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HOPITAL ET MAISON DES RETRAITES DE HÉDÉ

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Le plus ancien document écrit que nous ayons concernant Hédé y constate l'existence d'un Hôpital. Ce document est de 1085, la fin du Xlème siècle. C'est un acte de donation de la terre de Landehan, faite par Guillaume l'Ismaëlite, seigneur de Tinténiac, aux moines de l'Abbaye de Saint-Florent de Saumur, possesseurs du Prieuré de Combour, « le trois des Nones de Mai de l'Incarnation du Seigneur, mil quatre-vingt-cinq, » en présence du duc Alain Fergant venu à Hédé pour réconcilier ce Guillaume l'Ismaëlite avec Geoffroy de Dinan, « à l'entrée de la chaussée du château de Hédé, près la demeure des lépreux » [Note : « Actum hoc ab Incarnatione Domini M. LXXX° V°. III Nonas Maii cum prœdictum Guillelmum iret cum Comiti Alani Fergan ad faciendam pacem cum Gosfrido de Dinan, ad caput calcedie Castelli Hatduei, secus domum leprosorum » (A. de la Borderie, Soc. Arch. d'Il.-et-V., T. XVII, p. 47)].

En revenant d'Asie, les Croisés avaient rapporté avec eux les germes de la terrible maladie de la peste qui se répandit dans toute l'Europe. Mais, en même temps que le fléau s'étendait, des mesures rigoureuses étaient prises pour le combattre et en atténuer les effets. Des seigneurs élevaient sur leurs terres des hôpitaux pour recueillir les lépreux et appelaient pour les desservir des associations religieuses qui s'étaient formées dans ce but. Les Chevaliers Hospitalier de l'Ordre militaire du Temple, entre autres, qui, en même temps qu'ils combattaient pour la délivrance du Saint-Sépulcre, avaient encore pour mission de protéger les pèlerins et de soigner les malades, en fondaient eux-mêmes dans lesquels ils se mettaient au service de ces infortunés, non pas avec l'espoir de les guérir, car la maladie était incurable, mais avec la volonté d'apporter tous les soulagements possibles à ces parias exclus du commerce de leurs semblables et d'arrêter la contagion.

Par qui fut fondée « la Maison des lépreux ? ». Par les seigneurs de Hédé ou par les Templiers ? Nous l'ignorons, mais nous serions portés à croire que ce serait plutôt par les premiers.

Situé tout près du château de Hédé, au bord de la route qui menait, d'un côté à Rennes, de l'autre à Dol et à Saint-Malo, l'hôpital se trouvait placé dans les conditions les plus favorables pour l'entretien des malades qui vivaient surtout de la charité et des aumônes des passants.

Quel qu'en ait été le fondateur, il est certain qu'au XIIème siècle, ainsi que le constate la charte apocryphe, mais qui n'a jamais été contestée, du duc Conan IV, datée de 1162, dans laquelle sont énumérés tous les biens appartenant aux Chevaliers du Temple en Bretagne, ceux-ci le possédaient avec l'étang de Hédé et les moulins établis sur le ruisseau qui en défluait — « molendina de Haduc stagnum » [Note : A. de la Borderie. — Société Arch. d'I-et-V., T. XVII, p. 357] et que, plus tard, lorsqu'il eut cessé d'exister, ils n'en gardèrent pas moins l'emplacement.

Cet emplacement formait un triangle d'une superficie de quatre à cinq hectares, borné à l'Est par le chemin Horain ou Orain, qui conduisait de Rennes à Dol en contournant la ville ; à l'Ouest, par le ruisseau sorti de l'étang, qui coulait dans la vallée et faisait marcher les moulins ; au Nord, enfin, par un sentier montant de la vallée sur le plateau pour aller rejoindre le chemin Orain par la ruelle des Barrettes, a la limite du faubourg de Hédé. Après eux il passa aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui avaient hérité de leurs biens et devint, jusqu'à la Révolution, un bailliage avec moyenne et basse justice dépendant de la Commanderie de La Guerche par le Membre de Romillé.

Combien de temps dura l'hôpital des lépreux ? Nous ne saurions dire. Il est probable qu'à une certaine époque, peut-être lorsque la seigneurie de Hédé passa aux mains des Ducs de Bretagne, on considéra son voisinage si rapproché du château et de la ville comme un danger pour les habitants et qu'on jugea nécessaire de le transporter un peu plus loin [Note : Un aveu rendu en 1731 par un habitant du bailliage à Messire Frère Charles Guinot, Sr de Dersye, chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Commandeur de la Commanderie du Temple de La Guerche et de la Noueix, signale dans les dépendances de sa maison « une place vague où autrefois il y avait eu une chapelle dépendante de la seigneurie, » sans doute la chapelle primitive qui était l'annexe obligée de tout hôpital, d'autant qu'un voisin, la même année, déclare qu'il tient tout auprès « le fond et la propriété d'une chapelle au bout de sa propriété » plus récente, encore debout, mais désaffectée. Il ne doit plus aujourd'hui en rester de traces, ni sur le sol, ni même dans la mémoire des habitants. (Arch. départementales d'Ille-et-Vilaine, 3. H. 3)].

Au Nord de Hédé, à environ un kilomètre, sur la même route menant à Dol, au bord de la petite rivière, la Donacq, une des sources de la Rance, aujourcl'hui mêlée aux eaux du canal d'Ille-et-Rance, se trouve un village nommé la Madeleine. C'est vraisemblablement en cet endroit qu'il fut reconstruit.

Ce nom de Madeleine est caractéristique, comme celui de Saint-Lazare et de Lazaret, d'un hôpital pour les ladres et ce qui appuie encore notre opinion, c'est le nom de Champ du Pont de l'Hôpital que porte une pièce de terre qui borde la route à deux cents mètres à peine au delà [Note : C'est aussi l'opinion de M. le chanoine Guillotin de Corson, puis qu'il nous dit : « La position du village de la Magdeleine, entre Hédé et Bâzouges, indique bien que ce lieu fut autrefois une léproserie » (Pouillé historique de l'Archevêché de Rennes, T. III, p. 258)].

Lorsque la lèpre tendit a disparaître, que le nombre des malades diminua, que la crainte de la contagion se fut affaiblie, la nécessité d'un hôpital parut moins grande et, quand celui-ci devint en mauvais état, on le laissa tomber sans songer à relever ses ruines.

Cependant il ne disparut pas tout entier. La petite chapelle ou oratoire qui faisait partie de tout hôpital afin que le malheureux pût trouver toujours, à côté des soins que l'on donnait à son corps, les consolations de la religion, nécessaire tout particulièrement aux lépreux qui ne pouvaient jamais sortir, continua à subsister. Seulement, elle fut sécularisée et, rebâtie vers le XVème siècle, devint une Chapellenie ou Prieuré à la présentation des seigneurs de Bazouges fondé d'une messe tous les vendredis [Note : Une réformation du domaine ducal de 1455 nous apprend que « le Prieuré de la Magdeleine de Hédé tient prochement du Duc certains hommes ausquels les terres de l'Hoteil de la Fosse, en Tinténiac, sise en la parouasse de Tinténiac, contenant environ trente journaux de terre entre le village de Trigneuc et le Pontieul furent baillées et arrentées ; quels hommes lui doivent par an cinquante deux sous de rente dont il doit au Duc pour chacun an, au terme de Noël entre les deux messes de mi-nuit et de jour, quatre deniers de rente amendable ». En 1601, dans une autre réformation, la Madeleine est qualifiée de fief, et bailliage et le droit de rachat en est prisé deux sous de rente. Le Pouillé de Tours, nous dit Ogée (Dictionnaire de Bretagne), mentionne en 1648 la chapellenie de la Madeleine en Bâzouges-sous-Hédé, à la présentation des seigneurs de Bâzouges. Nous ne connaissons que peu des Chapelains ou Prieurs chargés de desservir la chapelle, dont quelques-uns, au moins, jouissaient du bénéfice sans faire le service par eux-mêmes et en payant un remplaçant. Nous trouvons Missire Pierre Gaudé en 1643 ; en 1651, c'est Etiennede Bâzouges, descendant par bâtardise de René de Bintin, le dernier seigneur de Bâzouges de ce nom ; en 1716 c'est Missire Charles Mac-Carthy, prêtre irlandais, un des curés de Hédé, mort en odeur de sainteté et inhumé dans l'église Notre-Dame de cette ville le 27 juillet 1719, à l'âge de quatre-vingts ans ; Jean Tizé, qui prend possession du bénéfice le 19 août 1731, et enfin François Bazin, recteur de Liffré, qui déclare en 1790 que le Prieuré était estimé « valoir 60 livres de rente foncière avec un petit pré, en plus, valant 6 livres de rente » et que la chapelle était en mauvais état. Le District de Rennes estima le revenu à 80 livres. (Arch. départementales d'I.-et-V., 1, V. 25)]. On y venait en pèlerinage, et les malades, s'ils n'y trouvaient plus l'assistance matérielle, pénivaient encore s'agenouiller aux pieds de sainte Madeleine, dont le culte était toujours resté vivace, et l'implorer pour le soulagement de leurs souffrances et la guérison de leurs maux.

Voici une preuve de l'existence de ce pèlerinage. En 1674, les nommés Thébault et Nobilet portent plainte devant le Sénéchal de Hédé de ce que « voyageant pour aller faire leurs dévotions à la chapelle de la Magdeleine, le jour de la fête (22 juillet), ils furent attaqués à coup d'épée et de bâton près de ladite chapelle, sur le chemin du Roy, en s'en allant, par Jean Cochery-la-Motte et Pierre-Rouyer,» et les personnes qu'ils appellent en témoignage déclarent toutes que, comme eux, « elles étaient venues faire leurs dévotions » [Note : Registres de la Sénéchaussée de Hédé. — Arch. départementales d’Ille-et-Vilaine].

Comme cela existait presque partout autour des sanctuaires isolés dans les campagnes, la célébration de la fête patronale était l'occasion d'un Pardon.

Le Pardon ou Assemblée, du nom donné dans l'Ille-et-Vilaine à ces réunions, se tenait, chaque année, le dimanche qui suit la fête de sainte Madeleine, auprès de sa chapelle, et les habitants de Hédé et des communes voisines venus en foule, après avoir pieusement accompli leurs devoirs religieux, se livraient gaiement à la danse et à de amusements divers Ceux qui avaient le cœur dur pouvaient assister à un jeu barbare et cruel, dont l'origine devait remonter très loin, qui s'y jouait tous les ans et qui n'a été supprimé que vers 1855.

