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DÉLIBÉRATIONS DE LA COMMUNAUTÉ DE GUINGAMP EN 1788-1789

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DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE GUINGAMP, du 14 novembre 1788.

(Arch. commun. de Guingamp, BB 15 [Registre dee Délibérations de la Communauté de ville, du 18 mars 1786 au 24 décembre 1789). fol. 64-66 ; — Arch. comm. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, G ; — Arch. Nat., H 563, n°51 et BA. 26).
[L'assemblée entend d'abord le rapport du maire, Joseph Le Normant de Kergré, du procureur-syndic, Feston de la Villeblanche, de M. du Timeur, ancien maire, nommés commissaires, par délibération du 12 novembre, pour examiner les délibérations adressées par les villes de Rennes et de Vitré, une requête aux officiers municipaux de Nantes et l'arrêté des officiers municipaux de cette dernière ville]. La communauté, considérant que l'union dans chaque ordre est aussi nécessaire que celle de trois ordres, et désirant resserrer les nœuds de cette union qui fit leur force mutuelle et assura toujours le succès de leurs réclamations, croit devoir s'abstenir de prendre un avis particulier qui puisse différer de celui de quelque autre communauté ou contrarier celui d'un autre ordre, sur ce qui est de l'essence de la constitution des Etats généraux, et ne se croit pas assez éclairée, malgré les réflexions des historiens et des politiques, pour se permettre de prononcer sur des questions importantes de droit public, relatives à la constitution de cette province ; elle pense même qu'il est dangereux d'anticiper cette discussion, parce qu'elle peut faire germer des divisions, qu'il est important de prévenir : il lui paraît que c'est aux Etats généraux assemblés à les discuter, si les circonstances l'exigent, ou à les éviter avec sagesse. Mais, comme il n'est pas de l'essence de la constitution qu'il y ait un plus grand, un moindre nombre de députés dans chaque ordre, pourvu qu'il soit suffisamment et convenablement représenté, que même l'histoire des différentes tenues prouve qu'il n'a point existé d'uniformité à cet égard, et comme d'ailleurs il importe et il est juste que l'ordre le plus nombreux et le plus intéressant, à raison de la portion majeure qu'il soutient dans la masse des impôts, ait aussi un plus grand nombre de représentants, et que, les ordres délibérant séparément, il est naturel que les représentants du Tiers Etat soient librement élus par cet ordre et qu'ils soient de l'ordre représenté : par ces condérations, la communauté supplie très respectueusement Sa Majesté d'ordonner qu'aux prochains Etats généraux le nombre des députés de la province de Bretagne dans l'ordre du Tiers soit proportionné à l'étendue, à la population de cet ordre, et égard aussi à la quotité supérieure qu'il paye des impôts, que ses députés soient par lui seul nommés et pris seulement dans la classe des citoyens qui forme cet ordre.

La communauté a arrêté que copie de la délibération ci-dessus sera adressée à MM. de Villedeuil, Necker, Malesherbes et Castillon, avec prière de la mettre sous les yeux de Sa Majesté et de l'appuyer de leur protection.

La communauté, exprimant toujours le même désir de maintenir l'union dans les ordres et entre les ordres, comme aussi de ne donner aucune atteinte à ce qui est de l'essence de la constitution de la province, considérant cependant que, sans altérer ces principes d'union, et sans toucher aux constitutions, il est juste et pressant de rétablir la règle et la balance des charges avec équité sur les fouages extraordinaires, la capitation et les corvées, a chargé et charge son député à la prochaine tenue des Etats de la province :

Primo. D'insister à ce que les fouages extraordinaires, autant qu'ils auront lieu, soient répartis sur toutes les propriétés réelles de la province, et d'insister également sur l'indemnité qui est due à l'ordre du Tiers, à cet égard.

Secundo. De réclamer, de nouveau, une répartition générale et proportionnelle de la capitation entre les ordres qui doivent y subvenir.

Tertio. Au cas que la corvée en nature soit définitivement supprimée, de demander qu'il y soit suppléé par une imposition sur les propriétés réelles appartenantes aux trois ordres, même sur l'industrie.

