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Le collège de Guingamp sous l'Ancien Régime (1516-1791)

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Fondé sans doute au XIème siècle au pied d’un château fort, « La Motte du Comte », maintenant le « Vally », le petit centre d'échanges qui devait devenir Guingamp ne tarda pas à être entouré de prieuré : Saint-Sauveur à l'Ouest, la Trinité à l'Est, dès avant 1121 ; et de monastères : au sud l'abbaye augustine de Sainte-Croix vers 1110-1115, au nord, un siècle et demi plus tard (d'après le « nécrologe » des Jacobins de Guingamp), le couvent des « Frères Mineurs » ou Cordeliers fondé le 4 octobre 1283 et le couvent des « Frères Prêcheurs », appelés encore Dominicains ou Jacobins, fondé le 14 décembre 1284. Ces moines ouvrirent-ils des « écoles » ? Ce n'est pas impossible. Un courtil près du couvent dominicain de Montbareil portait le nom de « liors ar Scol », c'est-à-dire courtil, jardin de l'école.

Toutefois, ce n'est qu'en 1516 (d'après S. Ropartz « Guingamp ») que l'on trouve établie l'existence « d'escoles » à Guingamp, mais relevant de l'évêque de Tréguier. Les « escoles » existaient donc, paraît-il, mais il n'avait pas de maître, encore qu'on eût sollicité « Maître Loys Le Baron » de « la paroisse de Pestivien, mestre d'escolle, afin qu'il eust pris sa charge des eseolles du dit Guingamp ». Tel état valut au procureur des bourgeois de Guingamp une semonce de la part de « l'Ecolâtre » de Tréguier, que contribuèrent à calmer la bonne volonté manifeste des délinquants et aussi, du moins on l'assure, deux ou trois quartes de vin d'Anjou. Trois ans après, en 1519, la situation ne paraît guère meilleure puisque la Communauté de ville en est réduite à demander à « Maître Jéhan Lalainmat » de la paroise de Mezle « s'il était délibéré de venir tenir les escolles ». Il faut attendre 1566 pour voir les maîtres d'école ils étaient deux — maîtres Jean Marchant et Jean Belhom émarger très modestement, — 10 livres, 10 sols par an — au budget municipal.

De 1603 jusqu'à 1621 le traitement du maître d'école fut fixé à 24 écus d'argent — 72 livres — et depuis 1621
jusqu'à la Révolution il ne dépassera pas 120 livres, même parfois le réduira-t-on à 110 livres, comme en 1770. Somme relativement modeste, quand on la compare aux émoluments attribués au P. Guyon, augustin, pour la prédication de la station de Carême 1704 : 90 livres, ou aux 300 livres allouées à son confrère le P. Hilaire de Lezay, pour les sermons durant le Carême et l'Avent 1705.

Les archives municipales de Guingamp et départementales des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d'Armor) nous donnent la liste presque complète de ces maîtres d'école de 1585 à 1789 [Note : Archives municipales de Guingamp, BB2. — Un acte daté du 28 juillet 1585 (Archives des Côtes-d'Armor, E. 1179) signale un Yves Le Marec, « maître d'école ». Dans son étude sur « Les origines du Collège de Guingamp » parue dans l' « Annuaire de l'Association amicale des Anciens Elèves de l'Institution N. D. », Guingamp, imprimerie Eveillard-Bréban, 1904, pp. 33 et ssq., l'abbé Coadic cite comme premier principal du collège messire Jacques Duval et fonde ainsi son affirmation : « Ce nom nous est fourni par les délibérations de la Frérie Blanche. En 1656, le procès-verbal de l'assemblée de juillet est signé : Jacques Duval, prêtre-principal, ci-devant abbé. Ces derniers mots signifient que l'abbé Duval fut précédemment abbé ecclésiastique de l'illustre Frérie ». Jacques Duval signe bien, en effet, le procès-verbal de la Frérie Blanche le 3 juillet 1656 (Registre de la Frérie Blanche, folio 12, arch. de l'Institution N.-D.) et il fait suivre son nom de la mention : Pr. fiscal c'est-à-dire Procureur fiscal qu'une amusante erreur de lecture permet à l'abbé Coadic de transformer en « Prêtre-Principal ». Jacques Duval, en effet, n'était ni prêtre — il ne fut donc pas « abbé ecclésiastique » mais laïc de la Frérie Blanche — ni principal du collège mais « procureur fical du duché de Penthièvre ». De la Marre-Duval, « procureur fiscal » est délégué avec le maire Pierre Le Goff, sieur de Murado, aux Etats de Fougères, par l'assemblée des Bourgeois (Archives municipales BB2, 15 octobre 1658, fo 199. Voir également ibid. séances : du 17 juin 1658, f° 208, des 9 et 18 juin 1659, f° 215, où il fut adjoint à la députation aux Etats de Saint-Brieuc, sur la demande du maréchal de la Meilleraye, de mars 1661, f° 220). Il fut remplacé dans ses fonctions le 7 février 1664 par Jacques Fallézan, sieur de Kerglas, et il mourut le 23 janvier 1669. Il fut inhumé le 27 en l'église Notre-Dame en présence de son fils aîné, René-Jacques, qui signe au procès-verbal (Archives municipales, G. G. 10, f° 5). En 1650, la survivance de l'office de procureur fiscal fut accordée par le duc de Vendôme, à M. Jacques Duval, pour la somme de 1.200 livres avec pouvoir, pour lui et ses héritiers, de céder la charge, moyennant versement supplémentaire de 2.000 livres, si la résignation a lieu en faveur de son fils ou de son gendre, de 3.000 livres autrement (Archives des Côtes-d4Armor, E. 919)] :

1° Messire Yves Le Marrec, connu seulement par le procès intenté au maire de Guingamp par Messire Jean Fleuriot, recteur de Gurunhuel et vicaire de Notre-Dame de Guingamp (Archives des Côtes-d4Armor, E. 1179 : Acte du 28 juillet 1585).

