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HISTOIRE DU CHATEAU DE JOSSELIN

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Le château de Josselin, encore surnommé le château des Rohan, est l'un des plus célèbres de France, tant par la richesse de décoration et le bon état de conservation de sa facade nord que par le caractère grandiose et la fière allure militaire de sa façade méridionale, qui mire dans les eaux calmes de L’Oût la haute et sombre silhouette de ses tours et de ses courtines.

L'existence en ce lieu d'une forteresse ne remonte pas au delà de l’an mille.

C'est dans le premier quart du XIème siècle que Guéthenoc, vicomte de Porhoët, quitta son château de Trô, en Guilliers, pour édifier sur le promontoire rocheux fort escarpé qui sépare l'Oût d'un petit vallon secondaire, un château qu'il voulut placer sous la protection divine en le rendant tributaire de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon.

Guéthenoc avait pour fils Josselin, qui lui succéda, et dont le nouveau château prit le nom, qu'il a toujours conservé depuis et qu'il a donné à la petite ville fortifiée bâtie sous la protection de ses tours, Castrum Goscelini, Chastel-Josselin, puis Josselin.

De ce château primitif, il ne reste rien. Dans la seconde moitié du XIIème siècle, le vicomte de Porhoët, Eudes II, eut à soutenir, pour la défense de ses droits au duché de Bretagne, une lutte d'une violence inouïe contre Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre. Celui-ci s'empara de Josselin, en 1168 et 1171, et le détruisit de fond en comble, ainsi que la ville, avec une telle rage qu'il voulut semer sel sur son emplacement. Eudes, réfugié en France, revint à Josselin en 1173 et releva le château et la ville (Dom Morice : Preuves, I, 132-133).

A partir de 1231, Josselin passa successivement, par alliance, aux maisons de Fougères, de Lusignan et de France, qui n'y résidèrent pas.

En 1351, pendant la guerre de succession de Bretagne, il était commandé par Jean de Beaumanoir et tenait pour Charles de Blois. Beaumanoir en partit, le samedi 26 mars 1351, avec trente chevaliers bretons et francais, pour aller combattre, dans la lande de Mi-Voie, trente chevaliers anglo-bretons, commandés par l'Anglais Bemborough, capitaine de Ploërmel pour le parti de Montfort, qui pillait et rançonnait depuis longtemps tout le plat pays. Les détails de ce combat, connu dans l'histoire sous le non de Combat des Trente, sont célèbres depuis Froissart. Vainqueur, Beaumanoir revint à Josselin, ramenant 18 Anglais prisonniers.

En 1370, le château appartenait à Pierre et à Robert d'Alençon, qui le cédèrent, le 14 mai de cette année-là, à Olivier de Clisson, en échange de sa baronnie de Tuis, en Normandie, de la forêt de Cinglais et d'une rente de 2.000 livres tournois à percevoir sur les foires de Champagne.

Dès lors, la forteresse va reprendre un rôle militaire important dans l'histoire de Bretagne. Pendant la vie du grand connétable, reconstruite en partie et renforcée par lui, elle sera l'un des plus fermes appuis de la cause française dans le duché. Le 21 juillet 1370, en effet, Clisson, au mépris des droits du duc de Bretagne, son suzerain direct, concluait avec Charles V un traité par lequel il s'engageait à ne livrer la place qu'au roi de France, au cas où le duc serait adversaire du roi « et tiendrait le parti de ses ennemis ».

On pense bien que les, ducs Jean IV et Jean V ne supportèrent pas facilement une pareille atteinte à leur droit, qui plaçait, au cœur de leurs États, entre les mains du connétable de France et d'un capitaine si redoutable, une si puissante forteresse.

Enfermé par trahison à Vannes, dans une tour du du château de l'Hermine, en 1387, puis relâché, Clisson se vit assiéger dans Josselin par Jean IV, en 1393. Il n'osa pas s'y maintenir, s'enfuit à Moncontour et laissa la place entre les mains du duc, qui la lui rendit à des conditions que le connétable refusa d'ailleurs d'exécuter par la suite.

Certains historiens ont prétendu, sans en donner la preuve, que Clisson, mourant, aurait encore été assiégé dans Josselin par le duc Jean V, qui, profitant de son agonie, lui aurait fait payer très cher le droit de mourir en paix.

Le 23 avril 1407, le connétable décéda dans son château, après y avoir fait son testament.

Il avait épousé en secondes noces Marguerite de Rohan. Le château passa entre les mains de son gendre, Alain VIII de Rohan, auquel succédèrent Alain IX, puis Jean II.

