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Guérande pendant les derniers siècles du moyen-âge

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GUÉRANDE AU XIIIème SIÈCLE.

La disparition des Normands délivra notre pays d'ennemis redoutables. Mais les luttes féodales devinrent à leur tour la source de fléaux nombreux. Sous le règne de Conan III, le baron de Pontchâteau et le vicomte de Donges mirent au pillage la presqu'île guérandaise qui supporta les conséquences des guerres civiles jusqu'au jour où les ducs de Bretagne la concédèrent à titre de douaire aux membres de leur famille. Ces concessions, qui commencèrent au milieu du XIIIème siècle, amenèrent une période de calme qui dura près d'un siècle et pendant laquelle le pays de Guérande connut de nouveau les beaux jours qui, au IXème siècle, avaient contribué à établir définitivement sa richesse et sa prospérité. Ce fut alors que s'acheva l'organisation des fiefs, des paroisses, des frairies, que furent constituées beaucoup de corporations et qu'on édifia un grand nombre de monuments, dont une partie de l'église Saint-Aubin.

Cette renaissance prit fin avec la mort du duc Jean III et la douloureuse guerre qui s'en suivit, pendant laquelle la ville de Guérande conquit la renommée et la gloire qu'elle conserva toujours.

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GUERRE DE SUCCESSION DE BRETAGNE.

En 1341, aussitôt après les funérailles du duc à Ploërmel, Jean de Montfort prétendant à la succession du défunt, se retira à Guérande, son apanage, et de là se rendit à Nantes pour se faire proclamer duc de Bretagne. Charles de Blois, qui lui disputait la couronne, était soutenu par le roi de France, qui avait mis à sa disposition des troupes composées en grande partie de mercenaires étrangers, dont l'un des chefs était Louis d'Espagne. Celui-ci, après s'être emparé de Guingamp, se dirigea vers le pays de Guérande qui était tout dévoué à la cause de Montfort. Il était accompagné d'un capitaine genevois, Othon Ardone, et de soldats étrangers qui brûlaient et pillaient tout sur leur passage. Dans le courant de l'année 1342, il mit le siège devant la ville. Guérande, qui ne possédait pas encore de remparts et n'avait pour toute défense que quelques levées de terre, n'offrait que très peu de résistance. Louis d'Espagne s'en empara facilement et « tua tout ce qu'il trouva dedans, et bruslèrent ses soldats cinq églises en la ville : dont Louis d'Espagne fut si déplaisant qu'il fist pendre et étrangler vingt-cinq d'iceux. Cette ville estoit pleine de biens : et y firent les Genevois et Espagnols un très gland butin (d'Argentré) ». De Guérande, Louis d'Espagne marcha sur le Croisic, où il sema la ruine et l'incendie.

Ces revers ne découragèrent pas Jean de Montfort. L'un de ses premiers soins fut de remettre en état sa bonne ville de Guérande. Dès 1343, il ordonna à son lieutenant, Guillaume du Verger, de commencer à l'entourer de murailles.

Montfort avait remis sa cause entre les mains du roi d'Angleterre. Celui-ci compléta la défense de Guérande en enjoignant au capitaine et aux habitants de se pourvoir d'armes et de soldats en nombre suffisant pour mettre la ville en état de pouvoir résister à une nouvelle attaque possible. On craignait d'autant plus, en effet, la réapparition de l'ennemi, que Louis d'Espagne n'avait établi à Guérande aucune garnison pour tenir la ville au nom de Charles de Blois. Ce dernier ne tarda pas à paraître après s'être emparé de Quimper, il vint en personne assiéger Guérande, dans les premiers jours d'août — et certainement avant le 6 — de l'année 1344. Il attachait une grande valeur à la possession de cette cité, l'une des plus fidèles à son adversaire ; et, pour mieux assurer son succès, il avait mandé de France des troupes qui arrivèrent devant Guérande à quelques jours d'intervalle renforcer son armée : Guérande ne pouvait opposer à ces forces que ses propres habitants, armés pour la cause bretonne, sous l'autorité de leur capitaine Guillaume du Verger, un enfant du pays. Les remparts de la ville étaient à peine sortis de terre ; la porte Vannetaise seule était construite. Malgré cela, et bien qu'elle eût à lutter contre des troupes infiniment supérieures en nombre, Guérande opposa à Charles de Blois tant de résistance que celui-ci, désespérant de l'emporter par la force de ses armes, résolut de la réduire par la famine. Il établit son camp près de la ville, en vue d'un siège de longue durée. L'issue de cette opération est fort douteuse. Il est probable cependant que Charles de Blois finit par s'emparer de la ville, le 19 ou le 20 août, car il y institua un gouverneur ; mais il veilla à ce que ses troupes n'y commissent quelque pillage ou désordre. Il en prit possession au nom du roi de France et y installa sans doute une petite garnison.

La domination française ne fut guère effective. Dès 1352, la presqu'île guérandaise était retombée sous l'autorité de Montfort, et Jean du Verger commandait la ville en son nom.

Le duc de Lancastre étant passé en Bretagne, le roi Edouard III voulut lui assurer le commandement de toutes les places fortes qui tenaient pour Montfort. Le 14 septembre 1355, il prescrivit la remise de ces places, et le capitaine de Guérande fit sa soumission.

En 1363, advint la trêve des Landes d'Evran. Charles de Blois remit à son adversaire comme otages les sires de Léon, de Rays, de Malestroit, de Rochefort, de Rieux, de Chatillon, de Beaumanoir, le vicomte de Rohan, Bertrand du Guesclin et quatre autres seigneurs dont quelques-uns « furent gardez bien assur en Guerrande » (G. de Saint-André). Cette trêve fut de courte durée : l'année suivante la bataille d'Auray décida du sort de la Bretagne. Dans ce combat, Charles de Blois fut tué par un seigneur guérandais, Jean de Lesnérac, qui combattait pour Montfort dans l'armée anglaise de Caverley, et qui, la veille de la bataille avait, de concert avec ce dernier et Chandos, juré de le mettre à mort.

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LE TRAITÉ DE 1365.

Jean de Montfort avait définitivement vaincu. Il quitta Auray sur l'un de ses vaisseaux, et, accompagné de l'amiral Nicolas Bouchart, se rendit au Croisic vers la fin d'octobre 1364. 11 s'empressa aussitôt de rendre hommage au roi de France pour le duché de Bretagne et de lui demander de désigner des ambassadeurs pour rétablir la paix. Charles V accéda à ce dernier vœu et invita Jeanne de Penthièvre à agir semblablement. Il désigna, pour traiter en son nom, Jean de Craon, archevêque de Reims, et Jean Le Meingre, dit Boucicaut, maréchal de France. Pour couvrir les frais de cette ambassade, il assigna à l'archevêque une indemnité de 1.200 francs d'or, et au maréchal une de 800 par mois. La mission de ceux-ci commença le 22 octobre, mais ils ne partirent pour la Bretagne que le 28.

L'ambassade royale arriva en Bretagne au mois de décembre. Jean de Montfort avait alors quitté le Croisic pour aller reprendre Quimper, et après la prise de cette ville s'était rendu à Redon où il eut, ainsi qu'à Blain, ses premières entrevues avec les délégués du roi. Boucicaut était d'avis de faire la paix sur les bases d'un traité élaboré aux Landes d'Evran, qui eût partagé la Bretagne entre le comte de Montfort et la veuve de Charles de Blois ; mais le premier refusa cette solution qui ne pouvait régler la succession à la couronne de Bretagne. Jeanne de Penthièvre n'avait, du reste, pas encore désigné ses procureurs, et, quoiqu'elle fut vaincue, on voulait connaître ses décisions. En février 1365, celle-ci ne les avait pas encore manifestées.

Devant ce peu d'empressement, Jean de Montfort et les ambassadeurs de Charles V résolurent de traiter seuls. Ils fixèrent à Guérande la conférence pour la paix. C'était au commencement du carême, et, dit le bon chroniqueur Guillaume de Saint-André :

Pour ce, aler leur convint

En Guerrande pour estre ayses.

Là trouvèrent merluz et plaises,

Et trouvèrent très-grand foeson

De toute manière de poisson.

Le 11 mars, Jeanne de Penthièvre nomma enfin ses procureurs : Hugues de Montrelais, évêque de Saint-Brieuc, Guy de Rochefort, seigneur d'Assérac, Jean de Beaumanoir et Guy Cléder, docteur ès lois.

