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INSTITUT DIGAULTRAY-DUVAL : L'ORPHELINAT DE SAINT-QUIHOUET

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Le voyageur qui se rend de Saint-Brieuc à Quintin traverse le bourg de Saint-Julien-de-la-Coste. Un peu plus loin le chemin Noë, ancienne voie romaine de Saint-Servan à Carhaix, rejoint la route nationale. A une centaine de mètres de ce carrefour se voit sur la gauche la croix Dolo, séparée d’une petite ferme par le chemin qui conduit à Saint-Quihouët [Note : Un autre chemin part du village de Malakoff. Une voie carrossable relie le bourg de Plaintel à Saint-Quihouët (4 kms.)]. Après avoir passé sous la voie ferrée on arrive aux villages de La Vaudière, du Petit-Plessix, de la Croix-Grosset. Un peu plus loin, sur la droite, miroitant au soleil, est l’étang de Montorin, ancien étang seigneurial des La Rivière. Quelques centaines de mètres plus avant on entre sur le placis de Saint-Quihouët planté d’arbres A droite est la ferme de la retenue de Saint-Quihouët cultivée jadis par les métayers seigneuriaux. Près de son portail d’entrée on aperçoit l’ancienne chapelle où Y.-0. de La Rivière épousa sa parente, Marguerite de La Rivière, en 1659. Depuis la construction. de la nouvelle elle sert de resserre à foin. Au-dessus de la porte d’entrée, dans le pignon sud, on voit les armes des La Rivière. Au milieu de la place on remarque une croix pattée, irrégulière et presque informe, plantée là depuis fort longtemps.

Le lieu de Saint-Quihouët, existe depuis un temps immémorial mais on ne saurait fixer l’époque de sa fondation. Il est certain qu’il fut habité dès la plus haute antiquité car on y a trouvé une hache en pierre polie (Diorite) en 1852 et des monnaies romaines en 1831.

D’après la tradition le premier manoir aurait été construit par des Templiers de la templerie de Sen Checho [Note : Il faut prononcer San Chéko. Aucun texte ne permet de situer actuellement la templerie de Sen Chécho. Serait-ce Senkoko cité dans la charte 334 du Cartulaire de Redon ? Où a-t-on trouvé St-Quihouët, ou St-Quihouayt ? Ce saint est totalement inconnu] citée en 1170. A l’instigation de Philippe Le Bel le pape Clément V supprima cet ordre [Note : Les templiers, ordre militaire et religieux fondé en 1118, dont les membres se distinguèrent d’abord en Palestine en accompagnant les pèlerins du Jourdain au temple de Jérusalem. Ils acquirent d’importantes richesses. Ils s’établirent ensuite en Europe, mais surtout en France. Philippe Le Bel, désirant s’emparer de leurs biens, fit arrêter Jacques Molay, leur grand maître, et ses frères. Après un procès inique il les fit périr sur le bûcher, le 18 mars 1314] en 1312. Tous leurs biens furent vendus.

Au milieu du XIVème siècle vivait Téphène de Saint-Quihouët. Il avait acquis vraisemblablement la maison des « Chevaliers du Temple » lors de leur spoliation, et s’en était attribué le nom. Son arrière-petite-fille, Isabeau Moisan, ou Moësan, la porta en dot à Eon de La Rivière, en 1419. Il y habitait et en rendit aveu le novembre de cette année à Marguerite de Rohan, dame de Quintin. Leur fils aîné, Guillaume, était qualifié seigneur de Saint-Quihouayt.

Pierre de La Rivière, marié à Julienne de Vaucouleur, habitait Saint-Quihouayt le 7 mars 1559 ; son petit-fils, René, époux de Gilonne de Graineu, y demeurait le 15 janvier 1608 et Charles de La Rivière, mari de Françoise Bernard, y avait sa résidence habituelle le 15 octobre 1634. Leur fils Charles-François naquit « au château de Saint-Quihoët » le 23 avril 1646. Ils y étaient encore le 26 mars 1669.

Il est fort probable que ce château ne fut plus habité après 1670 [Note : Charles-François de La Rivière habitait son château de Kerauffret en 1675] ; c’est ce qui explique son mauvais état lors de sa vente à Toussaint Duval en 1799.

Il est situé très agréablement sur le penchant d’un petit côteau aspecté à l’est. Entouré de jolies plantations et de belles prairies, on y respire à l’aise dans le plus complet silence, si ce n’est les cris joyeux des enfants à l’heure des récréations.

Il a la forme d’un fer à cheval fermé par un mur surmonté d’une claire-voie en bois de deux mètres de hauteur soutenue par 9 piliers de maçonnerie en pierres taillées. Seule la partie centrale, qui paraît appartenir au XVIIème siècle offre un intérêt archéologique. Le coin sud du bâtiment de gauche a été construit en partie sur d’anciennes assises datant vraisemblablement du XIIème siècle. Un vestibule spacieux, situé au milieu du « château », donne accès à un large escalier, du début du XIXème siècle, encastré dans une tour carrée surmontée d’une couverture formant un tronc de pyramide. L’aile de droite, aspectée au midi, relativement récente, a été construite par Mme Digaultray en 1830. Elle occupe, paraît-il l’emplacement de la chapelle primitive des templiers. L’étage sert d’habitation. Au rez-de-chaussée, totalement voûté, se trouvent l’étable et l’écurie.

Le rez-de-chaussée du bâtiment principal se compose de trois grandes pièces servant de cuisine, de salle de réception et de salon. Dans celui-ci on remarque les portraits de M. et Mme Digaultray. Ils sont vêtus de l’habit époque Louis XVI qu’ils portaient lors de leur mariage en 1789. Dix chaises Directoire, en parfait état, un secrétaire ayant appartenu à Mme Digaultray et deux vases de Sèvres rappellent la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème. Une quatrième pièce à l’extrême gauche a été divisée en deux appartements moyens. L’un sert de réfectoire aux domestiques et dans le second on a installé les douches.

Au premier étage se trouvent les chambres des religieuses et l’appartement de l’aumônier. On y voit la chambre de Mme Digaultray avec un panneau décoratif sur toile donnant, semble-t-il, une vue de Venise. Cette pièce sert actuellement de classe aux petites filles. Celles-ci, de même que les garçons, suivent le programme des écoles primaires jusqu’au certificat d’études [Note : Sur la proposition de M. Boschat, de Plaintel, l’un des administrateurs, la Commission administrative décida de donner un livret de Caisse d’’Epargne de 50 francs à chaque enfant reçu au Certificat d’Etudes (22 mai 1940)]. D’autres pièces servant de dortoirs aux fillettes, de lavabos, de cabinet d’aisance et d’atelier de couture. Le dortoir des garçons est à l’étage supérieur.

Les enfants entrent dans l’établissement à quatre ans. Les garçons en sortent le plus souvent à 13. Beaucoup d’entre eux sont réclamés à cet âge par des membres de leur famille, cultivateurs auxquels ils peuvent déjà rendre de réels services. D’autres sont placés à la campagne, chez de bons pères de famille, et deviennent d’excellents travailleurs.