En 1474, le comte de Pembrocke, qui avait fui l'Angleterre après l'écrasement du parti Lancastre, accompagnant son neveu, le jeune Henri Tudor, comte de Richmond, qui fut plus tard roi d'Angleterre sous le nom d'Henri VII, jeté par la tempête sur les côtes de Bretagne et retenu comme prisonnier politique par le duc François II, fut d'abord incarcéré à Sucinio, puis transféré au château de Josselin, tandis que son neveu était enfermé à Largoët. Pembrocke sortit de Josselin en 1476, pour aller rejoindre son neveu à Vannes, où tous deux jouirent, dès lors, d'une liberté assez grande, sinon complète.

En 1488, le duc de Bretagne François II, pour punir le vicomte Jean II de Rohan, qui soutenait le parti français, fit démanteler la forteresse de Josselin, dont Jean de Tromenel venait de s'emparer par son ordre.

Quelques années après, Jean II, sans relever les défenses supérieures qui venaient d'être ainsi abattues, reconstruisait le manoir d'habitation et faisait élever la belle façade qui donne sur la cour. On y travaillait encore en 1505, comme on le verra plus loin.

En 1589, Saint-Laurent, capitaine de la Ligue, s'empara du château, commandé par Sébastien de Rosmadec. Mercœur en fit une de ses principales places d'armes, envoya une partie de son artillerie au siège d'Hennebont et la conserva, malgré une vigoureuse tentative du prince de Dombes pour en chasser ses partisans (1590).

Les Rohan étaient à la tête du parti de la Réforme. Dès 1599, les États de Bretagne avaient demandé à Henri IV la démolition des fortifications de certaines villes ou châteaux, comme Josselin, pour prévenir les occasions de guerres civiles semblables à celle dont Mercœur avait été l'âme.

Henri IV ne donna pas suite à ce vœu ; mais, au commencement du règne de Louis XIII, Rohan s'étant joint à la cabale des grands contre le pouvoir royal, Richelieu profita de l'occasion pour faire revivre la délibération des États et pour englober Josselin dans son œuvre politique de destruction des grandes forteresses féodales, qui a privé l'archéologie française des plus beaux spécimens d'architecture militaire du moyen âge. En mai 1629, il fit abattre, à l'aide d'explosifs, toute la partie qui garnissait la pointe est du rocher où se trouvait le gros donjon, « ceste belle tour empatée sur un roc, la plus belle chose qui fust en France », écrira, en 1636, le voyageur Dubuisson-Aubenay.

En même temps, on démantelait le château de Blain. Rohan était à la cour, ignorant tout. Un matin, le cardinal l'aborda, dit-on, par ces mots « Je viens, Monsieur, de jeter une bonne boule dans votre jeu de quilles ».

La destruction eût continué par les autres parties du château, si le prince de Condé ne l'eût arrêtée, comme à Blain, avec l'agrément du roi. Richelieu avait atteint son but. La forteresse n'était plus défendable.

Les Rohan, jouissant à la cour d'une situation considérable, délaissèrent la Bretagne pendant le XVIIème et le XVIIIème siècle.

En 1758, on enferma des Anglais, faits prisonniers aux batailles de Camaret et de Saint-Cast, dans la tour isolée qui est au nord de la cour et qui a toujours servi de prison.

Vers 1760, d'après Ogée, furent abattues « les deux grandes tours qui flanquaient la première porte et le pont-levis ».

En 1776, la duchesse de Rohan, pour procurer du travail aux enfants pauvres, permet d'établir une filature de coton dans les salles du rez-de-chaussée.

Sous la Révolution, l'administration du district de Josselin s'installa au château, qui cependant ne fut pas vendu, le duc n'ayant pas émigré et vivant à Paris. Dans la tour-prison, on enferma de nombreux détenus royalistes. A la fin d'avril 1794, on en comptait jusqu'à 112 et on dut en mettre dans le manoir lui-même.

En juillet 1795, une bande royaliste, venant de Quiberon par Sarzeau et commandée par Tinténiac, tenta vainement de s'emparer de Josselin.

Le château resta abandonné et fort délabré jusqu'au milieu du XIXème siècle. A ce moment, le duc de Rohan commença la restauration, poursuivie et achevée de nos jours par son fils, qui en a fait l'une des plus belles résidences de France.

