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TRIBUNAL ET MAIRIE DE GUINGAMP AVANT LA REVOLUTION.

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Je n'ai rien à dire de l'édifice, de construction moderne, où siège aujourd'hui le tribunal de première instance de Guingamp, non plus que de ce tribunal, organisé nécessairement comme tous les tribunaux de France.

Vous lirez dans le Dictionnaire d'Ogée :

« Les juridictions suivantes s'exercent à Guingamp : les prévôté et sénéchaussée du lieu, hautes justices, à M. le duc de Penthièvre ; Coëtcoure haute justice, à Madame de Botrel ; le prieuré de la Trinité, haute justice, à M. l'abbé de La Corbière ; l'abbaye de Sainte-Croix, haute justice, à M. l'abbé de La Frelonnière ; le prieuré de Saint-Sauveur, haute justice, aux Bénédictins de Saint-Melaine de Rennes ; Le Groesquer, haute justice, à M. du Garspern ; Kersilvestre, haute justice, à M. l'abbé de Saint-Germain ; Lojou-Bon-Repos, haute justice, à M. du Lojou ; Tropon, haute justice, à M. de Perrien ; Locmaria, Guerchuel, Trobodec et Brelidi, haute justice, à M. de Lizardais ; Saint-Michel, la Ville-Neuve sur Trieux, le Disquay, Kerguenan, Contanaze et Kermoroch, haute justice, à M. de La Rivière ; Poirier, haute justice, à M. de Ponz ; Palacret, haute justice, à M. de Renon ; Kerhurien, haute justice, à M. le Prêtre ; le Bois de la Roche, haute justice, à M. du Liscouët ; Le Cours, moyenne et basse justice, à M. de Kerautem ; les Nobles Bourgeois de Guingamp, moyenne et basse justice ; Kergongar, Kergoliau, moyenne et basse justice, à Madame de Carné ; Kerguiller, moyenne et basse justice, à M. de Coetrieux, qui possède encore celles de Rostrenen et de Kernabat ; Rubersault, moyenne et basse justice, à M. l'abbé de Tourny ».

Ville de Guingamp (Bretagne).

Le 30 septembre 1420, le duc Jean V accorda à Jean, seigneur du Poirier, comme récompense de ses services, le droit de menée à la cour de Guingamp ; il lui octroya, en outre, le privilège d'avoir « fourches patibulaires à quatre pots, combien que ès temps passés, le dit sire n'ait accoutumé les avoir qu'à trois pots ». Ces quatre poteaux étaient plantés à l'extrémité orientale du grand fief du Poirier, sur le coteau qui domine Pontezer (Archives du Poirier. Aveu de 1705).

« La juridiction de Goelo s'est aussi exercée dans la ville de Guingamp, écrit l'abbé Ruffelet, dans ses Annales Briochines ; mais le baron d'Avaugour s'étant plaint du préjudice que cela apportoit à ses vassaux, le duc de Bretagne ordonna, en 1483, que ses juges de Goëlo auroient un siége de lieutenance à Lanvollon, et qu'ils expédiroient par préférence la menée dudit baron ».

La cour de Guingamp était une des principales juridictions de Bretagne [Note : Avant l'édit de Fontainebleau (mars 1553) portant érection da Parlement de Bretagne, Guingamp ressortissait, en matières civiles, à la Cour de Rennes, et expédiait sa menée, en même temps que Lannion, le lundi de la troisième semaine des plaids. C'était aussi à un jour analogue que l'on expédiait Guingamp et Lannion aux Grands Jours et au Présidial. — (Voyez le Traité des Menées, par Pierre d'Argentré (père de Bertrand), à la fin des Questions Féodales d'Hévin)]. Le plein fief s'étendait dans cinquante-six paroisses, jusqu'aux portes de Morlaix, de Lannion et de Tréguier, au Guerlesquin et à Lanmeur. [Note : Voyez dans D. Morice, tom. II, c. 1173, la lettre par laquelle les terres du sieur de Penhouet sont transférées de la barre de Guingamp à celle de Morlaix]. Cent dix-huit juridictions relevaient en appel de notre sénéchaussée. Nous en donnons le tableau complet aux pièces justificatives, avec les lieux d'exercice et le nom des seigneurs qui en étaient propriétaires au moment de la Révolution.

En donnant le Penthièvre à Guy de Bretagne, Jean III s'était réservé la juridiction du comté de Guingamp : elle fut rendue à Jeanne-la-Boiteuse, quand elle épousa Charles de Blois. Dans l'inventaire général des titres de Penthièvre, aux archives des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), on lit ce qui suit : « 17 Septembre 1537. — On y voit un inventaire d'actes qui justifient que la justice s'exerçait à Guingamp, depuis 1337 jusqu'en 1377, au nom de Jehanne de Bretagne, comtesse de Penthièvre ; en 1385, 1390 et 1398, au nom de Jéhan de Bretagne, comte de Penthièvre ; en 1404, au nom du duc de Bretagne, durant le rachat du comte de Penthièvre ; en 1405, au nom de Marguerite de Clisson, ayant la garde d'0llivier de Bretagne, comte de Penthièvre, et au nom de ce dernier, en 1412 et 1417 ».

Après la félonie des Penthièvre, la juridiction tomba dans la puissance du duc ; et, jusqu'à la Révolution, elle garda le titre de cour ducale, titre que justifiait d'ailleurs l'érection du Penthièvre en duché-pairie [Note : Il résulte d'une enquête relative aux prééminences d'église des Rouzault, propriétaires, au commencement du XVIème siècle et de temps immémorial, du manoir du Penquer, aujourd'hui les Capucins, que, durant les mois de septembre, octobre et novembre 1532, on cessa de rendre la justice à Guingamp, à cause de la peste, et que les généraux plaids furent tenus à La Roche-Derrien. (Archives de La Rivière)].

Le siège se composait d'un sénéchal, d'un alloué, d'un juge-prévôt et d'un procureur fiscal.

Parmi les juridictions dont Guingamp était le lieu d'exercice, et dont parle Ogée, vous aurez remarqué, sans doute, la moyenne et basse justice de Messieurs les Nobles Bourgois ; c'est-à-dire de la communauté de ville de Guingamp. C'est ici le lieu d'exposer l'importante histoire de notre organisation municipale.

En dehors des pays de droit écrit, lorsque l'unité des lois romaines fait défaut à l'historien, les origines communales, multiples et essentiellement variées, s'enveloppent, pour l'ordinaire, de nuages impénétrables que les investigations les plus patientes s'efforceraient en vain de dissiper. Au milieu des institutions féodales, la cité de Guingamp vous apparaît, de temps à autre, comme une puissance égale aux seigneurs. Elle a son blason, sa justice, sa milice, ses députés aux Etats. Véritables républiques, régies par des coutumes particulières dont la tradition verbale est malheureusement le seul code, les villes libres de Bretagne gardent leur physionomie et leur vie propre dans cette fédération si intime et si profonde qui fait la force du duché : c'est la décentralisation administrative la plus absolue, au sein de l'unité politique la plus compacte et la plus dévouée.

Or, en Bretagne, l'organisation féodale est si complète, que le premier aphorisme du droit breton est celui-ci : « Nul seigneur, sans terre ». Les bourgeois de Guingamp n'y font point exception, et au plus loin que nous remontions vers les origines, c'est-à-dire à la fin du XIVème siècle, nous les trouvons seigneurs d'un fief microscopique, qui comprend un petit étang avec un moulin [Note : Le moulin des bourgeois fut entièrement reconstruit en 1519. Cette dépense, dont le compte détaillé fournit de curieux détails sur les prix de la main-d'oeuvre au XVIème siècle, coûta 111 l. 7 s. 10 d.] au bas de Rue-Stang, un four dans la rue du Trotrieu-Lambert, quelques maisons de ces deux rues, deux ou trois chaumières et des courtils dans la campagne de Saint-Agathon. C'est assurément fort peu de chose, si l'on considère les produits naturels et accidentels de ce fief lilliputien au point de vue utilitaire ; c'est immense, si l'on envisage la position politique que cette flaque d'eau, ce four en ruine et ces quelques ares de terre dans un faubourg, font au corps des bourgeois, en leur donnant une justice, un rang aux Etats et des vassaux.

A qui les bourgeois doivent-ils ces avantages ? La réponse est simple : le fief relevait directement du Penthièvre en ce qui concerne la partie urbaine ; de l'Avaugour ou du Goëllo, en ce qui concerne la portion rurale, et l'étang portait, au XVème siècle, le nom significatif d'Etang de la Comtesse [Note : Comptes des Procureurs, 1447 et seq. Aveux rendus au Penthièvre et au Goëllo (Archives Municipales)]. Il paraît même que ce fief était, dans l'origine, celui du sergent féodé de la seigneurie, et qu'en recevant le fief, les bourgeois prirent la charge ; car on lit dans leurs aveux (30 juin 1583), qu'ils reconnaissent « estre prévosts et sergents feaudés nobles des dits seigneurs duc et duchesse de Penthièvre » [Note : Pour l'enclave de Guingamp seulement ; car le prévôt et sergent féodé de la seigneurie de Guingamp était, de toute ancienneté, le seigneur de Botloy Lézardrieux].

Mais ce n'est pas tout.

Dès la seconde moitié du XIVème siècle [Note : Archives Municipales. — Si j'avais la prétention d'indiquer mes sources à chaque fait que j'articule, tous les titres du XIVème et du XVème siècle, de la fabrique et de la municipalité, y passeraient successivement], (les titres ne vont pas au-delà), je trouve le corps des bourgeois propriétaire « des places de maisons » dans la ville close et dans les faubourgs ; mais seulement, chose très-remarquable, dans les quartiers qui relèvent du Penthièvre et des prieurés de Saint-Sauveur et de la Trinité, et non dans ceux qui dépendent des autres fiefs, notamment de Lokmaria (partie des fauxbourgs Saint-Nicolas et de Saint-Martin) ou de Saint-Michel. Ces « places de maisons » sont concédées par le procureur des bourgeois, moyennant une redevance, et souvent après adjudication, à ceux qui veulent bâtir ; en cas de ruine ou d'exponse, l'emplacement fait retour aux bourgeois.

Dans le nombre de ces « places de maisons » dont les bourgeois disposent, se trouvent des terrains vraiment régaliens, comme le Vieux-Chastel ; bien plus, ils afferment, comme chose à eux, les chambrettes qui sont ménagées dans les fortifications !

Pourtant, il est très-certain qu'ils ne puisent pas leurs droits dans le principe féodal qui attribue au seigneur tous les terrains vagues de son fief ; car, d'une part, notre Coutume ne reconnaît ce privilège qu'au seigneur haut-justicier, et, malgré leur envie, nos bourgeois ne purent jamais soutenir leurs prétentions à la haute-justice ; et, d'autre part, ce qui est bien autrement concluant, les bourgeois n'ont évidemment aucun principe de fief dans les lieux où ils concèdent le droit de bâtir, moyennant finance. Mais il y a mieux encore : c'est que leurs aveux reconnaissent formellement au comte de Penthièvre le droit féodal de « frostage dans toute l'étendue de la ville close et des fauxbourgs, » ce qui est tellement contradictoire du droit « de places de maisons, » qu'il y a quelquefois conflit entre la seigneurie et la communauté de ville sur ce point ; et il résulte très–clairement des articulations des parties belligérantes, devant la justice, que les bourgeois prétendent seulement à un droit sur telles et telles places vides, et non pas sur toutes.

Ville de Guingamp (Bretagne).

De tout ce que dessus, je suis, sans aucun doute, fondé à dire qu'il est clair comme le soleil que les droits qui font la force des bourgeois, et les droits qui font leur richesse, sont une double concession des Penthièvre, des seigneurs suzerains de la cité.

A quel titre fut faite cette concession ? Je réponds simplement que, vis-à-vis des droits régaliens que j'ai signalés, je puis noter, à la charge des bourgeois, des obligations qui incombent le plus directement au seigneur : l'entretien des portes, ponts, aqueducs et pavés. De plus, la ville paie au seigneur une rente annuelle ; mais aussi les habitants sont exempts du guet [Note : Les inventaires mentionnent une « enquête par la court de Guingamp, à prouver que les bourgeois et habitants de Guingamp sont exempts du guet, faite en 1451 » ; mais cette pièce ne se retrouve pas], et du plus onéreux des droits fiscaux, le droit de lods, vente et rachat. Ce contraste, j'allais dire cet échange, explique tout. Mais j'ai un texte : « Et ne se charge pas le procureur de certaines rentes que l'on disoit estre dues aux dits bourgeois, et qui furent ordonnées autrefois pour maintenir la plomée, pour lors estant en la dite ville » (Compte de 1447). Si l'on veut bien rapprocher de ce texte, la condamnation rendue, en 1469, par la justice seigneuriale, contre les bourgeois, pour les forcer à entretenir la fontaine et les pavés, il ne pourra, à mon sens, demeurer le plus léger doute.

