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CAHIER DE DOLÉANCES DE LA MUNICIPALITÉ DE GUINGAMP

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Ce jour trois avril mil sept cent quatre-vingt-neuf, à trois heures de l'après-midi ;

Messieurs les officiers municipaux et les députés des différentes classes de citoyens de Guingamp, s'étant réunis en l'hôtel de ville, suivant la réservation portée à la clôture du procès-verbal de la séance du trente-un mars dernier ;

Lecture, examen et discussion ayant été faits de différents articles de doléances, réclamations et charges rédigés par MM. les six commissaires nommés dans la séance du trente-un mars, ils ont été agréés dans la forme suivante, et MM. les six députés électeurs sont chargés de remettre le cahier de demandes à l'assemblée des électeurs à Rennes. Qu'on veuille bien prendre chaque article en considération et les faire employer au cahier général de la sénéchaussée.

ARTICLE PREMIER. — Réformation des Codes civil et criminel. — Beaucoup de contradiction dans l'ordonnance de 1667 ; elle est une source de procédures inutiles et condamnées par les règlements de 1721, 1728 et 1729. A l'égard de la procédure criminelle, elle a aussi beaucoup d'abus ; M. l'abbé de Fleury en a fait la critique en peu de mots : « Réformez, dit-il notre procédure, tirée de celle de l'Inquisition; elle tend plus à découvrir et punir les coupables qu'à justifier les innocents ».

[Note : Ce passage est emprunté, en effet, à un écrit posthume de l'abbé Claude FLEURY (1640-1723), l'auteur de l'Histoire ecclésiastique. On le trouvera dans l'Avis à Louis, duc de Bourgogne, ap. pièces diverses concernant le droit public, p. 146, publiées en tête du tome I du Droit public de France, éd. Bateson, Paris, 1769, 2 vol. in-12].

ART. 2. — Suppression des justices seigneuriales. — Des abus sans nombre la réclament ; il y a jusqu'à six degrés de juridictions en Bretagne ; la justice s'exerce dans les bourgs ; les juges, greffiers et procureurs fiscaux et procureurs particuliers sont dispersés çà et là, de sorte que, pour faire un comparant de mainlevée ou autre, il faut faire quelquefois vingt lieues ; indécence scandaleuse dans les audiences, qui se tiennent dans les cabarets, des greniers et des cabanes ; des officiers ignorants ; des pillages, des vexations de toutes espèces. La multitude effrénée des notaires, la plupart ignares et sans conduite, est encore un abus dans les campagnes, en ce que les mauvaises rédactions occasionnent des foules de procès ; il serait à désirer qu'il n'y eût que des notaires royaux, qui eussent travaillé pendant dix ans chez des notaires, bien examinés avant d'être reçus, et placés de distance en distance dans les campagnes. Que tous les tribunaux de l'attribution, même les officialités, soient supprimés, également que les justices seigneuriales qui ne ressortissent pas nûment au Parlement. Que tout juge soit, dans son territoire, compétent pour toutes matières, et qu'il n'y ait que deux degrés de juridictions. Que les procédures criminelles soient publiques, et qu'on donne des conseils et défenseurs aux accusés.

[Note : Cet article doit être rapproché de l'art. 27 du cahier de la ville de Lamballe, et du rapport du subdélégué de Lamballe sur les juridictions seigneuriales de son département. Rappelons seulement ici qu'a Lamballe et à Guingamp siégeaient les deux sénéchaussées du duché de Penthièvre, lesquelles ressortissaient nuement du Parlement, sans passer par l'intermédiaire du Présidial. —Au mois de mars 1740, le juge prévôt de Guingamp et son procureur fiscal se plaignirent de ce que les juges de la juridiction de Saint-Michel, inférieure de celle de Guingamp, se fussent permis d'exercer la police dans le faubourg Saint-Michel, où assuraient-ils, elle avait toujours été réservée au procureur fiscal de la prévôté ducale ; le Conseil du duc de Penthièvre maintint, par une décision du 22 avril, les pouvoirs des officiers de police de la ville sur le faubourg (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1183). — On trouvera dans S. ROPARTZ, Guingamp. Etudes pour servir à l'histoire du Tiers Etat en Bretagne, 2e éd., t. I (Saint-Brieuc et Paris, 1859, in-8°), pp. 288-292, la longue liste des juridictions ressortissant à la sénéchaussée ducale de Guingamp].

ART. 3. — Suppression de l'usement de quevaise. — Le plus jeune des enfants succède seul à la tenue, injustice criante en ce que la nature appelle tous les enfants à une égale portion de l'hérédité ; les aînés sont pauvres ; l'agriculture en souffre ; il y a surtout beaucoup de landes incultes sous cet usement, et il serait avantageux de le convertir en féage ou en cens roturier.

[Note : L'usement de quevaise ne s'exerçait que sur les terres d'un certain nombre de seigneuries ecclésiastiques (les abbayes du Relec et de Bégard, les commanderies de la Feuillée, de Pont-Melvez, de Maël et Louch, du Palacret), qui la plupart s'étendaient dans l'évêché de Tréguier et notamment dans quelques-unes des paroisses dont nous publions plus loin les cahiers. — L'un des traits caractéristiques de la quevaise, c'est que l'héritage de la retenue était assigné au plus jeune fils ou à la plus jeune fille, au juveigneur, à l'exclusion des aînés. Si le quevaisier mourait « sans hoirs de sou corps » vivant en communauté avec lui, la tenue tombait en deshérence au profit du seigneur. Si le juveigneur mourait sans enfants, « la tenue retournait en entier au seigneur, à l'exclusion de tous les collatéraux paternels ou maternels, sauf les veillours ou engrais que les collatéraux peuvent poursuivre dans deux ans ». Ce droit de deshérence mécontentait particulièrement les paysans soumis à la quevaise et donnait lieu à de fréquents procès ; voy, plus loin le cahier de Pont-Melvez. — Le quevaisier occupait-il à la fois deux tenues sans autorisation ; délaissait-il sa tenue pendant an an et un jour, — car il devait l'occuper en personne, l'entretenir et la cultiver, — le seigneur avait le droit de l'en déposséder. Il ne pouvait céder, vendre ou aliéner sa quevaise sans une autorisation expresse du seigneur, et, pour les mutations, celui-ci percevait le quart du prix de la vente. — De lourdes charges pesaient d'ailleurs sur les quevaisiers. Ils devaient la dime ou le champart à la 7ème gerbe, ce qui entraînait pour eux l'obligation « d'ensemencer et labourer chaque année le tiers des terres chaudes de leurs tenues ». Ils étaient astreints aussi à des corvées assez dures, nous lisons dans l'aveu d'Yves Kernivinen, du 7 octobre 1728, aveu qui d'ailleurs, comme la plupart des autres, reproduit les principaux articles de l'usement : « tous quevaisiers sont tenus aux corvées pour faner, charroyer et loger les foins, plus au saunéage et voiture du sel et aux charrois des vins, blés et bois pour la provision de ladite commanderie, semblablement aux charrois des matériaux nécessaires pour la réédification des églises, chapelles, chaussées et moulins de ladite commanderie » (Arch. des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, série H, Terrier du Palacret, fol. 3ème). On trouvera le texte de l'usement de quevaise dans SAUVAGEAU, Coutumes de Bretagne, éd. de 1737, t. I, 2ème fascicule, pp. 23-25, et Petite Coutume, éd. de 1734, pp. 421-422. — Depuis le XVème siècle, les quevaisiers n'ont cessé de protester contre l'usement et de demander la transformation des tenues quevaisières en féages. A plusieurs reprises, du moins sur les terres de l'abbaye du Relec, on tenta de réaliser cette conversion, mais sans y parvenir. Cependant quelques adoucissements furent apportés au régime de la quevaise, au moins dans deux seigneuries : les sujets de la commanderie de la Feuillée, dès le XVIIème siècle, obtinrent le droit de partager également leur tenue entre leurs enfants ; à Pont-Melvez, comme nous l'apprend le terrier de 1731, on a accodé aux quevaisiers la liberté de vendre leurs terres sans être tenus d'en demander l'autorisation. Mais l'usement a persisté presque intact jusqu'à la Révolution, suscitant de fréquents procès et parfois même de véritables révoltes. — Sur la quevaise, voy. les fonds de l'abbaye de Bégard, de l'abbaye du Relec, des commanderies de la Feuillée, du Palacret, de Maël et Louch. de Pont-Melvez (aux Arch. des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, série H), de la commanderie de la Feuillée et de l'abbaye du Relec (Arch. du Finistère, série H) ; H. SÉE, Les classes rurales en Bretagne..., pp. 10 et sqq. ; DU CHATELLIER, L'agriculture et Les classes agricoles de la Bretagne, pp. 25 et sqq. ; HARDOUIN, L'abolition de la quevaise au Rellec (Bull. de la Soc. archéologique du Finistère, 1885, t. XII, pp. 57 et sqq.). — L'usement de quevaise devait être purement et simplement aboli par la Révolution. Tout d'abord, le décret du 1er mars 1790 stipula que les quevaises seraient transformées en censives ; les quevaisiers furent donc, dès lors, considérés comme propriétaires du fonds, et c'est pourquoi, le 15 août 1791, l'administration départementale ordonna de suspendre l'aliénation des rentes quevaisières. La loi du 25 août 1790 supprima radicalement tous les droits relatifs aux tenures « en motte et en quevaise » (art. 4), tandis que la loi du 27 août de la même année maintenait encore les rentes convenancières, qu'elle transformait en rentes foncières toujours rachetables. Les quevaisiers devinrent donc propriétaires incommutables de leurs tenues, et le restèrent pour toujours ; la loi du 9 brumaire an VI (30 Octobre 1797), qui rétablissait le domaine congéable, resta muette sur la quevaise ; seul, le Directeur de l'Enregistrement, en l'an XI, fit une tentative pour obtenir le rétablissement de la quevaise ; mais le préfet Boullé répondit que les quevaises avaient été abolies sans indemnité, au même titre que les rentes seigneuriales. Les quevaises ne dépendant que de seigneuries ecclésiastiques qui disparurent pour toujours, personne ne s'intéressait au rétablissement de cet usement ; ainsi peut s'expliquer la différence de traitement entre la quevaise et le domaine congéable, dont la nature était cependant très analogue. Voy. Léon DUBREUIL, Une conséquence socialiste de la Loi du 25 natif 1791 (La Révolution française, décembre 1911, t. LXI, pp. 491-504)].

