Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE MANOIR DE KERPAEN (ou KERBEN) A KERFEUNTEUN

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Kerfeunteun"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

I.

Le vil!age de Kerpaen nommé aujourd'hui Kerben, ne garde aucun souvenir visible de l'ancien manoir. Les anciens édifices ont été détruits par le feu il y a quelques années.

Il est probable que Kerpaen a eu originairement des seigneurs particuliers. Du moins le mot de Kerpaen existait-il comme nom de famille au XVème et même au XVIème siècle.

En 1437, cette terre était aux mains de Jean, seigneur de la Couldraye, chevalier [Note : En 1406, une discussion s'éleva entre Jean du Juch, chevalier. et Alix de Tyverlen, femme de Jean de Rosmadec, à raison de leurs armes qui était d'azur au lion d'argent. Un accord fut passé en présence et de l'avis de Hervé de Pont-L'abbé, Jean de Guengat, Jean, seigneur de la Couldraye, parents et amis. L'écusson fut adjugé aux deux parties, savoir : à la dame un lion morné sans langue, dents ni ongles, et au seigneur un lion lampassé et armé de gueules. [Généalogie des Rosmadec par La Colombière Vulson)], homme riche et qui possédait une grande partie de Kerfeuntun sous le proche fief de Troheir [Note : La terre de Kerpaen est comprise dans la transaction de 1476], auquel il payait, la rente féodale, et sous l'arrière fief des Regaires, auquel il rendait un service particulier, comme nous allons le voir.

Dans un aveu à l'Évêque, du 3 février 1437, le seigneur de Kerpaen, Jean, reconnaît « devoir bailler et présenter pour lui, sergent suffisant en la cour des Regaires comme porter la verge et suivre la cour, faire ajournements, arrêts, bannies d'héritages, exécution (vente) de meuble, en la forme et manière accoutumée et que ses prédécesseurs le soulaient faire ; et doit être le seul gage d'icelle sergentie les profits et émoluments que l'on prend audit office de sergentie et non autres ».

Que veut dire cette longue phrase ? — Que le seigneur de Kerpaen était sergent féodé de l'Évêque.

Il faut nous arrêter un moment, sous peine de n'être pas compris. Qu'est-ce qu'un sergent ? Les commentateurs de Molière répondent unanimement un huissier ! Contentons-nous pour aujourd'hui de cette définition par à peu près[Note : Sur tout ce qui suit, Hévin, Consul. III et IV, et Questions féod., chap. XVIII et XX, passim.].

Qu'est-ce qu'un sergent féodé ? C'est celui auquel le seigneur suzerain abandonne une terre ou fief en gage, c'est-à-dire les revenus du fief pour gages ou comme paiement des services qu'il rendra.

Ces services seront de deux sortes ; faire les actes judiciaires, et faire l'amas, la cueillette des rentes du seigneur. Le sergent est donc en même temps huissier et percepteur ; et en principe il doit ses services en personne. Après l'époque où nous sommes, en 1462, à l'ouverture du Parlement général de Vannes, le duc François II exigera le service en personne des grands seigneurs, ses sergents féodés, sous peine de suppression de leurs gages [Note : Voir le procès-verbal du Parlement général de Vannes. Lobineau, Pr. 1230. Morice, Pr. II, col. 1)].

Mais, des 1437, le seigneur Évêque de Quimper se montrait moins rigoureux : Ainsi, 1° il n'exigeait pas le service en personne, puisqu'il reconnaît au sergent féodé le droit de nommer des commis ; 2° le revenu de la terre étant apparemment un gage insuffisant, il accorde à son sergent tous les émoluments des actes. C'est beaucoup de libéralité, puisque, selon l'ordonnance, le sergent n'a droit qu'au septième, ce que les ordonnances des Ducs nomment la sepme (septime, septième partie).

Enfin l'Évêque n'exigeait-il pas que le sergent fit la recette de ses rentes ?.... Malgré le silence gardé sur ce point par l'aveu de 1437, nous pensons que ce service était demandé, puisqu'il était fait en 1539 et qu'en 1562 il était encore réclamé [Note : Pour être complet sur ce point, on peut rappeler ici qu'un arrêt du Parlement, du 23 décembre 1613, condamna le sieur de Kerpleustre, sergent féodé du Roi, « à faire la cueillette des rentes et à les mettre aux mains du receveur ». Duparc-Poullain, Coutume, art. XXI, 5. — Kerpleustre est un manoir de Beuzec-Cap-Caval (Plomeur)].

