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 Machecoul et son histoire

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Machecoul, ancienne capitale du duché de Retz, ou plus exactement Rais, suivant l'ancienne orthographe, s'élève sur les bords du Falleron, dans une plaine triste et nue qui a donné son nom de la Chaume à une abbaye célèbre. Les plus vieux titres l'appellent Sainte-Croix (oppidum Sanctœ-Crucis). Arscoid ou Harscoët, sire de Rais, au commencement du XIème siècle, est quelquefois désigné, lui aussi, par le nom de Harscoët de Sainte-Croix. Le nom de Machecoul ou Machecol commence néanmoins dès lors à paraître dans l'histoire. Sans doute il indique une de ces fortifications saillantes qui permettaient de broyer les têtes des assiégeants lorsqu'ils tentaient l'assaut. Les machicoulis en encorbellements de pierres ne furent introduits, il est vrai, dans les constructions militaires, qu'au XIIIème ou XIVème siècle ; mais longtemps auparavant on avait inventé ce que j'appellerai des machicoulis de bois, c'est-à-dire des planchers extérieurs sur poutrelles, formant ceinture au sommet des tours. On voit encore, à plusieurs des vieux donjons de Foulques Nerra, à celui de Loches notamment, les trous des poutrelles. Le mot seul de Machecol n'est-il pas d'ailleurs l'indice d'une machine de guerre, quelle qu'elle fait, et par suite d'une fortification, d'un château ? Le nom d'oppidum par lequel Machecoul est désigné dés le premier jour, n'indique pas d'ailleurs moins clairement un lieu fortifié (Oppido meo Machecollo, Acte de Gestin, l'an 1083 – Dom Morice, Preuves T. Ier, col. 467. Ajoutons que machicoulis s'est d'abord dit machecoulis. Ducange explique le mot machicollace ainsi : In antiquis privilegiis regum Anglicorum, cum licentiam concedunt castri oedificandi, illiusque imbatellendi, kernillandi, machicollandi). Machecoul devint, au XIème siècle, l'apanage d'un puîné de la famille d'Arscoid qui le transmit à sa descendance. C'est ainsi que nous voyons se succéder dans la possession de cette châtellenie, Raoul de Machecoul, Aimery de Machecoul, Béatrix de Machecoul, femme d'Aimery de Thouars. Olivier de Machecoul donne, au XIIIème siècle, ses terres de Machecoul et de Saint-Philbert à Pierre de Bretagne, fils du duc Jean, lequel y renonça en faveur de Gérard Chabot, deuxième du nom, sire de Rais. Les armes de Machecoul étaient d'argent à trois chevrons de gueules ; celles de Rais, d'or à une crois de sable. A partir de Gérard Chabot qui était fils de l'héritière de l'ancienne maison de Rais, c'est-à-dire à partir de 1258, l'histoire de Machecoul et celle de Rais n'en font plus qu'une. La famille Chabot garde la baronnie de Rais jusqu'à l'année 1406, puis nous voyons cette baronnie passer par les femmes aux Montmorency-Laval, aux Chauvigny, aux Tournemine, aux d'Annebault, aux Gondi pour lesquels elle fut érigée en duché-pairie en 1581, puis confirmée dans ce titre pour une seconde branche de la même famille en 1634 ; enfin, aux Lesdiguières, aux Villeroy, et, par acquêt, l'an 1778, à Clément Alexandre de Brie, marquis de Serrant, qui fut autorisé à la démembrer. L'oeuvre de destruction commençait, la Révolution l'acheva. 

Il ne reste aujourd'hui du château de Machecoul que des tours mutilées et quelques débris de murs construits à diverses époques. On retrouvait, dans les parties les plus ornées de ce château, le style du XVème siècle, les nervures élégantes, les ogives en accolades. Ajoutez dans l'ensemble tout le luxe des temps féodaux, des salles voûtées, des souterrains profonds, des fossés que parcourait une rivière. On citait aussi des escaliers sans nombre dont les uns tournaient en spirale, les autres serpentaient dans l'épaisseur des murs. 

Le plus célèbre des hôtes de ce gothique manoir fut incontestablement Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais, qu'une tradition populaire s'est longtemps obstinée à reconnaître dans le Barbe-bleue de Perrault. Aujourd'hui il est parfaitement reconnu que les données principales du conte de Perrault ont été empruntées à la légende de sainte Trephine. La clef, la chambre mystérieuse, les sept femmes pendues, la tour où attend la soeur Anne, les deux frères qui accourent ont été retrouvés, en 1849, sur une fresque du XIIIème siècle, qui orne l'église de Saint-Nicolas de Bieuzi, au diocèse de Vannes. Mais enfin, Gilles de Rais, redevenu simplement personnage historique, n'en demeure pas moins chargé de crimes qui font oublier en lui le très-vaillant chevalier, l'heureux vainqueur des Anglais au Lude, à Ramefort, à Malicorne, et, pour tout dire en un mot, le fidèle compagnon d'armes de Jeanne d'Arc. 