ART. 4. — Suppression des corvées féodales et des corvées des domaines congéables. — Les corvées féodales et domaniales sont une sujétion odieuse, qui font autant de serfs d'hommes nés libres, des corvoyeurs autant d'esclaves, ce qui s'oppose au progrès de l'agriculture.

ART. 5. — La liberté de jours et de moulins. — C'est encore une autre espèce de servitude, qui gêne l'homme et le commerce ; cette sujétion donne lieu à une foule de procès, soit pour les réclamations des meuniers, soit pour celles des mouteaux, procès qu'il est sans doute avantageux de prévenir.

[Note : La banalité du four existait à Guingamp, où il y avait, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, dix fours banaux, dont trois en ville et sept dans les faubourgs ; chacun de ces fours pouvait cuire 400 rations par jour, sauf un de ceux de la ville qui n'en pouvait cuire que 280. Seules, les maisons religieuses avaient des fours particuliers (Arch. Nat., F12 555). Quant aux moulins, Il y en avait trente-sept sur le cours de la rivière du Trieux, qui arrose Guingamp (EXPILLY, Dictionnaire de géographie, t. III, art. Guingamp) ; dans la ville et les faubourgs, il y en avait six, possédant chacun deux tournants ; cinq autres, également à deux tournants, se trouvaient à moins d'une demi-lieue à la ronde, et ces onze moulins pouvaient moudre 284 sacs en 24 heures (Arch. Nat., F12 555). Les deux moulins de Tanaff et de Toulquelennic appartenaient au duché de Penthièvre, qui, par un bail du 1er août 1738, les afferma pour neuf ans, avec leurs mouteaux, moyennant 3.800 l. par an (Arch des Côtes-du-Nord, E 1176 ; voy. Ibid., E 66 et 911, un état descriptif de ces moulins en 1741 et en 1757). Le prieuré de Saint-Sauveur possédait un four banal, situé entre l'église et la rue de Tréguier, et auquel les paroissiens de Saint-Sauveur étaient assujettis ; il possédait en outre le moulin de Saint-Sauveur, que devaient suivre les mêmes paroissiens, ainsi que les habitants du village de Kerrivoallan ; le tout était loué 500 l. en 1779 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série H, Fonds de l'abbaye de Saint-Melaine, liasses 24 et 25). Les religieuses de Notre-Dame de Charité, établies au faubourg de Montbareil pour la retraite des femmes et filles débauchées, avaient obtenu le 15 Janvier 1685 du duc de Vendôme, alors duc de Penthièvre, l'autorisation de bâtir dans leur enclos un moulin pour leur usage particulier ; elles n'avaient pas profité de cette autorisation, mais, le nombre de leurs pensionnaires augmentant, elles sollicitèrent du duc en 1707, puis en 1742 et en 1752, l'autorisation de faire construire le moulin en question, autorisation qui leur fut refusée, pour ne pas diminuer le revenu des moulins banaux du duché (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1180). — Dans les paroisses de Saint-Sauveur et de Saint-Michel-de-Plouisy se trouvait le moulin de la Tourette, dépendant de la terre du Rondourou [Note : terre du Roudourou ?] ; il fut affermé 350 l. par des baux de 1730 et de 1756 et 300 l. seulement par des baux de 1764, 1767, 1775 et 1784 ; à cette redevance en argent s'ajoutaient quatorze douzaines d'anguilles, estimées 9 l., livrables chaque année le mercredi des Cendres, et un boisseau de gruau, bon, loyal et bien moulu (Ibid., E 2736)].

ART. 6. — La suppression des péage et coutume à Guingamp. — Il avait été ordonné par un arrêt du Conseil, rendu il y a six ans, à tous les propriétaires de ces droits de conster de leurs titres sous deux ans ; Monseigneur le duc de Penthièvre, n'ayant pas encore rempli cette tache, ne peut donc plus prétendre ces droits à Guingamp. D'ailleurs, ils sont encore assujettis aux réparations des ponts et pavés sur lesquels ces droits sont perçus ; or Monseigneur le duc de Penthièvre ne répare à Guingamp ni pont ni pavé ; il ne peut donc pas conserver des droits de péage et de coutume, puisqu'il ne remplit pas les conditions sous lesquelles il doit les posséder.

