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L'ÉGLISE ET BASILIQUE NOTRE-DAME DU RONCIER A JOS5ELIN.

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SOMMAIRE.I. Origines du prieuré et de l'église de N.-D. du Roncier. – II. Tombeau du connétable de Clisson ; danse macabre ; enfeu des comtes de Porhoët. — III. Chapelle Sainte-Marguerite ; anciennes peintures murales ; banc seigneurial des comtes de Porhoët. — IV. Dates de construction de l'édifice actuel ; remarques diverses. — V. Les aboyeuses et leur mal ; procès-verbal de la première cure, en ce genre, due à l'intercession de N.-D. du Roncier. — VI. Ancien trésor de N.-D. du Roncier. — VII. Procession solennelle de N.-D. du Roncier ; indulgences ; pèlerins. — VIII. Administration de la paroisse ; partage des droits et honneurs ecclésiastiques entre le cure de N.-D. du Roncier et les prieurs de la ville ; procès à ce sujet. — IX. Grille du chœur ; chaire à prêcher ; ancienne trésorerie ; rétable, etc.

Eglise de Josselin (Bretagne).

 

I.

Le prieuré de Notre-Dame remonte aux premières années du XIème siècle, il fut fondé par Guéthenoc [Note : Guéthenoc, le premier des vicomtes ou comtes de Porhoët dant le nom se trouve dans les chartes avait d'abord sa résidence au Château-Tro en Guillier ; il fut le fondateur de la ville de Josselin qui devint dès lors la capitale du Porhoët, vaste seigneurie comprenant plus de cinquante paroisses] dans le même temps que le château et la ville de Josselin, peuplées dans l'origine par les clients et serviteurs habitant l’enceinte des murailles de la forteresse. Cette fondation faite en faveur du monastère de Redon, auquel ce prince témoignait tant d'estime, fut placée sous l'invocation de la Vierge. Le choix de ce patronage est facile à expliquer en admettant une tradition toujours vivante, laquelle est rapportée dans l'ouvrage du père Irénée de Marie-Joseph, intitulé Le Lys parmi les épines [Note : Ce livre qu'Ogée nous dit être réduit à un exemplaire unique dès le temps ou il écrivait, est intitulé le Lys parmi les Epines ou Notre-Dame du Roncier triomphante en la ville de Josselin. Le nom de l'auteur n'y est indiqué que par les initiales J. M. J., Carme prédicateur du couvent de Josselin. M. de Kerdanet affirme que ces lettres indiquent les noms du père Irenée de Marie-Joseph qui vivait à cette époque dans cette maison ; cette opinion paraît assez vraisemblable Cet ouvrage réduit maintenant à quelques fragments a été imprimé en 1666 avec approbation de l'évêque de St-Malo, Mgr de Villemonté et non de son grand vicaire comme le dit Ogée] et imprimé en 1666. Ce livre dont on ne connait plus qu'un exemplaire mutilé sera notre guide, et nous lui ferons de nombreux emprunts, à l'exemple d'Ogée, qui lui doit en entier son article du Dictionnaire géographique de Bretagne, consacré à décrire le célèbre pèlerinage de Notre-Dame du Roncier et sa pompeuse procession. Suivant l’antique tradition, qui ressemble en tous points à celles de la découverte des plus anciennes madones et en particulier à la découverte de Notre-Dame du Mont-Sora, en Espagne, et de la Vierge de l’île de Béhuart, sur la Loire, que Louis XI vénérait presque à l'égal de Notre-Dame d'Embrun, et à laquelle il envoya son portrait que l'on y voit encore. Un pauvre laboureur, coupant des ronces au lieu où s'élève présentement l’église, découvrit une statue de bois représentant la Mère du Sauveur ; une merveilleuse lumière qui rayonnait autour de la tête de l'image bénie, effraya d'abord le pauvre homme qui, remis de sa première terreur, l'emporta chez lui ; mais sa surprise fut extrême lorsque, reprenant son travail, il la rencontra le lendemain sous le même buisson qui l'ombrageait la veille. Un semblable prodige eut lieu les jours suivants et se renouvela plusieurs fois encore, lorsqu'un prêtre, prévenu par le paysan josselinais, enleva la statue pour la porter dans sa maison. Pleinement convaincu que la Sainte-Vierge voulait être honorée en ce lieu, ce prêtre sollicita l'évêque d'Aleth, qui après avoir recueilli les divers renseignements relatifs à ce prodige, ordonnna de construire une chapelle au lieu que semblait désigner la Madone.

Peu de temps après, la sainte image était placée solennellement sur son nouvel autel, et le peuple poussait des cris de joie à la vue d'un miracle opéré sous ses yeux. La fille du coupeur de ronnces, aveugle de naissance, venait de recouvrer la vue. Au moment même où Marie entrait dans son sanctuaire, elle donnait un premier témoignage de sa puissante bonté et de sa protection. Le bruit de cette guérison attira un nombre considérable de pèlerins, et la nouvelle chapelle fut un de ces lieux privilégiés dont parle un vénérable prélat, lieux bénis où les grâces semblent jaillir d'une source intarrissable. Cette découverte, qui remonte suivant notre auteur à l'an 808 du salut, et le pèlerinage auquel elle donna lieu, auraient été, suivant l'opinion de quelques personnes, la cause déterminante qui engagea deux siècles après le vicomte de Château-Tro à construire le château de Josselin, et à accroitre le petit oratoire qui ne pouvait plus contenir les nombreux visiteurs, puis à y fonder le prieuré de Notre-Dame.

Les guerres civiles qui désolèrent la Bretagne dans tous les siècles ; venant en aide aux vers et aux années, ont détruit la presque totalité des titres relatifs aux diverses maisons religieuses et aux églises de Josselin ; il faut cependant en excepter une partie des chartes relatives au prieuré de St-Martin, membre de la riche abbaye de Marmoutier. Ces actes, présentement déposés aux archives du département, nous fournissent seuls quelques renseignements. Ainsi l'un d'eux, qui a été en partie transcrit par les Bénédictins dans la collection des Actes de Bretagne nous apprend qu'en l'année 1110, Benoît évêque d'Aleth approuva le don du quart de l'église Notre-Dame, tel que le possédait le clerc Eudon. Cette donation était faite aux moines de St-Martin par le vicomte Josthon ou Josselin II. Ce seigneur promettait d'y ajouter les trois autres quarts de cette église, s'ils lui rentraient jamais entre les mains. Cette générosité envers une maison qu'il venait de fonder ne pouvait qu'engendrer des querelles, par suite du croisement des intérêts de deux prieurés rivaux, et dès l'année 1129, de vives contestations eurent lieu entre le clergé de Notre-Dame et les moines de St-Martin, au sujet de la nomination des titulaires, qui devaient être présentés, chaque année, pour cette chapellenie, sous l'approbation de l'évêque. Geffroy qui occupait alors le siége d'Aleth intervint, et tout en blâmant le scandale de ces querelles cléricales, il confirma les droits des Bénédictins de Marmoutier à cette nomination. Une seconde charte nous a conservé les noms de deux prêtres de la principale église, Etienne et Morvan : ils signent l'un et l'autre en qualité de témoins dans un acte du vicomte Geoffroi de Porhoët en faveur de St-Martin, sous la date de 1118. En raison de cette disette de faits et de renseignements, nous traversons plusieurs siècles pour assister à la communion des trente champions bretons du fameux combat de Mi-Voie (1351) dans cette église de Notre-Dame, consacréé à la Vierge, dont ils invoquaient le secours, sans oublier monseigneur saint Cado, dont la grossière statue s'y voit encore présentement, reléguée à l'angle d'un pilier.

