaient une autre signification : ils étaient la négation du droit établi en 1475 et confirmé en 1500.

C'est ainsi qu'en 1693-93-99-1700, et sans aucun doute dans les années intermédiaires, il fut donné défaut contre Mathurin de Rosily, seigneur de Méros, Pratanroux et Troheir. Il avait commencé un procès contre l'Évêque à propos de cette cheffrente [Note : Sur la copie de la transaction de 1475, on lit : La copie originale est au sac de Messire Mathurin de Rosily, au sujet du procès d'entre lui et Mgr l'Évêque, et c'est sur cette copie qu'a été prise et collationnée cette nouvelle copie pour le greffier, et elle a été adjugée parties ouyes par le sénéchal au procureur du défendeur (l'Évêque), 20 juin 1696].

Nous n'avons malheureusement pas les pièces du procès : Sans aucun doute, M. de Rosily plaidait que son obligation était sans cause.

J'ai sous les yeux un minu de 1535 rendu par Rolland de Lezongar, mari de Claude du Juch, et un autre de 1650, rendu par François de Rosily. Le premier acte mentionne les patibulaires ; dans le second il n'en est plus question. Pourquoi ? Le voici sans doute :

En dressant des fourches patibulaires à Kergroach, le seigneur de Troheir a commis une double usurpation : usurpation sur le droit de l'Évêque, qui seul haut justicier en ce lieu pourrait seul prétendre au droit d'y élever un gibet ; usurpation sur la prérogative du prince, qui seul peut concéder les Fourches [Note : Denisart, Fourches, p. 215 ; Ferrière, même mot]. Que l'Évêque de Cornouaille ait consenti, en 1475, à fermer les yeux sur l'usurpation, en ce qui le concerne, fort bien ! mais le droit du Duc reste entier et quand le Roi de France sera le successeur des ducs il saura le revendiquer. Or, en 1539, une réformation du domaine royal se fait en Cornouaille : les commissaires réformateurs ont vu les fourches de Kergroach ; ils ont demandé l'acte de concession ducale, que le seigneur de Troheir ne peut fournir. — « A défaut de congé du Duc », le seigneur invoquerait-il la possession immémoriale [Note : Ferrière, Dict. de Droit, V, Fourches, p. 940], ou même la possession de cent ans [Note : Hévin, Questions, p. 218] ? Impossible ! Les fourches de Kergroach n'ont été élevées, la transaction de 1475 en fait foi, que dans l'année 1474 ! Il y a soixante-cinq ans. Cet acte est la condamnation du seigneur de Troheir.

D'après ce qui précède, voici quel devait être le thème de Mathurin de Rosily : la cheffrente est le prix de la concession des fourches ; les fourches supprimées, l'obligation est sans cause. — Mais, aura répondu l'Évêque, la transformation du bail en rachat, la concession de la justice sur Kergroach et Kergolvez ne sont-elles pas aussi la cause de l'établissement de la cheffrente ? Personne ne les conteste, donc la cheffrente est due [Note : La justice irrégulièrement concédée en 1475 a subsistée, bien que le vice de son origine ne soit pas couvert par la prescription de cent ans en 1539].

Je ne sais si Mathurin de Rosily poussa jusqu'au bout cette mauvaise contestation ; mais ce qui est certain c'est qu'il acquitta la cheffrente en 1702 ; que son fils et héritier l'a déclarée dans son aveu du 27 avril 1711, rendu après la mort de son père ; et que les transactions de 1475 et de 1500 s'exécutèrent jusqu'aux dernières années de l'ancien régime.

V.

J'ai insisté sur ce droit singulier parce que, faute d'une étude attentive, il a été contesté au XVIIIème siècle par le sénécha! de Silguy et mal défendue par l'Évêque.

En preuve de son droit, le prélat se contentait d'invoquer un usage que le sénéchal déc!arait peu décent. Il fallait produire les actes que nous avons analysés et qui ne laissent aucune place au doute. Et ces actes avaient d'autant plus d'importance que cette audience tenue chaque année à l'ég!ise étabiissait la juridiction de l'Évêque dans sa cathédrale, juridiction follement contestée par le Présidial à la fin du XVIIème siècle, proclamée par l'arrêt souverain de 1693 et que le sénéchal avait contestée de nouveau en 1745.