Le grand malheur de Gilles de Rais fut d'être riche et illustre trop tôt. La tête lui tourna. Maréchal de France à vingt-cinq ans, il voulut avoir une compagnie de gardes comme le roi. Riche d'un revenu qui dépasserait vers 1865 deux millions, il transforma ses forteresses de Machecoul, de Champtocé et surtout de Tiffauges en des palais éblouissants d'or et de peintures ; il y appela des artistes de tous pays, imagiers, ménétriers, chanteurs, Il avait, disent ses héritiers dans leur Mémoire, plusieurs paires d'orgues, « une desquelles il faisait porter à six hommes avec lui dans ses voyages ».  Un enfant de choeur, nommé Rossignol, dont la voix l'a charmé à Poitiers, reçoit de lui la terre de la Rivière, près de Machecoul , valant deux cents livres, pour faire partie de sa chapelle ; car il a une chapelle desservie par des chapelains qu'il habille d'écarlate avec bonnets de choeur de fin gris. Il demandera même pour eux, mais sans succès, la mitre au pape. La religion pour lui est affaire de luxe et de palais comme l'art. Il en a d'ailleurs quelque teinture, suivant l'expression de Lobineau ; il s'adresse à Dieu tant que Dieu ne lui refuse rien ; mais quand sa fortune sera à bout, quand il aura vainement prié Dieu de la lui refaire, il s'adressera au diable, et les souterrains de Tiffauges seront le théâtre des plus épouvantables scènes. Des enfants disparaissaient et ou accusait le maréchal de les avoir meurtris pour user de leur sang dans ses devinements et évocations. L'orgueil, l'oisiveté, l'habitude de toutes les jouissances avaient, en effet, développé en lui ces instincts dépravés qui finissent par éteindre toute sensibilité du coeur dans un brutal égoïsme, La cruauté suit de près l'extrême débauche. Gilles de Rais ne tua point sa femme, mais il tua de pauvres petites créatures qu'il faisait enlever par les chemins ; et il les tua avec des raffinements sataniques dont lui-même fut saisi d'horreur, lorsqu'emprisonné et comparaissant devant ses juges, on les lui remit sous les yeux. Il se jeta alors à genoux en demandant pardon à Dieu et en exhortant les parents à ne pas laisser leurs enfants se livrer au vin et à la table. L'assistance, sous le coup de l'émotion et de l'effroi, se jeta à genoux comme lui, en fondant en larmes. 

On sait quel fut le sort de ce fier baron. Il fut condamné à être pendu et son corps brillé, tandis que deux de ses complices devaient subir, de leur côté, le supplice du feu. Mais le maréchal demanda à n'être point séparé de ceux dont il causait la mort, disant que si autrement estoit et que lesdits serviteurs ne le vissent mourir, ils pussent cheoir en désesperance et imaginer que luy qui estoit la cause de leur maléfice, demeuroit impuni. Le chevalier se retrouvait à sa dernière heure. 

On a plus d'une fois présenté Gilles de Rais comme un type extraordinaire sans doute, mais résumant néanmoins et terminant exactement une époque. Autant vaudrait dire que Carrier, qui assurément ne valait pas le sire de Rais, résume exactement la Révolution, et que tous nos héros d'assises, dont le nombre, soit dit en passant, ne diminue guère, résument exactement les tendances du milieu social et du siècle auxquels ils appartiennent. Ce qui est vrai, c'est que ni les services du maréchal, ni sa gloire, ni ses richesses, ni ses alliances royales ne le sauvèrent. Cette époque qu'il résumait si exactement n'eut pas même l'idée de l'enfermer comme fou, bien que ses extravagances touchassent parfois à la folie. Elle ne vit en lui, tout maréchal qu'il fût, qu'un criminel vulgaire et n'eut d'émotion que pour son repentir. 

La baronnie de Rais se composait, au temps de Gilles, des châtellenies de Pornic, Machecoul, Saint-Etienne-de-Malemort (on dit aujourd'hui  de Mermorte), de Prigny, de Vue, de l'île de Bouin, de la Benate et de Bourgneuf. La plupart de ces châtellenies avaient des maisons fortes. Nous voyons cités dans un acte de 1399, sous le nom général de chasteaux de Rays, le chastel de Saint-Etienne-de-Malemort, le chastel et forteresse de Machecoul, le chastel de Prinçay (Princé), le chastel et ville de Pornic, et le chastel et motte de Prugné (Prigni). Le pays de Rais où, comme disait Alain Bouchart, le clos de Rays, dépassait de beaucoup les limites de la baronnie et s'étendait jusqu'à la Loire. 

La baronnie de Rais était une des neuf anciennes baronnies de Bretagne. Une pièce de vers du XIIIème siècle, citée par Dom Taillandier, lui assigne le quatrième rang (Note : L'époque de la création des anciennes baronnies étant d'ailleurs inconnue, il y eut souvent contestation entre elles pour la préséance. « Aussi les barons semblent-ils avoir affecté, dit Dom Morice, de ne se pas trouver deux ensemble dans la même assemblée. Quand les ducs de Rais se sont trouvés aux Etats, on n'y a point vu les barons de Châteaubriant, de la Roche-Bernard, de Pontchâteau et d'Ancenis. Il n'en est pas de même des nouveaux barons, etc. » Preuves T. II , p. XXXVIII. Voir également au troisième volume des Preuves, la contestation pour le rang entre les barons de Raiz et de la Roche-Bernard, col 8. J'en cite les premiers vers : - Avalgus primas Baco sedet cum leone nigro ; - Vitreus cum filetro associantur ambo ; - Lilia hinc aurea cum colore rubro ; - Postea crux nigrata atireo compilata... C'est-à-dire Avaugour, Vitré, Châteaubriant avec ses lys d'or, Rais avec sa croix noire, etc. Comme l'un des quatre premiers barons du comté de Nantes, le sire de Rais devait en outre se joindre aux trois autres pour porter l'évêque, le jour de son entrée solennelle dans son église cathédrale. Dom Morice nous donne un curieux procès-verbal de cette cérémonie. Il est du 3 avril de l'année 1383. Le duc de Bretagne, Jean IV, détenait alors la baronnie de Rais et, loin de répudier l'office du baron, il prend soin de le préciser avec ses charges et privilèges. « Et ajouta ledit seigneur duc, lit-on au procès-verbal, qu'en sa qualité de seigneur et baron des territoire et baronnie de Rais, il devait être le second des quatre barons à porter ledit seigneur évêque de l'aumonerie de Sainte-Marie-hors-des-Murs jusqu'à l'église de Nantes.... Quelques-uns des assistants contredisaient les dires du duc. Enfin, après diverses paroles échangées, messire Pierre Gueho, prêtre commensal du seigneur évêque (Jean II de Montrelais), produisit une cédule mentionnant comment les susdits barons devaient porter ledit seigneur évêque pas à pas à l'église de Nantes, le jour de sa réception en ladite église, laquelle cédule, affirmait le chapelain, était extraite des registres ou anciens livres de l'église de Nantes. Il y était dit que le seigneur du Pont (Pontchâteau) devait être le premier à porter le seigneur évêque ; le seigneur de Rais le second ; le seigneur d'Ancenis le troisième, et le seigneur de Châteaubriant le quatrième. Laquelle cédule ayant été vue, lue et comprise par tous et chacun, les barons, suivant l'ordre indiqué, firent monter le seigneur évêque vêtu de ses ornements pontificaux sur sa chaire, et le portèrent du seuil de l'Aumonerie jusqu'au choeur de l'église de Nantes : Et étaient, le seigneur du Pont premier, à droite ; le seigneur de Rais second, à gauche ; le seigneur d'Ancenis troisième, à droite, et messire Jean de Tréal pour le duc, en raison du rachat de la baronnie de Châteaubriant, quatrième, à gauche. Et ils descendirent ledit évêque dans la nef de l'église et le conduisirent au grand autel, où il célébra solennellement la messe du Saint-Esprit ; après laquelle, lesdits seigneurs évêque, duc, et barons se rendirent en la salle du manoir épiscopal de Nantes touchant ladite église et y dînèrent. Le repas fini, le susdit seigneur duc, en sa qualité de baron et seigneur de Rais, eut les nappes, serviettes et essuie-mains qui avaient été exhibés et étendus pour le service, suivant le droit de ses prédécesseurs, barons de Rais » (Voir Dom Morice, Preuves T. II, col. 439 et 448). 