II.

Un demi-siècle après, la veuve de leur illustre chef, Marguerite de Rohan, seconde femme d'Olivier de Clisson, demandait par son testament à reposer dans l'église Notre-Dame, où son mari ne tarda pas à la rejoindre après avoir ordonné qu'un riche tombeau de marbre fût élevé sur leur commune sépulture. Il paraît que cet ordre ne fut exécuté que plusieurs années après sa mort, et s'il faut en juger par le style des fragments antiques qui nous sont parvenus, on ne peut pas en reculer l'époque au-delà de la seconde moitié du XVème siècle.

Ce monument, dont les gravures de l'Histoire de Bretagne ont donné un dessin fort inexact, comme le prouvent les débris retrouvés depuis la Révolution, a été détruit en 1791 Quelques rares témoins se souviennent encore de l'avoir vu placé au milieu du chœur, puis renversé par une bande de profanateurs. Les fines découpures de marbre blanc volèrent bientôt, en éclat, les statues décapitées, mutilées à coups de pioches, roulèrent dans la poussière ; les dais placés au haut de la tête des personnages, et la table supérieure du tombeau résistèrent seuls au marteau des iconoclastes, en raison de leur épaisseur et de la dureté du marbre de Sicile dont ils sont faits. L'on doit à cette circonstance la conservation de l'inscription antique qui se lit autour du monument :

L'église ou basilique Notre-Dame du Roncier à Josselin (Bretagne).

Lors du voyage de Madame la duchesse de Berry dans la Bretagne en 1828, cette princesse manifesta le désir de voir restaurer ce monument, et l’année suivante le Conseil général chargea de ces travaux un sculpteur de Rennes. Les évênements de 1830 empêchèrent de donner suite à ce projet, dont on doit l’exécution au zèle éclairé de M. Boulage ; grâce aux soins de M. le préfet du Morbihan, les deux statues qui gisaient depuis vingt-cinq ans à Rennes dans un jardin, ont été confiées au ciseau de M. Barré, artiste d’un mérité connu, mais qui, peu soucieux d'un travail de simple restauration, la confié peut-être à des élèves. Ainsi la nouvelle tête du connétable, d'ailleurs fort habilement modelée, offre un contraste frappant, par son air de douceur, avec l'énergique expression de l'ancienne statue, quelque mutilée qu'elle soit, et avec le caractère historique du boucher des Anglais [Note : Surnom donné à Clisson par les Anglais, dont il avait plus d'une fois rudement châtié les perfidies]. Ce n'est pas ici le lieu de signaler l'extrême délicatesse des mains du même personnage, peu propres à saisir la massive poignée de l'épée, non plus que la brièveté des cuisses et des jambes, d'où il résulte que le mari est beaucoup plus petit que la femme, et cependant l'auteur du tombeau primitif avait imaginé d'égaliser la différence qui existait en sens inverse entre les deux originaux, en plaçant de jeunes chiens couchés sur le bas de la robe, entre les pieds de Marguerite et la levrette qui se trouvait au- dessous.

Quant au travail d'ornementation, maintenant en voie d'exécution, il est confié à deux jeunes ouvriers josselinais, les frères Royer, et les curieux qui visitent ce monument peuvent voir les fragments antiques, qui ont servi de modèle, replacés près des imitations modernes. Plusieurs statuettes mutilées, représentant des moines en diverses attitudes, ont aussi repris leur place dans les arcades découpées qui décorent le massif du tombeau ; ces personnages en marbre blanc s'appuient sur un fond de marbre noir ; leurs pieds reposent sur les socles ménagés dans la plinthe. Il est singulier que le dessinateur employé par les Bénédictins ait omis ces statuettes, qui donnent beaucoup de caractère à la décoration du monument. Une remarque avant de terminer ces détails sur la sépulture du Connétable : c'est que l'ancien aveu du comté de Porhoët, de 1679, ne tenant nul compte des volontés formellement exprimées dans les testaments de Clisson et de Marguerite de Rohan, dit que l'image de femme qui se voit sur ce tombeau représente Béatrix de Laval, assertion démentie par les codicilles dont on vient de parler. On peut s'étonner à bon droit que la châtelaine, morte grand-mère et dans un âge très-avancé, soit représentée sous les traits d'une jeune femme ; cette singularité s'explique sans doute par la jeunesse du portrait qui servit de modèle au sculpteur.

Il est temps de revenir â l'église. C'est dans l'une des chapelles de cet édifice, à la gauche du chœur, qu'est maintenant placé le monument, du connétable. Sur les murailles de cette partie, la moins ancienne de l'église, comme le prouve l'inscription suivante tracée sur un contrefort extérieur,

L'église ou basilique Notre-Dame du Roncier à Josselin (Bretagne).

se voient, en peinture, les restes d'une danse macabre, en fort mauvais état ; une inscription composée de plusieurs lignes, qui existait au-dessus, est complètement illisible. Elle expliquait, suivant toute apparence, le sujet des divers groupes de cette lugubre fantasmagorie, qui commence par un pape que la mort entraîne et finit par un pauvre moine coiffé de son capuchon. Parmi les figures les mieux conservées on peut encore reconnaître un roi, un évêque, un cardinal au chapeau rouge à larges bords, puis un chevalier, des femmes portant le costume des châtelaines du temps. Le squelette qui entraîne l'une d'elles semble affecter d'agir avec courtoisie, et plutôt l'inviter à le suivre que l’entrainer violemment. Un autre groupe est remarquable par la bizarrerie de la pensée : un vieillard s'avance péniblement appuyé sur une béquille, tandis que le fantôme qui l'entraîne et le précède est assis les pieds dans une tombe, comme ennuyé de la lenteur, que sa victime met à y descendre.

