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LA PROCESSION DE GUINGAMP

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La procession de nuit, à laquelle le Pardon de Guingamp doit sa célébrité, et que nous allons essayer de décrire dans ce chapitre, a lieu le samedi qui précède le premier dimanche de juillet. Cette date ne laisse pas que de sembler un peu bizarre, puisqu'il arrive parfois que le Pardon a lieu avant le 2 juillet, jour de la Visitation de Notre-Dame, fête patronale.

Procession de Guingamp (Bretagne).

Mais je n'ai point à discuter pareilles matières : cela est ainsi. Donc le samedi avant le premier dimanche de juillet, quand va tomber la nuit, les pèlerins de Notre-Dame remplissent les rues de la cité bretonne, et parsèment les groupes de la pittoresque variété de tous les costumes armoricains le Léonard se croise avec le Vannetais, le Cornouaillais heurte le Trécorois.

Les gars de Vannes et de Cornouailles sont venus les derniers : le trajet est plus long, et les gros sabots n'ont pas été laissés en prenant le bâton du voyage. Quand les Morbihannais ont aperçu, des hauteurs, la flèche élancée, but du pèlerinage, fin des fatigues, les femmes se sont signées, les hommes ont découvert leur front grave et bruni.

Ceux qui sont arrivés du matin ont amplement satisfait leur dévotion.

Au porche, où l'on voit la statue vénérée, couverte d'une brillante robe de soie, brodée d'argent, ils ont allumé des cierges bénits. Les jeunes filles ont offert leurs splendides chevelures, sacrifice naïf, d'autres ont fait le tour de l'église même à genoux nus sur la dalle ; d'autres embrassent respectueusement la face cuivrée de saint Pie V ; d'autres demandent aux vieilles orgues de leur redire les sones et les guerz des montagnes ; d'autres se suspendent à la corde qui va ébranler dans les airs la magnifique sonnerie, dont les échos des nefs se fatiguent à répéter les incessantes volées. Partout il y a foule, il y a bruit ; mais partout aussi il y a foi, il y a prière, il y a bonheur.

Il paraît que, dans leur piété naïve, nos mères faisaient souvent hommage de leurs coiffures à Notre-Dame ; car, dans les ventes des oblations du Pardon, on trouve toujours mentionné un certain nombre de  coiffes de tous les cantons de Bretagne. Mais la Madone recevait aussi de plus riches offrandes : les inventaires annotent des quantités innombrables de bagues, de croix, de médaillons d'or et d'argent ; des reliquaires d'argent et de vermeil ; « un petit portraict d'enffant » en argent ; « un petit portail aussi d'argent ; » six lampes, une grande couronne, un sceptre et trois autres couronnes, et, enfin, « l'image d'argent du veu de la Vierge, » qui figurait Notre–Dame « avec la représentation de la ville à ses pieds » (Archives de Notre-Dame).

Tout cela a été fondu dans le creuset révolutionnaire : le trésor moderne de Notre-Dame montrera avec orgueil les magnifiques couronnes d'or offertes par le Révérendissime Chapitre du Vatican.

Nos vieux inventaires nous apprennent aussi que l'on ne comptait pas moins de douze habits complets de la statue, et douze devants d'autel à l'avenant, où étincelaient l'or, l'argent et les pierreries ; mais , ici encore, le passé peut exciter nos regrets, et non pas notre envie, puisque nous possédons, touchant hommage de l'exil, la splendide robe nuptiale de la pieuse épouse du fils de nos rois, Madame la Comtesse de Chambord.

En sortant de l'église, les pèlerins se sont dirigés vers la fontaine, gracieux et fantastique monument au sommet duquel la Vierge chaste et belle, foule aux pieds tous les symboles impurs du paganisme qu'elle a vaincu. L'eau, consacrée par la présence de la bénigne statue, rafraîchit le front et les membres poudreux et fatigués des voyageurs de la foi.

Les tentes sous lesquelles s'étalent les mille boutiques de la foire, sont proches de la fontaine : le Bas-Breton ne s'arrête qu'à celles où il trouvera les beaux miroirs d'étain qu'il rapportera à sa femme, les chapelets qu'il rapportera à sa mère, les petits couteaux qu'il destine à ses enfants. Il grossit rarement la foule des badauds qu'attire la bruyante parade des saltimbanques ; mais il écoute pieusement, pour la centième fois peut-être, les légendes et les complaintes que psalmodient sur un air monotone, toujours en mode mineur, des mendiants aveugles et grimaçants.