2° Maître Henri Borie, 1603-1612, aux gages de 24 « Luis » (24 louis d'argent), c'est-à-dire 24 écus par an payables par quartier (Archives municipales BB2, f° 5-6).

3° Maître Louis Lenepvou, 1612-1614, « précepteur de la jeunesse de la ville » (f° 26), démissionne le 12 octobre 1614. Le secrétaire de « la Comunauté de Ville » le qualifie (f° 43) de « précepteur et maître d'école » et en marge, « Principal », titre qui prévaudra à partir de 1663.

4° Maître Jean Eveillon, 12 octobre 1614 - 5 avril 1621. Ce personnage, nommé à l'origine pour 3 ans, fut renvoyé le 24 février 1621, « parce qu'il ne se comporte dûment au fait de sa charge ». On lui alloue 12 livres de gage. Les bourgeois sont fort discrets sur les raisons de ce renvoi. Le « journal » d'Yves Le Trévidic, lui, parle d'un « Eveillon, maître d'école de Guingamp » qui « fut pendu à Paris » pour avoir « enlevé Catherine Guyomar, fille de Maître Claude Guyomar, procureur fiscal ». L'exécution aurait eu lieu le 10 février 1620, ce qui ne concorde pas avec la date du renvoi indiqué au procès-verbal ci-dessus mentionné.

5° Maître Charles Hacquart, 5 avril 1621 - 17 février 1627 (f° 45). Il recevait 120 livres par an, mais devait se soumettre aux conditions édictées par la Communauté, dont la première était de se choisir « un second pour l'assister à faire la leçon aux moins avancés », ce pour quoi il recevra 150 livres la première année.

6° Messire Pierre Le Bricquir, 17 février 1627 - 16 novembre 1662. Messire Pierre Le Bricquir (alias Bricquer) appartenait à une famille guingampaise qui donna quatre de ses membres à l'Eglise, à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème.

a) Pierre Le Bricquir, notre « Principal ». « Bachelier en théologie, de la Faculté de Paris et Maison de Sorbonne » « un des vicaires de l'église Notre-Dame », décédé le 16 novembre 1662.

Un autre Pierre Le Bricquir, « Vicaire perpétuel de l'église Notre-Dame » et « Vicaire général de Dol », inhumé dans l'église Saint-Joseph des Ursulines (il était le principal fondateur de leur monastère) le 27 juillet 1671 [Note : Archives municipales, G. G. 10. Le couvent des Ursulines est devenu la caserne des sapeurs-pompiers, rue de la Trinité. La chapelle Saint-Joseph, encore bien reconnaissable à l'heure actuelle, servit longtemps de magasin à fourrage. Le couvent, après avoir abrité « l'Ecole Mutuelle » à ses débuts, devint un dépôt de remonte].

Mathieu Le Bricquir, Docteur en théologie et « recteur de l'église Notre-Dame », décédé le 29 décembre 1688 et inhumé pareillement en l'église Saint-Joseph (Archives municipales, G. G. 14, f° 39).

Louis Le Bricquir, « Aumônier de l'Illustrissime et Révérendissime Balthazar Grangier (1646-1679), évêque et comte de Tréguier, puis recteur de Guingamp, mort le 12 mai 1716, et de même ensépulturé » en l'église Saint-Joseph (Archives municipales, G. G. 19 : 12 mai 1716).

Messire Pierre Le Bricquir se vit contester sa charge par l'ancien maître d'école, Charles Hacquart ; il protesta devant la Communauté de ville (Archives municipales, B. B. 2, f° 113) qui lui donna gain de cause par délibération du Mercredi des Cendres, 1er mars 1634. Il s'usa à la tâche, encore qu'il ait eu un adjoint : Joseph Chambrin, puis François Le Gardien (20 mai 1627), aux gages de 36 livres par an, et le 7 février 1662, la Communauté lui ordonna de faire choix « dans le mois, d'une personne capable de l'ayder dans l'instruction... faute de quoy il y sera pourvu par l'assemblée » (Archives municipales, B. B. 2 : 7 février 1662, f° 226). Quelques mois plus tard, Messire Le Bricquir « sortant d'une grave maladie » reconnaissait « n'avoir plus la force nécessaire pour faire la ditte charge » et la transmettait à Messire Yves Boessy, pensant que MM. les Bourgeois « auraient pour agréable cette désignation ». MM. les Bourgeois, en effet, entérinèrent (Archives municipales, B. B. 2 : 8 août 1663, f° 228) la décision du défunt principal — il était mort le 16 novembre 1662 — et acceptèrent la désignation de Messire Yves Boessy à condition toutefois « qu'il prendrait ayde pour son soulagement au dit collège », ce qui suppose un nombreux effectif scolaire.

7° Messire Yves Boessy, 8 août 1663 - 4 mai 1687 — Ancien abbé ecclésiastique de la « Frérie Blanche » 1559-1560, comme son parent, messire Gilles Boessy 1660-1661 — Yves Boessy régenta le « Collège » de Guingamp durant 24 ans.

Fatigué par un enseignement de près d'un quart de siècle, il résigna, le 4 mai 1687, sa charge de « principal » « pour cause de son âge et caducité » en faveur de son neveu, messire Jean Poences « connaissant sa capacité ». Messire Jean Poences avait fait « toutes ses humanités soubz les Jésuites, étudié l'espace de six ans dans l'Université de Paris tant en philosophie que théologie ». Yves Boessy léguait encore à son neveu « la maison annexée (au collège) et dans laquelle il demeure, conformément à ce qu'en a joui défunt vénérable et discret messire Pierre Le Bricquir, recteur été de son Vivant dudit Guingamp et le dit sieur Boessy ».

