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LE DERNIER SIEGE DE GUINGAMP DURANT LA LIGUE

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Jéhan de Brosse obtint enfin de la justice de François Ier, roi de France, la restauration du comté de Penthièvre dans toute son ancienne splendeur. Vous avez lu, par ailleurs, l'acte si important par lequel ce seigneur confirma, le 21 septembre 1555, les franchises de Guingamp.

A Jéhan de Brosse succéda Sébastien de Luxembourg, son neveu. Ce fut en faveur de ce grand homme que le comté de Penthièvre fut érigé en duché-pairie.

Après Luxembourg, Philippe-Emmanuel de Lorraine devint duc de Penthièvre, en épousant Marie, fille unique de Sébastien. [Note : Il y a aux archives une délibération des bourgeois pour préparer la première entrée du duc de Mercœur dans leur ville. — Les bourgeois et autres de la juridiction de Guingamp offrirent au duc deux cents escus pour partie des frais par le dit seigneur supportés pour l'érection du duché en pairie. — Le même compte (1588-89) nous apprend qu'on présenta une collation « à un gentilhomme de la maison de Monseigneur venu exprès pour donner advertissemeut et assurer les habitans Madame être enceinte, et que tant pour la collation que pour le feu de joie fait pour ladite cause, il fut dépensé mi écu » (Archives Municipales)].

J'ai nommé Mercœur : c'est assez annoncer que j'ai maintenant à raconter quelques épisodes des guerres de la Ligue. La Ligue, en Bretagne, avait un caractère à la fois religieux et national ; le duc de Penthièvre en était le chef : c'était un triple motif pour que les Guingampais fussent ligueurs.

Après la camisade de Châteaugiron, dans laquelle le comte de Soissons se laissa prendre comme un novice, Henri III envoya pour combattre Mercœur un généralissime imberbe, le prince de Dombes.

L'arrivée des auxiliaires anglais, qui étaient débarqués à Paimpol, sous la conduite du général Norris, mit l'armée royaliste à même d'entreprendre une campagne sérieuse contre les ligueurs de la Basse-Bretagne. C'était au mois de mai de l'année 1591. Le prince de Dombes rallia toutes ses troupes à Saint-Brieuc, et vint tout droit assiéger Guingamp.

Mercœur avait eu soin de laisser dans la place une forte garnison, et en avait confié le commandement à Kergorlin. L'attaque, vigoureusement menée, fut vaillamment soutenue ; « le baron de Molac, qui commandoit l'infanterie, raconte le royaliste Montmorin dans ses mémoires, fit fort bien et courageusement à l'assaut de Guingamp, comme aussi le sieur de Courbouyon et autres mestres de camp qui y estoient ». Les assaillants furent repoussés avec perte ; et comme Mercœur, averti des dangers qui menaçaient sa bonne ville, accourait à son secours avec des forces supérieures, le prince de Dombes allait essuyer un échec complet, si les portes de Guingamp n'eussent été ouvertes à l'ennemi par un traître.

Ce traître se nommait La Cointerie ; il était fils d'un pâtissier d'Angers, et avait été élevé dans les cuisines du duc de Mercœur. Plus tard, il avait pris le métier des armes ; et comme, en ces temps de troubles, on arrivait vite, il avait été promu au grade de capitaine et pourvu d'une compagnie. Mercœur l'avait envoyé, quelque temps auparavant, pour renforcer la garnison de Guingamp ; mais les gentilshommes bas-bretons ne purent supporter la morgue de cet aventurier, qui tranchait du prince et voulait se mettre au-dessus du gouverneur lui-même. Les cinq frères d'Aradon, qui étaient les chefs de la Ligue dans l'évêché de Vannes, et dans presque toute la Basse-Bretagne, demandèrent avec tant de force le rappel de l'arrogant personnage, que le duc n'osa les refuser, et l'Angevin dut quitter Guingamp.

