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GUINGAMP ET SA BANLIEUE

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Rendez-vous pris sur la place du Château, les membres du Congrès ont d'abord constaté la forme carrée de cette ancienne forteresse, reconstruite de 1442 à 1454 par Pierre, comte de Guingamp, puis duc de Bretagne, et ont reconnu sur ses parements en pierres de grand appareil, des marques de tâcherons que le temps a respectées. Flanqué de quatre grosses tours, dont l'une ne subsiste plus et dont les trois autres ont été arasées jusqu'au-dessous des mâchicoulis, après la révolte, en 1626, de César, duc de Vendôme et de Penthièvre, le château de Guingamp se reliait au sud à une longue courtine encore intacte, s'étendant le long de la rue du Tro-Trieux, où s'ouvrait la poterne de Toulquélénic, jusqu'à la rivière, sur les bords de laquelle s'élève le faubourg de Sainte-Croix.

Ce faubourg a emprunté son nom à une abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin, fondée en 1130 par Etienne, comte de Penthièvre, et par Havoise de Guingamp, sa compagne.

On entre dans l'enclos du couvent, aujourd'hui converti en ferme, par un portail sur lequel, au milieu d'écussons martelés et brisés, on lit l'inscription suivante, laissée là en quelque sorte comme par dérision :

Sauve-garde du Boy et de Monsieur l'abbé [Note : Pierre Cornulier, abbé commendataire de Sainte-Croix, en 1592, évêque de Tréguier en 1617, transféré à Rennes en 1620, mort en 1839] pour le bourg, paroisse et abbaye de Sainte-Croix et ce qui en dépend. Donné Chastiilon, le septième jour de may, l'an de grâce 1636.

La chapelle du monastère, en partie du XIIème siècle, presente la forme d'une croix formée par une nef sans bas-côtés, avec transept et abside. Les quatre arcades du carré central sont en ogive primitive, c'est-à-dire fermées légèrement en fer à cheval, à leur retombée sur les chapiteaux. La plupart de ceux-ci, d'une grande simplicité, ont leur corbeille composée de larges feuilles, les unes aiguës, les autres recourbées en volutes, ou bien s'épanouissant en feuillages légers, sous les angles du tailloir. Une autre feuille, pointue ou arrondie, au milieu du chapiteau, s'échappe de dessous celles qui enveloppent les angles. Les murs extérieurs sont modernes ; le tout s'écroule et ne sera bientôt plus qu'une ruine informe. Les habitants du faubourg Sainte-Croix avaient désiré rendre au culte ce curieux édifice ; mais le propriétaire n'y ayant pas consenti, ils ont bâti à leurs frais sur un terrain voisin une jolie chapelle dans le style gothique, sous un autre vocable, celui de saint Joseph.

Le manoir abbatial, commencé par Bertrand Fleuriot et terminé par Pierre de Kernévénoy, abbés de Sainte-Croix de 1477 à 1529, est assez remarquable par sa tour hexagone à couronnement circulaire, surmonté d'un toit conique ; à cette tour est adossée une tourelle à cul-de-lampe. Les fenêtres en accolade et à croisées de pierre sont, ornées de moulures dans le goût du temps et les armes (un chevron accompagné de trois quintefeuilles) de l'abbé Bertrand Fleuriot, puîné des seigneurs de Carnabat, en Plouizy, se distinguent sur une pierre cornière du pignon, au côté gauche de la façade sud. Parmi les autres abbés qui ont gouverné cette maison et dont les familles ont encore des représentants en Bretagne, on trouve Prigent Bahezre, puîné des seigneurs de Lanlay, en Plésidy, élu en 1418 et que vivait encore en 1436 ; Charles du Plessis-d'Argentré, nommé en 1699, mort évêque de Tulle en 1740, et René-Joseph Gouyon de Launay-Comats, aumônier de la reine Marie Leczinska, nommé en 1741, mort en 1762. Son successeur, M. Freslon de la Freslonnière, ancien vicaire général de Rennes, fut dépouillé, en 1790, de son bénéfice, dont le revenu annuel était de 4,000 livres.