8° Messire Jean Poences, 4 mai 1687 - 24 août 1691 — L'« Assemblée des Bourgeois » accepta la désignation de messire Jean Poences, sous-diacre, (il dut être ordonné prêtre dans l'année, car le 5 juillet 1688, les confrères de la Frérie-Blanche le choisissent pour abbé ecclésiastique, en sa qualité de « prêtre et principal du Collège ») — mais seulement pour cinq ans — passé ce laps de temps, la Communauté se réserve son droit de nomination (Archives municipales B. B. 2 : 4 mai 1687, f° 337), résolution qui n'implique pas un enthousiasme sans réserve. Le nouveau « Principal » appartenait cependant à une famille de vieille bourgeoisie guingampaise. Un de ses membres, Maître Henri Poences fut maire de Guingamp en 1422. Un autre, messire Jacques Poences « Vicaire Perpétuel de Notre-Dame » fut un grand ami des pauvres : la reconstruction de l' « Hôpital Général » effectuée en 1676 fut, en grande partie, son oeuvre et, par testament, il léguait à la chapelle de Notre-Dame de Rochefort une maison neuve, sise rue du Petit-Trotrieux « parce que pour lors, le Chapelain dira la messe festes et dimanches et que de plus la Chapellenie soit donnée à quelque pauvre clerc de la paroisse et non autrement, pour le titrer » (Archives Paroissiales de N.-D. de Bon-Secours, 1680). Cet homme de bien fut « ensepulturé le 1er mai 1686 dans le choeur de Notre-Dame » où son tombeau « donne d'un côté contre les sièges d'en bas et d'autre contre le lutrin » (Archives municipales, G. G. 12, f° 12).

9° Messire Jean Boessy, 24 août 1691 - 22 février 1715. Jean Poences résigna ses fonctions, par acte notarié, le 16 juillet 1691, en faveur de son cousin, Jean Boessy. Les bourgeois acceptèrent, le 24 août suivant, en faisant toutefois remarquer que la « prétendue résignation du sieur Poences » n'entamait en rien les prérogatives de la Communauté qui « usant de son droit » nomma « le sieur Boessy, Principal du Collège de la ville de Guingamp, pendant et aussi longtemps qu'il plaira à MM. de la Communauté, à la charge de se pourvoir pour faire mettre la maison du Collège en bonne et debve réparation, dont il sera fait estat et copie d'icelluy mise aux archives de la Communauté » (Archives municipales, B. B. 3, 1691-1715). En 1715, messire Jean Boessy fut « pourvu par l'Abbé de Sainte-Croix » (Chanoine du Plessis d'Argentré, abbé de 1699 à 1740) du prieuré de même nom. Aussi la Communauté le remplaça-t-elle par Pierre Le Guen.

10° Messire Pierre Le Guen, 22 février 1715 - 2 mai 1730, avec approbation de S. A. S. le comte de Toulouse.

11° Messire René Samson Corniart ou Quorniart, 5 mai 1730 - 12 décembre 1752, dont la nomination est approuvée par le comte de Toulouse, de Fontainebleau, le 21 mai 1730 (Archives des Côtes-d'Armor, E. 1179).

Messire Corniart, malade, dut quitter sa charge de Principal en 1752. En reconnaissance de ses bons services, la Communauté de Ville lui allouait, en décembre 1753, un secours de 120 livres, ne voulant pas laisser « un ecclésiastique » dans la misère (Archives municipales, C. C. 16).

12° Messire François Le Bail, 12 décembre 1752. René Corniart fut remplacé, en vertu d'une délibération de la Communauté en date du 28 novembre 1751, par messire François Le Bail mais avec cette clause remarquable « qu'il tiendra les écoles à la manière accoutumée et ne pourra rien exiger pour l'instruction des enfants de la ville et sera destituable ad nutum ». Le tout sous le bon plaisir de S. A. S. le comte de Toulouse, duc de Penthièvre, « qui agréa » la nomination du nouveau Principal le 12 décembre 1752. C'était comme un essai timide d'enseignement primaire gratuit (Archives municipales, 28 novembre 1752).

13° Messire Le Ponthou, ...- 5 mai 1770.

François Le Bail fut remplacé, à une date qui n'est pas indiquée, par un « Sieur Le Ponthou », lequel mourut le 5 mai 1770 (Archives municipales, G. G. 16 : 6 mai 1770).

14° Messire Jean-Baptiste Beaulard, 23 juillet 1770 - décembre 1790.

L'Assemblée des Bourgeois nomma J.-B. Beaulard à la place de Le Ponthou, par délibération du 6 juin 1770, que le duc de Penthièvre ratifia le 23 juillet. Beaulard occupe la charge de Principal, au moins jusqu'à la fin de 1790 puisqu'il lui est payé pour le second terme de son traitement, 60 livres le 31 décembre 1790 (selon les Archives Paroissiales). Avec plusieurs de ses confrères [Note : Voir LE MASSON : Manuel pour l'étude de la persécution religieuse dans les Côtes-du-Nord durant la Révolution française, Rennes, Oberthur, t. I, 1926, p. 92] de Guingamp (Briand, Le Bail, François et Maurice Derrien, il prêta serment à la Constitution civile du Clergé, fut reçu, un des premiers (20 octobre 1790), membre de la Société Populaire, futur club des Jacobins (Registre (inédit) des délibérations de la Société Populaire de Guingamp : 28 octobre 1790), quatre jours seulement après la fondation et il en fut un des membres les plus assidus. Le District le chargea de la paroisse de Sainte-Croix, jusqu'à l'offensive antireligieuse du représentant Le Carpentier, visant à détruire le « sacerdotisme » et la « superstition » (13 avril 1794). Il se hâta d'obéir à l'ordre du Proconsul et, dès le 19 avril, livra ses lettres de prêtrise (La MASSON : Manuel..., t. I, p. 288). Tant de docilité lui permit de passer tranquille les plus sombres jours de la période révolutionnaire. On le retrouve à la date du 22 novembre 1798 à Guingamp (La MASSON : Manuel..., t. II, 1928, p. 107), touchant la pension de 800 fr. En dépit des appréciations élogieuses du préfet Boullé (bon ecclésiastique, sage, zélé), il ne paraît pas avoir reçu d'affectation dans la nouvelle organisation concordataire. Il figure comme prêtre habitué à Guingamp en 1803-1804, dans l'entourage du curé, A. Dayot, comme lui ancien assermenté et abdicataire. Il mourut à Guingamp, le 3 juillet 1808, à l'âge de 62 ans.