Les négociations commencèrent aussitôt en présence du comte de Montfort :

Qui ne dormoit pas trop grand somme,

se demandant avec inquiétude s'il allait enfin recueillir les fruits de sa victoire, et :

A chacun respondoit sans fable.

………

L'en estoit en Conseil souvent.

Grand Cour avoit de sage gent ;

Là oyssiez de beaux langages,

Les conseillers gaignoient leurs gaiges.

Malgré ces beaux discours, l'accord ne semblait pas devoir se faire, et, dans la foule des seigneurs et des prélats, le menu peuple de la ville murmurait, voulant la paix à tout prix, tout en faisant des voeux pour Jean de Montfort. Beaucoup passaient leurs journées en oraisons pendant que d'autres organisaient des processions :

L'en aloit à genoilz grand erre

Pour Dieu prier et Dieu requerre.

Chacun prioit dévotement

Que Dieu les mit hors de tourment.

Le Vendredi-Saint 11 avril, Jean de Montfort n'ayant pu s'accorder avec les ambassadeurs du roi, on fut sur le point de rompre les pourparlers. Cette nouvelle jeta la consternation et la colère à travers la ville : les Guérandais envahirent la salle des délibérations et exigèrent la conclusion de la paix. Cette attitude du peuple émut le comte de Montfort : il promit de céder.

Les négociations reprirent immédiatement et le lendemain samedi la paix était faite.

Et par serementz bien jurée

A Saint-Aubin au grand autier.

Le traité de Guérande [Note : L'original est conservé aux Archives de la Loire-Inférieure (aujourd'hui Loire-Atlantique), ainsi que les pièces annexes] reconnaissait Jean de Montfort comme duc de Bretagne. Jeanne de Penthièvre renonçait à la couronne et devait remettre au duc Jean IV les villes et châteaux dont ses partisans s'étaient emparés pendant la guerre, à l'exception des seigneuries qu'elle tenait héréditairement de ses père et mère. La succession du duché devait échoir de mâle en mâle, d'abord dans la maison de Jean IV, puis, à défaut d'héritiers mâles, même collatéraux, dans celle de Penthièvre. L'arrivée des femmes à la couronne ne devait avoir lieu qu'à défaut de mâles dans les deux maisons : c'était une innovation qui infirmait les successions précédentes.

Un article du traité stipulait enfin que Jeanne de Montfort, soeur du nouveau duc, épouserait Jean de Penthièvre, fils aîné de Charles de Blois, et que Jean IV paierait, à cette occasion, 100.000 livres pour la rançon de ce prince qui, depuis 1356, se trouvait prisonnier en Angleterre. Cet article ne fut pas exécuté et devint, dans la suite, la source de querelles graves entre Jean IV et Olivier de Clisson, procureur de Jean de Penthièvre.

Jean IV prêta serment dans l'église Saint-Aubin d'observer le traité, puis il se réconcilia avec ses adversaires. Dès le 21 avril, un mandement donné à Guérande accorda aux Nantais leur pardon d'avoir suivi le parti de Charles de Blois. Quant aux Guérandais, ils ne furent pas oubliés dans la reconnaissance du duc. « Ils avoient moult bien conforté le comte de Montfort en son grant affaire..., écrivait plus tard le chroniqueur Alain Bouchart, un breton de Batz, car jamais ceulx du party de Bloys ne les peurent gaigner ne conquérir ». En récompense de leur fidélité Jean IV leur donna une administration particulière, en érigeant son domaine de Guérande en sénéchaussée ducale distincte de celle de Nantes, et récompensa le Croisic en y faisant édifier un château.

Le traité de Guérande fut ratifié par Charles V. Le duc de Bretagne envoya vers lui Olivier de Clisson et l'Anglais Guillaume Latimer pour lui demander cette ratification. Le 22 mai 1366, les députés de Jean IV rencontrèrent le roi, et quelques jours plus tard celui-ci signa cette ratification en même temps qu'il accordait un délai au duc pour venir lui faire hommage de son duché.

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LA PRISE DE GUÉRANDE EN 1373.

Le traité de 1365 ne ramena pas la paix définitive en Bretagne. Après quelques années de tranquillité, les fautes commises par le duc rallumèrent les hostilités.

Jean IV fut contraint de quitter son pays : il s'embarqua à Brest le 28 avril 1373 et se rendit en Angleterre auprès d'Edouard III.

Aussitôt son départ, du Guesclin et le duc de Bourbon, pénétrèrent en Bretagne et commencèrent à prendre possession des villes au nom du roi de France. Après avoir guerroyé dans le nord du duché, ils descendirent vers le sud, entrèrent à Redon, et marchèrent sur Guérande, devant laquelle ils parurent au mois de juillet.

La ville n'avait pas eu le temps d'organiser sa défense elle fut surprise en pleine jouissance de ses succès, dans un temps où elle croyait la paix à jamais rétablie. Ses remparts étaient inachevés : depuis la construction de la porte Vannetaise ; quelques courtines seulement avaient été édifiées ; aussi ne pouvait-elle offrir qu'une résistance de peu de durée. Plutôt que de risquer de nouveaux désastres, conséquences d'un siège où elle succomberait infailliblement, Guérande préféra, non pas se rendre, mais supporter momentanément l'ennemi, comme en 1344 elle avait déjà subi Charles de Blois. Du Guesclin entra donc dans la ville, mais non pas au milieu des cris de joie, comme le rapporte Froissard, car le sentiment des Guérandais n'avait pas changé à l'égard de Jean de Montfort que, les premiers, ils avaient acclamé duc de Bretagne. Ce sentiment était bien connu de du Guesclin : il se contenta de traverser la cité guérandaise, n'y laissa nulle garnison, mais s'en éloigna, remontant s'emparer de Derval, dont Jean IV avait fait présent à l'Anglais Robert Knolles.

Cependant, le duc de Lancastre préparait une expédition pour ramener Jean IV en Bretagne. Une armée anglaise forte de 16.000 hommes débarqua à Calais, avec Jean IV, à l'automne 1374. Pendant l'hiver, elle traversa la France et vint à Bordeaux. Mais le duc, s'étant brouillé avec le chef anglais, se sépara de lui et resta dans cette ville, abandonné, sans ressources ni argent. Ce furent des Guérandais qui sauvèrent Jean IV de cette situation malheureuse. Quelques-uns d'entre eux, marins intrépides et habiles commerçants, se trouvaient à Bordeaux, avec un convoi de sel, et connurent l'infortune de leur prince. Pour lui venir en aide, ils vendirent aussitôt leur marchandise et lui en apportèrent le prix. Ce dévouement toucha profondément le duc qui put satisfaire ses créanciers et récompensa ses sauveurs. Complétant leur bel acte de générosité, les Guérandais emmenèrent avec eux Jean IV, et sur son désir le transportèrent à Auray, d'où il retourna en Angleterre.

Une trêve conclue à Bruges en 1376, et la mort d'Edouard III, arrivée l'année suivante, arrêtèrent momentanément les hostilités. Mais, en 1378, la lutte reprit avec plus de violence, et la Bretagne fut à la veille de succomber. Le Parlement de Paris avait déclaré Jean IV traître et félon, et prononcé la réunion de son duché à la France. Cette sentence, aussitôt connue en Bretagne, apaisa toutes les haines, et amena entre les seigneurs bretons l'union contre l'ennemi commun. Pour sauver l'indépendance de leur pays, ceux-ci se tournèrent vers le seul chef possible, le duc exilé en Angleterre. Ils députèrent vers lui plusieurs des leurs, et Jean IV, qui n'attendait que le moment propice pour rentrer en Bretagne, débarqua à Dinard le 3 août 1379.

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LE SIÈGE DE 1379.

L'armée bretonne se rassembla de suite à Vannes, et le comte de Buckingham accourut au secours du duc, cependant que Charles V envoyait des agents secrets à Nantes pour essayer de détacher le pays du parti de Jean IV. Les Nantais se laissèrent séduire : ils promirent de ne point recevoir les Anglais, et Olivier de Clisson leva une armée pour aller réduire Guérande qui, dans cette région, était demeurée l'âme bretonne. Et puis Clisson nourrissait de vieilles rancunes personnelles contre les Guérandais qui, pendant les hostilités précédentes, avaient pillé ses terres de Blain et rançonné ses vassaux, car ils le considéraient comme un ennemi, du moment qu'il ne servait plus la Bretagne. Avec une forte armée, des canons et des machines de guerre, il marcha donc sur Guérande, se vantant de prendre la ville en un mois et de la réduire en cendres. Clisson parut devant Guérande entre le 23 août et le 1er septembre 1379. Mais la ville était bien gardée. Depuis le passage de Du Guesclin, les habitants l'avaient mise en état de supporter un siège ; la construction des remparts avait été fort activée, et ceux-ci garnis d'artillerie. Guillaume du Châtel, seigneur de Bissin, capitaine de Guérande, put repousser la première attaque. Clisson en fut désespéré : il leva le siège et se retira, harcelé par les Guérandais qui le poursuivirent jusqu'à Blain et Ponchâteau, en le narguant et en lui causant de nouveaux dommages.