Mais, à quelques jours de là, lorsque déjà l'ennemi investissait la place et qu'il n'y avait plus de temps à perdre, Mercœur ne put envoyer au secours de la garnison que La Cointerie et son régiment. Le capitaine, qui avait son injure à venger, accepta cette mission avec joie. Il était d'avance vendu au prince de Dombes. A peine arrivé dans la ville, il se mit à décourager les bourgeois, et les engagea à capituler, plutôt que de tenter une résistance impossible. Les Guingampais, franchement attachés au duc de Penthièvre, méprisèrent d'abord ces perfides conseils, et persistèrent dans leur héroïque défense. Le traître ne se rebuta pas. Il fit prévenir sous main le général royaliste, qui, un beau jour, disposa ses troupes de manière à ce que, vues d'un certain point, elles semblassent de la moitié plus nombreuses. La Cointerie alors invita quelques officiers à sortir de la ville avec lui, et, tout d'un coup, leur découvrit l'armée ennemie. Les officiers furent effrayés de ce déploiement de forces, qu'ils ne soupçonnaient pas au prince de Dombes. En rentrant dans la ville, ils firent si bien valoir l'inutilité de la résistance, et le danger d'être pris d'assaut, de voir la ville pillée et livrée aux flammes, les habitants égorgés et passés au fil de l'épée par un vainqueur irrité, qu'ils communiquèrent leur épouvante aux plus braves, et déterminèrent les plus résolus à se rendre vie et bagues sauves. [Note : On doit lire l'histoire de ce siége dans le chanoine Moreau, qui la tenait de la propre bouche de La Cointeric, « ainsi que lui-même m'en a fait le récit tout au long, l'an 1594, en cette ville de Quimper, où il étoit en garnison lors pour le roi, après la reddition de la ville au mareschal d'Aumont » (Histoire de la Ligue en Bretagne, Ch. XIII, p. 122. Saint-Brieuc, L. Prud'homme, 1857, 2ème édition)].

D. Morice a recueilli l'acte de capitulation : « Articles de la capitulation que monseigneur le prince de Dombes entend accorder aux assiégez de Guingamp. Premièrement, mondit seigneur le prince entend quel gouverneur et autres capitaines qui sont en la dite ville de Guingamp, remettront demain, troisième de ce mois, la ville de Guingamp entre ses mains dans demain midi. Mondit seigneur le prince permet aux dits gouverneur, capitaines, lieutenans et enseignes, tant de gens de pied que de cheval, de sortir, à sçavoir les chefs jusqu'au nombre de quatre ou cinq, avec trois cheveaux et leurs armes, et les autres avec deux cheveaux et leurs armes ; les archers à cheval avec un bidet, l'arquebuze et l'espée, et ceux à pied avec l'arquebuze et l'espée seulement. Que tous les drapeaux, cornettes et tambours qui sont en la ville, seront remis entre les mains de mondit seigneur le prince ; ensemble tout ce qu'il y a de canons et autres munitions de guerre. Que tous les Anglois et Irlandois, si aucuns y en a, seront mis entre les mains de mon dit seigneur le prince. Que tous les Espagnols demeureront prisonniers. Que tous les gentilshommes qui n'ont charge de gens de guerre et se sont réfugiez audit Guingamp, payeront la somme de quinze mille écus, et par ce moyen demeureront en libre jouissance de leurs meubles et cheveaux. Que tous les habitans, ensemble les réfugiez, payeront la somme de vingt-cinq mille escus, et par ce moyen seront garentis de tout pillage, ravage et rançon, et mis en la protection du roy, ayant satisfait aux ordonnances du roy, pour jouir pleinement et tranquillement de tous leurs biens meubles et immeubles. Les prisonniers serviteurs du roy, détenus, seront mis en liberté entre les mains de mondit seigneur. Et pour effectuer la reddition de la place à demain, bailleront dès à présent ostages ; sçavoir : deux gentilshommes pour la noblesse, deux pour les habitants. Accordé par nous soubsignez, députez de la noblesse et habitans de la ville de Guingamp, suivant la procuration à nous passée ce jourd'hui, soubs les seings des principaux de la noblesse et habitans, par devant Jarrin et Folyart, notaires audit Guingamp, le 2 juin 1591 ».

Lorsque les assiégeants entrèrent dans la ville, en vertu de cette capitulation, les habitants de Guingamp s'aperçurent qu'ils avaient été dupes de la plus noire fourberie ; mais il n'était plus temps. On apprit, à la même heure, que le duc de Mercoeur et son armée étaient déjà à Corlay. Un jour de plus, et la place était sauvée.