Tel quel, le « Principal du Collège » de Guingamp, comme on l'appelle ordinairement depuis la seconde moitié du XVIIème siècle, était une notabilité dans la petite ville. Ce n'est pas que son traitement fut considérable : 24 louis d'argent, 72 livres en 1603, 120 de 1621 à 1789, sans tenir compte de la dépréciation de la monnaie, 150 livres une fois pour Maître Ch. Hacquart, mais à condition qu'il prît un adjoint pour s'occuper des plus jeunes écoliers. Assurément, ce n'était pas considérable. Si nous prenons comme base de comparaison le compte de 1705 (Archives municipales, C. C. 16), nous voyons le salaire du « Principal », messire Jean Boessy, se situer entre celui de l'organiste, le célèbre Belhôte, qui reçoit 50 livres par an, du sous-sacriste, messire François Juhel, 73 livres, du prédicateur de la station de Carême (1704), le P. Guyon, et le salaire du P. Hilaire de Lezay, Augustin, prédicateur de l'Avent et du Carême 1705, qui reçoit 300 livres. Quelque vingt ans auparavant — et les salaires n'ont guère baissé à la fin du XVIIème siècle, le « Livre de Raison », de Jean-0llivier Berthou, sieur de Kerverzio (1686-1687) (Société d'Archéologie et d'Histoire de Bretagne, année 1930) — nous apprend qu'un cocher recevait 60 livres et un laquais 72 ; il est vrai que c'est à Rennes, où les gages étaient plus élevés qu'à Guingamp. Le notaire guingampais, Pierre Hamon, sieur du Pré, n'a gagné en 1660 « à grossoyer à la sueur de ses bras » (sic) que 607 livres 7 sols (Archives des Côtes-d'Armor : journal de Pierre Hamon, E : famille Hamon). En fixant à 120 livres le traitement de leur Principal, les bourgeois pouvaient s'appuyer sur l'arrêt du Conseil de Saint-Germain-en-Laye (Voir le texte ap. ROPARTZ ; Etudes...., t. I., pp. 265-266, et Archives Côtes-d’Armor, E 941), en date de 1668, qui réglait strictement leur budget et limitait au taux de 120 livres les émoluments du Principal, encore qu'une déclaration du 13 décembre 1680 accorde aux maîtres et maîtresses d'école respectivement jusqu'à 150 et 100 livres par an. Et puis à ce traitement s'ajoutait la rétribution scolaire : les textes n'en indiquent pas le montant, mais ils la supposent, tel par exemple l'arrêt de la Communauté du 28 novembre 1752, qui défend au Principal, François Le Bail « de ne rien exiger des enfants de la ville ». Une plainte de messire Jean Boessy (26 février 1715) laisse même entendre que les bourgeois ne furent pas très exacts à ordonnancer les gages du Principal : il réclame les deux années de traitement qui lui sont dues « de ce Collège où j'ay rendu de longs services que je vois qu'on reconnaît assez mal. C'est un pauvre prêtre mal traité par ceux qu'il a eus autrefois l'honneur d'avoir pour écolliers » (Archives des Côtes-d’Armor, E. 1179. Lettre de M. Jean Boessy à M. Jean Plancher, sénéchal, à Lamballe. « Mathurin Plancher était intendant du duc Penthièvre au commencement du XVIIIème siècle ». [Note : C. DUTEMPLE, Histoire de Lamballe, t. I, 2ème édition, Rennes, Imprimerie Francis Simon, 1936, p. 312, note 2, p. 387. Le même personnage, en 1740, est dit ecuyer, « conseiller du roy, directeur nommé, par sa majesté pour la continuation et réunion des domaines et droits de ce duché », t. II, 1925, Saint-Brieuc, Francisque Guyon, p. 88. L'abbé Dutemple écrit que Plancher du Bottier, sénéchal, fut député de Lamballe aux Etats de 1746].

Mais — honneur qu'il dut fort priser — le Principal, est peu à peu admis à prendre place dans l'Assemblée des Bourgeois, depuis le mercredi des Cendres, 27 février 1664 (Archives municipales, B. B. 2, f° 229), au même titre que les vicaires, le sacriste, le chapelain de l'hôpital — et avec voix délibérative, de 1676 jusqu'à l'arrêt du Conseil du 6 juin 1706 (Voir le texte ap. ROPARTZ : Etudes..., t. I, pp. 271-272). D'autre part, il faut ajouter qu'il jouissait du monopole de l'enseignement à Guingamp, dès 1605. Le 10 octobre de cette année 1605, en effet, sur les remontrances du maître d'école de cette ville (Maître Henri Borie) « qu'à son grand préjudice, Dom Allain Le Colledou et Dom Jean Le Bihan, tiennent écoles particulières, ordonné que réitérés commandements seront faits aux dits Colledou et Le Bihan, et défenses de ne tenir aucune école ouverte ou privée en cette ville ou faubourg, sous peine de prison ou d'être contraint de se retirer hors de la ville » (Archives municipales, B. B. 2, f° 11). L'avertissement, on le voit, était de conséquence, et il fut efficace.