Au surplus, et sur tous les autres objets qui pourraient être agités à la prochaine tenue, rassurée par l'intelligence, le zèle et les succès avec lesquels son député a rempli (sic), à la satisfaction de son ordre, dans les précédentes tenues, elle s'en rapporte à ce qu'il jugera convenable, relativement au maintien de la constitution, à l'intérêt de l'ordre du Tiers et à celui de cette ville, dont il est particulièrement instruit.

Arrête que, pour répondre à MM. les officiers municipaux de Rennes et de Vitré, M. le Maire leur adressera en entier copie de la présente délibération, en les remerciant de ce qu'ils ont bien voulu faire part de leurs arrêtés à la communauté de cette ville.

Et au surplus, attendu que les imprimés portant pour titres Requête aux officiers municipaux de la ville de Nantes et Arrêtés du 6 novembre 1788, et autre portant également pour titre Arrêté des officiers municipaux de la ville de Nantes, du 4 novembre, adressés aux officiers municipaux de cette ville de Guingamp, ne sont accompagnés d'aucune lettre missive, ni revêtus d'aucune signature, ni d'aucun caractère d'authenticité, la communauté croit ne devoir les regarder que comme mémoire et n'avoir aucune réponse à y faire. [9 comparants].

 

DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE GUINGAMP, du 19 novembre 1788.

(Arch, commun. de Guingamp, BB 15, fol. 66-67 ; — Arch. commun. de Rennes. Cart. des Aff. de Bretagne, G.)
La communauté confirme sa délibération du 14 novembre, charge le maire de se rendre en la ville où se tiendront les Etats, huit jours avant l'ouverture, s'en rapporte à tout ce qu'il jugera convenable de faire, « en lui recommandant néanmoins très spécialement d'insister, soit à l'assemblée des Etats, ou en tel autre tribunal que ce soit, sur les réclamations relatives aux fouages extraordinaires, à la capitation et à la corvée ». [11 comparants].

 

DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE GUINGAMP, du 4 janvier 1789.

(Arch. commun. de Guingamp, BB 15. fol. 72).
M. le procureur du Roi a fait rapport à la communauté d'une requête signée de cinquante-sept citoyens, tendant à faire connaître leur désir que la communauté et son représentant se conforment à l'avis général du Tiers aux Etats de Bretagne. Ouï le rapport, celui des différents bulletins adressés à la communauté, le résultat des délibérations du Tiers du 27 décembre, la protestation du même jour, la communauté a invité MM. les citoyens qui ont souscrit ladite requête à se réunir à elle pour, tous ensemble, délibérer ce qui est plus convenable aux intérêts du Tiers dans les circonstances actuelles et faire connaître l'unanimité du vœu de la cité, et le public, présent en grand nombre à l'assemblée, a nommé pour commissaires, pour concourir au nom de la commune à une délibération avec la communauté, MM. Onfray Surville, Le Bail de Chefdupont, Ansquer, Kerbriand, Le Boüetté, Huchet, Dépasse, Brunot de Camaret, lesquels, réunis à la communauté, sont d'avis, par zèle pour l'intérêt du Tiers, d'adhérer, comme de fait ils adhèrent, au résultat des délibérations des communautés et corporations des villes de la province des 22, 24, 26 et 27 décembre 1788, les approuvant dans tous les articles, et de charger MM. les députés de cette ville de s'y conformer, déclarant néanmoins qu'il leur paraît avantageux et utile à l'ordre du Tiers, comme aux deux autres ordres, qu'on délibère par ordre et non par tête lorsqu'il s'agit des impôts, des demandes du Roi, du changement de la législation, dons, gratifications, dépense et disposition des fonds publics, soumettant néanmoins notre opinion particulière à cet égard à celle du général des députés de l'ordre, mais qu'ils sont d'avis que, dans toutes autres occasions, répartitions et impositions ou tout autre objet, les délibérations se prennent par tête et non par ordre, qu'à cet effet MM. des ordres de l'Eglise et de la noblesse se réduisent, dans les deux ordres réunis, à un nombre égal à celui du Tiers. Ils pensent qu'il est utile à l'ordre du Tiers qu'il y ait dès cette tenue un procureur général syndic nommé dans l'ordre du Tiers, de la qualité de ceux auxquels l'exclusion n'a pas été donnée par le susdit arrêté. Arrêté que copie de cette délibération sera adressée à M. le député de cette ville [Le Normant de Kergré], avec charge de s'y conformer, et qu'une autre copie sera délivrée à M. Kerbriand pour être par lui déposée au greffe de la communauté de Rennes. [15 signatures].

