|
Bienvenue ! |
LE PARDON DE GUINGAMP |
Retour page d'accueil Retour Ville de Guingamp
Gwengamp zo el levenez, o sonjal er Werc'hez ;
Chetu devez ar
Pardoun, devez he fatrounez.
Guingamp est tout en joie, occupé de la Ste Vierge ; (Cantique du Pardon de Guingamp). Quoique privé de la majeure partie de sa vieille couronne murale,
Guingamp n'en demeure pas moins une des villes les plus intéressantes de la
Bretagne. « En elle, on salue la reine ou tout au moins la suzeraine de cette
longue vallée, si fraîche, si verte et si plantureuse, que fécondent les eaux
limpides du Trieux. C'est dans ces eaux que Guingamp mire les débris encore
puissants de son château et de ses gothiques remparts, au-dessus desquels se
dressent fièrement les trois tours de son église, annonçant à tout Breton, à
tout chrétien, le sanctuaire vénéré de Notre-Dame de Bon-Secours, l'un des plus
fameux pèlerinages de toute la Bretagne » (M. de la Borderie, Bulletin de l'Association
Bretonne, classe d'Archéologie, 1875, p. 55). Le pardon de Guingamp, dont la
plus ancienne mention se trouve dans un compte de 1457, emprunte sinon son
origine, au moins sa splendeur à une pieuse association connue longtemps sous le
nom de Frérie Blanche. Il est impossible de redire l'histoire de cette
confrérie, mais il est facile d'en exposer la patriotique et chrétienne
intention. « Sa devise, écrite en lettres d'or sur sa blanche bannière, étalait
aux regards la traduction bretonne d'un texte divin (Funiculus triplex difficile rumpitur) : Fun Trineud a vec'h
ez torrer ; un triple câble n'est pas facile à rompre. Ce triple câble, c'était
l'emblème des trois Ordres, le clergé, la noblesse et le peuple, dont l'union
fraternelle faisait seule la force de cette chère et héroïque Bretagne, que le
fer étranger trouvait impénétrable comme son granit. Le fondateur inconnu de la
Frérie Blanche voulait que les membres de chacun des Ordres vissent, dans les
membres des deux autres, non seulement des compatriotes, mais des frères :
c'était la plus haute inspiration du patriotisme fécondé par la religion »
(S. Ropartz, Guingamp, I, 3). Les membres de la Frérie Blanche se réunissaient dans la belle église de
Notre-Dame qui fut primitivement la chapelle du château de Guingamp. Le pape
Paul V leur accorda, en 1619, une indulgence plénière pour la fête de la
Visitation. Dès cette époque ou honorait à Guingamp une madone connue sous le
nom de Notre-Dame du Bon-Secours, placée sous un porche de l'église, au pied de
la tour de l'horloge, au nord. La Frérie Blanche
n'existe plus, mais elle est remplacée par la confrérie de Notre-Dame de
Bon-Secours à laquelle la piété de Pie IX a départi de nombreuses faveurs. La
statue vénérée de la madone a survécu en partie au vandalisme impie de la
Révolution ; le 8 septembre 1857, Monseigneur l'Evêque de St-Brieuc, assisté de
quatre autres prélats, a posé solennellement sur le front de Notre-Dame de
Bon-Secours la couronne d'or décernée par le Chapitre du Vatican aux statues de
la Vierge illustrées par leur antiquité, leur popularité et leurs miracles ; la
madone a repris sa place sous le porche splendide de l'église de Guingamp et
chaque jour des centaines de chrétiens s'agenouillent à ses pieds. Le Pardon de
Guingamp n'a pas toujours lieu le jour même de la Visitation, mais bien le
samedi précédant le premier dimanche de juillet. Dans la nuit du vendredi au
samedi arrivent les pèlerins, ceux surtout qui viennent de loin et à pied. On a
peine à se figurer ce que la foi fait faire à ces chrétiens de la vieille
Armorique : On nous montra, le 2 juillet dernier, une pieuse femme d'une
paroisse distante d'environ cinq lieues de Guingamp, qui avait fait vœu de venir