Ne me fera-t-on pas une objection ? Quoi ! un chevalier, un noble a pu faire l'office de sergent, conduire le juge aux plaids, la vergette blanche à la main ? Sans nul doute ! .... et même conduire les condamnés au supplice. D'après Hévin, ce service était un honneur : « Tant, dit-il, les offices de justice étaient réputés glorieux ». [Note : Hévin, Consult. III, p. 10].

II.

En 1539, la sergenterie de Kerpaen était aux mains de Richard de Coetanezre. Le procès-verbal de la réformation du domaine royal le nomme précisément à propos d'une perception de rentes [Note : Un aveu du baron de Pont au Roi indique comme prédécesseurs de Richard à Kersantec (par. de Pluguffan) deux Guillaume de Coatanezre : l'un en 1480, l'autre en 1494. Aveu de 1732, f° 339, v.].

Il mourut un peu après, car son fils Guillaume, succédant à ses vastes possessions, rendit aveu à l'Évêque, en 1541. Nous voyons par la mention de cet aveu, répétée nombre de fois à l'inventaire des titres de l'Evêché, que Guillaume de Coetanezre possédait, outre Kerpaen, onze villages en Kerfeuntun et sept en Cuzon. De plus, il était seigneur de Pratmaria (paroisse d'Ergué-Armel), où il résidait souvent, et dont il prenait habituellement le titre, et du Granec (paroisse de Landelleau), qu'il fit reconstruire en 1554 [Note : Moreau, p. 199].

Un peu avant, en 1562, Guillaume eut, à propos de sa sergenterie, un singulier débat avec l'Évêque, et, ce qui est plus extraordinaire, avec la communauté de ville [Note : Arch. dép. G, 52, Invent. Kerfeunteun ; G, 15, Kerpaen].

Une demi-douzaine d'habitants de Quimper s'étaient institués sergents des Regaires ; et admis ou non au serment devant la cour s'étaient « ingérés à sergenter ». Le seigneur de Kerpaen se plaignit à l'Évêque Etienne Bouchet. Celui-ci n'ayant pas fait de nominations, n'hésita pas à déclarer par mandement « que le sieur de Pratmaria et ses prédécesseurs étaient de temps immémorial en possession pacifique de la sergenterie, ainsi que la preuve en était faite par écrit et par témoins ». En conséquence, l'Évêque confirmait ce droit et autorisait le sergent féodé à commettre trois sergents, et en même temps (c'était très logique) il destituait les sergents « reçus sous mains de cour et autrement ». (23 septembre 1562) [Note : C'est-à-dire apparemment admis à la cour des Regaires ou même non admis. Qu'on ne s'étonne pas trop de cette supposition : elle n'est pas si téméraire ! Un siècle et demi plus tard, en 1703, les pères Jésuites du collège de Quimper trouvaient leur justice de Saint-Laurent encombrée d'officiers, juges, greffiers, procureurs fiscaux, procureurs, notaires et sergents, qui ne produisaient pas leurs titres de nomination, et ils obtinrent un arrêt du Parlement ordonnant que quinze jours après la publication, ceux qui n'auraient pas produit leurs titres seraient réputés intrus et devraient cesser toutes fonctions sous peine d'amende. — Si un pareil désordre se produisait au XVIIIème siècle, que pouvait-ce être en 1562 ?].

Le sieur de Pratmaria se hâta de nommer Messire Jacques de Coetanezre, seigneur de Kerlividic, Rolland Stéphan et Louis Kerlégun pour « ses commis et députés pour l'exercice dudit office et état ». En requérant leur serment, le Procureur fiscal conclut que Guillaume de Coetanezre demeurât responsable de leurs actes, et qu'ils eussent à amasser la rente générale due par la ville au Roi et à l'Évêque, et qu'on nommait la taille de mai.

Voilà qui semble bien simple et l'affaire, comme on dit, va toute seule ; mais attendez ! « Les bourgeois, manans et habitants de la ville, congrégés au son de la campane », prennent parti pour les six intrus destitués par l'Évêque et se présentent à l'audience. Selon toute apparence, pour faire maintenir ou réintégrer les intrus, ils supplient le sieur de Pratmaria de nommer d'autres sergents, et ils donnent cette raison ou ce prétexte : trois ne suffisent pas.