Le départ de Clisson ne rendit pas la sécurité aux Guérandais. Ils apprirent, en effet, quelques mois plus tard, qu'un corps d'Espagnols envoyé par le roi de Castille, se préparait à débarquer et à venir les attaquer. Ils assurèrent aussitôt la sécurité de la côte pour repousser tout essai de descente, et firent demander des renforts au duc qui leur promit, en cas de siège, de venir les secourir dans les trois jours.

Une flotte ennemie, commandée par Louis d'Espagne, parût en vue du Croisic : elle était forte de 19 vaisseaux et de 2 bâtiments légers. Trouvant la côte bien gardée, elle n'osa tenter un débarquement, mais remonta jusqu'à l'embouchure de la Loire dans le but de s'emparer du château de Saint-Nazaire, commandée par un seigneur du pays, Jean d'Ust, capitaine d'une grande énergie. Louis d'Espagne laissa de côté le château, mais débarqua trois cents hommes pour aller surprendre Guérande.

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BATAILLE D'ESCOUBLAC (1380).

La marche de l'ennemi fut connue en ville par l'arrivée des habitants de la campagne qui s'étaient enfuis à son approche. Le capitaine Guillaume du Châtel alla au devant de l'envahisseur, accompagné de 16 Guérandais seulement. C'était au mois de juin 1380. La rencontre eut lieu non loin d'Escoublac. Guillaume du Châtel, en face de ses adversaires, descendit de cheval, et avec ses 16 braves « leur courut suz et les rebouta, et chassa jusqu'à la mer en les tenant, et jusques en leurs galères ». L'ardeur et le courage des Guérandais étaient si bien connus que les 300 ennemis s'enfuirent plutôt que d'accepter le combat. Ils s'empressèrent de regagner leurs vaisseaux, poursuivis par du Chatel et les siens.

La flotte ennemie disparut bientôt, faisant route vers la presqu'île de Rhuys où Jean de Malestroit, capitaine de Succinio, lui fit subir une grave défaite.

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TRAITÉ DE 1381.

On sentait cependant des deux côtés la nécessité de conclure de nouveau la paix. La mort de Charles V, que le duc de Bretagne regardait comme un ennemi personnel, avait apaisé ce dernier qui autorisa immédiatement les seigneurs bretons à négocier avec le nouveau roi. Charles VI dépêcha aussitôt à Guérande vers Jean IV des ambassadeurs : Renaut de Corbie, premier président au Parlement de Paris, Anceau de Salins, les sires de Coucy, de Rayneval et Jean de Rillé. Le duc les reçut au mois de décembre 1380, entouré des évêques de Rennes et de Vannes, des seigneurs d'Assérac, de Laval, de Rohan, de Lohéac, de Dinan, de Montauban, de Chateaugiron, de Fontenay, des membres du Conseil ducal, de l'abbé des Prières, et d'un tel nombre de chevaliers que jamais Guérande n'avait vu, même en 1365, un cortège aussi brillant.

Jean IV choisit ses procureurs, puis se retira à Suscinio.

Les ambassadeurs des deux partis se mirent de suite à l'oeuvre : le 15 janvier 1381, le projet de traité était arrêté. Aux termes de ce document, le duc devait aller implorer le pardon du roi et faire hommage de son duché. Il devait s'allier au roi contre tous ses ennemis et spécialement contre l'Angleterre et la Navarre ; s'engager à maintenir les privilèges du clergé, de la noblesse et du peuple de Bretagne, et à n'employer aucun Anglais comme capitaine des places fortes ou membre de son Conseil. Jean IV rentrait en possession de ses terres de Montfort, de Chateauceau, de Rethel et du Nivernais, mais payait une indemnité de guerre de 200.000 livres.

Un article secret le dispensait de combattre personnellement les Anglais.

Jean IV reçut à Suscinio le texte du traité. C'est avec peine qu'il apprit les exigences de Charles VI concernant ses relations avec les Anglais auxquels il devait son duché. Il partit néanmoins pour Guérande où il assembla son Conseil, auquel il adjoignit Pierre Martin, sénéchal, et Pierre Hervé, alloué de Guérande. Mais, pressé de toutes parts, il accepta le traité, et, le 4 avril, celui-ci fut signé dans l'église Notre-Dame-la-Blanche et ratifié par Jean IV, le 10 avril, au Conseil tenu à Guérande, auquel assistaient le vicomte de Rohan, l'abbé de Prières, les sires de Laval, d'Assérac, de la Feuillée, Pierre Hattes, Maie Raguenel, et André Olivier. Le duc adressa en même temps un mandement à tous ses sujets, leur ordonnant d'observer le traité.

Le même jour, 10 avril, une foule de seigneurs présents à Guérande suivirent l'exemple du duc et ratifièrent à Notre-Dame la paix conclue avec le roi. Les bourgeois de la ville furent les premiers à satisfaire à cette obéissance, et, avec eux, les seigneurs du pays de Guérande.

Le lendemain, 11 avril, douze seigneurs conclurent avec le duc un traité secret contenant des dispositions prévoyant le cas où le roi refuserait de tenir les promesses consacrées par le traité du 4 avril.

Ce traité fut accepté en Bretagne sans discussion, et ratifié par les seigneurs, les évêques et le peuple. L'adhésion de Jeanne de Penthièvre et de son fils Henri fut donnée le 10 mai. Quant à Olivier de Clisson, à qui les Guérandais avaient infligé un échec si retentissant en 1379, il recula son adhésion jusqu'au 23 février 1382.

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LA FIN DU XIVème SIÈCLE.

Ce ne fut pas encore la paix définitive et même de longue durée qu'assura le traité de 1381. Six ans plus tard, la guerre civile éclatait de nouveau en Bretagne, compliquée en 1391 d'une guerre avec la France occasionnée par l'intervention de Charles VI. Mais le pays de Guérande n'en eut pas à souffrir. La ville même, qui avait été éprouvée pendant les dernières guerres, compléta à cette époque son relèvement ; la construction des remparts, de plus en plus activée, la protégea pour l'avenir de toute surprise.

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MARIAGE DE JEAN IV ET JEANNE DE NAVARRE, A SAILLÉ.

Jean IV contracta mariage pour la troisième fois en 1386. La future duchesse était Jeanne de Navarre, fille du roi Charles le Mauvais. La cérémonie devant être célébrée, en Bretagne, le duc envoya à Pampelune, au-devant de la princesse, une flotte de navires croisicais qu'il plaça sous le commandement d'un seigneur guérandais, Pierre de Lesnérac, connétable de Nantes. Cette flotte était composée de trois navires, et portait une ambassade de 170 personnages, dont le célèbre Jean Bouchart, et deux de ses parents, Robert et Bernard, de Batz. Le départ du Croisic eut lieu le 26 juin 1386 ; trois jours après, les ambassadeurs du duc étaient à Vermeo. Le 29 juin, Jeanne quitta la Navarre par la route de terre, pendant que la flotte bretonne se rendait à Bayonne, où, le 25 août, elle retrouva la future duchesse. Jeanne de Navarre continua son voyage jusqu'au Cap-Breton, où les navires croisicais l'attendirent de nouveau. Elle s'y embarqua le 4 septembre et, le 6, elle arriva au Croisic, où une réception magnifique lui avait été préparée.

Jean IV vint à sa rencontre, et le 11 septembre son mariage fut solennellement célébré dans l'église de Saillé. Un mauvais tableau du XVIIème siècle, conservé dans cette église, commémore cette cérémonie. Jean IV y est représenté vêtu d'une culotte blanche et d'un manteau bleu semé de fleurs de lys et doublé d'hermines, chaussé de souliers rouges ; la duchesse porte une robe rouge et un manteau bleu à manches bouffantes, semé de fleurs de lys ; elle tient un mouchoir à la main ; deux pages portent la queue des manteaux.

