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LE MANOIR DES SALLES ET LES COETANEZRE A KERFEUNTEUN

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I.

Ce manoir et la terre dont il fut le chef-lieu sont désignés en breton par le mot Salou, et en latin par le mot Aulae [Note : Nécrologe des Cordeliers de Quimper, actes de 1436 à 1537. Dominus de Aulis veut dire dans le latin du Nécrologe Seigneur des Salles].

Le manoir des Salles a été pendant longtemps et dès le commencement du XVème siècle, en la possession d'une famille ancienne, nombreuse, riche et distinguée de ce pays, les Coetanezre [Note : On trouve le nom écrit Coetanezre, Coatanezre, Coettannezre, Coattannezre, Quottanezre, Quoettanezre, etc. J'ai suivi l'orthographe adoptée par MM. De Courcy et Le Men].

Le berceau des Coetanezre était au château de ce nom (paroisse de Ploaré). On peut voir les restes du manoir et de son enceinte à gauche de la route qui va de l'ancienne route de Quimper par Ploaré, vers le Riz. La seigneurie de Coetanezre s'étendait sur Ploaré et Pouldergat. Au commencement du dernier siècle, elle était réunie avec la seigneurie du Vieux-Châtel, aux mains de Guy de Lopriac, comte de Donges, marquis d'Assérac, colonel du régiment de Soissonnais infanterie, et de Marie-Louise de Ray de la Rochefoucaud [Note : Les deux seigneuries furent vendues ensemble le 18 octobre 1740, à M. Halna du Fretay. Appropriement, Arch. dép., B. vol. 55 (56), folio 108].

Les Coetanezre portaient de gueules à trois épées d'argent garnies d'or, les pointes en bas, rangées en bande. Ils figurent aux réformations de 1426 et de 1536, et à une montre de 1562 comme seigneurs de Lezergué (Ergué-Gabéric), de Pratmaria (Ergué-Armel) et du Granec (Landelleau) [Note : M. De Courcy].

M. de Blois me transmet la longue liste des Coetanezre nommés à la réformation de 1536 ; elle nous les montre dans les paroisses de Coray, Cuzon, Peumerit, Plogastel-Daoulas, Plogonnec, Pluguffan, Plonévez-du-Faou. D'autre part, l'aveu du baron de Pont-l'Abbé au Roi (1732) nous signale dans les temps anciens des seigneurs de même nom en des paroisses comprises dans la baronnie notamment Tréméoc et Plonéour.

Les Coetanezre avaient alliance avec de nobles familles, notamment avec les de Ploeuc [Note : Histoire généalogique de la maison de Plœuc], avec les Lescuz [Note : Nécrologe des Cordeliers. 4 des nones de juillet 1500. Inhumation de Catherine de Lescuz, épouse de Jean de Coetanezre] et les Lanros, dont ils écartèlent les armes à la Cathédrale de Quimper [Note : Chapelle des Saints-Anges. M. Le Men. Monog. de la Cath., 50, 86, 87].

Parmi eux, les uns suivirent, comme on disait, la carrière des armes, les autres portèrent la robe, d'autres entrèrent dans l'église : au XVème siècle, l'un d'eux, fils du seigneur des Salles, fut Cordelier à Quimper [Note : Nécrologe 5 calendes de mai 1476, 14 des calendes d'octobre 1490. Les frères mineurs enterrent Galran de Coetanezre et Adélice de Kerinizan, sa veuve ; et ils les mentionnent comme frère et mère de leur frère Henri].

Les Coetanezre, seigneurs des Salles, avaient une tombe armoriée devant le grand autel de Kerfeunteun [Note : Acte de donation du 8 octobre 1632] un enfeu à Saint-Corentin, chapelle Saint-Corentin, aujourd'hui des Saints-Anges, enfin, un enfeu dans le chœur des Cordeliers [Note : Nécrologe] ; c'est-à-dire aux premières places. On peut conclure de là, que les seigneurs des Salles ont été des premiers bienfaiteurs du couvent de Saint-François.