Suspendue par les pattes à une corde tendue en travers de la route, une malheureuse oie était livrée à la maladresse d'un certain nombre de jeunes gens qui, les yeux bandés, allaient à l'aveugle essayer de couper avec un mauvais briquet le col de la pauvre victime qui se débattait et criait et dont le supplice durait quelquefois plus d'une heure.

Le Pardon et la Chapelle durèrent jusqu'à la Révolution, époque à laquelle ils furent supprimés, mais si la Chapelle, maintenant à moitié démolie, a été désaffectée et sert de cellier à une exploitation rurale et si l'on ne peut plus y implorer sainte Madeleine, le Pardon a survécu. Les promeneurs ont continué à descendre l'après-midi, à l'issue des vêpres de leur paroisse, vers le lieu accoutumé, mais aujourd'hui que, dit-on, nos mœurs se sont adoucies et que cette coutume sauvage n'existe plus, ils se contentent de plaisirs plus calmes et plus tranquilles et vont s'asseoir sur les bords fleuris du canal d'Ille-et-Rance, à l'ombre des grands arbres ou sous les tonnelles de l'auberge voisine pour consommer avec appétit les provisions et le goûter que la ménagère a préparés et apportés pour la circonstance.

Après la fermeture de la Maison de la Madeleine, il ne paraît pas que, pendant tout le Moyen-Age, on ait songé à la remplacer. Il faut venir jusqu'à la fin du XVIème siècle pour entendre parler d'un hôpital à Hédé, et c'est dans un arrêt du Conseil d'État du 28 juin 1681, signé par Louis XIV et réglant l'emploi des deniers d'Octroi dans les budgets des quarante-deux bonnes villes bretonnes députant aux Etats, qu'il en est fait mention. Quatre fois, il en est parlé.

« Sera le Syndic et Miseur (de Hédé), dit le Roi, tenu de représenter par devant les Sieurs Commissaires de sa Majesté, à chaque tenue des Estats, huitaine après l'ouverture d'iceux, copie en bonne forme de son compte et des Contrats et Obligations acquittées ; ensemble les diligences qu'il 'aura faites contre les précédens Syndic et Miseur qui n'auront payé le reliquat de leurs comptes ; à peine de cent cinquante liv. applicable à l'Hôpital dudit Hédé ou autrement, ainsi qu'il sera ordonné par lesdits Commissaires ».

Plus loin : « Défenses au Syndic et Miseur en charge et au Juge de la Ville de prendre part ausdits Baux desdits Octrois (de Hédé) directement ou indirectement, à peine de mille livres d'aumône applicable à l’Hôpital de la dite Ville ».

Plus loin encore, il dit que les baux de réparations et entretien du pavé de Hédé faits par devant les Sénéchal et Procureur du Roy à la diligence des Syndic et Miseur seront reçus par eux « sans que les Syndic et Miseur, ou aucun de ceux des Habitans qui auront assisté à la délibération qui aura esté faite en ladite Communauté pour raison de réparations, puisse prendre part directement ou indirectement aux Baux qui s'en feront, à peine de 500 liv. d'aumône applicable à l'Hôpital de ladite Ville ».

Enfin « défenses ausdits Syndic, Miseurs et particuliers de se pourvoir ailleurs » que devant ledit Sr Duc de Chaulnes, Gouverneur de lad. Province... « à peine de 1,000 liv. d'aumône applicable à l'Hôpital de lad. Ville » [Note : Communauté de Hédé. — Arrest du Conseil d'Estat du Roy. (Mes arch.)].

L'Hôpital de Hédé profita-t-il de quelques-unes de ces bonnes aubaines que lui ménageait le roi. Il est probableque non et que les Syndics et Miseurs se gardèrent bien de s'exposer à des amendes aussi considérables. Mais, en admettant que l'un d'eux eut été condamné à payer 500 ou 1,000 livres, se fut-il trouvé quelqu'un polir les recevoir ? Nous ne le pensons pas. Malgré la désignation quatre fois répétée dans l'Edit, et quoique, quelques années auparavant, en 1662, Louis XIV eût ordonné « d'établir des Hôpitaux Généraux dans toutes les villes et gros bourgs du Royaume pour renfermer les mendians et les instruire à la piété, etc..., par ce moyen, soulager les bons Pauvres, Orphelins et Vieillards qui sont abandonnés dans la plupart des villes, chatier les fainéans et vagabons et empêcher leurs crimes et impiétés.... » [Note : Arch. des Côtes-du-Nord. Edits et Règlements, Sie B, n° 24] il est permis de douter que cette ordonnance ait reçu son exécution à Hédé et qu'il y existât alors un Hôpital.

Ces édits adressés à quarante-deux villes d'importance très différente, mais soumises aux mêmes conditions administratives, devaient être rédigés d'après une même formule en ce qui n'était pas le but essentiel pour lequel ils étaient donnés, c'est-à-dire le budget, et c'est ainsi qu'on attribuait les amendes à des hôpitaux, sans se préoccuper de savoir si toutes en possédaient. Ils ne variaient qu'en ce qui concernait le budget qui différait suivant les ressources que fournissaient les Octrois.

Les documents ne manquent pas pour la fin du XVIIème siècle, mais aucun de ceux que nous connaissons, ne parle d'un hôpital. Nous avons des détails sur le couvent des Ursulines qui s'établit à cette époque, nous connaissons le nom des religieuses qui l'occupèrent, de ses aumôniers ; nous trouvons dans les registres de l'église celui des personnes qui y décédèrent, comme nous le verrons aussi pour l'autre hôpital dont nous allons parler bientôt, mais pour celui-ci rien de pareil, les registres sont muets, même, en temps d'épidémie ou de « contagion, » comme on disait alors, où la mortalité était si énorme et où il aurait été si utile.

D'autre part, il lui aurait fallu des ressources pour subsister, et la ville, à cause des services qu'il eût rendu à la population, aurait dû lui venir en aide ; or ses revenus étaient trop minimes pour qu'elle ajoutât une charge à celles déjà trop nombreuses qu'elle avait à supporter et dont elle ne cessait de se plaindre et, dans ses budgets, même celui de 1681, on ne trouve aucune somme destinée à l’hôpital.

Enfin, si un établissement de cette importance et de cette utilité pour une si petite ville y eût véritablement existé, il serait bien étonnant qu'il eut disparu si complètement qu'il n'en fût pas resté une ruine, un nom, pas même un souvenir, si vague qu'il puisse être.

Quoi qu'il en soit, qu'un hôpital ait existé ou non, en 1681, a Hédé, il est certain que quelques années plus tard, au commencement du XVIIIème siècle, il n'y en avait plus.

Cependant il en était grand besoin. il n'y avait pas de grandes fortunes à Hédé, et, si l’on trouvait quelques familles un peu aisées parmi celles qui possédaient des charges de judicature, le nombre des pauvres et des malheureux était grand. Le commerce et l'industrie étaient peu importants et partie des maisons imposées à trente sols et au-dessous au rôle de la capitation « ne consistaient qu'en un humble rez-de-chaussée dénué des meubles les plus nécessaires » [Note : Délibération de la Communauté de Ville du 5 août 1759]. Que faut-il penser, en était ainsi pour ceux qui avaient encore assez de ressources pour être jugés capables de payer un impôt du logement de ceux qu'on jugeait trop pauvres pour leur demander quelque chose. Ouvriers journaliers, n'ayant pour vivre que le maigre produit de leur pénible labeur, chargés, généralement, de nombreux enfants, ils étaient entassés dans un réduit insuffisant, aux ouvertures étroites, sans vitres, closes par des volets de bois qui ne laissaient pénétrer ni la lumière ni la chaleur du soleil, séjour sombre et malsain où le dénuement et la misère régnaient en maîtres.

Certes, la charité privée ne restait pas inactive [Note : « On est assez charitable pour les malades et les pauvres, » disait en 1678, Missire Jan Ollivier, Recteur de Bâzouges et Hédé, dans un rapport adressé à l'Evêque de Rennes Jean-Baptiste de Beaumanoir de Lavardin. (Arch. départementales d'Il.-et-V. G. 490)] ; dans la petite ville où tous se connaissaient, les voisins peu fortunés eux-mêmes venaient, dans la mesure de leurs forces, en aide à leurs voisins plus éprouvés, mais leurs efforts et leurs secours étaient bien impuissants, et lorsque la maladie, et particulièrement celle qu'on appelait « la peste, » entrait dans cette chambre unique ou tout semblait prédisposé à la recevoir, elle ne la quittait qu'après en avoir enlevé tous ses habitants, ou, tout au moins, en y laissant de grands vides [Note : Ce qu'on appelait « la peste » était la dysenterie qui, lorsqu'elle pénétrait dans une paraisse, faisait dans la population de grands ravages, aussi bien parmi les grandes personnes que parmi les enfants].

Au commencement du XVIIIème siècle vivait à Hédé une jeune fille, Mlle Sébastienne Beillet, demoiselle des Rangées, de bonne famille, née en 1682, de noble Maître Pierre Beillet, sieur de la Costardais, Avocat, Notaire et Procureur au Siège royal, et de honorable femme Renée Le Géant, fille elle-même de Maître Jean Le Géant, sieur du Porche, Sergent royal.

Profondément émue de l'état misérable des pauvres gens qu'elle avait chaque jour devant les yeux, des maux de toutes sortes qu'amenait parmi eux la maladie, elle essaya d'y appointer un remède.

Maître Pierre Beillet, son père, avait été inhumé dans l'église de Hédé en 1682, quelques jours à peine après sa naissance ; sa mère avait suivi son époux quelques années plus tard ; ses sœurs, toutes ses aînées, n'avaient pas besoin d'elle, elle était donc libre de disposer de sa vie, lorsqu'en 1712 — elle avait alors trente ans — elle résolut de consacrer les jours que Dieu lui laisserait au soulagement de ses frères malheureux.

Elle voyait que ce qui faisait la force de la maladie et la rendait si meurtrière c'était moins le manque de bonne volonté et de dévouement que l'inefficacité de soins que la nécessité d'aller gagner sa vie au dehors rendaient irréguliers et insuffisants, l'insalubrité d'une chambre ou la cohabitation de nombreux habitants viciait l'air qui devenait irrespirable, et enfin le défaut de propreté, défaut trop souvent compagnon de la misère.