D'ailleurs le « Principal » ou « le Maître d'école » — les deux termes sont synonymes — dépend entièrement de la « Communauté de la Ville », le nomme, elle peut le destituer, s'il ne remplit pas ses fonctions au gré des bourgeois ; ce fut le cas pour Jean Eveillon en 1621. Elle le surveille dans l'exercice de sa charge le 7 février 1661, elle signifie au « Sieur Le Bricquir » qu'il ait à choisir un adjoint « capable » faute de quoi, elle le remplacera. En 1715, elle nomme Principal Pierre Le Guen « aussi longtemps qu'il plaira à la Communauté » ; en 1752, François Le Bail est choisi, mais il sera « destituable ad nutum ». Quelquefois les Principaux en fonction ont envisagé de transmettre leur « bénéfice » car c'en était un — à un parent ou à un ami, de le « résigner » en leur faveur. Une première fois, messire Le Bricquir présente un candidat à sa succession, le 8 août 1663. La Communauté accepte. Le nouvel élu, messire Yves Boessy se démet à son tour en faveur de messire Jean Poences.

Le 4 mai 1687, la Communauté accorde l'investiture à Jean Poences, mais avec quelques réticences et sous réserve de ses droits « pour cinq ans, pour passé de ce être par la Communauté pourveu ainsi qu'il sera vu appartenir ». Mais quand, par acte notarié, le 16 juillet 1691, messire Jean Poences veut se démettre « en faveur du sieur Boessy, son cousin » à l'exclusion de tout autre, à condition évidemment qu'il « se fera agréer et pourvoir par Messieurs de la Communauté... à qui le droit de collation et de provision du dit bénéfice appartient ». La Communauté de Ville écarte cette « prétendue résignation du sieur Poences », tout en nommant le sieur Boessy, « usant de son droit »... « pendant et aussi longtemps qu'il plaira a MM. de la Communauté ». Même formule, le 22 février 1715, quand messire Pierre Le Guen assume la charge de « Principal ».

Les bourgeois de Guingamp croyaient donc bien, être en droit de nommer et de destituer le « Principal du Collège », mais ils devaient se heurter aux prétentions des Penthièvres, dont l'héritier Louis-Joseph, duc de Vendôme, se déclare le 5 septembre 1682 « Fondateur du Collège de Guingamp » (ROPARTZ : Etudes..., t. II, p. 209), aussi l'affirmation très nette des droits exclusifs de la Communauté de Ville amène-t-elle, le 24 août 1691, lors de la nomination de Jean Boessy, une protestation du Procureur fiscal, au nom de la princesse de Conti, duchesse de Penthièvre (Archives des Côtes-d'Armor, E. 944). Et quand Pierre Le Guen est nommé Principal, le 22 février 1715, réserve-t-on « le plaisir de S. A. S. Monsieur le Comte de Toulouse », qui accorde d'ailleurs sa ratification (Archives des Côtes-d'Armor, E. 1179), de même qu'en 1730, 21 mars, pour messire René-Samson Quorniart.

Il y avait donc à Guingamp, dès le début du XVIIème siècle, un établissement d'enseignement, appelé communément « Collège », et dont le directeur portait, surtout depuis 1627, le titre de « Principal ». Mais quel enseignement recevait-on dans ce « Collège » et quelles y étaient les fonctions exactes du « Principal » ? Sans nous laisser abuser par le sens des mots, constatons qu'au début du XVIIème siècle jusqu'en 1627, les directeurs sont appelés indifféremment « Maîtres d'école, Précepteurs de la jeunesse, Maîtres d'école et Précepteurs de la jeunesse ». Depuis 1612, en marge, on ajoute la mention qui prévaut enfin « Principal ». Ce principal est d'ailleurs le seul maître dans son établissement, sauf en 1621, où Ch. Hocquart se voit attribuer un adjoint « pour faire leçon aux moins avancés » et, en 1663, M. Boessy reçoit également un second « pour son soulagement ». Cela suppose donc un établissement relativement restreint, quelque florissant qu'on veuille l'imaginer. De plus, à son entrée en charge, Maître Hacquart dut souscrire aux conditions suivantes (Archives municipales, B. B. 2 : 24 février 1621, f° 45, reproduit par ROPARTZ : Etudes …., T. I, pp, 146-147) :

1° Qu'il aura un second pour l'assister à faire la leçon aux moins avancés ;

« Que les enfants entreront deux fois le jour en classe, devant et après dîné, le matin à 8 heures, pour sortir à 11 h. en été et en hiver à 10 heures. Le soir, à 3 heures, et en sortiront à 6 heures en été, en hiver ils rentreront à 2 heures et en sortiront à 4 heures et 4 heures 1/2 selon la longueur des jours ».

« Qu'il fera, une fois la semaine, le catéchisme et apprendra à ses écoliers les rudiments de la doctrine chrétienne ».

« Qu'aux processions, il les fera marcher devant par rang, sans tumulte ni insolence ».

« Qu'à l'église, il les fera mettre dans certain lieu, ayant l'oeil dessus, afin qu'ils ne fassent aucune chose indigne du lieu ».

« Qu'il exercera les écoliers, tant en public qu'en privé, par disputes et déclamations ».