 

Plan. — Dans son état actuel, le château de Josselin comprend une vaste esplanade rocheuse, ceinte de murailles, qui donnent à pic : au nord, sur des fossés profonds transformés en jardins ; à l'est, sur un vallon très abrupt, où coule le petit ruisseau de Saint-Nicolas, tributaire de l’Oût ; au sud et à l'ouest, sur la vallée de l’Oût, qui baignait le pied même du rocher, dont la base est, à cet endroit, soigneusement taillée en glacis pour augmenter la hauteur de la fortification et les difficultés de l'escalade. Son plan est très irrégulier, car les architectes ont profité des dispositions naturelles d'un lieu très facile à defendre pour en suivre fidèlement tous les contours.

Château de Josselin (Bretagne).

Les murailles n'offrent plus que leurs bases sur les fronts nord, est, sud et sud-ouest, sauf une tour isolée, la tour-prison, qui se dresse à l'angle nord-est de la cour  : mais les bâtiments du front ouest, donnant sur la rivière, présentent encore trois hautes tours reliées par des courtines que couronnent les lucarnes de la face postérieure du manoir qui leur fut adossé et dont l'autre façade, très ornée, garnit tout ce côté de la cour.

Dans cet ensemble, nous reconnaîtrons trois campagnes de construction : l'une de la fin du XIIème siècle ou du commencement du XIIIème siècle, l'autre de la fin du XIVème siècle et la troisième de la fin du XVème siècle et du début du XVIème siècle, sans compter les restaurations modernes [Note : En 1836, Prosper Mérimée écrivait que « le château a été tellement modifié que classer ses différentes époques serait aujourd'hui un problème presque insoluble ». De fait, les archéologues ont émis à ce sujet bien des opinions diverses. Heureusement, depuis Mérimée, les méthodes archéologiques ont fait assez de progrès pour que nous osions proposer la solution du problème].

 

Château d'Eudes II de Porhoët (Fin XIIème-XIIIème siècle).
— A la pointe sud, qui forme promontoire entre les deux vallées, subsistent d'importantes substructions qui s'élèvent de la base du rocher, dont elles épousent fidèlement les inégalités, jusqu'à la hauteur de l'esplanade, dessinant ainsi trois renflements de formes très diverses et fort irregulières, qui affectent plus ou moins l'aspect de tours et qui servaient, comme elles, à flanquer les pans de courtine intermédiaires. L'appareil en blocage de schiste renferme de gros blocs de granit, noyés sans ordre dans la masse. L'aspect de cette maçonnerie est des plus archaïques, la pierre est rongée par le temps et l'ensemble éveille l'idée de matériaux réemployés.

Ce dernier caractère suffirait, s'il en était besoin, à faire écarter l'opinion de ceux qui veulent voir là les restes de la forteresse primitive, édifiée au début du XIème siècle par Guéthenoc ; mais il permet de les attribuer avec beaucoup de vraisemblance à la reconstruction par Eudes II vicomte de Porhoët, qui, nous l'avons vu, releva, entre 1173 et 1231, son château, rasé de fond en comble, en 1168, par Henri II d'Angleterre.

Je sais que cette opinion ne s'accorde pas avec celle qu'ont adoptée jusqu'ici la plupart des archéologues bretons, qui considèrent ces ruines comme les restes d'un énorme donjon qu'aurait bâti Olivier de Clisson à la fin du XIVème siècle. Certes, je crois qu'en cet endroit s'élevait, en effet, la plus forte défense de la forteresse, ce donjon, appelé « la grosse tour », qui atteignait, s'il faut en croire un document tiré des archives d'un château voisin, celui de La Touche-Berthelot, « 280 pieds de murailles en rond et autant en hauteur » et, au sommet duquel tournait un moulin ; donjon que les agents de Richelieu mirent une semaine à faire sauter. Mais je ne connais pas de document qui attribue spécialement à Clisson telle ou telle partie de l'édifice, et nous verrons qu'il faut chercher ailleurs l'oeuvre du grand homme de guerre. Ni l'appareil, ni le plan des constructions de la pointe ne correspond à des maçonneries de la fin du XIVème siècle, tandis, que l'un et l'autre rappellent l'époque de Philippe Auguste, celle des fortifications de Château-Gaillard, de Gisors, de Coucy. Or, n'oublions pas que la lutte d'Eudes de Porhoët contre Henri II ne fut qu'un des épisodes, non le moindre, de la grande rivalité des Capétiens et des Plantagenêts, qui exerça une si profonde influence sur les progrès de l’architecture militaire. A travers le seigneur de Josselin, il convient d'apercevoir le roi de France.

Olivier de Clisson, dans son plan de réfection, trouvant une défense aussi importante que celle de la pointe, l'aurait conservée et en aurait fait le point de départ, à droite et à gauche, de sa nouvelle enceinte.