Le voyage de Jeanne de Navarre avait coûté 3.396 francs. Jean IV lui donna en douaire les ville et château de Guérande et de Nantes, la baronnie de Retz, les chatellenies de Touffou et de la Guerche ; la chapellenie de Notre-Dame-la-Blanche de Saillé et un revenu consistant en droit de balisage à percevoir sur les navires entrant au port du Pouliguen.

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LE RÈGNE DE JEAN V. - GUERRE AVEC L'ANGLETERRE.

L'avènement de Jean V en 1399 laissait espérer une période de paix. Mais la conduite de Jean IV avait provoqué en Angleterre un vif mécontentement et fait naître des rancunes. Le traité de Guérande de 1381 avait été pour l'Angleterre un affront. Tandis que le comte de Buckingham attendait à Vannes l'heure de secourir le duc, celui-ci s'engageait à combattre les Anglais ! La nouvelle de cette volte-face était parvenue à Buckingham le 10 avril 1381, jour où la ville de Guérande célébrait la ratification du traité, et Buckingham furieux était reparti sur-le-champ en Angleterre. La lutte n'éclata pas entre les deux pays du vivant de Jean IV, mais en 1403 les hostilités furent ouvertes.

En août 1404, une flotte anglaise, sous le commandement du comte de Beaumont et du bâtard d'Angleterre, parut en vue des côtes guérandaises et y opéra un débarquement, sur le conseil d'un ancien capitaine de Brest qui s'était joint à l'ennemi. Les Guérandais demandèrent aussitôt du secours à Jean V qui se hâta de rassembler une troupe de 2.200 hommes et d'envoyer, en avant-garde le maréchal de Rieux avec une armée de 700 combattants. A son arrivée à Guérande, le maréchal trouva les habitants armés d'arbalètes et de bâtons, s'apprêtant à arrêter la marche des Anglais et à défendre leur ville. Il les enrôla sous ses ordres et s'avança au devant de l'ennemi. Celui-ci avait l'avantage du nombre et opposa une vive résistance. Le duc, à peine âgé de quinze ans, parut à cet instant : sa présence suffit à mettre en déroute les Anglais qui se replièrent vers leurs vaisseaux, à l'exception de quelques-uns qui, sous les ordres de Beaumont, tentèrent de résister. Le combat fut court ; Beaumont fut tué par Tanneguy du Châtel qui se battait avec les Guérandais, et ses compagnons massacrés, sauf un petit nombre d'entre eux qui se rendirent. Les documents n'ont laissé aucun renseignement sur le lieu de ce combat. Il est cependant à présumer que le débarquement des Anglais, comme la plupart de ceux qui se firent dans la région de Guérande, eut lieu entre Pornichet et la pointe de Chemoulin, et que la rencontre des deux armées arriva à proximité de la ville, du côté d'Escoublac.

Jean V fit à ce combat ses premières armes. L'année suivante, il ordonna à son gouverneur de Batz, Robert Sorin, d'armer des navires du Croisic et d'équiper les marins de Guérande pour prendre l'offensive contre les Anglais.

Les gentilshommes guérandais offrirent aussitôt leurs services au duc. Guillaume Jouhan, ancêtre des seigneurs de Kercassier, prit l'engagement d'armer 300 hommes sur 4 ou 5 vaisseaux. D'autres envoyèrent leurs navires et leurs hommes à la défense des côtes, et furent de ce chef exempts d'impôts ; parmi ceux-ci on remarquait Jean Jouhan, Hervé et Jean Le Boteuc, dont les descendants furent seigneurs de Couëssal, Jean Colveu, et bien d'autres.

Au commencement de mai 1407, la flotte anglaise reparut en vue des côtes guérandaises et tenta d'opérer un nouveau débarquement. Mais elle se heurta à la résistance des vaisseaux croisicais qui, sous le commandement de Jean Bouchard, lui livrèrent combat en vue de la côte. Ce fut pour elle une défaite : elle perdit plusieurs navires et abandonna aux Guérandais 120 prisonniers. Les Bretons furent admirables de courage : nos compatriotes Jean Bouchart, Pierre Groy, Guillot le Capitaine, Jean Colveu, Pierre Lecomte firent ensemble 74 prisonniers. Pour obtenir leur liberté ils durent payer rançon et, afin d'en réunir le montant, Jean V leur accorda des lettres de sûreté valables jusqu'à Noël 1407. Mais, peu après, le duc pensa disposer de ces prisonniers, car, dès le 22 mai, il fit payer aux Guérandais, par son capitaine de Batz, la rançon qui leur avait été fixée et ordonna de les transférer à Morlaix pour être échangés contre un prisonnier breton, Huges de Keranmanac'h, à la famille duquel le duc portait intérêt.

Les vaisseaux anglais capturés par les Guérandais furent vendus et le prix distribué aux vainqueurs. Peut-être la justice ne présida-t-elle pas à cette opération, car quelques-uns des combattants, ayant été évincés du partage, adressèrent leurs plaintes à Jean V qui dut intervenir pour leur faire rendre rançon.

La guerre dura longtemps sur mer. Pendant tout le XVème siècle, les navires croisicais, obligés de protéger leurs convois contre la piraterie anglaise, livrèrent des combats incessants, même en violation des traités. Le commerce que faisait alors le port du Croisic et la flotte qu'il entretenait étaient considérables. Le Croisic était l'intermédiaire entre les ports étrangers et Nantes. Aussi beaucoup de gentilshommes du pays de Guérande avaient armé des navires et, quand ils ne les employaient pas à la pêche ou aux opérations commerciales, ils s'en servaient à donner la chasse aux pirates ou à combattre avec les vaisseaux du duc, et, pendant la guerre de succession, cette flotte avait rendu à Jean IV d'inappréciables services. Les expéditions maritimes étaient passées à l'état de sport : nos marins regardaient comme un jeu de s'emparer du premier bateau qu'ils rencontraient et de piller sa cargaison ; cette habitude était ancrée dans les moeurs de l'époque et la navigation sur mer ne connaissait pas de loi.

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JEAN V PRISONNNIER A CHATEAUCEAUX (1420).

Les relations de Jean V avec les Penthièvre et les Clisson étaient, malgré les apparences, loin d'être bonnes. Margot de Clisson complota de s'emparer de la personne du duc, et, pour arriver à ses fins, l'invita, sous prétexte de réconciliation, à venir assister à de grandes fêtes au château de Châteauceaux. Jean V accepta et s'y rendit presque sans escorte : appréhendé en cours de route par le fils de Margot, il fut conduit prisonnier en Poitou, puis à Châteauceaux.

Cette trahison souleva la Bretagne. Une armée aussitôt rassemblée courut assiéger Châteauceaux. Les Guerandais, de leur côté, s'empressèrent de se rendre au secours du duc. Treize seigneurs du pays, accompagnés de 76 compagnons, tant arbalétriers et archers que marins, et 12 charpentiers, partirent du Croisic, sur deux navires et remontèrent la Loire.

La présence de l'armée bretonne suffit à effrayer Margot de Clisson. Le duc fut, en effet, rendu à la liberté le 5 juillet 1420. En récompense du dévouement que lui avaient porté les Guérandais, Jean V leur accorda une charte de privilèges [Note : L'original est aux Archives du Croisic. Il a été publié par R. BLANCHARD, Lettres et Mandements de Jean V, N° 1451], et anoblit Jean Jouhan, de Batz, qui s'était fait remarquer dans cette expédition et avait précédemment rendu d'autres services au duc, notamment dans la guerre avec l'Angleterre.

L'affaire de Châteauceaux eut pour résultat de liguer les seigneurs bretons contre les Penthièvre. Les Guérandais furent des premiers à assurer le duc de leur appui.

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LA FIN DU RÈGNE DE JEAN V (1430-1442).

Après une nouvelle guerre avec l'Angleterre (1425-1427), à la suite de laquelle Jean V conclut avec ce pays une alliance, qu'il dénonça peu après pour se retourner vers la France (1431), une grave querelle surgit avec le duc d'Alençon Jean II. Celui-ci s'était emparé, par surprise, de la personne du Chancelier de Bretagne, Jean de Malestroit, et le gardait prisonnier à Pouancé. Dans le but de le délivrer, Jean V alla mettre le siège devant cette ville, au mois de janvier 1432. Dans cette expédition, il retrouva encore le concours des Guérandais. Une petite troupe, de 25 hommes d'armes et de 15 archers, sous le commandement d'Olivier de Cleuz, remonta la Loire, jusqu'à Saint-Florent, sur des navires, emmenant avec elle des canons qu'elle prit à son passage à Nantes. Le siège de Pouancé dura plus d'un mois. Le duc d'Alençon finit par céder et délivra le Chancelier. Jean V récompensa les Guérandais en la personne de Jean Le Pennec, dont les descendants devinrent seigneurs de Lesnérac et de Lauvergnac, en lui conférant la noblesse pour lui, sa postérité et ses terres.

