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Guérande : les écoles, hôpitaux et fêtes républicaines sous la Révolution

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Les écoles et les hôpitaux. — On essaie de trouver des instituteurs. — A l'hôpital de l'Humanité on manque de tout. — Le couvent des Ursulines. — Les prêtres fidèles sont recherchés. — Tentative de Chantrel. — Loi du 21 février 1795. — Reprise de la persécution. — Les fêtes républicaines.

Les destructeurs de 93, après avoir tout abattu, tentent de tout rebâtir à neuf ; mais ils n'arrivent qu'à l'insuccès. Sur les ruines dont ils se sont entourés, rien de solide ni de durable n'a pu être établi. On le constate surtout dans les œuvres d'instruction publique et de charité.

Plus d'écoles dans la plupart des paroisses ; la nouvelle génération croissait dans une ignorance complète. Nos hôpitaux, ruinés dans leurs biens, dirigés par des gens sans conscience et sans aptitude, fonctionnaient mal, ou bien se remplissaient de plus de détenus que de malades. Ainsi ces belles institutions du passé, presque le monopole de l'Église, et qui avaient traversé les siècles pour l'honneur de la religon et le soulagement de l'humanité, allaient sombrer dans le gouffre de la Révolution.

Les réformateurs ont voulu laïciser, selon l'expression moderne, ces maisons où l'on apprenait à connaître Dieu, et à souffrir pour Lui. Eh bien, en effaçant jusqu'au nom divin dans les livres scolaires, ils ont fait de l'enfant un incrédule ; en expulsant le crucifix des salles d'hôpitaux, ils ont fait des désespérés. Cependant ces réformes n'ont pas été du goût de cette génération qui avait derrière elle quinze siècles de Christianisme.

Les écoles fermées par suite du refus de serment de la part des maîtres et maîtresses, ne purent se rouvrir faute de trouver des sujets propres à l'enseignement. On fit bien quelques essais, mais comment des écoles auraient-elles pu se maintenir pendant les terribles années ? Dans celles qui suivirent, on recommença l'entreprise en légiférant et en publiant des manuels et des programmes conformes aux nouveaux principes : ce ne fut pas plus heureux. Pour occuper les charges d'enseigner on ne trouva que des personnes inaptes ou indignes, des illettrés, de mauvais prêtres. Encore ne dut-on ouvrir qu'un nombre restreint d'écoles dans les villes ; pour les petites paroisses de campagne, qui, sous l'ancien régime, n'en manquaient pas, on se vit dans l'impossibilité d'en établir [Note : Voir Les Ecoles et la Révolution, par l'auteur. Arch. dép. L. 1011].

A Guérande, il y avait collège secondaire pour les garçons, pensionnat de jeunes filles et plusieurs classes ouvertes aux enfants du peuple. Tout était détruit et à refaire. Qu'a-t-on fait ?

L. Lesquillon de Longvilley, prêtre, principal de la Régenterie, avait été congédié en 1791, n'ayant pas voulu prêter le serment constitutionnel, et il n'avait point été remplacé. Le premier instituteur public qui paraît, est un citoyen, appelé Noize, lequel resta en fonction durant plusieurs années. Le 28 messidor an III, on vota au sein du conseil municipal la création de quatre écoles primaires : l'une, dans la ci-devant cure pour la ville ; une seconde, au Bureau de charité, pour la campagne ; une troisième à Saillé, et enfin la quatrième à Trescalan [Note : Arch. dép. L. 1013. — Le 3 vendémiaire an III, en conseil communal, ou décide que la ci-devant cure qui avait servi à la garnison sera attribuée désormais à l'instruction publique. Arch. municip. D. 3.]. Précédemment on avait décidé de n'en ouvrir qu'une seule pour toute la commune. Mais ce n'était pas tout : il fallut trouver maitres et maîtresses et ceux-là comme celles-ci étaient introuvables. Depuis le départ du Régent, le collège restait fermé. A ce sujet on délibérait ainsi : « Pour dissiper les ténèbres de l'ignorance, si favorables au fanatisme et à l'esclavage, nous demandons le rétablissement de l'école secondaire. Depuis dix siècles, ajoute-t-on, cette école était dirigée d'abord par les chanoines, puis plus tard par un homme choisi par eux. La présente supplique sera adressée au Représentant du peuple ». Elle resta lettre morte jusqu'en l'an III.