Neuf membres de la famille furent inhumés aux Cordeliers entre 1436 et 1537 [Note : Les Coetanezre se trouvent avant cette date de 1436. En 1318, M. Caznevet de Coetanezre figure comme exécuteur testamentaire dans un testament relaté au Cartulaire du Chapitre de Quimper. En 1442 (20 septembre), autre Caznevet et Michel, son fils, obligeaient au Chapitre la généralité de leurs biens. Arch. dép., chapitre. G, 92]. Plusieurs des actes donnent à ces morts le titre d'amis particuliers (amicus specialis) du couvent et de l'Ordre. Ils qualifient les uns d'écuyers (nobilis sculifer), les autres de nobles maîtres (nobilis magister) (1436 et 1466).

Noble maître Jean de Coetanezre, mort au pays de Léon, et qui a voulu reposer dans !e chœur de Saint-François, est, sans aucun doute, celui qui fut Procureur général de Pierre II en Basse-Bretagne, en 1451 [Note : Il ne faut pas que le mot de Procureur général fasse illusion : Il n'a rien au XVème siècle de la signification actuelle. Le Procureur général de Pierre II était son mandataire général notamment pour ses affaires contentieuses]. Un jour, au pays de Tréguier, Jean de Coetanezre rencontra un sergent du Roi qui notifiait un exploit à un sujet du Duc, et de sa propre autorité il le fit arrêter. Cet excès de zèle manqua de susciter une guerre ; et, pour la conjurer, le duc Pierre II envoya au Roi une ambassade chargée de présenter des excuses (1452) [Note : Lobineau, p. 658].

Dans le même temps vivait Bertrand de Coetanezre, aumonier du duc Pierre II. En 1455, le Duc le chargea avec Guillaume Liziart, sénéchal de Cornouaille, de faire uns enquête dans les trois évêchés de Léon, Cornouaille et Vannes sur les droits ducaux [Note : Lobineau, p. 661. — Le roi trouvait mauvais que le Duc prit le serment des Évêques et traitait cela d'entreprise nouvelle ; mais le Duc établit par témoins l'ancienneté de l'hommage, son titre de fondateur de toutes les églises et sa jouissance des droits réguliers. Guillaume Lisiart était seigueur de Trohanet ; il mourut et fut inhumé aux Cordeliers en 1495. V. Nécrologe]. Bertrand fut un des exécuteurs testamentaires du Duc (1457) [Note : Lobineau, p. 664]. Il devint plus tard chancelier de Bretagne, et fut envoyé par le duc François II en ambassade à Rome pour obtenir les bulles nécessaires à l'établissement d'une université à Nantes [Note : Lobineau, p. 672].

On peut admettre sans difficulté, je pense, que les Coetanezre mentionnés au nécrologe étaient seigneurs des Salles. La première mention est de 1436, la dernière de 1537 et entre ces deux dates se placent sept mentions, dont une concernant le fougueux Procureur général de Pierre II (1466). Toutefois les actes ne donnent le titre de seigneurs des Salles qu'à deux morts de 1500 et de 1537. Mais l'expression plusieurs fois répétée « tombeau de leurs aïeux » indiquent bien qu'il s'agit d'une tombe appartenant aux Salles [Note : Richard, Guillaume et Vincent, seigneurs de Kerpaen, Pratmaria et Le Granec, ne furent pas seigneurs des Salles. Il y avait du reste aux Cordeliers un enfeu de Pratmaria ; mais résultant d'une fondation faite par Guillaume de Coetanezre, en 1576 seulement. Titres des Cordeliers, cote S, 1 et 2. Voici la succession des seigneurs des Salles, résultant du Nécrologe : 1°) Calendes de février 1436. — Maître Michel Quottannezre mort à Saint-Renan (peut-être Locronan) et apporté en ce couvent. 14, Calendes d'octobre 1442. — Noble demoiselle Marie de Quilvizin (Guilguiffin ?), veuve de Michel de Quottannezre, inhumée dans le choeur. 2°) 14, Calendes de juin 1455 — Noble demoiselle Maria de Trouarin, femme de Maître Jean de Quoettanezre. 12 des Calendes de juin 1466. — Mort au pays de Léon, noble homme Maître Jean de Coettannezre, ami particutier de ce couvent, dont le corps fut apporté : inhumé dans l'enfeu de ses pères. 3°) 5 des Calendes de mai 1476. — Galrand de Quoettannezre, noble écuyer, père de notre frère Henri de Quoettanezre. 12 des Calendes d'octobre 1490. — Noble demoiselle Azelice de Kerinizan, veuve de Galrand de Coettannezre, mère du frère Henri. 4°) 2 des Ides de décembre 1490. — Paul de Coettannezre, ami particulier du couvent. 5°) 4 des Nones de juillet 1500. — Catherine de Lescuz, femme de Jean de Coettannezre, seigneur des Salles. 4 des Calendes de septembre 1537. — Jean de Coettannezre, seigneur des Salles, ami particulier du couvent : inhumé dans l'enfeu de ses pères].