C'est là tout à fait le règlement et le programme des « Petites Ecoles » ou écoles primaires et rien ne nous indique qu'on les ait notifiés au cours des XVIIème et XVIIIème siècles. Ce n'est donc que par un véritable abus du sens des mots qu'on a voulu voir dans le collège de Guingamp, l'émule des « Collèges et Petits Séminaires de l'époque »... sûrement pas de ceux de Tréguier, de Plouguernével, ni même du Collège de Saint-Brieuc, avec ses 500 élèves de la sixième à la théologie, sous le « Gouvernement » de messire Chouesnel (Jacques HERISSAY : M. Cormaux, saint de Bretagne. Paris, Bloud et Gay, s. D. (1937), pp. 17-20) — ce qui suppose, c'est l'évidence même — un corps professoral nombreux... et celui du « Collège de Guingamp, composé d'un maître » et, par quatre fois seulement en 189 ans, d'un « second » est, il faut l'avouer, rudimentaire pour un « Collège », au vrai sens du mot. Il n'est que de comparer le règlement — programme de 1621 — au règlement imposé en 1722 au sieur Michel, instituteur primaire, par les gens de Bléneau (Ap. M. MARION : Dictionnaire des Institutions de la France, 1923.. Paris, Picard, p. 207) pour se rendre compte de la similitude des conditions. « Il (le sieur Michel) sera tenu d'élever les enfants dans la religion catholique, apostolique et romaine, de leur donner le bon exemple, de faire le catéchisme dans sa classe, deux fois la semaine, de faire placer les écoliers, lorsqu'il les fera assister à la messe ou aux autres offices, de manière qu'ils n'y causent point et qu'il leur fasse observer toute la décence convenable... Lui promettons de se faire payer par chaque enfant, 5 sous par mois pour les enfants commençant, 10 sous pour ceux qui commenceront à lire en latin et français, 15 sous pour ceux qui apprendront l'arithmétique, à écrire en français, latin et aux contrats, et trois livres par mois, pour ceux qui apprendront la langue latine ». Texte curieux parce qu'il montre dans les « Petites Ecoles » un mélange d'études primaires et, secondaires et qu'au début du XVIIIème siècle la pédagogie n'est pas encore entièrement dégagée des vieilles méthodes d'enseignement. Les enfants apprennent toujours à lire, à l'aide du latin, malgré les efforts des Frères de la Doctrine chrétienne (1680) qui « ignoraient » le latin et le remplaçaient par le français, d'où le surnom d' « Ignorantins » que leur donnèrent les philosophes du XVIIIème siècle. Rien d'étonnant donc que le « Principal » de notre « Collège » de Guingamp, tout en enseignant aux enfants de la ville « le rudiment » — ait appris le latin à certains.

En tous cas, l'instruction donnée au Collège de Guingamp ne devait pas être de premier ordre, ni l'admission aux cours bien libérale, s'il faut en croire le « Cahier des Doléances » de Sainte-Croix-lès-Guingamp (Sée et Lesort : Cahiers de doléances de la sénéchaussée de Rennes, t. III, pp. 695 et 778), art. XX°. « Dans aucune ville de nos environs et dans la plupart de celles de Bretagne, nulle école publique et gratuite pour l'instruction des enfants de l'un et l'autre sexe. De là naît l'ignorance : l'on ne trouve que quelques maîtres ignares et qui se font payer largement. Il n'y a donc que les riches qui puissent faire éduquer leurs enfants. Il serait à propos, et ce serait une très bonne chose, d'établir dans chaque ville, où il n'y en a pas, deux écoles publiques pour l'instruction de la jeunesse de l'un et l'autre sexe qui y serait éduquée gratuitement : deux couvents seraient très propres à cet utile établissement et l'on pense que les religieux et religieuses qui y sont, se prêteraient avec plaisir à d'aussi charitables fonctions ». Et le « Cahier » de la ville de Guingamp réclame lui aussi la création d'un collège « dans son enceinte, afin que les enfants (de la ville) et ceux des environs y reçoivent, à moins de frais, les instructions concernant la grammaire française et dont ils n'apprennent les éléments que d'une manière très imparfaite dans l'école déjà subsistante, et dirigée par un ecclésiastique du lieu et que, pour l'exécution d'un projet aussi important, on y attribue les fonds et même les édifices des maisons religieuses dont la suppression est devenue praticable et nécessaire par leur inutilité ».

Un siècle auparavant était même rédigé — et sans doute à Guingamp, un « Mémoire pour l'établissement d'un collège de Jésuites dans la ville de Guingamp » [Note : Archives des Côtes-d‘Armor, E. 1179. Ce mémoire n'est signé ni daté. Cependant il est sûr qu'il fut composé au début de 1700 ; en effet il donne l'abbaye de Sainte-Croix comme vacante, par le décès de l'abbé Louis Le Barber, sieur du Maz, « depuis deux mois » ; or, Louis du Maz, abbé d'Orion, au diocèse de Châlon-sur-Marne, fut également abbé, commendataire évidemment, de Sainte-Croix du 17 juin 1670 au 12 novembre 1699 (selon la Gallia Christiana, t. XIV, col. 1139). Ce qui place la rédaction du mémoire en janvier 1700]. Son auteur faisait remarquer qu'il n'y a pas de collège de Jésuites dans un rayon de 22 lieues autour de Guingamp. Guingamp est d'ailleurs « une des plus jolies villes de Basse-Bretagne et, qui renferme, par rapport à sa grandeur, le plus d'honnêtes gens ». De plus, « elle est environnée sous dix lieues de plus de douze villes : Morlaix, Lannion, Tréguier, Quintin, Callac, Carhaix, etc... dans lesquelles il n'y a d'école que pour les premiers principes — et encore les donne-t-on d'une telle manière qu'on est obligé d'envoyer les enfants, dès le berceau, pour ainsi dire, dans des centres éloignés, comme Rennes, au grand dommage de la bourse des parents et de l'âme des jeunes gens. Un collège serait donc très utile et tout indiqué à Guingamp, mais où trouver les locaux nécessaires ? ». Le rédacteur de notre mémoire les trouve dans « l'abbaye de Sainte-Croix » dont l'abbé Louis Le Barlier, sieur de Maz, est mort « depuis deux mois ». Ce serait idéal pour les Jésuites qui y trouveraient et des locaux et un « fonds suffisant pour s'y maintenir — 5 à 6.000 livres de rentes. — Si Sa Majesté avait pour agréable... de donner l'abbaye ».