Les filles sont gardées jusqu’à 18 ans. Les religieuses leur apprennent la couture, le reprisage, la cuisine, les soins du ménage. Elles font ainsi un excellent apprentissage de leur futur rôle de ménagères et de mères de famille. A leur sortie elles sont placées dans de bonnes maisons comme domestiques ou bien elles deviennent couturières. Familles et patrons n’ont eu, jusqu’à présent, qu’à se louer des services des pupilles de l’Institut.

Tous ces enfants sont robustes et bien portant. Le bon air champêtre, une saine nourriture leur assurent une solide santé et jusqu’à maintenant les religieuses n’ont eu à déplorer aucune épidémie. Depuis 1836 il n’est décédé que 25 enfants, et ceci surtout dans le siècle dernier.

M. le docteur Carpier, de Quintin, est médecin-inspecteur de l’établissement. Tous les mois il vient faire une visite médicale. Il constate l’augmentation de poids des pupilles, leur développement thoracique et surveille les poumons avec le plus grand soin.

D’après le voeu des fondateurs les orphelins sont hébergés et instruits à titre absolument gratuit. Cependant pendant les vacances de la belle saison des enfants malingres de toute la région, sont admis comme pensionnaires moyennant rétribution. Ils sont reçus après que les parents ont fourni un certificat médical constatant qu’ils ne sont atteints d’aucune maladie contagieuse. Depuis la dernière guerre la maison reçoit aussi quelques pupilles de la nation.

Les enfants du Préventorium de Saint-Laurent-Plérin, chassés de chez eux par les Allemands, ont été reçus à Saint-Quihouët de mars 1944 au 1er octobre 1945 [Note : Les Allemands avaient quitté Saint-Laurent le 5 août 1944 ; mais des élèves-gendarmes et des policiers ont occupé ensuite le Préventorium jusqu’à fin septembre 1945].

Les religieuses de l’établissement appartiennent à la congrégation des Filles de la Sagesse, de la maison de Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), fondée par le Père Grignon de Montfort [Note : Grignon de la Bâchellerais dit Père Louis-Marie Grignon de Montfort, célèbre missionnaire, né à Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) le 31 janvier 1673, fondateur de l’Institut des Prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie et de la Congrégation des Filles de la Sagesse, mort à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Maison des Filles de la Sagesse) le 28 avril 1716. Il a été canonisé en Cour de Rome le 20 juillet 1947].

En 1949, la Mère Saint Mechtilde de Jésus est supérieure ,de la maison depuis 1946. Elle est assistée de 9 soeurs. Depuis 1836 un nombre assez important de supérieures ont dirigé l’établissement :

Mère Saint Anselme, venant de Saint-Laurent, où elle est retournée en 1839 après avoir tout organisé ;

Mère Saint Odulphe, précédemment à l’hôpital de Lorient. Elle fut envoyée ensuite dans un nouvel établissement, Languidic (Morbihan) (1839-1843) ;

Mère Saint Delphin, retournée à Saint-Laurent pour cause de santé (1844-1849) ;

Mère Sainte Célina (1850-1861) ;

Mères Marie de Béthanie, décédée à Saint-Quihouët ; Sainte Pélagie, Saint Théophile du Sacré-Cœur, Sainte Agnès, Saint Célestin et Saint Alphonse.

A gauche, près du portail d’entrée, Mme Digaultray fit bâtir une belle chapelle consacrée en 1847. Elle est divisée en trois parties : le choeur avec son autel en bois d’un fort joli aspect, l’espace réservé à l’établissement garni de bancs à dossiers et le fond séparé par une grille en bois où les voisins sont admis à entendre la messe le dimanche matin. On y voit les statues de Saint Vincent de Paul, oeuvre du sculpteur Ogé (1847), du P. Grignon de Montfort, de Saint Jean-Baptiste et Saint-Louis, patrons des fondateurs. Une chaire en chêne, bien conservée, et un confessionnal, en complètent l’ameublement.

La surface totale de la propriété exploitée directement par les religieuses est d’environ 10 ha. Deux domestiques, une femme de service et des journaliers sont employés à sa culture. Les produits sont exclusivement réservés à la maison. Le cheptel vif se compose de 8 vaches, 2 chevaux de trait et 4 brebis. On élève aussi des cochons.

Le jardin, entouré de murs, bien planté et fort bien tenu, a une superficie d’environ 4 hectares. On y remarque le colombier seigneurial aménagé à l’intérieur d’une multitude de trous qui jadis abritaient les jeunes couvées. Décapité, de son toit pointu aux nombreuses entrées il est couvert d’ardoises et sert actuellement de resserre aux jardiniers.

Non loin est une fontaine factice en pierres de taille qui n’a jamais tari. L’eau, qui sort d’un rocher à 150 m. en amont du coteau, est amenée par un aqueduc souterrain. Grâce à la dénivellation du terrain l’eau descend de ce réservoir directement à la cuisine.

Le petit cimetière est enclavé dans la partie ouest de ce jardin. Au centre se trouve une belle croix monolithe en Kersanton. Les tombeaux des fondateurs sont placés devant. Sur un massif de maçonnerie reposent deux dalles jointives en marbre blanc adossées à un péristyle, surmonté d’un chapiteau, formé d’un bloc de granit et de quatre colonnettes cylindriques. Il a été placé en septembre 1935 par M. Briend, marbrier à Quintin. C’est la réplique de l’ancien, en tuffeau, mis à mal par les intempéries d’un siècle d’existence [Note : Le tombeau primitif avait coûté 724 francs, sa restauration a été payée 5.000 francs].

Deux religieuses : les soeurs Marie de Béthanie, supérieure, décédée le 19 février 1897 et Thérèse du Bon-Secours, morte le 19 février 1943, reposent près des 25 enfants enterrés depuis 1836.

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FONDATION DE L’ORPHELINAT.

L’an 1835, le 12 novembre, devant M. Victor Guépin, notaire à la résidence de Ploeuc, arrondissement de Saint-Brieuc, département des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor) et assisté des témoins soussignés :

Fut, présente Mme Louise Duval, veuve de M. J.-B. Digaultray, propriétaire, demeurant ville de Quintin, département Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor).

Laquelle a dit que feu M. Digaultray, son mari, pénétré des grands avantages qu'offrirait au pays un établissement fondé dans le but de recevoir, nourrir et élever des orphelins des deux sexes, a employé pendant les dernières années de sa vie, tous les revenus d’une fortune assez considérable, à approprier aux besoins d’un pareil établissement, la maison de Saint-Quihouët, la dite maison appartenant à la comparante et située en la commune de Plaintel, arrondissement de Saint-Brieuc.