Si le prince de Dombes avait traité pour bien des choses, il n'avait pas été question entre les Guingampais et lui des chaudrons et des marmites de la villes : les canonniers de l'armée prétendirent que tout ce qui était cuivre et airain leur appartenait, et il fallut que les pauvres bourgeois rachetassent leur batterie de cuisine, moyennant une petite capitulation supplémentaire. Ce piquant détail nous est révélé par la pièce suivante, que j'ai trouvée parmi les papiers de rebut de la Fabrique : « Françzois d'Estas, deschargeur de l'artillerye en l'armée de Bretaigne, conduicte par monseigneur le prince de Dombes ; Estienne Labory, fourrier de la dite artillerye ; Gabriel Autreux, Martial Duclos, Pieres Bidavon canonniers en la dite artillerye, tant en leurs noms que faisant pour touts les autres officiers de la dite artillerye, tant Françzois que Angloys, ont receus présentement de Jan Gouriou, gouverneur de l'église Notre-Dame de Guingamp, tant en l'acquit de la dite église que aultres étantes en la dicte ville que pareillement des habittans d'icelle, la somme de deux cents escus d'or sol : pour les droictz appartenants aux dits officiers sur les cloches, chandelliers, landiers, poilles, chaudrons, mortiers, devant de feu estants en la dicte ville, à raison de la prinse de guerre faicte par mondit seigneur le prince de la dicte ville de Guingamp ; de laquelle somme ils quittent le dit Gouriou ès noms et le promettent acquitter par tous les aultres officiers sur tout le leur et leurs serments ; faict, gréé, juré par la cour de Guingamp, etc., le septième jour de juing mil cinq cents quatre-vingt-onze, environ midy » (Archives de l'église Notre-Dame).

La Cointerie avait vendu Guingamp pour une somme de trente mille écus, dont deux mille lui furent payés comptant, et le surplus lui fut garanti par la signature même du prince de Dombes. Le traître se réfugia sous les drapeaux de l'armée royaliste, où il entra comme simple chevau-léger. Il fut condamné par le Parlement de Nantes à être tenaillé, puis pendu sur la place du Bouffai. Cet arrêt reçut son exécution quelques années plus tard, La Cointerie ayant eu la sottise de tomber entre les mains des ligueurs.

Le prince de Dombes confia le commandement de Guingamp à Kergommar (Claude de Kerguezay), un des meilleurs capitaines de son armée, qui s'était déjà distingué, avec La Tremblaye, à Kerouzéré et à Bréhat. Kergommar trouva peu après occasion de se signaler encore avec Sourdéac et Du Liscouët [Note : Yves Du Liscouët. Il faut lire, dans le chanoine Moreau, les aventures de ce terrible partisan, qui, comme La Noue, s'était fait une main de fer pour remplacer celle qu'un prêtre lui avait coupée lors de l'attaque de Carhaix par les paysans. Le voisinage de Du Liscouet fut peut-être une des causes qui firent malheureusement du pays de Bourbriac le séjour habituel des gens de guerre. Albert-Le‑Grand en raconte un touchant épisode, à la fin de la vie de saint Briac, et je vois, par un procès-verbal du 29 juillet 1604, que les soldats avaient converti l'église de Bourbriac en corps-de-garde. Ce document constate, en effet, que les écussons d'armoiries, peints en divers lieux de ladite église, « avoient estés gastés et noircys par la fumée et feu y faict par les gens de guere ». (Archives de La Rivière)], seigneur du Bois de La Roche, en forçant Saint–Laurent à lever le siége de la tour de Cesson.