Le duc figure ici à double titre, comme baron de Rais et il en remplit lui-même les fonctions, puis comme baron de Châteaubriant et il délègue à sa place le sire de Tréal. L'usage de porter les évêques était déjà vieux puisqu'il est question des anciens livres de l'église de Nantes, et nous voyons que le souverain lui-même s'y prêtait de fort bonne grâce. Quant à l'évêque, Guimar lui adresse, dans ses Annales Nantaises, cette fougueuse apostrophe : « Disciple orgueilleux et vain, était-ce l'attirail de ton Maitre entrant à Jérusalem ? il se contenta d'un âne et il te faut des barons ! ». Guimar se faisant le vengeur de la dignité des tiers barons du moyen âge ! Voilà certes une métamorphose imprévue. Le libéralisme est comme Protée : Quis eum tenebit ? Guimar oubliait que le Maître si doux et si humble qui ne voulait qu'une ânesse pour monture, n'en était pas moins celui qui disait : « C'est par moi que les rois règnent, per me reges regnant », et je ne sais si les populations se plaignaient beaucoup de voir ces barons puissants qui ne croyaient trop souvent qu'a leur épée, obligés de plier la tête devant une autorité plus haute que la leur. 

Le seigneur de Rais devait à l'ost du duc, suivant la déclaration qu'il en fit en 1294, cinq chevaliers armés pour sa terre de Rais, puis l'acte ajoute : « Et l'en doit enquerre de sa terre de Machecoul si riens en doit et combien » (Dom Morice, Preuves T. Ier, col. 1.111). 

Parmi les otages que Charles de Blois donna à Jean de Montfort après la bataille d'Evron et en attendant l'accord qui devait suivre, nous remarquons Gérard de Rais : - Charles bailla ès mains Jehan - Premier, le vicomte de Rohan, - Léon et Rays et Malestroit - Qui furent tenus à destroit.... (D. Morice, Preuves T. II, col. 318). 

Le même Gérard fut pris à la bataille d'Auray avec du Guesclin : - Rohan, Montfort et Beaumanoir. - Rays et Rieux, Dinan pour voir .......... - Et Glesquin, le bon chevalier, - Furent desconfits prisonniers.... (D. Morice, Preuves T. II, col. 324).

Aux Etats de Rennes de 1386, le sire de Rais est ajourné « pour comparoir en personne et rendre à droit Pierre de Saffré , son capitaine de Machecou, sur cas de mises mains en Eon Girart, sergent de Monsieur » (D. Morice, Preuves T. II, col. 523). En 1437, le baron de Rais est l'un des premiers à répondre à l'appel du duc Jean V, qui venait d'apprendre, par espies et messaiges, qu'au pays d'Anjou et ailleurs on avait machiné la mort, prinse, malennui ou dommage de sa personne, de celles de ses enfants et frères ou division de sa seigneurie. Les barons présents promirent aussitôt et baillèrent leurs scels de servir le duc « jusqu'à appointance desdits machineurs et réparation condigne contre lesdits entrepreneurs, leurs serviteurs, complices, sequaces et adhérents ». Le duc s'engageait, de son côté, et promettait, en parole de prince, de ne faire aucun appaisement sans les appeler et comprendre et « de les aider, secourir, conforter contre ceux qui, à cette cause, les voudroient grever et porter ennuy » (D. Morice, Preuves T. II, col. 1314). 

Nous trouvons parmi les formules de concessions, réunies au tome premier des Preuves de Dom Morice, mention d'un acte passé à Machecoul, apud Machicollum, devant Gestin qui était seigneur de ladite terre. Par cet acte, Maino, fils de Gualon, donne à Saint-Aubin, pour le salut de son âme, la terre de Brisciot, avec le consentement d'Eudon, son fils, et de Vieta, son épouse ; « et pour consommation dudit don, porte le texte, le père et le fils embrassèrent le moine Gauthier, en signe de foi. Quant à l'épouse, comme il est inusité qu'une femme embrasse un moine, elle embrassa, sur l'ordre du moine Gauthier, un certain préfet de Saint-Aubin » (D. Morice, Preuves T. Ier, col. 430). 

Le Cartulaire de Rays dont M. Marchegay a publié le catalogue nous fournit, de son côté, quelques actes non moins curieux. Nous citerons notamment une charte de Béatrix, dame de Machecou, en date de 1235. Par cet acte, Béatrix voyant la mort approcher, donne à l'abbaye et aux religieux des Fontenelles, en pure et perpétuelle aumône, pour le salut de son âme : - 1° le marché et minage de Machecou avec la maison nommée la Cohue et un espace de deux brassées et demie à l'entour ; - 2° droit de prendre dans la forêt de Machecou le bois nécessaire pour réparer et agrandir ladite Cohue, et 3° un homme nommé Huslequin et ses héritiers avec tout ce qu'ils possèdent ; lesquels seront exempts et affranchis de tout service, mais paieront à l'abbaye un cens annuel de 5 sols. — Nous assistons ici au déclin du servage. 