Que M. Digaultray est mort à Quintin, le 2 décembre 1834 laissant un testament olographe par lequel, après avoir fait différents legs, tant à ses héritiers qu’à divers, il laissa le surplus de ses biens à son épouse ;

Que désirant elle-même continuer l’oeuvre utile qu’elle axait projetée avec son mari, elle avait d’abord pourvu par un testament ses héritiers simples collatéraux, puis avait résolu de faire l’acte de donation suivant :

Mme Digaultray a déclaré donner purement et simplement à titre de donation entre vifs, aux pauvres des trois communes de Plaintel, de Quintin et du Foeil, savoir :

La terre de Saint-Quihouët, située commune de Plaintel, consistant dans quatre métairies et les rentes foncières et convenancières qui vont être désignées :

Etat dressé d’après le projet de donation et les apprécis des grains au marché de Saint-Brieuc de 1820 à 1834, signé Thieullen, préfet des C.-du-N. (30 juin 1835).

1° La métairie de Saint-Quihouët consistant en bâtiments, terres labourables, prés et landes, louée sans bail écrit, à moitié fruits, à Jean David et rapportant, année commune, une somme de 1.400 fr. (en revenu : 1.400 ; en capital au denier 30 : 42.000) ;

2° La métairie du Plessix, affermée à moitié fruits, sans bail écrit, à Mathurin Jouan, et rapportant, l’année commune, 1.400 fr. (en revenu : 1.400 ; en capital au denier 30 : 42.000) ;

3° La métairie de Montorin, affermée à moitié fruits, sans bail écrit, à Louis Rabet, et rapportant, année commune, 1.400 fr. (en revenu : 1.400 ; en capital au denier 30 : 42.000) ;

4° La métairie de Quatrevaux affermée à moitié fruits, sans bail écrit, à la Veuve Million, et rapportant année commune, 1.200 fr. (en revenu : 1.200 ; en capital au denier 30 : 36.000) ;

5° La maison d’habitation de Saint-Quihouët, jardin, bois et dépendances, tenue par mains par la donatrice, d’un revenu annuel de 500 fr. (en revenu : 500 ; en capital au denier 30 : 15.000) ;

6° La tenue convenancière du Fonteny, les bois, la rente, le fonds. Ladite rente consistant en 186 dal. 56 cl. de seigle, 18 dal. d’avoine et 5 fr. en argent (en revenu : 194, 54 ; en capital au denier 30 : 5.836, 20) ;

7° Le fonds., les bois et tous attributs convenanciers de la tenue Créhalet, rapportant de rente annuelle 143 dal. 20 cl. de seigle, 12 dal. d’avoine et 6 fr. en argent (en revenu : 140, 43 ; en capital au denier 30 : 4.212, 90) ;

8° La tenue des Clos-Merlet avec le fonds et la rente convenancière de 21 dal. de froment, 91 dal. de seigle, 24 dal. d’avoine et 10 fr. en argent (en revenu : 144, 54 ; en capital au denier 30 : 4.336, 20) ;

9° La tenue Loudu avec le fonds et la rente convenancière de 87 dal. de froment, 9 dal. d’avoine et 3 fr. 35 en argent (en revenu : 146, 03 ; en capital au denier 30 : 4.380, 90) ;

10° La tenue sur le Moulin avec le fonds et la rente convenancière de 33 dal. 700 millièmes [Note : Le millième est égal au centilitre] de froment (en revenu : 63, 50 ; en capital au denier 30 : 1. 905) ;

11° Enfin le fonds, les bois et la rente convenancière de la tenue Auffret, consistant en 33 dal. 70 cl. de froment, 14 dal. 4 cl. de seigle et 1 fr. 80 en argent (en revenu : 68, 52 ; en capital au denier 30 : 2.055, 60) ;

Total : en revenu : 6.657, 56 ; en capital au denier 30 : 199.726, 80.

Tous ces biens [Note : La superficie totale est d’environ 300 hectares qui s’étendent sur un rayon de 2 kilomètres] qui composent la terre de Saint-Quihouët sont donnés avec tous les objets qui la composent, bois, renables, ainsi que le tout se contient et comporte sans en rien excepter.

Cette donation est faite aux clauses, charges et conditions suivantes :

1° Les biens donnés seront exclusivement affectés à l’érection et à l’entretien d’un établissement qui sera fondé à Saint-Quihouët en faveur des orphelins pauvres, des deux sexes, sous la dénomination de Institut Digaultray-Duval.

2° On n’admettra dans l’établissement que les enfants pauvres des trois communes sus-indiquées que le décès de leur père et mère laisserait sans moyen d’existence.

3° On leur donnera une éducation religieuse et, par l’apprentissage d’un métier, ou d’une industrie quelconque, on les mettra à même de gagner leur vie à leur sortie de Saint-Quihouët.

4° Il y aura dans la maison un aumônier [Note : Vers 1949, l’aumônier est M. le chanoine 0llivro] nommé avec l’approbation de l’évêque diocésain et des religieuses d’un ordre déjà approuvé par le Gouvernement au choix de la donatrice.

5° L’établissement sera d’ailleurs soumis pour son administration à toutes les règles prescrites aux établissements hospitaliers et de bienfaisance.

6° Les donataires entreront en propriété et jouissance des biens donnés le jour de l’acceptation de la présente donation. La donatrice se réserve toutefois, sa vie durant, la jouissance du jardin et de l’ancien bâtiment qui forme la façade principale de la maison de Saint-Quihouët.

7° Il est entendu que, si, pour une cause quelconque, le gouvernement refusait d’autoriser, la présente donation serait considérée comme non avenue.

Dont acte.

Fait et passé à Saint-Quihouët, commune de Plaintel, en présence de M. Jean-Marie Allenou, négociant, membre du Conseil général, demeurant ville de Quintin ; de Noël-Victor Tarot, avocat, demeurant ville de Saint-Brieuc, témoins instrumentaires qui ont signé avec Mme Digaultray et le notaire après lecture.

Une ordonnance royale du 19 octobre 1835 autorisa l’acceptation. Mme Digaultray, qui habitait alors à Saint-Quihouët, paya 13.000 fr. de droits de mutation, se mit en mesure de pourvoir sa fondation de religieuses. Les Filles de la Sagesse prirent possession de l’établissement le 5 juillet 1836. Elles furent d’abord au nombre de trois : Sœurs Saint-Anselme (supérieure), Sainte Zozine et Saint-Néophyte (converse).

Par acte passé le 30 mai 1836 devant M. Veillet, notaire à Plaintel, Mme Digaultray déclara « que M. Pierre-Marie Quintin, vicaire à Quintin, lui avait rendu, à elle et à son mari, de nombreux et importants services, qu’il consentait à abandonner sa place avec la permission verbale de Mgr l’Evêque pour venir remplir les fonctions d’aumônier à Saint-Quihouët ; qu’elle lui constituait une rente annuelle de 1.000 fr., qui lui serait payée toute sa vie et si l’établissement refusait de lui donner une pension alimentaire et de lui fournir un logement convenable il aurait un supplément de 600 fr. Ces rentes annuelles seront hypothéquées spécialement sur la métairie dite La Salle, lui appartenant en propre, située au village de Mauguéran, en Le Foeil ».