 

DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE VILLE, du 24 mars 1789.

(Arch. commun. de Goingamps, BB 15, fol. 87 v°).
Lecture faite d'une lettre, en date du 16 de ce mois, adressée à la communauté par MM. les Commissaires de l'ordre du Tiers à Rennes, la communauté, animée du même désir que l'ordre du Tiers en général de voir supprimer au plus tôt des dons, pensions et gratifications qui, en grevant l'état de fonds de la province, tournent presque en totalité à l'avantage du seul ordre de la noblesse, voyant avec peine que son vœu à cet égard n'a pas eu de succès, puisque l'arrêt du Conseil approbatif de la tenue dernière autorise pour cette année le paiement desdits dons, pensions et gratifications ; ne peut pas être d'avis de demander et poursuivre le rapport de l'arrêt du Conseil en cette partie, puisque le refus qu'en a fait l'ordre assemblé à sa séance du 14 février dernier est sous le bon plaisir de Sa Majesté, mais, convaincue de la justice comme de la nécessité de ne pas abandonner cette réclamation, la communauté est d'avis que les députés de l'ordre en Cour soient chargés de solliciter vivement Sa Majesté d'approuver le refus que l'ordre a fait des dons, pensions et gratifications, en observant que, suivant les prérogatives de la province, l'acquit de ces dons, pensions et gratifications n'aurait pas pu avoir lieu si le refus de l'ordre du Tiers avait été absolu. [9 signatures, dont celle du membre noble de la communauté, M. du Garzspern, qui fait suivre sa signature de cette réserve : « sous toutes protestations que de droit »].

 

DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE VILLE, du 28 mars 1789.

(Arch,. commun. de Guingnmp, BB 15, fol. 91-93 V°.)
MM. les commissaires de la communauté nommés par la délibération du 26 de ce mois à l'effet d'examiner et de rendre compte à l'assemblée des lettres du Roi du 24 janvier dernier, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, du réglement y joint et de l'ordonnance de M. le sénéchal de Rennes, du 24 de ce mois, notifiée aux officiers municipaux le 26, ayant fait leur rapport et donné lecture itérative des différents articles qui concernent la position de cette ville [Note : Les commissaires désignés le 26 étaient Le Normant de Kergré, Limon du Timeur, Festou de la Villeblanche et Brunot (Arch. commun. de Guingamp, BB 15, fol 90 v°)], la communauté après avoir remercié MM. les commissaires des soins qu'ils se sont donnés, a arrété et décidé provisoirement, conformément au règlement du 24 janvier, de celui du 16 mars et de l'ordonnance du 24 mars :
1° Que dès ce jour des exemplaires desdites lettres, règlements et ordonnances seront transmis à M. le recteur de la ville, qui sera prié de les faire lire au prône de sa grand'messe, dont il délivrera certificat; qu'à l'issue de ladite grand'messe lesdites lettres, règlements et ordonnances seront publiés à son de tambour et affichés à la porte principale de l'église par Guillaume Nory, l'un des hérauts, ou autre de sa part.
2° Attendu qu'il n'y a ni maîtrise ni corporation érigées en cette ville, la communauté, désirant cependant se rapprocher de l'esprit des règlements des 24 janvier dernier et 16 de ce mois de mars et faire participer tous les citoyens du Tiers Etat, par des représentants qu'ils auront la liberté de choisir, à la nomination des six électeurs que la ville est autorisée et assignée à envoyer à la sénéchaussée de Rennes, à l'assemblée qui s'ouvrira le 7 de ce mois, à 8 heures du matin, et à participer également à la rédaction du cahier de plaintes, doléances et charges qui sera rédigé au nom de la ville ; la communauté a arrêté et décidé provisoirement de diviser le nombre des habitants en différentes classes, en indiquant à chacune d'elles le nombre de députés qu'elles seront autorisées à envoyer à l'assemblée de la municipalité, mardi prochain 31 de ce mois, à 9 heures du matin, pour, concurremment avec les officiers municipaux, procéder à la nomination des six électeurs et concourir à la rédaction du cahier de doléances, plaintes et charges.
Suivent les différentes classes, sans néanmoins que les rangs qui leur sont assignés puissent tirer à conséquence, même à raison des chirurgiens, qui prétendent faire corps séparé. [Cette liste, conforme à celle que donne le procès-verbal de l'assemblée, indique en outre le local où chaque classe devra s'assembler, ainsi que le jour et l'heure de cette réunion].
3° La communauté a arrêté provisoirement que chaque citoyen du Tiers Etat qui, par des qualités ou professions différentes, tiendrait à plus d'une des classes ci-dessus ne pourra toutefois assister et délibérer que dans une d'elles à son option, et que, pour avoir voix délibérative dans une des classes, il faut avoir 25 ans et être porté au rôle de capitation de la ville.
4° Qu'à l'assemblée générale fixée au mardi 31 de ce mois, à 9 heures du matin, après le son de la campasse pendant une heure, qui se tiendra à l'Hôtel de ville, appel sera fait des députés des différentes classes, et, concurremment avec eux ou sur leur défaut, il sera procédé à haute voix à la nomination des six électeurs qui, conformément à l'assignation du 26 de ce mois, seront tenus de se rendre à l'assemblée de la ville de Rennes... et qu'il sera également procédé à la rédaction du cahier de plaintes, doléances et charges dont ils seront porteurs... [12 signatures].