[Note : Les droits de coutumes et péages étaient perçus à Guingamp par le duc de Penthièvre, en vertu d'une pancarte arrêtée le 28 février 1692 par Du Molinet commissaire de la réformation du duché. Sans entrer dans les détails du tarif fixé par cette pancarte (dont un exemplaire imprimé se trouve aux Archives des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, E 1176), rappelons seulement que ces droits se percevaient « sur toutes les marchandises qui s'exposent sous la halle de Guingamp et, au dehors d'icelle, sur le pavé de ladite ville, ses faubourgs et places publiques tant les jours de marché, au samedi de chaque semaine, que les jours des foires qui se tiennent pendant l'année, sur certaines marchandises exposées et vendues et sur autres exposées seulement et non vendues, et sur les marchandises qui passent chacun jour de la semaine par ladite ville et faubourgs d'icelle — et à la sortie d'icelle du côté de Rennes » ;  le 17 Janvier 1716, un arrêt du Parlement avait interdit l'extension de cette perception aux marchandises vendues dans les maisons et boutiques. A la suite de l'arrêt du Conseil du 10 novembre 1739, qui supprima les droits de péage sur les blés, les farines et les légumes verts, le public se refusa pendant quelques mois à acquitter tous droits de péages à Guingamp, et les fermiers réclamèrent une réduction de 500 l., sur le prix de leur bail ; les voituriers du tabac prétendirent obtenir l'exemption de ces droits en vertu d'un arrêt du Conseil du 11 juillet 1712 et du bail des fermes générales du 16 septembre 1738, mais nous ignorons le résultat de leurs réclamations (Ibid.). Ces droits furent affermés 700 l. en 1722, 820 l. en 1757 (bail passé, le 3 mai 1756, pour neuf années commençant le 1er janvier suivant), 660 l. en 1774-1783 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 2439 et 4857). Aucun droit n'était perçu sur le mesurage des grains (Ibid., 1571). D'autre part, « dans le faubourg de Saint-Michel et sur les banlieues conduisant aux routes de Brest et de Carhaix, M. le marquis de La Fayette, propriétaire de la seigneurie de Saint-Michel, fait aussi percevoir des droits de coutume et de péage les jours de foire de Saint-Michel, et, de plus, il afferme les boues sur les pavés desdites banlieues », ces boues ont été affermées 45 l. par bail du 23 mars 1781 (Ibid., C 4857). Il est de fait que ni le duc de Penthièvre ni le marquis de La Fayette n'assuraient l'entretien des ponts et pavés dans la banlieue de Guingamp ; cet entretien était payé par le budget de la ville (Voy. par ailleurs). — Le prieuré de Saint-Sauveur de Guingamp. dépendant de l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes, possédait un droit de coutume sur les bestiaux qui se vendaient aux foires de Saint-Léonard et de mai ; il percevait encore 2 d. sur chaque charge de poisson et « une dorée lorsqu'il s'en trouve trois par charge », ainsi qu'un droit sur le sel vendu au marché du samedi et une écuellée par charge de sel venant de Guérande : cette coutume, affermée 24 l. en 1692, était encore affermée pour le même prix en 1776 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série H. fonds de Saint-Melaine, liasses 24 et 25). Nous devons signaler ici le pont de Guillaou, situé à une lieue de Guingamp. entre Ploumagoar et Bourbriac, et à l'aide duquel la route de Corlay et Pontivy franchit le Trieux : en 1756. le duché de Penthiêvre possédait à cet endroit un péage qui était affermé 40 l. et qui produisait environ 160 l. au sous-fermier ; le pont avait alors besoin de réparations, que l'on réclamait déjà en 1749 et dont une partie seulement fut effectuée, à l'aide de corvées seigneuriales, qui durent être payées aux contribuables (Arch. des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, E 1206). En 1777, ce péage ne se percevait plus (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 2439). En effet, à la suite des plaintes dont nous venons de parler, les Etats de Bretagne procédèrent, le 17 février 1758, à la reconstruction du pont de Guillaou, dont l'entretien demeura désormais à la charge de la province, moyennant l'engagement pris par le duc de Penthièvre de n'y plus percevoir de péage (Voy., pour l'histoire de ce pont, les Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 2289 et 4764, et les Arch. des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor, E 1206)].

ART. 7. — Remboursement du droit de rachat. — Un propriétaire n'est pas plutôt mort que le procureur fiscal vient à grands frais demander aux héritiers le payement du rachat ; l'on a quelquefois vu les frais surpasser la valeur de l'objet sujet à rachat ; il serait donc avantageux de permettre aux vassaux de rembourser ce droit au denier trente-un, suivant l'article 249 de notre Coutume.

[Note : Le droit de rachat figure dans la plupart des aveux rendus au duché de Penthièvre. En 1730, le baron d'Avaugour voulut exiger des bourgeois et de la communauté de Guingamp qu'ils fournissent aveu pour les maisons, terres, etc., qu'ils possédaient sous la seigneurie d'Avaugour et qu'ils payassent pour ces biens les redevances féodales accoutumées ; les bourgeois protestèrent contre cette prétention, en déclarant que leurs tenues et convenants relevaient seulement du fief et juridiction des bourgeois de Guingamp, mais, en 1731, ils furent condamnés à rendre aveu et à payer les droits réclamés (Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F 134)].

ART. 8. — Franc-fief. — Le droit de franc-fief, le plus onéreux, le plus grevant pour les membres du Tiers Etat, ne se percevait anciennement que tous les quarante ans et était fixé à une année de revenu. Le fardeau s'est progressivement appesanti, tant parce que le droit se paye non seulement tous les vingt ans, mais même à chaque mutation, que parce qu'il se paye sans aucune distraction des charges réelles ou hypotécaires (voir note suivante), sans diminution des impositions royales, et qu'il est de plus grevé de huit sols pour livre, qui se perçoivent sur le droit même.

[Note : Par une décision du 22 septembre 1777, le Conseil d'Etat avait déclaré : « Le franc-fief étant une finance à laquelle les roturiers sont assujettis pour avoir la faculté de posséder des fiefs, même des rentes nobles et tous autres objets de même genre et qualité, cette finance doit nécessairement être payée par tout nouveau possesseur d'un héritage noble, sans distraction ni diminution de la rente dont le fonds est chargé, soit que cette rente soit foncière et rachetable la volonté du débiteur, soit qu'elle soit non rachetable, soit même qu'elle soit noble ; et le propriétaire de la rente noble est tenu lui-même d'en acquitter le franc-fief, s'il est roturier, sans que le paiement fait par le propriétaire du fonds chargé de rente puisse l'affranchir de l'obligation particulière qui lui est personnellement imposée ». Dans leur tenue de 1778, les Etats protestèrent contre cette décision, et ils décidèrent d'adresser au Roi, sur ce sujet, une Très humble représentation, dont ils avaient confié la rédaction à leur ancien avocat-conseil, Le Chapelier père. Ce mémoire (imprimé à Rennes chez Nicolas-Paul Vatar, 29 p. petit in-4°) envisage tous les aspects de la question, en droit et en fait. « Un exemple qui se répète dans toutes les contrées de la Bretagne, dit-il page 7 va peindre aux yeux de Votre Majesté les effets de cette accumulation destructive des cultivateurs, de ces hommes les plus précieux de vos Etats. L'un d'eux possède un fonds noble, du revenu de 1.000 l., et ne le possède qu'à la charge d'une rente foncière en grains, qui enlève chaque année la moitié de tout le produit de sa culture. Quel sera son paiement à l'ouverture du franc-fief ? Le voici dans le système du Fermier : 1° pour le droit principal, la totalité des fruits, montant à 1.000 l. ; 2° les 8 s. p. l. soit 400 l. ; 3° la rente foncière, qui absorbe la moitié de ces fruits, 500 l. : total, 1.900 l., et par conséquent 1.400 l. au-delà des 500 l. qui sont le seul revenu de ce cultivateur..., ». La Ferme générale répondit par un mémoire que nous n'avons pas retrouvé ; au nom des Etats, les députés en Cour répliquèrent de leur côté (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C 2731, p. 521-554). Le Parlement, par un arrêt du 26 mai 1780, joignit ses instances à celles des Etats ; ceux-ci, d'autre part, prirent fait et cause pour les contribuables poursuivis par la Ferme, notamment pour M. Beziel, avocat au Parlement, mais l'Intendant rejeta ses prétentions (décision du 3 Juillet 1785). L'affaire ne fut solutionnée qu'en 1786, et les Etats ne reçurent que très incomplètement satisfaction. Voici en effet ce que leur écrivit le Contrôleur général des finances, de Calonne, le 15 septembre 1786 : « ... Cette décision [de 1777] au fond est conforme au principe suivant lequel le franc-fief doit être acquitté sans distraction d'aucunes charges ni redevances. Cependant, ayant considéré que le droit de franc-fief, auquel les rentes nobles et infranchissables sont assujetties, forme un équivalent de celui dont le Roi serait privé en faisant la distraction de ces mêmes rentes sur le revenu des héritages qui en sont grevés, il m'a paru que les représentations des Etats sous ce point de vue pouvaient être prises en considération sans blesser les droits de Sa Majesté. En conséquence, sur le compte que j'ai rendu au Conseil de cette affaire, il a été décidé que le franc-fief ne sera perçu à l'avenir sur le revenu des fonds nobles possédés par les roturiers qu'à la déduction des rentes nobles, inféodées et non franchissables, sans qu'il puisse être fait aucune diminution des charges et redevances de toute autre nature, et que, dans tous les cas où les rentes nobles auront été déduites, les propriétaires de ces rentes seront tenus d'en payer le franc-fief, s'ils ne sont pas nobles ou privilégiés » (Ibid., C 3271 ; copie ibid., C 2732, p. 782). Sur toute cette affaire, voy., outre les dossiers déjà cités, les liasses C 3270 et C 4932. — La municipalité de Guingamp avait suivi avec intérêt les démarches des Etats et, dans sa séance du 12 novembre 1786, elle avait décidé de faire transcrire dans le registre de ses délibérations la lettre du Contrôleur général du 15 septembre précédent (Arch. commun. de Guingamp. BB 15, fol. 18 v° 20)]

Ce droit fut très anciennement institué au profit du souverain, auquel le noble, à raison de ses fiefs, devait le service militaire, dont il était privé par l'aliénation faite à un roturier ; mais aujourd'hui les nobles ne possèdent plus leurs fiefs à titre onéreux, les services militaires sont récompensés ; le même motif ne subsistant plus, la suppression des droits en faveur des propriétaires roturiers serait donc digne de la justice du monarque qui nous gouverne, si l'état des finances permettait au peuple de désirer quelques sacrifices. Mais, si la suppression totale de cette imposition désastreuse était impossible aujourd'hui, il serait toujours dans les principes d'équité de rendre l'imposition commune à tous les biens nobles, sans distinction des qualités des propriétaires, et alors de ne l'exiger, comme à la première époque de son établissement, que sur le pied de quarante années une seule année du revenu net ; l'Etat y gagnerait et chaque propriétaire serait allégé.