à genoux au pardon ; elle avait — chose incroyable — accompli son vœu, et elle
avait mis quatre longues journées à se traîner de sa demeure au sanctuaire de
Notre-Dame ! Mais il faut bien avouer aussi qu'un grand nombre de pèlerins
viennent plus commodément en chemin de fer ; ces derniers n'arrivent que dans la
journée du samedi, et comme leur séjour à Guingamp est moins long qu'autrefois,
les danses bretonnes — qui leur servaient de délassement alors qu'ils avaient
une journée entière à passer dans la ville, — ont presqu'entièrement disparu. Le
jour même du pardon se tient une grande foire à Guingamp ; aussi dès l'aurore,
et avant l'ouverture de cette foire, voyons-nous plusieurs femmes faire, pieds
nus, le tour extérieur de l'église Notre-Dame. Puis peu à peu surviennent
d'autres pèlerins, les uns de la Cornouaille et du Goëllo, les autres du pays
Vannetais ; ceux-ci toujours remarqués, les hommes de Guémené, à cause de leur
bel habit blanc brodé, les femmes de Pontivy à cause de leur justin découpé et
de leur singulier bonnet de velours noir doublé de drap rouge. Chaque groupe se
rend tout d'abord à l'église et fait sonner, moyennant une offrande, les cloches
de Notre-Dame. Naguères ils se donnaient même la satisfaction de faire
l'organiste de l'église leur jouer un petit air de bienvenue ; maintenant, malgré
leurs instances et leurs offres, les orgues restent muettes, et en voici la
raison : le pardon de Guingamp est essentiellement pieux ; pendant toute la
journée du samedi des confesseurs, français et bretons parlant les quatre
dialectes de Basse-Bretagne, se tiennent à la disposition des pèlerins ; et nous
ne répétons point une banalité en affirmant que les confessionnaux de Notre-Dame
sont alors assiégés tout le temps ; or, vous comprenez facilement que
confesseur et pénitent trouvent suffisant le vacarme produit par le son
continu des cloches et se passent volontiers des mélodies de l'organiste,
fussent-elles les plus agréables du monde. Il y a toujours office solennel ce
jour-là : Grand'Messe avec Sermon, puis Vêpres solennelles. Dès le matin même le
collège de Guingamp s'était réuni à Notre-Dame pour la messe de 7 heures. A midi
grand banquet à la cure où M. le Doyen de Guingamp reçoit avec la plus exquise
politesse non seulement les prêtres de la ville et des environs mais encore
l'élite de ses paroissiens, depuis les magistrats de la cité jusqu'aux officiers
de la garnison ; c'est la continuation du diner traditionnel de la Frérie
Blanche le jour du pardon, seulement en 1690 on ne comptait que trente convives
et nous étions bien cinquante à table en 1887. L'après-midi nous retournons à
l'église : la décoration est simple mais de bon goût : des banderolles aux armes
du Pape, de l'Evêque, des villes de Guingamp et de Saint-Brieuc flottent
partout, alternant avec les hermines du duché de Bretagne et les représentations
de la Sainte Vierge et de divers Saints ; au haut de la principale nef se
dressent les statues de la Bienheureuse Françoise d'Amboise qui fut en son
vivant comtesse de Guingamp, de saint Yves et de saint Vincent Ferrier qui
évangélisèrent celte ville. Mais ce qu'il faut surtout remarquer c'est le
porche sacré qu'envahissent les pèlerins [Note : Il y a plusieurs beaux porches dans l'église de Guingamp, édifice un peu
disparate mais qui contient de fort jolies parties et dont l'ensemble constitue
un véritable monument que nous regrettons bien de ne pouvoir décrire. Nous
exprimons le même regret relativement à la fontaine de Notre-Dame qui est bien,
avec ses vasques superposées et ses statuettes, un des plus gracieux spécimens
de l'art de la renaissance en Bretagne] ; agenouillés aux pieds de
Notre-Dame ceux-ci prient avec la plus grande ferveur, entassant les cierges