Si l'on voulait absolument qu'il eût bâti, à Josselin, le donjon que fit démolir Richelieu, il faudrait supposer qu'il l'éleva sur les hases de celui du XIIIème siècle, qui, seules, auraient subsisté jusqu'à nous ; mais je ne crois pas à cette hypothèse.

J'attribue à la même époque une grande partie du mur est du promontoire, le long du petit vallon, sauf des réfections modernes et des reprises de plusieurs époques, dues à la réparation de brèches, ou de sapes, ce front étant le plus vulnérable par sa situation topographique. On y trouve un appareil semblable ; mais il convient certainement de restituer par la pensée trois et peut-être quatre tours détruites par les mines de Richelieu et remplacées par des pans de mur assez récents. L'une d'elles flanquait l'angle nord-est et les deux autres coupaient à intervalles presque égaux la longue courtine est, qui s’étend toute droite jusqu'à la pointe sud.

A l'intérieur de la petite tour de l'extrême pointe, appelée la tour du Guet et qui devait être une tourelle d'escalier, s'enfonce un souterrain qui descend au gué de la rivière, en faisant plusieurs détours et en s'étranglant à un endroit au point de ne livrer passage qu'à un seul homme. Il est taillé dans le roc et prend jour de temps en temps par le mur d'enceinte, auquel il s'appuie et où s'ouvrent de minces meurtrières ébrasées.

La « grosse tour » a été si bien détruite qu'on ne peut même pas en déterminer l'emplacement avec certitude. Une très grande brèche, réparée avec de la maçonnerie que recouvre aujourd'hui le lierre, se voit à l'angle sud-est de la pointe. Si elle marque la place du donjon, ce qui est assez vraisemblable, il faut en conclure que celui-ci n'avait pas 280 pieds de circonférence. Il pourrait se faire aussi qu'il eût occupé l'esplanade un peu en arrière de la pointe dont les fortifications lui auraient servi de chemise. A moins qu'il n'ait été constitué par l'ensemble même des constructions de la pointe, formant le réduit suprême de la défense. Des fouilles sur l'esplanade donneraient seules la solution de ce problème.

 

Château d'Olivier de Clisson (Fin du XIVème siècle). — Olivier de Clisson, devenu propriétaire de Josselin en 1370, décida d'en faire sa principale résidence et, dans ce but, le reconstruisit en grande partie. Il réussit à le transformer en une place de guerre formidable, digne de la valeur militaire du « boucher des Anglais » et de la richesse d'un homme qui passait pour le plus opulent du royaume.

Laissant subsister le massif des défenses de la pointe que nous venons d'étudier, il y raccorda une ligne continue de très fortes courtines reliant au moins neuf tours fort élevées, dont quatre subsistent encore, bien que démantelées : trois sur le front de l'Oût et la tour-prison, à l’angle nord. Les deux tours qui défendaient la porte et le pont-levis, au nord, ont été rasées vers 1760. Il en reste les soubassements, à la tête du pont dormant qui sert d'entrée de ce côté. On distingue vaguement, dans un tertre des fossés, à l'angle nord-est, l'emplacement de la septième tour, disparue à une époque inconnue, mais qui pourrait bien être la fin du XVIème siècle, temps où le château fut pris d'assaut par les Ligueurs et violemment assiégé ensuite par le prince de Dombes. Après cet angle, en effet, on voit des reprises dans le petit appareil schisteux, du XIVème siècle, faites en gros blocs de granit et qui ont eu pour objet de boucher une ou deux brèches. La huitième et la neuvième tour devaient flanquer la ligne de courtine droite qui s'étend de l'angle nord-est à la pointe. Elles s'inséraient probablement aux endroits marqués sur le plan et qui montrent des pans de maçonnerie plus moderne dont la longueur égale sensiblement le diamètre des quatre tours subsistantes.

Aucun archéologue sérieux ne peut dater de la même époque la partie du château que nous attribuons à Clisson et les substructions de la pointe. Les deux appareils sont totalement différents : l’un, nous l'avons vu, en blocage irrégulier et assez grossier, mélangé de gros blocs taillés, en granit ; l'autre, au contraire, en blocage assez régulier, par assises minces de moellon schisteux. La forme, la disposition, le diamètre des tours, tout, diffère.

Ceux qui ont voulu voir à la pointe les restes des constructions de Clisson se sont dès lors trouvés embarrassés pour dater l'autre partie. Ne pouvant manifestement pas l'attribuer à une époque avancée dans le XVème siècle, force, leur était de remonter au-delà de Clisson.