S'il importe à l'ordre du Tiers Etat en général que ses députés aux Etats généraux insistent sur cette recommandation, il est aussi important pour la communauté et les habitants de la ville de Guingamp de se plaindre et de demander justice sur la prétention, que les administrateurs des domaines ont hasardée il y a peu d'années, d'imposer au franc-fief les maisons de la ville et faubourgs de Guingamp ; ce droit n'avait pas encore été exigé ; il n'a jamais été acquitté ; il n'a été jusqu'ici fait aucune recherche sur la qualité noble ou roturière de ces maisons. Les propriétaires ne pouvaient vérifier cette qualité par la représentation d'aveux, puisqu'ils ont toujours joui de l'exemption d'en fournir ; la représentation de leurs premiers actes d'afféagement est, à raison de l'ancienneté de la ville, devenue impossible, suivant les premiers principes du droit et de la raison. Toutes les terres sont censées avoir conservé leurs qualités originelles de roture, à moins de preuve que, par la convention, on leur ait substitué la nobilité. Les députés du Tiers Etat voudront bien, par toutes ces considérations, demander qu'il plaise à Sa Majesté et à la Nation assemblée étendre le droit du franc-fief sur tous les héritages nobles, en quelques mains qu'ils soient, en fixer la perception de quarante ans à quarante ans, sur le revenu net seulement, et interdire toutes recherches de droit de franc-fief de la part des administrateurs des domaines à raison des maisons de la ville et des faubourgs de Guingamp, qui sont aux fiefs de la prévôté du duché de Penthièvre.

[Note : Nous n'avons pas trouvé d'autres indications sur la prétention de la Ferme générale d'assujettir les bourgeois de Guingamp au franc-fief. Mais il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'à la même époque la Ferme faisait la même tentative à Nantes, à Brest, à Lorient et à Quimper. La requête adressée à l'Intendant, eu 1788, par le procureur général syndic des Etats, prenant fait et cause pour Henri Gardec, nous éclairera sur l'argumentation des Fermiers généraux : « La prétention de l'administration, y est-il dit, consiste à vouloir assujettir au franc-fief les propriétaires des maisons de ville et autres héritages dont les aveux référent les devoirs de foi et hommage, sans aucune expression de nubilité, et quoique par ailleurs ils soient chargés de redevances caractéristiques de roture. Il paraît que l'administration s'appuie principalement sur ce que le terrain où sont bâties les maisons de Quimper était le domaine de la mense époscopale et que le domaine d'une seigneurie est noble dans la main du seigneur... » (Arch. d’Ille-et-Villaine, C 4932)].

ART. 9. — Tarif des droits de contrôle. — Comme les perceptions des droits de contrôle, insinuation et autres y réunis sont ou paraissent être arbitraires, tant par le défaut d'uniformité des perceptions dans les différents bureaux que parce que les arrêts et décisions du Conseil qui régissent, n'étant point rendus publics par l'enregistrement, ne sont connus de personne, Sa Majesté et la Nation assemblée doivent être suppliées d'ordonner qu'il sera formé et rédigé un nouveau tarif pour tous les droits réunis.

ART. 10. — Contrôle des procurations. — Le droit de contrôle des procurations est fixé à 15 s. Cependant, sur le fondement d'un arrêt du Conseil de 1780, la cupidité financière a eu le talent d'assujettir les procurations qui se donnent par un co-héritier à son consort, pour la perception d'un constitut ou autres rentes sur Sa Majesté ou ailleurs, aux droits de contrôle et insinuation, sur prétexte que, l'acte de partage n'ayant pas été contrôlé, ces procurations sont assimilées à des donations productives des droits d'insinuation ; ce qui est contraire au texte formel de l'article trois de l'ordonnance de 1731, qui porte qu'il n'y a en France que deux formes de disposer de ses biens à titre gratuit : par donation ou entre vifs ou par testament. Sa Majesté et la Nation assemblées sont suppliées de vouloir bien proscrire les prétentions oppressives des traitants à cet égard.

[Note : Nous n'avons pas retrouvé l'arrêt du Conseil de 1780. Il n'en est pas question, non plus que du contrôle des procurations, dans le long mémoire en 41 articles adressé au Roi par les Etats, lors de la tenue de 1784, sur les abus de l'administration domaniale en matière de contrôle, de centième denier et d'insinuation (Voy. le texte de ce mémoire, avec les réponses sur chaque article et les nouvelles observations sur ces réponses, aux Archives d'Ille-et-Vilaine. C 3271)].

ART. 11. — Impositions. — Il est essentiel que l'assiette des, impôts et subsides soit plus constante et moins sujette à des variations dangereuses, et que la perception la moins dispendieuse en soit déterminée par de sages moyens, sur lesquels statuera l'Assemblée nationale. Leur répartition se fera d'une manière proportionnée aux facultés relatives des différentes personnes, sans acception de rang ni de naissance, et, pour ce, les égailleurs seront choisis dans les trois ordres, en nombre compétent pour en balancer l'influence.

Afin de concourir à ce projet, les miseurs du ressort de Guingamp donnent un exemple frappant de leur zèle et de leur patriotisme en offrant de procéder gratuitement six mois de suite dans leur ressort à l'évaluation des bois de futaie ou taillis, pourpris et autres immeubles possédés par la noblesse ou le haut clergé et qui, jusqu'à ce jour, n'ont point été imposés, contradictoirement avec des experts nobles.

ART. 12. — Suppression des fouages extraordinaires. — L'imposition des fouages extraordinaires, établis depuis 1643, ne pèse que sur les immeubles roturiers possédés par des roturiers ; les sommes qui en proviennent, étant versées dans la caisse de la province, sont ou doivent être employées à payer les intérêts d'anciens emprunts. Mais, comme l'intention du Tiers Etat est et sera constamment que les dons, pensions, gratifications, qui sont assignés à chaque tenue des Etats au profit des nobles, demeurent supprimés pour l'avenir, et qu'on veut se promettre, par cette économie, de ménager dans la masse commune beaucoup au delà du produit de l'imposition des fouages, qui n'est supportable que par le Tiers Etat, Sa Majesté et la Nation assemblée doivent être suppliées de supprimer cette imposition, dont le Trésor royal ne tire aucun avantage.

ART. 13. — Exportation des blés. — Si l'exportation des blés peut être utile à notre province, entourée de ports de mer, il arrive aussi que l'étranger, enlevant beaucoup au delà de notre consommation, fait monter à un prix excessif cette denrée de première nécessité. Alors le peuple de la ville et celui de la campagne surtout en souffrent, d'autant plus que le fermier, hors d'état de nourrir ses journaliers, les congédie avec plusieurs de ses domestiques. Ces gens affamés et oisifs se portent vers le port d'embarquement, s'opposent sur les chemins au transport des blés et finissent par enfoncer des greniers où on en a amassé ; on pourrait prévenir les révoltes ici fréquentes, en pourvoyant à la subsistance du peuple ; en conséquence, nous demandons qu’il soit défendu d'enlever les blés lorsqu'il passera deux sols la livre.