Du faubourg Sainte-Croix, le Congrès s'est, dirigé vers le château des Salles, situé au haut du faubourg Saint-Michel. Cette belle demeure, entourée d'un parc ombragé d'arbres séculaires, après avoir été successivement possédée par les maisons de Kergorlay et de la Palue, fut apportée en mariage, vers 1535, par Françoise de la Palue, dame des Salles, à Troïlus de Montdragon, colonel de 4,000 hommes de pied, fils de Don Antonio de Montdragon, l'un des capitaines espagnols envoyés en 1488, par Ferdinand et Isabelle, au secours d'Anne de Bretagne. Troïlus rebâtit le château des Salles, qui a conservé, dans la partie de droite en entrant, quelques parties de cette époque. Il mourut au château de la Palue, près de Landerneau, fut inhumé dans l'église de Beuzit-Conogan, où se voit toujours son tombeau, et laissa de son mariage une fille unique, Jeanne de Montdragon, première femme de François de Montmorency, seigneur de Bouteville. Autre François de Montmorency-Bouteville, petit-fils des précédents, célèbre dans les annales du duel et père du maréchal de Luxembourg, eut une fin tragique, ayant été décapité en place de Grève, le 22 juin 1627, pour s'être battu sur la Place royale à Paris avec Guy d'Harcourt, frère du marquis de Beuvron (P. Anselme, Hist. généalog. des Pairs de France, t. III, p. 588). Bouteville avait pris pour second, François de Rosmadec, comte des Chapelles, fils de Françoise de Montmorency, sa cousine germaine, et Harcourt était assisté d'Henri de Clermont-d'Amboise, baron de Bussy, tué sur place par des Chapelles. Ce dernier fut exécuté en même temps que Bouteville, malgré les sollicitations et le crédit de leurs familles, pour avoir contrevenu aux ordonnances rendues par Richelieu contre le duel. Harcourt échappa donc seul aux suites de cette rencontre, en se réfugiant en Italie, mais il trouva la mort dans une sortie au siège de Casale, le 3 novembre 1628 (P. Anselme, Hist. généalog. des Pairs de France, t. V, p. 150).

Le château des Salles acquis des Montmorency par Guillaume le Carme, maire de Guingamp en 1583, et transmis successivement par alliance aux Cresolles, aux de Cleuz du Gage, et, en 1785, au marquis de Kerouartz, est habité vers 1875 par son petit-fils qui nous a montré une curieuse collection de vieux meubles, en chêne et en if, rassemblés avec autant de persévérance que de goût, tels que bahuts, dressoirs, huches ou maies à pâte, coffres, crédences, cabinets, armoires, tables, bancs, etc., de formes aussi variées que les sculptures qui les décorent. Ce que nous avons trouvé de plus caractéristique dans cette collection, présentant dans son ensemble l'histoire du mobilier bas-breton aux XVIème et XVIIème siècles, sont deux bancs à dossiers surmontés de petits buffets s'avançant en encorbellement, comme les dais qui couronnent les anciennes stalles d'église. Chaque buffet a sa porte sculptée et garnie de pentures et de serrures du XVIème siècle, découpées à jour et doublées de drap rouge. On remarque sur l'une des portes la création de la femme, sortant de la côte d'Adam, composition des plus naïves, puisque le chien du premier homme assiste, avec le père éternel, à la naissance de notre mère commune. Nous signalerons encore parmi les pièces les plus intéressantes, les deux vanteaux d'une crédence trouvée à Quimper-Guézennec, où l'on voit deux femmes à demi-nues, tenant une lyre, un coeur enflammé et une torche. Un coffre, provenant de Hengoat, avec cariatides aux angles, a sur l'un de ses panneaux une femme couchée ayant sur les genoux une corbeille de fruits et devant elle un singe enchaîné mangeant une pomme ; l'autre panneau présente un enfant tenant une serpe et une gerbe de blé.

De vastes armoires dites press, destinées dans les métairies à ramasser le fil et en usage dans les environs de Landiviziau, où le commerce des toiles était général, ont leurs façades ornementées de personnages tenant à la main des paquets de fil et des instruments de pesage.