 

PROTESTATION DES NOTAIRES DE GUINGAMP.

(Impr., s. I. n. d., 14 p. in-8° ; — Bibliothèque municipale de Renne, n° 12070.)
Les notaires de Guingamp n'ont pu concourir à l'élection des députés de leur ville. Ils protestent publiquement et réservent de se pourvoir contre l'injurieuse exclusion dont les a frappés la municipalité de Guingamp.

Il doit sans doute paraître bien étrange, lorsque Sa Majesté a voulu que tous les habitants du Royaume influassent dans l'élection des députés, de manière que le plus humble de ses sujets pût se croire valablement représenté dans la grande et solennelle assemblée des Etats Généraux ; il doit paraître étrange que les simples officiers municipaux d'une ville osent contrarier des vues aussi sages, prétendent interdire à un corps composé d'hommes estimables, et que leurs fonctions rendent intéressants, le droit d'élire les députés : voilà pourtant ce qui est arrivé.

A la réception des lettres de convocation pour les Etats Généraux, la municipalité de Guingamp s'est assemblée. La seule mission qu'elle eût à remplir dans ce moment était d'avertir les corps et corporations de la ville, dans la personne de leurs officiers principaux, de s'assembler pour nommer leurs députés ; mais elle avait bien un autre objet de sollicitude. MM. les administrateurs municipaux examinèrent, discutèrent le règlement, qui ne fut pas approuvé dans toutes les dispositions par cette diète fort extraordinaire. Mais aussi, avant de rien résoudre, avant de condamner définitivement ce statut provisoire, elle jugea convenable, dans sa haute sagesse, de nommer des commissaires pour en faire un examen sérieux, une savante analyse.

Nous regrettons de ne pouvoir remettre sous les yeux de nos concitoyens, et pour leur instruction, le résultat d'un travail qui doit être intéressant ; nous pouvons seulement assurer que les commissaires rédacteurs firent leur rapport avec une grande impartialité, sans se laisser éblouir ni par l'autorité dont émane le règlement, ni par les applaudissements avec lesquels la nation a reçu cet éclatant témoignage de la bonté du Roi. Leurs collègues statuèrent dans les mêmes principes ; en conséquence, ils abrogèrent, corrigèrent, modifièrent le règlement dans plusieurs dispositions, et bientôt leur sagesse fit éclore un nouvel arrangement, en vertu duquel le corps des notaires de Guingamp n'a pu nommer ses députés à l'assemblée générale de la ville.

