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La mouvance de la ville de Guérande

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Une querelle de deux siècles 

entre les ducs de Bretagne et les évêques de Nantes

Ce fut une lutte de deux siècles que le duc Pierre Mauclerc engagea lorsqu'au début de son règne il entreprit de s'emparer, par la force et au mépris de la tradition, des droits que les évêques de Nantes possédaient, de temps immémorial, sur la ville de Guérande. L'origine de ces droits était assez confuse. Pierre de Dreux, en devenant duc de Bretagne, avait trouvé l'évêque de Nantes en possession de la ville de Guérande et de ses faubourgs, qui constituaient une portion fort estimable de son temporel, mais partageant cependant avec le duc certains droits d'administration, de police et de justice qui ne pouvaient être exercés en cette ville qu'avec le concours de l'un et de l'autre. Il y avait de plus une juridiction commune et une communauté de fief, ce qui n'était pas sans soulever de délicates questions de droit féodal ; la maison Gorion, au faubourg Saint-Michel qui servait d'auditoire à cette juridiction fut placée en 1332 en fief commun, de consentement mutuel. 

Le duc était suzerain direct de l'évêque pour son fief de Guérande ; mais il était son égal dans le fief commun et dans l'administration générale de la ville. 

Les droits des souverains bretons sur Guérande remontaient à une haute antiquité ; aux XIème et XIIème siècles ceux-ci faisaient rendre en cette ville la justice en leur nom par un judex ou sénéchal ; et antérieurement, Nominoë au IXème siècle avait laissé Gislard faire de Guérande le siège de son évêché breton. 

Les évêques de Nantes, de leur côté, avaient pris pied dans le pays de Guérande dès la fin du VIème siècle en succédant au comte Waroc'h dans son domaine d'Aula Quiriaca ; mais le schisme du IXème siècle les avait privés de toutes leurs possessions dans cette région bretonne. A la fin du IXème siècle, vers l'an 900 suivant les auteurs de la Gallia Christiana, l'évêque Fulcherius recouvra les domaines qui avaient été distraits de l'évêché de Nantes par suite de l'établissement de Gislard dans le pays de Guérande. Jusqu'à ce moment les évêques de Nantes ne paraissent pas avoir eu de droits sur la ville même de Guérande ; ils avaient possédé seulement à la pointe de Piriac un domaine qui se composait d'Aula Quiriaca et de ses dépendances ainsi que de l'île Dumet insula Aduneta (Note : Les évêques de Nantes furent confirmés par le roi Louis VI dans ces possessions en 1123). Mais, quand Gislard prit possession de ce domaine et établit avec l'assentiment de Nominoë, le siège de son évêché à Guérande, le roi breton lui concéda sans doute une partie de ses droits sur cette ville. A la fin du IXème siècle, les droits des évêques de Nantes sur la ville de Guérande furent-ils l'objet d'une confirmation, ou d'accords avec le duc et le comte de Nantes ? C'est, à défaut de document, entre toutes conjectures, celle qui semble la plus vraisemblable. Dans les luttes qu'ils eurent à soutenir à partir du XIIIème siècle, les évêques paraissent avoir été très forts de leurs droits. Le mandement de Jean V, de 1418 qui les termina définitivement, fait allusion aux accords des XIIIème et XIVème siècles dont il cite des fragments, et aussi à un livre ancien qui fut produit par l'évêque. Quel était ce vieux manuscrit que conservaient les archives de l'évêché ? Ce ne pouvait être le registre connu sous le nom de Livre de la Savate (Note : Conservé aujourd'hui aux Archives de la Loire Inférieure, G), contenant les traditions et les droits de l'église de Nantes, rédigé au XIIIème siècle, mais postérieurement au règne de Pierre Mauclerc ; mais plutôt un cartulaire où les évêques avaient consigné les preuves de leurs droits sur leur régaire de Guérande. Ce document, malheureusement perdu, eut ans doute révélé l'origine du mode d'administration qui régissait la ville de Guérande. 