[Note : Depuis l'été de 1788, dans toute la région de Guingamp, il y avait eu une très vive effervescence contre l'exportation des grains. A Tréguier, à Pontrieux, à Lannion, à Paimpol, avaient éclaté des mouvements séditieux (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1714). A Guingamp et à la Poterie, l'émeute du mois d'août 1788 fut particulièrement grave, comme l'indique une lettre du subdélégué de Guingamp du 27 août 1788 ; celui-ci croit d'ailleurs qu'il n'y a dans la région de Guingamp aucune raison de redouter la disette, ni même la cherté ; il pense qu'on a voulu suivre surtout l'exemple de Lannion et de Paimpol ; il déclare aussi que c'est le peuple des villes qui est mécontent de l'exportation ; « les propriétaires, les cultivateurs et les fermiers des campagnes désirent la liberté du commerce des grains ; le bas peuple des villes et les bourgeois, qui n'ont d'autre ressource que leur état, désirent au contraire que l'exportation soit non seulement suspendue, mais même totalement supprimée ». Le recteur de Plouisy et Saint-Michel de Plouisy, Ollivier, dans sa lettre à l'Intendant du 10 septembre 1788, semble s'être mieux rendu compte des causes de l'agitation et avoir mieux compris le sentiment populaire : « Le peuple de cette paroisse, qui fournit trois mille communiants, ne s'est point encore porté à aucun excès ni enlèvements de blé ; il a néanmoins murmuré, et, malgré ce que nous lui avons dit en public et en particulier, il a beaucoup de peine à se persuader que le Roi soit suffisamment instruit de l'état actuel de la province, attendu que l'exportation des grains pour l'étranger n'a point été suspendu pour un temps, et le prix du blé qui a subitement haussé étant déjà presque à son taux, suivant le rapport de nos laboureurs et fermiers ; la récolte a été moindre cette année de la moitié pour quelques-uns, d'un tiers et d'un quart pour la plupart, etc., et ceux qui ont eu une moisson abondante sont clairsemés. Il y aurait eu moins de tumulte et d'enlèvements de blé dans les ports de mer et dans les bourgades à deux et trois lieues aux environs, si les commissionnaires pour les blés s'étaient contentés comme auparavant de parcourir les paroisses à deux et quatre lieues de la côte, mais ils avaient pénétré cette année jusque dans l'intérieur de la province ; c'est ce qui a répandu l'alarme dans les bourgades de la côte... » (Ibid., C 1715). —L'agitation devait continuer pendant les mois qui ont suivi la réunion des Etats généraux ; dans le courant d'avril, la crainte de l'exportation provoqua une émeute à Guingamp : le subdélégué reconnaît d'ailleurs, dans sa lettre du 20 avril, que, dans sa subdélégation, « dix paroisses se trouvent au dépourvu et que les autres ont à peine de quoi se substanter jusqu'à la récolte » (Ibid., C 1716). La question des grains suscita aussi, le 26 août 1789, des troubles assez graves dans la ville de Guingamp et dans son faubourg de Saint-Sauveur. Des charretiers et des gens d'escorte, qui conduisaient des froments de Pommerit-Jaudy aux halles de Guingamp pour le marché du lendemain, furent attaqués et maltraités par la foule. Ces événements nous sont connus par l'instruction à laquelle procéda la sénéchaussée de Guingamp, en août et septembre 1783 (Ibid., série B, fonds du Présidial). — Voy. aussi LETACONNOUX, Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au XVIIIème siècle, pp. 831 et sqq.].

ART. 14. — Reculement des barrières. — La liberté est l'âme du commerce ; la douane établie sur nos frontières y met les plus grandes entraves ; il est donc très important d'avoir la franchise générale de toutes marchandises du royaume passant dans une province qui fait corps avec lui ; il serait infiniment plus simple de percevoir ces droits à la sortie des manufactures ; par là, on diminuerait insensiblement les frais de perception par la suppression de cette foule inutile de commis.

ART. 15. — Liberté du commerce. — Le commerce, entièrement libre dans certaines villes, prohibé dans d'autres à certains jours privilégiés, nous fait désirer un règlement uniforme également observé partout, tant pour rachat que pour la vente dans le détail.

ART. 16. — Commerce des religieux et religieuses. — Quelques maisons religieuses rentées font fabriquer dans leur enceinte des étoffes, qu'elles vendent aux externes ; les marchands, seuls taxés au rôle d'industrie, demandent l'interdiction de ce trafic.

ART. 17. — Poids et mesures. — La diversité pour les poids, les aunages et les mesures, qu'elle diffère de ville en ville et jusque dans le même endroit ; ici nous avons la grande et la petite aune ; au même marché de blés, une mesure de soixante et quatre livres et de soixante-huit à soixante-dix livres, tandis que la ville voisine en a une de quatre-vingt-quatre livres et celle du marché va à cent huit livres ; en général les particuliers qui portent du blé n'ont point de mesure déterminée. On réclame donc l'uniformité des poids et balances dans tout le royaume.

[Note : Malgré une ordonnance promulguée en 1431 par le duc Jean V, chaque ville garda ses mesures linéaires. Dans le département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), on distingue l'aune de 44 pouces et l'aune ou verge de 50 pouces, cette dernière en usage pour les toiles ou coton (Dr MAURICET, Des anciennes mesures de capacité et de superficie dans les départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord, p. 26) ; à Quintin cependant on distinguait l'aune de 50 pouces pour les pièces écrues et celle de 52 pour celles qui ne l'étaient pas, différence justifiée par le retrait du blanchissage (J. GESLIN DE BOURGOGNE et A. DE BARTHÉLEMY, Anciens évêchés de Bretagne, t. III, Prolégomènes, p. CCIII). Suivant ces derniers auteurs, Guingamp et Rostrenen n'avaient qu'une aune de 1m.360 ; Lannion, une de 1m.327 ; Jugon et Tréguier, une de 1m.350 ; Loudéac, une de 1m.372 ; Belle-Isle-en-Terre, deux de 1m.003 et de 1m.357 ; Dinan, deux de 1m.340 et de 1m.949 (Ibid., n. 3). A Morlaix, on distinguait l'aune d'Angleterre, de 1m.249, et l'aune de Morlaix ou aune d'étoupe, de 1m359 (Dr MAURICET, op. cit., p. 23). — En ce qui concerne les variations des mesures de capacité pour les grains, les assertions du cahier sont pleinement justifiées par les résultats de l'enquête à laquelle se sont livrés MM. J. GESLIN DE BOURGOGNE et A. DE BARTHÉLEMY (op. cit., pp. CCXI-CCXXV). A propos de Guingamp, ils observent que le boisseau de cette ville alla toujours grandissant, ce qui donna lieu à une foule de plaintes et de procès ; à l'époque de l'établissement des mesures décimales, le boisseau de froment était censé contenir 4 déc. 017, celui de blé noir 5 déc. 214, celui de seigle 4 déc. 567 (Ibid., p. CCXVII, n. 1)].

ART. 18. — Tabac. — La ferme du tabac doit mériter la plus grande attention en ce que les fermiers, régisseurs et autres agents de la dite ferme ne se contentent pas d'en rendre le débit onéreux pour le public et très lucratif pour eux, par des entraves tyranniques, mais même qu'ils ne craignent pas de le répandre sans se mettre en peine des effets dangereux et funestes qui peuvent résulter de sa détérioration, qui n'est que trop fréquemment prouvée. Ainsi on demande que sa nature soit salutaire.

ART. 19. — Parchemin et papier timbré. — Les parchemins et papiers timbrés, destinés à donner de l'authenticité aux actes de la dernière importance, méritent une sérieuse animaversion, par rapport à la mauvaise qualité dont ils sont, et l'on croit que la substitution d'un bon papier au parchemin serait préférable à bien des égards.

[Note : Au temps où les Etats avaient la régie des domaines (1760-1771). de mauvaises fournitures de papier timbré avaient été refusées : c'est ainsi que, le 5 août 1763, la Commission des Domaines avait rendu à Vatar frère et sœurs « tous les mauvais papiers timbrés » et les avait contraints à « les faire remplacer en même quantité et de la qualité conforme à l'échantillon... » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 5098, p. 198)].

ART. 20. — Marque du cuir. — La marque du cuir a tellement porté atteinte à ce genre de commerce que les tanneurs de cette ville, dans leur cahier de doléances, observent qu'avant son établissement, il y a environ 29 à 30 ans, ils étaient plus de trente fabricants aisés, et que, depuis, le nombre a diminué au point d'être réduit à deux forts et deux médiocres. Il paraît qu'il est plus convenable de rejeter cette taxe sur des objets de luxe que sur celui qui est de première nécessité.

