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Pierre MÉHEUT, prêtre mis à mort en 1800 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse actuel de Saint-Brieuc.

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386. — Pierre-Jean Méheut naquit au village de Forville, en Hillion, le 5 juin 1754, du mariage d’Etienne et d’Eugénie Guillaume. Il reçut le baptême le même jour. Elevé par de pieux parents, le jeune Méheut étudia au collège de Saint-Brieuc, se fit d’Eglise et fit tonsuré par son évêque le 15 mars 1777, puis minoré le 20 décembre suivant. Noël Rondel, de Pommeret, lui assura son titre clérical sur une maison sise à la Ville-Eden en cette paroisse et sur deux pièces de terre, nommées le Mené et la Hautière. Finalement, il fut ordonné prêtre à Saint-Brieuc le 18 décembre 1779.

Le 17 juin 1786, cet ecclésiastique obtint de desservir la fondation dite de Françoise Briquet, laquelle était grevée d’une messe par semaine, à célébrer dans l’église de Morieux. A compter du 21 janvier 1788, il trouva plus commode de venir habiter cette paroisse, où l’on relève désormais souvent sa signature sur les registres de catholicité.

387. — Lors de la Révolution, rien n’obligeait légalement M. Méheut à prêter serment à la Constitution civile du Clergé. Seule l’ambition aurait pu le déterminer à cet acte schismatique. Il n’y succomba pas. La crainte aurait pu le pousser à prêter le serment de Liberté-Egalité prescrit par la loi des 14-15 août 1792. Elle n’eut pas davantage le pouvoir de faire faiblir sa conscience, mais, dès lors, classé dans la catégorie des prêtres réfractaires, l’abbé Méheut put s’attendre à toutes les mesures répressives dont les révolutionnaires se préparaient à le frapper.

A la suite de la loi du 26 août 1792, le recteur de Morieux dut prendre la route de l’exil, et M. Méheut demeura là pour le remplacer. Du 23 septembre au 14 novembre de cette année, sa signature figure à Morieux sur tous les actes de catholicité. Ce dernier jour, elle prit une forme plus solennelle ; au baptême de Françoise Delanoë, le célébrant énumère tous ses titres : P. J. C. Méheut, prêtre catholique, apostolique et romain, lit-on au pied de l’acte. Ce sont, en effet, les raisons pour lesquelles un décret du Directoire des Côtes-du-Nord venait de le frapper de déportation à la date du 19 précédent. (Arch. C.-du-N., 1 L, registre 161, f° 102).

Dénoncé comme continuant le culte catholique romain à Morieux, M. Méheut avait été compris dans une vaste mesure administrative dont étaient victimes 70 prêtres de sa région. Jugeant sa situation intenable, M. Méheut se préparait à partir, mais il avait tenu auparavant à affirmer sa Foi. Il s’exila à Jersey, puis passa en Angleterre. Les révolutionnaires profitèrent de sa déportation, qu’ils avaient provoquée, pour faire l’inventaire de son petit mobilier qu’il avait laissé en garde à ses parents et que ceux-ci lui avaient payé de leurs deniers.

388. — Le pain de l’étranger est, dit-on, toujours amer. Comme la plupart de ses compagnons d’exil, M. Méheut n’aspirait qu’à l'instant où il pourrait revenir en France vers les âmes de ses compatriotes abandonnées. La loi du 7 fructidor an V (24 août 1797) lui fit croire qu’il pouvait s’embarquer. Mais à peine avait-il touché le sol natal, qu’une nouvelle loi, celle du 19 fructidor suivant (5 septembre 1797), vint remettre en vigueur toutes les mesures antérieures persécutrices. Qu’importe ! M. Méheut était rentré en France ; les âmes avaient besoin de lui ; il y resta, malgré toutes les mesures féroces qui atteignaient les prêtres réfractaires et dont il devait être la dernière victime en Bretagne.

Les archives publiques ne possèdent pas de l’assassinat de M. Méheut une relation officielle. La perte est légère, car les autorités jacobines laissent à peine entrevoir dans ces actes quelques fragments de vérité. Mais on possède un récit recueilli près des témoins oculaires et auriculaires de ce drame, par un historien bien connu, Aimé Guillon, qui s’était spécialisé dans la matière et écrivait en 1821. On peut le lire au tome IV, page 53 de ses Martyrs de la Foi déjà cités. La véracité de sa relation ressort à toutes les lignes. Le Postulateur de la Cause l'adopte et la fait entièrement sienne. Le témoignage des traditions toujours subsistantes la corroborent. L’acte de décès de M. Méheut la confirme. La voici :

389.« M. Méheut revint d’exil peu avant le 18 fructidor an V (5 septembre 1797), date néfaste, qui marqua l'anéantissement de tant d’espérances. Obligé de se cacher presqu’aussitôt son retour en sa patrie, il se tenait aux environs de Lamballe et, par l’exercice du saint ministère, il se rendait utile aux paroisses qui avoisinent cette ville. Huit jours avant sa mort, il se plaignait dans une instruction aux fidèles de l’affaiblissement de leur piété et, leur rappelant les grâces qu’il recevait de Dieu, il leur disait : « Encore quelque temps et vous voudrez avoir des ministres du Seigneur : je suis presque le seul qui vous reste en ce pays et vous ne m'aurez plus ». Ces paroles, auxquelles on ne fit pas sur-le-champ guère attention, frappèrent après sa mort et parurent prophétiques. Elles ne tardèrent pas à se vérifier.