allumés devant elle et lui présentant leur offrande ; ils sont admirables dans
leur pieuse simplicité et regardent avec amour la madone revêtue de ses plus
riches atours, entourée des douze apôtres et portant sa couronne d'or. Les
pèlerins de Guingamp se croient vraiment chez eux quand ils sont en l'église
Notre-Dame : ce sont des enfants venus voir leur mère et se laissant aller à
l'abandon de toute la piété filiale. Quand arrive le soir, en attendant la
grande procession qui ne doit sortir qu'à la chute du jour, ces braves gens
stationnent volontiers dans l'église et s'y placent le moins mal possible : les
uns remplissent le chœur, assis commodément dans les stalles, ou accroupis sur
le pavé lorsqu'il ne leur reste plus de dégrés d'autel à occuper ; les autres
s'emparent des chaises, des bancs et de tous les meubles pouvant servir de
sièges ; les plus fatigués se couchent derrière les autels, et s'y endorment si
profondément que personne ne songe à les en chasser ; beaucoup d'entre eux ont si longuement
cheminé qu'ils méritent bien quelques égards. Mais 9 heures viennent à sonner,
tout le monde se relève alors pour prendre part à la procession ; tous allument
le cierge dont ils se sont munis d'avance et c'est alors un spectacle bien
curieux que cette foule de huit à dix mille personnes, chacune ayant en main son
cierge allumé, gigantesque ou microscopique, torche pour le riche, chandelle
d'un sou pour le pauvre. Comment aligner cette multitude et exiger un peu
d'ordre dans une procession dont la mise en marche ne dure pas moins d'une
heure ? Le moyen est très simple : on laisse les pèlerins se masser dans la rue
Notre-Dame, puis tout à coup on les fait passer par une ruelle où quatre
personnes peuvent à peine marcher de front et voilà tout le peuple mis en rang.
Au milieu des pèlerins se trouvent une foule de statues, de reliquaires et de
bannières que précède la musique du collège faisant entendre ses fanfares et que
suivent les tambours et clairons de la compagnie des sapeurs-pompiers. Voici la
riche bannière de Notre-Dame de Bon-Secours aux armes de Guingamp, celle de
Françoise d'Amboise la bienheureuse duchesse de Bretagne, et une foule d'autres
drapeaux : puis la statue de saint Sébastien portée par des hommes ; le corps de
saint Vincent, martyr, extrait des catacombes, placé sur les épaules de
vigoureux jeûnes gens revêtus de dalmatiques ; plusieurs autres reliques
occupant de nombreux brancards, chaque groupe entouré de torches. Les marins
bretons ne font pas défaut à cette belle manifestation : ils sont là en grand
nombre, hommes faits et jeunes gens, tous vêtus de pantalons et chemises de
couleur blanche avec large ceinture rouge et grand collet bleu ; ils portent sur
leurs robustes épaules de beaux navires pavoisés, ou tiennent en main de longues
rames. Vient enfin la statue de Notre-Dame de Bon-Secours, revêtue d'un riche
manteau brodé d'or et la couronne en tête ; c'est un fac-similé de la Madone du
Porche qui ne quitte point son autel ; cette statue est également portée par six
hommes, pieusement fiers de leur fardeau sacré, car c'est un honneur à nul
autre pareil. Suit le clergé accompagnant M. l'abbé Le Provost, vicaire-général
de St-Brieuc, spécialement délégué par Mgr l'Evêque pour présider le pardon en
l'absence de Sa Grandeur retenue par la maladie loin de son diocèse. Enfin un
assez grand nombre d'hommes qui n'ont pas cru devoir se munir d'un cierge allumé
terminent la procession, en suivant religieusement. Tout Guingamp est illuminé,
car tout le monde prend part à la fête ; de même qu'on voit dans les rangs de la
procession des députés et des soldats portant bravement, un cierge à la main, de