II.

Nous sommes au manoir des Salles.

Nous passons entre deux piliers dont les écussons ont été martelés, et nous entrons dans la cour. Devant nous, à gauche, au coin sud-est, s'élève une maison à un étage, qui sert de remise et de grenier à fourrages. D'après les titres, c'est l'ancien manoir. Cet édifice marque probablement la place exacte de l'habitation des anciens Coetanezre. Ce qui est certain c'est qu'une maison en face, aspectée à l'est, a été habitée au XVIème siècle par les derniers du nom. Les fenêtres sont modernes, mais la porte, presque cintrée, garnie de feuilles recourbées, et couronnée d'un panache pédiculé, est du commencement du XVIème siècle [Note : M. De Caumont, p. 334].

Cet édifice est le manoir neuf. Dans son état actuel il est incomplet ; originairement il se composait de deux corps de logis se coupant d'équerre selon la mode du XVIème siècle ; celui qui a disparu fermait la moitié de la cour vers le midi.

Au commencement du siècle, aux deux angles de la cour, vers le nord, s'élevaient deux tourelles qui n'étaient pas assurément destinées à la défense et avaient été construites au XVIème siècle, dans l'unique but de conserver au manoir des apparences féodales [Note : M. De Caumont, p. 397].

Derrière le manoir est le jardin entouré de hauts murs. Au midi, la cour a une large porte faisant pendant à la porte du nord sur un des piliers se voient deux écussons en relief ; un seul est lisible ; c'est celui, des derniers possesseurs avant 1789. La cour donne accès à une grande prairie bornée par le Stéir, qui faisait autrefois tourner le moulin du manoir. Il ne reste aucune trace de chapelle ni de pigeonnier et les titres — récents il est vrai — n'en font pas mention.

Dans la seconde moitié du XVIème siècle, les Salles appartenaient à écuyer François de Coetanezre, fils ou héritier de Jean, seigneur des Salles, qui figure à la réformation de 1536, et fut inhumé aux Cordeliers, en 1537.

François eut pour femme Hélène Geffroy. De ce mariage naquirent deux filles, Julienne et Gilette. A la mort de son père, qui fut inhumé dans la chapelle du Crucifix, aujourd'hui de Saint-Corentin, à la Cathédrale [Note : M. Le Men, p. 45. Hélène Geffroy fut inhumée au même lieu. Il faut entendre que François et Hélène de Coetanezre furent inhumés sous le pavé. La chapelle n'a qu'une arcade tumulaire, dans laquelle repose aujourd'hui notre dernier évêque, Mgr Nouvel. Cet enfeu appartenait, au XVIème siècle, aux seigueurs de Névet. Le 4 octobre 1596, le chapitre en disposa en faveur de la famille du Marhallac'h, qui l'a possedé jusque en 1790], Julienne, l'aînée des deux sœurs, devint dame des Salles. Elle fut mariée à René du Dresnay, seigneur de Kercourtois (paroisse de Carhaix). C'est ce jeune gentilhomme qui, escortant les députés de Basse-Bretagne aux États convoqués à Lamballe par le duc de Mercœur, périt si malheureusement près de Pontivy. Il avait vingt-cinq ans seulement. Sa mort prématurée excita la pitié, et plusieurs années après le chanoine Moreau parle de Kercourtois avec émotion. « Son corps, dit-il, fut enterré aux Cordeliers avec grande magnificence et beaucoup de pleurs de toutes sortes de gens. Mais il semble que Dieu le voulait à lui, le trouvant disposé à jouir de la gloire éternelle. Il laissa une fille en bas-âge et sa veuve désolée (1594) ». [Note : Moreau, p. 300].