Le 3 février 1800, M. Méheut se trouvait avec M. André, recteur de Morieux, chez un fermier du Tronchais, nommé Mathurin Josset, connu pour son bienveillant accueil envers les prêtres et les pauvres. On vint bientôt avertir les deux ecclésiastiques qu’une colonne se dirigeait vers la maison où ils étaient cachés. Dans la crainte de compromettre leurs hôtes, les doux prêtres s’empressèrent de fuir, mais déjà la troupe arrivait sur les lieux. M. Méheut fit de vains efforts pour s’échapper par un chemin creux, mais on l’arrêta presqu'aussitôt et on le conduisit au chemin de la Ville-Gourio. Le commandant d’un autre détachement, qui survint alors, s’efforça vainement de se faire remettre le prisonnier. L’officier qui l’avait capturé se refusa obstinément, disant « qu’il répondait sur sa tête de celle de l’abbé Méheut ». Lorsque cet homme quitta la Ville-Gourio, il prit soin de se faire remettre la montre et trente francs d’argent que possédait son prisonnier, l’assurant que rien ne serait perdu.

Comprenant par cette spoliation le sort qui l’attendait, M. Méheut pria celui-ci de ne pas le faire périr sur le territoire de Morieux. A la sortie de cette paroisse, l’ecclésiastique s'agenouilla auprès d'une croix qu'on appelait croix de Sourdrais, située sur le tertre de Boulbouté, à un kilomètre environ des Ponts-Neufs.

Ce fut le moment que le commandant choisit pour faire signe à ses soldats de fusiller l’abbé Méheut, qui s’affaissa sans vie, criblé de balles, âgé seulement de 46 ans.

Le bruit de cette fusillade, ajoute Guillon, op. cit., p. 54, se répandit dans les environs. Les habitants voisins accoururent et virent avec indignation le cadavre du saint prêtre étendu dans la boue, rougie de son sang. Ils s’occupèrent du soin de l’inhumer et toutes les paroisses du voisinage assistèrent à cette émouvante cérémonie. Quelques mois plus tard, elles vinrent faire solennellement la plantation d’une nouvelle croix, là où M. Méheut avait perdu la vie. Depuis vingt ans qu'il a péri, martyr de son zèle et de sa foi, on parle encore dans le pays avec autant d'édification que d'attendrissement de ses vertus et de sa mort. Il s’était attiré l’estime et la confiance de tous les honnêtes gens de la contrée et sa mémoire y est en bénédiction ».

390. — Ces lignes si élogieuses, rédigées aux environs de 1820, sont confirmées par les auteurs des Conférences ecclésiastiques de 1892, op. cit., I, p. 285, qui écrivent : « M. Méheut, dont le souvenir est resté vivant à Hillion, prodigua à sa paroisse natale les preuves de son zèle et de son dévouement vraiment apostoliques. Plusieurs fermes d’Hillion, où il dit la messe et remplit les autres fonctions de son ministère, s’honorent de lui avoir donné asile durant les mauvais jours. Son enterrement fut, dit-on, la première cérémonie publique faite dans l’église d’Hillion rendue au culte. Il est enterré dans l’ancien cimetière, tout près la sacristie actuelle. Sa tombe n’existe plus, bien que sa mémoire soit vénérée comme celle d'un saint ».

Divers témoignages, recueillis récemment, prouvent qu’on continue toujours à Hillion à regarder ce serviteur de Dieu comme un martyr. On se transmet de génération en génération les circonstances de son meurtre. « Les soldats, raconte-t-on, après l’avoir mis à mort, le dépouillèrent en partie de ses vêtements qu’ils emportaient au bout de leurs baïonnettes. — Avez-vous connu le curé Méheut ? crièrent-ils à des paysans qui travaillaient aux champs. Allez là-haut lui ramasser la cervelle ».

On montre encore, au village de la Petite-Ville Marotte, le cabinet où il célébrait la sainte messe. Une famille se transmet comme un précieux héritage un calice en étain dont il se servait et des canons d’autels portant la date de 1751. Du linge, spécialement trois chemises ayant appartenu à M. Méheut, furent longtemps conservées à la Ville-Marotte. Sur leur demande expresse, on les a successivement utilisées à ensevelir trois membres de la famille Collet, qui depuis un siècle et demi possède cette vieille demeure.

La croix dressée sur le tertre de Boulbouté, là où a péri le serviteur de Dieu, est toujours connue sous le nom de Croix de Monsieur Méheut. On l’a déjà remplacée plusieurs fois.

Quant à l’acte de décès, qui fut rédigé le 3 février 1800, on peut le voir à la mairie d’Hillion. Il porte expressément « que Pierre-Jean Méheut, prêtre, est mort à la Croix Sourdrais par une colonne mobile ».

Ainsi, après un long exil, suivi d’un périlleux ministère caché, M. Méheut, prêtre réfractaire, fut mis à mort, comme on faisait périr ses pareils à cette époque, c’est-à-dire en haine de la Foi. Il prévoyait sa fin prochaine, il s’y préparait ; il périt agenouillé au pied d’un calvaire. Enfin, depuis l’instant de son trépas jusqu’à nos jours, toute une population conserve encore son souvenir et la croyance en son martyre.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, etc., op. cit. (1821), IV, p. 53 et sq. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit. (1845), II, p. 379-380. — Le Diocèse de Saint-Bricuc pendant la période révolutionnaire, op. cit. (1894), II, p. 283. — Abbé Lemasson, Les Actes des Prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc de 1794 à 1800, op. cit. (1927), p. 225-235.

(Archives des Côtes-du-Nord, série L. Archives municipales de Hillion et de Morieux).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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