Or, de 1231 à 1370, Josselin appartint aux maisons de France, de Lusignan et de Fougères, qui, riches de nombreux châteaux hors de Bretagne, ne le choisirent jamais comne résidence.

Pour quiconque a étudié les monuments de l'architecture militaire en Bretagne, faire remonter les tours de Josselin et leurs courtines au début du XIIIème siècle n'est pas soutenable. La perfection de leur maconnerie, leur hauteur, leur forte saillie, l'épaisseur de leurs murs, l'aspect de leurs fenêtres à croisée de pierre, tout s'y oppose, tandis que tout, au contraire, cadre admirablement avec la date de 1370-1380.

On m'objectera peut-être un document fort intéressant, dont je me servirai moi-même tout à l'heure. Il s’agit d'une fresque aujourd'hui détruite et qui existait encore fin XIXème siècle, sur le mur de la chapelle Clisson, dans l'église Notre-Dame du Roncier. M. de Bréhier nous en a conservé la description et même une aquarelle, qui semble très fidèle.

Contemporaine de Clisson, qui la fit peindre, elle représentait plusieurs châteaux appartenant au connétable, ainsi que l'indique sa devise « Pour ce qu’il me plest », plusieurs fois répétée sur des phylactères. Sous l'un de ces châteaux, M. de Bréhier lisait « Gosc », ce qui est le debut du mot « Goscelyn ». On a donc tout lieu de croire que c'est la représentation du château de Josselin au temps d'Olivier de Clisson. On y reconnaît, en effet, les trois tours encore subsistantes sur le front de l'Oût. A la base de la troisième, en allant vers la pointe, on voit un pont qui traverse la rivière. Or, on constate précisément, dans le rocher sur lequel cette tour est assise, une ancienne baie aveuglée et surmontée d'un arc de décharge, qui devait donner accès à ce pont.

Si Clisson, dit-on, pouvait faire représenter les tours actuelles, c'est donc qu'elles existaient avant lui. Le raisonnement ne porterait que si la chapelle et la fresque dataient des années qui suivirent immédiatement 1370 et qui furent sans doute employées par le connétable à élever son château, mais la réfection de Notre-Dame du Roncier ne date que des dernières années du XIVème siècle. Elle fut commencée sur le désir et grâce aux libéralités d'Olivier de Clisson, qui voulait y être enterré, et, quand il mourut, en 1407, elle n'était pas encore très avancée.

Il est tout naturel de penser que le connétable, habitant son château rebâti et faisant établir sa chapelle, aux environs de 1400, voulut y faire représenter la forteresse qu'il venait de reconstruire, d'après ses plans, dix ou vingt ans plus tôt.

Les tours de Josselin ont d'ailleurs beaucoup d'analogie avec celles qu'on attribue à Olivier de Clisson dans le château de Blain, qui lui appartenait.

Les quatre tours de Josselin, presque entièrement semblables les unes aux autres, sont de plan circulaire, parfaitement cylindriques. Leurs murs, construits en petit appareil, ont environ 3m 50 d'épaisseur au niveau des sous-sols ; mais la base est pleine sur une hauteur de plusieurs mètres et repose sur le sol schisteux, qui a été taillé très soigneusement en glacis fort lisse. Si l'on observe, en outre, que les eaux de la rivière, avant la construction de la route, baignaient le glacis du front ouest, qui se trouvait ainsi allongé de quatre ou cinq mètres, que, sur les fronts nord et est, l'escarpement des fossés et du vallon de Saint-Nicolas était aussi très prononcé, on verra quelle résistance offrait le château d'Olivier de Clisson, tant à la sape qu'à l'escalade.

Les tours, dans leur état actuel, comprennent quatre étages et un sous-sol. Chaque étage est symétriquement percé de deux fenêtres regardant le nord-ouest et le sud-ouest. Celles du premier et du dernier étage sont de simples ouvertures carrées, tandis que les autres ont des piédroits dont l'angle est amorti en biseau et des meneaux en croix, de profil très simple, à double biseau séparé par un bandeau. C'est le début de la fenêtre à croisée de pierre. Une rangée de fenêtres à croisée est percée dans la courtine. Les unes sont contemporaines du mur dans lequel on les a ouvertes, les autres sont modernes. Toutes les baies sont surmontées d'arcs de décharge fortement surbaissés. L'aspect, général de la maçonnerie et les procédés sont identiques à ceux de Sucinio, dont la plus grande partie date du même temps.