Il y en avait d'autres plus malheureux encore, ceux qui, sans famille, se trouvaient seuls, abandonnés, sans une main amie pour les secourir.

Pour venir en aide à ces déshérités et pour soulager leurs souffrances, Mlle Beillet ne vit qu'un moyen efficace, celui de leur procurer ce qui leur faisait défaut chez eux : la tranquillité dans une chambre isolée, propre, saine, loin de tous bruits et de tous tracas, et une garde-malade assidue au chevet de leur lit de douleur, dévouée comme une mère, leur apportant de meilleures chances de guérison et, si le moment était venu de penser au dernier voyage, les consolant par l'espérance d'une autre vie.

Elle comprit que, pour arriver à ce résultat, il fallait tout d'abord avoir un logement pour recueillir les malades, des chambres assez vastes pour en contenir, sans qu'il y eût encombrement, trois ou quatre, afin qu'une seule personne pût les garder et les soigner tous en même temps, c'est-à-dire un petit hôpital.

Il n'y avait point à Hédé de maisons convenables, ou tout au moins disponibles pour le but qu'elle se proposait, mais cela ne fit point reculer Mlle Beillet.

Elle commença par acheter, le 2 août 1712, suivant contrat au rapport de Me Robiou, au prix de 400 livres, d'avec Gillette Ruellan, épouse de Macé Morel, sieur du Tertre, dans la rue des Forges, une maison qu'elle habitait comme locataire, « consistant dans un embas, chambre, cabinet et galetail au-dessus, cellier au derrière vers Orient avec son doublage, cour au-devant, deux celliers et cieux aistres, couverte de tuiles rouges, autres maisons appelées étables au bout du Nord de lad. maison, couverte de glé, ayant leur issue sur la rue vers Occident, avec le jardin au derrière vers Orient... le tout tenu de la juridiction de La Guerche au Membre de Hédé ».

L'année suivante, le 6 avril 1713, par devant Me Boursin, notaire royal, elle acquit, pour 180 livres, d'écuyer Pierre Broc, sieur des Moulins « une maison, mazure et deux petits jardins situés près la rue des Forges » et, six jours, après, le 12, de Julien Houitte et Julienne Frin, sa femme, « des murs d'un aistre de maison ruinée, plus trois sillons de terre en carré dans le jardin derrière, le tout près le faubourg des Forges, en la juridiction de la Guerche ».

Tout cela se joignait. Les maisons devaient être abattues et sur leur emplacement allait s'élever, le nouvel Hôpital, à quelques mètres à peine de l'endroit où avait existé la Maison des lépreux du XIIème siècle et dans le bailliage du Temple, sous la juridiction des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem au receveur desquels on dut payer 10 sous de rente annuelle.

Mlle Sébastienne Beillet était la cadette de neuf filles, dont quelques-unes à la vérité étaient mortes. Toutefois, la part de chacune des survivantes dans le modeste héritage de leurs père et mère ne pouvait être considérable et, après le paiement de ces acquêts, elle vit ses projets arrêtés par le manque d'argent.

Après les sacrifices qu'elle avait fait, allait-elle donc voir son œuvre mourir avant d'avoir vécu. Elle ne voulut pas le croire et, pleine de confiance dans le Dieu de miséricorde et de charité pour lequel elle travaillait, elle chercha autour d'elle l'aide qui lui était nécessaire et elle le trouva.

Mlle Beillet n'était pas la seule personne à Hédé animée de l'esprit de charité et de l'amour du prochain. Il y en avait beaucoup, au contraire, mais la plupart trop pauvres ou empêchées par leurs charges de famille, ne pouvaient lui être que d'un faible secours.

Parmi ces personnes, il y en avait trois cependant, qui, par leur position plus aisée, sans vieux parents à soutenir, sans enfants à élever, se trouvaient plus à même de disposer de leur temps et de mettre leur dévouement tout entier au service de l'hôpital ; c'étaient Hélène Ravenel, demoiselle de Beaubreuil, sa fille Françoise-Geneviève Le Sénéchal, aussi demoiselle de Beaubreuil, et Mlle Nicole James.

La famille Ravenel n'était point originaire de Hédé, et dans les registres paroissiaux, nous ne trouvons ce nom qu'une seule fois, le 31 mars 1694, lors de l'inhumation dans l'église, faite avec le concours des recteurs de Tinténiac, de Bâzouges et Hédé, de Saint-Symphorien et leurs prêtres, de demoiselle Marie Ravenel, épouse de M. Ronceray, sieur de la Ferrière.

La demoiselle Hélène Ravenel avait épousé vers 1681 maître Francois Le Sénéchal, sieur de Beaubreuil, chirurgien à Bécherel, qui la laissa veuve le 6 mars 1696, et dont elle avait eu six enfants.

De ces six enfants, deux moururent en bas âge ; deux autres, dont nous n'avons point l'acte de décès, durent aussi mourir jeunes. Il ne lui restait donc que son aînée, Geneviève-Françoise, demoiselle de Beaubreuil, et Jeanne-Renée, la cadette, mariée à Bécherel, le 6 février 1710, à Jacques Tizon, sieur du Bignon, et qui n'avait que vingt-huit ans lorsqu'elle décéda le 25 août 1718.

C'est après le mariage de Jeanne-Renée que la demoiselle Ravenel, n'ayant plus rien qui la retint dans la petite ville où elle avait perdu son mari, vint s'établir à Hédé avec la fille qui ne l'avait pas quittée.

De Nicole James nous ne savons rien, sinon quelle aussi n'était pas née à Hédé. Peut-être était-elle sœur ou parente de noble homme Guillaume James, sieur de la Bouessière, intendant de Guillemette Belin, dame de Coëtquen, de la Marzelière et que Montmuran, marié en 1705 à Marguerite Duchêne, demoiselle de la Cour, et décédé en 1715 au château de Montmuran, entre Bécherel et Hédé, où il habitait.

Ce fut à ces femmes de bien que s'adressa la demoiselle des Rangées pour obtenir le concours qui lui permit de continuer l'œuvre charitable, trop lourde pour ses seules forces, qu'elle avait entreprise.

Ces pieuses femmes comprirent vite la pensée de Mlle Beillet et les grands avantages de son projet pour le soulagement des pauvres et que la réunion de leurs dévouements aurait, pour ceux-ci, des effets bien plus utiles que tous leurs efforts individuels. En conséquence, le 6 mai 1713, fut passé entre la demoiselle des Rangées, la demoiselle Hélène Ravenel, sa fille Geneviève-Françoise Le Sénéchal et Nicole James, un acte « de société et association particulière… pour la fondation d'un hôpital dans la ville de Hédé, pour le secours des pauvres ».

Aussitôt que l'acte fut signé, Mlle Beillet, qui avait été nommée par ses compagnes Directrice du futur hôpital, ne voulut point perdre de temps et, sans attendre davantage, appela les maçons et, sur le terrain qu'elle avait acquis l'année précédente, fit commencer les travaux.

De toutes parts arrivèrent des encouragements à cette bonne œuvre. Ce fut tout d'abord la Communauté de Ville, heureuse de cette création qui venait apporter à ses indigents un soulagement qu'elle ne pouvait leur offrir. Ceux-ci, en effet, trop pauvres pour s'adresser à un chirurgien, avaient bien la ressource des consultations et des quelques drogues que leur donnait gratuitement, à travers sa grille, la sœur Anne, qui tenait la pharmacie du couvent des Ursulines [Note : La sœur Anne vendait des remèdes à ceux qui pouvaient les payer et en distribuait gratuitement aux pauvres. Aussi allait-on à elle plutôt qu'aux apothicaires qui, ne faisant plus leurs affaires, durent abandonner leur officine et lui céder la place], mais c'était tout ce qu'ils pouvaient attendre d'elle, car, religieuse cloîtrée, il lui était interdit d'aller les visiter et juger de l'effet de ses remèdes. Aussi les nobles bourgeois, appréciant les grands services que le dévouement de ces dames allait rendre à la population déshéritée, se réunirent-ils à l'Hôtel-de-Ville et, dans une délibération motivée, leur offrirent-ils, à défaut d'un secours pécuniaire que l'état de leurs finances leur interdisait, leur souhaits pour la réussite de leur œuvre charitable et l'expression de leur reconnaissance.

Après les représentants de la ville, ce fut le recteur de Bâzouges et Hédé, Missire Jean Rufflé, dont elles étaient paroissiennes et auquel elles avaient demandé son approbation, qui s'était empressé de la leur accorder en les encourageant et en leur promettant tout son concours.

Sébastienne Beillet ayant sa maison particulière qu'elle avait achetée l'année précédente et les autres leur logement en ville, on ne s'occupa pour le moment que de celui des pauvres. Ce qui devait constituer l'Hôpital se composait d'un corps de bâtiment à un étage comprenant deux grandes pièces, l’une au rez-de-chaussée, l'autre au-dessus, afin que les hommes et les femmes eussent, ainsi qu'il était convenable, leur salle séparée où ils pouvaient recevoir, sans promiscuité, les soins que nécessitait leur état.

Mais ce n'était pas tout. Les pieuses femmes, dans l'ardeur de leur dévouement, ne croyaient pas avoir encore assez fait en essayant de soulager les infirmités matérielles. Elles savaient que le médecin peut apporter ses soins et ses remèdes, mais que Dieu seul-guérit ; que l'homme n'a pas seulement un corps, mais aussi une âme qui, comme celui-ci, a besoin d'être soutenue et consolée ; qu'au delà de la vie terrestre, il y en a une autre plus longue et inévitable à laquelle il faut se préparer ; qu'il avait droit aux secours de la religion comme aux secours humains, et, en même temps que les salles de l'hôpital, elles élevèrent une chapelle où l'on pouvait venir prier Celui qui soulage, qui soutient et qui console.

Cette chapelle, contiguë à l'hôpital, y communiquait par des tribunes ouvertes dans le mur commun, au moyen desquelles les malades, sans être obligés de passer par le dehors, pouvaient assister aux cérémonies qui y étaient célébrées.

Plus grande qu'il n'était nécessaire si elle n'avait été destinée qu'à l'usage exclusif des hôtes de l'hôpital, cette chapelle avait été construite ainsi parce qu'elle devait servir en même temps aux habitants du voisinage auxquels sa grande porte ouverte sur la rue des Forges donnait accès et, plus tard, aux Retraites qui se tinrent dans l'établissement.