La donation de la Cohue fut confirmée par Girard Chabot en 1268, puis commuée par transaction en une rente foncière de 30 livres, que les religieux des Fontenelles s'obligèrent à payer au sire de Rays. La transaction est du mois de décembre 1280. 

La charte portant accord entre Girard Chabot et Eustachie de Vitré, dame des Huguetières pour le mariage de leurs enfants Isabeau, fille de Girard, et Olivier de Machecou, fils d'Eustachie, se distingue par une clause qui eût pu être passée sous silence : Eustachie de Vitré s'oblige à faire tout ce qui dépendra d'elle pour que sa fille Thomasse soit nonnain. Ah ! Massillon, qu'auriez-vous dit de cette mère prévoyante, vous qui signaliez la décadence de beaucoup de familles comme une malédiction attachée par Dieu au crime des vocations forcées ! « On sacrifie, disiez-vous, un cadet infortuné à la grandeur d'un aîné... Que de maisons illustres, tombées dans l'oubli, subsisteroient encore si ces sacrifices de l'ambition et de la cupidité n'en avoient sapé les fondements et enseveli leur nom et toute leur grandeur sous leurs ruines ! » (Carême, sermon du mercredi de la deuxième semaine). 

Dans une autre charte portant conventions matrimoniales (14 juillet 1299), Girard Chabot stipule, en assignant le douaire de sa future belle-fille, Marie l'Archevêque, qu'elle aura le tiers de tous ses biens de Saint-Hilaire-de-Mermorte, mais sans droit sur la forêt, à moins qu'elle n'ait un fils, auquel cas elle pourra y chasser et faire chasser aux cerfs, depuis la Madeleine jusqu'à la Sainte-Croix de septembre et aux ponchaisons de la Toussaint à Noël. Cette préoccupation de la chasse se retrouve dans beaucoup d'actes du temps. Ainsi parmi les dons faits à son cher seigneur et époux, Girard Chabot, par Jeanne de Craon, dame de Rays (23 septembre 1284), on remarque tous les porcs qu'elle possède dans les bois de sa châtellenie de Brion, en Anjou, et toutes les bêtes sauvages de ladite châtellenie avec droit de chasse. C'était évidemment la même préoccupation qui portait Arscoid de Rais, au XIème siècle, à convertir en forêt, in silvam vertendo, une partie de la paroisse de Chemeré, acte pour lequel son fils Gestin se crut obligé à une réparation éclatante. Le terrain occupé appartenait aux moines des Saints-Serge et Bacque. Gestin leur donna, comme compensation, une partie du bois connu sous le nom de bois calomnieux, lucus calumniosus, nom étrange, dans lequel il est aisé de reconnaître le stigmate d'une coupable origine (Calumniari, réclamer injustement). Heureux du moins les temps où l'on n'a pas honte de se repentir. 

Le Cartulaire de Rays contient plusieurs actes de réparation ou d'expiation qui n'étaient pas toujours aussi spontanés et volontaires que celui de Gestin. Ainsi l'abbé de Marmoutiers étant venu visiter le prieuré de Machecou, fut sommé par les officiers de Girard Chabot de lui livrer son cheval ou palefroi. C'était un droit que le sire de Rays s'attribuait lorsque l'abbé faisait sa première visite. L'abbé refusa de consentir à une pareille exigence ; mais il fut alors violemment dépouillé. Cette conduite attira sur Girard les censures ecclésiastiques et il ne fut absous qu'à la condition de faire amende honorable. Ses écuyers durent suivre deux processions en tunique et sans coiffe, sine soua cuayfa, la première au prieuré de Machecou, le jour de l'Assomption ; la deuxième à Marmoutiers, le jour de la Saint-Martin d'hiver (1284). 

Le même Girard et ses gens s'étant permis des injures et dommages dans le prieuré de la Bademorière envers plusieurs religieuses et autres personnes, dut payer, en réparation de ses torts, une somme de 160 livres, comme amende. Je ne sais si au XIIIème siècle il y avait des juges à Berlin, mais on voit qu'il y en avait à Machecoul. 

M. de la Borderie cite, d'après un aveu, une redevance célèbre, la jonchée de Machecoul, qui était due chaque année aux sire et dame de Rais par le prieur de Saint-Blaise. Ledit prieur devait, sur un pré appelé le pré aux Bittes, deux jonchées ou deux faix de joncs verts, l'un au jour de l'Ascension, l'autre au jour de la Pentecôte. La jonchée devait être portée au château de Machecoul par un âne ferré des quatre pieds tout à neuf, mené et conduit par quatre hommes, ayant chacun une paire de souliers neufs à simple et première semelle, « et où ledit âne viendroit à tomber, fienter, faire bruit malhonnête (nota : j'adoucis l'expression) sur les ponts, en la cour ou autres lieux dudit château, porte l'aveu, ledit prieur doit l'amende de 60 sols 1 denier monnoie. Laquelle amende est pareillement due par chacun homme qui n'auroit des souliers à simple semelle, même par chacun clou qui defaudroit en la ferrure dudit âne ». Lesdites jonchées étaient dues avant le dernier son de la messe parochiale de l'église de la Trinité de Machecoul

Il faut convenir que, même à ce prix, le pré aux Bittes n'était pas cher. Quant à la cérémonie, elle était tellement populaire à Machecoul que le baron de Rais, ayant afféagé son grand four à ban, n'exigea des tenanciers qu'une rente de 12 livres et le devoir de la jonchée, les mêmes jours que le prieur. « Ainsi, dit M. de la Borderie, il y eut depuis lors une sorte de concours entre l'âne du pré aux Bittes et celui du four à ban ; et je laisse à penser la joie de la foule escortant, à rangs pressés, les deux quadrupèdes, pour voir lequel s'acquitterait le plus proprement de son rôle »

Aujourd'hui (vers 1865) nous aurions grand'honte de pareilles fêtes. Ce qu'il nous faut, ce sont des lundis à la barrière, et, pour les goûts fins, les prouesses de Rigolo ou la verve pudique de Thérésa