L’abbé Quintin entra en fonction le 1er juillet 1836 et le 1er janvier 1837 il était accepté par le Préfet comme receveur bénévole de l’Orphelinat [Note : Conformément à l’art. 12 de l’ordonnance royale du 17 septembre 1837, la recette ne dépassant pas 30.000 francs, le receveur particulier fut supprimé en novembre 1850. A partir de cette époque c’est le Percepteur de la commune de Plaintel qui exerce ces fonctions].

Les premiers orphelins furent admis le vendredi 7 octobre 1836. Ils étaient au nombre de 16, garçons et filles. En 1849 il y en avait 40. Les filles furent mises à coudre, filer la laine, faire des bas et des lacets. En 1838 fut établie la broderie sur tulle. Les garçons travaillaient au jardin et à la cuisine.

Primitivement le mobilier comprenait 40 lits avec leurs fournitures. La lingerie se composait de 300 chemises, 300 draps de lit, 100 serviettes et autant d’essuie-mains.

Comme toutes les maisons de bienfaisance celle-ci est régie par un Conseil d’administration. Dans une lettre du 24 juin 1836 le Ministre de l’intérieur écrivait au Préfet : « La commission administrative de l’hospice de Saint-Quihouët doit être composée exclusivement d’habitants de Plaintel, en vertu de la loi du 28 pluviôse An VIII. Il en résulte naturellement que le Maire de cette commune sera, seul, le président-né de celte administration charitable » [Note : Dans le projet de fondation, soumis au Préfet le 11 avril 1835, Mme Digaultray disait ... « 5° L’établissement sera administré par M. l’abbé Quintin et par moi assistés du Maire et du Curé de chacune des trois communes de Quintin, Plaintel et Le Fœil » ... Le Préfet ne put accepter cet article qui n’était pas conforme à la loi de l’an VIII et demanda à Mme Digaultray de le modifier]. Les premiers administrateurs furent nommés en juin 1836.

C’étaient MM. Louis Rouault, maire ; René Morin, Pierre Collin, Olivier Audren, G. Budet et J. Allichon. Leur mission consistait à établir le budget, à s’occuper de l’entretien des bâtiments, à autoriser les améliorations, à vendre el acheter des bestiaux, à viser les comptes du receveur qui devaient être définitivement arrêtés par le Préfet.

A deux époques différentes il s’est engagé des controverses assez acerbes au sujet de la composition de cette Commission.

Le 25 juillet 1861 le Préfet écrivait au Ministre de l’Intérieur : Mme Digaultray a légué il y a plusieurs années une valeur d’environ 300.000 fr. pour la création d’un établissement de bienfaisance pour trois localités : Plaintel , Quintin et Le Fœil. L’Institut est situé commune de Plaintel où il n’existe pas d’éléments pour la formation d’un Conseil d’administration en état de remplir la mission qui lui est imposée. Il importe que la Commission administrative soit composée d’hommes éclairés offrant les garanties de capacité suffisante. Or la population de Plaintel, composée de cultivateurs et de journaliers, ne présente pas d’hommes réunissant ces conditions et par suite les administrateurs actuels ne sont aucunement à la hauteur des attributions qui leur sont conférées [Note : Les « cultivateurs » de Plaintel, leur maire en tête, administraient Saiut-Quihouët depuis 1836. On avait mis bien longtemps à s’apercevoir qu’ils n’étaient « aucunement à la hauteur de leurs attributions » ?]. Il en résulte que les intérêts importants dont ils ont la gestion sont réellement en souffrance. Il en serait autrement si les membres de la Commission pourraient être pris dans les trois communes.

Dans le cas où les considérations qui précèdent vous paraîtraient de nature à être accueillies je proposerais de dissoudre la Commission et de la reconstituer en choisissant des membres dans chacune des trois communes légataires. Le maire de Plaintel serait toujours Président mais je pense que le maire de Quintin et celui du Fœil pourraient prendre part aux délibérations. Dans le cas où la composition actuelle serait maintenue, n’y aurait-il pas lieu d’admettre aux réunions les maires de Quintin et du Fœil ?

Par délibération du 18 août 1861 le Conseil municipal du Fœil émet le voeu que son maire fasse partie de la Commission et le 20 août celui de Quintin demanda que son maire soit nommé, au nombre des administrateurs de Saint-Quihouët. Ces municipalités donnaient comme motifs que les trois communes intéressées devaient être représentées dans la gestion de l’établissement.

Le Conseil municipal de Plaintel, appelé à donner sou avis, répondit : On ne peut faire de modifications à la Commission administrative de Saint-Quihouët qui doit être composée en conformité de la lettre de M. le Ministre de l’Intérieur du 24 juin 1836 et en vertu de la loi du 28 pluviôse An VIII (17 février 1800).

Une lettre du Ministre de l’Intérieur au Préfet, du 7 février 1861, donnait raison aux habitants de Plaintel. Il écrivait en effet :

« Le Conseil d’Etat n’admet pas la nomination de membres du Conseil d’administration de Saint-Quihouët dans les communes du Fœil et de Quintin conformément à l’art. 5 de l’Ordonnance réglementaire du 31 octobre 1821 qui dit que les membres de ces sortes de Conseils doivent avoir leur domicile réel dans le lieu où ils siègent ».

Le statu quo fut donc maintenu ; mais pas pour longtemps. Une loi votée le 5 août 1879 disait :

ART. 1er. — Les Conseils d’administration des hospices, hôpitaux et bureaux de bienfaisance sont composés du Maire, président, et de six membres renouvelables. Deux de ces membres sont élus par le Conseil municipal. Les quatre autres sont nommés par le Préfet.

Cette fois les voeux des Conseils municipaux du Fœil et de Quintin furent exaucés car le 21 janvier 1880 la Commission était ainsi composée : MM. Gicquel, maire de Plaintel ; Dutertre Pierre et Gicquel François, conseillers municipaux ; Duval Charles, propriétaire à Quintin ; Garnier-Bodéléac, maire de Quintin ; Mesléard Guillaume, maire du Fœil et Rouault Jean, conseiller municipal du Fœil.

En 1949, les Administrateurs sont : MM. Pierre Dutertre, maire et président ; Pierre Gicquel, adjoint au maire ; Mathurin Courcoux, conseiller municipal et ancien maire ; Jean Robert, notaire, ordonnateur (tous les quatre de Plaintel) ; Jules Morcel, du Fœil ; René Ruault, de Quintin et Joseph Perrot, secrétaire général de l’Office des Combattants, Victimes de la Guerre et des Pupilles de la Nation.