Le maréchal d'Aumont, qui avait remplacé le prince de Dombes, vint à Guingamp dans les premières journées d'août de l'année 1594. Son arrivée donna lieu à deux expéditions qui valurent au maréchal et à Kergommar les bénédictions de tout le pays, délivré de deux de ces brigands qui firent la guerre pour leur propre compte au milieu de ces temps déplorables, et dont La Fontenelle est resté le type infernal et détesté. J'emprunte aux mémoires de Montmartin le récit contemporain de ce double épisode : « Un nommé le sieur de La Croix, mestre de camp, fort brave et courageux, et qui a toujours bien servy le roy, s'estoit voulu loger en un lieu nommé Poulmanac, au grand mécontement du dit sieur mareschal et de tout le païs ; et n'ayant voulu sortir de la dite place et résolu d'y attendre le siége, mondit sieur d'Aumont s'y achemina et l'assiéga. Quelques-uns de ceux du dit sieur de La Croix estoient allez à la picorée, lesquels furent pris par le sieur du Qermorvan, frère du sieur de Guergomart, et estoient en nombre de vingt-huit. Lesquels amenez au dit sieur mareschal, faisant sommer le dit sieur de La Croix de se rendre, et n'en tenant compte, les fit tous pendre la nuict sur la contre-escarpe. Ce qui estonna le lendemain le dit La Croix, de sorte que, peu de jours après, il se rendit bagues sauves, et le dit sieur mareschal le renvoya trouver le roy avec son régiment, où il servit dignement sa majesté, et fut tué à la reprise de Ham » [Note : J'ai un chapitre inédit à ajouter à l'histoire de ce capitaine La Croix ; je cite sans commentaires : « A Monseigneur, Monseigneur d'Aumont, comte de Chateauroux, mareschal de France, gouverneur pour le Roy en Dauphiné et lieutenant-général pour sa Majesté en ses pays et armée de Bretaigne : supplie humblement Paul Le Hec'hveder, pauvre marinier demeurant à Peuros Guirec. Comme le capitaine La Croix, batissant le fort de Poulmanach, auroit prins pour le service du Roy (comme il disoit) une barque neuffve du port de vingt tonnaulx, appartenant au suppliant, l'assurant que peu de jours apprès il le feroit paier du prix d'icelle, ainsy qu'elle seroit estimée par gents cognoissants ; laquelle barque auroit esté depuis à la prinse du dit fort de Poulmanach, amenée par le capitaine Kerhallec, commandant en l'isle de Bréhat, quy depuis s'en est servy et encore aujourd'huy la tient, reffusant de la rendre ou de paier le juste prix d'icelle au suppliant, quy a vendu tout ce qu'il avoit d'herittages pour construire la dite barque, sur l'espoir de s'en rambourser et de l'augmenter, voyageant cza et là pour le service des marchants ; de quoy il sera frustré et sa ruine totalle assurée, sy la dite barque injustement détenue ne lui est rendue. Ce que considéré, vous plaise, Monseigneur, faire commandement au capitaine de Kerhallec de randre au pauvre suppliant sa dite barque ou le juste prix et valeur d'icelle, avec le fret et louage pour le temps qu'il s'en est servy, et ferez justice. A la requeste du dit suppliant, signé : Bernard ». Et en marge est écrit : « Il est ordonné que le dit capitaine Kerhallec rendra au dit suppliant la dite barque ou le juste prix et valeur d’icelle. Faict à Morlaix, ce 13 avril l'an 1595, signé : d'Aumont » (Archives de La Rivière). « En ce temps, cinq soldats de la garnison de Guingamp furent pris par un nommé La Plante, qui s'estoit fortifié dans un moulin près de Carhais, et avait trente hommes qui faisoient mil maux au pauvre peuple sous l'autorité de Fontenelles. Le dit La Plante renvoya les dits soldats qui recognurent fort bien la place et le moyen de la prendre. Ils en donnent advis au dit sieur de Guergomart, toujours prest à bien servir le roy, lequel tout à l'heure fait marcher cinquante harquebusiers à cheval, fait donner à leur barricade ; furent surpris et emportez, le dit La Plante fut tué et grande partie des siens et autres noyez ».

Kergommar et la garnison de Guingamp accompagnèrent ensuite le maréchal au siége de Morlaix. Montmartin assiégeait le terrible La Fontenelle dans le château de Corlay. Le bandit, qui comptait sur des secours espagnols, ne se pressait pas de se rendre ; enfin, à la dernière sommation, il répondit qu'il capitulerait si on lui montrait du canon. Montmartin n'en avait point ; mais il répartit effrontément que son artillerie arrivait le jour même, et qu'elle ne devait pas être à cinq cents pas de Corlay. Fontenelle délégua un bas-breton, son lieutenant, pour vérifier le fait. Avant de se mettre en route, on fit boire notre homme, et, au lieu de le mener à cinq cents pas, on le mena, sans qu'il s'en doutât, jusqu'à Guingamp. Le long du chemin, on rencontra quelques charrettes ; le bas–breton les prit de loin pour des affûts. A Guingamp, « le sieur de Guergomart, gouverneur de la place et fidel serviteur de sa majesté, le fit tant boire, que, pour un canon qu'il luy montra, il en fit veoir dix, et le dit sieur de Montmartin l'ayant ramené à Corlais, il dit au dit Fontenelles avoir veu quantité d'artillerie lequel sortit le lendemain avec trois cens hommes bien armez ».