Cette lutte terminée, Jean V sentit le besoin de rétablir la paix générale. En mars 1432, il dépêcha au roi d'Angleterre Henri VI, une ambassade pour en discuter les bases.

A la tête de cette mission était Gilles de Bretagne, fils du duc, qu'accompagnaient le chancelier Jean de Malestroit et une nombreuse suite de seigneurs, dont Olivier de Cleuz qui avait conduit les Guérandais au siège de Pouancé. Cette ambassade reçut du souverain anglais un fort bon accueil, mais elle ne réussit qu'à se faire décerner des présents de valeur et dut rentrer en Bretagne sans avoir servi les sentiments du duc. La guerre avec l'Angleterre menaça bientôt, en effet, de reprendre. Pour résister à une attaque éventuelle, Jean V établit une aide sur les villes exemptes de fouages, et, dans la répartition qui fut faite de cet impôt, Guérande fut taxée pour une somme de 40 livres, que les habitants furent obligés de payer en proportion de leurs revenus.

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JEAN V ET GUÉRANDE.

Le duc Jean V porta toujours à Guérande un véritable intérêt, qui se traduisit par les privilèges qu'il accorda à la collectivité de ses habitants et à quelques-uns aussi en particulier, et surtout par les séjours fréquents qu'il fit dans la ville. C'est à Guérande que le duc, âgé de 15 ans, fit ses premières armes en combattant en personne les Anglais qui avaient opéré une descente dans la presqu'île ; et cette circonstance ne fut pas sans resserrer entre lui et ses fidèles Guérandais le lien d'attachement qui avait uni ceux-ci au père du jeune duc.

Jean V revint à Guérande quelque temps avant le guet-apens de Châteauceaux, en février 1419. Il était accompagné de son frère Richard, comte d'Etampes, de son chancelier Jean de Malestroit, évêque de Nantes, de l'abbé de Beaulieu, de son grand-maître d'hôtel et d'une suite nombreuse. C'est pendant ce séjour à Guérande qu'il fit don au chapitre de Saint-Thomas du Louvre de l'hôtel que les ducs possédaient à Paris sous le nom de Petite-Bretagne.

Après sa délivrance de Châteauceaux, Jean V vint de nouveau revoir Guérande au mois d'octobre 1422. Il y réunit même son Conseil en présence des évêques de Saint-Brieuc et de Tréguier, des sénéchaux de Rennes et de Lamballe et de plusieurs autres conseillers. Durant ce conseil, il autorisa les moines de l'abbaye de Prières, à transporter en franchise le sel des nombreux marais salants qu'ils possédaient dans la région. Huit ans plus tard, en septembre 1430, il passa de nouveau à Guérande, et, à la fin de mai 1439, il y fit un court séjour.

La dernière visite de Jean V à Guérande date du mois de septembre 1441. Après s'être arrêté le 2 septembre à Herbignac et y avoir couché, il arriva le lendemain à Guérande, où il passa plusieurs jours en compagnie de ses fils Pierre et Gilles, de l'évêque de Saint-Brieuc et de sa suite habituelle. Le jour même de son arrivée, il signa un mandement en faveur de l'abbaye de Saint-Mélaine, de Rennes, et le lendemain, il exempta des fouages Guillaume Eonnet, d'Herbignac, qui avait fait valoir ses mérites lors du passage du duc dans cette localité.

Comme institutions, la ville de Guérande doit à Jean V, outre sa charte de privilèges, la réglementation du devoir de guet sur les remparts et la constitution d'un groupe de milices. Primitivement le guet était fait par tous les habitants à tour de rôle ; mais, après la guerre de Succession, ce devoir avait été converti « à cens par deniers », c'est-à-dire en impôt payé par les habitants à l'effet d'entretenir une garde permanente. Mais cette transformation du guet ne laissa d'être inquiétante dans un temps où des débarquements de troupes étrangères étaient sans cesse à redouter. Les Guérandais demandèrent en conséquence à Jean V de rétablir le guet. Le duc déféra à cette requête. Dans la charte de privilèges qu'il accorda aux Guérandais le 5 octobre 1420, il décida la suppression du cens par denier et ordonna que le guet, dans les places de Guérande et du Croisic, serait fait par tous les habitants à tour de rôle, leur laissant cependant la faculté de se faire remplacer.

Pour compléter la défense de la ville, Jean V prescrivit, en 1425, alors qu'une guerre avec l'Angleterre devenait inévitable, l'armement des paroisses du duché ; suivant leur importance, chacune devait fournir de trois à six hommes pour constituer une milice. Cette milice ainsi formée fut divisée en deux groupes, celui de Nantes et celui de Guérande ; elle fut astreinte à des revues ou montres passées par le maréchal de la cour ou son délégué. La première montre de 1425 fut passée à Guérande par Jean de Muzillac, seigneur de Trévali.

Les remparts forment la principale oeuvre dont Guérande est redevable à Jean V. Dès le début de son règne, le duc s'était inquiété de faire mettre ses places fortes en état de défense. Il les fit visiter en 1405, et, à la suite de cette inspection, ordonna l'exécution des travaux nécessaires. Jean IV avait poursuivi hâtivement la construction des fortifications de Guérande ; mais, à sa mort, celles-ci étaient encore bien incomplètes. Son successeur se préoccupa de trouver les ressources nécessaires à l'achèvement des remparts. A cet effet, il prescrivit d'y consacrer le produit du dixième des vins vendus dans le pays ; mais ce mandement, qui devait frapper tous les citoyens, comporta bientôt des exceptions : en 1415, il exempta de cet impôt son chambellan, Jean d'Ust, pour toutes ses possessions des paroisses de Saint-Nazaire et de Saint-André.

De plus, les impôts et droits de coutumes mis en ferme pour l'achèvement des remparts soulevèrent des récriminations et des procès nombreux ; les habitants du Gâvre, entre autres, refusèrent de les payer, alléguant leurs privilèges et franchises et ils obtinrent gain de cause.

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LE RÈGNE DE PIERRE II (1450-1475).

Sous le règne de François Ier, fils et successeur de Jean V (1450-1457), les Guérandais ne trouvèrent pas l'occasion de faire valoir leur courage ; mais, sous Pierre II, ils réapparaissent dans l'une des phases les plus glorieuses des annales françaises. La guerre de cent ans touchait à sa fin. Après la victoire de Castillon, les troupes de Charles VII, dans les rangs desquelles combattaient des Bretons, avaient assiégé Bordeaux (octobre 1453), où les Anglais en déroute s'étaient réfugiés. Deux flottes bretonnes arrivèrent au secours du roi : l'une était commandée par l'amiral Jean de Quélénec et comptait 700 hommes de débarquement ; l'autre par Jean de Muzillac, capitaine de Guérande, qui amenait 200 hommes recrutés en grande partie dans la région guérandaise. Ces troupes firent preuve de grand courage, et Bordeaux tomba bien­tôt en leur pouvoir.

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LE RÈGNE DE FRANÇOIS II (1458-1488).

Avec le règne de François II, les troubles réapparurent, aussi profonds, aussi graves que du temps de Jean IV, par suite des démêlés que la Bretagne eut à supporter avec Louis XI et le duché de Normandie.

Les premières difficultés que François II rencontra dans ses relations avec le roi naquirent dès le début de son règne. La Ligue du Bien public avait réuni contre Louis XI ses grands vassaux, et le duc de Bretagne y avait adhéré. La rupture qui survint entre ce dernier et la Normandie, en 1465, fournit à Louis XI le prétexte d'intervenir en Bretagne. François II qui avait à ce moment la basse Normandie, leva de nouvelles troupes pour résister au roi. Le 5 mai 1467, il chargea Alain de la Roche de passer à Guérande la revue de tous les miliciens de l'évêché de Nantes, et, un an plus tard, le 26 juin 1468, il convoqua l'arrière-ban du pays de Guérande et fit armer tous les hommes disponibles. En même temps, il commanda d'équiper, pour la défense du pays, tous les navires aptes à supporter une campagne qui seraient trouvés dans les ports du duché, entre Saint-Malo et le Croisic. Le 13 août, il délégua les seigneurs de Trévécar et de Téhillac pour lever des marins et de nouveaux soldats dans le pays guérandais et les conduire à Redon.