[Note : En 1779, il y avait à Guingamp. — d'après le rapport de Libaut, inspecteur des manufactures à Morlaix, — 17 tanneries, qui employaient environ 20 ouvriers ; le nombre de ces ouvriers variait d'ailleurs sans cesse, et plusieurs d'entre eux étaient souvent occupés aux travaux de la campagne. Ces tanneries avaient, au cours de l'année précédente, travaillé 1.136 peaux de bœufs, 2.016 peaux de vaches, 13.866 peaux de veaux, 5.101 peaux de moutons, 607 peaux de chevaux, 53 peaux de chèvres. Elles ne vendaient leur produit que dans le pays, et c'est exceptionnellement qu’une faible partie en passait au dehors (Arch. Nat., F12 651 ; Cf. notre Introduction, t. I, p. XXIX)].

ART. 21. — Gratifications et pensions. — Il est aussi de la prudence du Gouvernement de réprimer la prodigalité avec laquelle on accorde des pensions et des gratifications sur les plus frivoles, et souvent à des personnes qui ne les ont jamais méritées et qui n'ont jamais que trop à se féliciter d'une fortune acquise au détriment de leurs concitoyens. Ainsi, une suppression ou une réserve bien entendue dans cette branche de l'administration paraissent indispensables, et, pour y parvenir, Sa Majesté sera priée de n'accorder aucune pension ou gratification annuelle que pour des causes graves et considérables, et seulement jusqu'à la première assise des Etats. Que les pièces justificatives des motifs allégués par les impétrants soient attachées par un contrescel et brevet, qui seront servis aux Etats pour en obtenir la confirmation ou la suppression.

ART. 22. — Etablissement de casernes. — Comme il est reconnu et malheureusement trop souvent éprouvé dans les villes situées sur les grandes routes combien le casernement et le logement des troupes sont grevants pour le public et surtout pour le peuple, Sa Majesté doit être suppliée d'ordonner que, dans des villes de grand passage, il sera construit des casernes et fait des approvisionnements de fournitures pour les garnir, dont les frais et dépenses seront pris dans la caisse de la province. Mais, en attendant des établissements si désirables, comme les ordonnances, notamment celle de 1768 et quelques décisions des Etats ont déjà prononcé l'obligation des ordres privilégiés au logement des gens de guerre et à la fourniture des lits et autres ustensiles aux casernes dans les cas de foule, Sa Majesté et la Nation assemblée doivent être suppliées d'étendre ces obligations dans tous les cas, pour le soulagement des peuples, attendu que le service des militaires est établi pour la sûreté commune des personnes et des biens des citoyens de tous les ordres.

[Note : Guingamp était un gîte d'étapes sur la grande route de Paris à Brest, et il y passait très fréquemment des troupes se rendant à Brest ou à Morlaix ou venant d'une de ces importantes garnisons. Un rapport écrit dans la seconde moitié du XVIIIème siècle constate qu'en effet la ville ne possédait pas de casernes, bien qu'elle eût fréquemment une garnison de cavalerie, que l'on installait dans des maisons fournies par la municipalité (Arch. Nat., F12 555). Ces troupes étaient une lourde charge pour les habitants, avec lesquels des difficultés s'élevaient parfois : c'est ainsi qu'au mois de mai 1785 un cabaretier de Guingamp, Le Foll, fut assassiné par deux sous-officiers des chasseurs des Pyrénées, corps qui tenait alors garnison dans la ville (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4705)].

ART. 23. — Tirage de la milice. — Comme le tirage des milices prive plusieurs familles de sujets nécessaires à leur subsistance, tandis que, dans les villes et les campagnes, on voit de nombreux domestiques qui, participant en quelque sorte aux prérogatives de leurs maîtres privilégiés, jouissent des exemptions que des fils de familles roturières ne sauraient obtenir, Sa Majesté et la Nation assemblée doivent être suppliées d'ordonner qu'aucuns domestiques, à l'exception de ceux des laboureurs dont l'exemption est déjà prononcée par l'ordonnance, ne seront exempts du tirage de milice de terre et garde-côte.

[Note : Durant la période 1781-1788, la ville de Guingamp eut à fournir 16 miliciens, à raison de 3 par an, sauf en 1784 et 1785 où elle en fournit seulement 2. En 1781, sur 114 jeunes gens participant au tirage, 93 furent réformés ou exemptés ; en 1784, il y en eut 119 sur 135, et, en 1786, 123 sur 147 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4704)].

ART. 24. — Poste aux chevaux. — Une demi-poste est-elle demandée à la seule représentation des maîtres de poste, qui sont autorisés six mois de l'année à faire payer à un voyageur trois chevaux, quoiqu'ils n'en fournissent que deux ; l'intérêt public exige la suppression de pareilles gratifications et la fixation invariable sur le toisé des chemins.

[Note : En 1787, les relais de poste sur la route de Paris à Brest, aux environs de Guingamp, étaient ainsi constitués : de Saint-Brieuc à Châtelaudren, 8.654 toises ; de Châtelaudren à Guingamp, 7.024 t. ; de Guingamp à Belle-Isle-en-Terre, 10.172 t. ; de Belle-Isle-en-Terre au Pontou, 9.960 t. ; du Ponton à Morlaix, 7.062 t. ; — sur la route de Guingamp à Tréguier, il y avait 8.337 t. jusqu'à Pontrieux et 8.320 t. de Pontrieux a Tréguier ; — sur la route de Guingamp à Lannion, il y avait 6.557 t. jusqu'à Guénézan et 9.880 t. de Guénézan à Lannion (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4965). La distance de Guingamp à Belle-Isle étant fixée à deux postes, le maître de la poste de Guingamp demanda, en 1781, qu'il y fùt ajouté une demi-poste, mais sa demande fut rejetée par le Conseil des postes, après que le service des ponts et chaussées eut vérifié que la distance du centre d'une de ces localités au centre de l'autre était seulement de 9.579 toises (Ibid., C 1987). Des plaintes analogues à celle que contient le cahier de Guingamp se sont souvent produites : voy. par exemple une lettre d'un officier de marine, Trouillet, en date du 25 janvier 1775, rapportant qu'entre Lorient et Brest, par deux fois, des maîtres de poste voulurent lui faire payer trois chevaux, quoiqu'il fût seul dans un cabriolet léger (Ibid., C 4965). A diverses reprises, les Etats se préoccupèrent de cette question. Le 1er janvier 1781, ilss demandèrent réduction du nombre des postes ; le 6 février 1785, ils se plaignirent de l'augmentation de 5 s. par cheval accordée aux maîtres de postes, du mauvais fonctionnement de leur service, des charges résultant de la conduite de la malle ; ils exprimèrent aussi le regret qu'il n'y eût pas dans la province de tribunal pour juger les maîtres de poste : ceux-ci étaient seulement justiciables du Conseil des postes, ce qui rendait plus difficiles les poursuites (Ibid.). Sur la question des postes aux chevaux en Bretagne au XVIIIème siècle, voy. Ibid., C 1978-2018. 3482, 3483 et 4965 ; voy. aussi le mémoire, encore inédit, présenté en 1908 à la Faculté des Lettres de Rennes, pour la licence, par M. l'abbé GOUPIL].

ART. 25. — Portion congrue. — Tandis que tous les pasteurs et curés de la province vont enfin participer à l'extension de leurs portions congrues, à l'instar de leurs confrères du reste du royaume, nous ne pouvons que joindre nos réclamations aux leurs, afin que notre pasteur et son curé jouissent à leur tour de cet avantage, dont ils ont été frustrés jusqu'à présent, n'ayant pour tous émoluments qu'un casuel précaire.