Que si l'on demande, en dernier lieu, à quelle date je fais remonter le traité intervenu entre la seigneurie et les bourgeois, je confesse que je n'ai sur ce point aucune donnée positive. Il me paraît, tout d'abord, que l'on serait à côté de la vérité, si l'on supposait une concession unique et une charte régulière [Note : Nous trouvons, dans un inventaire de 1511, la mention suivante : « Ung mandement et ung attache pour les bourgeois octroyé par le feu duc Jehan, contenant plusieurs privilèges pour les dits bourgeois, daté le 22ème jour d'aoust l'an 1425, signé par le Duc » (Archives Municipales)]. Après cela, j'augure des nombreux procès que les bourgeois sont obligés de soutenir, dans la première moitié du XVème siècle, pour établir leurs droits et privilèges, contre la seigneurie, contre l'officialité, contre leurs propres vassaux, contre tous et chacun, que si ces droits et privilèges ne sont pas d'un exercice assez antique pour être indiscutables, ils sont antérieurs aux guerres civiles du XIVème siècle, qui en avaient obscurci la notion. Nos plus vieux titres municipaux sont, très-assurément, postérieurs à l'établissement des institutions qu'ils nous font connaître ; mais, néanmoins, ils nous montrent ces institutions dans une sorte d’enfance, au commencement du XVème siècle, et, à partir de cette époque, nous pouvons en suivre le développement progressif et régulier. Si l'on rapproche ces observations de ce que j'ai dit relativement à la date de l'érection probable de Notre-Dame en paroisse, érection qui ne peut avoir d'autre cause que l'influence municipale, on sera peut-être amené à dire, avec nous, que les origines municipales de Guingamp ne sont pas antérieures au commencement du XIVème siècle, et ne sont pas certainement postérieures à la première moitié de ce même siècle.

En fouillant plus avant dans ces inductions ; en considérant que le fief concédé aux bourgeois est situé moitié dans le Penthièvre, moitié dans le Goëllo, ce qui ne permet pas de douter que la concession ne fut faite par un prince qui possédait à la fois le Penthièvre et le Goëllo ; en se souvenant que la fille de Guy de Penthièvre et de Jeanne d'Avaugour possédait ces deux grands fiefs, séparés depuis Pierre de Dreux ; que le mari de cette princesse était, de sa nature, libéral et généreux ; qu'il aimait les Guingampais, et leur en a donné cent preuves ; qu'il était Français, et familiarisé avec les libertés municipales ; que, indépendamment de son caractère et de ses propensions naturelles, ce même prince devait être porté, plus que tout autre, à de larges et populaires concessions, par cela seul que réduit, par la compétition de Montfort, au rôle de prétendant, il devait prendre tous les moyens de se créer et de s'attacher des partisans : en groupant ce faisceau de présomptions, il ne sera peut-être pas trop téméraire d'attribuer à Charles de Blois l'honneur d'avoir fondé la première des municipalités bretonnes.

Jéhan de Brosse ayant été réintégré dans la possession du Penthièvre, « et voulant acquérir une parfaite connaissance des droits de cette seigneurie, lors comté, obtint lettres du roi Henry II pour faire procéder à la réformation des rentiers ». Cette opération commença en 1553, devant deux commissaires députés par Sa Majesté, les sieurs d'Argentré (le célèbre sénéchal de Rennes), et Déliot (Archives Municipales) ; et les privilèges, libertés, exemptions et franchises dont Guingamp était en possession de temps immémorial, furent consignés dans une transaction souscrite, le 21 septembre 1555, au couvent des Cordeliers, par Jéhan de Bretagne, duc d'Etampes, comte de Penthièvre et seigneur de Guingamp, d'une part ; et, d'autre part, par « les manans et habitans, nobles et roturiers, tenans héritages, terres et rentes soubs et au dedans de l'amprins et contenus des bournes, termes et limites de la prevosté de Guingamp, tant en ville close, les feauxbourgs et aux camps d'icelle ». En abrégeant le protocole, où déborde le style enchevêtré des porte-plumes du temps, nous n'omettrons rien d'essentiel, et, d'ailleurs chacun trouvera le texte entier parmi les Preuves de D. Morice.

« Le dit seigneur-duc aura et jouira de tous droits, auctorittés et prérogatives à luy deus, ... à cause de la dite comté et seigneurie de Guingamp, mesme sur les manans et habitans en la dite prevosté .... et signantement luy rendront tout honneur, révérance et obaissance comme à leur vray et naturel seigneur.

Item, luy payront pour le corps commun et politique de la ditte prevosté, en reconnaissance de suppériorité et pour tout tribut et redevance de leurs franchises, privillaiges et examptions et libertés cy-après déclarées, comme ils ont fait au passé et lui continûront annuellement la somme de sept vingt livres monnoyes, ... avec pouvoir au dit seigneur de se prendre à l'un ou plusieurs d'iceux jusques à parfait payement de la ditte somme, l'un et chacun d'iceux tenu et obligé pour le tout et du tout d'icelle somme.

Item, plus seront tenus et subjects les dits manans et habitans de la ville close et feauxbourgs de faire foy, hommage et serment de fidélité au dit seigneur.... et feront au dit seigneur le dit hommage par celuy quy sera procureur ou deputté par le corps et communauté d'icelle ville et feauxbourg, et luy payront le devoir de chambellage à l'acoutusmée, savoir cinq sols monnoye et davantage une hermyne d'argent pesant un marc, pour une fois en sa vie durant [Note : Le chambellage ou chambellenage était un droit payé en faisant l'hommage. Il paraît avoir eu pour origine le salaire du chambellan chargé, d'introduire les vassaux près du seigneur, pour lui rendre l'hommage].

Item, outre seront tenus les dits manans et habitans de faire la garde et le guest en la ditte ville, soubs l'ordonnance du capitaine d'icelle en temps d'hostilité et danger d'ennemy, et sans autrement contribuer aux devoirs de guest, sinon comme dit est en manière accoustumée et sans en l'advenir de­voir comprendre les habitans nobles de la ditte ville subjects aux arrière-bans.

Item, entretiendront les ponts dormans et autres choses comme de coustume et outre cy à quoy ils sont subjects et tenus de droit et rayson.

Item, outre chacun payra selon les rentiers du dit seigneur, les rentes particulièrement par chacun d'eux, chacun au dues au dit seigneur.

Item, consentent les dits habitans de la ditte ville et prevosté que le dit seigneur jouisse de touttes terres et places frostes, vacantes et communes en la ditte ville et prevosté, deshérances, successions des bastards, espaces gallois et autres droits de jurisdiction comme il a fait ou peû faire le passé, reservé ce que par cet accord est remis.

Et au moyen de ce que dessus conteneu, consent le dit seigneur que les dits manans et habitans jouissent et usent de leurs prétandus droits, qu'ils ont eus du temps passé et de leurs privilèges patrimoniaux et hereditaires par eux maintenus et dont le dit seigneur duc est connaissant et connoist iceux manans et habitans et tenans terre en la ditte prevosté estre en bonne et vraye pocession ; c'est à sçavoir d'estre francs, quittes et exempts de tous debvoirs de vantes, rachats, apparution de contracts et autres debvoirs seigneuriaux....

Et signantement a esté accordé que le dit corps commun politique de la ditte ville et feauxbourgs jouiront comme au passé de leur jurisdiction basse et moyenne, ainsy que de choses toutes notoires, sans qu'ils soyent subjects autrement en informer leur dit seigneur, avec droit de préminances d'église et autres droits dont ils ont accoustumé jouir et user....

En faveur et considération de la ditte transaction, les dits manans et habitans et chacun d'eux obligés, l'un teneu et obligé de tout pour le tout, reconçant et ont renoncé au bénéfice de division, et par exprès, ont promis de payer et rendre au dit seigneur ou autre de par lui commis, en la ville de Lamballe, la somme de 3.000 écus payable en trois termes....

Toutes et chacune les quelles choses cy-dessus déclarées ont fait, promis et juré tenir, fournir et accomplir sans jamais en contrevenir par bonnes et valables stipulations solennellement entre eux intervenues ; même les dits nommés et chacun ayant obligé pour l'effait et exécution de tout en enthier et en partye de ce que dessus, tous et chacun leurs biens meubles et héritages et en outre leurs propres corps à tenir prison fermée jusques à payement de la ditte somme de 3.000 écus.... et tout ce pour eux, leurs successeurs et causayants ».

Dès l'année 1751, il est appris que l'original de cet acte, écrit sur quatre feuilles de parchemin, n'existait plus ; mais il avait été enregistré, et l’on en possédait des copies authentiques. « Les privilèges, ussements et droits patrimoniaux de la ville de Guingamp, furent présentés, selon le commendement du Roy », aux commissaires à la Réformation des Coutumes de Bretagne, par « M. Pierre Jourin, (que l'édition des Coutumes par Du Parc Poullain a transformé en Pierre Turpin,) lors procureur, recepveur et miseur des bourgeois » [Note : Procuration du 17 avril 1581, donnée à Jean Le Gendre pour suivre la Réformation des Coutumes, et ratification des agissements de Pierre Jourin (Archives Municipales)]. C'était à Ploermel, le 16 octobre 1580. Ces usements furent simplement sanctionnés par la disposition générale de l'article 684 de la Coutume. Ce ne fut pas la faute de d'Argentré, si l'on se borna à cette approbation implicite : « Hic articulus, dit le savant auteur de l’AITIOLOGIE, valdè repugnante me scriptus est cum scripto talia omnia edi, probari et in scriptum redigi suasissem ».

Ville de Guingamp (Bretagne).

J'emprunte à un aveu rendu, le 30 juin 1583, par le sieur des Salles [Note : Guillaume Le Kerme ou Le Carme : il avait remplacé, aux Salles, une branche des Kergorlay. Au commencement du XVIIème siècle, Anne Le Carme épousa Gilles de Crésolles, et leur fille unique, Jeanne de Crésolles, apporta les Salles à Guy de Cleuz du Gage. A la fin du XVIIIème siècle, Reine-Marie de Cleuz du Cage épousa le marquis de Kerouartz, dont le petit-fils possède aujourd'hui les Salles. — En 1496, Henry Le Carme était receveur de la seigneurie du Poirier pour Pierre de Rohan. — Ces recettes ou fermes des grandes seigneuries furent, avec la judicature, une des principales ressources des gentilshommes de ce temps. C'est ainsi que je trouve, parmi les receveurs de Guingamp, les Pinart, qui possédèrent Cadollan pendant quatre siècles ; et, parmi les receveurs de Minibriac, les Bizien du Lézart et les Cléauroux de Kerauffret. — Henry Le Carme succéda à un prêtre nommé Dom Le Goff, dans la recette du Poirier], en cette année procureur des bourgeois au duc de Mercoeur, le détail « des choses notoires » dont la transaction de 1555 dispensait de faire état nominatif. Il y est dit que l'avouant, « suivant les droicts et privilèges enciens et patrimoniaux des dits nobles bourgeois et habitans, recogneus et confirmés aux derniers hommages de bonne mémoire Monseigneur le duc d'Estampes, a cognu et cognoit les dits nobles bourgeois entre prevosts et sergents feaudés nobles de mesdits seigneur et dame Duc et Duchesse en la prevosté de Guingamp, s'estendant en la ville et fauxbourgs du dit lieu ès paroisse de Ploumagoar et tref de Sainct-Aganthon, hors le territoire de Goëlo [Note : Les bourgeois rendaient un autre aveu pour leurs possessions en Goëllo], Sainct-Martin, Sainct-Sauveur et la Trinité, subjects à servir par deux sergens qu'ils sont tenus presanter au juge prevost institué par Messeigneurs les Duc et Duchesse à la dite fin ; quels sergens sont anuaulx nobles et exempts, qui sont tenus recueillir les taux et amandes d'icelle et rapporter au recepveur de la dite seigneurie, retenant la septième partie pour debvoir de cueillette. Ayant les dits bourgeois et habitans et autres de la dite prevosté privilège de menée aux jurisdiction et plaids de la court de Guingamp, au jeudy quart jour des dits plaids, qui est le mesme jour que l'exercice ordinaire de la dicte court de la prevosté a accoustumé estre faict, et ne peuvent les dits de la ville, fauxbourgs et prevosté estre traités ni convenus en la dite court de Guingamp qu'en la dicte menée et durant les dits plaids.... Les manans et habitans sont subjects à la foy et hommage et serment de fidélité seullemeut à cause de ce et des droits et prérogatives qu'ils tiennent et relèvent de luy, sçavoir : fieff et jurisdiction ayant exercice par juges et officiers, greffier, notaire et sergent, haulte [Note : C'est une prétention que les bourgeois eussent bien voulu glisser dans leur aveu, mais qu'ils ne purent jamais soutenir en face], basse et moyenne justice ; pouvoir de nommer et substituer un maire, procureur et miseur d'entre eux, qui est tenu, la maire voix , accepter la charge et icelle porter un an enthier, et faire la recepte de leurs patrimoniaux et en rendre compte. Durant le dit an, icelluy procureur est franc et quitte de tous subsides et contributions. Item ont les dits bourgeois privilège de plaids à certain jour, sans assignation des dits plaids, avec patibulaire, four à ban, estang et moulin avec cohercision (sic) pour la suite d'iceux sur leurs hommes et subjectz, rentes, chef-rentes et convenants, domaines et coustumes, sans comprendre ce qui est sous le comté de Goëlo ; droit d'armoiries, escussons en bosse et painture, qui sont d'argent au cheff et fasce d'azur, en l'église Notre-Dame de Guingamp ; fondateurs des chapelles de Sainct-Yves, Sainct-Nicolas, la Madelaine et Rochefort, et ayant droits de patrons lais et présentateurs des bénéfices tant de vicaires [Note : Cette prétention n'est pas plus justifiée en fait que celle de la haute-justice. Dans l'aveu de 1752, on lit : « Ils présentoient anciennement les quatre vicariats de Guingamp, lesquels estant à présent réunis en la personne d'un seul recteur, la présentation en appartient à Son Altesse Sérénissime, Monseigneur le Duc de Penthièvre ». L'amour-propre a des ressources inépuisables] que du sacriste de Guingamp et chappellenies de la Madelaine, Rochefort, Sainct-Julien et autres ; privilèges de Chambre de Comptes par auditeurs eschevins choisis entre eux, dont les appellations ressortissent immédiatement en la court de Parlement de ce pays ».

