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CHARLES-DE-BLOIS ET DUGUESCLIN

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« Or commencerons-nous de ce pas d'entrer en endroit d'histoire comme plus fameuse, et qui est plus esclairée de temps et d'écrivains et mieux tesmoignée ; aussi est–ce bien l'endroit qui plus le méritoit. Car ce fut une mémorable guerre, aussi vertement et vaillamment conduite qu'on pourroit dire ».

C'est par ces paroles que Bertrand d'Argentré introduit son lecteur dans les merveilleux récits de cette lutte, digne d'une épopée, entre Blois et Montfort, dont il est l'historien le plus étendu et le plus complet.

Vous avez vu, par ailleurs, tout ce que Guingamp doit à la pieuse munificence du B. Charles ; il nous reste, pour compléter, en ce qui nous concerne, l'histoire de cette émouvante époque, à conter les nombreux épisodes de la guerre de succession dont Guingamp fut le théâtre, et qui commencèrent à donner à notre cité cette haute importance militaire qu'elle conserva aussi longtemps que la Bretagne elle–même garda son indépendance politique et sa nationalité. Il n'entre pas dans notre tâche d'exposer, même sommairement, les péripéties de ce duel de vingt-trois ans, où « les armes furent pareilles, les enseignes et bannières de mesme, les soldats de mesme nation, la mesure façon de guerre, les adventures presque semblables ; » où les deux champions , « en cent assaux et rencontres furent battus et battants, vaincus et vainqueurs ; » où , « eux prisonniers, les dames, leurs compaignes, prindrent les arres de la guerre, et la conduirent en telle façon que si leurs marys y eussent esté en personne ; » où, enfin, « les deux chefs eurent deux grands et puissants roys pour parrains ». Nous ne quitterons point Guingamp, et nous ne sortirons du château, qu'alors que les capitaines iront, avec leurs hommes d'armes et les bourgeois, assaillir quelque forteresse du voisinage.

Parmi les plus notables gens de guerre qui répondirent au premier appel de Montfort, et que lui gagnèrent les trésors de Limoges, on compta Regnault, capitaine de Guingamp. Il était dans Hennebont, lorsque l'arrivée des troupes anglaises força les partisans de Charles de Blois à lever le siége, et son fils commandait à sa place au château de Guingamp. En quittant Hennebont, Louis d'Espagne, l'un de ces illustres aventuriers que le roi de France avait envoyés soutenir la cause de Charles, commença à faire des courses dans le pays. Il prit en passant le château du Conquet, et vint mettre le siége devant Guingamp, laquelle ville, dit d'Argentré, « n'estoit encore close de fossez et de palissades. Il commença à faire ses approches. Il y avoit un capitaine dedans, appelé messire Regnaut le fils, lequel (comme homme de bien) délibéroit se deffendre et soustenir. Mais les habitants craignant d'estre prins par force et perdre la vie ou les biens, la voulurent rendre, et, parce que le capitaine n'y vouloit entendre, se mutinèrent contre luy, et le tuèrent en plein marché : alors leur fut aisé de la rendre en moins de cinq jours, après le siége mis. D'Espaigne trouva en icelle messire Pierre Porteboeuf et messire Gérard de Malain, deux capitaines bourguignons, lesquels de naguères le capitaine messire Regnaut avoit prins prisonniers, et d'Espaigne laissa capitaine de la ville le dict Porteboeuf ».

C'était l'an 1342.

De Guingamp, Louis d'Espagne alla prendre d'assaut Guérande, et ravager les environs de Quimper et de Quimperlé, qui tenaient pour Montfort. A cette nouvelle, les capitaines de la garnison de Hennebont, et parmi eux Regnaut le père, se jettent dans les vaisseaux anglais, tombent à l'improviste sur les troupes genoises et espagnoles, dispersées pour le pillage, et les taillent en pièces, après s'être emparés de leurs barques et leur avoir rendu la fuite impossible. Les paysans achevèrent les blessés à coups de bâton. Dom Louis, avec une poignée d'hommes, se sauva à grand peine dans un bateau de hasard. Les ennemis le poursuivirent jusqu'à Rennes, sans pouvoir l'atteindre.