Hélas ! si la veuve de Kercourtois était désolée, elle ne fut pas inconsolable ; et Moreau, lui-même, nous apprend qu'elle était remariée avant 1597. Même redevenue veuve, elle allait prendre un troisième époux. Elle fit de singuliers choix.

Il y avait, alors à Quimper une espèce d'aventurier, le capitaine Le Clou, se disant gentilhomme poitevin, et plus tard qualifié seigneur de Reuvillon. Le Clou faisait partie « de ce ramassis de Normands et de Gascons » qui pour le malheur de Quimper y tenaient garnison en 1597. Il fut accusé de favoriser la première entreprise de la Fontenelle sur la ville ; et, pour se disculper, il ne trouva pas de meilleur moyen que de trahir la Fontenelle. Il l'attira dans un piége et l'amena prisonnier à Quimper [Note : Moreau, p. 302].

C'est à ce personnage que Julienne Coetanezre daigna donner sa main. Elle en eut un fils nommé Jacques, qualifié seigneur de Reuvillon et de la Forêt, qui mourut avant 1632.

La fille unique du premier mariage, Marguerite du Dresnay, dame de Kercourtois, fut mariée à Claude de Bragelonne, d'une branche cadette de l'illustre famille de ce nom. Claude devint président aux enquêtes au Parlement de Paris ; en 1632, nous le voyons prendre le titre de conseiller du Roi en ses conseils d'Etat et privé [Note : Acte de donation, 8 octobre 1632].

En 1620, Julienne de Coetanezre n'était plus une très jeune femme, puisqu'elle était mère avant 1594 ; cependant, vers cette époque, elle épousa le jeune frère de son gendre Bragelonne, devenant ainsi belle-sœur de sa fille. De ce troisième mariage elle eut un fils nommé Claude, qui était encore mineur en 1632, et qui, dit-on, fut tué en duel à Quimper, en 1643, quand il avait vingt-deux ans [Note : Note de M. de Mesmeur, éditeur du chanoine Moreau, p. 193].

A la mort de son père, Jacques Le Clou avait hérité de la seigneurie de Reuvillon ; à la mort de sa mère, il hérita de la seigneurie des Salles en qualité de fils aîné. Il est en outre qualifié seigneur de la Forest.

A sa mort, arrivée, semble-t-il, un peu avant 1632, Reuvillon aussi bien que ses autres biens passèrent à sa soeur et à son frère utérins : dès 1632, ils sont qualifiés, la sœur, de dame de Chef-du-Bois (paroisse de Locamand) [Note : Ce nom paraît synonyme de la Forêt], le frère, de seigneur de Reuvillon. Les Salles semblent restées indivises entr'eux : ni l'un ni l'autre n'en prend le titre, quand le frère et la sœur comparaissent tous deux à un acte par lequel sont données à une cousine, la dame du Parc, les pierres tombales appartenant aux Sal!es dans l'église de Kerfeunteun.

C'est cet acte, sur lequel nous aurons à revenir, qui nous apprend ce que nous venons de dire de Jacques, seigneur de Reuvillon. Il nous apprend de plus que la dame de Bragelonne habitait Chef-du-Bois ; et que son frère utérin, Claude de Bragelonne, encore mineur, avait pour tuteur Henri de Bragelonne, évêque de Luçon, conseiller du Roi en ses conseils d'Etat et privé [Note : Donation, 8 octobre 1632].