Suivant le règlement du 24 janvier, art. 26, les corporations d'arts libéraux, celles des négociants-armateurs, et généralement tous les autres citoyens réunis par l'exercice des mêmes fonctions, et formant des assemblées ou des corps autorisés, ont la précieuse faculté de nommer des députés, en raison du nombre de leurs membres, et cette disposition n'a vraisemblablement trouvé de contradicteurs que dans la seule ville de Guingamp. A Guingamp, les officiers municipaux se sont ingérés de substituer une division toute nouvelle, d'associer et de confondre deux, trois, quatre et cinq corporations différentes, sous la dénomination de classe, et de n'attribuer à chacune de ces classes que le même nombre de députés éligibles par chacune des corporations. Ainsi, par exemple, ont été réunis dans une seule et même division, pour n'avoir que deux représentants à l'assemblée générale de la ville, les notaires, les procureurs, les prieurs-experts, les sergents royaux, au lieu que, suivant le règlement, chacune de ces corporations avait l'inviolable droit de s'y faire représenter par deux de ses membres.

Quelque vénération que mérite la municipalité de Guingamp, tous les corps dont elle effaçait la prérogative dans cette étrange confusion ne se piquèrent pas d'une déférence aveugle, parce qu'enfin il est douteux que les municipaux de Guingamp soient les suprêmes modérateurs de la police des assemblées nationales, et que, dans le doute, il était plus sage de s'en tenir au règlement. Nous arrêtâmes, les procureurs, les priseurs et les sergents arrêtèrent, à notre exemple, de voter séparément en corps et de se faire représenter par deux députés. L'assemblée générale était convoquée pour le 31 mars ; nos deux députés s'y présentèrent, munis d'une procuration en forme, comme ceux des procureurs et des priseurs. Les officiers municipaux s'arrogent le droit d'examiner les pouvoirs des uns et des autres, puis ils décident que les seuls députés de la communauté des procureurs, réunissant neuf voix, seront admis à l'exclusion des notaires, qui n'en pouvaient compter plus de cinq alors, à cause de l'absence de plusieurs de leurs confrères, et des priseurs au nombre de quatre.

Toutes les corporations assemblées se récrient contre cette incroyable décision. On représente à la municipalité que les notaires, formant un corps, avaient incontestablement la faculté de voter par deux députés ; qu'un corps est toujours un corps, quoique formé par peu de membres, qu'il existe, comme le plus nombreux, sous un même titre légal, avec les mêmes facultés et les mêmes prérogatives. Nos députés font inscrire, sur le procès-verbal de l'assemblée, une protestation à peu près conçue en ces termes : « Les notaires protestent contre le règlement des assemblées par classes, fait par la municipalité, comme contraire au règlement fait par Sa Majesté ; en conséquence, ils demandent qu'en exécution de l'article 26 du règlement, ils soient reçus à voter pour la nomination des électeurs et à concourir au cahier des plaintes et doléances ». Les officiers municipaux laissent inscrire cette protestation, et, sans y avoir égard, ils déclarent qu'ils ont formé les assemblées, et que leur décision sera provisoirement exécutée suivant l'article 26 du règlement. On répond que leur décision est prématurée, illusoire, puisqu'elle n'avait pour objet qu'une difficulté qu'eux-mêmes avaient fait naître ; que, loin qu'il y eût aucune difficulté dans les corps ou même entre les corps, au contraire, la plus parfaite union régnait entre tous les députés présents à l'assemblée ; et ceux-là demandent d'une voix unanime que la députation des notaires soit reçue. La municipalité, sourde aux réclamations générales, se retranche sur sa décision provisoire et passe outre au procès-verbal. Nous insistons inutilement, et de concert avec les autres députée présents à l'assemblée, pour qu'il nous soit au moins décerné acte de notre déclaration d'être tous d'accord, de n'avoir tous qu'un seul et même avis. Les officiers municipaux eurent la prudence de ne pas souscrire à cette demande importune.

C'est ainsi qu'un corps estimable, et l'un des plus intéressants dans l'ordre de la société, a été frappé d'une exclusion injurieuse dans la personne de tous ses membres : et par l'autorité de qui ?...

L'intention du Souverain, manifestée dans le préambule du règlement, est que ses sujets fussent tous appelés à concourir aux élections des députés, et que, des extrémités du royaume et des habitations les moins connues, chacun fût assuré de faire parvenir ses vœux et ses réclamations.