La construction occupa toute la fin de l'année 1713 et ne fut terminée que dans le courant de l'année suivante.

Les malades ayant alors un abri assuré, les Dames hospitalières purent songer à elles-mêmes et s'occuper d'un logement communiquant avec l'hôpital, où elles demeureraient toutes ensemble, sans être obligées d'habiter au dehors ou de partager avec eux un local qui serait alors devenu insuffisant et malsain.

Quelque nécessaire que fût ce logement pour elles, elles ne se pressèrent pas de le commencer et surtout n'essayèrent pas d'activer les travaux, car les débuts étaient difficiles et les ressources des associées bien faibles. Le revenu de l'Hôpital ne s'élevait alors qu'à 50 livres en terres, et, avec cette somme, il fallait trouver le moyen de recevoir et d'entretenir trois pauvres de la paroisse. Il était impossible de faire davantage.

Lorsque les nouveaux bâtiments furent à peu près terminés, la Directrice s'adressa à Mgr Turpin de Crissé, évêque de Rennes, pour le prier de leur donner sa bienveillante approbation, que, le 15 décembre 1718, il s'empressa d'accorder et qu'il ne dut pas regretter lorsque, l'année suivante, au cours de sa tournée épiscopale, il vint à Hédé avec M. Esnouf, grand-vicaire, M. le recteur de Saint-Étienne de Rennes, promoteur, le 20 avril 1719, et put visiter l'hôpital [Note : Registres paroissiaux de Hédé et de Montreuil-sur-Ille. Notes].

A cette époque, un malheur était déjà venu frapper les pieuses femmes et la mort avait fait un vide parmi elles. La plus jeune, Geneviève-Françoise Le Sénéchal, était décédée « à la Maison de l'Hôpital » le 14 juillet 1717 et avait été inhumée dans le cimetière de Hédé [Note : « Damoiselle Geneviève Le Sénéchal, une des fondatrices de l'Hôpital de Hédé, originaire de la paroisse et ville de Bécherel, habitante depuis quelque temps de cette Ville de Hédé, est décédée audit Hôpital dudit Hédé le 15 juillet 1717. Son corps a été inhumé dans le cimetière de l'église Notre-Dame dudit Hédé par Monsieur le Recteur de Montreuil aidé et assisté de Messieurs les Recteurs et prêtres de Saint-Sinforien, Bazouges et Hédé, le seizième dudit mois, et an ; ladite Sénéchal âgée d'environ 33 ans » (Reg. de l’église Notre-Dame de Hédé)].

Ce n'était qu’un commencement, Deux années ne s'étaient pas écoulées que ce fut le tour de la fondatrice elle-même. Mlle Sébastienne Beillet, qui avait eu l'idée première de l'œuvre, qui lui avait consacré sa vie et sa fortune, qui, en un mot, en avait été la créatrice et l'avait dirigée dès le début, rendit son âme à Dieu. le 15 mai 1719, dans son Hôpital, au milieu de ceux auxquels elle s'était dévouée. Ses funérailles eurent lieu avec solennité et furent célébrées par « Missire Michel Amyot, prêtre de l'Église de Hédé, assisté du clergé de ladite église et de plusieurs, prestres externes » [Note : Registres de l'église Notre-Dame de Hédé]. Sa maladie ne semble pas avoir été longue, mais, en tout cas, on peut voir, par le compte suivant des frais qu'elle occasionna, que rien ne fut épargné pour sauver la vie de Mlle Beillet et qu'on ne recula devant aucune dépense, puisqu'on ne se contenta pas de la science des chirurgiens de Hédé, mais qu'on alla jusqu'à Rennes demander les conseils des meilleurs médecins :

Pour la maladie de Mademoiselle des Rangées deux voyages à Rennes à consulter un médecin et avoir des drogues : 12 l.
Plus à Mr Godineau [Note : Me Pierre Godineau, maître chirurgien à Hédé, inhumé dans l'église de Notre-Dame de Hédé en 1730, à l'âge de soixante-cinq ans] pour son traitement : 4 l.
A la Mère Ste-Anne des portions : 4 l.
A Ruflé, en viande à faire des consomés : 5 l.
Chez Jean Beillet, en castonnade et autre chose : 3 l. 10 s.
Des pigons à mettre sous ses pieds : 1 l.

La mort de la Directrice fut une grande perte pour les malheureux, mais n'eut que peu d'influence sur le budget de l'hôpital. Comprenant que ce n'est pas tout de fonder une œuvre, mais qu'il fallait encore, si l'on voulait qu'elle fût viable, lui assurer des ressources, elle ne s'était pas contentée d'y employer pendant sa vie tout ce dont elle pouvait disposer, elle avait prévu le moment où elle ne serait plus là et par le même acte du 6 mai 1713 qui avait fondé « l'Hôpital pour le secours des pauvres de la ville de Hédé, » elle donnait à ses associées, pour son entretien, le tiers de ses biens propres.

La demoiselle Ravenel eut donc à recueillir dans la succession une part qui consistait en une maison « située à vis les prisons, ouverte à l'Occident, bâtie de pierres, couverte de tuiles, consistant en un embas, une chambre et un grenier au-dessus et un escalier de bois en vis pour les desservir, une étable, une petite cour entre l'étable et la maison principalle où est un cellier, joignant vers Occident la rue qui conduit du Couvent des Religieuses à l'église de Hédé, » estimée valoir de rente 15 livres ; une autre maison, voisine de la première, ouvrant « sur la rue qui conduit du Four Banal à l'église ; » enfin la moitié d'un jardin, dit du Puits Brecel, donnant sur le chemin qui conduit de la Ville au Perray, d'un revenu de 5 livres.

Ce jardin convenant tout particulièrement à l'héritière de Mlle Beillet pour l'autre part, la demoiselle Françoise Beaucé, femme de noble Maître Antoine-Joseph Hérisson, sieur de Lourme, Sénéchal de Hédé, qui en possédait l'autre moitié, aussi elle en proposa l'échange, en 1721, contre une partie de courtil lui appartenant qui se trouvait contigu aux terrains de l'hôpital et qui vint s'y ajouter pour l'agrandir.

Quant aux maisons situées trop loin pour être utiles, nous ne savons ce qu'on en fit, mais il est probable qu'elles furent vendues.

Comme on le voit, par l'estimation des revenus acquis, la situation financière de l'hôpital ne subit pas grand changement.

Avant de mourir, Mlle Beillet avait eu une grande consolation. Elle pouvait remercier Dieu de lui avoir permis de voir l'accomplissemnt d'un de ses vœux les plus ardents, qu'elle considérait comme le complément nécessaire de l'œuvre à laquelle elle s'était donnée.

En même temps qu'elles signaient l'acte du 6 mai 1713, les associées pensaient que les maladies corporelles n'étaient pas les seules, qui fussent dignes de pitié et qu'il y avait aussi, bien souvent, des âmes souffrantes, accablées par les douleurs de la vie, sans courage devant les difficultés ou trop faibles pour résister à leurs passions, qu'il fallait soutenir, relever et ramener au suprême Consolateur.

Pour ce motif elles désiraient ouvrir, dans les bâtiments qu’elles avaient fait construire, à côté de l'Hôpital, des Retraites aussi bien pour les étrangers que pour les habitants de la ville et c'est dans la prévision de la réussite de ce projet qu'elles avaient donné à leur chapelle des dimensions plus grandes qu'il ne semblait tout d'abord utile.

L'établissement de ces retraites, en outre du but éminemment charitable que cherchaient principalement ces dames, présentait pour leur première œuvre une grande utilité en ajoutant une nouvelle source de revenus à son budget trop restreint qui, nous l'avons dit, ne montait qu'à 50 livres. Encore ces 50 livres ne servaient-elles pas entièrement aux pauvres et étaient même insuffisantes pour le paiement, qu'on avait bien de la peine à faire, des intérêts des sommes que les associées, n'ayant pas les fonds nécessaires, mais comptant sur le secours de la Providence et les sympathies qu'inspirait leur œuvre, n'avaient point hésité à emprunter pour la construction de leurs maisons.

On lit, en effet, dans un compte « de ce qui est dû aux personnes le jour du décès de Mlle des Rangées :

Premier : à Mlle de la Villernas [Note : Demoiselle Henriette de Saint-Gilles, fille de messire Pélage-Emmanuel, sieur du Gage et du Buat, d'une branche cadette de la maison de Saint-Gilles, et de demoiselle Mathurine Pigeon, mariée à Me Guillaume Pigeon, sieur de la Villernaux et sœur d’écuyer Alexis de Saint-Gilles, religieux capucin], par billet : 34 l.
A Mme de Savigna pour constitut de principal : 900 l.
A Mme de Savigna de la St Michel 1719, de levé : 50 l.
A Mme de Savigna de la St Michel 1720, la levé : 50 l.
A Mme de Savigna et du dépens à. proportion jusqu’au jour du proconte : 6 l.

On pouvait espérer que, des aumônes que ne manqueraient point de laisser les personnes qui assisteraient aux prières des retraites, aussi bien que de l'argent laissé par les étrangers pour leur logement dans les bâtiments de l'Hôpital et leur nourriture pendant les quelques jours que dureraient les exercices, il resterait encore, après le paiement des honoraires du prédicateur et les frais des cérémonies, quelque chose pour les malades. On espérait même que des dons généreux viendraient se joindre à ces ressources pour les augmenter et on ne se trompait pas, car nous voyons, en effet, par un acte en date du 4 décembre 1731, honorable femme. Julienne Vigner « désirant, pour un motifde zèle et de charité, contribuer, de son vivant, à l'augmentation et entretien de l'hôpital de Hédé, donner en don perpétuel et irrévocable une somme de 300 livres... » à condition que l'Hôpital devra se contenter de la rente de 15 livres provisoirement qui serviront « 4 livres pour être célébrées dans la Chapelle de l'Hôpital quatre messes basses, ou chantées pour la santé et prospérité de lad. Vigner pendant son vivant et le repos de son âme après son décès ; à l'occasion des retraites qui se font à l'Hôpital, pour acheter de l'huile pour fournir à la lampe lorsque le St Sacrement est exposé et la tenir allumée pendant tout le cours des dites retraites et non davantage ; quant au surplus, il sera employé aux besoins de l'Hopital » [Note : Arch. départementales d'Il.-et-V., 2, H. 88].