Tandis que les arquebusades se succédaient sans interruption sous les murs de chaque bicoque, prise et reprise par les ligueurs et les royaux, on se battait aussi à coups de procès. Anet Hervé, bourgeois de Guingamp, avait fait condamner, par arrêt du Parlement royaliste de Rennes, en date du 20 février 1592, monsieur de La Rivière–Coatrieux, à l'indemniser, lui Anet Hervé, d'une somme de quarante mille écus, qu'il prétendait avoir perdus lors de la prise de Tréguier [Note : On voit par une pièce du 17 juillet 1595, aux archives des Côtes-d’Armor, que, pendant les troubles de la Ligue, la juridiction des regaires et celle de la prévôté de Tréguier siégèrent à Guingamp], à laquelle avait pris part monsieur de La Rivière, qui tenait le parti du duc de Mercœur. [Note : D'autres membres de la maison de La Rivière, et notamment la branche du Plessix-Hérupel, suivirent, au contraire, le parti du roi. Si les limites que je me suis imposées n'étaient déjà de beaucoup dépassées, j'aurais pu allonger ce chapitre de curieux épisodes inédits qui se rattachent indirectement à l'histoire de Guingamp pendant la Ligue, et qui ont été déterrés récemment, par MM. Gaultier du Mottay et de Barthélemy, dans les archives des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor) et par moi-même, dans les archives de la maison de La Rivière. — (V. les Mémoires de la Société Archéologique et l'Annuaire des Côtes-du-Nord)]. Le 11 octobre 1596, le Parlement ligueur de Nantes fulmina un arrêt par lequel il « casse l'arrest du prétendu Parlement de Rennes, attendu que tout ce que faist a esté, le fut pour le bien et advancement du sainct parti de l'union des catholiques, à raison que la dite ville de Lantriguer estoit pour lors du parti contraire à la saincte union des catholiques, et, comme telle, commandée par le feu sieur de Chasteauneuf ». C'est bien le cas de songer à l'apologue de l'huître et des plaideurs.

Enfin, la belle duchesse de Penthièvre et la charmante Gabrielle conclurent, au nom de Mercœur et de Henri IV, le traité d'Angers. La Bretagne s'habitua peu à peu à se voir province française. Les cités bas-bretonnes se préparèrent à devenir les chefs-lieux insignifiants des préfectures et des sous-préfectures actuelles, dans le calme du servage administratif où les réduisirent le XVIIème et le XVIIIème siècles. Une fois, cependant, le vieux sang armoricain se réveilla : le duc de Chaulnes dressa ses potences, et ses bourreaux étranglèrent le dernier cri d'indépendance. (S. Ropartz).

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Enquête faite à Guingamp les 9, 10 et 11 mai 1594.

Une enquête faite à Guingamp, les 9, 10 et 11 mai 1594, eut lieu en présence de Amaury Jacob, Sr de Kerjagu, conseiller du roi, son alloué et lieutenant général dans la juridiction de Tréguier, de Bertrand Fleuriot, Sr de Kereven, procureur du roi, et Jacques de Plusquellec, greffier. A cette enquête demandée par l'évêque de Tréguier, Guillaume du Halegoët pour faire constater les pertes que lui firent éprouver les guerres civiles, comparurent les témoins dont les noms suivent : 1° Claude de Kerguezay, gouverneur de Guingamp ; 2° Pierre de Kerguech, écuyer, Sr. de Kerbelangier ; 3° Yves du Coz-Kaer, écuyer, Sr de Guernanchanay ; 4° Charles de Lesmaes, Sr de Kerosern ; 5° Jean Le Goualès, Sr de Kerezouan ; 6° Olivier Pavye, Sr de Kerhalec, gouverneur de la ville de Lantreguier, île et château de Bréhat ; 7° Rolland Cadier, Sr de Penanguer ; 8° Louis Garcan, écuyer, Sr de Kerverzot ; 9° François de La Croix, Sr de La Croix, cornette des chevau-légers de la compagnie du Sr Guermorvan ; et 10° Piere Jagu, Sr du Pratmeur.

Nous donnons la déposition de Claude de Kerguezay, dont le nom figure souvent dans l'histoire de Bretagne, au XVIème siècle, et nous la completterons par les détails qui pourraient se trouver dans le récit des autres témoins.