La guerre fut arrêtée à ce moment par la conclusion du traité d'Ancenis (18 septembre 1468). Mais, comme un retour offensif du roi était attendu et prévu, François II continua ses armements. Le 19 avril 1469, il commit Jean Chauvin, seigneur de l'Eperonnière, pour passer, à Pontchâteau, la revue des miliciens guérandais. La situation du duc devint bientôt, en effet, des plus critiques. Des seigneurs bretons, mécontents et gagnés par le roi, avaient abandonné François II. Tanneguy du Châtel, grand-maître d'hôtel du duc, se fit l'instigateur de cette trahison, et entraîna à la cour de Louis XI des seigneurs parmi les plus illustres de Bretagne, comme Jean de Rohan. Deux gentils­hommes guérandais participèrent à ce complot, Jean de Bogat, héritier du nom de l'une des plus vieilles familles du pays, et Jean de Quilfistre. Les conjurés quittèrent la Bretagne au mois d'avril 1470. Louis XI les accueillit avec joie ; mais, en Bretagne, le duc les mit en accusation et fit instruire leur procès. La châtellenie de Quilfistre fut saisie « pour raison de forfaiz commis par Jehan de Quilfistre envers le duc ».

Une nouvelle coalition se prépara en 1471 contre Louis XI. En vue des hostilités, le duc fit passer à Guérande la revue des hommes qui devaient le service militaire, par le capitaine de la ville, L'Espervier, assisté de deux lieutenants, Jean Guillement et Galhant Chausson. La guerre n'intéressa le pays de Guérande que par les levées de soldats qui y furent faites, et aussi par sa protestation unanime contre les agissements de l'évêque de Nantes, Amaury d'Acigné, qui trahit François II au profit du roi. L'évêque, mis en accusation, fut déclaré rebelle. Le 14 février 1472, ses vassaux du régaire de Guérande se réunirent dans la ville pour envisager les moyens de défense à employer dans le cas où l'évêque, possesseur de fiefs nombreux dans le pays, voudrait y appeler les ennemis du duc, et ce d'autant plus facilement que les ports de la côte étaient « aisibles à descente ». Les gentils­hommes présents à cette assemblée jurèrent de défendre le pays contre les menées de l'évêque.

C'est dans ce sentiment que se rencontrèrent Alain Guillart, seigneur de Henleix, Guillaume de Kercabus, Pierre Lecomte, seigneur de Carheil, Guillaume de la Bouexière, seigneur de Brantonnet, Eonnet de Drézeuc, seigneur de Senon, Jean Le Bouteiller, seigneur de Lessac, Jean de Muzillac, seigneur de Trévali, Jacques Catonnet, seigneur de Kerhougas, Guillaume Catonnet, seigneur de la Gaudinais, Jean Quélo, seigneur de Kerdrien, Pierre de Kerméno, seigneur de Bréhet, Pierre Le Guerze, seigneur de Kersalio, Pierre de Kerguisec, seigneur de Kerfur, Jean Annirat, seigneur de Colveu, Pierre Guyet, seigneur de Renaudin, Jean de Renneguy, Pierre du Châtel, seigneur de la Jalousie, Jamet du Drézeuc, seigneur de Kercrédin. Jean et Guillaume Calon, Jean du Verrier, Olivier du Drézeuc, Jacques du Verger, Raoulet du Drézeuc, Eonnet du Châtel, et beaucoup d'autres.

Ils décidèrent d'envoyer au duc une députation chargée de l'assurer de leur fidélité. La noblesse confia cette mission à Jean Le Prieur, docteur en droit canonique, et le clergé à Alain de Kerguizeau, prévôt de la collégiale Saint-Aubin.

L'ennemi ne fit aucune apparition sur le territoire de Guérande. Les armements étaient activement poussés, et la ville pouvait braver le siège le mieux organisé. En 1474, une montre ou revue fut tenue à Pontchâteau par Roland de Rostrenen et Robert L'Espervier. Ces deux capitaines restèrent prêts à faire face à l'étranger. Rostrenen fut remplacé dans son commandement, en 1477, par Jean Meschinot, poète et guerrier, qui surveilla l'armement des milices. Celui-ci passa la revue de ses troupes en avril 1477, et, un mois après, Robert de l'Espervier convoqua en armes toutes les milices de la région.

La guerre avec le roi de France, après un arrêt, devint, en 1481, de nouveau menaçante : Louis XI qui venait de se rendre acquéreur des droits à la couronne de Bretagne, dont les Penthièvre avaient été privés par le traité de Guérande de 1365, se préparait à les faire valoir. François II en appela encore à ses Bretons. Le 24 juin 1481, il délégua le sieur de Vigneuc et Bertrand de Mareuil pour passer en revue les troupes guérandaises en prévision d'hostilités éventuelles. Mais François II s'était créé des ennemis parmi certains seigneurs bretons, et le trésorier Pierre Landais, qui depuis vingt ans dirigeait la politique du duc, avait contre lui-même accumulé leurs haines par son ardeur à défendre les droits du souverain. Les seigneurs résolurent de se délivrer de Landais en se rendant maîtres de sa personne. Des Guérandais adhérèrent à cette conspiration : Jean de Trévécar, Guillaume de Tréguz, Jean et Guillaume de Cleuz. Dans la soirée du 7 avril 1484, ils envahirent le château de Nantes, réclamant de François II la personne de son trésorier, fouillant les appartements, sans respect pour le duc et la duchesse. Mais la rumeur ayant éclaté en ville qu'on attentait à la vie du souverain, le peuple courut assiéger le château. François II parvint à calmer la foule : il pardonna aux conjurés et les garda jusqu'au lendemain, de peur que le peuple ne leur fît un mauvais parti. Aussitôt libres, ceux-ci envoyèrent, le soir même, une troupe de cavaliers à la Pabotière, où résidait souvent le trésorier, dans l'espoir de l'y rencontrer. Pierre Landais put s'enfuir à temps et se réfugia à Pouancé, dans les Marches d'Anjou. Les conjurés, craignant cette fois de justes représailles, s'enfermèrent dans Ancenis, qui appartenait au maréchal de Rieux.

Alors François II fut inexorable : il fit mettre en accusation les auteurs de cet attentat. Une ordonnance du 21 mai 1484 les déclara félons et prescrivit la démolition de leurs châteaux et la coupe de leurs bois de futaie. Cette sentence fut exécutée contre onze d'entre eux ; le château de Trévécar, en Escoublac, dont le seigneur avait trempé dans le complot, fut, en conséquence, démoli.

Dans le but de poursuivre et de châtier les rebelles, François II fit une levée de troupes. Un mandement du 12 juin 1485, enjoignit à Guillaume Calon, sieur de la Ville-Jame, capitaine-général de Guérande et du Croisic, de conduire à Nantes 80 barques, lesquelles emmenèrent 200 combattants guérandais, et des grains pour leur subsistance. L'entretien de cette petite armée revint à 916 livres. Deux autres troupes de Guérandais, l'une sous les ordres de Jean de Lesquellen, l'autre de Jean de Rouegni, furent équipées l'année suivante. Guillaume Calon et ses soldats suivirent le duc à Nantes et à Vannes.

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LA FIN DU RÈGNE DE FRANÇOIS II (1487-1488).

Le mécontentement que la régence d'Anne de Beaujeu créa parmi les seigneurs français décida plusieurs d'entre eux à émigrer en Bretagne à la cour de François II, où ils prirent un grand ascendant sur l'esprit du duc. Autour du souverain breton se trouvèrent réunis Dunois, le comte de Comminges, le prince d'Orange, le duc d'Orléans. Les seigneurs bretons furent alarmés, craignant d'être supplantés par ces étrangers dans les faveurs du duc et de voir ceux-ci déchaîner sur la Bretagne une nou­velle guerre.