Nous avons dit que la baronnie de Rais devint duché-pairie en 1581. Les lettres-patentes scellées du grand sceau de cire verte décrivent ainsi la seigneurie au moment de son érection. « Considérant que le pais, comté et baronnie de Rais... est de grande étendue de pais, de plus de deux grandes journées, et de plusieurs et diverses chastellenies qui ensuyvent, de Machecoul, Prigny, Bourneuf, La Benaste (Note : « La Benate était la châtellenie la plus considérable du comté nantais ; elle s'étendait sur 21 paroisses, tant en Bretagne qu'en Poitou ». Cornulier, Dictionnaire des terres, p. 66), les Huguetières (Note : La châtellenie des Huguetières s'étendait sur Fresnay, Saint-Mesme, Pont-Saint-Martin, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Sainte-Croix de Machecoul, Saint-Colombin, la Chevrollière, etc. Bertrand de Dinan, maréchal de Bretagne, portait habituellement le nom de celle terre. Voir Cornulier, p. 159), Princé, le Coustumier (Note : Le Coutumier est en Bois de Céné), Veulx (Vue), Arton (Arthon), Legey (Legé), le Bois de Sendy (Bois de Céné), et autres terres en la Marche, avec plusieurs autres villes, bourgs, villages et chasteaux, trois ports de mer, ayant plusieurs fiefs, sous lesquels sont contenus plusieurs notables vassaux, grandes et belles seigneuries et grand nombre de sujets, avec grand revenu suffisant et capable de recevoir et maintenir le nom, titre et dignité de duché-pairie de France. A ces causes, etc. »

On pense bien que le titulaire du nouveau duché, Albert de Gondi, a sa bonne part dans les considérants. 

Le roi (Henri III) déclare qu'ayant, depuis son jeune âge, parfaite connaissance de ses vertus et déportements, il lui demeure un singulier désir et obligation de le traiter selon son mérite ; puis vient un état magnifique des grandeurs de la maison de Gondi : palais et édifices somptueux dans le premier circuit et la plus ancienne enceinte de la ville de Florence, avec franchises et tours ; marques de la plus vieille noblesse ; sépultures, églises et chapelles enrichies de marbres, et portant d'ancienneté, pour armoiries, un bras armé de deux masses de sable sur champ d'or, etc., etc. (Note :  N'y aurait-il pas ici une certaine intention de réponse aux pamphlets huguenots, qui représentaient Gondi suivant d'abord la mule d'un trésorier, puis clerc d'un commissaire des vivres, etc.? Ces mêmes pamphlets disaient, il est vrai, des Médicis, que leur maison fut longtemps cachée, à Florence, sous la lie du peuple, en petites ruelles, ou par sa vileté personne né la connaissoit. A les en croire, un charbonnier puis un médecin auraient été les auteurs de leur fortune. — Voir Discours merveilleux de la vie, actions et départements de la reyne Catherine de Médicis). Quant à Albert de Gondi, il a continuellement assisté, dit le roi, aux sièges et batailles qui se sont présentés, batailles de Renty, Gravelines, Saint-Laurent, Saint-Denys, Moncontour, siéges d'Ulpian, de Coni, Verceil, la Rochelle ; il a conduit en chef deux grandes armées, n'a jamais perdu ni ville, ni château, ni reçu de partis désavantageux, quelque part qu'il ait eu rencontre. On dirait un Guise ou un Turenne. Il est général des galères, chevalier de l'ordre, maréchal de France, et si sa baronnie est aujourd'hui érigée en duché, c'est qu'il est déjà pourvu de tous autres honneurs

J'abrège, car l'éloge remplit une page in-folio, et cependant Henri III omet une chose, celle à laquelle il pensait le plus peut-être, la part qu'Albert avait prise à la journée de la Saint-Barthélemy. Tavannes nous le représente, dans les jours qui précèdent cette épouvantable exécution, comme le conseil et le bras droit de Catherine de Médicis. Ce fut avec le duc d'Anjou, depuis Henri III, Albert de Gondi et le secrétaire d'Etat de Sauve, que Catherine, d'après Tavannes, se résolut au meurtre de Coligny ; et, lorsque le coup eut manqué, ce furent encore Catherine et Gondi qui excitèrent la colère du roi contre les huguenots (vice péculier de Sa Majesté, l'humeur colérique, dit Tavannes). Enfin, Gondi avait été de ceux qui opinèrent dans le conseil pour la mort de tous les chefs, et Tavannes, qui sentait le besoin de se justifier lui-même, ajoute méchamment : « L'opinion du sieur de Retz est indécise, si c'étoit pour couper la source des guerres ou pour voir leurs états de maréchaux ». Il s'agissait, en ce moment; de la mort des maréchaux de Montmorency et de Damville, à laquelle Tavannes prétendait s'être opposé. Brantôme n'est guère plus favorable à Albert de Gondi : « Ce fut, dit-il, le maréchal de Retz, florentin, qui pervertit ce prince (Charles IX) et lui fit oublier la bonne nourriture que lui avoit donnée le brave Cipierre »

Albert de Gondi tenait la baronnie de Rais de Catherine de Clermont, sa femme, qui la tenait elle-même de Jean d'Annebaut, son premier mari. C'est vers cette époque, la fin du XVIème siècle, que l'orthographe du mot de Rais fut définitivement changée. On l'écrivait par un a comme le voulait son étymologie Ratiate, Ratiatensis ; on ne l'écrivit plus que par un e, Retz, comme s'il était un dérivé de Retis, Retibus. Les Gondi se chargèrent de donner à l'orthographe nouvelle la sanction de l'histoire (Note : De son côté, Machecoul reprit définitivement son l final. On avait dit d'abord Machecol, puis Machecou, et l'on finit par dire assez bizarrement Machecoul). 