D'autres sujets religieux, profanes, mythologiques, qu'il serait trop long d'énumérer, sont figurés sur des devants de coffres et de crédences. On y voit entre autres : le Jugement de Salomon, l'Annonciation, le Couronnement de la Vierge, provenant de l'abbaye de Sainte-Croix ; saint Jean prêchant dans le désert ; saint Yves ; saint François, recevant les stigmates ; des hommes d'armes brandissant leurs piques ou halle-bardes, des hommes velus armés de lourdes massues, des femmes dans diverses attitudes ; l'une assise, tenant un oiseau sur le poing, pose les pieds sur une tortue ; une autre, un miroir à la main et un aigle éploye aux pieds ; une troisième, pendue par les cheveux à une potence ; le char d'Amphitrite roulant sur les flots el le char du Soleil conduit par Phaéton. Tous ces meubles ne sont pas complets ; il y a même lieu d'être surpris de ne pas rencontrer parmi eux quelque spécimen de lits ; soit lits de parade, en usage dans les châteaux, à cariatides ou à colonnes torses supportant un dais, d'où pendent des rideaux, découpés en lambrequins ; soit lits clos, à coulisses sculptées, dont la mode n'a pas changé chez nos cultivateurs. Si l'on retranche les sujets mythologiques, plus finis d'exécution et qui n'ont pas dû être commandés par des paysans illettrés, la plupart des objets recueillis par M. de Kerouartz faisaient partie de mobiliers de fermes. On n'y voit, en effet, aucuns écussons d'armoiries si fréquemment peintes, sculptées, émaillées ou gravées, sur les monuments, les meubles, les ustensiles, les objets d'art de tout genre, fabriqués dans les siècles antérieurs, tant pour des gentilshommes que pour de notables bourgeois. Par exception, les bords d'un grand plat d'étain sont incrustés d'un écusson d'alliance (mi-parti au 1 : un huchet accompagné de trois molettes ; au 2 : deux haches d'armes adossées en pal et surmontées d'un croissant). Ces simples données héraldiques permettent d'affirmer, même en l'absence des émaux qui ne sont point indiqués par la gravure, que le premier possesseur de cet ustensile de ménage était un membre de la famille Jourdain de Couëdor, domicilié au XVIIème siècle aux environs de Quimperlé, et qui avait épousé une demoiselle Mahé, de la branche de Keryven, près de Concarneau [Note : Conférez le Nobiliaire et le Dictionnaire héraldique de Bretagne, articles JOURDAN et MAHÉ].

Un objet d'un plus noble usage, est une longue épée du XVIème siècle, que les petits crevés de nos jours seraient impuissants à manier. Elle a été trouvée dans l'étang de Jugon, sur les bords duquel les Ligueurs bretons de l'armée du duc de Mercœur furent refoulés après une chaude affaire par les royaux du prince de Dombes, à la fin de l'année 1591. Elle a donc vraisemblablement appartenu à l'un des cornbattants. N'oublions pas de mentionner dans les armes défensives deux armures de chevaliers, de provenance inconnue, l'une en mailles, pouvant remonter au XIIIème siècle ; l'autre en fer plein, datant seulement du XVème siècle, mais complétée par toutes les pièces accessoires de la cuirasse, c'est-à-dire par le heaume ou casque à visière, les brassards, les cuissards, les genouillères et les grèves ou jambières.

Un objet d'art plus remarquable par la finesse de ses délicates sculptures est un bâton de commandement en ivoire, datant de la première moitié du XVIIème siècle et sur lequel sont gravées les armes de France et de Navarre. Il a nécessairement appartenu à quelque haut dignitaire de la couronne, chambellan, écuyer, échanson, pannetier, maître d'hôtel du Roi, gentilhomme de la chambre, huissier des ordres du Roi ou maître des cérémonies ; mais rien n'indique la nature des fonctions exercées à la cour par l'officier qui portait ce bâton.

Parmi les tableaux, nous devons mentionner en première ligne le grand portrait en pied du duc de Penthièvre, offert par ce prince au marquis du Gage, en souvenir l'hospitalité qu'il en avait reçue aux Salles, à son passage à Guingamp en 1762.

Les autres toiles sont des portraits de famille, dont les principaux sont :

Les portraits de René de Kergorlay, seigneur du Cludon, et de Louise de Guengat, mariés en 1636, père et mère de Claudine de Kergorlay, dame du Cludon, terre qu'elle apporta en mariage, vers 1669, à Julien de Cleuz, marquis du Gage ;

Les portraits de la comtesse du Parc de Lézerdaut et de la marquise de Castellane, petites-filles des précédents ;

Un portrait au pastel de Joseph-Aymar, comte de Roquefeuil, seigneur de Kerlouët, vice-amiral de France, mort en 1782, père : 1° de la dernière marquise du Gage, bisaïeule du marquis de Kerouartz actuel ; 2° de Louise-Marie-Thérése- Adélaïde de Roquefeuil, première femme, en 1775, de Charles-Dymas-Pierre de Brilhac, comte du Grévy, officier au régiment du roi, dont le portrait est également conservé aux Salles ; enfin, celui de Mgr de Quélen, archevêque de Paris, œuvre de Paulin Guérin.

Les heures s'écoulaient dans ce musée ; chacun aurait desire y prolonger sa visite, et ce n'est qu'à regret que les membres du Congrès, après avoir, par l'organe de leur honorable président, M. de Kerdrel, vivement remercié le propriétaire de son inépuisable complaisance, ont pris la route de Grâces, où des curiosités d'un autre genre devaient encore fixer leur attention.

La chapelle de Grâces, à trois kilomètres à l'ouest de Guingamp, avait pour fondateur le R. P. Pierre Bilzic, religieux profès du couvent de Saint-François, à Guingamp. L'édifice fut commencé en 1506, ainsi qu'il résulte de l'inscription suivante, gravée sur un pilier à gauche du portail, extérieurement : Le douzième jour de mars, l'an de grâce mil cinq cent et seiz, fut la première pierre de cette chapelle assise.