L'article 26 dispose que « les habitants s'assembleront par corporation, à l'effet de quoi les officiers municipaux seront tenus de faire avertir, sans ministère d'huissier, les syndics ou autres officiers principaux de chacune desdites corporations, pour qu'ils aient à convoquer une assemblée générale de tous les membres de leur corporation. En cas de difficulté sur l'exécution de cet article, les officiers municipaux en décideront provisoirement ».

Avertir l'officier principal de chaque corps pour qu'il en convoquât les membres, statuer provisoirement sur les difficultés qui naîtraient au sein de ces assemblées particulières parmi les délibérants était donc la seule mission confiée par le Souverain aux diverses municipalités du royaume.

L'autorité municipale de Guingamp a bientôt eu franchi ces limites, dans lesquelles elle ne pouvait pas se déployer à son gré. Elle a, pour ainsi dire, anéanti, par ses infractions multipliées, le règlement qu'elle était chargée de faire observer, et dans son égarement elle s'est oubliée jusqu'à ravir à des citoyens irréprochables le premier de tous les droits, celui dont tous les autres dérivent : le droit même de cité.

Tous les corps et corporations auront la faculté de se faire représenter à l'assemblée générale du Tiers Etat de la ville par des députés : tel est le voeu du règlement. Les mêmes députés représenteront plusieurs corps et corporations : telle est la volonté suprême des municipaux de Guingamp. Comment excuser tant de révolte et d'absurdité ? Que des corps soient peu nombreux, est-ce donc une raison pour les abâtardir et les dépouiller de leurs facultés ? A Guingamp, les notaires sont au nombre de neuf ; les procureurs sont au nombre de douze ; les priseurs au nombre de six ; les sergents au nombre de huit ; et combien dans le royaume de corps moins nombreux encore ! Supposez cependant que les autres municipalités de la province eussent adopté l'extravagant système de celle de Guingamp ; supposez encore, si vous le pouvez, que le même vertige eût, en se propageant, gagné toutes les têtes municipales du royaume ; il en eût résulté qu'au mépris des sages volontés du Prince, qu'un très grand nombre d'habitants notables ont été comptés pour rien dans la grande confédération qui imprimé le mouvement à toute la France, et privés de toute influence dans l'élection de ses représentants aux Etats Généraux.

Toutes les cours de justice inférieure où ne siègent que deux et trois juges, tous les tribunaux d'attribution qui ne sont pas plus nombreux, et, dans les villes du dernier ordre, toutes les corporations qui ne comptent que peu de membres eussent été, par une suite de ce judicieux arrangement, frappés de la même exclusion.

Mais il y a plus : dans la ville même de Guingamp, nos législateurs ont eu l'extrême condescendance de conserver à quelques corps le privilège d'avoir des représentants directs dans l'assemblée générale du Tiers Etat ; et cette même faculté, dont ils nous ont dépouillés si lestement, ils l'ont du moins respectée dans la personne des médecins, au nombre de quatre, et dont le plus jeune n'est pas encore capité, et même dans la personne des trois ou quatre bourgeois, qui, n'exerçant aucune profession, ne sont pas attachés à un corps.

Et, demanderons-nous, pourquoi les seuls députés nommés par la communauté des procureurs ont été accueillis, à l'exclusion de ceux qui se présentaient au nom des autres corps que le règlement municipal avait associés à celui-là ? Quelle peut être la raison de cette distinction marquée, et d'après quelle règle de proportion les municipaux ont vu que, sur le nombre donné de trente-cinq délibérants, douze votants doivent l'emporter sur vingt-trois ?... C'est une sublime opération que celle des municipaux de Guingamp : sous quelque aspect qu'on l'envisage, dans son ensemble ou dans ses détails, c'est un chef d’œuvre de combinaison et de sagesse.