A chaque étage, à la hauteur de l'appui des fenêtres, l'appareil des tours est lié par un chaînage de granit mouluré, dont le profil est un tore entre deux cavets, à la tour du nord, et une simple gorge, aux deux autres tours. A la base des tours, même chaînage, affectant un profil un peu plus compliqué, formé d'une scotie entre deux tores, le tore inférieur un peu aplati et débordant.

Ces bandes de granit, qui ont le double but de lier l'appareil et d'amortir le ruissellement de l'eau, se porsuivent le long de la courtine et contribuent à donner à l'ensemble de la construction, bien qu'elle soit en petit appareil de moellons irréguliers, une apparence de fini et de solidité.

Le couronnement des tours manque et aussi celui des courtines. Les tours dominent ces dernières d'une hauteur inusitée, qui frappe l'œil le moins exercé, de même que l'absence, à leur sommet, de mâchicoulis et de parapets à créneaux surprend les archéologues.

On peut dire tout d'abord que les courtines primitives étaient beaucoup plus hautes que celles d'aujourd'hui et que leur couronnement actuel, à partir des corbeaux des mâchicoulis, est une œuvre du XVème siècle. La preuve péremptoire, en dehors des caractères architecturaux, ce sont les arrachements qui, au flanc de chaque tour, prolongent encore la courtine actuelle jusqu'à la hauteur des poivrières couronnant les vis d'escalier.

Tours et courtines avaient donc, à la fin du XIVème siècle, au moins la hauteur des tours actuelles. N'avaient-elles pas davantage et n'étaient-elles pas, les unes et les autres, couronnées de mâchicoulis ?

On a généralement prétendu que non et certains auteurs ont bâti de toutes pièces sur cette hypothèse un prétendu système de fortifications propre à Olivier de Clisson et qui aurait consisté à supprimer, de propos délibéré, toutes, défenses supérieures, comme inutiles, se contentant de courtines très fortes, peu percées, commandées par des tours très élevées.

Cette étrange théorie, qui aurait dû, semble-t-il, laisser quelque autre trace dans l’art de bâtir, ne repose sur aucun document. Elle est née de ce fait qu'à Blain et à Josselin, les tours sont découronnées. Mais il ne faut pas oublier que les forteresses des Rohan furent une première fois démantelées, par ordre du duc François II, en 1488, et une seconde fois, par ordre de Richelieu, en 1629. C'est une explication largement suffisante de l'absence de défenses élevées.

La fresque de la chapelle Clisson, dont j'ai parlé plus haut, vient, au surplus, réduire à néant cette théorie. Les tours et les courtines y sont représentées garnies de mâchicoulis et de parapets. Les courtines y sont très élevées et dominées par les tours.

Ce qu'on peut dire, c'est que Clisson, tint à donner à ses forteresses une élévation inusitée et à réduire la différence de hauteur qui existait généralement entre les tours et les courtines.

Si l'on pénètre dans les combles, on voit, clairement, que le haut des tours a été rasé. La charpente moderne des toits coniques ne peut rien prouver.

 

Château de Jean II de Rohan (Fin du XVème-commencement du XVIème siècle). — J'incline donc à croire que la destruction des parties hautes date de 1488. Jean II de Rohan, à qui j'attribue la reconstruction du manoir, côté cour, dut, en profiter pour faire refaire de faux mâchicoulis à la naissance du comble de son nouveau bâtiment et pour les surmonter de grandes lucarnes destinées à éclairer ce bâtiment du côté de la rivière.

Ces mâchicoulis sont du type usité en Bretagne à la fin du XVème siècle : corbeaux présentant sur chaque face trois saillies séparées par un petit bandeau, linteaux droits, décorés de moulures en accolade encadrant un trilobe flamboyant ; parapet en grand appareil, percé, en guise de créneaux, de petites baies carrées. Ces ouvertures, encadrées par une baguette, alternent avec six lucarnes à deux étages, comprenant une grande fenêtre à douple croisée de pierre et, au-dessus, une petite fenêtre en accolade, percée dans un fronton très aigu, aux rampants ornés de choux frisés et accostés de deux pinacles à crochets qui sont décorés sur quatre faces de petits trilobes flamboyants du même style que ceux des mâchicoulis.

Il me reste à parler maintenant de la partie du château qui a surtout contribué à sa réputation : le corps de logis dont ces lucarnes éclairent le comble postérieur et qui expose, au nord-est de la cour, sa façade antérieure, magnifiquement décorée.

Longtemps, on a attribué cette œuvrà à Alain VIII (1407-1429) et à son fils Alain IX (1429-1462). On a même été parfois jusqu'à faire remonter à Olivier de Clisson lui-même la construction de certaines parties.