Suivent les exemptions de lods et ventes, et la reconnaissance de la rente due à la seigneurie, toutes choses mentionnées en termes identiques à ceux de l'acte de 1555, et sur lesquelles je ne reviens plus.

Vous avez remarqué, dans cet aveu, le blason des armoiries de la communauté : d'argent à une fasce d'azur et au chef de même. Ces armoiries se trouvent ainsi figurées et décrites sur les plus vieux comptes, et notamment sur celui de 1447 [Note : Sur celui de 1537, ces armoiries sont enluminées et encadrées, avec tout plein de goût, dans la lettre initiale du compte : «  C'est le livre, etc. »], et sur un certain nombre de sceaux du XVIème siècle et de la première moitié du XVIIème siècle, aux archives de la municipalité et de la fabrique ; mais, dans la seconde moitié du XVIIème siècle, on fit, pour plus d'élégance, une interversion dans l’ordre des émaux, le nombre des pièces restant le même. Albert-le-Grand et l'aveu du 29 mai 1752 constatent cette légère modification, en disant que Guingamp porte fasce d'argent et d'azur, de quatre pièces. Ces armoiries furent enregistrées en 1697 [Note : C'est à tort que sur le plan de Guingamp gravé par 0llivault à la fin du XVIIIème siècle, on a figuré un écu fascé d'argent et d'azur de six pièces ; c'était sans doute plus régulier, mais ne se rapportait plus aux armes antiques, d'argent à la fasce d'azur et au chef de même. Quant à Guy Le Borgne, je ne sais où il a été prendre les blasons qu'il donne comme ceux de Guingamp ; si jamais ces armoiries ont été figurées quelque part, ce sont certainement les armes anciennes et modernes de la seigneurie, réunies dans un blason fantastique, ou celles de quelque gouverneur, et non celles de la communauté. Je sais encore moins où un compilateur moderne a vu que Guingamp portait d'argent à six fasces d'or].

Ville de Guingamp (Bretagne).

Je dois maintenant entrer dans quelques détails relatifs à la juridiction des bourgeois, et aux institutions municipales proprement dites. Je les montrerai telles qu'elles existaient au moment de la transaction de 1555, telles qu'elles se maintinrent dans leur intégrité, jusque vers 1640 ; j'en raconterai la rapide décadence, et je dirai comment la centralisation administrative que Richelieu préparait à l'absolutisme de Louis XIV, confisqua l'un après l'autre ces privilèges et ces franchises : le niveau révolutionnaire devait en anéantir jusqu'à la trace, jusqu'au souvenir.

La Cour des nobles bourgeois de Guingamp était une justice basse et moyenne. On ne connaissait pas, dans les premiers temps du droit féodal, ce degré moyen de juridiction : la très-ancienne Coutume de Bretagne n'en parle pas. Les moyennes-justices se formèrent insensiblement par les empiètements successifs des bas justiciers, et l'usage seul établit en Bretagne les limites très-variables qui séparaient les juridictions. Ni l'ancienne ni la nouvelle Coutume ne s'en occupent ; le mot même de moyenne-justice, introduit par les réformateurs de 1539, ne se trouve qu'une fois, incidemment, dans l'article 473, titre XXI. Aussi la plus grande incertitude divise-t-elle les commentateurs sur les cas et les droits de chaque degré de justice. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne l’appropriement, cette garantie dans les mutations d'immeubles qui était propre à notre province, et dont d'Argentré a dit que « notre droit particulier n'avait rien de plus utile ni de plus prudemment imaginé, » le savant et grave Hévin enseignait : « qu'on ne peut s'approprier qu'aux plaids généraux, et qu'on ne le peut aussi qu'aux plaids généraux de haute justice. Sur quoi, ajoute-t-il, on demande si les seigneuries de basse et moïenne justice peuvent avoir des plaids généraux. Je crois qu'ouï, mais ils n'y font pas d'appropriements ». Tout au contraire, le brouillon et superficiel président de Perchambault maintenait « que, en matière civile, la moyenne justice avait droit, mesme de faire les bannies afin d'appropriement ». Les registres de la juridiction de Guingamp donnent raison à l'opinion de Perchambault, qui est aussi celle de Poullain du Parc, fondée sur la jurisprudence. Il y est fait mention, depuis 1603 jusqu'à 1637, de sept appropriements. Les autres actes dont nos registres ont conservé la mémoire sont des tutelles, des émancipations, des décrets de mariage, des main-levées, des réceptions d'officiers subalternes. Par ailleurs, on sait que les moyennes-justices connaissaient des délits punissables d'une simple peine pécuniaire n'excédant pas 60 sols, des poids et mesures, de la police et taxe des denrées, de la petite voirie, etc.

En dehors des registres, et pour les temps antérieurs, les archives conservent le procès-verbal d'une vente mobilière, après décès, faite chez Jan Le Guevellou, cultivateur, vassal des bourgeois, le 27 décembre 1576. Ce document renferme des renseignements importants sur les prix et la consistance d'un matériel agricole au XVIème siècle.

Puis, à la date du 16 avril 1554, une « enqueste d'office faicte par la court de Messieurs les bourgeois, manans et habitans de la ville de Guingamp, sur la plaincte et doléance de Pierre Le Goff d'avoyr esté baptu et excédé par Dom Prigent Le Gonydec, religieux profès de l'abaye de Sainct-Croix ; à lui hosté préablement ung arbalestre ». La rixe dans laquelle Dom Le Gonydec désarma et rossa Pierre Le Goff, avait eu lieu précisément sur la chaussée de l'étang des bourgeois. La bonne aubaine, si la bourgeoisie de ce temps-là avait pu lire le Siècle et le Constitutionnel !

Mais la pièce la plus curieuse de nos vieilles archives judiciaires est, à coup-sûr, une enquête édifiée, en 1428 [Note : Cette enquête nous fait remonter à la première moitié du XIVème siècle ; l’un des témoins, Jéhan Mérian, âgé de 56 ans, homme lettré qui servit souvent de greffier à l'audience des bourgeois, témoigne personnellement de faits qui remontent à quarante ans, et il ajoute : « et aussi l’a oy dire à Hervé Gicquel et Pierre du Chaisne qui estoient anciens et savoient les gouvernements de la ville et à plusieurs autres dont n'est membrant »], pour prouver que les bourgeois avaient droit de condamner ceux de leurs vassaux qui faisaient défaut à leurs plaids, en une amende de deux sols, à la condition rigoureuse d'exécuter le jugement dans la journée ; sans quoi, il y avait péremption, sauf toutefois le cas, assez fréquent, où le sergent allant pour faire commandement et saisie, trouvait porte close ; le délai se prolongeait alors jusqu'au lendemain. Il y a quatorze témoignages, tous conformes, qui remontent jusque vers 1380, au temps de la « jacquerie, » comme dit un des témoins : c'est là qu'il faut voir les pittoresques détails d'une audience qui rappelle, sauf le respect, celle que donna Sancho dans l'ile de Barataria. Si le procureur des bourgeois a assez de capacité ou de présomption pour rendre lui-même la justice à ses rares sujets, il se dispense de nommer un sénéchal ; dans le cas contraire il investit un sien ami de ces hautes fonctions, hélas ! bien éphémères, puisqu'elles expirent avec les pouvoirs annuels du procureur. D'honoraires, il n'y a pas d'autres que « les taux et amendes » .... que l'on va invariablement dépenser au cabaret, en sortant de l'audience. C'est dans la rue du Trotrieux-Lambert, « devant l'ostel Jéhan Lancien », que se tient cette audience, et comme la rue est peuplée de savetiers, c'est dans cette humble profession que, d'ordinaire, les nobles bourgeois choisissent leur sergent. Ils sont curieux à voir, ces braves sergents, aussitôt qu'une sentence de « défaille » est tombée des lèvres du juge, se précipiter, d'un seul bond, jusqu'aux extrémités du fief, pour saisir les gages de l'amende ici, une poêle ou un chaudron ; là, un drap de lit ; ailleurs, un couteau pour préparer le cuir ; plus loin, « ès mettes de Saint-Agathon, » des instruments de labourage. Le sergent triomphant apporte ces gages à la taverne et, sénéchal, sergent et plaideurs notables boivent, « sur les dits gages, » jusqu'à concurrence de l'amende édictée. Le condamné, en venant le lendemain retirer ses gages, paiera le tavernier.

Quelquefois les, justiciables s'opposaient à ces exécutions pantagruéliques : le sénéchal punissait leur rébellion d'une plus forte amende, que l'on allait boire comme, les amendes de deux sols. Je laisse Pierre Le Garn, cordonnier, et, par cumul, sergent de Guillaume Dien ou Derien, procureur et sénéchal vers l'an 1403, le soin de raconter lui-même un exploit de ce genre : « Item, il executa aussi sur Guillaume Rivelen une huge qui fut executée à cause de l'amente de la dite court d'avoir impechié et destourbé cest tesmoin de prendre sur lui gage à cause d'une deffaille qu'il avoit deffailli en la dite court et d'avoir tiré sa dague sur cest tesmoin sergent pour executer sur lui ; et poia le dit Rumelen en vin et despens en l’ostel du dit Guillaume Dien, le jour de la dite amente jugée, la somme de dix souls tant pour l'amente de la dite court que pour l’amente de cest tesmoin ».

Ville de Guingamp (Bretagne).

Je veux citer aussi la raison philosophique que Derien Michel, qui fut procureur et sénéchal en l'an 1405, donnait des divers usages de la juridiction des bourgeois : «  Une fois, en venant des dits plaiz, Jéhan Leron demanda au dit Derian Michel pourquoy il faisoit le jour des plaiz executer des taux de la dite court, et qu'il ne faisoit taux au bout de l'an, ainsi que on faisoit en la prevosté de Guingamp et en la court du prieur de la Trinité. Lequel Derian lui respondit que s'il feist taux au bout de l'an ainsi que les autres seigneurs et eust attendu jusques à ce à le lever, qu'il eust esté changié de procureur et receveur des dits bourgeois ainçsois que l'an du taux fust finy ; et ainsi le procureur qui venseist après eust joy et fait faire la recepte des dits taux, et n'en eust eu aucune chose le dit Derian senechal au temps, mais l'autre procureur subséquent en eust joy » [Note : Le témoin ajoute : « car en ce temps on avoit accoustumé changier les procureurs des bourgeois par chacun an ». Cet usage, ainsi que nous le verrons, subsista jusqu'à 1671, et si l'on y dérogea dans le cours du XVème siècle, notamment pour Merien Chéro, qui fut procureur pendant deux, et peut-être pendant trois ans, ce fut toujours exceptionnellement. Il est probable que la même exception se présentait en 1428, ce qui explique la phrase du témoin].

Cet état de choses durait encore au commencement de la seconde moitié du XVème siècle, et les comptes de cette époque ne font point état des taux et amendes de la juridiction, attendu, disent les procureurs, qu'ils sont abandonnés pour salaire aux gens de justice. Quelques années après, on voit qu'une réforme s'est opérée, et les gages du sénéchal figurent au budget municipal pour la modique somme de trente, puis de cent sols.

Plus tard, et vers 1560, on trouve un procureur fiscal aux gages de cinquante sols.

Pendant le XVIème siècle et les quarante premières années du XVIIème, la cour des nobles bourgeois est dans tout son lustre ; puis, vient sa décadence.