Dans les premières années de son règne, Pierre Mauclerc s'empara du régaire de Guérande. Ce fut le commencement de cette lutte que la question de la Régale vint compliquer. L'évêque dépossédé demanda au Pape l'excommunication du Prince, ainsi qu'une sentence d'interdit ; mais vers 1218 un compromis intervint entre les deux adversaires (Note : Les clauses de cet arrangement ne sont plus connues que par les fragments qu'en donne une bulle du pape Honorius, de 1219, reproduite par Dom Lobineau, II, 374-375). Aux termes de cet arrangement, le duc de Bretagne restituait à l'évêque les terres dont il s'était emparé, et lui accordait une indemnité pour dommages-intérêts, garantie par les revenus du domaine ducal de Guérande. Ce compromis fut approuvé par le Pape Honorius en 1219. 

Pierre Mauclerc, vaincu, reprit aussitôt la lutte sous une autre forme. Il établit un impôt nouveau sur les sels de Guérande et prétendit en réglementer seul la vente. L'évêque protesta, affirmant que toute ordonnance concernant les sels de Guérande ne pouvait être prise par le duc que de concert avec lui, et avec son approbation. Ce nouveau différend prit une tournure si importante que le roi Philippe-Auguste dut s'en mêler En 1220, il envoya son sénéchal du Poitou pour enquêter par témoins sur les droits de chacun. Ceux du duc affirmèrent que jusqu'alors celui-ci avait rendu sans le concours de l'évêque des ordonnances concernant la police à Guérande ; d'autre part, ceux de l'évêque prétendirent le contraire (TRAVERS, Histoire de Nantes, I, 64). Le roi se rangea de l'avis de ces derniers, sans doute sur la présentation de règlements anciens, et son jugement fut que le duc et l'évêque devaient collaborer ensemble à la réglementation de la vente du sel et de la police à Guérande. 

Ce jugement ne découragea pas Pierre Mauclerc ; en 1234 une nouvelle querelle s'éleva à propos de la juridiction sur certains vassaux de Guérande (Bibliothèque Nationale, ms. f. 18703, f° 7) ; mais, Pierre étant mort, Jean Ier soumit la question à l'arbitrage d'Otto, évêque de Porto et légat du pape. La sentence de celui-ci, confirmée par Innocent IV, fut l'approbation et la répétition des accords et jugements antérieurs, sur le partage de l'administration et la juridiction de chacun sur ses propres vassaux (Archives de la Loire-Inférieure, E 74). 

Cette décision n'eut aucun résultat. Pendant un siècle la lutte continua, au mépris de toutes les conventions.

Pour mettre fin à cette situation dont souffraient surtout les petites gens, Jean III et l'évêque Daniel Vigier confièrent à deux arbitres, l'official Daniel Riou et le clerc Thomas Rébullet, le soin de discuter de nouveau leurs droits respectifs et de les fixer par un accord définitif. L'information des deux commissaires porta sur toutes les questions qui avaient fait antérieurement l'objet de contestations. Elle fut achevée et approuvée le 28 décembre 1332. 

Le procès-verbal d'enquête énonça tous les griefs de l'évêque contre le duc et ceux du duc contre l'évêque, avec la solution que les commissaires y apportaient. Ces griefs étaient au nombre de trente-trois ! 

En matière d'administration, de police et de justice, les droits et obligations de chacun furent déterminés et précisés : 

1° L'évêque doit entretenir un auditoire à Guérande servant à l'exercice de sa juridiction et de celle du duc ; « et aura à l'uys de ladite meson une claveure à deux clefs dont chescun desdiz conte et évesque aura une clef »

2° Cet auditoire qui, depuis un temps immémorial, était la maison Gorion au faubourg Saint-Michel, est mis « en la communauté » pour éviter que les officiers du duc et de l'évêque ne s'en excluent mutuellement comme cela était arrivé à ceux du duc qui, pendant une assise, avaient été enfermés à clefs dans l'auditoire par ceux de l'évêque. 

3° Pour réédifier le pilori commun détruit par Guillaume du Drézeuc pour percer en son lieu et place un puits « pour le commun profit de la ville...., les gens dudit conte et dudit évesque esliront une place en la communauté pour faire ung pilori commun entreulx si il leur plaist, et à despens communs »

« Item, il est ordonné que les gens dudit conte et dudit évesque bailleront coppie les uns ès aultres des acaz faiz par raison de la communauté, afin de faire déducion des ungs et autres »

« Item, sur ce que disait ledit conte que l'en avoit levé havaige indeuement et de nouvel en une maison de laquelle est faicte mencion ès aultres acors, est %cordé que ceulx qui les levèrent les rendront »

6° L'évêque peut seul « sceller les mesures » pour sa dîme, mais non pour celle du chapitre et le droit de mortuage. 