Il est facile pourtant de constater, d'abord que l’œuvre est homogène et appartient à une seule campagne ; ensuite, qu'elle porte tous les caractères de la fin du XVème siècle : arcs en accolade très surbaissés avec essai de plein cintre, ornementation très riche, choux très frisés, gâbles et pinacles très aigus, galerie ajourée, moulures et bases prismatiques, etc. Elle se rattache à l'époque où l’on élevait le palais de justice de Rouen, la façade du château de Blois et le grand logis du château de Nantes.

Si l'on peut retrouver dans ce manoir une trace d'Olivier de Clisson, c'est, en dehors de la courtine et des tours qui en constituent la façade ouest, dans les deux pignons où l'on distingue manifestement le collage du grand appareil en pierre de taille de granit, avec le petit appareil schisteux que nous avons vu employé par Clisson.

On peut donc dire que le manoir du connétable était vraisemblablement à la même place que le manoir actuel. Voilà tout.

On a publié, ces dernières années, des documents, dont le plus important avait déjà été inséré par M. Rosenzweig dans son Cartulaire du Morbihan, malheureusement resté inédit, qui ne laissent plus de doute sur l'attribution à Jean II de Rohan (1462-1516) des bâtiments du manoir. On a montré que l'écu mi-parti Rohan et Bretagne, sculpté en plusieurs endroits et qui avait contribué à faire remonter l'oeuvre à Alain IX, car celui-ci avait épousé une princesse de Bretagne, s'appliquait aussi bien à Jean II, que eut pour femme Marie, fille du duc François Ier, qu'à Alain IX, époux de Marguerite, fille de Jean IV. En outre, certains détails de cette façade sont identiques à ceux du château de Pontivy, que Jean II faisait recontruire en 1586 ; enfin, dans les années 1504 et 1505, celui-ci payait des sommes très considérables à Rolland Crem, son connétable de Josselin, pour employer à « l'oeuvre et édifice » de son château de Josselin.

Château de Josselin (Bretagne).

Restait pour beaucoup un point d’interrogation. Comment, si Jean II de Rohan était l'auteur de cette réfection, expliquer la fréquence de l'initiale A, couronnée ou non, que l'ont trouve partout dans la décoration du manoir ? C'est là le suprême argument des partisans de l'attribution aux deux Alain.

On s'en tirait en disant qu'il fallait y voir l'initiale de la devise « A Plus » plusieurs fois reproduite dans la décoration. C'était peu convaincant, car cela ne donnait pas la raison d'être de la couronne qui surmonte partout cet A.

L'explication eût apparu pourtant bien claire si l'on avait pris soin d'observer que cette couronne, faite de huit fleurons égaux, n'est autre que la couronne ducale. Or, la seigneurie de Rohan était alors une vicomté. En 1505, Jean II s'intitule lui-même vicomte de Rohan. L'A surmonté d'une couronne ducale ne désigne donc pas le seigneur de Josselin. Il faut l'appliquer, sans doute possible, à Anne, duchesse de Bretagne. Cela devient, encore plus évident, si l'on considère que la décoration de toute la facade n'est composée que d'emblèmes rappelant, à la fois les Rohan (mâcles, devise « A Plus »), la duchesse de Bretagne (A couronné, hermines héraldiques et naturelles, cordelière) et la reine de France (fleurs de lys).

L'histoire nous dit que Jean II, au temps où la main de la fille unique de François II était l'enjeu de la politique occidentale, avait fait le rêve ambitieux de fondre en une seule, par une nouvelle et définitive union, les maisons de Rohan et de Bretagne. C'est ce rêve qu'il traduisit dans la pierre, quand, Anne de Bretagne devenue reine de France, il dut se contenter d'être son premier vassal de Bretagne.

Jean de Rohan fut probablement amené à la reconstruction de son manoir par les dégâts commis à Josselin en 1488, lors du démantèlement qu'avait ordonné François II.

C'est donc entre 1490 et 1505 que j'échelonneais cette reconstruction.

L'œuvre se compose d'un grand corps de logis, tout en façade, construit en grand appareil de granit et composé d'un rez-de-chaussée surmonté d'immenses lucarnes à deux étages, reliées entre elles, à la hauteur du toit, par une galerie découpée à jour qui repose sur une corniche en encorbellement. Les fausses gargouilles à tête de monstre ne sont plus ici que purement figuratives ; elles sont remplacées pour l'écoulement des eaux par des tuyaux de descente en pierre sculptée représentant des dragons ou des crocodiles.