« Le 6 février 1603, le procureur fiscal des bourgeois remontre que de tout temps immémorial les plaids ont coutume estre tenus au dit jour, qui est le jeudy précédent le mercredy des cendres, comme plaids nés sans bannies ». « Depuis ce temps, ajoute l'auteur de l'excellente table de nos délibérations, ils ont toujours été tenus à pareil jour, jusqu'en 1693, depuis laquelle année on ne voit point qu'il y ait eu des plaids » [Note : Ces généraux plaids étaient l'occasion d'un dîner municipal, auquel prenaient part les officiers de justice et les notables].

« Généraux plaids du jeudy 27 février 1642. Comme les sieurs bourgeois, à la diligence de noble homme Jan Mahé, l'an présent maire, étoient sur le point d'aller faire délivrer leurs généraux plaids de la cour des nobles bourgeois ainsy qu'il est de coutume de tout temps immémorial, ils ont eu avis que les sieurs sénéchal et procureur fiscal de la cour de Guingamp s'étoient rendus en l’auditoire de cette ville, à dessein de les troubler sur la délivrance des dits plaids. Les dits sieurs officiers ayant incontinent sorty du dit auditoire, se sont rendus en l'église Notre-Dame pour faire sonner la cloche de campane. Ce que oyant, les dits bourgeois et habitans se seroient aussi rendus en la ditte église, à dessein d'aller tenir et délivrer les dits plaids par devant un avocat de la cour, attendu l'absence de monsieur le sénéchal de la ditte jurisdiction, en la chambre de ville étant dans la tour neuve de la ditte église. Où voulant rentrer à la ditte fin, les sieurs sénéchal, juge prevost et procureur fiscal leur auroient à haute voix et par plusieurs fois déclaré opposer la délivrance des dits plaids, que par devant eux. En sorte que tous les bourgeois et habitans leur auroient déclaré nommer le sieur Judinet avocat, pour les délivrer, attendu l'absence de monsieur le sénéchal des bourgeois. S'étant retirés au portail de la ditte église, a été procédé par devant le dit Judinet avocat, aux baux à ferme des revenus de la communauté ».

C'était la répétition d'une scène également violente qui s'était passée, le même jour, en 1641. Le 20 janvier 1641, le sénéchal et le procureur fiscal de la juridiction de Guingamp, s'appuyant sur les règlements récents rendus par les communautés de Saint-Brieuc et de Vitré, avaient obtenu un arrêt sur requête par lequel le Parlement faisait « defenses aux bourgeois et habitans de Guingamp de faire aulcunes assemblées, proposition et délibération en leur maison commune, ny recevoir aulcuns officiers qu'en la présence des dits sénéchal et procureur fiscal ou de l'un des autres juges en leur absence, iceux advertis de s'y trouver ». Le 7 février, les bourgeois, qui avaient été chassés, l'année précédente, de l'auditoire de la prévoté, où ils avaient, depuis nombre d'années, coutume de délivrer leurs plaids, s'en allèrent pour tenir cette même audience, sous la présidence de Messire Michel Moisan, leur sénéchal, qui était aussi alloué de la prévôté, à leur chambre de ville, dans la Tour-Plate, après s'être assurés que les juges de la juridiction occupaient leurs sièges à une heure inaccoutumée, et pour empêcher la juridiction des bourgeois d'user du tribunal. A peine l'audience était-elle commencée dans la chambre de ville, que le sénéchal, le juge prévôt et le procureur fiscal, assistés d'une armée de sergents, entre autres de ceux qui auraient dû être présents aux plaids des bourgeois, firent irruption dans la salle. Alors, ce fut un tumulte impossible à décrire : les juges invoquaient l'arrêt du Parlement ; les bourgeois répondaient que l'arrêt prévoyait des délibérations municipales et non pas la délivrance des plaids d'une juridiction semblable à toutes les juridictions féodales ; on en vint aux gros mots, aux menaces, aux blasphèmes, presque aux coups. Chaque partie dressa procès-verbal ; le même jour, partirent deux requêtes adressées au Parlement ; une enquête, que je n'ai pas, fut ordonnée, et, le 20 juin, fut rendu un arrêt contradictoire, fort longuement précédé d'une analyse de la procédure, et qui se contente de répéter mot pour mot, dans son dispositif, l'arrêt du 20 janvier. Cela n'avançait pas d'un cran la question, telle qu'elle s'était posée aux plaids du 7 février, et voilà pourquoi la lutte recommençait le 27 février 1642 ; seulement, le pauvre Michel Moisan avait été forcé d'opter entre sa charge d'alloué de la cour et l'honneur d'être sénéchal des bourgeois, et il avait naturellement penché vers la charge.

Trop souvent ainsi, les Parlements écrasèrent les libertés qui étaient les meilleures sauvegardes de leur propre indépendance.

La brèche était ouverte contre la juridiction des bourgeois.

« Le 5 juillet 1680, le procureur fiscal de Guingamp conteste le droit de justice et de création d'officiers à la communauté, et s'oppose à l'exercice d'icelle. La communauté soutient le contraire, et enjoint au maire d'anticiper les appellations relevées par quelques particuliers des sentences de la cour des nobles bourgeois ». « Le 24 décembre 1681, injonction au maire de défendre partout où estre devra la jurisdiction des nobles bourgeois de cette ville ».

En 1694, on voit un sieur de La Grève, de la Fontaine-Blanche, procureur fiscal de la juridiction des bourgeois. Il n'en est plus fait mention sur les registres depuis ce temps.

Le grand honneur de la charge de sénéchal de la cour des nobles bourgeois, était la présidence des assemblées de la communauté. Véritables Etats de la cité, ces assemblées, où se confondaient les trois ordres, eurent, jusqu'au XVIIème siècle, une activité et une importance dont notre administration municipale actuelle ne peut donner l'idée. Il y avait liberté et décentralisation ; la ville, traitant elle-même ses propres affaires avec une intelligence, avec un soin proportionné à la gravité de ses intérêts, est une personne vivante d'une vie réelle ; on sent battre son coeur.

Il est assez difficile d'établir, d'une manière positive et certaine, quels étaient, à Guingamp, le nombre et la qualité des habitants qui avaient, à l'origine, voix délibérative dans l'assemblée. Ce nombre varia beaucoup, jusqu'au règlement de 1706, que nous rapporterons tout à l'heure. Je n'ai, du reste, trouvé nulle part la chose mieux définie que dans l'histoire de la fondation des Capucins : « on proposa l'affaire à tous en général et on demanda l'advis de tous ceux qui le méritoient ».

Il y eut souvent contestation entre les différents membres de l'assemblée, au sujet de la préséance. Le 19 février 1676, les vicaires demandèrent la préséance sur les maires, qui la leur contestaient et la cédaient à la noblesse, qui, de son côté, consentait à ce que les vicaires fussent enrôlés avant elle. Le sénéchal donna gain de cause aux vicaires ; les maires se portèrent appelants de cette ordonnance. Les mêmes difficultés se renouvelèrent à plusieurs reprises, jusqu'au règlement de 1706. Un jour, après une discussion entre les juges de la seigneurie et les maires, les juges ordonnèrent au greffier de demeurer saisi du registre. Les maires en firent faire un nouveau.

Les assemblées, à partir de 1661, durent se tenir régulièrement de deux mois en deux mois, et 30 livres d'amende furent édictées contre ceux qui, ayant voix délibérative, s'absenteraient de deux séances. A partir de ce temps, les registres sont pleins de doléances sur la négligence des membres à se rendre aux convocations : c'est que, en s'attribuant un droit de révision et de contrôle, l'autorité royale avait déjà diminué l'intérêt des délibérations. Nous avons à raconter ces restrictions progressives, apportées par les arrêts du conseil aux libertés de notre municipalité.

Le corps politique de la communauté de ville avait, dans l'origine, à s'occuper de tous les intérêts moraux et matériels de la cité. Le gouverneur, chef purement militaire, et les juges de la cour ducale, étaient des autorités complètement étrangères à l'administration municipale. Il serait trop long d'énumérer tous les objets qui sont tour-à-tour le sujet des délibérations de la communauté. Au premier rang se placent la députation aux Etats, et l'élection du maire et des douze auditeurs des comptes, pris parmi les anciens maires, qui représentaient notre conseil municipal actuel.

Guingamp fut au nombre des vingt-trois bonnes villes qui eurent seules, tout d'abord, le droit de députer aux Etats. Le député de Guingamp fut très-ordinairement le maire de la ville. On lui adjoignait un second député ; mais on sait que cette doublure importait peu, puisque chaque ville n'avait que sa voix, quel que fût le nombre des délégués. La députation était gratuite. Guingamp accorda toujours une indemnité à ses envoyés quelquefois quatre livres par jour, quelquefois cent livres une fois payées. Les Etats ne se tinrent jamais à Guingamp.

Les Bénédictins constatent que le plus vieux titre où ils aient trouvé mention de la présence du Tiers aux Etats, est de 1309. Je n'ai aucun moyen de savoir si les députés de Guingamp se trouvaient à ce Parlement, non plus qu'à celui de 1315, car la présence du Tiers n'est constatée que par la formule : « ô solemnité des Trois Etats ; » mais je trouve les Guingampais, nommément désignés, aux Etats de Dinan, convoqués, en 1352, par Jeanne-la-Boiteuse, pour traiter de la rançon de Charles de Blois : c'était leur place naturelle.

La plus ancienne note de nos comptes est de 1466 : « Item est ainsi que le Duc notre souverain seigneur fit mander ses Estas à comparoir en la ville de Nantes au 26ème jour de feuvrier l'an 1465 (66), auquel lieu fut le dit procureur (Merien Chéron), envéé par la délibération des habitans et y fut par le temps de quatorze jours et y fist plusieurs diligences et remontrances du fait de la ville et des habitants, que firent et mirent par escript Monsieur le sénéchal de ce lieu et Guillaume Taillart qui ilaie estoient ; et en iceluy veaige iceluy procureur tant pour soi que pour son cheval despansa la somme de 7 liv. 10 s. — Il luy est passé pour cette article : 70 s. » (Archives Municipales).

Les amateurs d'autographes pourront prendre plaisir à feuilleter les lettres de convocation aux Etats qui sont conservées dans les archives ; ils y trouveront des signatures autographes de la duchesse Anne, de Louis XII , de Louis XIII, de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, du cardinal de Richelieu, etc. Le formulaire n'a guère varié. Voici celui de Louis XII : « De Par le Roy. Très chers et bien amez, pour aucunes choses qui grandement touchent le bien de nous et de la chose publicque de nostre pays et duché de Bretaigne, nous avons ordonné faire assembler les gens des Troys Estats du dict pays en notre ville de Vennes, au 25e jour de septembre prouchain. Auxquels lieu et jour envairons et deputterons aucuns grans personnaiges et de nos conseillers et officiers pour vous dire et remonstrer les causes de la dite assemblée. Si vous prions et néanmoins mandons que aux dits lieu et jour vous vous trouviez pour ouyr, délibérer et conclure sur ce que par nos dits deputés y sera dit et remonstré de par nous et sur ce avoir votre advis et oppinion. — Donné à Tarare le 16e jour d'aoust. LOYS. Plus bas : Noblet. Au dos : A nos très chers et bien amez les nobles bourgeois, manans et habitans de notre ville de Guingamp » (Archives Municipales).

Il y a aussi aux archives une très-curieuse lettre de M. de Rocquancourt, adressée « à Monsieur Maître François Fixçonais, procureur des habitans de Guingamp » : c'est un compte-rendu de la session des Etats en 1593. D'ordinaire, ces comptes-rendus se faisaient verbalement, et nous trouvons, dans les vieux comptes municipaux, la dépense du vin qui était bu, dans ces occasions, par les députés et par l'auditoire. — « Monsieur. Je recepvu la vostre avecq ugne procure suyvant la quelle je me suis presanté aux Etats. Le Roy a faict demande de soixante treize mil escus avecq continuation de huit escus par chacun tonneau de vin et les trois escus par feu, sans comprendre quatre mil cinq cents escus pour l’entretenement des gardes de Monsieur le Marechal. Sur quoy apprès les remonstrances faictes par les depputés du Tiers Estat de la totalle ruyne de tout le plat pays, entre aultres ès places que les sièges ont esté.... les dits deputtés ont offert soixante cinq mil escus et quatre mil cinq cents escus pour le paiement des gardes à la charge [Note : On avait d'abord écrit : « qu’il plaise à Sa Majesté ; » puis un légitime réveil du droit et de la liberté a fait rayer cette formule obséquieuse ; car, en matière d'impôts, le roi n'avait pas de bon plaisir avant Louis XIV] que la moictié de huit escus pour tonneau entrera au paiement du nombre de soixante cinq mil escus ; les trois escus pour les feuz abolis pour le souloigement du peuple où l'on a faict plus grande recherche que au passé pour l'abus que l'on y a commis. Ce qui a rettardé la conclussion des dits Estats sans la quelle je me serois retiré. L'on tient par deça que le couronnement et sacre du Roy est suppercedé jusques au premier de janvier et que la prolongacion de la trefve est jusques au dit jour. Dieu nous doint sa paix plus tost ! Ne vous faisant plus longue de peur de vous importuner priant le Seigneur vous avoir en sa garde ; escript ce jeudi 21e d'octobre 1593. Vostre servitteur De Rocquancourt » (Archives Municipales).

