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LA CHAPELLE NOTRE-DAME DE BON-PORT EN GUIPRY

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Le port de Messac, fort fréquenté et vraiment important au moyen âge, s'étendait jadis sur les deux rives de la Vilaine tant en Messac qu'en Guipry. Au bord même du fleuve qui coule ou plutôt se précipite si pittoresquement en cet endroit, s'élevaient deux chapelles en regard l'une de l'autre : Saint-Armel en Messac et Notre-Dame de Bon-Port en Guipry. Le premier de ces sanctuaires a complètement disparu, le second existe encore, avec son petit clocher d'ardoises se dressant au bout du pont d'une façon qui ne manque pas d'originalité.

Notre-Dame de Bon-Port a toujours été une propriété particulière ; elle appartient présentement (vers 1888) à l'honorable famille Bellamy qui vient de la faire restaurer et d'y rétablir le culte divin.

L'été dernier, pendant les travaux de cette restauration, les ouvriers découvrirent sur l'un des tirants de la voûte une plaque de cuivre rouge portant cette inscription :

+

 IHS

SI TEMPUS DOTEMQUE PETAS

ET DONA SACELLI,

SCRIPTA SUB AERE LATENT, CERNE,

REPONE, VALE.

M.DC.LXIII.

[Note : C'est-à-dire : Si tu désires connaître l'âge, la fondation et les rentes de ce sanctuaire, les titres en sont cachés sous cette plaque d'airain : regarde-les et replace-les : adieu. 1663].

Il y avait bien là de quoi piquer la curiosité des propriétaires : la plaque fut enlevée, et l'on trouva effectivement renfermé dans le tirant lui-même un fort beau parchemin dont il convient de faire la description.

C'est un cahier de 10 feuillets, imprimé sur velin, sans nom d'imprimeur. La première feuille est occupée par un grand écusson en couleur contenant les armoiries des fondateurs, qui, sans être nobles, croyons-nous, avaient cependant un blason, comme un grand nombre d'autres familles bourgeoises du XVIIème siècle. Cet écu surmonté d'un casque ouvert avec grands lambrequins porte : écartelé : aux 1er et 4ème d'or, au sautoir de gueules accompagné de quatre étoiles de sable ; aux 2ème et 3ème d'azur à la hure de sanglier d'argent issant de senestre, accompagnée d'une fasce en devise surhaussée de même.

Sur le deuxième feuillet ou lit :

Ad majorem Dei gloriam, sacrosanctœ Virginis Deiparœ cultum sub tituto fœlicis naufragantium portus, vulgo Nostre-Dame de Bon-Port [Note : C'est-à-dire : A la plus grande gloire de Dieu et à l'honneur du culte de la très sainte Vierge Mère de Dieu honorée sous le titre de l'heureux abordage des naufragés, vulgairement N.-D. de Bon-Port].

Puis vient ce quatrain :

Ne craignons point faire naufrage,

Dans les approches de la mort :

Nostre salut dans ce passage

C'est Nostre-Dame de Bon-Port.

M.DC.LXII.

Tout le cahier est ensuite occupé par les actes de fondation de la chapelle, dont nous allons donner l'analyse.

Au XVIIème siècle vivait à Guipry une famille Lemarchand jouissant d'une belle fortune acquise dans le commerce et d'une grande honorabilité ; en 1624 Gilles du Buisson, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem et commandeur du Temple de Carentoir, quitta son manoir seigneurial de la Coëffrie en Messac pour venir tenir sur les fonds baptismaux de Guipry un enfant Lemarchand auquel il donna son propre nom de Gilles.

En 1644, « nobles gens Jean Lemarchand et Gillette Chéreil, sa compagne, sieur et dame de Tréguily, » firent bâtir « une chapelle en forme d'oratoire dans l'enclos et dépendance de leur maison principale dans le port de Messac, en Guipry, diocèse de Saint-Malo, laquelle ils garnirent d'une sacristie et de toutes sortes d'ornements propres au divin service ».

Cette chapelle bâtie avec soin, en forme de rectangle terminé à l'est par deux pans coupés, est ornée d'une jolie corniche extérieure et fort bien lambrissée ; elle possède une tribune réservée aux membres de la famille des fondateurs, car elle a deux portes, l'une dans l'enclos de l'hôtel et l'autre ouvrant sur une rue du Port ; au-dessus de cette dernière est gravée la date de construction, 1644 ; dans la tribune sont sculptées sur pierre les armoiries des Lemarchand : d'or au sautoir de gueules accompagné de quatre étoiles de sable.

La légende locale prétend que les sieur et dame de Tréguily construisirent cette chapelle à la suite d'un vœu fait pendant une grande crue de la Vilaine inondant le Port de Messac : voyant leurs magasins de sel [Note : Pendant très longtemps la Vilaine ne fut navigable que jusqu'à Messac ; c'est ce qui explique les grands magasins de sel appelés salorges établis dans le Port, et aussi les belles fortunes commerciales faites par les habitants] menacés par les eaux, ils auraient, dit-on, eu recours à la Ste Vierge et obtenu par sa protection d'échapper au désastre commun. Nous devons malheureusement dire que rien de semblable n'apparaît dans les titres de fondation de la chapelle de Bon-Port ; il nous semble plutôt que ses fondateurs l'élevèrent soit pour remercier Dieu de la fortune qu'ils avaient acquise, soit pour attirer ses faveurs sur leurs entreprises de négoce.