Ceux-ci, soucieux du bien-être des orphelins, des religieuses et des pensionnaires, et aussi pour apporter des améliorations suivant les ressources du budget à un établissement qui leur est cher, ont fait installer l’éclairage électrique en 1945 [Note : Le Conseil Municipal de Plainte! a donné une subvention]. La Cie. Lebon a établi une ligne à haute tension reliant le bourg de Plaintel à un transformateur édifié près de la chapelle. La maison Werner, de Saint-Brieuc, a procédé à une installation intérieure fort bien comprise. Les fils conducteurs ont été placés, en grande partie, sous tubes Bergmann pour diminuer les dangers d’incendie. Cent vingt-cinq lampes éclairent les appartements et un tube fluorescent « lumière du jour » auréole la tête de la Vierge placée dans une niche derrière l’autel.

Les premiers administrateurs, de concert avec le Préfet, établirent un règlement. Après avoir parlé des fondateurs, de la date des différents actes et de l’objet, de la fondation ils s’expriment ainsi :

« Cet institut, est administré d’abord par une Commission ; ensuite, sous la surveillance et sous la direction de cette même Commission, par un Ordonnateur, par un Régisseur, par un Receveur, par des Religieuses et par un Aumônier.

Cette Commission, présidée par M. le Maire de Plaintel, est composée de cinq membres, pris parmi les habitants de Plaintel. Elle remplit ses fonctions gratuitement. Elle est renouvelée tous les ans par cinquième. Elle se réunit, chaque fois que les besoins du service l’exigent, et au moins tous les trois mois, à l’établissement même ou à le mairie de Plainte!. Les délibérations sont transcrites par ordre de date sur un registre coté et paraphé par le Président.

Tous les cinq ans la Commission nomme, dans son sein, un Ordonnateur qui, au fur et à mesure des besoins, ordonnance les dépenses prévues et fixées par le budget.

Le Régisseur [Note : M. François Gicquel, le dernier régisseur, démissionna pour raison de santé, en 1915. Il n’a pas été remplacé] est nommé par la Commission. Elle peut, selon les circonstances, le révoquer ; mais, dans ce cas comme dans tous les autres, elle aimera à s’inspirer des conseils et des lumières de M. le Préfet. Ce régisseur est spécialement chargé de surveiller les terres et les propriétés de l’Institut, de veiller à l’exécution des baux, d’indiquer à la Commission les améliorations qui pourront être introduites dans les baux et dans la culture, notamment, dans les métairies ; d’y faire faire les réparations, de faire soigner les grains et denrées diverses emmagasinées appartenant à l’établissement, sans qu’il ait d’ailleurs nullement à s’occuper des objets emmagasinés ou livrés à la consommation de l’établissement intérieur des Religieuses, le tout, après en avoir préalablement référé à la Commission. Il occupe les enfants. en ayant la force aux travaux de la campagne ; il leur donne des leçons orales et pratiques d’agriculture et de comptabilité agricole. Il tient, au nom et sous la surveillance du Receveur, la comptabilité matière de l’établissement extérieur. Il s’entend avec le Receveur pour recevoir et partager les objets en nature que doivent les fermiers et les métayers. Il vend, après avis de la Commission, les bestiaux, animaux et denrées qu’on ne croirait pas devoir conserver. Il achète les bestiaux et animaux jugés nécessaires par la Commission. Il livre, sur mandat de l’Ordonnateur, les objets en nature à Mme la Supérieure qui constate la livraison par un reçu au pied des mandats. Un cheval de selle sera laissé aux soins du Régisseur pour les besoins de l’établissement ; il sera toujours mis à la disposition de Mme la Supérieure quand elle le réclamera.

Des Religieuses. — L’intérieur de l’établissement est administré par une Religieuse Supérieure qui répond de son administration à la Commission seule.

Mme la Supérieure a sous ses ordres des Religieuses, des Soeurs converses, un jardinier, des domestiques, tant hommes que femmes ; le tout suivant les conditions et le nombre fixé par la Commission.

Mme la Supérieure a la direction, la surveillance, l’inspection de tous les employés de la maison. Ils ne reçoivent d’ordres que d’elle. Elle peut les renvoyer et les changer sauf à en rendre compte à la Commission à la première réunion. Elle donne connaissance à l’administration du nom et de l’emploi de chaque Soeur, de chaque domestique attaché à la maison ainsi que des mutations qui pourront avoir lieu.

Mme la Supérieure faisant les fonctions d’Econome se pourvoit, en dehors de l’établissement, dans les limites du budget, des objets et denrées qui ne lui sont pas fournis en nature par le Régisseur. Les mémoires de ces objets, visés par l’Ordonnateur, sont présentés à la fin de chaque semestre à l’appui des comptes que Mme la Supérieure doit rendre à la Commission. A cet effet Mme la Supérieure tient, des dépenses et des produits de la maison, un registre de détail qui est servi à la Commission toutes les fois qu’elle le demande, mais qui doit toujours l’être aux réunions de semestre, avec pièces à l’appui. Mme la Supérieure peut déléguer momentanément ses pouvoirs ou une partie de ses pouvoirs à l’une des Soeurs.

Du Receveur. — Le Receveur s’entend avec le Régisseur pour l’entrée et la sortie des objets en nature. Il veille à ce que les débi-rentiers, fermiers, métayers et débitants paient exactement, et régulièrement de manière que la caisse de l’établissement puisse acquitter les mandats délivrés par l’Ordonnateur. Le Receveur et le Régisseur tiennent sous leur responsabilité tous les registres et dossiers de l’établissement tels qu’ils sont prescrits par les instructions ministérielles. Le Receveur conserve, régularise ou fait régulariser les titres de propriété et autres de l’établissement. Un inventaire de tous ces registres, titres et papiers, sera dressé par le Receveur, le Régisseur et l’Ordonnateur qui en conserveront chacun un double.

De l’Aumonier. — L’Aumonier dit ordinairement une messe chaque jour. Le dimanche il donne l’explication des principes de l’Evangile ou fait rune instruction ou allocution à la portée des orphelins, à l’enseignement moral et religieux desquels il est spécialement commis.

Suivant les dispositions testamentaires de Mme Digaultray, la messe qu’elle a fondée est célébrée le dimanche de chaque semaine et le service annuel est célébré solennellement le 25 août de chaque année, jour de la fête de la donatrice. Il est annoncé la veille par la cloche de la chapelle. M. le Desservant, de la commune de Plaintel est prié de l’annoncer à la grand’messe du dimanche précédent.

Pour graver ce grand jour dans la mémoire des orphelins il est fait, l’après-midi, sous la présidence de la Commission, une distribution de prix aux plus méritants.

M. l’Aumônier célèbre aussi, le 2 décembre de chaque année, un service solennel pour M. Digaultray.

De l’admission des orphelins. — La Commission n’admet que des orphelins pauvres. Elle se propose de développer les ressources de l’établissement, de calculer et de réduire les dépenses dans une proportion qui, tout en faisant le bien-être des habitants de l’Institut, donne les moyens de recevoir le plus grand nombre d’orphelins. Les enfants ne sont pas reçus avant l’âge de quatre ans. Ils ne peuvent l’être après douze ans. Sont régulièrement refusés les enfants atteints de maladies contagieuse, incurable, intellectuelle ou ceux qui ont des moyens d’existence.