Le maire ou syndic, que l'on nommait originairement procureur et receveur des bourgeois, et les douze auditeurs du compte, étaient élus, chaque année, à la pluralité des suffrages. Cette élection avait toujours lieu le mercredi des Cendres. C'était ce même jour que la communauté élisait aussi le gouverneur de Notre-Dame et ceux des hôpitaux, quand il y avait lieu.

Ville de Guingamp (Bretagne).

Fidèle à ma coutume de remonter le plus loin possible vers les origines, je transcris ici le plus ancien procès-verbal d'élection, qui existe aux archives, en faisant remarquer que, bien qu'il s'agisse d'une élection extraordinaire pour remplacer un procureur décédé, la formule est la même que pour les élections annuelles [Note : Le plus vieux titre où il soit expressément fait mention du procureur des bourgeois de Guingamp, et même d'un procureur des bourgeois en Bretagne, au moins parmi tous les titres municipaux retrouvés jusqu'à ce jour par M. de La Borderie, porte la date du 13 mai 1380, et porte ce qui suit : « Sachent touz que en notre court à Guingamp, Jahenne duchesse de Bretaingne, comtesse de Penthevre et vicomtesse de Lymoges en droit establi, Colin David tant en son nom privé que au nom et comme procurour prové et trové general des bourgeois et habitanz en notre dite ville, o le gré assantement et presence de discret et honorable homme mestre Pierre Morell archidiacre de Treguier, Pierre Morell , Mahé Rouaud, Hervé Giquael, Julien Merien, André de Launay, Olivier Le Cozic … bourgeois et habitanz de notre dite ville et en la presence et assantement de plusieurs autres bourgeois et habitanz en notre dite ville, considerant en ce lour commun proffit eue bonne et manier de deliberacion sur ce que enseult de lour bon gré et commun assantement sans aucun descroisse ne pourforcement, ont baillé, livré, cessé et delexé.... à Henry Le Prevost, ses hoirs, commandz et qui cause aura de li les choses ci après ... ». On lit à la fin : « Et est assavoir que commant que le dit Colin se est obligé en son nom propre à cause des choses dessus dites, ne est tenu à fournir fors que comme un des autres bourgeois de la dite ville. XIIIe jour de May l'an mill IIIc quatre vingz ans »].

« Sachent que tous que en notre court de Guingamp en droit furent presents et personnellement establis : Henry de Begaignon, Charles Le Blanc, Jéhan Louet, Yvon Le Dantec, Marc Picart, Hervé Botbariec, Guillaume Le Quelennec, Bertrand Gouyquet, Prigent Estienne, Bertrand Ryays, Yvon de Kerderyen, Silvain Le Bicallec, Meryen Le Guilcher, Guillaume Le Marchadour, Jéhan Herviou, Gilles Clère, Yvon Urgoy, Jéhan Le Delivré, Rolland Phillot, Jéhan Bouscher, Olivier Filcaulx, Alain Robert, François Le Guer, Yvon de Quoitgourheden, Jéhan Pasquiou, Jéhan Le Piller, Jéhan Jégou, Raoullet Langle, Jéhan Degays, Yvon Cousin, Jéhan Haellou, Alain Hervé, Phillipes Le Prateller, Jéhan Stephan, Henry Le Prateller, Guillaume Guillaume, Rolland Henry, Yvon Le Goulloubert, Nicolas Le Paver, Tugdual Le Bihan, Yvon Le Guyader, et chacun d'eux bourgeois manans et habitans des ville et fauxbourgs de Guingamp, congregés, unis et assemblés presentement en l'eglise Notre-Dame de Guingamp, en la chapelle Monsieur Sainct Jacques, à son de campane, en la manière acoustumée pour trecter et deliberer de leurs negoczes et affaires, choisir, eslire et establir leur procureur et recepveur par le deczois de feu Raoul Parthevaux leur procureur et recepveur precedent, naguères decebdé, savoir de dimanche derain esté avant ce jour ; lesquels bourgeois, manans et habitans et quoique soit la maire et plus saine voix d'iceulx ont choaisy, esleu, fait, constitué et estably le dit Guillaume Le Quelennec à leur procureur et recepveur général, pour exercer les dites procuration et recepte ès nom des dits bourgeois et habitans jusques au mercredi des Cendres prochain venant. En toutes et chacune leurs causes, termes querelles et negoczes à eux meus et à esmouvoir par devant tous et chacun juges tant d'église que séculiers, commissaires arbitres et aultres deputtez de quelque pouvoir et auctorité qu'ils soient fondés et usans, vers toutes personnes leurs adversaires presents et futurs tant en suivant qu'en defendant, de principal, coust et dépens, etc., etc., donner appel et contredire plegements appelés, appeaulx et contredits, poursuivre chacun en sa manière ou s'en désister, etc., jurer en leur lieu tous serments de droit et de coutume requis ; donnant et octroyant les dits establissans au dit Quelennec leur dit procureur et recepveur pouvoir et mandement exprès de faire et substituer en la dite qualité pouvoir et procuration pour luy ung ou plussieurs et de les revocquer comme verra l'avoir affaire ; cueillir, esliger et recepvoir les fruictz, levées et revenus des héritaiges, terres et rentes deubs et appartenant aux dits établissans en quelque manière et espeze qu'ils soyent deubs, et d'en gréer et bailler quittances de ce que receu en aura ; d'affermer et bailler par ferme les dits heritaiges, terres, rentes et revenus ; retraire de courts susaines les hommes et subjects des dits establissans à leur court ouir qu'est permis de droit et de la coustume du pays. Et generallement de faire toutes et chacune des aultes choses que les dits establissans feroient ou faire pourroient si presens en personne seroient jaczois que le cas requiert mandement plus espécial ou presence de personnes. Promettant, promettent et s'obligent ô tous leurs biens et par leurs sermens avoir ferme, tenable et agréable tout ce que par le dit procureur et au dit nom sera fait etc. Tesmoing de ce le scel establi aux contrats de notre dite court à corelation des notaires soussignans. Ce fut fait et grée le dixième jour de septembre l'an 1498 ».

On le voit c'est un mandat général, avec pouvoir de substituer. Les procureurs usèrent généralement de ce pouvoir, et l'on conserve un assez grand nombre de procurations données, en cas d'absence, à une série alternative de mandataires substitués.

Mais la pièce suivante nous fera mieux approfondir encore les attributions du maire, en nous faisant connaître celles des douze auditeurs des comptes, véritable conseil municipal :

« Sachent tous que en notre court de Guingamp en droit ont esté presents devant nous et personnellement establis : Jéhan Le Pourvoir procureur et recepveur des nobles bourgeois, manans et habitans de la ville et fauxbourgs de Guingamp ; Pierre Le Ver sr. de Kerleau procureur de la court et jurisdiction des dits bourgeois ; vénérable et discret Messire Jacques Fleuriot archidiacre de Treguier et prieur de Sainct Salveur ès dits fauxbourgs de Guingamp ; Messire Jéhan Fleuriot vicaire de Notre Dame de Guingamp ; Maître Jéhan de Rosmar, monsieur le Sénéchal du dit Guingamp ; Maître Guill. Hemery ; M. Adrien Le Mignot ; Jéhan Ostieur ; Jerosme Jégou ; Yvon Raoul ; Henry de La Lande ; Jéhan Le Gendre ; Jéhan de Rocancourt ; Jéhan Robiou ; Jéhan Quintin ; Robert Rigault ; Pierre Le Goff ; Gilles Le Croazer ; Vincent Le Roux ; Jéhan Pasquiou ; Jéhan Le Porter ; Jéhan Caroux ; Pierre Callays ; Jéhan Cadoret ; Robin Le Bras ; Christophe Callois ; Jéhan Golven ; Guillaume Folin ; Jéhan Pean ; Yvon Folin ; Dom Gilles Hervé, prêtre ; et chacun d'eux bourgeois, manans et habitans des ville et fauxbourgs du dit Guingamp et la plus saine et maire voix d'iceux congregés et assemblés en manière de corps politique à son de campane en l'esglise de Notre Dame du dit lieu de Guingamp en la chapelle de Monsieur S. Jacques en la dite esglise, lieu acoustumé convenir, traicter et disposer de leurs negoces et affaires et ès fins et chacune cy après declarées. Lequel Jéhan Le Pourvoir, procureur et recepveur sus dit, en presence mesme de Maître Vincent Folvays sieur de Kersach, monsieur le sénéchal de la court et jurisdiction des dits bourgeois a dit et remonstré : Que comme ainsy soit que de toute antiquité les dits bourgeois et habitans de ceste dite ville de Guingamp aint droit et à eux appartient et en soint en possession pacifique par tant de temps que mémoire d'homme n'est au contraire, de faire d'eulx mesmes, sans aultre moyen ni mystère, congregation et ensemblée à son de campane en la dite chapelle pour traicter, convenir et disposer de leurs negoces et affaires concertant en corps politique d'iceux bourgeois et habitans ; et entre autres choses de faire choesie et élection de l'un des dits bourgeois pour leur procureur et recepveur général et ô pouvoir exprès de faire les baillées, cueillettes et receptes des deniers, rentes et revenus dubs aux dits bourgeois et de faire toutes les aultres receptes et mises pour les propres negoces et affaires d'iceux bourgeois, pour un an anthier. Le quel ainsi choesi et esleu par les dits bourgeois ou de la plus saine et maire voix d'iceulx, les dits bourgeois peuvent contraindre de prendre la dite procuration et charge de receptes susdites pour le dit an ; et lui faire rendre compte et payer le relicqua si aucun est trouvé, de la dite charge à la révolution d'icelui an par devant douze des dits bourgeois congrégés et ensemblés des plus idoynes et suffisants queuls anroint les dits bourgeoys choesis, et peuvent choesir en icelle congregation, savoir de ceux qui auparavant auroint esté leurs procureurs et recepveurs, à auditeurs pour ouïr leurs comptes, ou par devant seix d'iceulx. Par devant les queuls douze auditeurs, ou seix d'iceux, à leur tablier, et ès lieu et jour par eulx deputés et dicts, et que assigneront ou feront assigner aux dits procureurs et recepveurs et à chacun ; iceulx procureurs et recepveurs et chacun sont tenus et subjects comparoit par devant eulx, presenter et aparoger leur livre de comptes, où y ait charge et descharge, par escript et par articles. Les queulx articles peuvent ceux auditeurs allouer et reffuser par aultant que ne soint raisonables et deubment garantys, et aultrement y procéder à la raison et à leur bon esgard. Au deffault de quoy peuvent iceux auditeurs, ou seix d'eulx, commé dit est, faire injonction et commandement par une fois ou plusieurs à chacun des dits procureurs et recepveurs de rendre compte de sa dite recepte au temps et dedans le jour competent qu'il leur plaira assigner, à la peine d'un marc d'argent ou telle autre somme que bon leur semblera pour chacun deffault, quelle peine pour vray coust interest les dits procureurs et recepveurs et chacun sont tenus et subjects et les en peuvent les dits auditeurs charger en tout ou partie à leur bon esgard, à leurs comptes et en rendant iceulx pour estre la dite peine convertye et accomplie au proffit commun des dits bourgeois et habitans. En oultre sont les dits procureurs et recepveurs tenus et subjects fournir, obéir et garder estat aux aultres commandements, injonctions, deffenses et inhibitions que leur seroint faicts par les dits auditeurs concernant le faict du corps politique des dits bourgeois à la dite peine comme dit est ; et sans que de ce les dits procureurs et recepveurs ne l'un d'eulx puissent ne soint recevables à appeau (appels) contredict ne ressort en faire. Et peuvent aussi les dits auditeurs constituer le procureur qui rendra le compte, à instance du procureur des dits bourgeois, qui pour lors assistera pour eulx vers le dit procureur rendant compte, en arrest au dit lieu, jusques à conclusion faire de son dit compte, lorsqu'il aura encommancé et payer le reliqua si par la deduction d'icelluy est trouvé debvoir aucune chosse : et pareillement, si les dits bourgeois sont trouvés demeurants du dit procureur rendant compte, de constituer en arrest au dit lieu le procureur assistant pour eulx jusques à payer le dit reste qui sera trouvé estre deu au dit procureur rendant compte. Quel arrest sont tenus les dits procureurs et chacun respectivement jurer ès mains des dits auditeurs et icelluy tenir sans s'enfraindre à la dite peine d'un marc d'argent ou telle aultre peine que bon leur semblera, que sera chacun des dits procureurs respectivement au default de ce tenu et subject payer ; et les en peuvent les dits auditeurs charger en leurs comptes en tout ou partie à leurs bons esgards.