A l'angle sud-est de cette chapelle, sous une arcade communiquant avec le chœur de l'église, et supportée par de lourds piliers romans, qui pourraient remonter au XIème siècle, existe un caveau sépulcral dont parle l'aveu cité plus haut, voici en quels termes : « Et au côté dudit cœur (sic) vers le nord est une chapelle dite de Sainte-Catherine, dans laquelle, et en partie sous la voûte plus haut vers le sanctuaire, est un charnier en terre, auquel se voit les corps des anciens seigneurs de Porhoët, et d'autres membres de leur maison ».

Cet enfeu, qui passe dans le public pour être celui de Clisson, fut violé à la même époque où l'on brisa le tombeau ; les deux cercueils en plomb, les barres de fer qui les soutenaient à quelques pouces du sol qui était recouvert de ciment, furent enlevées, et le caveau rempli de décombres. Des fouilles exécutées en 1829 firent retrouver une partie des ossements, quelques fragments de riches étoffes, et la partie supérieure d'une mule de femme, en soie bleue, lamée d'argent, d'un joli travail. Ces objets furent déposés dans le ridicule monument élevé au connétable par les soins de M. de Chazelles, alors préfet du Morbihan. Mais comme on eut l’inexplicable maladresse de rejeter les décombres à l'intérieur du caveau, de nouveaux travaux de déblaiement ont eu lieu vers 1855, et ont fait retrouver quelques ossements brisés et quelques petits morceaux d'étoffe lamée en or et en argent ; l'escalier a été rétabli ; une trappe, placée au-dessus de l'entrée permet aux curieux de le visiter. Les visiteurs, pourraient être induits en erreur par un écusson chargé d'un lion, qui a été placé dans une cavité de l'une des parois inférieures ; mais cet écusson, trouvé dans la chapelle Sainte-Catherine, provient d'une croix de granit, et il était encore facile de reconnaître le tronçon du fût de cette croix, avant qu'on l'eût ainsi encastré dans la muraille.

III.

Une autre chapelle, dite de Sainte-Marguerite, existe du côté opposé du chœur, du côté de l'épître. Elle servait d'oratoire au connétable et à sa seconde femme : toute l'ornementation de ce lieu, de même que le choix du vocable, fait allusion au nom de cette dame. C'est ainsi que l'une des scènes représentées en détrempe sur les murailles rappelle la victoire de sa patronne sur le dragon infernal. Au-dessous, une bande d'environ vingt centimètres fait le tour de la chapelle ; elle est chargée de M couronnés, séparés par des banderoles blanches, portant la célèbre devise de Clisson Pour ce qu'il me plest. Les extrémités de ces phylactères sont enroulées, et de jolies fleurs de pâquerettes ou marguerites sortent de ces enroulements. Toutes ces peintures murales, longtemps recouvertes .de badigeon, sont en fort mauvais état ; on peut cependant y reconnaître encore, outre la légende de sainte Marguerite et du Dragon, l'entrée des Rois Mages à Bethléem, une Flagellation presque effacée, puis un groupe assez nombreux, composé de gens agenouillés, en avant duquel sont placés un seigneur vêtu d'un long vêtement brun, aux manches doublées de pourpre, portant une toque de même couleur ornée de pierreries, puis une dame en robe blanche dont le corsage et la coiffure sont aussi chargés de bijoux et d'ornements. On peut enfin remarquer, en différents endroits de ces peintures, des représentations de châteaux : l'un d'eux, placé au-dessus du groupe dont il vient d'être question, est garni de tours et de murs crénelés ; entre deux créneaux on distingue la tête d'un personnage qui semble porter une couronne radiée, sinon un chaperon à plusieurs pointes. Les toits d'une ville se voient dans l'intérieur des remparts, une rivière coule devant le château, qu'un pont met en communication avec l'autre rive : un homme vêtu de pourpre, mais tête nue, se tient debout sur le pont, et deux levriers blancs se désaltèrent dans la rivière. Quelques caractères très-effacés avaient été tracés au-dessous de cette peinture ; on croit y distinguer les premières lettres du mot Goscelini ou Goscelinense [Note : Castrum Goscelini ou Castrum Goscelinense est le nom de Josselin au moyeu âge ; Froissart l'appelle presque constamment en français, Châtel- Josselin]. Si cette lecture était admissible, nous aurions là un précieux dessein du château tel qu'il était à l'époque du connétable. Le banc seigneurial était placé sous une voûte profonde, pratiquée dans un massif de maçonnerie, qui sépare la chapelle Sainte-Marguerite du chœur de l'église ; une baie ogivale, occupée par une charmante clairevoie en pierre permettait de voir et d'entendre ce qui se faisait à l'autel. Une colonnette la subdivise en deux arcatures ; dans la pointe de l'ogive du compartiment de droite ; un M complète et couronne les rosaces qui forment le grillage, et dont l'une semble affecter la forme d'une fleur de marguerite ; dans celui de gauche c'est un fleuron, ou plutôt une sorte de fleur de lys qui le surmonte. Le banc était élevé de deux pieds et demi au-dessus du pavé ; on y entrait par une porte encore existante, sur le palier du petit escalier qui donne accès au chœur. Les visiteurs peuvent aussi remarquer, sur la gauche, une armoire ou crédence, pratiquée dans l'épaisseur du pilier : ses gonds rouillés font éclatée le granit, et une rainure pratiquée à la moitié de la hauteur est veuve de la tablette de bois qui la divisait. C’est là qu'étaient déposés les livres de prières parmi lesquels se trouvait la riche bible manuscrite, que Clisson ordonna d’enchaîner sur son tombeau avec des chaînes d’argent, afin que les chapelains pussent y venir lire leur office.

L'aveu de 1679 confond la grille de fer qui séparait le banc de la chapelle avec la clairevoie en pierre qui le séparait de l'église ; voici comment il s'exprime : « Pour faire séparation de ladite chapelle, du côté de ladite église, il y a une basse voûte dans l'épaisseur de la muraille, avec une grande grille de fer du côté du cœur ; pour aller sous laquelle voûte il y a portes voûtées l’une vers le cœur, l’autre vers ladite chapelle et une troisième pour entrer dans l’oratoire ».

Cette dernière est celle qui entre dans le banc, qu’il désigne par le mot d’oratoire.

IV.