Pour apprécier la capacité des candidats à l'enseignement, fort rares d'ailleurs, on institue un jury composé de Vaillant, Lallement et Rocher (2 nivôse an III). On vote en même temps, au District, des écoles au Croisic, à Mesquer, à Saint-Molf, à Piriac, à Montoir et à Batz. Perrigaud et Coquerel, l'ex-curé constitutionnel, sont désignés pour le Croisic ; Leforestier, l'ancien chantre de la Collégiale, et une femme appelée Perrault, pour Piriac ; Jalliot, ex-constitutionnel, pour Montoir. Il est à remarquer que l'on exige de la commune de Batz, qu'elle trouve un instituteur français, étant la seule, dit-on, où l'on parle le breton. Voilà tout ce à quoi on a pu arriver. Ces instituteurs devaient habiter les anciens presbytères qu'on mettait à leur disposition. Il n'y eut que cinq ou six écoles qu'on tenta d'ouvrir dans tout le district, et encore on y recevait que les garçons. On ne voit point qu'il y eut à Guérande une école du filles pour remplacer celle que tenaient les Ursulines.

Dans ces maisons d'enseignement, défense à quiconque de prononcer le nom de Dieu ; d'après le programme, on enseigne la lecture et l'on commente la Constitution et les Droits de l'homme. Même pour un particulier, avoir chez soi un livre de religion le rendait suspect : ainsi, au Croisic, on arrêta trois femmes, chez lesquelles on avait découvert des manuels de piété et une prière composée par Louis XVI au Sacré-Coeur.

Tous les régents, qu'on appelait du nouveau nom d'instituteur, n'étaient pas des ex-prêtres, mais la plupart. On créa une fonction spéciale pour le diacre Legal, en le mettant gardien et directeur de la bibliothèque et du musée du District. On le chargea de rédiger le catalogue de tous les livres provenant de chez les religieux et les émigrés. Le nouvel établissement occupait le premier étage de l'hôtel d'Andigné, le rez-de-chaussée étant occupé par le Bureau du directoire. Dans la suite, on adjoignit à Legal un citoyen, nommé Dubois. Ils touchaient 5 livres de traitement par jour [Note : Archives dép. L. 1010].

Quant à Radal de Poissevin, l'ancien chapelain de Saint-Armel, étant impotent et âgé de 77 ans, on en ; fit une espèce de Père des pauvres, en le logeant à l'hospice et lui allouant 1.200 livres par an. " Il sera utile, écrit-on, à cause de son goût pour le travail ; il mangera avec le directeur et la directrice de la maison " [Note : Arch. dép L. 1013] Chantrel semble rester dans l'inaction, pour le moment ; mais il se réserve pour le culte quand il sera toléré.

***

Si les enfants, privés d'écoles, grandissaient dans l'ignorance, les pauvres, les infirmes, les malades, de leur côté, manquaient de soins et de soulagement. Le bureau de charité avait été supprimé après le départ des Soeurs grises ; de l'Hospice général et de l'Hôtel-Dieu on avait fait une seule maison, désignée sous le nom d'Hôpital de l'Humanité. Les bonnes et pieuses personnes qui dirigeaient ces deux établissements charitables, chassées comme des religieuses, avaient pour les remplacer un directeur et une directrice, deux personnes peu recommandables et que le citoyen Le Bail avait eu beaucoup de peine à trouver.