En conséquence de leur désir de s'employer au soulagement de toutes les infirmités et de toutes les souffrances, tant physiques que morales, en même temps qu'elles demandaient à Mgr Turpin de Crissé son approbation pour leur hôpital, les associées le prièrent de leur accorder en même temps l'autorisation d'y ouvrir des retraites et d'y recevoir les étrangers qui voudraient venir y assister.

Les retraites, création bretonne, avaient pour but de permettre à toute personnes, hommes ou femmes, qui, par suite des obligations de leur vie habituelle et de leurs occupations, n'avaient pas le temps de remplir, comme elles l'auraient désiré, tous leurs devoirs religieux, de se retirer, pendant quelques jours loin des bruits et des distractions du monde, pour entendre des prédications édifiantes et, sans que rien vint les détourner, se livrer aux méditations sur leurs devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers elles-mêmes.

Les Maisons de Retraites étaient, en général, dirigées par des Religieux. Quelques-unes, cependant, avaient été fondées par des personnes pieuses, mais qui n'avaient point prononcé de vœux monastiques. A Hédé, les Directrices de l'Hôpital étaient de saintes femmes vivant dans le monde ; mais si elles n'appartenaient point à une congrégation religieuse, elles faisaient partie d'une confrérie dont les associées, sans faire profession et sans porter d'habit particulier, pratiquaient leurs devoirs de piété en suivant les règles de saint François. Elles étaient Sœurs du Tiers-Ordre.

La requête présentée par ces Dames offrait pour le salut des âmes comme pour l'œuvre qu'il venait d'approuver, des avantages trop réels pour être refusée et l'évêque se fit un devoir de l'exaucer.

Les retraites prospérèrent-elles ? Quoique nous n’ayons trouvé aucun document à ce sujet, nous avons tout lieu de le croire, car c'était un revenu trop précieux pour l'hôpital qui avait, tant de besoins, pour que les Directrices ne fissent pas tout leur possible pour en avoir une ou plusieurs chaque année.

Pour rendre ces réunions plus intéressantes et plus utiles aux fidèles et aussi pour y attirer de plus nombreux auditeurs, on ne se contentait pas de s'adresser aux prêtres du pays pour trouver un prédicateur, on ne craignait pas d'aller chercher au loin quand on connaissait un prêtre de talent et de bonne volonté qui voulait bien se charger de la direction des exercices et des prières. C'est ainsi que Missire Nicolas Jacques de Liepvre, recteur de Gévezé (1753 + 21 avril 1786), licencié en droit, Gardien de Sainte-Anne de Rennes, avait été choisi par la demoiselle Ravenel et portait le titre de « Directeur des Retraites de Hédé ».

En 1731 eut lieu une mission à Hédé. Fut-elle l'occasion d'une retraite ? Mais en tous cas, c'est « a vis la maison de Retraite et Hôpital de cette ville que se fit par Missire Jacques Rageul, recteur de Bâzouges et Hédé, la plantation de, la croix qui devait en propager le souvenir » [Note : Cette croix, plantée dans le petit espace libre devant la chapelle, probablement en bois, n'existe plus].

Il y a des maisons, dans lesquelles, une fois qu'elle en a franchi le seuil, la Mort frappe sans trève et sans pitié et qu'elle ne semble vouloir quitter que lorsque sa faux implacable, ne trouve plus rien à moissonner.

C’est ce qui arriva ici. Il y avait à peine quelques mois que la tombe s'était refermée sur Mlle Beillet qu'il fallut la rouvrir le 30 septembre 1720 pour sa compagne, Nicole James. Dans l'espace de trois ans, trois des associées, et c'étaient les plus jeunes : Geneviève Le Sénéchal d'abord, à trente-trois ans ; Sébastienne Beillet, à trente-sept, et Nicole James, qui n'en avait que cinquante, avaient été frappées.

Des quatre fondatrices il ne restait plus actuellement que la demoiselle de Beaubreuil, Hélène Ravenel, la plus âgée de toutes, qui avait résisté à toutes les fatigues et à toutes les douleurs que lui avaient causées les pertes successives de son mari, de sa fille et de ses amies.

Celle-ci, qui avait succédé comme Supérieure ou Directrice à Mlle Beillet, avait conservé toute l’ardeur de son dévouement, les soixante-deux ans qui pesaient sur elle avaient diminué ses forces et son activité et lui rendaient difficiles et très pénibles les devoirs d’administration qu'elle avait à remplir et presque impossibles les soins incessants et fatigants que réclamait le service des malades.

Elle avait bien pris pour l'aider une femme, honnête fille Anne Johier, plus jeune qu'elle de dix-sept ans et qui lui survécut pendant de longues années, puisqu'elle ne mourut que le 28 février 1757, à quatre-vingt-quatre ans, mais cette recrue ne pouvait suffire, car la direction des Retraites, l'entretien des étrangers qui venaient y assister, le service de l'Hôpital, tout cela constituait un trop lourd fardeau pour deux, femmes seules et était au-dessus de leurs forces.

La demoiselle de Beaubreuil avait un frère, Me Pierre Ravenel, sieur du Rocher, maître chirurgien a Tinténiac et qui y mourut en 1718. Marié deux fois, il avait eu de demoiselle Jeanne Moncoq, sa première femme, trois filles, Hélène, Simonne et Thomasse, nées de 1698 à 1701, et de la seconde, Jeanne Volant, une quatrième, Marie-Anne, baptisée en 1714, à Tinténiac, où elle eut pour marraine sa sœur Hélène, et qui dut mourir jeune.

Hélène Ravenel épousa en 1721 noble homme Jean Le Tourneur, sieur des Portes, de la paroisse de Saint-Sauveur de Rennes, qui vint s'établir à Hédé, où il acquit une charge de Procureur au siège.

Simonne et Thomasse restèrent filles, et ce fut cette dernière, qui avait à peine vingt ans, que sa tante appela auprès d'elle et qui vint apporter sa jeunesse à l'association.

En 1722, l'Hôpital reçut un don qui vint augmenter ses ressources et lui permettre d'étendre le champ de ses charités. « Haut et puissant seigneur Messire Louis-Gabriel de la Bourdonnaye, Chevalier, seigneur de Blossac, Conseiller au Parlement de Bretagne, propriétaire du Bois-Maigné et seigneur possesseur des terres et seigneuries et châtellenies du Châtelier, le Bois-Orquant, Bâzouges, Bon-Espoir et la Crozille et, par ladite terre de la Crozille, seigneur supérieur et fondateur de la paroisse de Saint-Symphorien, demeurant ordinairement, hors son semestre de service au Parlement, à son château de Bon-Espoir, autorisé par son père, haut et puissant seigneur Messire Jacques Renaud de la Bourdonnaye, Chevalier, seigneur de Blossac, Bréal, Lassy, Lampastre, Beaumont, la Forest, la Villeneuve, les Aulnays-Gallisson et autres lieux, et seigneur propriétaire de Hédé... » fait don à l'Hôpital de Hédé, représenté par « damoiselle Helleine Ravenelle, Directrice dudit hôpital de la ville de Hédé, d'une somme de 1,500 livres pour la fondation d'un lit pour un pauvre homme ou femme malade ou vieillard de ses terres et particulièrement de Saint-Symphorien » [Note : Mairie de Saint-Symphorien].

L'année suivante, une nouvelle libéralité, quoique moins importante, vint s'ajouter à celle de M. de Blossac, et augmenter encore le patrimoine des pauvres.

En 1722, Pierre-Mathurin Rebillart, sieur de la Saubouchère, se voyant sur le point de mourir quoiqu'il eut à peine vingt-quatre ans, ne voulut point partir sans avoir pris ses dernières dispositions et, par son testament, il ordonne qu'une somme de 1,200 livres soit ainsi partagée : à l'église de Saint-Symphorien, pour des messes, 600 livres ; à l'église de Saint-Gondran, 100 livres ; à celle de Hédé, 100 livres ; au Révérend Pierre Robiou, religieux Cordelier de la maison et communauté de Rennes, 200 livres ; à l'hôpital de Hédé, représenté par Mlle Hélène Ravenel, 50 livres ; aux pauvres de ladite ville, 50 livres ; aux pauvres de Saint-Symphorien, 50 livres, et enfin 50 livres à ceux de Saint-Gondran.

Il est vrai. que le testament fut attaqué par les héritiers comme excessif. Toutefois ce ne fut qu'un retard, et, après plusieurs années de résistance, grâce à l'entremise de Missire Etienne Cosson, recteur de Saint-Symphorien, qui représentait les légataires, un arrangement eut lieu et, le 18 avril 1733, la somme de 1,200 livres fut remise entre ses mains par Jean Le Comte, un des héritiers, pour être employée selon la volonté du testateur.

Dès que la demoiselle Ravenel eut été mise en possession des 1,500 livres de M. de Blossac, elle s'occupa d'en trouver l'emploi, et, le 17 septembre 1727, avec une partie, du moins, elle acheta une pièce de terre appelée la Petite-Hulotière, au terroir des Bretèches, en Saint-Symphorien, contenant vingt sillons, et une autre au même terroir, dite le Clos-Rouyer, contenant treize sillons, tenues, la première, roturièrement de la seigneurie de la Bretèche par le fief des Hulotières, et la seconde noblement du Roi par son domaine à Hédé. Pour le rachat de cette dernière, elle donna comme homme vivant et mourant honorable homme Joseph Perou, marchand à Hédé. Le tout contre 350 livres de principal et 6 livres pour vins et commissions.

La bannie d'appropriement fut faite, le 25 juillet 1728, dans le cimetière de Saint-Symphorien, « Messieurs les recteur et Curé assistés d'un grand nombre de peuple sortant de l'église dudit lieu pour aller, en procession, à la Chapelle de la Maison noble de la Crozille où la Messe paroissiale se dit ordinairement par droit d'antiquité le jour Saint- Jacques » [Note : Arch. départementales d'I.-et-V., 2 H. 88].

Ce fut son dernier acte d'administration. Voyant ses forces diminuer et sentant sa fin prochaine, elle prit ses précautions pour assurer la continuation de son œuvre et, le 23 janvier 1728, afin que sa nièce Thomasse puisse lui succéder à la direction de l'Hôpital et de la Maison de retraites, elle signa avec elle un acte d'association semblable à celui du 17 mai 1713 [Note : Délibération de la Communauté de Ville du 27 août 1748. — Mairie de Hédé].