Ogée dit, dans son Dictionnaire de Bretagne, que l'église a été reconstruite vers 1400 ; il aurait dû écrire, « fut en partie reconstruite » : car cette date, n'est exacte que pour le chœur, et pour le carré central formé de quatre piliers ornés de chapiteaux d'un assez bon style, qui supportent les quatre arcades ogivales ou arcs doubleaux formant les entrées du chœur, de la nef, et dés transepts. Ces parties de l'édifice furent bâties par ordre du connétable, qui, à titre de fondateur, de constructeur, et de patron, avait, comme il a été dit ci-dessus, son tombeau au milieu du chœur, au lieu occupé présentement par le pupitre.

Deux inscriptions, gravées sur les contreforts de chaque côté de la grande porte du bas de l'église, ne laissent aucun doute sur l'époque où furent élevés la nef et les bas-côtés. La première à droite est ainsi conçue :

L'église ou basilique Notre-Dame du Roncier à Josselin (Bretagne).

Un écusson gravé en creux, et portant trois têtes de loups ou de renards, est placé au-dessus de cette date. Cette partie de l'église appartenant à l'abbaye de St-Jean des Prés, il est probable que ces armoiries sont celles de l'abbé ; la même supposition peut être faite à propos de l’écusson de Jean L’Epervier, évêque de St-Malo, qui se voit dans le vitrail d'une des fenêtres voisines. Ce prélat, de même que plus tard l'un de ses successeurs, Mgr de Guémadeuc, puis Mgr de Rosmadec, évêque de Vannes, était probablement abbé de St-Jean à cette époque. Ce même évêque Jean L'Epervier est représenté à genoux devant un prie-Dieu, chargé de ses armoiries, d'azur au sautoir d'or cantonné de quatre bezants de même, avec un petit écusson d'argent en abîtme, chargé d'un croissant de sable, dans l'un des vitraux de la chapelle de St-Armel à Ploërmel. Ce vitrail et celui de Josselin ont probablement été donnés par lui. Puisqu'il s’agit ici des vitraux de l'église, disons de suite qu'ils ne sont conservés (en 1858) que dans trois fenêtres, qui bientôt seront vides, chaque tempête enlevant quelques panneaux de ces verrières, dont la partie supérieure représente des clochers et divers morceaux d'architecture, d'une assez bonne exécution ; ils appartiennent tous au XVIème siècle.

Les anciens titres nous apprennent que les diverses chapelles en possédaient aussi, et qu'ils portaient les armoiries des sires de Porhoët et de Rohan, mais il n'en reste nulle trace.

La seconde inscription, tracée sur le contrefort gauche du portait occidental, n'est postérieure que de bien peu d'années à la première :

L'église ou basilique Notre-Dame du Roncier à Josselin (Bretagne).

Ces dates si rapprochées, parfaitement en rapport avec le style de la nef et des deux bas-côtés de l'édifice, expliquent la parfaite uniformité des piliers qui semblent avoir été construits par le même ouvrier.

Dans une crédence gothique, creusée dans la muraille intérieure près de la petite porte de l'église, on remarque un crâne humain, que des hommes de l'art assurent être celui d'une vieille femme. Cet objet étonne et intrigue la plupart des étrangers qui visitent l'église. Il a été scié au-dessus de l'arcade sourcilière, et ressemble à la coupe d'un des héros du Walallah ; mais quelques éclats et la grossièreté des coups de scie prouvent suffisamment qu'il n'a point eu cette sacrilège destination, et nous n'avons nulle connaissance qu'Odin ait jamais eu des adorateurs dans notre Petite-Bretagne. Il est au contraire fort vraisemblable, et plusieurs exemples connus viennent à l'appui de cette opinion, que cet ossement appartenait où squelette d'une personne embaumée ; et il est fréquemment arrivé, au XVIème siècle, que les hommes chargés de cette funèbre opération, ignorant la manière d'extraire la cervelle par l'ouverture occipitale, prenaient le parti plus simple d'enlever la portion supérieure du crâne au moyen d'un trait de scie pratiqué au-dessus des sourcils. L'embaumement n'ayant jamais été pratiqué que sur des personnages illustres, on pourrait croire que ce débris humain, qui roule présentement au milieu des offrandes de grains faites à l'église, provient, soit du caveau dont il a été parlé précédemment, soit de l'un des deux enfeux creusés en voûte, que l'on voit à l'extrémité des transepts, et qui renferment les cendres de quelques seigneurs de Porhoët, dont le nom n'est point désigné dans l'ancien acte où nous puisons nos renseignements. L'un d'eux contient probablement le corps de la comtesse Anne de Rohan, qui mourut à Josselin en 1528 : elle demanda en mourant à être inhumée dans l'église Notre-Dame, où reposait son ancêtre Clisson. Les restes mortels de la comtesse furent déposés dans une des chapelles pendant que l’on terminait la reconstruction de la nef et peut-être des transepts, qui paraissent appartenir à la même époque.

Les offrandes de grains présentées â l'église, s'élevant en 1758 à 72 demés de Porhoët ou 24 hectolitres de froment, furent vendues pour la nourriture des prisonniers anglais faits à St-Cast, et qui étaient alors enfermés dans le château. Une maladie contagieuse réduisit promptement le nombre de ces malheureux ; la plupart furent enterrés dans un champ à peu
de distance de la ville : ce lieu porte, depuis, le nom de pâture des Anglais, et la charrue amène souvent au jour leurs ossements à peine recouverts de terre.

V.

Rien de ce qui précède ne fixe autant l'attention des visiteurs que la statue de Notre-Dame du Roncier. Chez beaucoup d'entre eux, les sentiments d'une religieuse vénération s'unissent à une curiosité naïve ; pour d'autres cette curiosité, mêlée de scepticisme, est excitée par le récit du célèbre phénomène des aboyeuses ; nous disons les aboyeuses, car il est très-rare de voir des hommes en proie à cette singulière maladie ; ce qui s'explique naturellement par la plus grande fermeté de leurs nerfs, moins prédisposés, dés-lors, à la vésanie et aux autres infirmités de ce genre. Quelques rares exemples d'aboyeur sont néanmoins constatés par les témoignages les plus respectables. On a poussé l'incrédulité au sujet des aboyeuses jusqu'à n'y voir qu'une ignoble parade, jouée par des mendiants dans le but d'extorquer de plus abondantes aumônes. Cette opinion, juste dans quelques cas exceptionnels, est complétement erronée pour la généralité des malades, dont la plupart appartiennent à des familles de cultivateurs aisés, honteuses d'être atteintes, dans un de leurs membres, de ce mal bizarre, qui accable tout à la fois ses victimes de souffrances et d'humiliation. Quant à la supposition que cette infirmité est locale et se perpétue par l'influence du spectacle de ces convulsionnaires sur certaines organisations trop impressionnables, les faits viennent encore là contredire. En effet, le plus grand nombre de ces malheureuses viennent de paroisses fort éloignées, tant de la partie bretonne que de la partie française du département. Il est même fort rare d'en rencontrer une seule appartenant soit à la ville de Josselin, soit aux communes limitrophes, et beaucoup d'entre elles n'ont jamais visité Josselin, avant d'accomplir leur triste pèlerinage à Notre-Dame du Roncier.