Plus on étudie dans les anciens titres l'histoire de nos Évêques, plus on reconnaît ce double trait : Ils ont lutté sans se lasser contre les empiétements du Duc de Bretagne d'abord, puis du Roi, dont les Présidiaux se sont faits les champions.... disons-le, fort intéressés. Chaque évêque, au jour de son entrée, a juré de maintenir les priviléges et les franchises de la cité. Jamais parole ne fut plus religieusement gardée.

Mais en ce qui touche les empiétements des vassaux des Regaires, quelle patience et quelle longanimité ! En voulez-vous un exemple ?..... La saisie de Troheir a été prononcée au moins treize fois depuis 1566, mais pas un acte n'établit que la condamnation ait jamais eu aucune suite. Les officiers de justice faisant leur devoir, requièrent et condamnent ; mais il semble que l'Évêque intervienne alors pour leur dire : « N'allez pas plus loin ». Il lui suffit d'avoir juridiquement maintenu les droits dont il a la garde.

Au contraire, les seigneurs sont, si j'ose le dire, à l'affut de toutes les occasions d'empiéter sur le fief des Regaires. Ainsi dès 1535, soixante ans seulement après la transaction de 1475, renouvelée en 1500, nous voyons Claude du Juch déclarer effrontément qu'elle a cour et juridiction sur ses hommes de Troheir, comprenant dans sa déclaration ses hommes de Cuzon et de Kerfeunteun, et faisant dire à l'acte constitutif de sa justice le contraire de ce qu'il dit [Note : Minu et aveu du 6 novembre 1535].

Il est vrai que cette prétention insoutenable ne se reproduit pas ; et dans les trois aveux postérieurs qui nous restent (23 décembre 1650, 15 janvier 1672 et 25 avril 1711), François, Mathurin et Joseph-Marie de Rosily réclament simplement « la justice sur leurs hommes de la paroisse de Saint-Mathieu ».

Autre exemple d'empiétement : Il s'agit des prééminences dans l'église de Kerfeunteun. En 1535, Claude du Juch déclare son écusson et une vitre à ses armes. C'est bien. Vienne François de Rosily, 1650 il va déclarer qu'il a les premières prééminences à Kerfeunteun, et ses successeurs de même nom afficheront la même prétention. L'Évêque, seigneur haut justicier de toute la paroisse de Kerfeunteun, a le titre de fondateur de l'église et en est (cela va de soi) le premier prééminencier.. Il laisse dire Messieurs de Rosily ; et c'est seulement à la suite de l'aveu de 1711 que je lis cette note : « A impunir : le seigneur devrait reconnaître qu'il n'est premier prééminencier qu'après l'Évêque ». La réformation était certaine.

Nous aurons énuméré tous les droits honorifiques de Troheir quand nous aurons rappelé qu'à partir de 1650 nous voyons les seigneurs de Troheir réclamer le titre de fondateurs de la chapelle de Saint-Conogan.

VI.

Un mot seulement des revenus de Troheir.

Le principal revenu de la terre de Troheir est le moulin de ce manoir : non seulement il fait la mouture des hommes de Troheir, mais aussi de ceux de Pratanroux. Cependant il ne se loue pas cher. En 1653, il est affermé 240 liv. ; mais il est mal entretenu, et le prix de ferme au lieu d'augmenter, selon la règle, descend à 210 liv. en 1657 et 1661, 195 liv. en 1672, à 180 liv. en 1675 à 1691 . il remonte à 195 liv. en 1711, mais il va redescendre à 180 liv. en 1725, et il ne sera que de 150 liv. en 1736, enfin de 180 liv. en 1766. Le manoir noble de Kerledan, en Cuzon, a aussi un moulin loué 36 liv. en 1766.

Les premiers aveux ne réclament que quelques rentes : en tout 142 liv. 146 s. 18 d. ou 149 liv. 7 s. 6 d., plus les fournitures en nature, 15 chapons gras, les redevances en mil, froment, seigle et avoine. En 1711, les quatre tenues de Troheir et Kergolvez cultivent le mil.

En 1766, beaucoup des redevances en nature sont transformées en argent : le revenu total de la terre est évalué à 765 liv. 19 deniers. Et quand Troheir sera vendu en 1775 pour un prix de 10,600 liv., l'évaluation du revenu pour le paiement des droits de franc fief sera de 742 liv. [Note : Le droit de franc fief réclamé était de 742 liv. M. Caussy, acquéreur, obtient la réduction à 342 liv. Le minu de 1766, dressé après le décès de Mathurin de Rosily, déduit de cette somme la rente de 36 liv. due aux Cordeliers. Cette rente était due seulement par Pratanroux].

(Société Archéologique, 1888).

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