7° La dîme du sel doit être prise en nature ; à défaut, les décimateurs ne peuvent réclamer en argent que « selon le priz que le sel aura esté vendu, et non plus »

8° Le duc et l'évêque doivent de concert distribuer « ès pauvres gens » le grain du grenier commun. 

9° Le ban de vin doit être publié en même temps par le duc et l'évêque. Aucun habitant de Guérande ne doit être « si hardi de meptre vin en taunne » sans cette double publication. 

10° Le duc et l'évêque doivent avoir chacun un homme pour signer et marquer ensemble les mesures dont les étalons sont conservés en commun. 

11° Suivant « l'ancien usement », les préposés à la garde des étalons des mesures ne peuvent tenir « leurs plez » qu'une fois la semaine. 

12° « Le conte a ung sergent en la communauté, et ung en sa vavasserie ; tant seulement et pouront l'un et l'autre sergentir ès deux lieux ; et ensement aura ledit évesque deux sergens tant seulement pour son temporel de Guerrande, qui pouront en sa vavasserie et en la communauté sergenter »

Cet accord est suivi d'une longue énumération de plaintes que les deux adversaires s'adressèrent réciproquement pour violation de la personne de leurs vassaux respectifs ou de leurs biens, les officiers les arrêtant après les avoir « tranés hors de la communauté », les dépouillant de leurs chevaux, violant leurs propriétés, bien qu'ils n'eussent sur eux aucune juridiction. Sur tous ces griefs, les arbitres « n'ont pas ordrenné », laissant ses torts à chacun et se contentant de faire observer que toute violation par l'un des droits de l'autre n'emportera « saisine ni possession » pour l'avenir. 

L'accord de 1332, qui n'était que la reproduction et la confirmation des conventions adoptées sous Pierre Mauclerc, semble avoir été à peu près respecté pendant une cinquantaine d'années. Il est vrai que la guerre de Succession ne laissa pas aux Montfort le loisir d'entamer avec l'évêque de Nantes de nouvelles querelles de mouvance en la ville de Guérande. Jean IV, dans les premières années de son règne, semblait même animé de sentiments dépourvus de toute hostilité à l'égard de l'évêque. Après avoir restitué à celui-ci les marais salants qu'il avait perdus pendant la guerre, il lui accorda en 1384 l'autorisation « de lever et tenir justice patibulaire à deux postz en son terrouer et régaire de Guerrande » (D. Morice, Pr. II, 465). Mais deux ans plus tard un incident réveilla toutes les contestations passées : l'évêque ayant fait construire un mur joignant les fortifications de Guérande qui appartenaient au duc, le capitaine de cette ville, Eon de Rosmadec, le fit démolir comme édifié sur le domaine ducal. Cette affaire n'ayant pu se régler à l'amiable, l'évêque fit nommer des commissaires qui vinrent visiter les lieux, et le procès fut en dernier lieu porté au Parlement qui approuva la démolition effectuée par l'ordre du capitaine (D. Morice, Pr. II, 524 - Etats de Rennes du 19 mai 1386). 

Cet incident terminé au profit du duc soulevait non plus comme autrefois de simples questions d'administration et de police, mais une contestation de fief bien autrement grave. Déjà, en 1343, quand Jean de Montfort avait résolu d'entourer Guérande d'une ceinture de remparts, l'évêque avait protesté, l'accusant d'usurper sur son régaire (Bibliothèque de Nantes, ms. 1331, f° 493) en faisant détruire plusieurs maisons. La cour du comte, saisie de cette protestation, déclara qu'il n'avait jamais été dans l'esprit de Jean de Montfort de nuire à l'évêque. Celui-ci parut se contenter de cette déclaration tant l'établissement de fortifications paraissait nécessaire après le désastre que Louis d'Espagne avait, l'année précédente, fait subir à la ville. Mais si à cette date il était permis de demander à l'évêque de ne pas sacrifier à son intérêt celui de toute la ville, il n'en était pas de même en 1386 ; l'évêque possesseur de la ville de Guérande avait incontestablement le droit d'y faire toute construction, quitte à obtenir du duc une compensation pour abandonner une partie de son fief aux servitudes militaires. 