La tour carrée porte une élégante flèche en pierre avec clochetons ; l'église n'a qu'un bas-côté au sud, divisé en cinq travées, avec pignons percés de fenêtres à meneaux flamboyants.

Cette façade est riche en détails de sculptures ; les portes sont surmontées des armes pleines de Bretagne, timbrées d'un heaume à volets et d'un lion en cimier. L'intérieur se recommande par des sablières admirablement travaillées, représentant une chasse au cerf, une chasse au lièvre, des scènes de vendanges, des dragons, un lion combattant une licorne, des sujets un peu lestes, un diable entraînant après lui une charrette de moines et autres débauches de l'imagination du sculpteur, dans lesquelles on a cherché â reconnaître, bien à tort à notre avis, un poëme stigmatisant les principaux vices, sous la figure de moines paresseux, lubriques, avares et gourmands. La date de l'achèvement de l'édifice (1508) est indiquée par une inscription en caractères, gothiques, qu'avec le concours réuni de tous les assistants, nous sommes parvenus, nonf sans peine, à déchiffrer sur l'une des sablières du côté sud. Nous la reproduisons avec ses abréviations : Le cinquièse jôr de Jaffvier lâ mil Vc et VIII fut le boies de ceste chapele assis, ou qêl têps estoit Me Jehan le Drvêc rectr de la proisse de Ploesy et gôvêurs de la dite chapelle. Jehâ et aulté Jeh. Bellec.

Un nouvel autel en pierre blanche, du style général de la chapelle, remplace depuis peu de temps un affreux autel à la romaine avec son rétable en bois, qui masquait la brillante fenêtre du chevet ; mais aux écus en bannière de François de Montmorency et de Jeanne de Montdragon, seigneur et dame de Bouteville et des Salles, qui ornaient le tympan de cette fenêtre, on a substitué de méchantes étoiles en verre, des couleurs les plus disparates. Les armes en bannière des seigneurs de Locmaria en Ploumagoër, du nom du Parc, en alliance avec celles de Coëtgoureden que nous avons vues plus tôt dans d'autres fenêtres, ne se retrouvent aujourd'hui que parmi les dalles de la chapelle, sur l'une desquelles on lit en outre : Icy gist Jeanne Connan, veuve de Yves le Grand, qui décéda le 9 de mars 1620.

Le couvent des Cordeliers de Guingamp, qui renfermait les restes de Charles de Blois, ayant été ruiné au siège de 1591 par les boulets de l'armée du prince de Dombes, les religieux bâtirent un nouveau monastère près du manoir de Keribot et de la chapelle de Grâces, dans laquelle ils déposèrent, en 1605, les reliques de leur bienfaiteur. Ces vénérables dépouilles et l'épitaphe ossa Beati Caroli Blesensis qui les désigne, sont aujourd'hui conservées dans une boite pseudo-gothique dans laquelle on a fait enter une lame de cuivre avec inscription emphatique, provenant d'un reliquaire antérieur donné en 1753, par le duc de Châtillon. Il nous a paru que les titres et attributs de ce duc, ainsi que ceux de l'évêque actuel de Saint-Brieuc, occupaient une place trop marquée sur ce petit monument et rejetaient au second plan le sujet principal à la mémoire duquel il est consacré. Nous regrettons aussi qu'on ait relégué dans la sacristie et remplacé par des figures en carton-pâte qui ne les valent pas, deux statues en bois, de 1m,50 de hauteur, exécutées au XVIIème siècle et représentant la Vierge et saint Joseph.

Un chemin aussi cahoteux que raviné a ramené le Congrès à l'entrée de la ville et à l’emplacement de la porte Saint-Michel, et les excursionnistes, après avoir repassé le Trieux, ont continué à contourner les murailles de la vieille enceinte en remontant de l'ouest au nord vers l’emplacement de la porte de Tréguier, à la suite de laquelle s'ouvrait au nord-est la porte de la Fontaine ou de Montbareil. Puis les remparts encore visibles dans cette partie, achevant de décrire leur courbe à l'est, le long des Cantons, rencontrent l'emplacement de la porte de Rennes et viennent, aboutir au château, devant la promenade du Valy. La ville close laissait donc en dehors de ses murs le couvent des Ursulines, fondé en 1654 et dont l'élégante chapelle sert aujourd'hui de grenier à fourrages, le couvent de Montbareil qui date de 1676 et l’Hôtel-Dieu, fondé par Charles de Blois et dont la chapelle avec sa façade italienne fut reconstruite en 1699. On doit encore à Charles de Blois la chapelle si pittoresquement assise sur un coteau au nord, d'où la vue plonge sur la ville et sur la vallée du Trieux. Ce prince la fit ériger en 1356, à sa sortie des prisons d'Angleterre, en l'honneur de saint Léonard, patron des prisonniers. Il ne reste de l'édifice primitif que les quatre piliers qui supportent le clocheton.