Les cris, les contorsions de ces pauvres malades, la lutte qui s'engage entre elles et les personnes charitables qui s'efforcent de les conduire au pied de la madone, ont offert un thême facile à ceux qui ont voulu déverser le ridicule sur le plus ancien pèlerinage de nos contrées. Dans cet état de choses, il n'est peut-être pas sans intérêt de remonter à l'origne de ces faits. Nous la trouverons, non dans la puérile et moderne légende des impitoyables laveuses refusant durement un verre d'eau à la Sainte Vierge cachée sous la figure d'une pauvresse, excitant leurs chiens contre elle, et s'attirant par cette odieuse cruauté une malédiction méritée, qui comme le péché d'Adam, doit peser sur leurs derniers neveux, — mais dans un acte authentique du 25 mai 1728, titre revêtu de toutes les formalités légales, signé par toutes les autorités civiles et religieuses, et par un grand nombre d'habitants notables. C'est le procès-verbal rédigé pour perpétuer la mémoire de la guérison miraculeuse des trois enfants Le Pallec de la paroisse de Moréac, deux filles et un garçon âgés de six, huit et douze ans, atteints depuis plusieurs mois, dit cet acte, d'un mal « extraordinaire et inconnu dans le pays, s'écriant continuellement en forme d'aboys comme des chiens, ne pouvant marcher, tombant à terre comme évanouis et la bouche ouverte ». Ces accès duraient quelques fois près de deux heures, d'autres fois se renouvelaient jusqu'à huit et dix reprises en vingt-quatre heures. Le père de ces petits infortunés, ayant souvent entendu parler de nombreux infirmes qui obtenaient leur guérison par l'intercession de Notre-Dame du Roncier, envoya l'un de ses amis, Jean Le Gal, chercher de l'eau à la fontaine consacrée à la Vierge. Cette boisson fut donnée aux jeunes malades, le jour de Pâques, et leur procura un relâche momentané dans leurs souffrances. Le mal ayant bientôt reparu, Le Pallec, encouragé par ce demi-succès, obtint de l'un de ses voisins qu'il conduisit ses enfants à Josselin, dans une charrette, afin d'y accomplir un vœu à la Vierge vénérée. La foi de ce malheureux père ne fut point trompée ; ses enfants recouvrèrent spontanément la santé en présence de plus de trois mille personnes, assemblées pour la fête patronale. Ce fut au bruit des acclamations joyeuses de cette foule émue, et pendant que le chant du Te Deum, répété par des milliers de voix, ébranlait les voûtes de l'église, que le procès-verbal fut dressé et signé par les témoins oculaires.

Cette pièce, dont l'original existe entre les mains de M. le curé de Josselin, nous semble décider la question, et quant à l'antiquité, qui ne serait guère de plus d'un siècle, et en même temps quant à l'origine, Le Pallec ayant le premier invoqué Notre-Dame du Roncier pour la guérison d'une sorte de vésanie ou épilepsie, accompagnée d'aboiements, et inconnue jusqu'à ce jour dans le pays.

Le bruit de ce triple miracle attira de fort loin les malheureux atteints de maladies analogues, heureusement peu communes. Cette réunion de convulsionnaires, le hideux spectacle qu'ils offraient à la foule, avide de ces sortes d'émotions, fit presque oublier au vulgaire les nombreuses guérisons obtenues depuis des siècles aux pieds de la sainte image, pour toutes sortes d'autres maladies, et ne lui permet point encore d'apprécier dignement les grâces obtenues chaque jour.

VI.

Le temps et l'espace manquent pour énumérer ici les trophées dont le père Irénée de Marie-Joseph nous a conservé la mémoire, pour compter les suaires, les béquilles, les cercueils et les nombreux yeux de cire appendus en ex-voto près de la statue vénérée de N.-D. du Roncier, ainsi que pour transcrire les nombreux procès-verbaux qui forment les derniers chapitres de son livre ; mais il est remarquable que ce bon religieux, si zélé pour la gloire de sa sainte patrone, ne parle nullement des aboyeuses, ni de la légende des laveuses, inventée pour expliquer l'apparition de ces malades d'un nouveau genre. Les siècles ne peuvent en rien diminuer la puissance de la Consolatrice des affligés, et chaque jour des mères, qui lui doivent la conservation de leur cher nourrisson, des malades guéris de cruelles infirmités, suspendent de nouveaux ex-voto au pilier le plus voisin, ou brûlent des cierges devant son image.

De plus riches offrandes remplissaient jadis le trésor de Notre-Dame. L'ouvrage mentionné plus haut [Note : Le Lys parmi les épines, ou N.-D. du Roncier triomphante en la ville de Josselin, par le P. Irenée de Marie-Joseph, qu'on vient de nommer] nous transmet la description détaillée des objets les plus précieux, qui, en 1666, avaient échappé aux déprédations des calvinistes, lors de l'occupation de l'église par l'un de leurs chefs, Sébastien de Rosmadec. C'était d'abord un calice de vermeil, d'une hauteur et d'une capacité peu ordinaires ; il pesait dix-huit marcs et la patène avait trois pieds de circonférence ; les admirables ciselures en relief qui le décoraient en triplaient la valeur ce qui le rendait encore plus précieux c'était sa royale origine, attestée par la présence des armes de France, gravées sur le pied de ce vase.

Venait ensuite une grande croix d'argent, à doubles branches, comme toutes les autres croix d'argent, de cuivre, ou de bois que l'on conservait dans le trésor. Cette particularité s'explique par la création d'une collégiale de sept chanoines, dans l'église de Josselin. Cette fondation, qui ne fut jamais légalement autorisée, demeura à la charge des vicomtes de Rohan, qui l'avaient faite. Jacques Hamon l'un des chanoines figure à ce titre au nombre des témoins signataires des procès-verbaux, rapportés par le père Irénée. Cette croix d'argent, dont on vient de parler, avait été offerte à l'église par les habitants de la ville ; elle avait quatre pieds de hauteur, deux de largeur, et pesait trente-six marcs ; le nœud et les diverses parties de ce riche présent étaient couverts de personnages en relief représentant le Christ et ses douze apôtres, portant les instruments de leur martyre, ou les attributs qui les distinguent. Chaque figure était placée dans une niche surmontée de pinacles et de clochetons. Notre auteur, du reste, renonce à décrire les nombreux calices, les tasses, les burettes, et les ornements à fond d'or et d'argent, qui se trouvaient de son temps réunis dans ce trésor où il ne signale point la présence des objets qui avaient été légués par le connétable de Clisson, savoir sa plus belle croix d'or contenant des reliques, huit marcs de même métal pour faire des calices, et deux mille livres monnaie.