A la mort de Claude de Bragelonne, sa sœur, la dame de Bragelonne, devint dame des Salles, et elle transmit, comme nous le verrons, cette terre à sa fille.

Hélène Geffroy, femme d'écuyer François de Coetanezre, mère de Julienne de Coetanezre et aïeule de la dame de Bragelonne, avait eu une sœur nommée Marguerite, femme d'écuyer Pierre du Dresnay, seigneur de Kergallec et de Lanavan (paroisse de Mahalon). Avant 1605, les époux acquirent par échange le lieu noble du Parc, qui confine aux Salles.

En 1605, Marguerite Geffroy était veuve ; elle mourut sans enfants quelques années après ; sa succession revint aux deux filles de sa sœur, Julienne et Gillette de Coetanezre. Le Parc échut à Gillette ; et un titre des Cordeliers nous apprend qu'en 1618, mariée à écuyer Julien Bouard, seigneur de la Grée, elle faisait sa demeure au manoir du Parc [Note : Cordeliers. T].

Elle maria sa fille aînée, Anne, après elle dame du Parc, à écuyer ou noble homme [Note : Son procureur l'a qualifié écuyer, 30 juillet 1635. — D'autres titres disent noble homme. Donation de 1632] René de Tromelin, Sr de Lancelin, conseiller au Présidial.

La dame de Bragelonne et son jeune frère étaient, comme on le voit, cousins germains de la dame de Tromelin, dame du Parc ; et c'est à elle qu'ils firent la donation dont je parlais tout à l'heure, et sur laquelle je reviendrai en faisant l'histoire du Parc.

Après la dame de Bragelonne, les Salles passèrent à sa fille, qui fut femme de Claude Le Jacobin, conseiller au Parlement de Bretagne [Note : Un grand nombre d'arrêts sont rendus sur son rapport à la Réformation de la noblesse en 1668-69-70].

Elle eut pour unique héritier son fils, Messire François-Marie Le Jacobin, abbé, seigneur de Keramprat, Chef du Bois, les Salles, etc., docteur de Sorbonne, qui était en 1691 archidiacre de Quéménet-Ily et grand vicaire de Léon [Note : J'emprunte ces titres à l'acte de mariage de Messire Maurice Thépault, chevalier, seigneur de Tréfaligan, avec Anne-Hélène du Châtel de Kerlech, dame de Langala, etc., belle-sœur de René Le Nobletz, président au Présidial].

Le 30 décembre 1700, M. l'abbé Le Jacobin remboursa pour une somme de 268 liv. en or et en argent une rente de 13 liv. 8 s., due au chapitre de Quimper sur le manoir des Salles [Note : Cet acte est curieux en ce qu'il nous donne le nom des chanoines prébendés et le nombre des prébendes. Il y en a dix : 1° Anne-François de Coetlogon, grand-archidiacre. 2°' Guy de Lopriac, chantre. 3° Jean-Baptiste de Kermellec, archidiacre de Poher. 4° Jean Le Livec, théologal. 5° Jean Collier. 6° Anne-Bernard Pinon. 7° Pierre-Chartes de Chégaray. 8° Julien-François de Bouilloux. 9° Jean-Baptiste Deloubes. 10° Pierre de Kerguelen. Tous chanoines capitulaires assemblés, etc., demeurant en leurs maisons prébendales. Hévin peu auparavant n'en comptait que sept : j'ai déjà relevé cette erreur (voir Promenade dans Quimper, p. 120)].

III.

Le 27 février 1703, l'abbé Le Jacobin vendit sa terre des Salles au sieur Pierre Després et à Antoinette Le Coq, sa femme, marchands à Quimper, place Terre-au-Duc. Ceux-ci, comme nous le verrons, avaient acquis, en 1696, la terre du Parc ; et les deux manoirs allaient être, pour un temps, réunis dans la même main.