Quant aux avantages de cette fondation, il les énumère avec complaisance : la ville s'enrichirait « par la consommation que feront un grand nombre d'écoliers qui (y) demeureront » sans compter leurs familles... S. A. S. (le duc de Penthièvre) profiterait, lui aussi, d'une augmentation de revenus, car on consommerait plus de pain et de denrées : par conséquent, la « ferme des moulins et fours et coutumes augmenterait » comme aussi « celles des tréteaux et des boutiques qui sont dans les halles qui appartiennent à S. A. S. La juridiction en serait aussi plus considérable ainsi que les greffes mieux affermez ». Et l'habile homme de supputer cette augmen­tation de revenus : « au moins 3 ou 4.000 livres par an ».

Ce mémoire fut-il remis au roi, appuyé par les Jésuites et le duc de Penthièvre ? Rien ne l'indique. Ce qui est sûr, c'est qu'il ne reçut pas d'exécution. Guingamp ne vit pas s'élever de collège secondaire.

Ici se pose un petit problème : où se trouvait situé ce « Collège » ? Certains, Ropartz (ROPARTZ : Etudes..., t. I, p. 96, note), Coadic [Note : Compte rendu de l'Association Amicale des Anciens Elèves de l'Institution Notre-Dame, 1902. Guingamp, Anger-Rouquette, p. 53], ont fait état d'une transaction (17 septembre 1579), entre la famille Pinart de Cadolan et la ville de Guingamp, au sujet de la chapelle, à ce moment célèbre, de Saint-Nicolas, sise entre la rue Saint-Nicolas et la rue de Cadolan, la Communauté des Bourgeois excipant de son droit de se dire « fondateur de la dite chapelle... d'y avoir le Collaige des enffants de la ville, de l'avoir fait batir, cerner de murailles et planter en leur mise ». Ce serait là le premier emplacement du « Collège ». C'est en effet bien possible, mais nous n'en savons pas davantage.

Au XVIIème siècle, par contre, le local affecté aux « Ecoles » ou « Collèges » de Guingamp se trouve fixé dans la ville « close » et au coeur même de la ville. Ropartz (Etudes..., t. I, pp. 145-146) le situe dans l'immeuble formant angle entre la rue Notre-Dame et la rue Théodule-Ribot (anciennement rue du Four), affermé par la ville aux moines de Bégard. Les moines de Bégard possédaient, assurément, cette maison, le compte de Denis des Prez, procureur des bourgeois (Archives municipales : Livre Rouge, ROPARTZ : Etudes..., t. II, p. 223), en 1447, en fait foi — et la posséderont jusqu'en 1790 (Archives municipales 2 D I : Biens et dépendances de l'Abbaye de Bégard, 31 décembre 1790, 2ème cahier, art. 806, p. 34). — L'abbé parait y avoir résidé de temps en temps, du moins Dom Jean Fleuriot, car il figure au nombre des « Comparans » de l'Assemblée des Bourgeois et avec voix délibérative, de 1603 à 1614 (Archives municipales, B. B. 2), très régulièrement.

C'est même en se rendant en pèlerinage de son domicile de Guingamp à Notre-Dame de Grâces, sanctuaire célèbre et lieu de pèlerinage réputé, au XVII et XVIIIème siècles, qu'il mourut accidentellement. « Le 28 mars 1614, mourut Vénérable Messire Jean Fleuriot, abbé de Bégard et Grand Archidiacre de Tréguier, lequel se naïa au-dessoulz du moulin de Touchelenic (Toulquellenic, autrement dit le moulin de la ville), tombant de cheval en l'eau, en allant en dévosion à Notre-Dame de Grasse ». Ainsi s'exprime René Fleuriot dans son « journal » (Archives des Côtes-d’Armor : Journal de René Fleuriot, 1599-1614, Fonds Fleuriot de Langle). S. Ropartz affirme que cette maison s'appelait la Petite Abbaye, affirmation qui ne repose sur aucun titre. Les archives municipales font état, en effet, d'un immeuble connu sous ce nom, mais rien n'indique que ce soit la maison tenue à bail par le sieur Conan et sise à l'angle de la rue du Four. Du reste, la seule mention que l'on rencontre d'une salle de classe en cette maison, figure dans la délibération de la Communauté, du 20 juillet 1630. L'Assemblée émet le voeu de traiter avec « Charles Conan, fermier de la Grande Maison de Bégard », en vue d'y installer « deux chambres d'école » (Archives municipales, B. B. 2, f° 93). Jusqu'en 1630, le « Collège de Guingamp » n'occupait donc pas l'immeuble ci-dessus, où Maîtres Bories, Lenepvou, Eveillon avaient-ils dès lors fait classe ? Rien ne permet de le savoir. Nous apprenons simplement, à la date du 17 février 1627 que la Communauté désireuse de trouver un local pour le nouveau maître d'école, Messire Pierre Le Bricquir chargeait « le sieur Maire Y. Chaillou, sieur de Kermouster, de passer traité avec Messire Jacques Le Corre sacriste », lequel acceptait de céder « partie de sa maison » à cet effet [Note : Le sacriste logeait proche le presbytère au sud de la Basilique]. Les négociations aboutirent-elles ? Il est permis d'en douter puisque quatre mois plus tard, le 16 juin, on en est réduit à promettre au pauvre maître d'école de lui « trouver une chambre aux meilleures conditions possibles » (Archives municipales, B. B. 2, f° 75) et que le 20 juillet 1630 on sollicite deux pièces près des moines de Bégard.