Toute demande d’admission est adressée au Président de la Commission. Elle doit contenir les nom, prénoms, âge de l’enfant, ceux de ses père et mère, le domicile et la profession de ces derniers. Il doit être joint à la demande un certificat de vaccin et un certificat de médecin. L’admission n’est prononcée que par la Commission. Toutefois, dans les cas d’urgence, l’enfant, avant toute décision, est admis sur un simple billet du Président qui doit en rendre compte à la première réunion de la Commission qui, seule, prononce le maintien ou la sortie. Elle est convoquée à cet effet dans la huitaine. M. le Président tient un registre de toutes les entrées qu’il a autorisées.

Mme la Supérieure tient ou fait tenir deux registres, l’un pour les garçons et l’autre pour les filles, sur lesquels, au fur et à mesure des entrées, elle inscrit les enfants qui lui sont envoyés par le Président. Ces registres contiennent un numéro d’ordre, le nom patronymique, les prénoms, l’âge, le village, le jour, le mois et l’année de l’entrée, les noms, prénoms, profession du père et de la mère et la date de leur décès. Enfin une mention de la vaccination de l’enfant, date de son admission définitive, date de la sortie et une colonne d’observations. Mme la Supérieure tient en outre deux autres registres, l’un pour les garçons, l’autre pour les filles. Chaque registre consacre un feuillet entier à chaque enfant. En tête est le numéro de l’enfant, son nom, ses prénoms, son âge, le domicile de ses parents. Le reste du feuillet est réservé pour annoter les délibérations le concernant, sa sortie, son placement, etc.

La Commission, pour des cas graves, peut prononcer l’expulsion des orphelins. Mme la Supérieure est toujours entendue.

Occupations des orphelins. — On enseigne aux enfants les prières, la lecture, l’écriture, les quatre règles de calcul, l’évangile, le catéchisme, l’histoire sainte, les notions d’agriculture, la comptabilité comme il est dit au titre du Régisseur.

De plus on enseigne aux filles à filer, tricoter, à coudre, à marquer, à broder, à laver et à dresser. On les forme aux habitudes d’un ménage de cultivateurs ; ainsi successivement elles traient les vaches, soignent les bestiaux, préparent le lait, font le beurre, Elles font la cuisine des orphelins qui se compose des mets du pays.

Les garçons en bas-âge peuvent tricoter, coudre et même broder ; mais, dès que leurs forces le permettent, ils sont successivement mis sous la conduite du Régisseur qui les emploie aux rudes travaux de la maison, à soigner les chevaux et les bestiaux, à labourer. Ils sont ainsi préparés à quitter l’établissement. Ces travaux sont combinés de manière à se concilier avec les autres occupations et les devoirs religieux de l’établissement. Lorsque leurs forces sont développées ils sont placés, suivant leurs aptitudes, dans les fermes ou chez des maîtres, où on facilite leur entrée en leur donnant un trousseau ou en remettant à celui qui les reçoit une petite indemnité calculée d’après les forces et l’aptitude de l’élève, à moins que la Commission ne juge convenable de les laisser sous la direction du Régisseur.

Les vêtements des filles et des garçons sont confectionnés dans l’établissement.

Visite des propriétés. — Tous les ans un membre délégué par la Commission visite les bâtiments, fermes et métairies de l’établissement. Il fait un rapport sur leur état en indiquant les réparations qui peuvent être nécessaires.

Comptes et budgets.  — Les comptes du Receveur doivent être soumis à la vérification du Receveur des Finances dans les premiers mois de l’année qui est celle pour laquelle ils sont présentés. Ils sont ensuite soumis à l’examen de la Commission administrative, avant la fin du premier trimestre de la même année et présentés au Conseil Municipal dans la session de mai. La Commission se réunira chaque année du premier au 15 avril pour délibérer sur le budget de l’année suivante. Ce budget, sera également communiqué, pour avis, au Conseil Municipal, dans la session de mai.

Dispositions finales. — Tous les fonctionnaires de l’établissement devront strictement se renfermer dans les attributions qui viennent de leur être assignées ».

Par lettre du 18 mars 1837 Mme Digaultray demanda l’autorisation de se faire inhumer à Saint-Quihouët et « d’y faire transporter les cendres de feu son mari ». Cette demande fut appuyée par la Commission. administrative le 27 mars suivant qui, de plus, sollicita la création d’un cimetière. « Il y a une forte lieue, disait-elle, de Saint-Quihouët à Plaintel. Le chemin que l’on peut suivre avec les corps est très difficile et très mauvais ce qui met les religieuses et les enfants dans l’impossibilité d’assister aux funérailles de ceux qui décéderaient dans la maison. L’étendue du terrain muré donne la grande facilité d’avoir un cimetière dans l’enclos et dans un endroit éloigné des logements et qu’il n’est fréquenté que par les Filles de la Sagesse qui sont à la tête de l’établissement et qui ont coutume d’avoir dans leurs maisons un cimetière pour elles et leurs enfants quand elles se trouvent à une si grande distance du cimetière de la paroisse. Vu qu’il serait pénible pour Mme Digaultray et pour les religieuses de savoir que leurs cendres ne puissent reposer dans le lieu où la reconnaissance des enfants pourra leur conserver quelques souvenirs et aller prier sur leurs tombes ».

Le 10 mai 1837 le Préfet prit un arrêté donnant satisfaction à la fondatrice et au Conseil d’administration :

« Vu l’avis de la Commission administrative de l’établissement ;

Vu l’article 14 du décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) portant que toute personne pourra être enterrée dans sa propriété.

Vu l’article 13 du même décret portant que les maires pourront permettre que l’on construise dans l’enceinte des établissements de bienfaisance des monuments funéraires pour les fondateurs ou bienfaiteurs lorsqu’ils en font la demande ;

Arrête : La demande de Mme Digaultray, en date du 18 mars dernier est renvoyée à M. le Maire de Plaintel pour y faire droit lorsqu’il y aura lieu. En outre M. le Maire de Plainte! donnera l’autorisation pour les autres personnes, s’il le juge à propos, chaque fois que ce sera nécessaire ».

Après un service solennel célébré dans la vieille chapelle par MM. Monnier, curé de Quintin ; Cautho, recteur de Plaintel ; Quintin, aumônier, et plusieurs autres prêtres, M. Digaultray fut inhumé dans le caveau du cimetière, le 24 juin 1837, jour anniversaire de la fête de Saint Jean-Baptiste [Note : Il avait été enterré provisoirement à Quintin le 4 décembre 1834].