En revenant de cette chasse acharnée, Regnaut et ses compagnons furent jetés par les vents contraires sur la côte opposée, où ils débarquèrent pour rentrer par terre à Hennebont. Ils s'avisèrent, en passant, d'assaillir un château que Froissart appelle La Rocheperio, et qui n'est autre que le célèbre château de La Roche-Derrien. Gérard de Malain, ce capitaine bourguignon que nous avons vu délivré à Guingamp par Louis d'Espagne, y commandait alors. L'assaut fut bravement soutenu, et deux chevaliers du parti de Montfort y furent blessés, et « contraincts se remettre au requoy, et se retirer en un pré, là près, le long des bayes, pour se faire traicter ». René de Malain, frère de Gérard, était capitaine du château du Faouët. Il accourut au secours de son frère, et trouvant d'aventure les deux chevaliers blessés, il les fit prisonniers et les amena au Faouët. A cette nouvelle, les assaillants abandonnent La Roche, et vont attaquer le Faouët, pour délivrer leurs compagnons ; Gérard de Malain profite de cette diversion pour courir en toute hâte près de son ami Portebœuf, le capitaine de Guingamp, et réclamer son secours. Portebœuf se mit en campagne avec une troupe de six mille hommes environ ; mais leur marche ne put être si secrète que les ennemis n'en fussent avertis par un espion, et n'eussent le temps d'échapper, en abandonnant leurs prisonniers. « C'est chose à plaindre, dit le patriotique d'Argentré, que tout le menu de test endroit d'histoire soit deu à messire Jean Froissart, et que nul des nostres n'en ait tant apprins ny rapporté que luy ».

A quelque temps de là, Charles de Blois assiégeait, pour la seconde fois, cette inexpugnable forteresse d'Hennebont, où la gloire de la comtesse de Montfort s'éleva à un degré qui ne put être égalé que par l'héroïsme de la comtesse de Penthièvre. « Quatre jours après le siége posé, y arriva messire Louys d'Espaigne, lequel, depuis son désastre receu à Kemperlé, s'estoit toujours tenu à Rennes, n'osant se mettre aux champs, pour ce qu'il avoit esté fort blessé ». En le voyant reparaître, les assiégés se prirent à le gouailler du haut de leurs remparts, en lui criant d'aller réveiller ses compagnons génois qui dormaient à Quimperlé. Ces railleries poussèrent jusqu'à la rage le dépit de Dom Louis, naturellement cruel et sanguinaire. Il alla vers Charles de Blois, et lui dit qu'il quitterait l'armée, si le prince ne jurait pas de lui accorder tout ce qu'il demanderait. Charles engagea sa parole. La faveur que demanda l'Espagnol, ce n'était rien moins que la tête des deux prisonniers du Faouët. Charles fut saisi d'horreur ; mais ses observations et ses reproches n'y purent rien, et, lié par son serment, il n'eut pas d'autre moyen de sauver les prisonniers, que de les faire enlever par les assiégés. Pendant qu'une partie des troupes de la comtesse faisait une vigoureuse sortie, une autre bande, secrètement prévenue, pénétrait sans obstacle jusqu'à la tente même du prince, et délivrait les chevaliers captifs. Mais deux autres capitaines furent pris dans cette escarmouche : c'étaient le sire de Landerneau et le brave Regnaut, le père, ancien capitaine de Guingamp. « D'Espaigne se voyant frustré de son intention, passionnoit ». Mais ce fut vainement qu'il réclama les deux capitaines pour compenser les deux prisonniers du Faouët ; Charles, qui n'était plus tenu par un serment imprudent, refusa avec une fermeté digne de sa position et de son caractère. Les capitaines, pénétrés de reconnaissance, se donnèrent au prince et embrassèrent son parti.