Ils s'entendirent donc pour mettre fin à cet état de choses et se réunirent dans les premiers jours de mars 1487 à Châteaubriant, au nombre d'une soixantaine parmi lesquels se trouvaient le maréchal de Rieux, Guy XV de Laval, Pierre de Rohan et beaucoup de seigneurs guérandais : Jean de Trévecar, Guillaume et Jean de Cleuz, le seigneur de Tréguz, tous quatre ayant déjà trempé dans le complot contre Pierre Landais, les seigneurs du Verger, de Kerpoisson, de Kercabus, Fr. de l'Hôpital, seigneur de Lesnérac, Fr. Baye, seigneur du Mérionnec, Guillaume du Bois, sieur de Marlan, Pierre de Kerguisec, seigneur de Kerfur, Jean de Muzillac, seigneur de Trévaly, Pierre du Châtel, seigneur de Boisjollan.

Ceux qui avaient pris part à la conjuration contre Landais, cherchaient dans cette aventure l'occasion de satisfaire leur rancune contre le duc ; les autres étaient animés par la haine de tout ce qui n'était pas breton : c'étaient des patriotes exaltés qui ne comprenaient pas que François II put chercher en dehors de la Bretagne des amitiés et des secours.

Anne de Beaujeu leur fit des avances : ils acceptèrent de marcher avec les armées royales contre la Bretagne.

Au milieu du mois de mai, une armée française forte de 15.000 hommes entra en Bretagne. Ancenis, Châteaubriant, la Guerche et Redon lui ouvrirent leurs portes, et Ploërmel tomba en son pouvoir après quelques jours de résistance. De Ploërmel, les Français se dirigèrent vers Vannes où se trouvait François II. Le duc n'avait plus qu'une armée incapable de résister aux troupes de Charles VIII. C'est alors qu'il fit appel au dévouement de ses Guérandais : il envoya leur demander du secours. Le prince d'Orange, qui commandait Nantes au nom du duc, avait résolu de se rendre à Vannes pour lui venir en aide. Il était, à cet effet, allé au Croisic, où il apprit la situation désespérée de François II. Il s'embarqua avec une troupe de volontaires guérandais et fit voile vers Vannes, où il débarqua dans les derniers jours du mois de mai. François II s'empressa d'embarquer sur les vaisseaux guérandais qui le transportèrent au Croisic, tandis qu'Isabeau d'Ecosse, veuve de François Ier, fuyait de son côté et allait se réfugier à Guérande.

Vannes, assiégée par les Français, capitula quelques jours plus tard, le 5 juin 1487.

De là, l'armée du roi se dirigea sur Nantes, dans le but de s'en emparer. Cette ville était bien fortifiée, mais ses défenseurs étaient inférieurs en nombre aux ennemis. On remarquait parmi eux une troupe de 50O Guérandais que commandaient Guillaume Calon, François de Lesquellen, Guillaume Guillement et Jean de la Bouxière. Le duc la tenait en estime particulière, à cause de son courage et de son dévouement, et, pour mieux distinguer ces guerriers durant les combats « et les animer à bien faire, il leur avait fait distribuer des hocquetons marqués d'une croix de drap noir, selon l'ancien usage de la nation bretonne de porter la croix noire dans les combats ; et comme rien ne donne plus de courage à des troupes que l'assurance d'être remarquées par celui qui les peut récompenser, ces Guerrandois donnèrent un combat aux François dans la plaine de Biéce, et d'une manière qui mérita des louanges et des récompenses » (Gérard MELLIER).

Les Guérandais participèrent surtout aux sorties que les assiégés tentaient de faire ; on comptait toujours sur leur ardeur et leur entraînement pour exciter leurs compagnons. Le 3 août, les Nantais, réunissant toutes leurs forces, opérèrent une suprême attaque contre les assiégeants. Une colonne formée en majeure partie de Guérandais, sortant de la ville, passa la Loire et attaqua le camp français, où elle jeta tant de désordre et d'épouvante que les ennemis levèrent le siège. Les bourgeois de Nantes firent fête à leurs sauveurs : quand ils rentrèrent en ville, ils furent largement rafraîchis de vin « clairet », et la porte qui leur livra passage conserva le nom de Porte de Guérande.

Cette victoire, due au courage des Guérandais, arrêta pendant quelque temps la guerre. François II profita de cette accalmie pour rassembler les débris de son armée. Le 17 août, il manda à Guillaume Guillement, à Jean de la Bouxière et à François de Lesquellen, chefs des troupes guérandaises qui venaient de se couvrir de gloire, de réunir leurs troupes à l'embouchure de la Loire.

Le 19 octobre un nouvel ordre du duc enjoignit à Guillaume Calon, de recruter 300 nouveaux combattants à Guérande et au Croisic, de les armer, de les équiper et de les tenir prêts à se rendre à Redon au premier signal. Un mois plus tard, le 27 novembre, le lieutenant-général du duc au pays de Guérande, seigneur de Maische, et le capitaine de la ville, Jean de Chamballan reçurent l'ordre de mobiliser tous les nobles et ceux qui devaient le service militaire à quelque titre que ce fut, de les faire s'équiper et s'armer « selon leur état et richesse » sous peine de confiscation de leurs biens. Cette armée d'arrière-ban devait être mise à la disposition du prince d'Orange. Douze gentilshommes, pris parmi elle, furent chargés d'assurer la garde de la ville.

Pendant ces préparatifs de guerre, François II faisait instruire le procès des seigneurs qui l'avaient trahi en traitant avec Anne de Beaujeu. Il prononça la confiscation de leurs biens qui furent distribués à ses fidèles. Guillaume Calon, sieur de Ville-Jame, qui s'était distingué à la tête de l'armée guérandaise, reçut pour sa part les biens meubles de François l'Hôpital, seigneur de Lesnérac, de Guillaume de Tréguz, de Jean de Castellan et de Jean Calon, son propre parent. Jean du Verger, François Baye, Guillaume du Bois, Pierre Kerguizec, Jean de Muzillac eurent leurs biens saisis. Quelques seigneurs implorèrent leur pardon : Guillaume de Kercabus et son fils Jean obtinrent ainsi des lettres de rémission.

Les relations d'Anne de Beaujeu avec les seigneurs bretons émigrés à la cour de France ne tardèrent pas à devenir difficiles. Le maréchal de Rieux les rompit le premier et revint au mois de décembre en Bretagne se soumettre à François II.

Le duc se préparait à repartir en guerre. Le 11 décembre, il fit lever de nouvelles troupes dans le pays de Guérande. René de Kerboulard fut chargé de « prendre au terrouer de Guérande 1.000 ou 1.200 hommes » (Archives de la Loire-Inférieure, B 11, folio 68), pendant que Jean de Chamballan et Pierre Le Grart, capitaine et lieutenant de la ville, devaient conduire sans retard au prince d'Orange l'arrière-ban du pays, dont le rassemblement avait été prescrit le 27 novembre (Archives de la Loire-Inférieure, B 11, folio 68). Les « défaillants et déloyaux » devaient être immédiatement privés de leurs biens.

Le 27 décembre, le lieutenant général et le capitaine de Guérande reçurent l'ordre d'armer les plus grands navires du port du Croisic et de les faire monter par 140 guerriers pour une expédition d'un mois. Cette flotte était destinée à aller protéger l'entrée du golfe du Morbihan pour empêcher toute attaque par mer des villes de Vannes et d'Auray. Chaque combattant reçut pour sa solde et son entretien une somme de 40 sous (Archives de la Loire-Inférieure, B 11, folio 79).

Au mois de février suivant, le maréchal de Rieux alla mettre le siège devant Vannes, qui, depuis le 5 juin précédent, était au pouvoir des Français. La flotte levée en décembre au Croisic était encore présente dans le Morbihan, et son équipage avait été renforcé par 70 combattants du pays de Guérande, pris dans l'armée du maréchal. Les hommes n'avaient reçu que la solde d'un mois et se trouvaient sans vivres. Pour les « avitailler », François II ordonna la levée d'un impôt : il fit « tailler et esgailler de tout incontinent » la somme de 900 livres sur les habitants du Croisic et de Batz (Archives de la Loire-Inférieure, B. 11, folio 116).

Vannes tomba bientôt au pouvoir des Bretons. Mais ce succès fut suivi d'une période de grands revers : ils perdirent successivement Ancenis, Chateaubriant et Fougères. Le pays avait fourni en hommes tout ce qu'il pouvait ; l'arrière ban fut néanmoins convoqué le 13 avril, et le lieutenant-général de Maische tenta de mettre sous les armes tout ce qui restait d'hommes « tant nobles qu'innobles » à Guérande et à la Roche-Bernard. Le pays semblait véritablement inépuisable d'énergie et de dévouement. Cette levée de troupes, qui pouvait passer pour la dernière, fut suivie d'une autre, le 13 mai, et 780 hommes, plus ou moins jeunes ou valides, répondirent à l'appel de François II. L'indépendance bretonne était en jeu ; un dernier effort fut encore tenté, et, dans cette lutte suprême, tout ce qui restait d'hommes et de jeunes gens dans la paroisse de Batz s'enrôla le 19 juin au secours de la Bretagne en péril. Rien ne put sauver François II : la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier amena la capitulation de Rennes et Saint-Malo. Le souverain breton fut contraint de signer le traité du Verger qui livrait la Bretagne à la merci de la France.