En 1840, Mme Digaultray rédigea son testament :

Je soussignée, déclare que cet écrit est mon testament [Note : Nous avons eu entre les mains une copie dont les fautes avaient été corrigées].. Je donne et lègue à l’établissement des orphelins de St-Quihoit, en Plaintel, fondé par mon mari et moi, tous les biens meubles et immeubles que je laisserai à mon décès, à la charge audit établissement de payer, savoir : - à Toussaint Simon [Note : Ces Symon, Le Mercier et Guérel lui étaient apparentés par ses père et mère : Duval et Flageul. Dans une pièce du 27 septembre 1851 nous avons relevé : Jean-Baptiste Guérel, disparu pendant la campagne de Russie, en 1812], mon petit neveu, deux mille francs, - à François Simon, mon petit neveu, ou à ses enfants en cas qu’il meure avant moi, deux mille francs, - à Pierre-Marie Simon, mon petit neveu et filleul ou à ses enfants en cas qu’il meure avant moi, quatre mille quatre cents-francs, - à Jeanne-Marie Simon, dame Quérangal, rua petite nièce ou à ses enfants au cas qu’elle meure avant moi, quatre mille quatre cents francs, - à Armand Le Mercier Duverger, mon petit neveu ou à ses enfants en cas qu’il meure avant moi, deux mille francs, - aux enfants ou petits-enfants issus de Guérel et de Louise Charlotin, de Paimpol, mes parents très éloignés, huit mille francs pour être partagés entre eux également, - à Jules Lécuyer (sic) mon filleul, dix-mille francs, - à Marie Le Huby, ma domestique, une rente viagère de deux cents francs, - à chacun de mes domestiques, cent francs, - à la charge encore de payer six cents francs pour mes frais funéraires et de faire dire à perpétuité, chaque semaine, une messe pour moi, mon mari et nos pères et mères.

Je révoque tout testament antérieur à celui-ci et je nomme pour mes exécuteurs testamentaires MM. Félix Mazurié, propriétaire à Quintin, et Noël Tarot, avocat à Saint-Brieuc, auxquels je donne la saisine de tous mes biens meubles.

A Saint-Quihoit, le 20 février 1840. Veuve DIGAULTRAY, née Louise DUVAL.

Le 17 décembre 1844 elle ajoute un codicille à ce testament ainsi libellé :

Je soussignée veuve Digaultray, née Louise Duval, par addition et adjonction à mon testament ollografe en date du vin février 1840 et que je confirme et corrobore en tout son contenu.

Je donne à l’établissement de Saint-Quihoit mon légataire universelle saisine pleine et entière de tous mais biens ne voulan pas qu’ille lui soit porté trouble et empaichement en fasson quelconque ; ille sera chaque année, à perpétuité, sélébré dans la chapelle de l’établisseman un service pour moi, mon mari, mon père, ma mère et nos défunts ; ille sera dit chaque semaine, aussi à perpétuité, une maisse à la maime intantion.

Chaquun de mais domestiques recevra deux san frans en plus.

Le mobilié de ma maison sera vendu sitôt après mon déssès et le montan sera amploié à remplir mais lègues particuliés.

Je désire que les successeurs de l’abbé Quintin reçoivent les maimes avantages que lui et ramplissent les maimes charges se que je garde comme trais avantageux et maime nécessaire pour le bien de l’établisseman.

M. Tarot étant mort, je nomme pour le ranplasser comme mon exécuteur testamantaire M. Hérault, notaire à Saint-Brieuc. A Saint-Quihoit, en Plintel, 17 dessembre 1844. Veuve DIGAULTRAY, née Louise DUVAL [Note : Copie du testament olographe de Mme Digaultray qui ne devait pas avoir beaucoup d’instruction].

Elle fit un troisième testament par acte notarié le 27 septembre 1847 :

Devant Gabriel-Toussaint Hérault, notaire à Saint-Brieuc... s’est présentée :

Mme Louise Duval, veuve de M. Jean-Baptiste-Emmanuel Digaultray, propriétaire, demeurant à son château de Saint­Quihouët, en la commune de Plaintel, laquelle étant parfaitement saine d’esprit a fait, en présence des témoins sus-qualifiés, son testament somme suit :

Dans l’un de mes testaments olographes j’ai légué par préciput une somme de dix mille francs à mon neveu Jules Léquyer, professeur au collège égyptien à Paris. Je l’avais fait par la seule affection que je lui porte et lui laisser un souvenir particulier attendu qu’il est mon filleul, ayant depuis appris qu’il doit à son cousin germain, Palasne-Champeaux, une somme de vingt-mille francs qu’il pourrait ne pas être en état de rembourser par lui-même, je déclare lui léguer aujourd’hui la somme entière de vingt mille francs mais à la condition expresse qu’elle soit employée à rembourser son cousin Champeaux.

Comme ma fortune actuellement réduite ne me permet plus de suivre toutes les impulsions de mon coeur, j’exprime le désir qu’à ma mort ce legs soit seulement de dix-mille francs si, avant ma mort, Jules Léquyer a pu rembourser cette dette par ses propres moyens. De même, si après avoir payé cette dette de vingt mille francs avec mon présent legs et après avoir exposé toutes ses affaires et soldé ses autres dettes mon neveu Jules Léquyer posède une valeur suffisante, je le prie de tenir compte à mes héritiers naturels de la somme de dix mille francs que j’ajoute à mon premier legs. C’est un voeu que je dépose au fond de sa conscience ; il lui sera sacré.

Telles sont les dispositions testamentaires que la dame testatrice a dictées au notaire.

Fait au château de Saint-Quihouët, en Plaintel, dans la salle à manger, sous les seings de Mme Digaultray, des sieurs Fromentin et Tanguy, ainsi que du notaire, le vingt-sept septembre mil huit cent quarante-sept, à cinq heures du soir.

Elle mourut le 31 mai 1850. Son acte de décès est enregistré à la mairie de Plaintel à la date du 3 juin :

Décès de dame Louise Duval, née à Quintin, département des Cotes-du-Nord, âgée de 80 ans, propriétaire, domiciliée à Saint-Quihouët, décédée le 31 mai à l’heure de midi [Note : Son mari était aussi décédé à midi], fille de feus Toussaint Duval et de Catherine Flageul [Note : Sa mère était Louise Flageul et non Catherine], veuve de Jean-Baptiste Digaultray.

En outre de la propriété de Saint-Quihouët Mme Digaultray possédait quatre fermes qu’elle légua aux orphelins par son codicille du 17 décembre 1844 : La Salle, en Le Foeil ; Kérupert, en Boqueho ; Le Hourme et la Ville-Deusseux, en Ploeuc, estimées 152.902 fr. 13, moins les legs et charges diverses environ 50.000 francs, soit 102.202 fr. 13.

Le 11 juin 1850 la Commission administrative, appuyée par les délibérations des Conseils Municipaux de Quintin, Plaintel et Le Foeil, demanda au gouvernement l’autorisation d’accepter ce legs ; mais le 10 avril 1851, M. Pierre-Marie Symon, docteur-médecin à Quintin, en son nom et ceux de ses frères, Toussaint-Marie et Jean-François, se pourvoit devant le Conseil d’Etat contre les dispositions testamentaires de Mme Digaultray.