En l'an 1343, Edouard III, roi d'Angleterre, se résolut à venir en personne en Bretagne pour venger la mort de Robert d'Artois, son favori et son conseiller. « Je jure, disait-il, de tourner si mal ce pays félon, que, dans quarante ans, ne sera pas recouvré ! ». Il débarqua à Brest, « avec un grand amas d'hommes et de vaisseaux ». Son armée, divisée en trois bandes, assiégea à la fois Vannes, Rennes et Nantes, et lui–même, « retenant neuf cents hommes d'armes et quatre mille archers, s'en alla destruisant et fourrageant le pays jusques à Guingamp. Messire Pierre Porteboeuf estoit capitaine dedans. Le roy d'Angleterre fist donner quelques assaux à la ville, qui n'estoit fermée que de palis par devers la rivière du Trieu, qui est petite, passant le long de la ville : et fist charger en ceste rivière des nasselles plaines d'hommes qui tiroient à couvert, tandis que les autres rompoient les paillis de la closture, par quoy il y eut bientost brèche, et entrèrent les Anglois dedans. Les habitans soudain s'enfuirent et retirèrent en la place publique qui est au milieu de la ville, pour aider à s'allier et mettre en deffence. Mais ce fut pour néant : car ceux qui entrèrent, allèrent incontinent aux portes, s'en saisirent et les ouvrirent, et fut la ville occupée de toutes parts : ainsi fut-elle prinse, pillée et les biens des habitans ravaigéz, y ayant les Anglois trouvé un grand butin, car elle estoit riche et les marchans tous trafiquans sur mer. Messire Pierre Porteboeuf y fut prins prisonnier. Ceste ville sembla de peu de conséquence, par quoy le roy d'Angleterre ne fut d'advis de la tenir ; car il n'y avoit nulle seureté, ny fort dedans : par quoy de ce pas il retourna à Vannes, où le siége avoit toujours continué depuis son partement ».

Les Guingampais, sous la double incitation de leur haine contre les Anglais et de leur fidélité reconnaissante pour la maison de Penthièvre, se hâtèrent de réparer leur désastre. A la fin de l'an 1345, après la mort du comte de Montfort, le comte de Northampton, chef des Anglais en Bretagne, « vint assaillir la ville de Guingamp, qu'il ne peut prendre, parce qu'elle fut bien vertueusement deffendüe, ayant bruslé seulement les faux bourgs ».

Northampton fut plus heureux à La Roche–Derien (Roche-Derrien), dont il s'empara et où il laissa une forte garnison proportionnée à l'importance de cette place. « Entrant l'an mil trois cens quarante six, messire Richard Toussaincts, l'un des chefs de la garnison de La Roche–Derien, ayant plusieurs fois essayé de prendre la ville de Lannyon qui tenoit pour Charles de Bloys, finalement gaigna deux soldats de la garnison de ceste place, lesquels, un dimanche matin estans de la garde de la porte, le firent entrer et ses gens, qui se saisirent de la ville, la prinrent et pillèrent les marchans d'icelle, qui estoient riches, et en tuèrent ce qu'ils voulurent. Quand les habitans des villes et garnisons d'entour Lannyon sçeurent que la meilleure partie de la garnison de La Roche-Derien estoit partie pour aller à Lannyon, ceux qui tenoient dedans Guingamp, firent une entreprinse d'aller surprendre La Roche-Derien, s'armèrent et équippèrent une bonne troupe, soubs la conduite de messire Geoffroy Tournemine, qui commandoit à Guingamp, marchèrent devers La Roche, esperans la trouver despourveue et la surprendre. Mais ceux de dedans qui en furent advertis, le mandèrent soudainement à leurs compagnons de Lannyon, lesquels bien prestement se mirent en chemin au retour : et, pour ne trouver ceux de Guingamp en chemin, passant la rivière de Jaudy, par le gué au Provost, se mirent entre l'ennemy et la garnison. Et mandèrent ceux qui estoient dedans, lesquels assemblés chargèrent Tournemine et ses gens : et y eut entr'eux un furieux combat, où beaucoup furent tuez d'une et autre part. Finalement Tournemine et les siens furent contraincts de se retirer sans y avoir beaucoup gaigné, estant les plus endommagez, et rentrèrent les Anglois en leur garnison avec tout leur butin, d'où ils opprimèrent et pillèrent le peuple delà en avant plus asprement, pour la vengeance de la révolte de ceux du pays, pour ce qu'ils les avaient descouverts et adverty ceux de Guingamp ».

Charles de Blois lui-même entreprit de chasser les Anglais de La Roche-Derien, dont ils avaient fait leur repaire et le centre de leurs opérations dans tout le pays de Tréguier. La bataille se donna le 18 juin 347. Charles fut vaincu, couvert de blessures, fait prisonnier, et, bientôt après, conduit à Londres. Sa sainteté éclata, durant sa captivité, et le montra plus noble dans les revers que dans les triomphes.