Cette affaire eut le don d'indisposer Jean IV contre l'évêque de Nantes. Il fit ressusciter par son procureur à Guérande, Perrot Delorme, l'antique querelle de mouvance sur la ville, plusieurs fois réglée. Immédiatement Perrot Delorme feignit d'ignorer les accords antérieurs ainsi que l'existence de la juridiction épiscopale ; et son successeur, le capitaine anglais Monde Radowell qui fut dans la suite procureur général au Parlement de Bretagne, s'arrogea l'administration complète de la ville, faisant seul au nom du duc les actes qui devaient être préparés et exécutés de concert avec l'évêque. Les protestations de ce dernier demeurèrent vaines.

Cette lutte se compliqua par une contestation de mouvance sur trois maisons du régaire que le duc incorpora dans son fief : l'une appartenait au receveur de la sénéchaussée Chuygnart, et fut saisie par le duc à cause de l'insolvabilité de cet officier : elle fut ensuite arrentée par Jean IV à un nommé Perret Rousseau, moyennant une redevance d'une paire d'éperons [Note : Cette maison était encore, au moment de la réformation du domaine de 1678, grevée d'une paire d'éperons. (Archives de la Loire-Inférieure, B 1501 f° 2407, et Archives Nationales, P 1601, f° 2407). Mais il est probable que ce ne fut pas Jean IV qui établit cette redevance sur cet immeuble, mais qu'il l'en trouva déjà grevé au moment où il s'en empara]. La seconde maison advint au duc dans une circonstance identique, à cause de l'insolvabilité du receveur Michel Boudi. La troisième était occupée par un boucher nommé Jean Cramezel ; elle avait été baillée par l'évêque à l'abbé de Pornic qui, après avoir «  désavoué l'évêque », en avait fait aveu au duc. 

Cette question de mouvance était particulièrement importante, elle permettait à Jean IV de reprendre la question soulevée par Pierre Mauclerc qui prétendait que la ville de Guérande n'appartenait pas à l'évêque, en replaçant dans son domaine propre des immeubles de la ville et des faubourgs. L'aveu de l'abbé de Pornic créait surtout pour l'évêque un précédent dangereux. Le prélat tenta de faire valoir ses droits, mais tant que vécut Jean IV il dut y renoncer. Son successeur consentit cependant en 1411 à le laisser démontrer son droit sur la maison Cramezel. Le 28 février, il commit le sénéchal de Guérande, James Le Flazne, homme impartial et juriste éminent, pour enquêter sur la mouvance de cet immeuble. Confirmé dans cette mission le 26 mars 1411, par le Gouverneur du comté de Nantes, Tristan de la Lande, il exécuta cette enquête le 27 juin suivant avec l'assistance de Jean Le Bouteiller, greffier de la sénéchaussée. Dix-sept témoins furent entendus : Morice Lecodz, 45 ans ; Jean Le Loyeuc, 45 ans ; Guillaume du Drezeuc, alloué de Guérande, 54 ans ; Lucas Le Baille, 60 ans ; Ernaut Lécrivain (Seigneur du Pontblanc en Guérande ; membre de la confrérie St Nicolas de Guérande), 55 ans ; Morice Le Fournier, 40 ; Olivier de Troffiguet, 55 ans ; Jean Prior, 42 ans ; Pierre Le Gars, 45 ans ; Perrot Priec, 33 ans ; Olivier Brenoguen, 60 ans ; Dom Jean Aubin (Membre de la confrérie St Nicolas), prêtre, 45 ans ; Dom Jean Unarhant, 37 ans ; Dom Pierre Lagat, 52 ans ; Jean du Darun, 40 ans ; Nicolas Lescouarneuc, 60 ans ; Olivier Lécrivain, 50 ans. Quinze d'entre eux étaient vassaux ou arrièrere-vassaux de l'évêque. Tous déposèrent de la même façon : il fut reconnu que Cramezel avait bien été vassal du régaire et qu'il avait même rempli, pour l'évêque, les fonctions de sergent (Note : L'original de cette enquête est conservé aux Archives de la Loire-Inférieure, E 74, elle est reliée avec une enquête de 1417 et comprend les feuillets 77 à 85). 