Enfin, et de la forme que devant a esté dict, d'abondant, sont les dits bourgeois par l'advis et délibération des dits douze élus et auditeurs ou par seix d'iceulx congregés et ensemblés pour délibérer des affaires des dits bourgeois, et non aultrement et sans aultre moien ne mystère, en bonne possession dysposer et faire esgailler, lever et cueillir par chacun an ès dits ville et faulxbourgs la somme de vingt et cinq livres monnoie plus ou moins, selon que les dits douze auditeurs ou seix d'iceulx voiront la necessité du corps politique d'iceulx bourgeois et leur bon esgard, pour subvenir aux negociations et affaires de la dite ville, bourgeois et habitans d'icelle. Quelle somme par eulx admise et deliberée comme devant peuvent faire esgailler ensemble avecques les deniers que ont acoustumé esgailler et faire lever par entre eulx, par chacun an pour les aydes ; en notifiant et faisant savoir par le procureur des dits bourgeois au juge de la dite ville que il est recquis esgailler celle somme pour leurs dites affaires : laquelle somme ainsi par eulx avisée estre esgaillée pour les affaires propres de la dite ville, leur dit procureur choesi, ainsi qu'est dict, est subject faire esgailler, lever et cueillir sur les contributifs aux aydes des dits ville et faux-bourgs et en rendre compte et reliqua. Et peut celluy procureur et recepveur employer les deniers de sa dite recepte aux negociations et affaires des dits ville et faubourgs, bourgeois et habitans d'iceulx, ainsi et de la forme que luy sera commandé et ordonné par les dits douze eslus et auditeurs ou par seix d'iceulx ainsi que dit est, congregés et ensemblés ; et les garants par eux ainsi baillés au dit procureur de ce faire sont valables et alloueront aux dits procureur et recepveur à leurs dits comptes et non aultrement. Par devant les queulx douze auditeurs ou seix d'iceulx et ô leur advys et opinion et assentement, sont les dits procureurs et recepveurs respectivement tenus faire les baillées et faire fermes des heritaiges et revenus des dits bourgeois et aultrement ne sont valables ne tenables. Et aussi en la forme que devant les dits douze eslus et auditeurs ensemblés et congregés ou seix d'eulx peuvent fayre aprecyement et ainsi que par eulx sera fait et non autrement vauldra et tiendra ainsi que s'il seroit faict par le corps politique des dits bourgeois et habitans. Aussi est le dit Procureur et recepveur par eulx ainsi choesi quitte et exempt pour l'an de sa charge de toutes tailles, aydes, emprunts et contributions, sans toutefois aulchusne diminution des deniers du Roy. Et est ainsi que auparavant cette heure et dès le premier jour de Caresme dernier, les dits bourgeois et habitans ainsi que dit est congregés et ensemblés à son de campane en la dite chapelle avoint fait choesie et election du dit Jéhan Le Pourvoir à leur procureur et recepveur pour ung an enthier lequel est ce jour fini, revolu et passé ; par vertu de quoy et pour le dit an, icelui Pourvoir auroict faict la cueillette et recepte des deniers, rentes et revenus des dits bourgeois et habitans du dit Guingamp, et pour eulx aussi payé, faict et servy plusieurs mises et payements : disant il en vouloir tenir et rendre compte et reliqua payer, en la forme et manière qu'est cy dessus resmontrée et ainsi qu'il a par cy devant promis lors de son institution.

Attendu laquelle remonstrance ainsi faicte du dit Le Pourvoir et que iceulx bourgeois et chacun et la plus saine et mayre voix d'iceulx, sans aulchune contradiction de personne eut congneu et conféssé par leurs serments tout ce que dessus estre vray ; et en tant que besoign est, ont iceulx bourgeois et chacun d'eulx consenti et accordé pour eulx et les subséquents bourgeois des dits ville et fauxbourgs les privilèges, statuts, ordonnances et aultres poincts et articles cy dessus marqués et remonstrés par le dict Le Pourvoir, et promis par leurs serments et sur l'obligation et ypothèque de tous et chacun leurs biens, iceulx entheriner, entretenir et accomplir de poinct en aultre, sans jamais venir à l'encontre ne les dissantir en aulchune manière, par notre dite court de Guingamp de laquelle ils et chacun sont justiciables. Et nous notayres et tabellions soubscripts de la dite court, de leur assantement et à leur requeste les avons chacun d'eulx par notre dite court de Guingamp, et soubs le scel estably aux contrats d'icelle, à ceste apposé, condampnés et condampnons à tout ce que dessus est tenir et fournir et ne venir en l'encontre. Avecques le signe de M. Henri de La Lande à leur requeste. Ce fut faict et gréé comme dessus en la dite chapelle le mercredi des Cendres le huictieme jour de feubvrier l'an mil cinq cent cinquante huict (1559). Regnault ; Ghermé ; Henri de La Lande, et scellé » (Archives Municipales).

Il n'est personne, sous la main duquel soit tombé quelque papier des anciennes paroisses bretonnes, qui ne voie au premier coup d'oeil, dans cette cour des comptes municipale, la reproduction du conseil paroissial, composé aussi de douze anciens trésoriers ayant rendu leurs comptes, et qui, de temps immémorial, sous le nom de général de la paroisse, gouvernait, au temporel, les intérêts collectifs de la population groupée autour de chaque clocher. Déjà, dans les précédents chapitres, nous avons vu la communauté de ville de Guingamp investie de l'élection du sacriste et des gouverneurs de Notre-Dame, qui, de droit commun, et même dans les villes qui ont eu plus tard une communauté, a toujours appartenu au général de la paroisse. C'est donc avec toute raison que M. de La Borderie a pu dire : « En Bretagne, point de communes insurrectionnelles ou communes jurées ; point de traces du système municipal des Romains : ce n'est ni de l'une ni de l'autre de ces sources que nos municipalités, nos communautés de ville (car c'est le nom breton), ont pu sortir. Elles sont nées, tout simplement, sous l'influence d'un certain concours de circonstances qui les rendait nécessaires, du consentement tacite des bourgeois et de leurs seigneurs ; elles se sont entées, sans bruit, sans secousse, sur ce tronc où florissaient, depuis un temps immémorial, les antiques institutions de la paroisse bretonne. Leur origine n'est donc ni révolutionnaire, ni romaine : elle est chrétienne ».

A Guingamp, dans l'ancien temps, le maire élu offrait à ses électeurs, le jour de sa nomination, une collation.... aux frais de la ville. L'article premier de la décharge, dans les vieux comptes, est invariablement conçu en ces termes : « Et premier, se decharge le dit procureur pour avoir poié en vin à aulcuns des dits bourgeois le jour qu'il fut institué au dit office, 2 sols 8 deniers ».

A mesure que l'on avance, on voit les progrès du luxe : les vins se multiplient et varient d'espèces, et l'on y ajoute des dragées, des confitures, des grenades et des oranges. Bientôt, à la collation se joint un dîner : le dîner est donné par le maire sortant de charge, avant l'élection de son successeur ; la collation par le maire nouvellement nommé. « Le mercredi des Cendres, 27 février 1627, Julien Couppé , sieur de La Vallée, remontre que néanmoins la coustume du maire sortant de charge de bailler un disner ce jour aux sieurs bourgeois et habitants, il auroit par l'advis de partie d'iceux proposé cy devant de bailler la somme de cent cinquante livres pour estre employée aux plus urgentes affaires de la dite communauté, estant exempté du disner. Les bourgeois acceptèrent, mais en déclarant que c'était sans tirer à conséquence pour l'advenir » (Archives de la Fabrique) tant est rare le patriotisme de l'estomac !

Bien que l'édilité fut purement honorifique, il arrivait d'ordinaire que la ville offrait au maire sortant de charge, à titre de gratification et d'indemnité, une somme plus ou moins forte, dans la fixation de laquelle on tenait compte surtout des déplacements et des voyages qu'avait été obligé de faire le procureur pour les intérêts de la communauté.

Dans les cérémonies publiques, la marque distinctive de la dignité du maire était une hermine d'argent, que chaque titulaire transmettait à son successeur. Le hérault, qui précédait le syndic de la communauté, était vêtu d'une casaque de velours, mi-partie bleu et blanc semé d'hermines, avec deux écussons aux armes de la ville.

Mais, à côté de ces honneurs, il y avait de graves menaces. Nous avons vu saisir les juments d'un gouverneur de Notre-Dame, nous allons voir un maire mis en prison parce que la caisse municipale était vide. C'était en 1592, du temps que Kergommar, chevalier de l'ordre du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, et l'une des notabilités du parti royaliste en Basse-Bretagne, était gouverneur de Guingamp ; et voici comme Gilles Juhel, qui pour lors était maire, procureur et miseur, racontait la chose : « Et en l'endroit a le dit Juhel remonstré qu'il auroit esté contraint par le dit sieur Gouverneur, mesme par emprisonnement de sa personne durant la dite charge de maire et procureur, de faire faire des ponts neufs, mettre un brancart à faulx, rebâstir une muraille en la doufve entre les dites portes, entretenir les dits ponts et portes en due réparation, comme il est notoire à un chacun ; en outre contraint d'achapter des palles, pics et pioches pour travailler aux fortifications et de fournir chaque soir le nombre de quatre livres de chandelle au corps de garde et de faire fendre et tailler le bois du magasin pour être desparty chacun jour au corps de garde, requerant qu'il soit dit qu'il aura allouement en la reddition de ses comptes » (Archives Municipales).

Jusqu'à l'édit de 1689, qui défendit aux maires et syndics de faire les fonctions de miseur, le maire de Guingamp fut en même temps receveur des deniers communaux et même collecteur des impôts que, sous des noms divers, la ville paya aux ducs, puis aux rois de France [Note : Les impôts bretons nés au XIVème siècle se divisaient en deux grandes catégories : les fouages et les aides. Les villes closes en général, et Guingamp en particulier, étaient exemptes de fouages ; mais elles étaient sujettes aux aides, sorte de subside que les Etats accordaient, d'abord accidentellement, puis normalement ; don gratuit, devenu véritablement impôt régulier. Le dossier des impôts, aux archives municipales, est très-incomplet, surtout en ce qui regarde les temps antérieurs à l'union de la Bretagne à la France, qui multiplia les taxes à l'infini. Il y a bien un inventaire, dressé dans le XVIIIème siècle, des titres relatifs aux impositions, aides, emprunts, etc., qui va du 9 janvier 1447 au 13 janvier 1682 ; mais cet inventaire est aussi fort loin d'être complet, et je ne puis préciser le nombre et le montant des taxes de toute nature que supportèrent nos ancêtres, depuis le XVème siècle jusqu'à la Révolution. Je puis seulement indiquer la proportion contributive de chaque quartier « Les parcelles du premier terme des aides ordonnées aux Estats tenuz derainement à Vannes, a estre levées en la ville et fauxbourgs de Guingamp, pour l'an présent, montant à la somme de sept vingts dix livres monnoie ; le dit egail fait par Maistre Pierre Le Borgne, Monsieur Le lieutenant ordinaire de la court du dit lieu, le 26e jour de novembre l'an 1516 : - La Ville Close, prinse par Yvon Guézou et Henry Estienne, monte la somme de 71 livres 10 sols. - Sainct Saulveur, prinse par Olivier Le Coadic, montant à la somme de 21 livres 16 sols 8 deniers. - Montbarail, prinse par Charles Huon, montant à la somme de 9 livres 11 sols 1 denier. - Trinitté, prinse par Philippe d'Estables, montant à la somme de 21 livres 12 sols 8 deniers. - Troutrieu Lambert, prinse par Yvon Le Falcher, montant à la somme de 8 livres 16 sols 9 deniers. - Troutrieu Toulquellenic, prinse par Guillaume Huby, montant à la somme de 9 livres 10 sols 10 deniers. - Sainct Martin, prinse par..... Le Bizec, mon­tant à la somme de 7 livres 2 sols ». Il existe encore une répartition, faite en 1581, entre toutes les paroisses de la seigneurie ; un état, dressé en 1595, de tout le vin existant dans les celliers des habitants de la ville et fauxbourgs, et de nombreux rôles de capitation beaucoup plus modernes].

Les ressources de la communauté se composaient, comme je l'ai dit, d'un patrimoine assez important, et, à partir de 1609, d'un octroi accordé pour faire face aux réparations des murailles et à l'entretien de la voie publique. Les premières lettres-patentes permirent de lever six deniers par pot de vin, pendant six ans : cet octroi augmenta beaucoup dans la suite. L'obtention et le renouvellement des lettres d'octroi coûtaient à la communauté des prix fabuleux ; il y avait une foule de gens à qui il fallait offrir des présents, sous tel et tel prétexte, ce qui absorbait la grosse moitié du revenu de la première année.