même aussi Hôtel-de-Ville et Tribunal ont allumé des lampions en l'honneur de
Marie ; il est, au reste, sur tout le parcours qui est fort long, bien peu de
maisons restées dans l'obscurité, et parmi les décorations il s'en trouve de
fort jolies ; tels sont les transparents de la maison des Filles de la Sagesse
occupant une partie de l'ancien château de Guingamp ; aussi ces
pieuses filles ont-elles représenté la Bienheureuse Françoise d'Amboise sur les
murailles de son ancienne demeure ; ailleurs ce sont des inscriptions faites en
lumières, des feux de Bengale, des festons et des étoiles ; à toules les fenêtres
des fleurs et des lampions. La
procession s'arrête sur la place triangulaire de
la Fontaine, au centre de la ville. Trois immenses tas de fascines y sont
préparés, un à chaque angle, rappelant par leur nombre l'antique devise de la
Frérie Blanche ; le clergé y met successivement le feu. « Alors c'est un féérique
spectacle : les maisons illuminées scintillent ; les cierges des pèlerins
oscillent et émaillent les mâles figures armoricaines de bizarres et grandioses
reflets ; les trois brasiers pétillent, la fumée se dissipe, et une flamme
immense monte et serpente le long du mât qui porte aux nues l'écusson de Marie ;
la fontaine, surmontée de la sainte image couronnée de fleurs, jette au ciel ses
gerbes d'eau devenues des gerbes de diamants. Pas une place vide : dix mille
voix répètent le pieux Ora pro nobis ; les lumières de la terre rendent plus
profond l'azur des cieux, où pénètrent à la fois les mille accents d'une prière
universelle : la foi bretonne apparaît là dans toute son ardeur, avec toute sa
poésie » (Ropartz, Guingamp, I, 12). La
procession entonne le Te Deum et rentre à l'église illuminée
elle-même avec splendeur ; on y donne la Bénédiction du Saint-Sacrement, puis un
prédicateur breton entretient les fidèles dans la belle langue des Celtes et
leur fait répéter ce doux refrain du pays : Itron Wir-Zikour a Wengam Notre-Dame
de Bon-Secours de Guingamp, (Lescour, la Harpe de Guingamp, II). Enfin à
minuit se dit la messe solennelle des pèlerins et un très grand nombre y
reçoivent la Sainte Eucharistie. Puis la pieuse cohorte se disperse et retourne
porter aux chaumières d'Armorique les émouvants souvenirs de cette fête
magnifique. Toutefois le pardon de Guingamp continue pendant huit jours ; chaque
paroisse des environs y vient alors processionnellement chanter, à tour de rôle
chaque jour de la semaine, une grand'-messe en l'honneur de Notre-Dame. La
première est celle de Grâces qui arrive le dimanche même ; sa procession est fort
belle avec ses grands drapeaux aux armes de Bretagne et de
Châtillon, son reliquaire de Charles de Blois renfermant les ossements de
ce pieux compétiteur de la couronne de Bretagne, et porté par les pères de
famille, son chef de saint Boniface soutenu par les jeunes hommes, et sa statue
vénérée de Notre-Dame de Grâces reposant sur les épaules des jeunes filles. Touchante
confraternité entre les deux églises de Guingamp et de Grâces :
celle-ci vient chanter sa messe dominicale à Guingamp à l'époque du pardon de
Bon-Secours, et Guingamp va processionnellement chanter ses vêpres à Grâces le
dimanche suivant l'Assomption, fête du pardon de Grâces. Vraiment en cette bonne
et jolie ville de Guingamp, au commencement de juillet, l'air tout entier est
imprégné d'un parfum délicieux de religion et de poésie ! (abbé Guillotin de Corson).
C'est
le jour du Pardon, la fête de sa patronne.
D'ar
vretoned c'houi a zo Mamm ;
C'houi a zo Mamm d'ar vretoned,
Pedit Jezuz vid-omp bepred.
Vous êtes la Mère des Bretons ;
Vous êtes la Mère des Bretons,
Priez toujours Jésus pour nous
© Copyright - Tous droits réservés.