[Note : La cure de la ville de Guingamp avait été longtemps composée de quatre portions, administrées chacune par un recteur ; un décret pris le 7 février 1707 par l'évêque de Tréguier, d'accord avec le duc de Penthièvre, mit fin à cet état de choses, et, en 1710, un recteur unique était à la tête de la paroisse, après avoir pris possession des trois parts successivement devenues vacantes depuis le décret (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1177 ; voy. aussi S. ROPARTZ, Guingamp, t. I, pp. 75-78). En 1769, le recteur, M. Lesquen de Kérohan, s'adressa au duc de Penthièvre pour obtenir que la communauté de ville fût contrainte de lui payer, sur ses deniers patrimoniaux, sa pension de curé à raison de 500 l., et celle de son vicaire à raison de 200 l. ; le subdélégué de Guingamp, Rabeault, consulté à ce sujet par l'Intendant, observa que la portion congrue était seulement due par les décimateurs, et, à défaut ou en cas d'insuffisance, par les possesseurs des dîmes inféodées, et que, par conséquent, la ville de Guingamp ne pouvait acquitter une telle charge, qui serait illégale (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 501), et les choses en restèrent là. De fait, en 1790, lorsque le recteur, Guillaume-Marie de Montfort, qui était en fonctions depuis 1783 (Abbé U. ONFROY-KERMOALQUIN, Etudes sur les villes de Bretagne, Guingamp, 1846, gr. III-8°, p. 122), voudra faire établir son traitement, il pourra facilement faire constater par le Directoire du district que « ses revenus ecclésiastiques consistent dans ceux de la cure de Guingamp et dans ceux de deux chapellenies dont il est titulaire. La municipalité de Guingamp atteste qu'à la cure du sieur Montfort ne se trouvent attachés aucuns fruits, qu'on lui compte seulement 312 l. pour abonnement des aumônes et qu'il jouit de plus de fondations considérables qui se desservent en son église et dont on ignore la valeur….. ». Les deux chapellenies dont il jouissait étaient celle de l'Hôtel-Dieu, pour laquelle il touchait 112 l. de l'administration hospitalière, et celle du Cosquérou, qui rapportait 148 l. de produit net. M. de Montfort reconnaissait lui-même, dans une lettre du 21 janvier 1791, qu'il avait perçu, en 1790, 153 l. 12 s. pour 48 publications de mariage, 312 l. pour le tiers des offrandes faites à l'église et 141 l. 3 s. pour les obits et droits d'étole (Arch. des Côtes-du-Nord, Lv 14)].

ART. 26. — Etablissement d'un collège. — Les habitants de cette ville sollicitent, par l'organe de leur représentant aux Etats généraux, des lettres patentes portant établissement de collège, de bibliothèque dans son enceinte, afin que leurs enfants et ceux des environs y reçoivent à moins de frais les instructions concernant les grammaires latine et française, et dont ils n'apprennent les éléments que d'une manière imparfaite dans l'école déjà subsistante et dirigée par un ecclésiastique du lieu, et que, pour l'exécution d'un projet aussi important, on y attribue les fonds et même les édifices des maisons religieuses, dont la suppression est devenue praticable et nécessaire par leur inutilité.

[Note : Déjà quelques années plus tôt, et antérieurement à la suppression des Jésuites (1762), un mémoire avait été adressé au duc de Penthièvre pour l'engager à établir ces religieux dans l'abbaye de Sainte-Croix, qui possédait 5.000 à 6.000 l. de rente ; le moment semblait favorable, puisque le titulaire de cette abbaye, Louis Le Barbier, venait de mourir le mois précédent. Il y avait d'ailleurs, dès le début du XVIIème siècle et peut-être même plus tôt, un collège tenu par un prêtre et auquel la municipalité réservait le monopole de l'enseignement; depuis 1706, le principal de ce collège prit place dans la communauté de ville (S. ROPARTZ, Guingamp, t. I. pp. 145-147). Ce principal était nommé par la communauté et il devait faire exécuter lui-même les réparations nécessaires aux bâtiments du collège (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1179). En ce qui concerna l'instruction des jeunes filles, Il y avait à Guingamp, depuis 1654, une florissante communauté d'Ursulines (S. ROPARTZ. op. cit., t. I, pp. 150-151 ; ONFROY-KERMOALQUIN, Etudes sur les villes de Bretagne, pp. 174-175)].

ART. 27. — Réformation des municipalités. — La municipalité, chargée de veiller aux affaires publiques et de soutenir les intérêts des citoyens de toutes les classes, devrait être formée de manière que chaque classe de citoyens pût faire valoir ses droits. Dans presque toutes les villes de la province, et particulièrement dans cette ville, les municipalités ne sont composées que d'un très petit nombre de membres pris dans les classes supérieures, tandis que les classes inférieures n'ont personne pour les représenter, d'où il résulte qu'elles sont souvent sacrifiées, lorsque les classes qui sont représentées jouissent de tous les avantages.

[Note : Sur la composition de la municipalité de Guingamp, le mémoire du corps de ville, de mai 1786, nous fournit des renseignements très précieux : « Par arrêt du Conseil du 6 juin 1706, 1a formation de la Communauté de ville a été réglée. Cet arrêt porte qu'elle sera composée du sénéchal de la juridiction ducale qui préside, l'alloué en son absence, et, en absence de l'un et de l'autre, le lieutenant de ladite juridiction, le juge prévôt, le syndic en exercice, le procureur fiscal, la recteur en semaine, le procureur du Roi syndic de la communauté, les deux plus anciens gentilshommes établis dans la ville, les deux plus anciens syndics, les deux miseurs, les deux plus anciens bourgeois, soit qu'ils soient marchands ou non, le plus ancien avocat, le plus ancien procureur postulant et le greffier de la communauté... — Il n'y a pas eu de lois particulières pour la Communauté de ville de Guingamp depuis l'arrêt de 1706... Sa Majesté, en défendant de changer les officiers municipaux de cette communauté (en 1784), annonça qu'eue s'occupait d'un nouveau règlement concernant son régime, mais, sur le mémoire de la ville de Guingamp, dont elle adressa un exemplaire à la Commission Intermédiaire, cet ordre a été retiré par une seconde lettre de cachet du 19 juin 1784. Sa Majesté a annoncé qu'il ne paraissait pas utile de changer le régime de la Communauté de ville de Guingamp... La Communauté est actuellement composée : du maire qui est électif et qui préside ; du recteur ; de MM. de Léon et du Garzspern, gentilshommes, mais qui ne sont pas les deux plus anciens habitants de la ville ; d'un procureur du Roi titulaire ; d'un miseur titulaire, de trois anciens maires élus ; du doyen des avocats ; du sous-doyen des procureurs ; de trois échevins élus et d'un greffier titulaire. Tous les membres électifs, les gentilshommes, le doyen des avocats, l'ancien des procureurs ne siègent et ne votent qu'eu vertu des délibérations approuvées par le gouverneur de la province » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3932). — Dans sa séance du 4 décembre 1798, le corps de ville discuta le projet de réforme des municipalités rédigé par la Commission intermédiaire des Etats ; on trouvera dans le registre des délibérations les nombreuses observations présentées à ce sujet par l'assemblée (Arch. commun. de Guingamp, BB 15, fol. 20 v°-23 v°)].

Le petit nombre de membres dont les communautés sont composées présente même des inconvénients, en ce que ces membres, occupés de leurs affaires particulières, ne se trouvent point aux assemblées, ce qui fait que les affaires les plus urgentes sont retardées.

[Note : Le registre des délibérations de la Communauté de Guingamp, de 1788-1789, montre que les membres du corps de ville n'assistaient aux séances que d'une façon très irrégulière (Arch. commun. de Guingamp, BB 15, passim)].

Les affaires des municipalités étant relatives au Tiers Etat, la présence de MM. de la noblesse et du clergé y est absolument inutile.

[Note : En ce qui concerne les membres de la noblesse et du clergé qui faisaient Partie du corps de ville, voy. ci-dessus, note de l'Art. 27].

Les charges en titre d'offices dans les municipalités offrent encore des inconvénients, en ce que les personnes qui en sont pourvues sont inamovibles, ce qui écarte chaque citoyen de pouvoir à son tour avoir entrée dans la communauté.

Le maire, ayant toutes charges et les corvées et étant le chef des municipalités, doit en avoir tous les honneurs ; il doit présider les assemblées, et les juges doivent être exclus de toute espèce de prétentions à cet égard.

[Note : Le sénéchal de Guingamp avait eu le privilège de présider les assemblées du corps de ville (S. ROPARTZ, Guingamp, p. 241). Mais, depuis un demi-siècle, la communauté de ville de Guingamp prétendait que les officiers de justice ne devaient pas avoir le droit de présider ses assemblées. Le 22 juillet 1748, elle avait pris une délibération très nette en ce sens, déclarant que l'arrêt du Conseil, du 9 avril précédent, qui « réunissait au corps des communautés de la province les offices municipaux », réduisait à néant la prétention des officiers de justice. C'est aussi la thèse que soutint le maire Alexandre, dans la lettre qu'il écrivit le 15 août 1760 pour répondre à une nouvelle tentative des juges. En 1778, nouvelle requête des officiers de justice, qui prétendent avoir la présidence des assemblées et devoir être deputés aux Etats « alternativement avec les maires ». La Communauté de ville répond par un long mémoire (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 500). Le pouvoir royal donna encore une fois gain de cause à la municipalité, en 1784. Voici comment le mémoire de 1786 décrit ce long débat sur la présidence : « Le 3 mars 1745, les juges se retirent de la Communauté, à laquelle ils cessent de présider comme juges, en exécution des lois qui leur interdisaient l'entrée des Communautés. Le 14 août 1760, ils se présentèrent à la Communauté et voulurent y rentrer, mais cette tentative fut repoussée avec succès ; quatre de ces juges ont successivement été maires depuis leur retraite de la Communauté. Les officiera du duché de Penthièvre ont depuis quelques années renouvelé leurs prétentions et voulu s'approprier l'arrêt du Conseil rendu pour partie ; la Communauté de Guingamp a répondu à cette prétention par un mémoire le 17 février 1784 », Le roi, ajoute le mémoire, a défendu « de changer les officiers municipaux »].