Albert ne laissa pas de fils, et le duché-pairie fut renouvelé, par lettres de 1634, pour son gendre, Pierre de Gondi, qui était en même temps son neveu. Le mariage de Pierre avec Catherine, fille aînée du maréchal, avait été célébré à Machecoul, au mois d'août de l'année précédente. Pierre de Gondi devint général des galères après son oncle. Il vivait tranquillement dans son château de Machecoul, lorsqu'il apprit subitement, en août 1654, l'évasion de son frère, le célèbre coadjuteur, qui était prisonnier au château de Nantes, sa retraite à Beaupreau près du duc de Brissac, et sa prochaine arrivée à Machecoul. Il se porta aussitôt à sa rencontre jusqu'à Montaigu. « M. de Brissac étoit fort aimé dans tout le pays, raconte le cardinal ; il mit ensemble plus de deux cents gentilshommes. M. de Retz, qui l'étoit encore plus dans son quartier, le joignit à quatre lieues de là avec trois cents. Nous passâmes presque à la vue de Nantes, d'où quelques gardes du maréchal sortirent pour escarmoucher. Ils furent repoussés vigoureusement jusque dans la barrière, et nous arrivâmes heureusement à Machecoul qui est dans le pays de Retz, avec toute sorte de sûreté »

Cette entrée guerrière d'un prince de l'Eglise en fuite eut lieu le mardi 11 août, sur les cinq heures du soir. Guy Joly entre dans quelques détails qu'a négligés son maître. Le cardinal, qui s'était démis l'épaule en quittant Nantes, était dans un bon carrosse où l'on avait mis deux matelas sur lesquels il était couché fort à son aise. Joly ne porte pas à moins de 7 à 800 chevaux, tant maîtres que valets, la troupe que le duc de Retz avait réunie, la plupart des gentilshommes de la province s'étant offerts de très-bonne grâce ; puis il ajoute que les paysans étaient en armes sur tout le chemin. Une fois arrivée à Machecoul, la noblesse y fut traitée magnifiquement, dit-il, tant que le cardinal y demeura

Ce séjour ne fut pas, d'ailleurs, aussi long que l'avait espéré celui-ci. Il avait cependant l'épaule noire comme de l'encre et souffrait, assure-t-il, des douleurs incroyables ; mais ses parents de Machecoul, c'est-à-dire son frère, son neveu et sa nièce, « mouroient de peur du maréchal de la Meilleraye qui, enragé qu'il étoit de mon évasion, dit le cardinal, et encore plus de ce qu'il avoit été abandonné de toute la noblesse, menaçoit de mettre tout le pays de Retz à feu et à sang. Leur frayeur alla jusqu'au point de s'imaginer ou de vouloir faire croire que mon mal n'étoit que délicatesse. J'étois cependant dans mon lit où je ne pouvois pas seulement me tourner. Tous ces discours m'impatientèrent au point que je pris la résolution de quitter ces gens-là et de me jeter dans Belle-Ile »

On savait cependant que le maréchal avait fait prendre les armes à toute la côte. Aussi partit-on très secrètement, dans la nuit du 14 août. Le cardinal était sur une chaise, et on le porta ainsi jusqu'au port de La Roche, où deux chaloupes et un petit bâtiment appelé Chatte l'attendaient. Le cardinal s'embarqua avec le duc de Brissac, le chevalier de Sevigny (Sevigné), Guy Joly, et un nommé du Brocard, qui était chirurgien du duc de Retz ; trente ou quarante gentilshommes occupaient les bâtiments de suite. 

Ce n'était pas la première fois que Paul de Gondi venait à Machecoul et ce n'était pas la première fois qu'il en partait plus tôt qu'il n'aurait voulu. Déjà, en 1633, il avait fait le voyage à l'occasion du mariage de son frère. Tout jeune abbé qu'il fût alors, il eût fort désiré épouser la fille cadette du duc de Retz, dont les petites imperfections étaient couvertes de beaucoup par l'espérance du duché de Beaupreau et la vue de quatre-vingt mille livres de rente. Mais son père avait mis dans sa tête qu'il serait d'église et, craignant pour lui les tentations, il décida que l'abbé resterait à Paris tandis que lui-même irait aux noces. Dans cette fâcheuse occurrence, Paul fit si bien l'indifférent aux plaisirs du monde et le dévot, qu'on finit par se persuader qu'il s'ennuierait à Machecoul et qu'on l'emmena. Cependant à peine arrivé, il s'éprend de sa cousine. Mlle de Retz avait du défaut à la taille, dit-il ; son teint brillait d'ailleurs du plus grand éclat, des lys et des roses en abondance ; ajoutez une bouche trés-belle et des yeux admirables. L'abbé ne songe à tien moins qu'à un enlèvement et à un départ pour la Hollande. Mais il fallait de l'argent ; où en prendre ? Gondi court à Buzai dont il était abbé commendataire ; il y renouvelle les fermes à vil prix, moyennant 4.000 écus comptants, et revient prêt à partir. Malheureusement ou plutôt heureusement, il avait compté sans les yeux de la belle. Ces yeux, les plus beaux du monde, « n'étoient jamais si beaux, dit-il, que quand ils mouroient. Or, un jour que nous dinions chez une dame du pays, à une lieue de Machecou, en se regardant dans un miroir qui était dans la ruelle, elle montra tout ce que la morbidezza des Italiens a de plus tendre, de plus animé et de plus touchant ». Elle ne prenait pas garde que Palluau, un ami de sa mère, était derrière elle, juste au point de vue. Palluau vit tout, conta tout à la duchesse, et celle-ci répéta tout au père de l'abbé. Bref, le lendemain matin, on emmena celui-ci à sa grande surprise, et comme il tenta de s'évader, son frère se chargea de sa cassette. Triste histoire, qui nous rappelle la tendresse maternelle d'Eustachie de Vitré. Voilà ce qui arrive lorsqu'on veut, bon gré mal gré, que sa fille soit nonnain ou son fils cardinal. 

L'histoire du coadjuteur et son passage en 1654 sont les derniers souvenirs un peu marquants que nous fournisse l'histoire ancienne de Machecoul. Les ducs de Retz finirent même par ne plus habiter l'ancienne forteresse des Chabot et des Laval, et ils lui préférèrent le château de Princé dont la forêt et les îles enchantées ont été célébrées par saint Amant, le poète de la Mer Rouge. 