Dans les faubourgs se tendent des toiles, bivouacs pittoresques où se prolongent de vastes tables auxquelles s'asseyent à l'aise plusieurs centaines de convives. On leur sert de petits poissons rôtis en plein air ; du cidre puisé sans cesse à des tonnes qui semblent intarissables.

Procession de Guingamp (Bretagne).

Cependant, la nuit n'est pas tout-à-fait close : un son retentit sous les arbres de la promenade, c'est le biniou armoricain ; les jambes de vingt ans oublient qu'elles sont chargées de vingt lieues, et la ronde prolonge ses capricieuses spirales. Les bourgeois contemplent et admirent : alors, l'émulation s'éveille, vingt danses différentes se disputent l'attention des spectateurs ; chaque canton multiplie ses efforts ; la montagne et la plaine, grave ou folle, luttent de grâce et d'entrain. Qu'importe la fatigue ! l’honneur du pays est là.

Mais la cloche a sonné un dernier appel : la nuit tombe ; il est neuf heures ; la procession va sortir de l'église.

Jamais, de mémoire d'homme, l'inclémence du temps n'a empêché la procession de sortir : si le matin a été un déluge, le soir laisse toujours briller ses étoiles.

On sort : la ville est illuminée ; la musique fait entendre ses fanfares. Des jeunes filles, vêtues de blanc, ouvrent la marche ; puis viennent les pèlerins, sur deux files infinies ; chacun a en main son cierge allumé, gigantesque ou microscopique ; torche pour le riche, chandelle d'un sou pour le pauvre : Dieu sait lequel a pour le ciel l'éclat le plus aimé. Enfin, paraissent les bannières, les saintes reliques, les statues vénérées. De grands jeunes hommes, aux longs cheveux, ont revêtu la robe blanche du lévite, et leurs robustes épaules se redressent fièrement sous le fardeau sacré : c'est un honneur à nul autre pareil.

Procession de Guingamp (Bretagne).

Trois immenses tas de fascines sont préparés au centre de la ville : le clergé y met successivement le feu. Alors, c'est un féerique spectacle : les maisons illuminées scintillent ; les cierges des pèlerins oscillent et émaillent les mâles figures armoricaines de bizarres et grandioses reflets ; les trois brasiers pétillent, la fumée se dissipe, et une flamme immense monte et serpente le long du mât qui porte aux nues l'écusson de Marie ; la fontaine, surmontée de la sainte image couronnée de fleurs, jette au ciel ses gerbes d'eau devenues des gerbes de diamants. Pas une place vide : dix mille voix répètent le pieux Ora pro nobis ; les lumières de la terre rendent plus profond l'azur des cieux, où pénètrent à la fois les mille accents d'une prière universelle : la foi bretonne apparaît là dans toute son ardeur, avec toute sa poésie.

Quelques heures plus tard, quand vous parcourez les rues, ordinairement si paisibles, de la cité ducale, vous entendez, à d'égaux intervalles, le pieux refrain des cantiques de Michel Le Nobletz et du Père Maunoir : les pèlerins attendent, en chantant, le lever de l'aurore, couchés sur les marches du Portail, ou bien assis en cercle autour des cendres des feux de joie. La ville ne peut, ce soir-là, loger tous ses hôtes ; mais le ciel d'été réserve ses tiédeurs bienfaisantes aux voyageurs lassés, et Notre-Dame leur ouvre, pour la prière du soir, la prière pénétrante de la solitude et du cloître, ses nefs et ses chapelles.

Procession de Guingamp (Bretagne).

Lorsque le jour va poindre, un prêtre vient célébrer une messe de l'aurore, où les pèlerins reçoivent, pour la plupart, le viatique du ciel ; puis, leur pieuse cohorte se disperse, et retourne porter aux chaumières les émouvants souvenirs du patriotisme et de la foi.

Le lendemain matin, quand la ville se réveille, elle ne retrouve plus ses fidèles aux longs cheveux, aux bragou–bras de riche étoffe ou de toile grossière ; ses étrangères au spencer brodé, aux coiffes de laine ou de dentelle. Les rues ne retentissent plus du bruit des pen-bas et des sabots ferrés : les pèlerins ont regagné la grève et la montagne ; mais l'air est encore tout rempli d'un parfum délicieux de religion et de poésie (S. Ropartz).

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