Alors commença la gloire de Jeanne de Penthièvre, digne rivale de l'héroïque veuve de Montfort. Toute capable qu'elle se montrât de soutenir seule son parti, elle ne cessa de s'occuper de la délivrance de son mari. Des négociations furent nouées avec la cour d'Angleterre ; l'on songea même à des alliances de famille. La comtesse réunit à Dinan, pour délibérer sur ce grave sujet, une sorte de conseil suprême, composé des prélats, des barons et des députés des villes de son parti, Rennes, Nantes, Dinan, Quimper, Morlaix, Guingamp, Lamballe, La Roche-Derien, Moncontour, Jugon et Châtelaudren. Ce fut à la suite de cette assemblée, que six ambassadeurs, pris dans les trois ordres et munis des pleins pouvoirs de la duchesse, des prélats, des nobles et des bourgeois, stipulant au nom du pays, furent envoyés vers le roi d'Angleterre pour traiter de la rançon du noble captif. Le procès-verbal de cette réunion, j'allais dire de ces Etats de Dinan, en date du 9 novembre 1652, a été publié par Dom Morice.

Le nom de Guingamp ne se trouve plus mêlé aux événements, pendant un intervalle de onze années. Nous le retrouvons, en 1363, uni au nom le plus glorieux de Bretagne, à celui de Bertrand Duguesclin. La poésie populaire, écho fidèle de la tradition locale, vient ici compléter le récit des historiens : deux ballades, recueillies par M. de La Villemarqué, ont célébré la bravoure des Guingampais, sous la conduite de Duguesclin. Voici l'aventure, telle que la racontent d'Argentré et D. Morice :

Le traité des landes d'Evran était rompu sans retour les otages furent rendus de part et d'autre, sauf Bertrand Duguesclin, que Montfort redoutait trop pour lui donner la liberté. Bertrand ne se crut pas obligé de se soumettre au caprice du comte, « n'estant, disait-il lui-même, prisonnier de guerre, ny obligé de serment ; » il trompa la vigilance de Guillaume Felton, son gardien ; des chevaux l'attendaient, et il ne s'arrêta qu'à Guingamp, « où il fut le très-bien venu ». Les bourgeois après lui avoir fait grande fête, implorèrent son secours, et le supplièrent de délivrer leur pays d'un capitaine anglais, espèce de bandit qui faisait métier de ravager les campagnes, de détrousser les passants, et de massacrer tout ce qui lui tombait sous la main. Ce capitaine avait nom Roger David. C'était un de ces routiers qu'Edouard avait enrichis en les mariant aux plus nobles héritières de Bretagne : David avait épousé pour sa part la veuve du vicomte de Rohan. Il s'était fortifié dans les châteaux de Pestivien et de Trogof ; il en sortait, comme un oiseau de proie de son aire, pour faire des courses dans les environs, et la terreur qu'avaient inspirée ses cruautés et ses brigandages était telle, que les Guingampais n'osaient sortir hors des portes de leur ville.

Bertrand n'acquiesça pas à la requête des Guingampais ; il leur dit que de telles expéditions demandaient du temps, et qu'il avait hâte de rejoindre le Régent : et il se disposa à partir.

Mais les bourgeois ne l'entendaient point ainsi : ils firent lever les ponts et enfermèrent le héros dans la ville. Le capitaine se fâcha fort et se mit d'abord en grande colère ; les habitants lui offrirent argent, honneurs, armes, munitions, et le conjurèrent avec larmes, en embrassant ses genoux, de se mettre à leur tête et de les mener à l'attaque de ces repaires de bandits.

Les soixante mille livres qu'offrait la ville pour prix de l'expédition, tentèrent peu Duguesclin ; mais, raconte D. Morice, « comme il avoit le coeur bien placé, il ne put se défendre d'entrer dans la peine de ces pauvres habitans et consentit à demeurer dans le pays, jusqu'à ce que les deux châteaux fussent détruits. Il fut conduit à son auberge par une multitude de peuple qui crioit : Vive Bertrand, Dieu bénisse Guesclin ! ».