« Eh quoi ! répond Guillaume de Coetanezre, Cuzon, Kerfeuntun, Quimper et ses faubourgs et mettes comprennent à peine une lieue et demie vulgaire ; un ou deux sergents suffiraient à sergenter en ce terrouer ».

« Mais, dit timidement le Procureur fiscal, qui veut accommoder les parties, ne consentiriez-vous pas à ne sergenter qu'en la ville et faubourgs ? ».

« Pas le moins du monde, répond Coetanezre ; j'entends jouir de ma sergenterie comme mes prédécesseurs et aux termes du mandement du seigneur Évêque ».

Voici venir à leur tour les six intrus au mandement de l'Évêque, ils opposent les édits du Roi, qui ont dérogé expressément ou tacitement au privilége de ladite prétendue sergenterie.

Chose curieuse ! cet argument des sergents intrus se perpétue de siècle en siècle. Cent ans après, le Présidial de Quimper l'invoquera contre l'Évêque, mais, comme Hévin y répondra victorieusement !

Il citera les édits de 1532 pour l'Union de la province, et les lettres patentes du Roi Henri IV confirmant des arrêts de cours souveraines. Édits, lettres du Roi, arrêts disent que les édits d'Union n'ont rien innové en ce qui touche les droits des seigneurs et des Évêques [Note : Hévin, Questions 76-96].

Les intrus s'en doutaient bien ; aussi ont-ils une autre pièce en réserve au fond de leur sac. Au mandement de l'Évêque invoqué par le seigneur de Pratmaria, ils opposent un autre mandement postérieur. L'Évêque, « interprétant son premier mandement », déclare « n'avoir pas révoqué les sergents déjà pourvus et consent qu'ils soient maintenus ».

L'apparition de cette pièce dut être un coup de théâtre. Je vois d'ici (non sans rire) l'embarras du Procureur fiscal et du Sénéchal lui-même. Un des sergents nommés par Coetanezre, inquiet de la tournure que peut prendre l'affaire, abandonne le champ-de-bataille, je veux dire Quimper, Cuzon et Kerfeuntun, étroit espace pour neuf sergents. Il déclare qu'il va sergenter à Coray, qui est aussi du fief de l'Évêque, et qu'il y prend son domicile. Le Sénéchal donne acte de cette déclaration.

Le sieur de Pratmaria maintient son droit exclusif de sergenter par ses commis. Le Sénéchal, pour s'assurer apparemment le temps de la reflexion, ordonne à Coetanezre de communiquer ses titres. Rien de si facile, puisqu'il suffira de produire l'aveu de 1437. Mais le sieur de Pratmaria ne veut rien entendre et se déclare appelant...... Excusons cet accès de mauvaise humeur trop justifié.

Comment se termina cet imbroglio ou (je le dirai en toute révérence) tout le monde, hors cet avisé sergent de Coray, me paraît avoir un peu perdu la tête ? L'affaire alla-t-elle au Parlement ? Quel fut l'arrêt ? C'est ce que je ne puis dire.

Nul doute du moins que les Coetanezre n'aient continué à être sergents de l'Évêque. Seulement dès 1635, le manoir de Kerpaen n'était plus en leurs mains ; et en 1682 nous trouvons la sergenterie des Regaires ayant la terre de Pratmaria pour gage. On peut supposer qu'en vertu d'un acte, que nous n'avons plus, le gage a été transporté en faveur des Coetanezre ou de leurs successeurs de Kerpaen à Pratmaria.

Kerpaen passa après eux aux du Haffond de Lestrédiagat, ainsi que Pratmaria.... Mais Kerpaen n'a plus d'histoire. Au contraire, les Coetanezre de Pratmaria ont leur histoire, et en voici la fin :

III.