François II ne survécut pas à ces revers. Le 9 septembre 1488, il mourait à Couëron, laissant à la jeune duchesse Anne une succession des plus difficiles.

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FRANÇOIS II ET GUÉRANDE.

Si François II fut plein d'estime pour la bravoure et le dévouement des Guérandais, il ne témoigna pas à leur ville le même attachement que Jean V. Les rares passages qu'il y fit ne furent que le résultat des hasards de la guerre. Dans ces revers il savait qu'aucune place n'était plus sûre pour lui que sa bonne ville de Guérande ; car, bien que les seigneurs de ce pays se fussent parfois séparés de lui, le menu peuple, bourgeois et paysans, était capable à son égard d'un infini dévouement. A la fin de son règne, tandis que les armements les plus héroïques répondaient toujours à de plus pénibles désastres, il trouva ses Guérandais prêts à tous les sacrifices ; et, alors que la Bretagne n'avait plus ni défenseurs ni argent, il se tourna vers le pays où il était certain de se faire entendre par ceux qui, dans tous les combats, avaient été à l'honneur.

Après la prise de Vannes, en juin 1487, au moment où les vaisseaux des Guérandais le sauvaient d'une situation qui semblait sans issue, la duchesse Isabeau vint sur ses conseils se mettre sous la protection du peuple de Guérande : nulle ville en Bretagne ne pouvait offrir plus de garanties, de sécurité.

François II, éminent guerrier, fit achever les remparts de Guérande. Le château ou porte Saint-Michel, les portes de Saillé et de Bizienne, la tour de l'Abreuvoir sont l'oeuvre de ce prince. Sur la fin de son règne, en 1487, il fit remettre à neuf les fortifications et creuser de nouveau les douves qui s'étaient en partie comblées avec le temps. Et pour ne pas surcharger le peuple d'impôts, il fit exécuter ce travail par tous les habitants de la ville et des faubourgs, recommandant à ses officiers de ne contraindre à ce travail ceux qui s'y refuseraient que par des « voyes douces et raisonnables ». A sa mort, Guérande était en possession de toute sa couronne de remparts, telle qu'elle est demeurée dans la suite.

Ce fut également sous le règne de François II que fut élaboré le plan du choeur de l'Eglise Saint-Aubin et que son exécution fut commencée.

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LA DUCHESSE ANNE. - LE SIÈGE DE GUÉRANDE DE 1488.

Après la mort de François II, la duchesse Anne se retira à Guérande, en compagnie du maréchal de Rieux, son tuteur, pour fuir, selon les uns, une épidémie qui sévissait à Nantes, mais plutôt pour se trouver en lieu sûr dans une ville où le peuple était connu pour son attachement à sa famille. Là, des ambassadeurs vinrent l'avertir que le roi de France désirait maintenir le traité conclu au Verger avec son père, mais qu'il lui imposait trois conditions : il voulait qu'on le désignât pour lui servir de tuteur ; les droits de la Bretagne fussent réglés par des arbitres, et que tous les étrangers sortissent de son pays. La duchesse fit répondre à Charles VIII qu'elle comptait observer le traité passé entre lui et son père, mais qu'elle n'entendait y ajouter aucune autre clause, et, pour montrer qu'elle comptait agir en souveraine, elle convoqua les Etats de Bretagne.

Cependant le sire d'Albret, à qui la duchesse avait été fiancée du vivant de François II, la pressait de l'épouser. Anne ne s'en souciait guère et déclara qu'elle ne consentirait jamais à ce mariage. Le chancelier Philippe de Montauban, qui se trouvait à Guérande avec la duchesse, l'encourageait dans cette résolution. Quant au maréchal de Rieux, il était partisan du mariage. Le différend s'aggrava, et le maréchal quitta Guérande. Il y revint bientôt, mais escorté d'une forte armée, pour s'emparer de la ville. Il avait réussi à intéresser les Croisicais et quelques seigneurs du pays à sa cause et à les entraîner dans sa folle expédition.

Guérande tint bon, fortement défendue et armée. Les secours, du reste, ne lui firent pas défaut ; dès les premiers instants, accoururent à son aide Dunois, Jacques Guibé, capitaine de 100 gentilshommes de l'Hôtel, Jean de Louan, capitaine des gens de guerre du duc d'Orléans. Leur action, renforcée par les sorties offensives des Guérandais, forcèrent le maréchal de Rieux à se retirer. La duchesse fit sévir contre les rebelles ; elle ordonna de « couper la teste aux prisonniers et paya leur rançon à ceux qui les avoient pris, pour oster, par cet exemple de sévérité, à ses sujets, l'envie de retomber en de pareilles fautes » [Voir Gérad Mellier, Essai sur l'Histoire du Comté Nantais (édit. Maitre, p. 113)]. Jean de Branguen, seigneur de Châteauloup, en la paroisse de Saint-André, qui avait suivi le maréchal dans sa révolte, eut ses biens confisqués par la duchesse, qui en fit don à son secrétaire Laurent Mazault.

Anne pardonna difficilement aux Croisicais et qualifia leur acte de félonie, de rébellion.

Sans perdre courage au milieu de ces difficultés, Anne sollicita le secours du roi d'Angleterre Henri VII, du roi d'Espagne et du roi des Romains. Avec Henri VII, elle conclut un traité à Rennes, par lequel le roi consentait à lui envoyer une armée qui devait être entretenue aux frais des Bretons. Le souverain anglais devait faire un débarquement sur les côtes de Guérande ou dans l'une des villes de Concarneau, Hennebont, Vannes ou Auray.

Le maréchal et le sire d'Albret s'étaient retirés à Rieux, tandis que la duchesse s'en allait à Nantes. A son arrivée devant cette ville, elle trouva les portes fermées et fut avertie qu'elle ne pourrait entrer que par une poterne avec les gens de sa suite. Elle refusa ces propositions et partit pour Rennes, où elle fut reçue en souveraine.

De son côté, le maréchal revint à Guérande, où il fit annoncer que l'entourage de la duchesse comptait la livrer aux Français. Cette nouvelle faillit provoquer en ville un soulèvement.

Charles VIII voulait la guerre. N'ayant pas obtenu la ratification des propositions qu'il avait fait soumettre à la duchesse à Guérande, il fit envahir la Bretagne par une armé de 12.000 hommes qui occupa Morlaix, Brest, Carhaix, Concarneau et Vannes, puis se dirigea vers la Vilaine, pour s'emparer de Guérande. Mais cette expédition fut arrêtée, sur le rapport qu'une troupe anglaise était arrivée au secours de la ville.

La fin de l'année se passa en armements. Le maréchal de Rieux prit à tâche de mettre Guérande en état de bonne défense. Un corps de 150 Allemands, sous le commandement de Stéphen Kereux, fut établi dans la ville, et une inspection des hommes susceptibles d'être armés eut lieu en octobre.

Le sire d'Albret, toujours irrité du refus de la duchesse, cherchait à se venger. Après s'être tourné vers Charles VIII, il laissa ses gens piller les régions qu'ils traversaient. En 1490, sa venue dans le pays de Guérande effraya les habitants qui, pour l'éloigner, lui versèrent une forte somme d'argent.

Le mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII mit fin à cette douloureuse période.

Comme son père François II, la duchesse Anne ne fit à Guérande que les séjours que lui commandèrent les circonstances. Ce fut dans cette ville qu'elle inaugura son règne par un séjour prolongé dans les derniers mois de 1488. Jusqu'à ces dernières années, la tradition indiquait une maison où elle avait demeuré ; cet immeuble fut abattu lors du prolongement de la rue de Saillé jusqu'à la place.

Sous son règne fut achevé le choeur de l'église Saint-Aubin, commencé sous François II. Les remparts étaient terminés, mais la duchesse Anne s'employa à fortifier la ville par l'envoi de canons et d'un matériel complet d'artillerie.

  (H. Quilgars).

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