Ogée, tout en copiant ce qui est dit dans le Lys parmi les épines au sujet du trésor, y ajoute une riche couronne d'argent que portait Notre-Dame du Roncier lors des processions solennelles.

Cette couronne nous fait songer que le saint Pontife Pie IX, qui gouverne l'Église avec une si éminente piété, vient, dans sa souveraine sagesse, d'honorer notre province d'une manière éclatante, en accordant une couronne à une vierge vénérée à juste titre, (N.-D. de Bon-Secours de Guingamp), quoique ce pèlerinage soit plus récent d'environ quatre siècles, que celui de la madone du Roncier. Elle est bien légitime et bien vive la joie qui éclate dans le mandement du digne prélat dont le diocèse a obtenu ou vient d'obtenir un tel honneur : qu'il jouisse de son œuvre et de son pieux succès, avec tous les prêtres et tous les fidèles dévoués qui n'ont reculé devant aucune peine, devant aucun sacrifice, pour arriver à ce résultat. La province entière les en remercie.

Après le Roi vient le Connétable, dit le bon père Irénée. Olivier de Clisson n'avait pas oublié d'imiter la générosité royale envers N.-D. du Roncier, et, outre les legs dont on vient de parler, il avait enrichi l'église d'une fort belle cloche, qui, s'étant brisée, fut refondue par ordre du vicomte Jean de Rohan. Son poids était considérable, et, à en croire notre auteur, on pouvait l'entendre de plusieurs lieues. Elle avait été nommée le Saint-Esprit, et complétait, avec les deux autres cloches, dont l'une s'appelait la Vierge-Marie et l'autre Gabriel, les trois personnages de l'Annonciation. Cette belle sonnerie, comme tout ce qui restait de précieux dans le trésor, a été envoyée à la monnaie pendant la Révolution, par ces mêmes hommes qui brisaient les tombeaux et outrageaient la cendre des morts. Il est constant qu'une partie des pièces d'orfèvrerie décrite dans l'ouvrage qui nous fournit ces détails, n'existait déjà plus vers la moitié du XVIIIème siècle, sans que l'on puisse indiquer la cause ni l'époque de leur disparition.

VII.

L'établissement de la procession solennelle qui avait lieu à Josselin le mardi après la Pentecôte en l'honneur de la Vierge, se perd dans l'obscurité du moyen-âge, et remonte peut-être à la découverte de la miraculeuse image. Ce que l'on sait, c'est que plusieurs évêques de Saint-Malo y assistèrent ainsi que les comtes de Porhoët. Un bref du pape Alexandre VII, en date du 5 septembre 1663, autorisa cette coutume, et accorda une indulgence de sept ans à tous les fidèles qui, étant en état de grâce et ayant communié, visiteraient l'église Notre-Dame, pendant les douze jours qui suivent le dimanche de la Pentecôte. Ces indulgences furent renouvelées par tous ses successeurs au trône pontifical. La procession rappelait, par sa pompeuse ordonnance, les processions de la Flandre et des Pays-Bas. En avant marchaient deux compagnies d'hommes armés, la première composée de bourgeois de la ville commandés par un gentilhomme, la seconde formée de Bas-Bretons du Léonais, qui habitaient Josselin, pour apprendre le français et y faire le commerce : ils étaient conduits par un bourgeois. Leurs larges braies, leurs habits bleus, et leurs bonnets de même couleur avec un gland sur l'oreille produisaient un effet singulier, et le bon père Carme les compare à des Suisses. Un homme vêtu à la turque les suivait, et proclamait que la divine vierge est l'Impératrice des Sarrasins, comme la Reine des Chrétiens.

Il ne serait pas impossible que cet usage ne remontât au temps des Croisades et ne rappelât la présence des prisonniers infidèles, amenés par les sires de Porhoët, et contraints d'orner le triomphe de la Vierge Immaculée. Trois jeunes personnes vêtues de blanc représentaient les Trois Maries. Sainte-Ursule, en long manteau royal soutenue par douze anges qui lui servaient de pages, marchait derrière elle, suivie d'une troupe de jeunes filles figurant ses onze milles compagnes. Notre naïf auteur a soin de noter que cette grâcieuse phalange était loin d'atteindre à ce chiffre si contesté et si peu croyable. Le clergé régulier et séculier, toutes les personnes notables du pays, le corps de justice, de nombreux pèlerins de Saint-Jacques en Galice, contribuaient à la pompe de la procession qui s'avançait au bruit des tambours et des instruments de musique. Des salves de mousqueterie saluaient aussi le passage de la Sainte-Vierge, qui, placée sur un riche brancard, était portée sur les épaules de quatre prêtres vêtus d'aubes et de dalmatiques ; quatre filles l'accompagnaient tenant en main d'énormes cierges.

Venaient ensuite les députés des cinquante-deux paroisses du comté de Porhoët, dont Josselin était la capitale, suivis d'un immense concours de pèlerins, venus des neufs évêchés de la Bretagne, sans parler des extra-provinciaires, ainsi que s'exprime notre auteur. Trente ou quarante bannières suivaient celles de la ville, et étaient entourées par des Pénitents Blancs, portant de grosses torches de cire de diverses couleurs.

La horde de barbares qui envahit l'église en 92 ne se contenta pas de se partager les franges et les ornements d'or qui surchargeaient la riche bannière de Notre-Dame, de briser les objets d'art et les monuments historiques ; elle porta une main sacrilège sur la statue séculaire, et, après l'avoir dépouillée de tout ce qui pouvait tenter la cupidité, elle la jeta sur un bûcher. Quelques fragments purent seuls être arrachés aux flammes par des femmes aussi courageuses que fidèles : ils ont été soigneusement déposés dans le corps de la nouvelles statue, qui rappelle parfaitement l'ancienne, si l'on en peut juger par de rares gravures à l’eau forte qui nous sont parvenues. Le plus petit de ces débris, enchâssé sous verre, est exposé à la vénération des pèlerins qui le baisent.