« Nobles et puissant messire Claude de Kerguezay, chevallier de l'ordre du Roy, genthilhomme ordinaire de sa chambre cappitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur des ville et chasteau de Guingamp, seigneur de Kergommar, Kerguel, Traudon, Guermorvan, Coatisac, etc. , aagé de 35 ans, jure par serment dire vérité purge de conseil et engins, et adverty des dangiers de parjurette, et interrogé sur les articles et faictz du Sr evesque de Lantreguier, chanoines, chapitre et ecclésiastiques dudit Lantreguier.

Dépose cognoistre ledit Sr evesque et la plupart des chanoines, suppotz et ecclésiasticques de Lantreguier, lesquelz en le commencement des présentz troubles se sont touz continuellement montrés fort bien zellés et affectionnés au service du Roy, aultrement que le scolastique de Tréguier [Note : Le scolastique, filz de la maison de Kermarquer-Arrel - Déposition de P. Jagu] l'archediacre de Ploegastel et le docteur théologal dudit Lantreguier, ayantz continué et faict tous debvoirs en la célébration du divin office en ladite eglise cathedrale où la plus part d'eulx ont demeuré et résidé, quelques ennemys, ravaiges et pertes qu'ilz ayent souffertz par les ennemys et rebelles à sa majesté qui les auroient quatre ou cinq fois ravagés et ruinés, tant par l'emport qu'ilz ont faict de leurs meubles, bledz acoustrementz, provisions, et mesme des reliques, ornementz d'église, et bruslementz de la pluspart de ladite ville de Lantreguier, laquelle est à presant tellement ruinée que a paine lesditz eclesiasticques, peuvent demeurer, ayantz par mesme, et par les incursions des gendz de guerre, d'un party et d'aultre, eu grande extermination en leur revenu, ainsy que ce parlant a notoirement entendu, de sorte que lesditz eclésiasticques à peine se peuvent nourir et entretenir les maisons, leur restantes apres ledit bruslement ; joinct que depuis les huit ou neuf mois derrains, le regiment du Sr de Romnegou, et les trouppes du Sr du Liscoet ont faict leur demeurance audit Lantreguier, et aux environs ès parouesses ou le revenu tant dudic Sr evesque que chanoines et suppostz est sittué, consistant en dixmes, proemices et mortuaiges, aultrement que ledit Sr evesque quy a quelques cheffrantes et rentes sur quelques maisons, et aussi lesditz chanoines et la plupart desquelles tant en ladite ville de Lantreguier, que aux parouesses des environs ont esté bruslées par lesdits Espaignolz, qui y firent descente par mer au moys d'aoust 1592 [Note : Au mois d'aougst quatre-vingt-douze, partie de l'armée espaignolle y fit descente par mer assistée de plusieurs rebelles du pays qui brulèrent une bonne partye des maisons de ladite ville, et oultre plusieurs maisons aux parouesses de Ploueguiel et Plouegresquant. Déposition de O. Pavye] ; et a notoirement ouy dire que lesditz Sr evesque et eclésiasticques n'ont jouy que de bien peu de leur revenu qu'il ne peuvent faire pandant lesditz troubles, si on descharge desditz gens de guerre, non plus que les seigneurs gentilzhommes et aultres de l'évesché, a raison que audict évesché de Tréguier y a quinze garnisons d'un et aultre party, oultre que l'armée anglaise y est pieza lougée.... esloigne 8 mois sont [Note : .... Oultre lesquelles, l'armée angloise ne se contentant de vivre aux cantons de Lanvollon et de Pempoul, a esté par quelque temps à Pontrieu et aux parouesses circonvoisines, comme Ploesal, Plouec, Pleudaniel Tredarzec et Pleurguenon. Déposition de P. Jagu. — En oultre deux regimentz français, de l'un desquelz est chef le Sr de Romnegou, qui sont en ladite ville de Landtrequer ; en oultre l'armée anglaise a en diverses foys faict logement à Pontrieu et à La Rochederrien. Déposition de J. Le Goualès]. Auxy dépose ce parlant que ledit Sr évesque et messire Jehan du Halegoet son cousin l'un desditz chanoines par aultrement bien affectionnez au service de sadite majesté, et menacés particulièrement par lesditz ennemis, furent contraintz lors du prerain et grand ravage dudit Lantreguier au mois de novembre 1589, se mettre sur mer, abandonnantz et laissantz ausditz ennemis toutz leurs