Au mois de mai de chaque année, les fiévreux vont à Saint-Léonard chercher, dans le creux des murs de la chapelle ou du calvaire, des colimaçons qu'ils écrasent et renferment dans un sachet pendu à leur cou, et retournent dès que la fièvre les a quittés enterrer leur sachet au pied des mères murs. Celui qui, après être guéri, manquerait à enfouir son sachet serait infailliblement repris par les lièvres. Les eaux qui alimentent la fontaine en plomb de la place de la Pompe, au centre de la ville, sont conduites du coteau de Montbareit par un aqueduc construit en 1743, ainsi que la fontaine elle-même, dont les ornements, mélange de sacré et de profane, n'ont fait que reproduire une ancienne fontaine de la Renaissance, érigée en 1588. Ce gracieux monument se compose de trois vasques décroissantes vers le sommet ; des chevaux-marins supportent la seconde vasque, et la Vierge, les bras ouverts, surmonte la troisième. A côté des têtes d'anges et do dauphins qui lancent de l'eau par la bouche, des sirènes en jettent par leurs mamelles gonflées, qu'elles pressent de leurs mains.

La place de la Pompe est entourée de jolies habitations ; la maison la plus pittoresque, avec sa tourelle en nid d'hirondelle, fait l'angle du passage conduisant à la façade ouest de Notre-Dame.

« Quoique privé aux deux tiers de sa vieille couronne murale, a dit M. de la Borderie, Guingamp n'en demeure pas moins une des villes les plus intéressantes de la Bretagne. En elle, on salue la reine ou tout au moins la suzeraine de cette longue vallée, si fraîche, si verte et si plantureuse, que fécondent les eaux limpides du Trieux. C'est dans ces eaux que Guingamp mire les débris encore puissants de son château et de ses gothiques remparts, au-dessus desquels se dressent fièrement les trois tours de son église, annonçant à tout Breton, à tout chrétien, le sanctuaire vénéré de Notre-Dame-de-Bon-Secours, l'un des plus fameux pèlerinages de toute ta Bretagne ».

Vous ne m'avez pas chargé, Messieurs, de décrire le pardon de Guingamp ; d'ailleurs, que pourrais-je ajouter à ce qu'en a dit le savant historiographe de votre ville ? Etudions donc seulement l'église de Notre-Dame.

Son plan est un carré long de soixante mètres, divisé en cinq nefs, terminé à l'ouest par deux tours carrées, échancré au nord-ouest par la célèbre chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours, et couronné à l'est, dans la largeur de trois nefs seulement, par le chœur, dont l'abside se dessine en pentagone.

Le carré central, entre la nef principale et le chœur, supporte sur quatre piliers énormes, encadrés dans des constructions plus récentes, une flèche octogone en pierre, de soixante mètres d'élévation, munie de trois clochetons. Cette tour centrale, moins sa flèche, la tour septentrionale et la chapelle de Bon-Secours, ou portail, ouvrant sur la rue, sont les parties les plus anciennes de l'édifice, et leur style accuse le XIIIème siècle. Ce portail est le sanctuaire privilégié de la statue de Notre-Dame du Halgoët, devant laquelle fidèles et pèlerins viennent s'agenouiller et accomplir leurs vœux.

Tout le côté nord de la nef, avec son triforium en quatre feuilles, semble dater du XIVème siècle, et rappelle le chœur de Notre-Dame de Lamballe et celui de la cathédrale de Saint-Brieuc. Il existe des titres positifs établissant l’âge des autres parties du monument. Ainsi on apprend par Rolland Taillard, connétable de Guingamp, et l'un des témoins entendus dans l'enquête pour la canonisation de Charles de Blois, en 1371, que ce prince fonda à Notre-Dame une chapelle dite du Trésor, dont il posa lui-même la première pierre.

Le chevet, où se voient deux rangs de galeries superposées, et les arcs-boutants du pourtour, furent commencés en 1462, et étaient achevés en 1480, ainsi que l'apprennent des comptes de fabriqueurs, conservés aux archives de Notre-Dame.

Le surplus de l'église, c'est-à.-dire la tour sud-ouest, le portail ouest et le côté sud de la grande nef, appartiennent au XVIème siècle.