Comme une partie des revenus de ces fondations charitables venait d'être vendue, les administrateurs se voyaient dans la nécesnita de solliciter des secours au Gouvernement ; car il leur était impossible de faire face aux dépenses journalières, surtout depuis l'occupation de Guérande par les troupes chargées de protéger la ville contre une nouvelle invasion. On avait vendu pour 13.650 livres certaines terres dépendant de l'Hôtel-Dieu. Dès le 23 mai 93, on avait constaté tristement le défaut de ressources : ainsi le Bureau décrétait « que la journée du soldat hospitalisé serait portée à 2 livres 14 sous, vu la cherté de la vie ». Le 30 août suivant, le ministre de la guerre avance 12.000 livres pour dédommager l'hôpital de ses dépenses antérieures. Mais la garnison devenait de plus en plus nombreuse : il fallut se décider à transférer pour le moment en la ville de Rennes les galeux et vénériens.

On manquait de tout dans cet hôpital de l'Humanité, de médecins et de remèdes : nous le savons par un rapport du chirurgien-major du 8ème bataillon de la Seine-Inférieure. On oblige Chétiveau, qui exerçait en ville, à remplir les ordonnances qui lui seront payées, écrit-on, dans le rapport. Les pauvres et les malades de Guérande, devant cette affluence de militaires qui encombrent l'hôpital, restent sans secours et sans soins. Il faut, déclare-t-on, absolument trouver un autre local. Une maison plus vaste et restée inoccupée s'offre aux administrateurs du District et aux chirurgiens militaires : le monastère des Ursulines, évacué depuis les premiers jours d'octobre 1792 et qui n'avait pas été aliéné heureusement. C'est le 14 pluviôse an II que la direction des Domaines laissa « la maison des ci-devant religieuses », pour recevoir les malades qui arrivent de partout. Mais il était nécessaire d'y faire des aménagements spéciaux : aussi se hâte-t-on de nommer des experts pour dresser un devis des travaux les plus urgents à exécuter. Or, le 25 germinal, en s'introduisant dans ce local, on constate des dégâts considérables dont les auteurs ne furent jamais connus. C'est pourquoi on y plaça des gardiens. L'adjudication eut lieu le 15 floréal ; mais le procès-verbal fait défaut. En attendant que tout fut prêt, quelques médecins sont nommés d'office : Lacourbe pour Guérande et les six communes voisines ; pour le reste du ressort, Lizeul et Noblet. C'était bien peu ; mais il paraît que les médecins se faisaient rares comme les maîtres d'école. La partie du couvent choisie pour recevoir les militaires fut celle que l'on appelait autrefois le pensionnat. Cette translation fut faite le 19 frimaire an III, 9 décembre 1794.

L'hôpital du Croisic, quoique plus grand que celui de Guérande, était également encombré, et l'on se trouva dans la nécessité de prendre le vieux couvent des Capucins qui y touchait. Cette maison qui avait été désignée, on doit se le rappeler, pour servir aux religieux qui auraient voulu continuer la vie commune, était vide de ses hôtes de passage.

***

Malgré que la Terreur fût passée, il ne faudrait pas croire que la persécution eut cessé. Les Autorités montraient autant de zèle pour découvrir quelques prêtres cachés dans les paroisses, ou quelques pauvres filles chrétiennes qui gardaient leurs convictions religieuses. Chottard, l'agent national de la commune, puis le commissaire du canton, est là : il suffit à tout et remplace les Comités, disparus depuis quelques mois.

Tout rassemblement de fidèles était une contravention à la loi de nivôse qui interdisait formellement le culte public, malgré celle du 1er prairial qui accordait aux communes le libre usage de leurs églises non aliénées. Car l'exercice du culte ne pouvait avoir lieu que sous la surveillance des Autorités constituées et par un ecclésiastique soumis et assermenté. Cet adoucissement aux rigueurs précédentes, dû surtout au représentant Ruele, ne devait donc profiter qu'aux anciens jureurs. D'ailleurs le décret du 12 floréal fit oublier celui de nivôse et renouvela toutes les sévérités contre les prêtres, rentrés ou déportables.