biens, lettres et meubles, se randre a Grandville pais de Normandie, où ilz se tindrent refugiéz par le tems de saeze mois, et despuis au chasteau de Toncquedec et en ceste ville de Guingamp depuis qu'elle est en l'obéissance du roy, où ilz sont encores : et a ledit parlant notoirement apprins et entendu que lors d'icelluy ravaige et première prinse dudit Lantreguier, les bleds, biens, meubles, lettres et provisions dudit Sr évesque, chanoines et eclésiastiques dudit Lantreguier furent prins, ravagés et pillés par lesditz ennemis, scavoir par ceulx de Guingamp et Bréhat, toutz tenant le party du duc de Mercœur, et par les paisans du plat pais, que iceulx ennemis firent eslever contre le service du roy, lesquelz gens de guerre et paisanz firent un grand ravaige en ladite ville de Lantreguier, ny laissants nulle espèce de meubles, et emportèrent mesme les boissaiges [Note : Les habitantz esperoint se conserver par le moien de deffunct le Sr de Chasteauneuf, lequel s'estoit au mois d'octobre (1589) retiré en garnison en ladite ville, avecques ses troupes et nombre de gentilzhommes desquelz estoit ce deposant : mais voyant ledit Sr que le duc de Mercoeur avecques son armée avait assiégé Quintin, et que les gentilzhommes et aultres rebelles de cestuy évesché tenantz son party avoint séduit et esmeu le commun peuple dudit évesché, et particulièrement des prouchaines parrouesses dudit Lantreguer, à prendre les armes pour eulz, aussi qu'il n'avoit forces bastantes pour résister, il fut contrainct se retirer par mer, et alla ce thesmoing avec luy, tellement que lesditz, rebelles et paisans prindrent la ville. Déposition de Oliv. Pavye. — Et allèrent jusques à lever des pierres tombales des mortz, pour cercher des caches, quel ravage dura plus de quattre jours. Déposition de P. Jagu. — Et furent le grand vicaire dudit Sr évesque, feuz Kerleau de Langoat, chanoine et nombre d'aultres prins prisonniers et contrainctz de paier ranczon, et partye renduz en ceste ville de Guingamp, qui lors tenoit pour lesdictz ennemys.... dict davantaigne qu'au mois d'aoust 1590, les ennemys qui estoint en garnison audit Guingamp, entrèrent audit Lantreguer où ils firent un second ravaige ... comme auxy au mois de may 1591, les genz de guerre qui estoint en garnison à Corlay, place ennemy de Sa Majesté, firent aultres ravaiges .... et d'avantaige au mois d'aoust 1592, partie de l'armée espaignolle fist descente par mer. Déposition de P. Jagu] ; et a auxy entendu que incontinent après le premier ravaige les commissaires dudict duc de Mercoeur saisirent de leur authorité et a l'instigation et menée dudit scolastique, les fruits dudit evesché, instituèrent et establirent officiers et commissaires qui jouirent tant desdits offices que fruictz dudit évesché par un long-temps, et encores aprésant ledit scolastique, soubz prétexte qu'il du testre donataire desdits fruictz, a jouy et disposé, jouit et dispose de partie du revenu dudit sieur évesque, scavoir de ce qui est en la parouesse de Plestin près Mourlaix, place ennemye en laquelle ledit scolastique s'est tenu pendant les troubles, lequel revenu, le poulant a ouy estre réputé le tiers du gros et revenu dudit évesché ; pareillement dépose ce parlant cognoistre plusieurs gentilshommes et aultres vassaux dudit Sr évesque, demeurants avant ces troubles, au voisine et en la juridiction des regalles dudit Tréguier, lesquelx se sont retirés vers le commencement desdits troubles aux places et villes rebelles, et, y sont encore tenants le party desditz ennemys, et par le moyen n'a peu ledit Sr évesque estre payé de cheffrantes luy deubves par lesditz gentilzhommes et aultres ses vassaux. Et a auxy entendu que les cheffrantes dudit évesché, nommées les cheffrantes de la table de Janvier, font et valent un aultre tiers du revenu d'icelluy évesché, et scavoir ce que dessus pour estre chose commune et notaire et avoir souvent hanté depuis et avant lesditz troubles ladite ville et eclésiasticques. Et a affirmé son record estre véritable qu'il a signé en la cédulle ».

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