Ce fut par la question financière que la centralisation prit entrée dans les affaires de la communauté, qui, par le traité de 1555, lui semblait complètement inaccessible. « Le 29 novembre 1640, sur la remontrance du sieur de Keravel, l'an présent maire, qu'il est poursuivi de fournir déclaration pour les droits d'amortissement, suivant lettre de Sa Majesté, de quoi ayant souvent donné avis aux sieurs bourgeois, iceux lui avoient fait deffense d'en fournir, attendu que le revenu de la ditte communauté ne relève de Sa Majesté, mais de Monseigneur le Duc de Vendôme ; et néantmoins qu'il y a un huissier venu pour le contraindre. Par l'avis des dits sieurs bourgeois et ouï le sieur procureur fiscal a été ordonné que le sieur maire fournira déclaration du revenu de la communauté, où il sera dit que le tout est d'ancienneté et avant l'an 1320, relevant prochement de Monseigneur et de Madame de Vendôme, à cause de leur terre de Guingamp ».

Le trésor maintint ses prétentions ; la communauté lutta courageusement, et décida, le 16 novembre 1642, que « le maire eut à souffrir toutes contraintes plutôt que de payer le droit d'amortissement ». Mais qui ne sait que le fisc a toujours raison !

Cependant, en l'an 1645, les Guingampais eurent le rare bonheur de gagner un procès fiscal devant la Chambre des Comptes de Bretagne. Le procureur général voulait qu'ils rendissent compte de leurs deniers patrimoniaux, comme de deniers de concession royale. Les bourgeois invoquèrent leur longue possession de rendre ces comptes devant les douze auditeurs nommés par eux, la transaction de 1555, et prouvèrent que ces biens patrimoniaux leur avaient été concédés, à titre de pure libéralité, par les seigneurs de Penthièvre et de Guingamp. La Chambre leur donna raison, par arrêt du 7 juillet 1645.

En 1662, « M. Mazarin ordonne de travailler incessamment à la liquidation des dettes ». Dix-huit ans auparavant, la communauté avait dressé elle-même un ordre entre ses créanciers. Si Mazarin avait ordonné à la ville de presser en même temps ses débiteurs, il eût trouvé, au premier rang de la liste, Sa Majesté le roi de France ; car, en 1598, Henri IV avait emprunté de Guingamp une légère somme de quatorze mille écus, qui n'étaient point encore payés en 1613 et que rien ne prouve avoir été soldés depuis.

En 1667, arrêt qui défend de faire aucune dépense sans ordre. En 1668, autre arrêt qui interdit d'emprunter aucune somme de deniers sans la permission expresse de Sa Majesté, accordée par lettres-patentes. Par ce même arrêt, le budget de Guingamp se règle à Saint-Germain-en-Laye, ainsi qu'il suit : octroi, 5.090 livres ; patrimoine, 1.352 livres ; dettes, 2.553 livres 8 sous ; charges ordinaires, 2.058 livres 1 sou 8 deniers. J'en transcris le détail : au prédicateur, 150 livres ; à l'organiste, 50 livres ; au sous-sacriste 36 livres ; au portier, 24 livres ; au tambour, 12 livres ; au principal du collège, 120 livres ; à l'horloger, 50 livres ; au sonneur, 18 livres ; pour la députation aux Etats, 100 livres ; au miseur, 320 livres 13 sous ; adjudication des baux, 53 livres 8 sous 8 deniers ; épices de la chambre, 200 livres ; entretien des murailles, pavés et fontaines, 200 livres ; obtention des lettres du roi, 25 livres.

Les empiètements ne devaient pas se borner à prendre la haute–main sur l'administration des deniers communaux, ce qui n'était pas peu ; ils devaient s'étendre jusqu'à l'organisation intérieure de la communauté elle-même. Un arrêt du conseil d'Etat, rendu à Saint-Germain-en-Laye, le 18 août 1670, après avoir réglé le budget de 1670, porte ce qui suit : « Sa Majesté étant en son Conseil a ordonné et ordonne que dorénavant, à commencer du jour de la première élection, la même personne qui sera nommé et élu pour sindic sera aussi miseur de la ditte communauté pour deux ans, et ne sera obligé de rendre qu'un seul compte à la Chambre des deux années de son sindicat, six mois après être sorty de charge. Les sindics et miseurs seront tenus de faire chaque année un état du prix des baux des deniers patrimoniaux et d'octroys qui sera vu et examiné, ensemble les quittances, contracts et obligations, en présence des créanciers, par le sénéchal et procureur fiscal de la ditte ville et sans frais, dont il sera dressé procès verbal qui sera representé à chaque tenue d'Etats aux commissaires nommés par Sa Majesté. Ne sera nommé aucun fils de famille en la charge de sindic ou miseur. Aucun ancien sindic ne pourra être député aux Etats par la ditte communauté, jusqu'à ce qu'il n'ait rendu le compte de son administration, et n'ait été appuré par la Chambre des Comptes et le reliquat payé. Les baux des deniers d'octroys de la communauté de Guingamp seront faits à l'avenir par les généraux des finances, en présence des créanciers de la communauté, ou eux dument appellés, à la charge que les dits généraux ne pourront prendre plus de six deniers pour livre du prix des dits baux lorsqu'ils s'y transporteront, jusqu'à ce qu'il n'en soit autrement ordonné par Sa Majesté, et lorsqu'ils ne pourront s'y rendre, les baux seront faits par les juges des lieux qui ne pourront prendre que dix livres. Sera fait procès verbal du rétablissement du chemin qui conduit de la ville de Guingamp au port de Pontrieux, ordonné par arrêt du Conseil du 6 juin 1667, par lequel il a été ordonné qu'il sera employé, par préférence, une somme de 2.000 francs, lequel procès verbal fait par le sénéchal de la ditte ville et l’employ de la ditte somme sera représenté aux commissaires de Sa Majesté par le député aux Etats prochains. Ordonne Sa Majesté qu'à l'avenir bail sera fait à rabais de ce qui sera à faire par chacun an aux réparations des murailles, tours, pavés et fontaines de la ditte ville, jusqu'à la somme de 900 francs employée dans les charges ordinaires et celle de 1.000 francs, pour cette année seulement, accordée pour la pompe, devant le sénéchal de la ville, en présence des sindics. Veut et entend Sa Majesté que touttes personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient, exempts ou non exempts, soient sujets et contribuables aux devoirs qui se lèvent pour deniers d'octroys ».

Il ne restait plus pour compléter l'asservissement de la communauté et réduire ses délibérations à de simples propositions, que rendait seule exécutoires l'approbation du pouvoir suprême ; en un mot, pour faire de ce corps politique des bourgeois, qui avait été, dans le passé, une puissance avec laquelle traitraient les ducs souverains, un véritable conseil municipal du dix-neuvième siècle, il ne restait plus qu'à lui enlever la nomination du maire. C'est ce qui fut accompli par l’arrêt du Conseil, en date du 7 octobre 1692 [Note : Il y a encore aux archives un arrêt du 27 juin 1691 qui renchérit sur les précédents, et prépare celui de 1692 : je voudrais le citer, au moins par extraits, mais l'espace me manque. Les arrêts pleuvent : Colbert est le premier des ministres paperassiers. L'arrêt de 1692 édicte une sorte de banqueroute : les créanciers de la ville qui feront remise de la moitié de leur créance seront payés par préférence ; ceux qui feront remise du tiers, ensuite, et ceux qui ne remettront rien, quand il plaira à Dieu. — Défense au maire de plaider sans l'autorisation de la communauté. — Un seul député aux Etats, alternativement officier de la Cour et bourgeois. — Défense d'envoyer, sans permission, des députations au gouverneur de la province (le duc de Chaulnes) ou à ses lieutenants. — Défense de dépenser annuellement plus de trente-six livres en feux de joie ! — Vraiment, ce dernier trait me réconcilie avec la centralisation ! Il est vrai qu'en face de cette économie, je trouve que la vérification de l'exécution de ce budget, réglé par le Conseil d'Etat, coûtait, tous les deux ans, 400 livres d'épices à la Cour des Comptes. Dans les temps barbares, la vérification des comptes ne coûtait que le prix de quelques bouteilles de vin, bues, après l'opération, par le procureur et les auditeurs ; mais l'on pouvait brûler autant de fagots et de chandelles que l'on voulait !], qui ordonne que, « en attendant que Sa Majesté ait pourvu ou commis aux offices de maires, créés par l'édit du mois d'août 1692, les premiers échevins en feront les fonctions, avec défense aux communautés de faire aucune élection ». Pour comble d'abaissement, cet arrêt se trouva affiché aux portes de la ville, sans que le maire alors en charge en eût eu aucune connaissance, autrement que par une lettre de M. de Nointel, qui lui mandait, sans commentaire, qu'il fallait que la communauté s'y conformât. Ce qui fut dit, fut fait, mais non sans amasser au fond du coeur des bourgeois, dépouillés brutalement de leurs plus chères prérogatives, tout un monde de sourdes haines qui, couvées pendant un siècle, devaient amener les effroyables catastrophes où périrent, en même temps, et la monarchie et les derniers restes des libertés provinciales et municipales, au nom desquelles on avait fait la Révolution.

Le XVIIIème siècle s'inaugura par la création d'une foule de charges vénales, que les communautés durent ensuite rembourser. On battait monnaie avec les franchises et les dignités municipales. Un édit donné à Versailles, au mois de mars 1704, ordonna que les communautés, pour toutes les villes du royaume, ne seraient composées que du maire, son lieutenant, les échevins en charge, les assesseurs, le procureur du roi, le greffier et les autres officiers créés et établis par titre, et abrogea l'usage établi à la faveur duquel plusieurs particuliers, sans titre, avaient voix délibérative.

Depuis le 2 octobre 1703, un arrêt du Conseil avait défendu aux maires et échevins d'intenter aucun procès sans l'autorisation écrite de l'intendant. « Le 24 octobre 1704, lecture et enregistrement d'une lettre de Monsieur de Nointel, intendant, portant que la finance de la charge de maire a été modérée à 3.000 francs et qu'elle est réunye à la communauté. En conséquence, l'assemblée est d'avis que Monsieur le maire se donne l'honneur d'écrire à Monseigneur l'intendant pour le remercier de la diminution qu'il lui a plu obtenir de Sa Majesté pour la réunion de la charge de maire de cette ville, et comme elle n'a pas présentement de quoy pour payer la somme de 3.000 francs, étant obérée, Monsieur le maire est prié de demander à Monseigneur l'intendant, l'imposition de l'octroy dans le faubourg de Saint-Michel et même une augmentation d'octroys ».

Voilà les fruits de la centralisation.

En cette même année 1704, nous voyons les comptes du miseur, approuvés par la communauté, rejetés par la Chambre des Comptes, sous prétexte que certaines dépenses n'avaient pas été autorisées par les seigneurs supérieurs.

L'édit de 1704, qui portait simplement que les « officiers créés et établis par titre auraient entrée et voix délibérative dans les assemblées municipales, » était d'une très-difficile interprétation, et c'était pour les villes de Bretagne, où avait seule régné la coutume verbale, la source d'un nombre infini de discussions ; cela fit que le comte de Toulouse sollicita un règlement définitif, qui fut donné par le roi en 1706, et que nous transcrivons ici, parce qu'il intéresse plusieurs villes voisines, et que ce fut le seul code municipal du duché de Penthièvre, jusqu'à la Révolution :

« Arrêt du Conseil, du 6 juin 1706, servant de réglement pour les communautés de Lannion, Lamballe, Guingamp et Moncontour, dont la teneur s'en suit par extrait : Le Roi étant en son Conseil a ordonné et ordonne qu'à l'avenir le nombre et la qualité des officiers et habitans qui devront avoir entrée et voix délibérative (dans les assemblées de communauté), sera et demeurera fixé suivant et ainsy qu'il suit, sçavoir : Le nombre de ceux qui composeront les assemblées de la communauté de Guingamp seront : le séneschal de la jurisdietion qui y présidera, l'alloué en son absence, le lieutenant, le juge prévost, le sindic en exercice, le procureur fiscal, le recteur en semaine, le procureur du roy, sindic de la communauté, les deux plus anciens gentilshommes établis dans la ville, les deux plus anciens sindics, les deux miseurs, les deux plus anciens bourgeois, soit qu'ils soient marchands ou non, le plus ancien avocat et le plus ancien procureur postulant, et, au cas qu'il n'y ait point d'avocats postulants, les deux plus anciens procureurs. Ordonne Sa Majesté que si les communautés ont remboursé l'office de maire, ledit office demeure réuni au corps desdittes communautés et que les fonctions en soient faites à l'avenir comme auparavant l'édit de création desdits offices, sans que ceux à qui il appartiendra de faire lesdittes fonctions puissent prétendre de jouir d'aucuns droits et privilèges que de ceux qui leur sont attribués par les arrêts du Conseil des 3 et 28 juin 1681. Ordonne que les juges et officiers des jurisdictions des villes de Lamballe et de Guingamp qui présideront aux assemblées desdittes communautés seront députés aux Etats alternativement avec un sindic et habitant, en sorte que la députation pour une assemblée ayant été donnée à l'un desdits juges, elle soit donnée pour l'assemblée suivante à l'un des sindics ou habitans. Veut et entend Sa Majesté que ceux qui ont voix et entrée auxdittes assemblées soient tenus de s'y trouver touttes les fois qu'elles seront indiquées, soit qu'il s'agisse du service de Sa Majesté ou des affaires de la communauté, sans qu'ils puissent se dispenser d'y assister qu'en cas d'absence non affectée ou autre légitime empêchement ; et que les absens ne pourront revenir ny se pourvoir contre les délibérations qui seront prises en leur absence, sans néantmoins que les délibérans, soit présens, soit absens, puissent être rendus seuls ny personnellement responsables des événements desdittes délibérations, ny que les juges puissent prononcer contre eux aucunes condamnations personnelles, à moins de fraude évidente, duement vérifiée. Ordonne en outre Sa Majesté que lesdittes communautés seront tenues de procéder tous les deux ans à l'ellection et nomination des maires, sindics et autres officiers desdittes communautés, qui ont été réunis au corps d'icelles : nonobstant que ceux qui sont à présent nommés pour exercer lesdits offices l’ayent été sans limitation de temps. Seront exécutés les arrêts du Conseil des 3 et 28 juin 1681 selon leur forme et teneur dans les cas non spécifiés par le présent règlement, et ceux qui se trouveront aux termes d'iceluy avoir entrée et voix délibérative dans les assemblées prendront leur place et leur rang suivant les anciens usages qui ont été observés de tout temps ».