Cette tour sud-ouest, dite tour-plate, flanquée d'éperons gigantesques, avec ses pilastres grecs, ses niches luxueuses et ses mascarons grimaçants, porte à sa base, sur un long cartouche, la double inscription gothique que voici :

Sur la face nord :

La vigille S. André, vers le soir,
Là m cnq cents trâte et cnq,
La grâde âme piteuse à voir
Fut de ceste tour qui à terre vint.

Sur la façade ouest :

Au none, dit le cinquiesme jour l'an mil,
Cinq cents trâte-sait, la première pierre....

Le toit d'une masure recouvre le reste de l'inscription, complétée par les archives municipales et par celles de Notre-Dame, suivant lesquelles la réédification de la tour-plate, écroulée la veille de la Saint-André, le 29 novembre 1535, fut commencée le 5 janvier 1537.

C'est à la chute du clocher qu'est due l'anomalie des deux styles brusquement juxtaposés. Si l'on entre dans l'église par le portail de l'ouest, on est frappé de leur dissemblance : l'ogive se montre avec toute sa poésie aux travées du nord ; la Renaissance avec tout son luxe aux travées du sud, a dissimulé la masse de ses lourds piliers sous une profusion de féeriques ciselures. Ici des dais vides de leurs statues et des fleurs ; là, les quatre vertus cardinales, la Prudence, la Force, la Tempérance et la Justice, personnifiées dans de vivantes statuettes ; partout de riches écussons, mais dont les armoiries ont disparu. Sur les quatre gros piliers qui supportent la flèche, des groupes de mascarons grimaçants sortent à demi du fût des colonnes.

Le portail de l'ouest, encaissé entre ses deux tours, se compose de deux portes géminées, séparées par un trumeau que surmonte une niche élégante.

D'innombrables guirlandes de fleurs et de génies entremêlés présentent, dans les voussures, un fouillis d'ornements creusés dans le granit, avec autant de verve que de délicatesse ; les statues des douze apôtres, placées dans des niches, sont remarquables d'attitude et d'expréssion.

Le nombre des autels était autrefois très-considérable à Notre-Dame : chaque confrérie avait le sien ; plusieurs seigneurs avaient aussi leurs chapelles et leurs enfeux. L'enfeu de Rolland Phélippes, sieur de Caëtgouréden, sénéchal de Charles de Blois, découvert avec sa statue derrière des boiseries informes, dans le collatéral sud, a été restauré avec goût, ainsi que l'enfeu et la statue de Pierre Morel, évêque de Tréguier en 1385, enterré à Notre-Dame de Guingamp en 1401.

Le buffet d'orgues est orné de sculptures en chêne, exécutées en 1646. N'oublions pas non plus le fameux bourdon, véritable monument de l'art breton au XVIème siècle, dont l'airain sonore appelle les fidèles au pardon de Bon-Secours. Il porte pour inscription :

L'an 1568 fute fait ceste cloche pour servir Dieu et Notre-Dame de Guingamp ; Gérôme Géjou, gouverneur de ce chapelle, le fit faire. Fondeur Guimark.

C'est au même artiste qu'on doit le bourdon de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, fondu en 1563.

Depuis quelques années, de grandes et intelligentes réparations été faites dans l'église de Notre-Dame. La forêt de boiseries, armoires ou buffets, qui masquait les fenêtres, les niches, les crédences et, même les arcades, a été abattue. Des vitraux à sujets, offerts par les familles les plus notables de Guingamp, garnissent aujourd'hui les fenêtres et retracent soit la légende des patrons des donateurs, soit celle du patron de la chapelle ou l'historique du pèlerinage de Bon-Secours.

Au sommet de la fenêtre absidiale, on distingue les portraits du duc Pierre et de la duchesse Françoise d'Amboise, la bienfaitrice de Guingamp, où elle tint sa cour de 1442 à1450. La statue de cette bienheureuse, dont la congrégation des rites a approuvé le culte et l'office en 1863, est en outre exposée dans la nef ; mais quel anachronisme de représenter sur une autre verrière un épisode de notre dernière guerre contre les Prussiens !

Nous eussions compris cette scène à titre de Memento, si l'ennemi s'était avancé jusqu'à Guingamp et s'il en avait été repoussé. Notre sol n'ayant pas été souillé par la présence de ces nouveaux reîtres, c'est le capitaine Rolland Gouicquet, l'héroïque défenseur de Guingamp en 1489 qu'il fallait peindre avec ses hommes d'armes et la Vierge de Bon-Secours sonnant elle-même les cloches, comme dit la ballade bretonne, pour appeler les bourgeois aux armes. Il est interdit à un archéologue d'admirer des uniformes de zouaves encadrés dans des meneaux du XIVème siècle ; louons au contraire sans réserves les autels en pierre, en style du XVème siècle, qui ont remplacé des autels en bois avec ornements rocailles, à l'instar des boudoirs de la Régence, autels aussi peu à leur place dans cette église que la représentation des combats soutenus contre les Allemands en 1870.