La réformation des municipalités actuelles et la réformation sous un nouveau régime devient donc très intéressante. Sa Majesté et la Nation assemblée sont suppliées d'ordonner que la communauté de cette ville soit composée de deux membres de chaque classe de citoyens ; que les juges, les avocats, les procureurs, les négociants, les marchands tenant boutiques ouvertes, les corporations des artisans aient des représentants ; que les membres qui composeront la municipalité soient amovibles tous les quatre ans et qu'ils ne puissent dans aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, être continués au delà de ce terme ; que les charges de procureur du Roi, de contrôleur, de greffier et de miseur soient remboursées sur les fonds de la communauté, et que ces charges soient occupées par des membres qui seront élus et choisis dans l'assemblée.

[Note : Depuis la création des offices municipaux par la royauté, ces charges étaient vénales. Le mémoire du corps de ville de la municipalité, de mai 1786 dit à ce sujet : « En exécution de l'édit de novembre 1733, les offices de procureur du Roi, de miseur, de contrôleur et de greffier ont été acquis [par la municipalité] et sont aujourd'hui pourvus de titulaires » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3932). Ces offices étaient vraiment héréditaires. En 1769, le miseur, M. de Toulgouet, meurt en laissant dans la caisse un déficit de 10 à 12.000 l., de sorte que l'office est tombé aux parties casuelles. Le sénéchal Rabeault, dans sa lettre à l'Intendant du 20 novembre 1769, dit « Il serait fort désagréable que ces fonds ne pussent jamais rentrer dans la caisse ; d'un autre côté, il est très naturel que les enfants soient admis par préférence à lever cette charge ; mais ne pourrait-on pas trouver les moyens de concilier ces deux intérêts qui paraissent s'opposer? En voici qui, je pense, pourraient remplir cet objet : ce serait de prévenir M. le Contrôleur général de n'accorder aux enfants de M. de Toulgouet les provisions de mineur de Guingamp qu'à la charge d'en laisser les émoluments aux mains d'une personne qui serait nommée de concert avec eux par la Communauté pour en faire les fonctions, jusqu'à ce qu'elle en fût remplie des sommes dont leur père est mort adjudicataire ». L'Intendant, dans sa lettre du 15 décembre 1769, approuve l'idée du sénéchal. En fait, l'office de miseur passa aux mains du fils de M. de Toulgouet (Ibid., C 502)].

ART. 28. — Comptes des municipalités. — Les comptes et l'emploi des deniers des villes ayant été examinés par les membres de la municipalité et ensuite par une commission expresse des Etats et ayant passé sous les yeux de MM. les Commissaires du Roi et étant arrêtés par eux, il paraît très inutile de les faire passer à l'examen de la Chambre des comptes, où on prend de fortes épices pour le règlement et examen, ce qui est une oppression et une vexation d'autant plus exorbitante que ces comptes ont déjà passé à trois examens consécutifs. Sa Majesté est suppliée d'ordonner que les comptes des communautés de ville ne soient plus réglés par la Chambre des comptes ; que le règlement des municipalités, celui des Etats et de MM. les Commissaires du Roi soient suffisants, et ces comptes, ainsi réglés, soient rendus publics.

[Note : Le mémoire du corps de ville de mai 1786 dit : « Les épices de la Chambre des Comptes pour le règlement de chaque compte se montent à 543 l. 17 s. 1 d. ; les droits particuliers au profit du Roi et des officiers de la Chambre, 212 l. 2 s. 10 d. Total de la dépense à la Chambre des Comptes pour les règlements du compte du miseur, 754 l. 19 s. 11 d., ce qui fait une charge annuelle pour la communauté de 377 l. 9 s. 11 d. » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3952). — Cependant la Chambre des Comptes de Nantes semble avoir contrôlé sérieusement la comptabilité municipale. En 1786, elle a refusé de ratifier plusieurs articles de dépenses, pour lesquels le miseur n'avait pas rempli les formalités nécessaires. Le corps de ville dut reconnaitre le bien-fondé des observations de la Chambre, comme nous le voyons par une lettre du maire, Le Normant de Kergré, à l'Intendant, du 18 juin 1786 : « Comme dans les anciens comptes du miseur de la communauté de Guingamp, MM. de la Chambre des Comptes ont rayé ou interloqué différents articles de décharge, faute de les avoir soutenus de délibérations par vous approuvées, Monseigneur, ou d'autres pièces, la Communauté a, par délibération du 31 mai dernier, nommé des commissaires pour en faire le relevé et la vérification. Sur le rapport de ces commissaires, la Communauté a délibéré relativement a chacun de ces articles et vous supplie de vouloir bien y donner votre approbation » (Ibid., C 502). Sur cette affaire, voy, aussi la délibération du corps de ville de Guingamp, du 29 avril 1786, et surtout celle du 14 juin 1786 (Arch. commun. de Guingamp, BB 15, fol, 3 v° et 7)].

ART. 29. — Corps politique. — La municipalité de cette ville formant aussi le corps politique, elle réunit ces deux qualités. Cependant, il serait intéressant d'établir une distinction entre ces deux administrations ; ce serait se rapprocher des règlements de la Cour qui assignent au corps politique un régime particulier et distinct de celui des communautés ; les intérêts de l'Eglise et ceux des municipalités sont différents ; le régime de leurs administrations n'est pas le même, et, pour que l'on puisse accorder à chaque administration les soins dont elle est susceptible, le vœu général est qu'il y ait un corps politique établi, que cette partie d'administration ne soit pas confiée aux officiers municipaux.

[Note : On sait que le régime municipal était fort peu développé en Bretagne ; en dehors des quarante-deux villes pourvues de « communautés de ville » ou « municipalités » et députant aux Etats de la province, les autres localités n'avalent que des « généraux de paroisse » ou « corps politiques », dont les pouvoirs, d'ailleurs fort restreints, s'étendaient à la fois à l'administration civile et à celle de la fabrique (A. DUPUY, Etudes sur l'administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, pp. 1-5). Dans les villes ayant une communauté, chaque paroisse avait un corps politique distinct de cette communauté ; cependant quand la ville n'avait qu'une seule paroisse, il arrivait parfois que le général ou corps politique et la communauté de ville se confondaient (Ibid., p. 5) ; c'est ainsi qu' « à la communauté de ville de Guingamp est encore joint le gouvernement de la paroisse, dont elle forme le corps politique depuis un temps immémorial » (Rapport de la municipatité, du 4 mai 1786, aux Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3932). En effet, la fabrique de la paroisse Notre-Dame était administrée par deux « gouverneurs » ou « procureurs » , élus sans doute à l'origine par l'assemblée des bourgeois de la ville, mais choisis, depuis le début du XVIIème siècle tout au moins, par la municipalité ; depuis lors également, ils n'agissaient plus qu'en vertu des délibérations de cette même municipalité (S. ROPARTZ, Guingamp, pp. 81-84)].

ART. 30. — Suppression du Concordat. — MM. les députés aux Etats généraux sont priés de demander la suppression du Concordat et de l'alternative en Bretagne et le rétablissement des élections pour tout bénéfice à charge d'âme, avec la faculté aux paroissiens de présenter à l'Evêque quatre sujets pour le rectorat. Ils sont encore priés de demander qu'on ne soit plus obligé de recourir à Rome pour obtenir des dispenses de parenté, et que les Evêques ou les métropolitains puissent les accorder gratuitement.

Au surplus, la dite assemblée a déclaré adhérer à tout ce qui a été fait et arrêté tant à l'assemblée du Tiers Etat en la municipalité de Rennes qu'en la Chambre du Tiers aux Etats. [36 signatures].

(H. E. Sée).

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