Quant au rôle militaire du château de Machecoul, il a laissé peu de traces dans l'histoire. Nous savons seulement qu'il fut pris par Louis XI en 1472, et canonné sans succès par le roi de Navarre (Henri IV) en 1588. Henri venait d'échouer devant Clisson et il se porta sur Beauvoir qu'il enleva au bout de trois semaines.

Machecoul possédait autrefois un couvent de calvairiennes fondé en 1673 par Pierre et Catherine de Gondi, en considération de leur fille, Marie-Catherine, religieuse du Calvaire. Mais l'institution religieuse la plus célèbre du pays était l'abbaye de la Chaume qui remontait au XIème siècle et s'élevait aux portes de la ville. Le premier acte qui la concerne est de Harscoët ou Arcoid fils de Gestin et daté de l'an 1055. Par cet acte, Harscoët, très noble homme, nobilissimus vir, donnait à Saint-Sauveur de Redon et à ses moines deux églises construites en l'honneur de sainte Marie et de saint Jean, situées devant l'oppidum de Sainte-Croix, ante oppidum Sanctœ-Crucis. A ce don était joint celui d'une borderie, du quart d'un arpent de vigne, d'un pré, d'un moulin et du tiers de la Chaume. Ladite aumône était faite pour la rédemption de ses antécesseurs, spécialement de son père et de sa mère, et, plus encore, pour l'absolution de ses péchés, de ceux de son épouse Ulgarde et de ses fidèles, ainsi que pour sa conservation, celle de ses fils, de ses filles et la stabilité de son rang, stabilitate sui honoris. Harscoët suppliait l'abbé de Redon de prendre surtout en affection le lieu de Sainte-Marie, et d'y envoyer des frères craignant Dieu qui y construiraient, suivant leurs facultés, des édifices ; puis, quand ledit lieu se serait accru en honneurs et en richesses, de manière à ce qu'un abbé pût être régulièrement élu, qui choisiraient pour abbé le plus digne (D. Morice, Preuves, T. Ier, col. 406). Il résulte toutefois d'une lettre de l'abbé de Redon en date du lundy avant la Magdelaine 1284, qu'un droit de présentation s'établit, par usage, en faveur des sires de Rais : ceux-ci présentaient trois moines et l'abbé de Redon eslisoit ung d'iceux. L'abbé suppliait Girard Chabot, dans cette lettre, de nommer sans retard prode gent, afin qu'il pût lui-même pourvoir à la povre abbaye d'ung prode homme, car grand mestier en a. — « Et, sire, ajoutait-il, cestes choses avons mestier à faire briefvement, car les choses ne vont pas bien. Pour l'amour Nostre-Seigneur, plaise vous de tant faire que vous y ayiez honneur, et le povre moustier prou » (Publiée par M. Marchegay, Revue des provinces de l'Ouest, T. IV, p. 561). 

Parmi les abbés de la Chaume, nous citerons Jean et André Larcher (1391-1413), Nicolas de Tréal (1446) [Note : Par acte du 1er octobre 1321, Girard Chabot donna en usufruit à Nicolas de Tréal, pour en jouir tant qu'il serait abbé de la Chaume, sa garenne à connins, située entre Machecou et la Chaume, se réservant toutefois, ainsi qu'à son principal héritier et à leur compagnie, le droit d'y aller jouer et chasser avec chiens, arcs et bâtons lorsqu'il leur plairoit. Ce don d'une garenne, niais seulement pour la vie de Nicolas de Tréal, semble indiquer chez cet abbé de certains goûts cynégétiques], Guillaume Jehanno (1456), trois Montauban, trois Gondi dont le dernier était le célèbre coadjuteur, un Turpin de Crissé, etc. L'abbaye ne contenant plus que quatre religieux, elle fut réunie, en 1767, à Vertou. Le titre d'abbé n'en fut pas moins conservé jusqu'à 1790 (Note : Le dernier qui l'ait porté est Soulastre, prévôt de Vertou, qui eut le triste honneur de célébrer solennellement la messe dans la cathédrale de Nantes, le 15 mars 1791, après la proclamation par Coustard de l'élection sacrilège de Minée) ; le revenu de l'abbé était de 2.000 livres. 

Machecoul formait, avant la Révolution, deux paroisses : la Trinité, vaste édifice du XVème siècle, qui existe encore (vers 1865), et, à l'entrée de la ville, du côté de Nantes, Sainte-Croix, dont la haute tour dominait toute la contrée. 

« Le zèle des habitants de Machecoul pour le service de Dieu mérite d'être remarqué, lisons-nous dans l'introduction aux Preuves de Dom Morice ; ils firent un statut entre eux, au commencement du XVIème siècle, portant que quiconque entendroit jurer le saint nom de Dieu, donneroit un soufflet au jureur, sans qu'il pût ni dût s'en plaindre. Il pouvoit y avoir de l'indiscrétion dans ce zèle, ajoute le pieux historien ; aussi donna-t-il lieu à de fâcheuses querelles qui anéantirent le statut »

La population de Machecoul était, dit-on, avant 1789, de 3.300 habitants ; en 1865, celle de la commune est de 3.727, mais celle de la ville de 1.594 seulement. Ajoutons qu'une des deux églises paroissiales, Sainte-Croix, n'existe plus. C'est une triste histoire que celle de Machecoul pendant la Révolution. Son vieux château, qui avait résisté à l'artillerie d'Henri IV, est enlevé par une bande de paysans en mars 1793. Maupassant, qui commandait dans la ville, est tué, et d'affreux massacres répondent au souvenir, saignant encore, des crimes de septembre. Un homme se rendit alors affreusement célèbre, ce fut Souchu ; il avait vu les révolutionnaires à l'oeuvre, et il ne rougit pas d'imiter leur mode de gouvernement. Cet homme s'enivra de sang comme Carrier. Détournons nos regards de sa hideuse figure pour les porter sur les religieuses du Val de Morière qui avaient suivi les royalistes à Machecoul et qu'on voyait aller, dit M. Chevas, de corps de garde en corps de garde, supplier les paysans d'épargner ceux-là même dont la fougueuse intolérance les avait réduites à fuir leur pieuse demeure (Voir Chevas : Notes sur les communes du canton de Bourgneuf, p. 244). Nommons ces saintes femmes. Les religieuses du Val de Moriére, au moment de la suppression des couvents, étaient Mmes Bidé, Bouyer, de Mello de la Millière, Tardiveau, Anne-Marie du Tressay, Eléonore de Rorthais, Céleste de Biré, Marie Guilloteau, Thérèse Le Tenneur, Perrine Fleury, Gabrielle de la Barbelais, Louise Bain, Elisabeth Le Roux, Céleste Girard, Aimée Robert de Boisfossé, Ellis, Avène et Marie Macé (Voir l'Essai de Statistique sur le clergé du diocèse, en 1790, par M. l'abbé Cahour). 