Ce devoir accompli, la dernière des fondatrices s'éteignit trois mois après, le 18 août à l'âge de soixante-dix ans, et fut inhumée le lendemain dans le cimetière par Missire Julien Rageul, recteur de Bâzouges et Hédé, « en présence, des recteurs de Saint-Méloir et de Saint-Symphorien et autres prestres ».

L'année suivante, Mgr de Tomelin de Breteuil, évêque de Rennes, successeur de Mgr Turpin de Crissé passé à l'évêché de Nantes, qui faisait alors sa tournée pastorale, étant venu à Hédé, la nouvelle Directrice alla vers lui le prier de vouloir bien lui accorder, comme son prédécesseur l'avait fait aux fondatrices, son approbation et sa bénédiction pour son œuvre et pour elle-même.

En 1743, Mlle Thomasse Ravenel acquit, le 23 juillet, par devant Charles Mouchoux et de Launay, notaires de la juridiction de La Guerche, d'avec demoiselle Jeanne Breillu demoiselle de Chefmont, « une maison adjointe et contiguë à l'Hôpital, » composée d'un embas, chambres, greniers, cour, déports et jardin, et deux quantités de terre derrière le jardin, plus une autre maison dans le même faubourg (des Forges), probablement aussi contiguë, le tout pour la somme de 750 livres de principal.

Cette acquisition avait de grands avantages pour dont elle augmentait les logements en même temps qu'elle en agrandissait les dépendances immédiates.

En 1746, ces dépendances reçurent un nouvel accroissement par l'achat fait, moyennant 120 livres, d'avec honorable femme Michelle de la Haye, veuve de Thomas Cintré, demeurant à Hédé, rue de l'Abbaye, d'une quantité de terre située dans un courtil derrière l'hôpital, contenant environ quatre sillons, joignant d'un bout vers soleil au chemin Horain, du côté du Couchant et Nord à terre dudit hôpital, dans ledit courtil... tenue roturièrement de la Commanderie de La Guerche.

Pour toutes ces acquisitions, il fallait de l'argent et Mlle Ravenel n'en avait, malheureusement pas, ou, du moins, pas suffisamment. Elle se senvit pour payer la demoiselle de Chefmont des 600 livres que Mlle Marie-Gabriel Daniel, demoiselle de la Villéon, avait, ainsi que nous l'avons vu, prêtées à Mlle Beillet et « comme elle n'avait en mains aucuns deniers ni revenus provenant des fonds dudit hôpital, » elle s'engagea (par devant les notaires de la jurisdiction de La Guerche) à payer à celle-ci, dès qu'elle le pourra, une rente, au denier 20, de 30 livres et donna, « pour garantie, hypothèque sur les meubles de l'hôpital ».

Il ne restait plus, après le décès de Hélène Ravenel, pour le service de l'hôpital, que la nouvelle Directrice et Anne Johier, l’une âgée de vingt-sept ans, l'autre de soixante-cinq. C'était trop peu pour suffire à tous les devoirs dont elles étaient chargées.

Heureusement la sœur aînée de Thomasse Ravenel, la demoiselle Simonne, du Tiers-Ordre comme elle, qui s'était aussi consacrée aux œuvres pieuses, vint vivre avec elle, et lui apporter son concours.

Cela marcha ainsi quelques années, mais en 1748, la Directrice voulut attacher sa sœur d'une façon plus compléte à l'œuvre des malades et, en même temps, lui donner le moyen de lui succéder. Elle fit, dans ce but, auprès de la Communauté de Ville une demande et M. de Blossac, qui s'intéressait beaucoup à l'Hôpital dans lequel, ainsi que nous l'avons vu, il avait fondé un lit, écrivit le 20 juin pour l'appuyer. Alors, le 27 août, l'assemblée des « nobles Bourgeois et habitants de la ville, » après avoir délibéré « vu la lettre de M. de Blossac et connaissant le mérite et le zèle de cette demoiselle Simonne Ravenel pour le soulagement des pauvres, approuve dès à présent l'acte d'association à la direction de l'Hôpital de cette ville de demoiselle Simonne Ravenel, demoiselle du Demaine, conjointement avec demoiselle Thomasse Ravenel, sa sœur, Directrice actuelle du même Hôpital, conforme à celui qui fut passé le 23 janvier 1728 entre ladite demoiselle Thomasse Ravenel et demoiselle Ravenel, sa tante » [Note : Délibération de la Communauté de Ville du 27 août 1748. (Mairie de Hédé)].

En 1742, la Cour royale avait fait acte de bienveillance envers l'Hôpital. Un inconnu avait abandonné une jument à l'Hôtel de l'Ecu, à Hédé. L'hôtesse, Perrine Guedon, ne voulant pas nourrir indéfiniment à ses frais une bête qui ne lui appartenait pas et dont elle n'avait pas besoin, demanda à en être débarrassée. En conséquence, le 5 février autorisation lui fut donnée d'en faire bannir la vente par Julien Dagoret, tambour de ville, « pour le surplus du prix, après qu'elle aura été payée de ce qui lui est due, être déposé au greffe pendant un mois, puis s'il n'est pas réclamé à cette époque, partagé entre l’Etat et l'Hôpital, les deux tiers au premier et le dernier tiers au second ».

Q'advint-il de cette vente et l'Hôpital en reçut-il quelque chose ? Nous l'ignorons, mais il est à croire que sa part ne fut pas bien grosse, car l'animal ainsi laissé pour compte n'avait pas, sans doute, grande valeur.

Quelques années plus tard, une tentative criminelle vint mettre en émoi les paisibles habitants de la Maison hospitalière. En 1754, dans la nuit du 14 au 15 novembre, un vol par effraction fut commis dans l'église de Hédé, mais les malfaiteurs, après avoir brisé les portes, percé le mur de la sacristie, fait sauter toutes les serrures, n'avaient réussi à s'emparer que du produit de deux troncs et du contenu des quatre tasses des quêtes pour l'église, les défunts, les Confrairies du Saint-Sacrement et du Saint-Rosaire. Aussi, mécontents du faible butin qu'ils avaient fait, ils tentèrent la même opération dans la pauvre chapelle de l'Hôpital ; « ils brisèrent et arrachèrent une grille de fer à deux montants et deux traverses dans le mur de la Sacristie et cassèrent les plombs et vitrages et entrèrent dans ladite Sacristie » [Note : Monitoire adressé au recteur de Saint-Symphorien par l'évêque de Rennes Mgr de Guersans. (Mairie de Saint-Symphorien)], mais soit qu'ils n'aient pu forcer la porte de communication avec la chapelle, soit qu'ils aient été dérangés par un bruit quelconque, ils partirent sans qu'on se fut aperçu qu'ils eussent rien emporté.

En 1757, honnête fille Anne Johier, l'ancienne associée de la démoiselle Hélène Ravenel, décéda à l'Hôpital le 28 février au grand âge de quatre-vingt-quatre ans.

Les deux sœurs, les demoiselles Thomasse et Simonne Ravenel, suffirent pendant quelque temps, à l'aide de domestiques, à leurs obligations hospitalières, mais Simonne étant venue à mourir à son tour le 11 janvier 1768, Mlle Thomasse, restée seule, à l'âge de soixante-sept ans, se trouva dans l'impossibilité absolue de remplir les devoirs qui lui imcombaient. Heureusement, elle rencontra une honnête fille, Monique Folliot [Note : Honnête fille Monique Folliot ne semble pas être originaire de Hédé, ni même des environs où ce nom paraît inconnu. On ne le trouve qu'une fois dans les archives de l'église de Hédé, lors du décès de honnête fille Marie Follio, de Guémené-Penfao, qui fut inhumée dans le cimetière en 1703], probablement Sœur tertiaire, qui vint habiter avec elle et mettre à sa disposition sa jeunesse et sa force.

Quatre ans plus tard, un revenu nouveau et assez important vint augmenter le budget des pauvres. Le roi ayant aboli les exercices du tir du Papegault et ordonné par lettres patentes en date du 7 mai 1710 que les droits « cy-devant attribués à l'abatteur du Papegault » (de Hédé) fussent réunis à l'Hôpital, la Communauté de Ville décida qu'ils seraient touchés par la Directrice. Ces droits consistaient en une somme de 60 livres que recevait le vainqueur ou Roi.

La Communauté, par sa délibération du 4 octobre 1772, chargea M. Ruaulx de la Tribonière, son Député aux Etats, de faire auprès de Mgr l'Intendant de Bretagne, les démarches nécessaires afin d'obtenir l'autorisation de verser chaque année ces 60 livres à l'Hôpital qui en profita jusqu’à la Révolution.

Satisfaite des services que lui rendait Monique Folliot et de son dévouement aux malheureux et sentant que le moment était arrivé pour elle où la vieillesse et les infirmités allaient la forcer au repos et priver les malades de ses soins, Mlle Ravenel résolut de se l'attacher d'une façon permanente pour l'administration de l'Hôpital lorsqu'elle ne serait plus là, en se l'associant comme elle avait fait pour sa sœur.

En conséquence, elle adressa, le 14 mai 1775, à Messieurs le Maire et Echevins, par l'intermédiaire de Missire de la Marre, recteur de Bâzouges et Hédé, une requêté tendant « à avoir l'approbation de la Communauté à la réception de demoiselle Monique Folliot en qualité de son associée pour le service des pauvres et l'administration de l'Hôpital et Maison de retraites de cette ville ». Cette requête fut accueillie sans difficulté et la permission accordée à l'unanimité, sous la condition « de se conformer à la constitution dudit Hôpital et Maison de Retraites » [Note : Délibération de la Communauté de Ville du 14 mai 1775. (Mairie de Hédé)].

Malgré l'accroissement de revenu qu'avait apporté le prix du Papegault, il faut croire que, soit par suite de la diminution, du nombre des retraites, soit par une mauvaise administration résultant de la vieillesse de la Directrice, l'état des finances de l'Hôpital n'était pas bien prospère, puisqu'on ne pouvait payer même les gages de la domestique. C'est ce qui résulte d'un acte d'obligation consentie en 1780 « par demoiselle Thomasse Ravenel et Monique Folliot, demoiselles des Maison de retraites et Hôpital de Hédé.... à Gilette de la Mare... de la somme de 185 livres payable en six ans, qu'on lui doit pour son service comme domestique pendant plusieurs années » [Note : Minutes de Duclos, notaire royal à Hédé].