Lorsqu'après ces temps d'épreuves, il fut permis à nos religieuses populations d'adorer Dieu et d'honorer sa sainte Mère, le concours de ces pieux voyageurs redevint fort considérable. Quelques années plus tard, en 1819, M. l'abbé Caradec, alors curé de Josselin, supplia le pape Pie VII de renouveler et d'étendre les priviléges anciennement accordés ; le Saint Père, accédant à cette demande, un nouveau bref fut octroyé de Rome, qui changeait les indulgences temporaires en indulgences perpétuelles, et fixait la célébration de la fête patronale au lundi de la Pentecôte. Ce jour est toujours fêté avec solennité, mais la procession, dépouillée de tous ses caractères particuliers, n'est plus qu'une pâle réminiscence de celle du Moyen Age. Le concours des pèlerins, encore maintenant fort nombreux, était si considérable il y a un siècle, qu'un arrêté de la fabrique de l'année 1758 ordonnait de laisser libre, sans bancs ni chaises, tout le haut de la nef, en avant du chœur, ce lieu était réservé aux pèlerins qui y venaient toute l'année. A une époque plus ancienne encore, le chiffre énorme qu’ils atteignaient ne permettant point de les loger dans l'enceinte de la ville, une grande partie de ces pauvres gens campaient aux environs, au lieu où s'élève présentement un des faubourgs qui a conservé le norn de Camp.

VIII.

Ogée blâme avec raison les abus qui pesaient sur le clergé de l'église Notre-Dame, par suite des droits accordés aux moines des nombreuses maisons religieuses de Josselin. C'est ainsi que les prieurs de Saint-Martin, de Saint-Michel; de Sainte-Croix, de Saint-Nicolas, tout en desservant les autres paroisses de la ville, partageaient avec les prêtres de Notre-Dame les honneurs et les revenus de la principale église, et les réduisaient à de simples portions congrues, telles que Raoul, évêque de Saint-Malo, en avait établi l'usage en 1231 (D. Morice, preuves de l'Histoire de Bretagne, t. I. 877). Les deux premiers portaient le titre de co-recteurs, remplissaient les fonctions pastorales deux semaines dans le mois, et jouissaient pendant ce temps de tous les droits et bénéfices, au grand mécontentement des habitants, qui cachaient souvent pendant plusieurs jours les naissances ou les décès survenus dans leurs familles, pour attendre le moment où le curé titulaire rentrerait en fonctions. Un passage de l'aveu de Porhoët rendu au roi en 1679 par la duchesse de Rohan semble insinuer que la plupart de ces droits n'étaient que des usurpations de date récente. D'autre part, une délibération de fabrique de l'année 1757, dont le procès-verbal est rédigé par le sieur Chanterel, affirme que les droits du prieuré de Saint-Michel sont des plus antiques, et ont été établis en mémoire de ce que ce petit édifice romain était primitivement l'église paroissiale, donnant pour preuve la tradition, et la présence d'un ossuaire près de la porte de cette chapelle. On pourrait objecter contre cette assertion que la coutume d'établir des ossuaires près des églises ne paraît pas être fort ancienne, et quant à la tradition, Ogée nous en fait connaître une autre, tout aussi vraisemblable, suivant laquelle « la chapelle Saints-Michel (dans l'origine) n'était que pour suppléer, pendant les guerres et les sièges, à la paroisse Saint-Martin, située hors des murs ». Il ne faut pas oublier que l'église Notre-Dame fut la première construite ; mais il serait possible que cette église étant possédée par des religieux, on en eût peu après élevé une autre plus spécialement à l'usage de la population, alors peu nombreuse. Toujours est-il que la procession de la Fête-Dieu se rendait avec croix et bannière à la chapelle Saint-Michel, que le prieur faisait les fonctions curiales pour un quart du temps et recevait un quart des bénéfices. C'était aussi sans doute en vertu de la chapellenie qui leur avait été donnée par Joscelin II, comte de Porhoët, que les moines de Saint-Martin avaient les mêmes droits et les mêmes charges. Si ces deux prieurs percevaient une partie des rentes de l'église et portaient le titre de co-recteurs, ils partageaient les honneurs avec les titulaires des prieurés de Sainte-Croix et de Saint-Nicolas ; en effet lorsqu'arrivaient les lundi et mardi de la Pentecôte, jours spécialement consacrés à la patrone de la ville, le clergé de Notre-Dame devait se rendre processionnellement avec croix et bannière aux diverses portes de la ville, pour y recevoir les quatre bénéficiers et les conduire à l'église, où le prieur de Saint-Martin chantait la grand'messe du lundi, et celui de Sainte-Croix, celle du mardi, jour le plus solennel. Le soir, le titulaire de Saint-Nicolas chantait un motet devant l'image de la Vierge, donnait la bénédiction du Saint-Sacrement, et allait en cérémonie mettre le feu à un bûcher dressé devant la grande porte de l'église, puis était reconduit avec les mêmes honneurs.

Cette convergence de tous les prieurés vers la principale église pendant les jours consacrés à solenniser la fête patronale, jointe à l'uniformité du mode de réception des divers prieurs ne pourrait-elle pas faire présumer que, dans l'origine, ces usages étaient de simples devoirs de politesse, accordés à ces pieux visiteurs par le clergé de Notre-Dame ; mais que s'appuyant ensuite sur la prescription, et peut-être sur la possession de quelques chapellenies, les moines étaient parvenus à les transformer en droits positifs ?

Ces abus enflammèrent la bile d'un jéune curé, dom Mathurin Joscelin ; et, en 1757, une querelle digne du chantre du Lutrin vint mettre en émoi les pèlerins et les paisibles bourgeois de la ville. Ce fier curé non seulement refusa de rendre aux prieurs et co-recteurs les honneurs accoutumés, mais prêcha contre ces usages, qu'il déclara scandaleux, quoique deux évêques les eussent autorisés de leur présence, et finit par conclure que la seule procession de la Sainte-Vierge devait être maintenue. Le lendemain, lorsque
le prieur de Sainte-Croix se présenta pour célébrer la grand'messe, dom Mathurin annonça qu'il la chanterait en même temps à un autre autel. Dans la crainte d'un plus grand scandale, le religieux se contenta de dire une messe basse. Les magistrats et les notables s'émurent, on députa vers l'auteur de cette brouillerie, et comme on n'en put rien obtenir des plaintes furent portées devant le Parlement qui rendit une décision favorable au maintien des anciens droits. Le sieur Josselin, l'année suivante, avait quitté la cure de N.-D. du Roncier pour celle d'Augan, et les co-recteurs continuèrent à jouir en paix des mêmes privilèges que devant.

Un réformateur moins violent et plus adroit ne tarda pas à paraître. M. Alain, nommé curé de Notre-Dame, ne heurta ouvertement ni les personnes, ni les coutumes, mais par une-manœuvre habile, il obligea ses adversaires à justifier de la légitimité de leurs droits devant les tribunaux. Les titres des religieux ayant sans doute paru insuffisants, le Parlement, par deux arrêts consécutifs de l'année 1775, leur en interdit l'usage ; mais usant de ménagements à l'égard des personnes il autorisa les titulaires à conserver durant leur vie une place au chœur, près du curé, et à porter une étole pastorale à la procession.