Quoi qu'il en soit, Jean Lemarchand et Gillette Chéreil entretinrent le service divin dans leur chapelle « festes et dimanches » depuis l'époque de sa construction jusqu'en 1661. A cette époque ils résolurent d'y fonder d'une manière stable [Note : Dès l'origine Jean Lemarchand avait doté sa chapelle de quelque fonds, mais il rétracta cette première fondation pour en faire une autre plus considérable] quatre messes par semaine et destinèrent à cet effet « une rente constituée de cent cinquante livres tournois par an à eux due par le vénérable Chapitre de Rennes » [Note : Le 13 mai 1661, le Chapitre de Rennes avait accepté de la famille Lemarchand un capital de 3000 livres et s'était engagé à en servir la rente au chapelain de N.-D. de Bon-Port]. L'acte de fondation fait en conséquence fut passé le 9 juillet 1661, par leur mandataire et neveu Mathurin Chéreil, sieur des Vergers, avocat en la cour et demeurant à Rennes rue Saint-Michel, en l'étude de Chabault et Gohier notaires à Rennes ; les fondateurs le ratifièrent le 17 juillet.

Dans cet acte il fut stipulé que « les quatre messes par sepmaine seraient dites indispensablement tous les dimanches et festes commandés par l'Eglise dans le diocèse de Saint Malo ; et arrivant quelques sepmaines où il n'y auroit pas de festes chomables, lesdites messes seroient dites en ce cas aux jours de dimanches, lundys, jeudys et vendredys, dont celles des dimanches seroient propres du jour, celles des lundys alternativement de la Vierge et pour les fidèles défuncts, celles des jeudys du S.-Sacrement et celles des vendredys de la Passion ». Le chapelain fut, en outre, tenu de faire à toutes les messes les prières nominales pour les fondateurs, les sieur et dame de Tréguily, et « d'enseigner, un quart d'heure pour le moins, le catéchisme aux enfants qui se trouveront en ladite chapelle, toutes lesdites festes et dimanches, avant la messe ; » enfin il dut entretenir sur l'autel six cierges, dont deux allumés aux messes ordinaires et tous les six aux solennités de N.-S. et de N.-D. et aux fêtes de saint Jean-Baptiste et de saint Gilles abbé.

Deux ans plus tard, Jean Lemarchand était mort, et sa veuve Gillette Chéreil, voulant accomplir ses dernières volontés [Note : Par son testament Jean Lemarchand avait légué 1200 livres pour acheter une maison à son chapelain], résolut de donner un logement au chapelain de N.-D. de Bon-Port ; « mue des mêmes zèle et piété que son mari, ladite dame de Tréguily, ayant trouvé la commodité d'acquérir une petite maison et quelques héritages commodes pour ledit chapelain, lesdits maison et héritage situer au lieu de la Crespinière en la paroisse de Guipry, entre ledit bourg de Guipry et ladite chapelle » [Note : C'était une maison avec jardins devant et derrière et un pré], en fit don au chapelain de Bon-Port, à la seule charge d'entretenir cette maison et de « donner cinq sols aux pauvres qui se trouveront à ladite chapelle pour y entendre le catéchisme, chaque premier dimanche du mois ». Cette donation faite, le 19 août 1663, en l'étude de Colin et Melier notaires à Messac, est le dernier acte renfermé dans le petit cartulaire de N.-D. de Bon-Port.

L'on voit par là que cette chapelle ne fut point érigée par l'évêque de Saint-Malo en titre de chapellenie ; ce ne fut jusqu'à la Révolution qu'une simple prestimonie.

Le premier chapelain de Bon-Port, nommé par les fondateurs eux-mêmes en 1661, fut Jean Crouezry « prestre de la paroisse de Saint-Séguelin » qui ne mourut qu'en 1703. De son temps, Françoise Lemarchand, dame du Liriot, fille de René Lemarchand, sieur de Bouharay, et de Françoise Vallays, épousa dans cette chapelle, en 1698, écuyer Joseph Le Veyer, sieur de Valleroy. Vers le même temps René-François Raccapé, sieur de Vezin, fils semble-t-il ou tout au moins héritier de René Raccapé, sieur de la Feillée, et de René Lemarchand, devint propriétaire de la chapelle de Bon-Port ; il nomma, en 1703, pour la desservir Mathurin Chéreil, sieur du Baschemin, et se maria dans ce sanctuaire, en 1704, avec Louise Aubertin, veuve d'Antoine Grâcieux.

Les autres chapelains de N.-D. de Bon-Port furent Julien Bretin + 1727 ; — Pierre Loizance, présenté le 22 juillet 1727 par mesdemoiselles Gillette et Colliope de Raccapé ; il résigna vers 1773 ; — Symphorien Oriard, sous-diacre, nommé par Charles-François de Guériff, seigneur de Kerossay, le 20 mai 1774 ; il résigna également deux ans plus tard ; — enfin Charles Richard, pourvu le 28 juillet 1776, sur la présentation de Charles-Auguste de Guériff, seigneur de Launay, habitant avec sa femme Gillette Henri le manoir de Sénac en Pipriac (Ins. ecclés. de l’évêché de Saint-Malo ; — Reg. parois. de Guipry).

Depuis la Révolution la chapelle de Bon-Port semblait abandonnée, c'est donc avec bonheur qu'on la voit aujourd'hui rendue au culte : Notre-Dame ne semble-t-elle pas d'ailleurs favoriser cette pieuse restauration, puisqu'elle vient de nous faire découvrir les archives de ce sanctuaire élevé en son honneur ? Le 28 septembre 1880 a eu lieu la nouvelle bénédiction solennelle de cette chapelle bâtie, voilà deux cent trente-six ans, par la piété de nos pères.

(abbé Guillotin de Corson).

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