Cependant, ce n'est pas là que s'installera définitivement le « Collège » de Messire Pierre Le Bricquir : dès la seconde moitié du XVIIème siècle on le trouve fixé dans un immeuble situé au midi de la Basilique touchant la maison et jardin du « sacriste » (Archives municipales, B. B. 2, f° 92) lesquels n'étaient séparés du presbytère que par le logement du « Vallet d'Eglise » (Archives paroissiales : Cahier de délibération, concernant l'Eglise paroissiale de N.-D. de Bon-Secours de 1604 à 1784 (sans cote), 27 septembre 1738) et joignant de l'autre côté, à l'est, au « Cimetière de Notre-Dame » : le mur du jardin du Collège paraît même mitoyen (Ibid. : 27 août 1726 et ibid. : 2 juillet 1728). Il avait appartenu à Messire Jean Perrot, vicaire de la Trinité qui, par testament, en date du 28 août 1504 (Archives paroissiales : liasse (sans cote), actes de 1504, 1586, 1594, et archives des Côtes-d'Armor, E. 1179, liasse 3) avait fondé « la chapellenie de Saint Jullien », à charge pour le chapelain de célébrer deux messes par semaine « à basse voix chaque dimanche matin et chaque samedy matin sur l'autel St­Jullien » en l'église Notre-Dame, d'ailleurs « étant au pouvoir du gouverneur et administrateur de l'église Notre-Dame, du procureur et maire, des nobles bourgeois de pourvoir et assurer le Chapellain ». Et à cette chapellenie étaient affectés les revenus suivants « maison, étable, jardins et appartenances appelés la Petite Abbaie, dépendances en partie des biens et revenus de ladite chapellenie située en la ville close de Guingamp, joignant d'un coté sur la maison du Sacriste de Guingamp et d'autre sur le cimetière de Notre-Dame de Guingamp et d'autre sur le mur et cerne de ladite ville », le tout moyennant « 10 quartiers froment payables sur hypothèque de ses biens ».

C'est dans cet ensemble que les bourgeois installèrent le Collège, à la « Petite Abbaye » [Note : C'est tellement vrai que « la maison où se tient l'école » est exemptée par l'intendant de la taxe de 240 livres, « étant reconnue comme chappellenie » et que le principal, messire Boessy, le 10 avril 1711, paie, à La Roche-Derrien, la somme de 47 sols, 1 denier « pour les décimes et subvantions de la Chappelenie, la petite abaie de N.-D. de Guingamp » pour le terme de février. Archives des Côtes-d‘Armor, E. 1179. Vers 1631, Jacques Le Corre « malade, ayant été pourveu » par les Bourgeois de la Chappelenie, la légua à messire Pierre Le Bricquir « à présent maître d'école ». Ibid.], nullement dans la « Grande Maison de Bégar ». Ropartz qui signale cette « Petite Abbaye » (ROPARTZ : Etudes..., t. I, p. 35 et note 2) et l'attribuait assez volontiers aux moines de Coatmalouen, on ne voit pas pourquoi, a commis la confusion. Mais à quelle date eut lieu la fondation ? Certainement avant le début du XVIIIème siècle puisque, ainsi qu'on l'a vu, en 1728, cimetière et collège se touchent, mais pas avant 1630, puisque, le 20 juillet de la même année, on songe à louer aux moines de Bégard deux chambres « pour y tenir l'école », probablement vers 1632. A cette date (Archives Paroissiales 1632, sans cote) en effet, à la requête de Messire Pierre Le Bricquir, le maître d'école, la Communauté fait dresser procès-verbal « d'indigentes réparations » à la maison d'école.

A la vérité, il ne devait pas être luxueux le « Collège de Guingamp », à en juger par les plaintes réitérées des «  Principaux » et les fréquents constats de délabrement (Voir Archives municipales, B. B. 2, f° 229 — B. B. 3 — B. B. 11, aux dates ci-dessous fixées). Le 18 février 1665, Messire Yves Boessy obtient 120 livres « pour ayder aux urgentes réparations de la Petite Abbaye de la ville ». Le 4 mai 1714, on constate que le local « menace prompte ruine » et le maire, Louis Binet, sieur de la Villéon, reçoit mandat, le 16 août, d'y veiller « en bon père de famille ». Le 31 mai 1723 une commission composée des anciens maires, affecte 30 livres aux réparations. Deux ans après, en décembre 1725, Messire Pierre Le Guen doit refaire la porte de la cour : coût, 29 livres. Puis c'est le mur des jardins qui s'écroule « avec le dessus de la grande porte » : 30 livres de frais. Et la longère « menace ruine, et pareillement le cabinet au-dessus des degrés ». En 1734, nouvel avertissement de Messire Quorniart, « la longère qui est en surplomb du côté de la cour » constitue un grave danger pour les enfants : cette fois, on lui alloue 324 livres. En 1754 la dépense atteint 1.000 livres ce qui exige le visa spécial de l'intendant. Etait-ce suffisant ? On le souhaiterait, du moins pour le directeur. Le 20 septembre 1753, celui-ci faisait savoir qu'il « manque plusieurs différentes réparations au Collège, qu'il convient de faire afin d'éviter qu'il tombe entièrement en ruines et que le sieur Le Bail, nommé Principal du Collège y puisse demeurer sans danger ». Il faut croire pourtant que le logis du « Principal » ne devait pas être dénué de charmes puisque selon Ropartz, Yves Boessy qui avait démissionné en 1687 en faveur de Jean Poences, son neveu, refusait de quitter la « petite abbaie », lors de la nomination de Jean Boessy le 24 août 1691 et qu'il fallut l'expulser le 4 décembre « par ministère de justice ». Y aurait-il eu dès cette époque, à Guingamp, crise de logement ? (article publié avec l'aimable autorisation de la famille de l'abbé F. Dobet).

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