Le prix de vente était une somme de 6,600 livres que le vendeur laissait en constitut aux mains des acquéreurs, pour en payer au denier 20 une rente de 330 livres, remboursable à la volonté du débiteur en trois paiements égaux et réductible proportionnellement. Il est déclaré dans l'acte que la terre est du fief de l'Évêque, avec devoir de foi, hommage, suite de cour....... Une cheffrente est-elle due ?...... Le vendeur n'en sait rien : elle ne lui a jamais été réclamée ; mais une condition expresse de la vente, c'est que « l'acquéreur acquittera la cheffrente, si elle est due » [Note : Cette déclaration du vendeur est conforme à la déclaration de l'aveu rendu par l'Evêque au Roi, le 14 juillet 1682. Il déclare tenir en fief sous sa Majesté toute la paroisse de Kerfeunteun, sur laquelle il réclame la seigneurie de ligence, et tous les droits féodaux « et plusieurs cheffrentes » ; et il énumère trente-deux manoirs ou villages, parmi lesquels ne figurent pas les Salles ni le Parc ; mais il prend soin d'ajouter « outre plusieurs autres cheffrentes égarées par laps de temps que le seigneur Evêque se réserve d'éliger plus tard »].

Quoi qu'il en soit, la prise de possession eut lieu le 8 mars ; les bannies à fin d'appropriement furent certifiées par serment le 10 septembre 1708, devant la Cour des Regaires du Comté de Cornouaille et châtellenie de Coray ; et l'appropriement fut prononcé sans opposition. Le 20 novembre, les lods et ventes étaient acquittés. Les acquéreurs ont aussi, sans aucun doute, payé le droit de franc fief. Ils n'ont oublié qu'une chose, mais essentielle : rendre aveu à l'Evêque. Le Procureur fiscal patiente longtemps ; enfin, le 28 juin 1710, il donne assignation. Le 17 octobre 1711, la Cour des Regaires prononce la saisie féodale, qui est formalisée le 3 juin 1713.

J'admire la longanimité du Procureur fiscal des Regaires, et je ne puis comprendre l'obstination des époux Després et leur parti pris de s'exposer à des frais de justice. Leurs enfants vont bientôt les imiter.

M. et Mme Després, mariés à Saint-Mathieu, le 28 septembre 1681, eurent cinq enfants entre 1682 et 1687. Il semble qu'en 1717 il ne restait plus qu'une fille, Anne-Jacquette, née le 3 juillet 1686, et mariée à Charles Cossoul, marchand de draps et de soies. Anne-Jacquette avait reçu en dot les Salles et le Parc ; du moins, à partir de 1717, est-ce Cossoul qui administre ces terres ; c'est lui qui paie à l'abbé Le Jacobin la rente constituée ; c'est lui qui sollicite et obtient de la maîtrise des eaux et forêts de Carhaix l'autorisation d'exploiter des arbres aux Salles [Note : En 1727, il fournit une attestation d'un maître-charpentier de marine commis à la visite et martelage des bois du Roi dans l'Evêché de Cornouaille : « qu'il n'y a sur les Salles aucun bois propre pour la construction des vaisseaux du Roi »].

M. Després meurt en 1719, et M. Le Jacobin à peu près en même temps ; car, cette année, la rente est payée à son héritier noble Jacques-Julien Bertault, chevalier, seigneur de Marzan, Kerjean, la Châtaigneraie, le Pordor et autres lieux, conseiller du Roi en la Grand'Chambre du Parlement de Bretagne.

Les plus aimables relations s'établissent d'abord entre le marquis de Marzan et M. Cossoul ; et, le 9 août 1720, M. Cossoul effectue le remboursement de la rente constituée, que M. de Marzan accepte sans aucune réserve.

Voilà la terre désormais libérée et les époux Cossoul vont en jouir paisiblement. Trompeur espoir ! Vingt jours après le remboursement de la rente, le 30 août, ils sont menacés d'éviction et par qui ?..... par M. de Marzan.