Au 18 messidor de l'an III, on avait constaté que « depuis longtemps il se passe dans le District des rassemblements, sous prétexte de religion, que des prêtres, depuis l'amnistie, ont reparu dans le ressort, faisant fonctions dans des granges ou dans des maisons particulières, auxquelles assistent, répandus dans les chemins et les champs, une multitude prodigieuse de gens » [Note : Arch. dép. L. 1013].

Chottard, au cours de sa chasse aux prêtres à travers les campagnes, rencontra un jour « un certain Rouaud, prêtre, natif de Saint-André-des-Eaux et y habitant maintenant ». Il lui demande de produire son certificat de soumission aux lois, ce qu'il ne peut faire. « On l'accuse de célébrer dans un jardin, au village d'Avrillac. En conséquence, il est déclaré de bonne prise. La municipalité de Saint-André sera sévèrement blâmée de le souffrir dans son territoire et même de le protéger, ainsi que Lévêque et Lescar » [Note : Arch. dép. eodem].

Malgré que les populations de Quéniquen, de Saillé, d'Escoublac et même de Saint-Nazaire eussent signé une pétition pour le réclamer, il fut maintenu en détention et amené à Nantes (6 novembre 95), où il connut les prisons du Bouffay et du Bon-Pasteur. On sait qu'il put s'échapper de cette dernière, dans la nuit du 10 novembre 96, et eut la consolation de mourir dans son village d'Avrillac. On peut regarder ce prêtre comme un des plus vaillants apôtres pendant la Révolution dans la région guérandaise.

M. David, l'ancien vicaire de Pontchâteau, qui avait réussi à se cacher pendant les plus mauvais jours, dans la paroisse de Blain, fut dénoncé par une personne de Campbon, son pays natal (22 messidor an V) ; on dit qu'il se fait appeler Pierrot et est vêtu de noir, qu'il baptise et remarie. Il put encore échapper aux poursuites et devint plus tard curé de Bouvron.

M. Sauvager, né à Saint-Julien-de-Vouvantes, ordonné en 1762 et recteur de Mesquer depuis 1783, malgré son refus de serment, avait pu se maintenir dans sa paroisse. On le rechercha à plusieurs fois, sans pouvoir le découvrir sous ses vêtements de paludier. Le 7 messidor an V, à Piriac, il est rencontré par Chottard. En d'autre temps, il eut été de bonne prise ; mais ses paroissiens le réclamaient vivement et lui-même se montra disposé à faire sa déclaration selon la loi du 7 vendémiaire an IV, pour remplir publiquement ses fonctions à Mesquer. Chottard fut désarmé et le laissa aller [Note : Arch. dép. L. 725]. Maintenu dans sa paroisse, au rétablissement du culte, il y mourut en 1823. [Note : Histoire du D. de Nantes, M. Lallié].

A Herbignac, un vicaire de Le Masle, P. F. Durand. put demeurer jusqu'à l'arrivée du curé intrus (mai 1792) ; dans la suite, il y vécut caché en différents endroits. Le 20 messidor an V, il est surpris par le commissaire du canton, Delaunay, chez Letacone, maire, en même temps que M. J.-M. Guénel, un jeune prêtre ordonné à Paris pendant la Révolution. Il célébrait assez souvent au château de Ranrouët ; on ne sait pourquoi Delaunay le relâcha et qu'ainsi il put continuer son ministère. Après son maintien à Herbignac, comme vicaire, il en devint curé en 1810 ; mais, six ans après, il fut transféré à Quilly, où il resta jusqu'en 1820, et ne mourut qu'en 1845, retiré à Saint-Nicolas de Nantes.