Cette visite à Notre-Dame achevée, nous avons été conviés à examiner, chez M. le docteur Dutoya, un cabinet florentin du XVIIème siècle qu'envierait le musée de Cluny. Ce meuble en ébène, de 1m,40 de largeur sur 1m,20 de hauteur au fronton, présente sur sa face principale six colonnes corinthiennes en lapis-lazzuli, dont les chapiteaux sont en cuivre ciselé et les bases en marbre, veiné de lapis ancien à stries dorées. Dans les entre-colonnements sont disposés onze médaillons peints à la gouache, où l'artiste a reproduit en un pareil nombre de scènes tout ce qui, dans la Jérusalem délivrée, se rattache aux chants consacrés aux amours de Renaud et d'Armide. Il était difficile à un maître d'interpréter d'une manière plus exacte et plus saisissante le récit poétique du Tasse ; mais l'étude de ces fines peintures, exigeant plus de temps que nous ne pouvions y consacrer, nous avons eu recours pour leur description à l'obligeance de leur heureux possesseur, dont voici les notes explicatives :

1er Médaillon. — Armide part victorieuse du camp des chrétiens et entraîne les rivaux de ses charmes, après avoir vaincu la prudence de Godefroy de Bouillon ; — Renaud remplace Dudon ; — Au second plan, duel avec Germand, roi de Norwège.

2ème Médaillon. — Combat entre les Turcs de Soliman et les Chrétiens ; — après un sommeil agité, Soliman part sur un char avec une inconnue qui lui promet de l'introduire dans les murs assiégés par les Chrétiens.

3ème Médaillon. — Les guerriers de Godefroy de Bouillon ayant été délivrés, Armide jure la perte de Renaud et l'attire par un sortilège sur les bords de l'Oronte, où un charme invisible le retient.

4ème Médaillon. — Renaud est endormi par le chant d'une sirène ; — Armide, enivrée par l'amour, contemple Renaud voluptueusement et le couronne de fleurs.

5ème Médaillon. — Renaud, sous le charme de l'amour d'Armide, se délecte dans l'île enchantée, au milieu des plaisirs, de la mollesse et d'un printemps éternel.

6ème Médaillon — Ubalde et Guelfe partent pour délivrer Renaud ; un vaisseau les attend, ayant à sa poupe une femme qui doit les guider.

7ème Médaillon. — Ils abordent au rivage ; — un dragon, des sirènes, des nymphes veulent, en vain entraver leur marche ; — Ubalde présente à Renaud le bouclier de diamant, — Renaud, couvert de confusion, baisse la tête et reconnaît son esclavage.

8ème Médaillon. — Fuite de Renault ; — Armide se précipite sur les pas de l'ingrat qui échappe à sa poursuite.

9ème Médaillon. — Renaud arrive au camp ; — Godefroy l'envoie dans la forêt enchantée ; — Renaud frappe de son épée l'arbre mystérieux d'où sortent des nymphes, mais rien n'arrête son courroux ; il continue de frapper d'estoc et de taille ; — Armide jure sa mort.

10ème Médaillon. — Armide a promis sa main à celui qui lui rapportera la tête de son amant ; — Tysapherne et Adraste se disputent cet honneur et mettent l'épée à la main en se provoquant.

11ème Médaillon. — Victoire des Chrétiens ; — Renaud tue Tysapherne, puis rencontre Armide qui veut se percer le sein d'une flèche ; — Renaud arrête Armide qui devient son esclave et se fait chrétienne.

Ce meuble splendide, que le temps a respecté, appartenait à son origine à Pierre Dutoya, prieur de Saint-Laurent et promoteur de l'évêché de Dax, mort à Bordeaux en 1661 et inhumé dans l'église de Saint-Surin. Depuis cette époque, il a été religieusement conservé dans la même famille, moins novatrice que tant d'autres, lesquelles, insouciantes de ce qui vient des ancêtres, sacrifient aux caprices de la mode, en renouvelant deux et trois fois leur mobilier dans le cours d'une seule génération.

La manie de suivre les modes nouvelles a gagné jusqu'à nos recteurs de campagne qui changent, sans raison valable, nonseulement les objets d'art de différente nature composant le mobilier de leurs églises, mais les statues en pierre ou en chêne de leurs vénérables patrons, portant chacun leur attribut distinctif, pour leur substituer des statues banales aussi froides que le carton ou la pâte qui a servi à les mouler.