Citerons-nous maintenant les victimes de la Révolution à Machecoul ? Le curé de la Trinité, Hervé de la Bauche, figure sur la liste des noyades de Carrier ; un de ses prêtres, nommé Masson, et le recteur de la paroisse voisine de la Marne, Juguet, furent également noyés ; Blanchard, curé de Sainte-Croix, fut exporté en Espagne. Du côté des partisans de la Révolution, nous ne pouvons oublier Gaschignard, principal du collège et président du district. Ce dernier titre l'exposait à tous les ressentiments ; celui de secrétaire de la Société des Amis de la Constitution, c'est-à-dire des Jacobins, ne pouvait être non plus une recommandation très-puissante. Gaschignard avait publié un écrit en faveur de la constitution civile du Clergé, et il n'était pas un acte révolutionnaire du district de Machecoul qui ne dût porter sa signature ; il paya cher, il faut bien le dire, cette lourde responsabilité, et, ce qui est pénible à ajouter, c'est qu'à un mois de distance ses deux fils partagèrent son sort. 

Machecoul avait été occupé par les royalistes le 10 mars ; il fut repris par les républicains au mois d'avril, puis de nouveau par les Vendéens en juin. Les républicains l'avaient cependant soigneusement fortifié, en couvrant de canons le château et les mamelons qui l'avoisinent ; mais le château n'en fut pas moins emporté de vive force après plusieurs assauts meurtriers, et Charette, pénétrant en même temps dans les rues de la ville, les enleva une à une. Enfin, au mois de septembre, Machecoul tombe entre les mains des Mayençais, et les royalistes se retirent sur Montaigu, emmenant avec eux une population éplorée. Machecoul resta désert, et aujourd'hui encore le nombre de ses habitants ne répond plus à son étendue. Machecoul, du moins, reste le centre d'un pays fertile, qu'habite un peuple énergique et industrieux ; son commerce est actif ; ses voies de communication se sont améliorées ; ses herbages sont devenus célèbres ; une nouvelle race chevaline s'y est formée, qui dispute le prix aux produits des vallées normandes ; chaque jour enfin la prospérité de Machecoul croit et se développe. 

En terminant cette étude, une pensée se présente à l'esprit et fixe l'attention. Quels sont, en définitive, les traits saillants de l'histoire de Machecoul ? On pourrait presque dire qu'ils se résument en deux noms odieux : Gilles de Rais et Souchu ; les crimes du XVème siècle et les crimes du XVIIIème siècle. Gilles de Rais était un grand seigneur, un chevalier moult valeureux, un maréchal de France illustré par ses exploits. Eh bien ! ces titres et ces grands souvenirs, qui ne sauvèrent pas sa vie, ont-ils du moins protégé sa mémoire ? Ils l'ont protégée si peu que le nom de Gilles est devenu, sous une forme légendaire, le symbole du crime poussé jusqu'a l'extravagance et un objet populaire d'effroi. Mais la terreur qu'il inspire aujourd'hui encore reste pour lui un privilège qu'il ne partage avec personne de son temps. Vainement on a tenté de faire peser sur l'ancienne société l'anathème qu'il mérita, le sentiment public a résisté ; et quel que soit le jugement que l'on porte sur nos vieilles institutions, veut-on peindre un caractère généreux jusqu'au dévouement, une action noble jusqu'à l'héroïsme, les premiers mots qui se présentent à la pensée de tous sont encore chevalier et chevaleresque. 

Même observation pour la Vendée. Les écrivains révolutionnaires s'étudient à démontrer que les massacres des colonnes infernales ne furent que des représailles. Autant vaudrait dire que le sang versé à Machecoul en mars 1793 précéda le sang du 21 janvier et le sang du 2 septembre. Je le répète : 1793 est-il antérieur à 1792 ? telle est la question. Mais enfin, la Vendée a eu, elle aussi, dans le pays de Retz, ses violences et ses crimes. Certaines gens, qui avaient vu de près la Révolution, ont cru qu'on pouvait user contre elle des moyens révolutionnaires, et, en le faisant, ils se sont flétris à jamais. Reste à savoir si leur cause s'est ressentie de cette flétrissure. Assurément, tout a conspiré, depuis soixante-dix ans, pour qu'elle fût enveloppée dans l'anathème. Les Vendéens ne furent d'abord nominés que les Brigands ce fut leur nom officiel ; puis ils furent vaincus, ce qui, pour beaucoup de personnes, est plus qu'une condamnation. Ils le furent deux fois, une première en 1793, une seconde en 1830, et depuis lors ils demeurent à l'état de vaincus. Prononcez cependant le nom de Vendéen où vous voudrez, et l'impression qu'il éveillera sera celle de la loyauté, de la liberté, de l'honneur et de la foi. Prononcez ensuite le mot de révolutionnaire, et dites franchement si l'impression est la même. On veut souvent nous faire reconnaître la voix du peuple, cette voix que l'Ecriture semble confondre avec la voix de Dieu, dans les cris d'un parti ou l'émeute d'une faction ; ne pouvons-nous, avec plus de droit, la signaler dans ce sentiment général, qui domine les opinions les plus diverses, et impose, malgré tous les sophismes, leur sens définitif aux mots de la langue, comme l'arrêt même de l'histoire ?

(Eugène de la Gournerie - 1865)

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