A des lettres du Ministre de l’Intérieur et du Conseil d’Etat demandant l’avis du Préfet celui-ci répond le 2 juin 1851 :

Vu, en date du 20 février 1840 et 17 décembre 1844, les testaments olographes de Mme veuve Digaultray donnant ses biens à l’orphelinat de Saint-Quihouët moyennant le paiement de legs particuliers se montant à 42.800 francs ;

Vu un acte notarié du 27 septembre 1847 augmentant le legs de M. Léquyer de 10.000 francs ;

Vu la délibération du Conseil d’administration demandant l’autorisation d’accepter le legs ;

Vu une lettre du maire de Pontrieux, du 21 mars 1851, faisant connaître que le sieur Armand-Pacifique Le Mercier-Duverger, ancien receveur d’enregistrement dans cette ville, a quitté le pays depuis plusieurs années et qu’on ignore complètement le lieu où- il s’est retiré ;

Considérant que la seule intention de la donatrice est d’achever l’oeuvre qu’elle avait commencée de concert avec son mari, et non de nuire à ses héritiers naturels, simples collatéraux, presque tous dans une belle situation de fortune, et en faveur desquels elle a d’ailleurs fait des dispositions testamentaires, ainsi qu’elle le déclare ;

Sommes d’avis que l’Institut Digaultray-Duval soit autorisé à accepter définitivement le legs à lui fait par la dame Louise Duval, y compris tous ses biens meubles et immeubles aux clauses et conditions exprimées par les testaments olographes et notarié.

Un décret de Louis-Napoléon, président de la République, du 26 août 1852, autorisa l’acceptation du legs par l’Institut. Le Conseil d’administration l’accepta le 19 septembre suivant.

François-Célestin-Julien-Thérèse Palasne de Champeaux [Note : Fils du colonel Antoine-Julien P. de Champeaux et de Jacquette Digaultray], à qui Jules Léquyer devait 20.000 francs, mourut à bord du paquebot de l’Etat, « Le Mentor », le 4 août 1850. Il laissait un testament olographe, daté du 5 avril 1849, léguant ses biens a ses deux cousins-germains Armand-Charles P. de Champeaux, élève de l’Ecole Polytechnique, et Amélie P. de Champeaux, mariée à son cousin Charles-Louis P. de Champeaux, lieutenant de vaisseau ; mais en réservant l’usufruit à ses oncles paternels [Note : Les frères de son père], MM. Pierre-Antoine, capitaine de cavalerie en retraite, et Armand-Toussaint, sous-commissaire de la marine en retraite. Ceux-ci, et Jules Léquyer [Note : Jules Léquyer « original, insouciant, dépensant sans compter, succombant sous le fardeau grossi de ses dettes », n’avait pas remboursé son cousin], après avoir réclamé la délivrance du legs de 20.000 francs par le ministère de M. Gaudin, avoué à Saint-Brieuc, furent admis à recouvrer leur créance le 23 décembre 1855.

Bien que les archives ne le mentionnent pas nous pensons que la famille Symon, et les demoiselles Barré, petites-filles des Guérel-Charlotin, de Paimpol, sont entrées en possession de leurs héritages. Quant à Le Mercier-Duverger parti sans laisser d’adresse — nous n’en avons plus entendu parler.

Le passif de la succession de Mme Digaultray, legs, droits de mutation, frais funéraires, achat du tombeau, etc., s’élevait à 76.404 fr. 15. La Commission administrative fut autorisée par le Préfet, le 3 octobre 1853, à emprunter 70.600 francs, au Crédit Foncier ; mais elle prit une nouvelle décision à la suite d’une proposition de M. de Robien. Devant M. Radenac, notaire à Ploeuc, le 7 octobre 1845, M. de Robien avait acquis de Mme Digaultray la métairie de Quénérieux, située commune du Foeil, pour 55.000 francs, non exigibles. L’intérêt de cette somme était fixé à 2.500 fr. payable par moitié le 1er mars et le 1er octobre de chaque année. M. de Robien demanda à solder son acquisition. Il fut autorisé par le Préfet, le 29 novembre 1853, à verser 40.000 francs le 1er décembre suivant, 8.000 francs le 1er décembre 1854 et 7.000 francs le 1er décembre 1855.

Le 25 mars 1857, Pierre Bannier [Note : Le petit-fils de Pierre Bannier est propriétaire de la ferme du Hourme, vers 1949] et Marie-Jeanne Turmel, son épouse, demeurant à la Noë-Morvue, en Plaintel, achetèrent la métairie du Hourme, située commune de Ploeuc, pour 12.500 francs, cette ferme appartenait anciennement à Jean-Marie Chandemerle du Bourg, notaire à Plainte!, marié à Marie-Hélène Duval, tante de Mme Digaultray. Ceux-ci étant décédés sans postérité Mme Digaultray en avait hérité.

Avec ces 62.500 francs, et de sages économies réalisées sur le budget de l’Orphelinat les Administrateurs de l’époque rétablirent la situation en peu de temps, puisque le 2 janvier 1860 ils décidèrent de vendre les convenants du Fonteny, des Clos-Merlet, du Créhalet, du Loudu, de Auffray [Note : Sur le convenant Auffray il était dû annuellement à La Fayette, 50 c. en argent, une paire de gants, 62 dal. 880 de froment et 26 dal. 200 de seigle] et Charles Bernard. La délibération porte : l’argent qui en sera perçu, placé en rente sur l’Etat, rapportera bien plus que les convenants. C’est donc qu’ils n’avaient plus besoin d’argent. [Note : Le 2 septembre 1806, par devant M. Conan, notaire à Saint-Brieuc, M. Yves Loyer, notaire à Senven-Léhart. — procurateur de M. de La Fayette, demeurant à La Grange, commune de Compalais (Seine-et-Marne) — vendit ces convenants à Sévérin Thomas, propriétaire à Quintin, pour 11.400 francs. Thomas était tout simplement personne interposée, car, aussitôt il rétrocéda son acquisition à Toussaint Duval, demeurant Grand’Rue, à Quintin, qui en acquitta le prix séance tenante].

Enfin le 24 août 1912 un arrêté préfectoral autorisa la vente aux 13 colons des convenants de la tenue de Saint-Quibouët. Ces terres rapportaient annuellement 231 fr. 62 et les 23.800 fr., payés par les acquéreurs, placés en rente 3 %, produisirent 714 francs.

Nous constatons que les intentions des fondateurs ont été largement satisfaites. Grâce à la sollicitude des différents Conseils d’Administration qui se sont succédé et à l’immense dévouement des religieuses qui dirigent l’établissement depuis plus d’un siècle, cet orphelinat n’a cessé de prospérer. Il est devenu une oeuvre charitable magnifique sur le penchant de cette vallée fraîche et riante dont les ombrages cachent aux yeux des orphelins, trop jeunes encore, les angoisses et les misères d’ici-bas.

(Ch. Le Péchoux).

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