L'association dura jusqu'en 1782, époque à laquelle décéda Mlle Thomasse Ravenel ; elle mourut le 22 janvier, à l'âge de quatre-vingts ans, dans cette maison hospitalière où elle en avait vécu cinquante-quatre au service des pauvres.

Mlle Thomasse Ravenel fut la dernière de cette pieuse famille au cœur rempli de foi, de l'amour du prochain et de cette charité chrétienne qui fait voir un frère dans celui qui souffre et d'autant plus aimé que sa souffrance est plus grande, dont, pendant soixante-dix ans, quatre membres se succédèrent sans interruption, consacrant leur fortune et leur existence tout entière, sans repos et jusqu'à leur dernier souffle, au soulagement des misères physiques et morales des déshérités de la vie.

A partir du décès de Mlle Thomasse Ravenel, Monique Folliot resta seule à administrer l'hôpital jusqu'au jour où la Révolution l’en chassa.

Tant que vécurent les fondatrices ou les directrices de leur famille, l'Hôpital avait rendu aux ouvriers pauvres et sans ressources qui composaient une grande partie de la population des services incontestables. En outre des malades qui en étaient sortis guéris, des vieillards et des invalides qui y avaient été recueillis et dont nous ne connaissons pas les noms, les registres de l'église nous signalent, sans compter les associées, ceux de quelques-uns des malades qui y décédèrent ; savoir : Olivier Saillard, meunier, cinquante ans, en 1724 ; François Martin, « Bourgeois et habitant de cette ville, » soixante-huit ans, 1742 ; Gilette Bernard, Sœur du Tiers-Ordre, soixante-dix-set ans, 1765 ; Jean Soret, soixante-dix ans, 1769, et Gilette de la Mare, soixante ans, 1784.

Quand Monique Folliot prit la direction de l'Hôpital, les temps n'étaient plus les mêmes que lors de sa création ; les idées s'étaient modifiées et lorsqu'arriva 1789, les événements marchèrent vite ; Rennes avait pris les devants, les esprits étaient surexcités, les Etats Généraux allaient se réunir, on était anxieux de recevoir des nouvelles. La Communauté de Ville, sur les instances des habitants, décida « que le public serait averti à son de tambour que tous les dimanches, à huit heures du matin, on ferait lecture du bulletin imprimé à Rennes des affaires qui se traitaient aux Etats Généraux, bulletin rédigé par le Bureau de Correspondance de la même ville ». On ne pouvait pas faire cette lecture commodément en plein air. Il fallut donc chercher un local où l'on serait en tout temps à l'abri des intempéries et comme elle ne voulait point encore toucher à l'église et au couvent des Ursulines, le 7 août elle jeta son dévolu sur la chapelle de l'hôpital. Ce fut le premier empiètement.

L'année suivante, 1790, un décret de l'Assemblée Nationale ordonna la confiscation et la vente des biens nationaux. Parmi ceux qui se trouvaient à Hédé était compris l'Hôpital. Les Officiers Municipaux manifestèrent immédiatement [Note : Délibération du Conseil général de la Commune du 1er août 1790. (Mairie de Hédé)] l'intention de les acquérir et entre autres « la Maison dont dispose la demoiselle Folliot, connue sous le nom d'Hôpital, quoiqu'on n'y reçoive aucun pauvre, avec les jardins, cours, terres labourables et prés en dépendant, le tout situé à Hédé et au proche, partie desquels biens sont affermées... par mains de ladite demoiselle Folliot ».

Lorsque les Officiers Municipaux disent qu'on ne recevait plus de pauvres à l'hôpital et qu'ils accusent la Directrice de louer des parcelles de terre et même des appartements, ils disaient vrai et nous voyons, en effet, celle-ci affermer en 1792 à Alain Eon et Mathurin Pirois, sa femme, la petite Salle ou Réfectoire et sept quartiers de jardin pour 27 livres, ne gardant pour elle que le quartier d’asperges, le quartier d'artichauts et la plate-bande vis-à-vis l'entrée par la cuisine, et, à de la Croix, pour 36 livres, la buanderie, chambre et grenier au-dessus, parce que tout cela est devenu inutile, puisqu'il n'y a plus personne à loger et à nourrir, et que les 63 livres de cette location sont toujours à la disposition des malheureux.

Mais ce qu'ils oublient de dire c'est que les biens nationaux parmi lesquels figure l'Hôpital étaient sous le séquestre et que, par le fait, il n'existait plus, et la preuve en est que, le 12 octobre de cette même année, lorsqu'ils veulent faire soigner « un certain Joseph Lenoir, originaire et domicilié de Hédé, qui se trouvait dans un état affreux d'indigence et de maladie, » ils sont obligés de demander « d'être autorisés à le faire admettre dans la maison dite vulgairement de l'Hôpital en payant pour lui 12 livres par mois ».

Ce qu'ils oublient encore, c'est qu'ils s'étaient emparés d'un grande partie des bâtiments. On ne prenait pas sans payer, il est vrai, ce n'était qu'une location, mais que n'eût certainement pas consentie la directrice si elle avait été libre de ses actions. La milice bourgeoise avait besoin d'un dépôt pour ses armes et d'un corps de garde pour les patrouilles de nuit. Il n'en existait plus à Hédé depuis la démolition de l'Auditoire. C'était encore à la demoiselle Folliot qu'on s'était adressé et, dès le 2 avril (1790), on lui avait intimé l'ordre « de faire fermer et duement patficher la porte de communication entre son Réfectoire et le Corps de garde, faute de quoi il est enjoint au Major de le faire faire aux frais de ladite denmoiselle Folliot » [Note : Délibération du 2 avril 1790. (Mairie de Hédé)].

Cela ne suffit pas. On y ajouta encore le grand « réfectoire, c'est-à-dire qu'on prenait toute la partie principale et pour cela on payait 120 livres de location, mais à la condition, pour la directrice de « payer les impositions, de faire les réparations les plus urgentes à ladite Maison, notamment des appartements dont jouit la municipalité et laisser la libre disposition de la chapelle pour la lecture des nouvelles publiques et y faire l'exercice au-besoin ». Pour ce dernier objet, elle ne devait pas être bien commode et les miliciens devaient avoir peu de place pour manœuvrer, car nous verrons dans la description que nous en donnerons que ses dimensions étaient fort restreintes. Elle n'en servit pas moins, le 13 novembre 1791, de lieu de réunion des citoyens actifs pour la nomination d'un Maire, d'un Procureur de la Commune, de trois officiers Municipaux et de Notables pour la composition d'une nouvelle municipalité.

Le 6 octobre 1792, une pétition « présentée par un grand nombre de citoyens tandante à faire évacuer du prétendu Hôpital ou Maison de Retraites de Hédé la nommée Monique Folliot » fut remise et lue à l'assemblée de la municipalité. On ne voulait plus se contenter d'occuper la partie des bâtiments qui pouvaient être utiles à la ville, il fallait, oubliant tous les services rendus, tous les dévouements accomplis, faire disparaître tout souvenir de l'œuvre charitable et pieuse que l'on avait tant appréciée autrefois et expulser la dernière directrice de cette asile où, comme celles qui l'avaient précédée, elle espérait mourir. Peut-être faut–il dire que quelques convoitises particulières pouvaient bien n'avoir pas été étrangères à cette pétition.

Quoi qu'il en soit du motif qui l'avait inspirée, le Conseil Municipal délibéra sur cette pétition et, « considérant l'inutilité de Monique Foliot dans une place sans fonctions ; considérant, de plus, que les logements du prétendu Hôpital de Hédé, les biens ruraux et le mobilier qui en dépendent, étant vendus, produiraient un avantage réel à la Nation ; considérant enfin que cette fille, par une conduite antipatriotique et un luxe éloigné de son état, s'est attirée la haine du Peuple Citoyen de Hédé, a arresté de prier les Citoyens administrateurs du Directoire du département de l'Isle et Vilainé, d'ordonner, sur l'avis des Citoyens administrateurs du Directoire du District de Rennes, la vente au profit de la Nation des biens fonds et effets mobiliers dépendant du prétendu Hôpital et Maison de Retraites de Hédé, sauf, sur les deniers en provenans, à rembourser à la fille Folliot les sommes qu'elle justifierait avoir employé de sa bourse au profit de ladite maison ».

Autrefois, lorsqu'elle parlait de la Directrice de la maison hospitalière, la Communauté de Ville l'appelait la demoiselle Folliot, mais aujourd'hui les temps sont changés et la nouvelle municipalité n'a plus de ces égards et de cette politesse ; elle n'emploie même pas pour la désigner le nom de citoyenne qu'on accordait à toutes les femmes ; elle va chercher le nom le moins convenable et le moins respectueux qu'elle puisse trouver en l'appelant la fille Folliot.

La demande du Conseil Municipal fut entendue à Rennes, et peu de temps après, le 9 novembre, un Arrêt du Département d'Isle et Vilaine ordonna « un inventaire de la Maison de Retraites de Hédé et des effets et hardes accordées à Monique Folliot » et fixa la vente du reste du mobilier au 18 décembre. Il ne devait plus rester à vendre que les effets mobiliers garnissant la maison, car les bestiaux et tout ce qui avait pu être enlevé avait déjà été mis aux enchères.

Deuxjours avant celui fixé pour la vente, le 16, la municipalité avait nommé pour assister à cette opération deux Officiers Municipaux, les Citoyens Gersin et Duclos.

Ce fut la fin ; Monique Folliot dut quitter sa maison. Elle disparut de Hédé. Que devint-elle ? Nous l'ignorons et on n'en entendit plus parler.

Après le décret de confiscation des biens des Communautés religieuses et de main-morte, il fut fait, du 13 au 18 octobre 1790, par François Julien Pinczon, expert du District de Rennes, et le sieur Charles Lorand, expert convenu de la municipalité de Hédé, un « grand prisage, mesurage et estimation des biens dépendant de la cy-devant Maison de Retraites ».

Un des résultats de cette estimation fut que le 22 janvier 1792, an I de la République, M. Hérisson envoie à ses collègues du district l’inventaire fait à l'Hôpital et les titres avec l'état des revenus et des dettes et demande « qu’on prenne un arrêté pour charger la Municipalité de faire faire la descente et fracture des cloches des Ursulles et de l'Hôpital et du charroi des linges et toilles de paillons, matelas, oreilliers et couvertures de laine et celui du métal des cloches et des cuivres trouvés dans ces deux maisons... il portera un calice, un siboire et le haut d'un soleil. Salut et fraternité amicale. HÉRISSON » [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2, H. 88].