Les deux grands vices de ce règlement, au point de vue de la liberté, étaient l'indication aveugle des échevins, par la position et l'emploi, substituée à l'élection, et surtout la prépondérance absolue accordée aux juges. Ce dernier point devait être particulièrement odieux aux bourgeois guingampais, dont nous avons raconté les démêlés avec la magistrature.

La présidence des juges, et leur souveraine autorité au sein de l'assemblée municipale, durèrent quarante ans, depuis le règlement de 1706 jusqu'à l'arrêt du Conseil de 1746, qui défendit aux membres de la judicature de s'immiscer dans l'administration des communautés. Pareille défense fut faite aux gouverneurs et à leurs lieutenants.

Le 2 mars 1718, on chargea le maire d'écrire au comte de Toulouse pour demander que, conformément à l'arrêt du Conseil du 3 juin 1717, applicable à toutes les communautés du royaume, les anciens maires eussent voix délibérative comme par le passé.

Le 4 avril 1718, un M. Plancher, intendant de son Altesse, répond « qu'il n'a pas cru nécessaire d'envoyer la délibération du 2 mars à Mgr. le comte de Toulouse, parce qu'il n'y a pas d'apparence qu'il entre dans les détails qu'elle contient ; mais qu'il y a des communautés où, malgré le règlement, on a laissé entrer dans les assemblées tous les maires avec voix délibérative ». « En conséquence a été délibéré qu'à la prochaine assemblée, MM. les anciens maires de cette ville seront insérés dans leur rang et ordre pour avoir voix délibérative à l'avenir ».

L'arrêt de 1746, qui chassa les juges des communautés, donna au maire la présidence des assemblées.

Cet arrêt de 1746 clôt l'histoire de notre organisation municipale. Le système établi par le règlement de 1706, et modifié par l'arrêt de 1746, fonctionna, sans épisode qui vaille la peine d'être raconté, jusqu'au jour où la Révolution décréta pour toutes les communes de France, villes ou bourgades, cette administration uniforme, véritable lit de Procuste, à la mesure duquel la guillotine savait, au besoin, réduire toutes gens.

Je consigne ici, ne sachant où lui donner place ailleurs, un détail de moeurs assez curieux. En 1733, le carême était commencé depuis vingt-huit jours, sans qu'il eût paru un poisson sur le marché de Guingamp ; la communauté en délibéra, et, au lieu d'imiter le désespoir de Vatel, chargea le recteur de demander à l'évêque de Tréguier la permission de manger des actifs pour le reste du carême. Cette demande devint d'usage, et, tous les ans, le mercredi des cendres, on prenait une délibération à cet effet. Après quelques années, l'évêque envoya la permission avant même qu'on la demandât.

Cette note sur le marché aux poissons me rappelle le seul détail curieusement bizarre qui se trouve dans le grand aveu du Penthièvre, du 5 septembre 1682, relatif à la seigneurie de Guingamp. Je copie : « Avoue le dit seigneur qu'il a droit de faire sauter dans la fosse appellée Poul Beniguet, chacun lundy de Pasques, tous marchands qui ont exposé et vendu du poisson pendant le caresme dans la dite ville, à peine de 64 sols monnoie contre les défaillants » (Archives départementales des Côtes-d'Armor).

Le poisson figure aussi dans les aveux de Saint-Sauveur : « Item, le prieur a droict de lever deux deniers sur chaque charge de poisson qui se vend à la poissonnerie, et quand il se trouve en la charge le poisson qui s'appelle dorée, le dict prieur a le droict de prendre de trois une des dites dorées » (Aveu du 6 novembre 1652. – Archives Départementales).

Ce fut en 1755 que Guingamp acheta sa première pompe à incendie. Cette utile machine vint de Hollande, et coûta 3.087 livres. En 1780 et 1781, la communauté eut à soutenir une lutte énergique pour maintenir aux bourgeois l'exemption des droits de ventes, lods et rachapts, que leur assurait le traité de 1555.

C'était le prélude de séances bien autrement orageuses.

A partir de 1788, les agitations politiques qui ébranlaient toute la France, transformèrent les communautés de villes en autant de clubs, échos fidèles et mille fois répétés des bruits sinistres qui annonçaient la chute d'un trône séculaire, et la plus épouvantable des révolutions. On sait quels furent en Bretagne les orageux préliminaires de cette catastrophe. Au nom sacré des libertés provinciales, les trois ordres s'émurent ; la dernière tenue des Etats de notre province fut un drame sanglant, dont très-certainement les acteurs principaux ne prévirent pas le dénouement fatal. L'histoire de nos communautés de ville, pendant cette courte, mais incom­parable période, se résume en une approbation enthousiaste de la conduite des députés du Tiers. Bientôt les événements de Rennes furent oubliés : les gigantesques travaux de l'Assemblée Nationale absorbèrent seuls l'attention fiévreuse de la France. On entrait dans un monde nouveau : des mots magiques, inconnus jusque-là, mettaient en l'air toutes les têtes. Or, pendant ce moment de délire universel, toutes les institutions du passé étaient anéanties sans qu'on y prît garde, et quand la foule se réveilla, la province n'était plus. C'est un tableau qui n'a point de détails. Depuis soixante ans, notre histoire est écrite au Bulletin des Lois.

Quel grand intérêt prendriez-vous à savoir que Guingamp, comme toutes les villes de la province, protesta contre la mesure qui frappait les Parlements ; que Guingamp complimenta M. Necker sur son élévation au ministère, et que le banquier genevois répondit en trois lignes ; que des hermines d'or furent solennellement offertes à l'abbé de Rocquancourt, au marquis de Coatando, à MM. Riollay et Brunot, à l'occasion de leur détention à la Bastille ; que des feux de joie furent allumés, et des Te Deum chantés presque toutes les semaines, presque tous les jours ; enfin, que la communauté, renforcée des délégués d'une foule de clubs, jugea à propos de blâmer et de censurer le célèbre et admirable mandement de Mgr. Le Mintier, et que le recteur de Guingamp eut la faiblesse de trahir, en cette circonstance, ses devoirs et ses serments ? Vous avez lu, partout ailleurs, tous ces détails et mille autres ; il n'y a qu'à changer les noms propres, et c'est peu de chose, en vérité. Encore une fois, quand vous avez entendu la voix, prêtez-vous l'oreille à l'écho ? [Note : J'ai vu, aux archives des Côtes-d'Armor, une plainte des jardiniers contre les nones et les moines qui vendaient les produits de leurs enclos ; cette plainte, qui porte la date du 29 mars 1789, est grotesque : j'aurais cru les fruits et les légumes plus pacifiques].

Au commencement du XVIIème siècle, les séances de la communauté de ville, que nous avons vue réunie, dans l'origine, à la chapelle Saint-Jacques, se tenaient dans la chambre de la tour des cloches, que l’on appelle aujourd'hui l'arsenal. Plus tard, l'Hôtel­de-Ville occupa l'emplacement où s'élève le tribunal. Depuis la Révolution, la municipalité s'est logée, vaille que vaille, dans différentes maisons particulières louées à cet effet ; puis, dans une partie des bâtiments du collège. Enfin, une maison vient d'être achetée par la ville, et désormais la cité sera logée chez elle (S. Ropartz)

 

Note : ORDONNANCE POUR LA LEVÉE DE 150 LIVRES SUR LES HABITANS DE LA VILLE ET FAUXBOURGS DE GUINGAMP (1496). CHARLES, par la grâce de Dieu Roy de France, de Secille et Jherusalem, aux seneschal, aloué, lieutenant, procureur de Guingamp, et aux bourgeoys, manans et habitans de la dite ville et fauxbourgs d'icelle, Salut. Nous vous mandons que la somme de cent cinquante livres monnoie, faisant partie de 14.418 livres qui a esté advisé estre cueillye et levée sur les manans et habitans des villes et bonnes bourgades de notre pays et duché de Bretaigne, en ceste convention et dernière assemblée d'Estats tenus à Rennes ou moys de May derrenièrement passé, pour employer en l'ediffice et parachevement d'une grant neff qui est de present encommancée au havre de Morlais et qui fut autreffois au sr. de Montauban, que ceulx des dites villes et bourgades nous ont accordé faire parachever ; en toute diligence vous faictes cueillir, lever et recevoir par le miseur de votre dite ville ou autre tel bon personnaige que vous adviserez, à prendre sur les deniers communs d'icelle ville et du billot, tant des années passées que de la présente et des années prouchaines advenir, s'ils le peuvent porter et s'aucun en y a : sinon sur les gros et plus puissans des dits manans et habitans par assiette et esgail, dont la moindre somme de l'imposition qui sera faicte sur chacun d'eulx sera de quarante sols monnoie ; à ce que le menu peuple en soit hors et qu'il n'y soit aucunement imposé ne comprins. Et pour avoir et recevoir la dite somme de cent cinquante livres plus promtement, sera faict avance se mestier est par les plus riches et puissans d'icelle ville, a tel prouffit qu'il y sera advisé par entre vous, dont les deniers du dit prouffit ensemble la somme de huit deniers monnoie par livres pour tous frais sera assise et imposée avecques le principal, se voyez que faire se doyt ; et le tout cueilly et amassé, c'est à savoir soixante quinze livres monnoie au vingt cinquièsme jour de ce présent moys de Juing et le reste et parfait montant pareille somme de soixante quinze livres au vingtièsme jour de Juillet après ensuivant. Et icelle somme ainsi receue par vostre dit miseur ou commis, faictes bailler et délivrer comptant ausdits termes à nostre amé et feal notaire et secretaire maistre Jehan Dany, receveur ordonné pour faire la recepte généralle et tenir le compte de la dite somme de 14.418 livres, aussi ordonnée pour le fait et parachèvement du dit navire ; lequel sera tenu la distribuer et employer par l'ordonnance et testiffication de nostre amé et feal conseiller et maistre d'ostel Estienne de Champelair et de nostre très cher et bien amé Bizien Merien, bourgeois et marchant de Morlais, tous deux commis et depputés par nostre très cher et amé cousin, conseiller et chambellan, le sire de Gyé, mareschal de France, notre lieutenant general en Bretaigne en l'abscence de nostre très cher et très amé cousin le Prince d'Orange, à faire les prix et marchés, ordonner des payemens et faire toutes les choses requises et necessaires pour le fait et parachevement d'icelle neff. Et par les quittances particulières des parties à qui auront esté et seront fais les dits payemens, signées et passées par Philipes Martin, bourgeoys et marchant du dit Morlais et commis par nostre dit cousin à contreroller, certiffier et passer les quittances des dits payemens, appellé avec lui ung notaire ou tabellion royal ; lesquelles quittances vaudront et serviront à l'acquit du dit maistre Jehan Dany. Lequel incontinent le dit navire fait et parachevé, sera tenu de rendre compte de sa dite recepte et entremise par devant les commissaires qui luy seront sur ce ordonnés, et de payer le reliqua si aucun est trouvé entre ses mains où et ainsi qu'il sera advisé et ordonné, rabatu tout premièrement la tacxation telle qu'elle lui sera et pourra estre ordonnée cy après pour avoir fait la recepte generalle, tenu le compte et distribué la dite somme de 14.418 livres. De ce faire deument vous avons donné et donnons plain pouvoir, auctorité, commission et mandement especial. Mandons et commandons à tous nos justiciers, officiers et subgects, que à vous et à chacun de vous en ce faisant soit obey et vous prestent et donnent conseil, confort, ayde et prisons se mestier est et par vous requis en sont. Donné à Rennes le tiers jours de Juing, l'an de grâce 1496 et de nos règnes de France le 13e et de Secille le premier. Par le conseil, avis et délibération prinse ès Estats de Bretaigne tenans, signé MINÉE (Archives Municipales).

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