Il y avait à Saint-Nazaire un commissaire du canton, nommé Picard, plus sectaire et plus féroce que Chottard, de Guérande. A l'affut des prêtres cachés dans la région, il les signale à l'Administration centrale. « Plusieurs revenus d'exil, écrit-il, reparaissent ». Il veut découvrir « les repaires de ces horribles monstres de l'humanité ». Cette lettre, où il emploie les expressions que nous venons d'insérer, est pleine de blasphèmes et d'impiétés. Il apprend que M. Bouilland, né à Saint-André-des-Eaux, et chapelain de Saint-Sébastien, qui avait été déporté et était revenu dans le pays, venait de mourir subitement et que son corps avait été jeté dans l'étier de Pornichet [Note : Arch. dép. L. 770. Cc détail a été inconnu de M. Lallié qui pourtant a fouillé si minutieusement les dossiers de la Révolution à Nantes].

Dans une autre lettre, il dénonce M. Lescar, natif de Méan et vicaire à Saint-André-des-Eaux. « Veillez, écrit-il, sur cet abbé Lescar et faites-le amener à Nantes ; là nous en aurons raison, 19 floréal an IV ». Ce prêtre déjà signalé par Chottard lui-même, disait la messe au Châtellier, entouré de plusieurs milliers de personnes. Il était le compagnon de M. Rouaud.

Après la Révolution il fut maintenu dans cette paroisse où il avait tant mérité.

Chottard, auquel il faut revenir, signale à l'Administration centrale, comme cachés à Guérande, M. Hervé et M. Tudeau. Le premier était vicaire, desservant Trescalan, dont nous nous sommes déjà occupé. S'est-il exilé ou est-il demeuré caché dans le pays ? Ce qu'il y a de certain, c'est que sa présence à Guérande en l'an IV est un fait prouvé. L'autre prêtre, appelé François Tudeau, était né à Guérande et se trouvait en 91 titulaire du bénélice de N.-D. du Cosquet. Il est avéré qu'il prêta serment et devint curé de Saint-Méloir, district de Dinan, et l'on a dit même de lui que, pendant la Terreur, il avait donné des preuves du républicanisme le plus ardent. Quand ce fut fini du culte constitutionnel, il regagna Guérande et se fit délivrer un certificat de résidence, daté du 2 germinal an III. Plus tard, dénoncé par la municipalité, 25 germinal an IV, 14 avril 96, comme ayant rétracté son serment depuis 6 mois, il fut recherché dans le canton. On voit encore qu'en l'an VI, le commissaire s'occupe de ses agissements. Vers la fin de la Révolution, il exerçait le culte à Saillé ; adhérant au sénaturconsulte de floréal, il prend le titre d'ancien desservant de Saillé et déclare se fixer au Pallet où il réside présentement. Mgr Duvoisin le nomma vicaire à Corsept. Il est mort curé de Besné le 10 juin 1815.

***

Aucune paroisse du District, la plupart pourtant privées de leurs prêtres légitimes, ne resta sans secours religieux, pendant la persécution.