Réagissons contre ces tendances déplorables à tous les points de vue et restons convaincus que les choses anciennes ont pour elles une présomption de convenance religieuse, qu'il est toujours fâcheux de modifier. A plus forte raison, devons nous déplorer les changements de vocables, faits sans égard pour l'étymologie des lieux ni pour la mémoire des saints personnages qui ont laissé leurs noms aux pays par eux évangélisé.

On sait qu'en Bretagne le nom du patron ou fondateur d'une paroisse suivait ordinairement les prétixes Plou, Lan, Loc et Tré.

Ainsi Plouguen et Sainte Guen étaient dediés à sainte Guen, mère de saint Guenolé.

Ploufragan à saint Fragan, père de saint Guenolé. Plouigneau, Tressignaux, Saint-Igneuc, Saint-Ygeaux, à saint Igneuc, abbé irlandais, puis évêque de Vannes au VIème siècle. Plouégat-Guerrand, Plouégat-Moysan et Plouagat, à saint Egat, abbé irlandais, débarqué en Armorique au Vème siècle.

Locguivy-Plougras et Locguivy-les-Lannion, à saint Yvy, solitaire de la Grande-Bretagne, émigré dans la petite Bretagne au VIIème siècle.

Aujourd'hui Plouguen a pour patron saint Pierre ; Sainte- Guen, la Madeleine ; Ploufragan, saint Pierre ; Plouigneau, Saint-Igneuc et Saint-Ygeaux, saint Ignace ; saint Agapit, pape, a pris la place de saint Egat, à Plouégat-Guerrand et à Plouégat-Moysan ; saint Ivy s'est vu contraint d'abdiquer à Locguivy en faveur de saint Avit, évêque de Vienne en Dauphiné.

Je pourrais multiplier les exemples à l'infini sans deviner le motif qui a détrôné tous les saints locaux au profit des saints étrangers et particulièrement de saint Pierre. Rien de plus juste que les paroisses de Lamber, de Kerpert et de Ploubezre lui soient consacrées, comme toutes les paroisses ou chapelles de Lambaul sont dédiées à Saint-Pol, évêque de Léon ; mais donner saint Pierre pour patron à Ploufragan, à Plouagat, à Plumieux, à Langueux à Trégueux et spécialement à toutes les paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc, dont le nom commence par un P, au lieu de conserver leur vocable primitif, est au moins un contre-sens.

Aujourd'hui, c'est saint Joseph qui prime tous les apôtres, de l'Armorique, quoique son culte soit bien moderne, puisqu'il n'a été introduit en France qu'au XVème siècle ; aussi aucune paroisse ne lui a jamais été consacrée. Avec cette manie de novalités, qui a proscrit et nos vieux usages et nos anciennes rubriques, il ne faut pas être surpris que toutes les traditions soient effacées. Devant une révolution dans les idées, aussi hostile à l'étude de nos origines, essayez donc de faire avec succès de l'hagiographie et de l'iconographie locales ! Les nouveaux iconoclastes, nos pasteurs spirituels ont détruit depuis dix ans plus d'images originales, recommandables par leur antiquité et par leur naïveté, que les Huguenots et les Sans-Culottes réunis. Et que voyons-nous en échange dans la plupart de nos églises ? Des statues coulées dans le même moule, au pied desquelles on peut écrire indifféremment n'importe quel nom du calendrier et qui, par leurs poses académiques ou athlétiques, ressemblent à des modèles d'atelier appelant l'attention sur la beauté de leurs formes. Il semblerait que sans cette beauté des formes, à laquelle on ajoute la succulence des chairs et la jovialité de l'expression, il est imposible d'exprimer la béatification. De là, ces Christs rayonnant de santé, ces anges bouffis, ces martyrs si à l’aise : il faut se bien porter pour être saint. Ce fait ne prouve qu'une chose, c'est l'ignorance absolue de l'art chrétien qui a créé les merveilles du moyen-âge.

On voudra bien nous pardonner celle longue digression, en reconnaissant le sans-gène avec lequel on s'écarte chaque jour des instructions des Comités historiques qui ne sauraient ètre trop souvent rappelées :

« En fait de monuments délabrés, il vaut mieux consolider que réparer, mieux réparer que restaurer, mieux restaurer qu’embellir et, dans aucun cas, il ne faut supprimer ».

Tout, conspire pour effacer ce qui reste du passé de la Bretagne, ce qui la fait aimer : sa foi, ses mœurs, sa langue, ses costumes, ses traditions, enfin ses monuments qui eux, aussi, font partie de ses gloires. C'est à ses enfants d'entourer de respect, d'amour, les cheveux blancs de leur mère, de consoler, de prolonger sa noble vieillesses.... Sparsa... matris collige membra tuœ.

P. DE COURCY.

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