Reproduire cette expertise dans tous ses details serait trop long, nous y reviendrons pour les parties les plus intéressantes. En attendant, voici la désignation sommaire des bâtiments donnée à l'occasion d'un legs qui en fut fait à la ville le 3 mai 1824.

« Un corps de bâtiment ayant sa façade à l'Occident, dite la Maison de l'Hôpital, consistant en huit pièces au rez-de-chaussée et un vestibule vers le milieu de chaque côté duquel il y en a quatre. Celles au Nord se nomment Cuisine, Réfectoire, Chapelle et Sacristie, cette dernière pièce en appentis, adossée contre le côté Nord de la Chapelle et celles du Midi nommées Salle, Salon, petit cellier derrière et petite cuisine.

Au premier étage, six chambres et deux cabinets dont un très petit, grenier au-dessus, le tout couvert en ardoises et en tuiles et, pour petite partie en pierre de Pleugueneuc ».

Il n'est question ici que de la partie bâtie par les associées dès le début et non des maisons qu'elles achetèrent plus tard.

On voit que l'établissement était suffisant pour recevoir un certain nombre de malades et de vieillards infirmes et en même temps donner l'hospitalité aux personnes qui venaient suivre les retraites.

Nous verrons, en revanche, que les revenus ruraux et autres étaient minimes et, qu'il fallait une grande économie, avec toutes les ressources de la charité, pour arriver à faire quelque bien.

Nous prenons seulement dans l'inventaire la description des quatre pièces que les experts appellent les pièces du Nord, c'est-à-dire la Cuisine servant de Corps de garde, le Réfectoire situé au-dessus, la Chapelle et la Sacristie qui étaient les plus importantes et qui avaient été les premières construites.

« Au pignon Nord du bâtiment ci-devant describé (celui dont nous ne voulons pas nous occuper) est un autre bâtiment de plus haute élévation, bâti en murs de pierre et maçonnailles prolongeant de plus que les autres du côté de la rue de la Forge de 32 pouces, contenant de longueur, du côté de ladite rue, 25 pieds et de profondeur aussi 25 pieds, consistant dans un embas servant actuellement de Corps de garde, ayant une porte en menuiserie ouvrant à l'Occident sur la rue avec imposte au-dessus le vitrage, cheminée au pignon Midi, fenêtres à quatre volets vitrées en vitrage et plomb ouvrant à l'Orient. Dans le mur Nord, joignant la chapelle ci-après est une porte ouvrant sur ladite chapelle avec une tribune à hauteur d'appui ; cette tribune est close par six volets en bois menuisé avec coulisse haut et bas pour ouvrir ou fermer. Ledit embas avec doublage en poutres, soliveaux et carlis.

A l'aplomb de l'embas ci-dessus est une chambre avec porte ouvrant sur le corridor, autre porte ouvrant sur la chapelle et qui donne entrée à une tribune qui est au bas de ladite chapelle et laquelle est exhaussée au-dessus ; cette tribune avec appui en menuiserie. Dans le mur donnant sur la chapelle est une ouverture qui se prolonge en long, close par huit panneaux en bois menuisé avec coulisses, haut et bas, pour ouvrir et fermer. Ladite chambre éclaire par deux fenêtres à volets en bois, l'un à l'Occident, l'autre à l'Orient. Doublage sur ladite chambre en poutres, soliveaux et carlis, grenier sur le tout et à l'aplomb de la susdite chambre ; le tout sous combles en tuiles ».

La Chapelle.

« Au pignon Nord du bâtiment ci-dessus est la Chapelle de la ci-devant Retraite de Hédé, bâtie en murs de pierres et maçonnaille, lambrissée en petits carreaux de bois et passés en couleur blanche, sous couvert d'ardoises, avisagée à l'Occident, contenant de longueur dedans en dedans 20 pieds et, de profondeur, 40 pieds. Du côté oriental cette chapelle est terminée en cul-de-lampe. Dans ce cul-de-lampe est pratiqué un autel avec tabernacle, gradins, tableau au-dessus dudit tabernacle représentant le Christ, ledit tableau orné de deux pilastres de couleur noire de droite et de gauche sur deux bases et orné d'un frontispice. Cette chapelle est dédiée à saint Joseph, lequel est placé au Nord du Maître-Autel clos d'une balustrade en bois tourné servant de Sainte-Table, banc de droite et de gauche dudit Maître-Autel en dedans de la balustrade en bois menuisé avec boisure à la hauteur de quatre pieds. Pareil banc et boisure dans tout le pourtour de la chapelle. Au côté Nord de ladide chapelle est un petit-autel dédié à la sainte Vierge, lequel est clos par une balustrade. Au Nord de cette chapelle est une chaire à prêcher avec un escalier pour y monter, le tout en menuiserie. A l'Occident de ladite chapelle est la grande porte ouvrant à deux battants sur la rue de la Forge.

Au côté méridional est une autre porte ouvrant sur le jardin de la ci-devant Retraite.

Dans les murs Midi et Nord, et proche le Maître-Autel, sont deux grands vitraux en vitres et plombs soutenus par des barres de fer engravées dans le mur. Au-dessus de la grande porte d'entre est un grand vitrage en vitres et plomb soutenu comme ceux ci-devant. Au-dessus du comble en ardoises de ladite chapelle s'élève, au bout occidental, un petit clocher dans lequel il y a une cloche.

Au côté Nord de cette chapelle et près la balustrade du Grand-Autel est une porte en menuiserie qui donne entrée à sa sacristie, contenant de largeur de dedans en dedans 7 pieds et, de profondeur, 7 pieds 6 pouces, ladite sacristie éclairée par une petite fenêtre. Tous les bâtiments, y compris ceux dont nous n'avons pas donné la description, étaient estimés 266 livres de rente  ».

Nous ne parlerons des terres qui dépendaient de l'Hôpital que pour en faire connaître le produit, qui s'élevait à 136 livres 12 sous 6 deniers par an.

Les 266 livres auxquelles furent évalués les bâtiments n'existant qu'à la condition précisément que leur destination fut changée et qu'ils fussent affermés à des particuliers, le revenu qui devait servir à l'entretien de l'hôpital ne se composait donc en réalité que des 136 livres 12 sous 6 deniers des biens ruraux et des 60 livres provenant du Papegault en y ajoutant les produits du jardin et des bestiaux qu'on y élevait. C'était un bien maigre budget qui n'eût certainement pas suffi si la charité des bonnes âmes ne lui fût pas venu en aide. En tout cas, il est difficile de comprendre comment Monique Folliot pouvait être accusée sérieusement par la municipalité de Hédé de vivre avec un luxe au-dessus de son étât. Il semble que le mot luxe est un peu risqué et s'explique assez mal.

Ainsi que nous l'avons vu, à partir de 1790 il n'y a plus d'Hôpital et ses bâtiments ont reçu un autre emploi. Aussi lorsque, quelques années plus tard, en 1808, Hédé reçut un certain nombre de blessés et de malades qu'on y envoyait pour y recevoir des soins, la ville fut obligée de chercher un nouveau local et d'établir dans la rue du Château un hôpital provisoire. Nous y voyons mourir, le 4 janvier, Joseph Sonnette, âgé de vingt et un ans, le 5, le sieur Laurent Albinger, vingt-cinq ans, fils de Pierre Albinger et de ..... Brenling, né à Schudren en Brisgau, et Guillaume Baratier, trente et un ans, ex-militair, natif de Chaillade, canton de Murat (Cantal), et enfin, le 13 février, Michel Gendron, de Tompay (?) (Mayenne).

Nous en avons fini avec l'Hôpital et Maison de Retraites ; nous ne voulons pas terminer, cependant, sans rappeler qu'environ trente ans après qu'il avait disparu, on avait eu l'espérance de le voir rétablir et rendre à sa mission bienfaisante.

Les anciens bâtiments se trouvaient au commencement du XIXème siècle, nous ne savons comment, entre les mains de M. Jean-François Beillet, prêtre, de la même famille que Mlle Sébastienne Beillet, la première fondatrice, qui, par son testament, en fit don à la ville.

Nous laissons parler le Maire qui va nous exposer les faits.

« 11 mai 1825. Le Maire représente au Conseil qu'aux fins du testament olographe du 1er octobre et 15 novembre derniers, M. Jean-François Beillet, prêtre desservant la commune de Broons, canton de Chateaubourg, arrondissement de Vitré ......, a donné à perpétuité à la commune et Ville de Notre-Dame de Hédé la maison de l'Hôpital et Maison des Retraites avec ses droits et dépendances, dont il était propriétaire, pour avoir son effet du jour de sa mort arrivée le soir du 11 janvier dernier et servir à l'établissement d'une maison de bienfaisance à la même ville ; il pense que la destination de cette maison est un bienfait favorable aux indigents de Hédé ; sinon présentement par son mauvais état notoire de délabrement, au moins par la suite lorsqu'elle sera réparée et mise en état d'être habitée ..... En conséquence, le Conseil, dans l'interêt des pauvres et dans cette unique considération accepte provisoirenient et avec reconnaissance la donation faite en faveur des indigents de la commune, prie M. le Préfet de demander une Ordonnance royale et votera dans le budget dont il va s'occuper la somme dont les moyens de la commune lui permettent de disposer, à titre d'avances, attendu l'urgence des réparations à faire à la maison donnée, afin de la mettre à lieu d'être habitée et de produire très incessamment un revenu suffisant pour sa conservation et amélioration en accomplissant le but de sa destination ».

La somme inscrite le même jour au budget de 1826 pour les réparations urgentes de la maison de bienfaisance fut de 300 fr. Le projet n'eut pas de suite, l'acceptation par la ville n'avait pu être que provisoire. Hédé était bien déchu de son ancienne importance de Cour royale et de Ville députant aux Etats. Ce n'était plus qu'un petit chef-lieu de canton, sans commerce, sans ressources et il est probable que le préfet refusa de demander une autorisation royale pour l'acceptation d'un don qui eût été une grande charge pour Hédé et qui eût grevé, sans compensation suffisante, ses finances pendant de longues années.

(Anne Duportal).

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