A Assérac, M. Camaret, le vicaire de Saint-Etienne-de-Montluc, et M. Saulny, en particulier, car il y en eut d'autres encore, n'abandonnèrent point Cette bonne population [Note : M. Saulny (Pierre), le frère du chapelain de Saint-Sébastien de Pornichet, vicaire à Guémené-Penfao, expatrié à Brême, revint au pays sous le Directoire. On le signale dans une note concernant M. Camaret, comme ayant pris le nom de Pierrot et se cachant à Kerollivier, en Assérac, 5 fructidor, an V. On le recherchait encore en l'an VII. Il devint, au Concordat, curé de Nivillac et y mourut le 4 avril 1830] — A Batz, nous en comptons plusieurs : le recteur Montfort, qui courut les plus grands dangers ; M. Le Guen, vicaire à Saint-Molf, qui y fit de fréquentes apparitions ; M. Orseau, vicaire de M. Montfort ; M. Mahé, chapelain de Saint-Joachim. — A Besné, après la mort de M. Davy, se cachèrent MM. Richard, de Pontchâteau ; Aoustin, recteur de la Chapelle-Launay ; Jonic, recteur de Prinquiau ; vicaire de Crossac, et surtout M. Moisan, vicaire à Cordemais, qu'on chercha partout et qui échappa toujours. — A la Chapelle-des Marais, ils sont toute une légion : Guihéneuf, vicaire à Missillac ; Bodet, vicaire à Sainte-Croix de Machecoul ; Broussard, vicaire au Cellier, qui se dépensa à son ministère secret et périlleux jusqu'à sa mort, 2 août 95. M. Durand, vicaire à Herbignac, s'y cacha aussi. — A Crossac, le recteur put se maintenir jusqu'à son arrestation, 1795 ; son vicaire, M. Vaillant, y demeura tout le temps ; M. Le Sénéchal de Kerguisé, simple bénéficier, exerça son ministère également, jusqu'à ce qu'il fut massacré en Brière, 1794. — A Donges, il y eut M. Pierre Vince qui fut fusillé la même année. — A Herbignac, nous voyons les mêmes qu'à la Chapelle-des-Marais : MM. Bodet, Le Guen, Broussard, Vaillant. — Les prêtres de Guérande et de Saint-André se rendaient souvent à Escoublac, particulièrement après le départ de l'Intrus. — A Mesquer, le recteur ne quitta pas sa paroisse, et M. Le Guen y fit de fréquents séjours. — A Missillac, nous pouvons encore compter M. Vaillant et M. Perraud, le recteur de Crossac. — A Montoir, ce sont MM. Rouaud et Durand. — A Pontchâteau, il y en eut plusieurs, mais surtout M. Richard, un des vicaires, qui put, à travers les plus grands dangers, porté secours à cette vaste paroisse ; mais, comme on sait, pris et arrêté, il fut fusillé le 4 pluviôse an II. — A Sainte Reine, le desservant, M. Frocrain, persista à demeurer au milieu de son petit troupeau et cela dura jusqu'au 22 juillet 94 jour où il fut mis à mort. — Au Pouliguen, M. Guihard, qui en était chapelain, échappa à toutes les recherches. — A Saint-André-des-Eaux, ils furent trois : MM. Rouaud, Lescar et Lévêque. — A Saint-Lyphard, le recteur, M. Landeau, qui avait échappé à la noyade du 16 novembre 93, revint dans sa paroisse et y mourut en 99. — A Saint-Molf, nous voyons encore M. Le Guen. Deux paroisses, Le Croisic et Saint-Nazaire, eurent plus de difficultés à trouver des prêtres fidèles ; cependant Saint-Nazaire n'en fut pas complètement dépourvu ; quant au Croisic, où il était impossible de trouver des retraites, on recevait la nuit les prêtres de Batz et de Guérande. Comment un prêtre aurait-il pu se cacher sur ce territoire restreint et dénudé ?

Ainsi l'on peut dire que les populations du District n'ont point manqué de prêtres fidèles, pour leur administrer les sacrements, pour les éclairer et les fortifier durant la grande tribulation.

***

Chantrel, ce triste personnage que nous connaissons déjà, sous le règne de la Raison, s'était terré dans quelque coin de Guérande, attendant de meilleurs jours ; aussi reparaît-il dès la promulgation de la loi d'amnistie et reprit-il le culte constitutionnel, ayant fait sa déclaration officielle le 25 germinal an IV. On comprend que sans peine il prêta le serment de fructidor (4 complémentaire an V). Jusqu'au 2 brumaire an VII, il est qualifié de prêtre constitutionnel de Guérande, sans autre qualité. L'année suivante, il finit sa triste vie, comme nous l'avons raconté précédemment. On peut dire de lui, qu'il est le seul, dans tout le clergé de la Collégiale, comme ayant vraiment représenté le culte constitutionnel en la ville de Guérande ; soutenu par Chottard, il ne put jamais regagner l'estime des honnêtes gens. De Radal nous ne parlons pas, puisque retiré à l'hôpital et infirme, il était incapable de tout ministère.