Mais ce qu'on ne saurait trop admirer, c'est sa décision provisoire, hélas ! et bien irrévocable, en vertu de laquelle nous, et plusieurs autres corps, sommes déchus du droit de cité. Le règlement attribuant aux municipalités la décision provisoire des difficultés qu'entraînerait l'exécution de l'art. 26, voilà qu'à l'exemple de ces anciens empiriques, qui créaient des maladies pour avoir le droit exclusif de les guérir, les municipaux imaginent une difficulté bien absurde tout exprès, ce semble, pour user du privilège de la décider provisoirement. La plus parfaite harmonie régnait entre les députés des divers corps et corporations de la ville ; point de prétentions à éclaircir, point d'intérêts opposés à concilier. Tous les citoyens rassemblés réclamaient, en faveur des exclus, l'exécution littérale du règlement. Et qu'est-ce qu'une municipalité en présence de toute la communauté assemblée ? En présence de ceux-là même dont ils tiennent la procuration dont ils abusent, que sont des agents comptables, de simples fondés de pouvoir. Et quand tous les citoyens réunis n'ont fait entendre qu'une seule et même voix pour réclamer en notre faveur l'indestructible droit de cité, comment, violateurs du règlement donné par tout le royaume, les municipaux de Guingamp ont-ils osé fronder l'imposante volonté de toute la commune et se retrancher dans leur décision provisoire ?

Ils ont à se reprocher une triple contravention. Ils ont prononcé une décision provisoire, quand il n'y avait aucune difficulté à résoudre ; ils ont, contre toute raison, exclu nos députés pour n'admettre que ceux de la communauté des procureurs ; ils ont prétendu que l'élection se fît par classes arbitrairement composées de corps et corporations.

On se demandera peut-être : quel est donc le motif secret de tant de bizarrerie et d'injustice ? On sait bien qu'en général, plus est faible et limitée la portion d'autorité dont quelques hommes sont dépositaires, plus ils ont de penchant à s'en prévaloir avec éclat. Mais enfin, ce n'est pas une chose ordinaire que MM. les municipaux d'une ville opposent une triple résistance à l'autorité du Roi, à l'exemple de tout le royaume, au vœu manifeste de tous les membres de leur commune ; et pour se maintenir dans une si belle prérogative, ils n'ont encore, il faut l'avouer, ni droit ni possession.

Nous répondrons à cette question, fort naturelle, que toutes les vexations que nous avons éprouvées ne sont que le développement successif du plan concerté par les officiers municipaux pour s'assurer la majeure influence dans l'assemblée qui nommait les électeurs. C'est qu'en effet ils s'étaient réservé à chacun une voix dans l'assemblée générale des députés des corps et corporations de la ville, encore bien que tous, appartenant à des corps, fussent régulièrement représentés dans cette assemblée. Or, en s'attribuant individuellement une voix concurremment avec les députés dont ils avaient réduit le nombre presque au quart par l'arrangement que nous avons expliqué, ils étaient assurés de faire la loi pour peu qu'ils se conciliassent quelques députés (qui ne les ont pas secondés), et par conséquent de ne faire tomber le choix de l'assemblée que sur des électeurs qui leur seraient agréables, et l'on devine facilement quels pouvaient être les électeurs agréables à MM. les municipaux de Guingamp.

Admirable arrangement par lequel ces messieurs s'étaient seulement approprié l'interprétation arbitraire du règlement, la votation individuelle dans l'assemblée générale de la ville, et la présidence de cette assemblée !

Cependant, par une suite de ce plan inique et frauduleux, on est parvenu à nous ravir cette faculté précieuse que la bonté du Monarque avait répartie avec tant de sagesse et de mesure sur tous les sujets de la monarchie ; et l'on a su rendre inutiles tous les moyens que sa tendre sollicitude avait multipliés pour inspirer à chaque citoyen l'opinion précieuse qu'il sera réellement et valablement représenté dans l'assemblée des Etats Généraux. Il est, nous le savons, des injustices qu'il faut savoir souffrir, parce que la réparation ne vaut pas quelquefois les peines qu'elle coûte pour l'obtenir. Mais nous avons dû protester, au moins dans la province, contre l'injurieuse exclusion dont nous sommes frappés ; et peut-être nous consolerons-nous de cette lésion, si nos plaintes fortifient la raison, déjà bien sensible, de recomposer sur un meilleur plan tous les corps municipaux. Signé : PENVEN, HELLO, ANDRÉ, LE BOÜETTÉ, Y. HERPE.

(H. E. Sée).

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