En 1576, Jean de Baud, seigneur de la Vigne, et Kermassonnet, son beau-frère, s'emparèrent en pleine paix de Concarneau ; et ils s'y fortifièrent, comptant sur les secours demandés par eux aux protestants de la Roche!le. Sans perdre un moment, Guillaume de Coetanezre rassembla une troupe dont il prit le commandement, et il reprit Concarneau [Note : Moreau, p. 65]. Mais ce fut le dernier exploit du vieux capitaine ; et il ne se para pas longtemps de la lourde chaîne d'or de la Vigne, qu'il avait emportée comme un trophée de sa victoire : il était mort avant la fin de 1578 [Note : Cette année même, les Cordeliers obtiennent sentence contre son fils Vincent à propos d'une fondation faite par son père. Arch. dép., Cordeliers, cote, S. 11 et 22].

Son fils Vincent, comme lui seigneur de Pratmaria et du Granec, avait encore augmenté les défenses de ce château et en avait fait une place de guerre. Mal lui en prit : l'importance de ce nid d'aigle tenta La Fontenelle, et il s'en empara, en 1593 [Note : Moreau, p. 144. Voir la description du Granec p. 141. — Depuis, Vincent de Coetanezre commandait les paysans réunis à Plogastel-Saint-Germain pour investir l'île Tristan ; et La Fontenelle le fit prisonnier, p. 273].

L'année suivante, le duc de Mercœur venant de Morlaix à Quimper dîna au Granec et admira la force du château. Mais qu'en faire ? Détacher un corps de troupe pour le garder était impossible ; l'exposer en proie à l'ennemi était une grave imprudence. Le Duc trouva le moyen sans avoir à défendre la place d'empêcher l'ennemi de s'y loger il y fit mettre le feu [Note : Moreau, p. 199].

Vincent de Coetanezre fut le dernier mâle de cette branche, et sa succession passa à sa fille Anne. Celle-ci allait trouver dans un opulent héritage de quoi se consoler de la ruine du Granec.

Elle était fille d'Anne de Mezgouez, nièce de Troillus de Mezgouez, que la faveur de Catherine de Médicis avait élevé à tant d'honneurs. Troillus mourut, en 1608, sans enfants de ses deux mariages ; et Anne de Coetanezre, son héritière, devint marquise de la Roche-Coetremoal (paroisse de Laz). Elle épousa d'abord Charles de Kernezne, vicomte du Curru (paroisse de Milizac, évêché de Léon), et en secondes noces Jean de Carné, seigneur du Blaison, chevalier de l'ordre du Roi et gouverneur de Quimper (1610). Elle maria sa fille au fils de son second mari, portant le même prénom de Jean et qui, comme lui, fut gouverneur de Quimper (1632). Son fils aîné Charles II de Kernezne, marquis de la Roche ; et le fils aîné de celui-ci portant le même nom et le même titre furent à leur tour gouverneurs de Quimper (1653-1679). Ainsi Anne de Coetanezre fut femme, belle-mère, mère et grand'mère de gouverneurs de notre ville [Note : J'ai lu quelque part que Anne de Coetanezre était seule héritière de Vincent. J'ai lu ailleurs que Vincent n'eut qu'une fille, Suzanne, mariée à Vincent de Pleuc, fils puîné de Vincent, sire du Tymeur, et de Mauricette de Goulaine, sa troisième femme. (Histoire généalogique de la maison de Plœuc). Il y a erreur de part et d'autre : — Anne et Suzanne furent filles de Vincent de Coetanezre, l'une de son premier mariage avec Anne de Mezgouez, l'autre de son second mariage avec Jeanne de Kerouant. Suzanne restée orpheline eut pour tuteur Jean de Kerouant. Le dernier ouvrage auquel j'ai fait allusion attribue à Suzanne le titre de Dame de Pratmaria, du Granec, des Salles, de Lezergué et de Pratanras. Nous trouvons en effet Suzanne de Coetanezre qualifiée nombre de fois Dame de Pratmaria ; mais jamais Dame du Granec qui, vraisemblablement, appartenait à sa sœur aînée. Quant aux Salles, nous allons les voir, à l'époque de Suzanne, aux mains d'un autre Coetanezre. Enfin, si Lezergué a appartenu aux Coetanezre, il est certain du moins que Pratanras n'a jamais eu un seigneur de cette famille. Les Kerouant étaient possessionnés sous la Baronnie de Pont-l'Abbé ; et c'est l'aveu rendu au Roi par le Baron de Pont, en 1732, qui me permet de rectifier l'erreur que je signale. (Voir notamment f° 205, 230, 236)].

(Société Archéologique, 1888).

© Copyright - Tous droits réservés.