***

Pour résumer la législation du culte, rappelons les derniers décrets de la Convention qui dura 3 ans, 1 mois, 4 jours, et finit ses séances le 26 octobre 1795.

C'est le décret du 15 mars 94 qui avait érigé les églises en temples de la Raison et c'est celui du 27 juin qui mis hors la loi tous les ecclésiastiques en les excluant des fonctions publiques (ce qui fut bientôt rapporté) ; puis le 18 septembre la République ne paie plus ni les frais, ni les salaires d'aucun culte. A cette époque les Conventionnels croient bien en avoir fini avec la religion catholique en France.

Mais, après le fameux coup d'Etat de thermidor, la face des choses vient subitement à changer : on met en liberté ceux qu'on appelait les Brigands, ainsi que les prêtres, religieux et religieuses, et l'on réglemente la reprise du culte, 21 février 95. Liberté du culte proclamée, église rendue aux communes, ce dont profitent seuls les assermentés. Le 22 août on proclame cela en présence de l'Etre suprême. Mais, bientôt après, de nouveaux décrets de bannissement et d'emprisonnement sont lancés contre les prêtres insoumis qui, croyant à la pacification générale, s'étaient trop hâtés de rentrer en France. Ainsi tout prêtre insermenté continuait d'être menacé et ne pouvait bénéficier des libertés hypocritement accordées.

Voilà la dernière besogne de la Convention que Mme Rolland a appelée « une assemblée de lâches, dominée par des bandits ». Le Directoire qui lui succéda rapporta bien la loi de bannissement contre les ecclésiastiques rentrés trop tôt, mais cela ne dura que 12 jours et les rigueurs de la persécution recommencèrent. [Note : D'ailleurs les Directeurs n'ont été que les exécuteurs des lois barbares édictées par les Conventionnels qui, avant de se séparer, avaient fait la Constitution de l'an III. Pendant les années 96 et 97, ce fut comme une seconde Terreur. La loi du 19 fructidor ne tuait pas les prêtres, mais les envoyait mourir sous le climat meurtrier de Cayenne]

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Pendant que tous ces décrets s'entrecroisent et se contredisent, la religion catholique reste soumise à la police locale, armée de lois et continuant ses recherches et ses arrestations de prêtres. Cela pourtant ne peut refroidir le zèle et abattre le courage des ecclésiastiques, restés ou revenus dans leurs paroisses respectives. Chottard, dans un rapport de messidor an V, apprend qu'il y a plus de 12 prêtres insoumis sur le territoire de Guérande. Le 8 germinal de cette année, comme commissaire du Directoire exécutif dans le canton, il avait écrit à l'Administration centrale, à Nantes, que « l'autocratie et le fanatisme ont triomphé dans les élections par la cabale la mieux combinée... Le bruit qu'on a fait courir dans les campagnes, c'est le retour de leurs bons prêtres, et sûrement tous ces derniers qui sont cachés dans la commune ne sont pas restés inactifs dans cette circonstance ».

En même temps, c'est le désarroi complet dans les administrations locales ; « c'est le chaos, comme dit Chottard ; nous ne sommes que trois pour composer la municipalité ; il n'y a plus ni juge de paix, ni assesseurs ». Ainsi l'anarchie règne partout. Voilà donc à quel abîme ont conduit la France ces prétendus amis du peuple [Note : Arch. dép. L. 211. — Chottard, pour le récompenser de ses services rendus à la Révolution, devait faire partie du Conseil des Cinq cents ; il fut un des douze élus du Département, dont trois conventionnels (1795). Mais, dans cette Assemblée, il n'eut qu'un rôle effacé].