IX.

Cet état de choses dura peu de temps. M. Alain, d'abord élu député à l'Assemblée des Notables, fut bientôt chassé de son église par suite du refus du serment à la Constitution civile du Clergé, puis contraint d'émigrer pour éviter l'échafaud. Le nommé Taillard, prêtre constitutionnel, qui le remplaça, dut bientôt céder la place au culte de la déesse Raison, C'est alors que la belle grille en fer et cuivre doré, ornée de pampres de vigne et surmontée du chandelier à sept branches, qui fermait l'entrée du chœur, fut renversée, et vendue à des maréchaux-ferrants. L'élégante chaire à prêcher en fer battu au marteau, vrai bijou exécuté par un artiste josselinais appelé Antoine Roussin, ayant paru bonne à faire fonction de tribune pour lire les décrets, journaux, proclamations au peuple, etc., échappa seule à la destruction, et nous offre encore maintenant un des plus jolis modèles de ferronnerie.

Il n'est peut-être pas inutile, en terminant ces notes, de signaler la salle voûtée, située au-dessous du clocher, qui obstrue l'un des bas-côtés de l'église. Ce lieu éclairé seulement par une étroite fenêtre grillée, est toujours dans une demi obscurité : il a servi de trésorerie pendant les XVIème et XVIIème siècles. Les curieux peuvent y remarquer les chapiteaux formés de serpents enlacés, qui soutiennent la retombée des voûtes aux quatre angles ; puis une armoire de pierre pratiquée dans l'épaisseur de la muraille, anciennement destinée à renfermer le trésor.

Faut-il parler des deux retables Renaissance qui décorent les autels latéraux ? Une inscription gravée sur le piédestal de l'une des colonnes de l'autel de la Vierge, nous apprend qu'il fut construit en 1696 par les soins du sieur Hardoin lieutenant-général du comté de Porhoët, et trésorier de la fabrique. Quelques difficultés s'élevèrent à ce propos; il fallut une transaction pour pouvoir boucher la voûte qui communiquait alors avec la chapelle Sainte-Catherine, et enlever les enfeux de la famille de Bonin, qui se trouvaient sous cette arcade : ces tombeaux durent être replacés le plus près possible du nouvel autel.

L'autel de la Vraie Croix ne fut exécuté qu'en 1759, par le sieur Morin, sculpteur nantais ; le travail en est fort médiocre.

Dans le désir d'utiliser l'ancien autel, on le plaça au bas de l'église, dans la chapelle Saint-Jean, qui renfermait et enferme encore les fonds baptismaux. A en juger par les piscines creusées dans la muraille sud, l'on peut croire que plusieurs autels occupaient jadis ce bas-côté.

Nous ne voulons point oublier de signaler une chaire ou siége placé à une grande hauteur dans la muraille intérieure du chœur. Cette chaire pratiquée dans l'épaisseur du mur au-dessus des lourds piliers romans qui se voient dans la chapelle Sainte-Catherine, avait son ouverture sur le chœur, tandis que la partie postérieure fait saillie du côté de la chapelle. On parvient encore aisément dans cette chaire par les combles de l'édifice. Quant à l'usage auquel elle était destinée, il y a doute, et nous croyons, ici du moins, devoir nous abstenir.

APPENDICE.

Dans ma notice sur le prieuré de Notre-Dame , je parle de la spoliation du trésor de l'église pendant la Révolution, du moins de ce qui avait échappé à la griffe des calvinistes.

Voici le procès-verbal de l'argenterie enlevée par les deux commissaires de la municipalité, le 6 novembre 1792 :
Quatre chandeliers, pesant : 23 marcs 6 onces 0 gros.
Deux lampes, pesant : 17 marcs 6 onces 4 gros.
Un bénitier et son goupillon : 8 marcs 1 once 4 gros.
Un encensoir, sa navette et sa cuiller : 5 marcs 2 onces 4 gros.
Quatre plats : 7 marcs 4 onces 0 gros.
Deux couronnes : 3 marcs 4 onces 2 gros.
Deux burettes avec cuvette : 2 marcs 4 onces 1 gros.
Un petit crucifix d'autel : 2 marcs 7 onces 2 gros.
Une grande croix de procession : 29 marcs 6 onces 4 gros.
Menues mitrailles : 0 marc 4 onces 2 gros.
Total : 101 marcs 6 onces 7 gros.

Il est à remarquer que dans ce procès-verbal signé Oneil et Morel, il ne figure aucun des vases sacrés qui servaient aux offices du prêtre intrus Taillard, à l'installation duquel tout le bas chœur avait refusé de faire les fonctions ; et une délibération du Conseil Municipal en date du 7 décembre 1791 engage le curé assermenté à tâcher de trouver un organiste dans la crainte que l'orgue ne se gâte faute d'être touché, puis à se procurer des chantres et des choristes à tout prix, les anciens ayant refusé de faire leur service. Il fallut plusieurs sommations du district et un arrêté du directoire de Vannes pour forcer les trésoriers et fabriciens à rendre leurs comptes aux nouvelles autorités révolutionnaires. Ce que le Conseil Municipal attribue à la morosité et au fanatisme de ces hommes.

La tradition générale est que plus tard les vases sacrés furent enlevés, que ces vases étaient magnifiques notamment ceux appartenant à l'autel de la Vierge.

Il ne reste de ces précieux objets qu'un ciboire dont la forme et le travail paraîssent appartenir à la fin du XVIème siécle, le vermeil qui le couvrait est en partie détruit.

Quant à la belle grille en bronze qui fermait le chœur de notre église jusqu'à une grande hauteur, et que le peuple désignait sous le nom de grand chandelier en raison du chandelier à sept branches qui lui servait de couronnement, un second procès-verbal nous apprend qu'on en envoya 1200 livres à un fondeur de Vannes nommé Châtel, pour en faire deux canons du calibre de quatre destinés à la défense de la ville. Le nom d'un des commissaires est effacé, l'autre est Le Bouhellec aîné. Le surplus du bronze servit à payer les différents travaux de la commune. Ce titre est du 24 janvier 1793 et les canons devaient être fournis pour le mois d'avril suivant.

On expédia en outre deux charettes à Vannes chargées de l'excédant des cuivres.

Il fallut aussi de puissants appareils et 15 journées de manœuvres pour précipiter les cloches de Notre-Dame par l'ouverture pratiquée ad hoc dans la muraille de la tour.

(E. de Bréhier).

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