On se mit en campagne dès le lendemain : six mille hommes de toute condition, capables de tout sous un tel chef, suivaient l'immortel capitaine. Du reste, à cette époque, tout le monde en Bretagne était, bon gré, mal gré, habitué au métier de la guerre. Le château de Pestivien se vit tout-à-coup entouré de cette multitude. On somma le châtelain de se rendre ; il répondit en se disposant à une vigoureuse défense. Bertrand alors commença le siége. Il fit couper dans la forêt de Maël, au milieu de laquelle s'élevait la forteresse, une grande quantité de merrains, dont il combla les douves et les fossés, de telle sorte qu'on pût approcher jusqu'au pied des murailles et les saper au raz de terre. A cheval, au milieu des assiégeants, il les excitait, et indiquait les endroits par lesquels il fallait monter à l’assaut. Enfin, on put approcher de la porte principale et y mettre le feu. Alors, les rôles se partagent : les uns leurs targes sur la tête, combattent à la porte enflammée ; les autres dressent des échelles contre les remparts. Les assiégés renversent les échelles et font rouler des pierres énormes sur les assaillants ; mais un soldat, plus heureux ou plus brave, trouve moyen d'atteindre le haut de la muraille et d'y planter l'enseigne de Duguesclin. Quand les Guingampais aperçurent l'aigle noir aux grandes ailes déployées, « ils se ruèrent en grande fureur en cest endroist, entrèrent et commencèrent à lever les barbacannes, pour faire entrée au reste des soldats ». Tout-à-coup, survient le capitaine anglais. En voyant sa forteresse envahie, il se précipite dans la mêlée comme un furieux et renverse tout ce qu'il peut atteindre ; « car il estait fort vaillant homme ». Une charrette se trouve sous sa main ; il la jette lui-même au travers de la porte, et, derrière cette barricade, il soutient presque seul le choc de l'ennemi. Ses armes se brisent ; on lui en apporte d'autres « dont il fist incroyable devoir d'homme de valeur ». « Capitaine, crie une voix, rendez-vous. Vostre place est prise ; c'est à meshuy pour néant que vous faites efforts. Si vous vous faistes prendre à force, vous sçavez que vous estes fort mal voulu de nos gens, vous serez tué à crédit ». Où est messire Bertrand ? répond l’Anglais. Duguesclin arriva, et le capitaine se rendit à lui. Bertrand eut toutes les peines du monde à l'arracher aux fureurs de la multitude, enivrée de gloire et de vengeance, et qui voulait mettre en pièces un homme dont elle avait eu tant à souffrir.

Ce fut ensuite le tour du château de Trogof. Il était tenu par un lieutenant de Roger David, que d'Argentré nomme Thomelin, et qui se rendit après un premier assaut, de sorte que la garnison put se retirer les bagues sauves.

« Ainsy furent les habitants de Guingamp délivrez d'une grande espine ».

Bertrand se déroba bientôt à leur reconnaissance : la gloire l'appelait en Normandie, et l'amour près de la belle Tiphaine Raguenel, qu'il épousa dans ce temps–là.

Cependant, le terme fatal de la lutte approchait pour l'infortuné Charles de Blois. C'était, au commencement de l'automne, en 1364. Charles vint à Guingamp pour rassembler les troupes du Penthièvre, et c'est de Guingamp qu'il partit pour aller à la mort.

C'est peut-être à ce dernier voyage qu'il faut rapporter le trait de foi vive dont Geffroy de Dinan témoigna dans le procès de canonisation du bienheureux duc. Il est vrai néanmoins, que Charles vint plusieurs fois à Guingamp durant la guerre, et notamment, en 1351, à sa sortie des prisons d'Angleterre, lorsqu'il fit, tête et pieds nus, un pèlerinage au tombeau de saint Yves. Il revint de Tréguier à « Guenkamp et repara, dit Albert-le-Grand, les églises de Sainct-Michel et Sainct-Léonard et fonda l'hospital de Notre-Dame, et fit de grands présents aux églises, » comme nous avons dit ailleurs. Quoi qu'il en soit, voici la déposition du chevalier Geffroy de Dinan : « Un jour que Monseigneur Charles entendait la messe dans l'église de Notre-Dame de Guingamp, on vint lui dire qu'il eût à quitter tout pour aller mettre ordre à son château de Guingamp, parce que les ennemis étaient tout proche et pourraient bien s'en emparer. — Quelque chose qui doive m'arriver, je ne quitterai point le saint sacrifice, répondit le duc ».

C'est ainsi qu'il se préparait au suprême sacrifice de son trône et de sa vie.

Quelques semaines après, les restes vénérés du pieux prince étaient déposés à l'église des Cordeliers de Guingamp, et, tandis que Monfort ceignait la couronne ducale, le peuple, devançant les jugements de l'Eglise, décernait à Charles une couronne impérissable de respect et d'amour (S. Ropartz).

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