Celui-ci prétend exercer le retrait lignager c'est-à-dire user de la faculté que la Coutume accorde au parent du vendeur d'un héritage de le retirer des mains de l'acquéreur, sauf le remboursement du prix et des frais et loyaux coûts du contrat [Note : Denisart V. Retrait lignager. Coutumes de Bretagne. Art. 298 et suiv.].

« Mais, répond M. Cossoul, il y a eu appropriement, il y a douze ans ; le retrait ne peut plus se faire. » [Note : C'était un des effets de l'appropriement. Art. 302. La faculté de retrait n'était conservée après l'appropriement qu'à la condition que le retrayant fut à ce moment « ou non demeurant en Bretagne ou absent » ; encore ne durait-elle qu'un an et un jour]

« Soit ! dit M. de Marzan, mais je vais plaider la nullité de l'appropriement ». — Et voilà le conseiller au Parlement cotant quatre moyens de nullité plus inacceptables les uns que les autres ! Puis il laisse l'affaire dormir pendant trois ans, encourant la péremption que ses adversaires vont lui opposer ; enfin il la réveille en 1724 et reprend ses conclusions de 1720 auxquelles M. Cossoul répond victorieusement.

Le procureur de M. Cossoul décoche à son adversaire un trait assez piquant. Il conclut avec raison que l'on ne peut critiquer l'appropriement en première instance ; mais qu'il faut relever appel du jugement qui l'a prononcé. Or, l'appel des Regaires relève nûment du Parlement. C'est au Parlement et par les collègues de M. de Marzan, que M. Cossoul entend être jugé.

Le dossier de la procédure semble complet, et je n'ai pas cependant la décision qui a mis fin à cette mauvaise chicane. Il faut croire que M. de Marzan a craint le jugement de ses pairs. L'intérêt aveuglait le conseiller au Parlement. Espérons pour ses justiciables qu'il voyait plus clair quand il jugeait les affaires des autres.

Vers le même temps, M. Cossoul s'attirait un autre procès et, cette fois, il avait tort.

Après la mort de M. Després, les époux Cossoul avaient fourni, le 17 janvier 1720, un minu pour l'éligement des lods et ventes. Très bien ! mais, à la dernière phrase de ce minu, ils déclarent « qu'ils rechercheront leurs titres et qu'ils se réservent de faire reconnaître qu'ils ne sont pas vassaux de l'Evêque ». Le procureur fiscal ne peut laisser passer cette protestation contraire à tous les actes précédents et notamment à l'acte d'acquisition de 1708. Le 23 novembre 1720, il donne assignation. L'acte est curieux à lire : « Il n'y eut jamais, dit le Procureur fiscal, de conduite plus masquée que celle desdits époux à l'égard du seigneur Évêque, ni de minu plus hittéroclite (sic) ni plus informe et sujet à blâme, etc..... ». Suit la sommation d'en produire un autre dans la huitaine, sous peine de saisie féodale.

Espérons pour les époux Cossoul que moins obstinés que leur père ils auront fourni un minu régulier.

M. Cossoul était un homme important à Quimper ; il fut maire de la ville en 1723. Ses affaires prospéraient : nous l'avons vu rembourser, en 1720, le capital de la rente constituée sur les Salles ; peu après, en 1723, il acquérait la maison qu'il habitait, rue Keréon, des héritiers de François Morin, comme lui marchand et maire de Quimper [Note : Arch. dép. B. 26]. Nous le verrons, en 1727, arrondir la terre du Parc.

En 1750, nous le retrouvons au rôle de la capitation. Il demeure alors place de la Terre-au-Duc. Il est inscrit au rôle à un double titre « comme marchand de draps et de soies » et comme receveur triennal des fouages ordinaires du diocèse. Sa première taxe est de 50 liv., la seconde de 125 liv. ; et deux personnes seulement sont plus imposées que lui.