Les populations, malgré tout, restent religieuses et aspirent à revoir les pompes et les cérémonies du culte catholique. A Guérande, c'est le désir de presque tous les habitants. On le sentait si bien en haut lieu que furent alors instituées ces fêtes ridicules et bientôt délaissées qu'on appelait des fêtes républicaines. Pour prouver cette espèce de résistance des Guérandais contre l'impiété du temps, nous pouvons apporter le témoignage peu suspect de Chottard lui-même. Le 23 mai 1797, au sujet de la dénonciation faite contre M. Camaret qui exerce le culte à Assérac, il ajoute ces lignes, en écrivant à l'Administration centrale : « Ce malheureux attire à lui les habitants des communes environnantes... Rappelez-vous bien, ce qui est vrai au moins dans notre territoire, que sur 10.000 citoyens il n'y en a pas 200 qui se montrent républicains, et que, sur cette petite quantité, il n'y en a peut-être pas 10 qui, se mariant, auraient le courage de ne pas recourir aux prêtres réfractaires pour le faire ».

Voilà qui est tout à l'honneur du pays guérandais. Cet aveu, sous la plume de Chottard, en dit plus que nous-mêmes dans cette étude qui n'a pour but que de glorifier Guérande et de l'attacher de plus en plus à sa religion.

De Port-Nazaire, comme on disait alors, on écrit : Perraud, l'évadé, est suivi de tous les fanatiques de la contrée ; Rouaud, échappé du Bon-Pasteur, dit la messe à Saint-André, ainsi que Lescar, 2 vendémiaire an VI. Ce qui nous montre que les prêtres fidèles restaient l'objet de la plus active surveillance de la part des autorités locales.

***

Mais revenons aux fêtes républicaines [Note : Arch dép. L. 352, 3, 4. Fêtes républicaines]. Si dans toute la contrée guérandaise, l'ancien district supprimé par la Constitution de l'an III, on avait délaissé les offices des prêtres jureurs, l'on montra encore moins de goût pour ces cérémonies laïques et grotesques, ces réunions des décadis, présidées par quelques municipaux, honteux de leur rôle. A Guérande de telles manifestation n'eurent jamais de succès. Ainsi, au Croisic et à Mesquer, on célébra avec certaines pompes la fête anniversaire du châtiment du dernier des tyrans, selon les proclamations de l'époque, c'est-à-dire de la mort du roi Louis XVI ; mais à Guérande, Chottard et ses acolythes n'osèrent en faire autant. La première fête, dont nous ayons retrouvé le procès-verbal, est celle du 9 thermidor, dite de la Liberté. Voici ce qu'on y lit : Les municipaux (deux ou trois), se réunissent dans la salle qui servait au directoire du District, où arrivent à leur tour le juge de paix et ses assesseurs, les membres du Bureau de l'hospice et les musiciens de la ville. A 11 heures du matin, ce petit groupe de manifestants, rangé autour de l'arbre de la Liberté, chante et discourt. Le peuple est absent. Un peu plus tard on en fit une autre, celle du 10 août. Chottard écrit bien qu'elle fut célébrée magnifiquement, mais il ajoute avec tristesse : « Malheureusement il ne s'y rend presque personne ». La fête dont le rapport est plus pompeux est celle du 10 germinal an VI, appelée fête de la Jeunesse. Noize, Crahé et Richard, les instituteurs, amènent leurs élèves ; ceux-ci, bien appris, récitent de mémoire les Droits de l'homme. A la suite il y a une distribution de prix et la cérémonie finit par le chant des Marseillais : Nous entrerons dans la carrière, etc.

Durant l'an VII, on célébra cette fois l'anniversaire de la mort du roi et celle de la Souveraineté du Peuple. Pour l'an VIII, plus rien. On laissa le Croisic se réjouir de la fondation de la République ; mais, à Guérande, on jugea bon de s'abstenir. Tout cela ne faisait qu'inspirer du regret pour ce temps d’autrefois où nos cérémoines catholiques se déployaient majestuosament au grand chœur de Saint-Aubin ou dans les rues pavoisées de la ville quand arrivaient les procession du Sacre [Note : Arch. dép. L. 354. Fêtes républicaines].

(Abbé P. Grégoire).

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