Huit fenêtres éclairaient le rez-de-chaussée [Note : La première à gauche, qui était plus étroite que les autres, a été transformée en porte. Les deux dernières à droite sont d'un type légèrement différent et, comme la partie du bâtiment qu'elles surmontent décrit un angle obtus avec le reste de la façade, on a voulu y voir le résultat d'une autre campagne. Je ne le crois pas, étant donné l'harmonie et l'unité d'ensemble de la composition, étant donné surtout la similitude de la décoration, issue incontestablement de la même conception, sinon de la même main], auquel on accédait, presque de plain-pied, par quatre portes. Toutes ces baies sont surmontées d'arcs en accolade décorés de choux frisés. L'une dés deux portes géminées qui donnent accès au grand escalier est amortie en plein cintre. Les fenêtres à linteau, recoupées par des meneaux cruciformes, sont encadrées de baguettes qui retombent sur des socles prismatiques.

A mi-étage, quatre petites fenêtres éclairent les escaliers.

Château de Josselin (Bretagne).

Les grandes lucarnes, au nombre de dix, sont symétriquement disposées au-dessus des baies du rez-de-chaussée. Leur partie inférieure comporte une grande fenêtre rectangulaire qui descend au-dessous du toit et qui est divisée en six carrés égaux par un meneau à double traverse. Même encadrement et mêmes moulures qu'au rez-de-chaussée. Un trumeau, richement sculpté d'ornements flamboyants, dont le dessin varie à chaque lucarne, et que remplace, à la septième lucarne, l'inscription A PLVS, deux fois répétée et bizarrement disposée de bas en haut, sépare cette fenêtre de celle, plus petite, mais de même type, qui s'ouvre à la partie supérieure. Le sommet de la lucarne est amorti par un gâble très aigu, dont le tympan est orné alternativement d'un A couronné ou d'un écu armorié. Ce gâble est surmonté d'un fleuron à cinq rangs de choux frisés superposés et bordé de rampants à crochets très fouillés, dont la base vient buter contre des pinacles fleuronnés semblables à ceux du gâble et reposant sur les montants de la lucarne. Ces montants affectent alternativement la forme de deux colonnes cannelées ou de deux piliers à panneaux moulurés. Des étrésillons ajourés, jetés entre les pinacles et l'extrémité supérieure du gâble, donnent de la cohésion à cet ensemble très élancé.

Une forte corniche à double encorbellement, garnie de deux rangs de feuilles découpées, reçoit la retombée du toit dans l'intervalle des lucarnes. Elle est surmontée d'une galerie à jour qui est une véritable dentelle de granit. On y voit des A surmontés de la couronne ducale, des dessins ingénieusement formés par des mâcles des Rohan, des fleurs de lys combinées à l'aide de mâcles, la devise A PLUS sous un rang de couronnes séparées par des fleurons à trois pétales, des hermines stylisées sous d'autres au naturel, des cordelières, des arabesques variées.

A l'intérieur du château, habilement restauré, il faut signaler plusieurs cheminées du XVème siècle, à moulures piriformes, et surtout celle qui orne le grand salon : c’est évidemment l'oeuvre du même artiste qui a sculpté la galerie de la façade.

Château de Josselin (Bretagne).

Son linteau droit, orné de l'A couronné entre deux écus, l'un chargé des sept mâcles de Rohan, l'autre, mi-parti de Bretagne et de Rohan, est surmonté d'une moulure très saillante où se déroule une guirlande de pampres que dévorent deux sangliers. Il repose, à l'aide d'un double encorbellement, sur des consoles prismatiques qui s'appuient contre l'angle des piédroits taillés en large biseau. Il est surmonté d'une hotte chargée de sculptures en fort relief. Le motif central reproduit en superbes majuscules, dont la forme annonce la Renaissance, la devise A PLVS. L'A, précédé de feuilles de chardon, est, ici encore, surmonté de la couronne ducale et barré, à son sommet, d'une tresse de corde rappelant l'ordre de la Cordelière institué par Anne de Bretagne. Les autres lettres sont mélangées de sujets qui représentent une chasse. On y voit le seigneur à cheval, un valet tenant un chien en laisse, un faisan perché sur une branche, un cerf et une biche. Dans la boucle du P se détache une tête d'homme, qui pourrait bien représenter le propriétaire du château, Jean II de Rohan. Au-dessus de ce motif principal courent de riches rinceaux de feuillages, l'un de vigne, l'autre de chêne.

(Par M. Roger GRAND).

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