M. Cossoul avait vu mourir Anne-Jacquette Després, le 22 août 1740. Elle avait laisse trois filles : l'une Marie-Anne, était déjà mariée à écuyer Louis Gouesnou, Sr de Kerdour, Kervastard, Kerlagatu, etc., demeurant à la Terre-au-Duc. L'autre, Anne-Josèphe, allait épousar Jean-Paul Duval, Sr de la Poterie [Note : Jeau-Paul la Poterie était propriétaire à Kerguinaou (Plozévet), Keranguy (Pouldreuzic), Kerlouin et Kervitané (Mahalon), Kerven (Plonéour), manoir et métairie de Mezmeur (Locamand). Déclaration de bois à abattre passée, le 13 mars 1752, la maîtrise de Cornouaille, Léon et Tréguier, établie à Carhaix]. La troisième épousa Jean-Baptiste Bourdonnaye, Sr du Clezio, alloué de Pontivy [Note : B. 70 — f° 99 v° 21 avril 1751].

Après la mort de Mme Cossoul, son mari et son gendre Gouesnou, suivant la vieille habitude de la famille, omirent encore de rendre aveu à l'Évêque, et, le 28 septembre 1741, une assignation leur fut donnée portant menace de saisir féodalement les Salles, le Parc et Kermainguy (paroisse de Cuzon).

Mme Gouesnou reçut en partage le Parc ; et les Salles furent du lot de Mme Duval.

M. et Mme Duval entrèrent en possession en 1745. Cette année même, ils donnèrent, à ferme l'ancien manoir et ses dépendances, moins le manoir neuf et une réserve, pour un prix de 500 liv. et des fournitures : huit ans après, la ferme était continuée aux mêmes conditions. On songeait à ce moment à démolir le vieux manoir mais il subsiste encore vers 1888.

M. Duval acquit la métairie roturière de Coatidreux, contiguë aux terres des Salles. M. Duval était contrôleur des fermes du Roi : il mourut à 60 ans, le 29 décembre 1757, dans sa maison, rue de la Vieille Cohue, et fut inhumé à Saint-Mathieu dans l'enfeu de M. Gouesnou de Keraval [Note : Sépulture Saint-Mathieu].

Sa veuve survécut jusqu'au 11 avril 1772 ; peu de temps après, et avant tout partage, un de ses fils, Jean-François-Germain, lieutenant au régiment Royal-Marine-Infanterie, pour lui et ses co-héritiers, donnait les mêmes biens à ferme pour 580 liv. [Note : Jean-François Duval de la Potterie avait épousé, le 20 janvier 1772, Anne-Marie Guesdon, soeur de Mme Laënnec, mère de l'illustre médecin. Il mourut le 20 avril 1780].

Un de ses frères, François, Sr de la Poterie, receveur des fouages, demeurant place du Terre-au-Duc, devint propriétaire des Salles.

Le 21 octobre 1776 il fournit le minu pour acquitter le rachat acquis par le décès de sa mère. Cet acte nous donne le revenu exact de la terre y compris Coatidreux.

Le vieux manoir et la métairie sont loués. 580 liv.
La réserve est évaluée. 195 liv.
La petite métairie. 216 liv.
Une rente sur le moulin. 30 liv.
Une rente sur un pré. 18 liv.
En tout : 1039 liv.

Enfin, en 1781, les Salles appartenaient à François-Marie Duval de la Poterie [Note : Bail des Salles pour 600 liv. 15 mars 1781. Un aveu rendu l'année suivante donne la description de la terre des Salles], ancien capitaine d'infanterie au bataillon de Crozon, marié à Augustine Furic de Kerguiffinan, d'une ancienne famille très nombreuse autrefois à Quimper, et dont le nom s'est éteint de nos jours.

Le manoir des Salles a eu la chance d'être presque continuellement habité ou du moins réservé par ses propriétaires et jusqu'à nos jours (vers 1888) il a été habité par les descendants des Duval de la Poterie.

(Société Archéologique, 1888).

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