Le prélat avait cause gagnée. Il chercha immédiatement à se faire confirmer dans les droits qu'il exerçait sur la ville de Guérande, de concert avec le Duc, droits que Jean IV avait méconnus. Le souverain se montra peu empressé de souscrire à ces désirs : il en recula le moment autant qu'il fut possible ; mais enfin en 1417 il prescrivit à Olivier de Champballan, son procureur, et à James Le Flazne, son sénéchal, « d'enquérir du gouvernement ancien » des droits de justice et de police dont l'évêque disoit avoir été lésé par les officiers du duc à Guérande. 

Non contents de s'en référer aux accords antérieurs, les enquêteurs entendirent 29 témoins qu'ils interrogèrent sur un mémoire de treize articles renfermant l'énoncé des droits dont le prélat se disait spolié. Ces droits étaient :

1° La marque de l'étalon du muids de sel ; 

2° le règlement de la foire de la Saint-Michel ; 

3° le ban des vendanges ; 

4° les publications en commun ; 

5° le règlement des contestations à la foire ; 

6° la police des étrangers et des voyageurs ; 

7° la juridiction sur les délits commis en ville, le samedi ; 

8° la marque des mesures du blé et du vin ;

 9° la police sanitaire des denrées ; 

10° les tutelles ; 

11° la dîme des salines ducales ; 

12° et 13°, la mouvance des maisons Chuygnart et Boudi. 

Des 29 témoins entendus, 6 avaient été consultés déjà en 1411 : Morice Lecodz, Perrot Priec, Jean du Darun, Olivier Lecrivain Olivier de Troffiguet et Ernaut Lecrivain. Les autres furent Pierre Gouëré, 70 ans (Seigneur de Colveu en Guérande ; membre de la confrérie St-Nicolas de Guérande) ; Guillo Chapitre, Hernault Thébaud, 70 ans (Seigneur de Kerolivier en Herbignac, et de Trévin en Piriac) ; Guilaume Jarno, 45 ans ; Jean de Bogat, 42 ans ; Guillo Audren, 60 ans ; dom Jean Acgez (Prieur ou moine de Saillé ; membre de la confrérie St Nicolas), prêtre, 50 ans ; Olivier Deno (ou Danou, membre de la confrérie St Nicolas), 60 ans ; Martin Gouëré, 50 ans ; maître Yves de Houllees, prêtre, 40 ans ; Renaut Chauvete, 66 ans ; Geffroy Thébaud ; Jean du Châtel (Seigneur de Bissin en Guérande, fils d'un capitaine de Guérande), 45 ans ; Guillo du Drézeuc, 64 ans ; Perrot de Cleuz ; 35 ans ; Nicolas Le Gentil, 45 ans ; Guillaume Rivière (Seigneur de Brantonnet en Guérande, par son mariage avec Guillemette de Brantonnet, dernière du nom), 38 ans ; Henri Cordier, 50 ans ; maître Guillaume Cochart, chanoine de Saint-Aubin, 60 ans ; Roland Salaun, 60 ans ; Ernaud du Pontblanc, 62 ans ; Jean Le Bozeuc (de la famille des Le Boteuc de Coëtsal. Se distingua sur mer en 1406 et 1411 contre les Anglais), 40 ans ; Olivier le Gars, 50 ans Guillaume Fregnet, 42 ans. 

L'enquête révéla qui tout se faisait en commun entre l'évêque et le duc jusqu'au jour où Perrot Delorme fut envoyé par Jean IV comme procureur à Guérande. Cet officier « mist débat es dites choses pour hayne qu'il avoit o Olive Hebebar, officier de l'évesque, à ce l'on dit », mais ce fut plutôt comme l'affirmaient des gens mieux renseignés « pour acquérir la jurisdiction au duc seulement ». Delorme, d'après Radowell, avait si bien travaillé en ce sens que leur successeur, Geoffroy de la Chapelle, pouvait dire « qu'il ferait lesdistes choses et exercerait en l'estat qu'il les avoit trouvées », tant il considérait leurs empiétements de juridiction comme autant de droits acquis. 

Il fut bien établi que toutes les mesures devaient porter à la fois la marque du duc « à trois hermines en ung escusson », et celle de l'évêque, « une mitre » ; que les publications devaient se faire « de par le duc et de par l'évesque assemblement à la croez davent l'église de S.-Aubin » ; que les amendes devaient être partagées ; que les délits commis aux foires, le samedi, et par les étrangers, devaient être soumis à un tribunal composé des officiers des deux juridictions ducale et épiscopale, et les jugements transcrits sur le « pappier de la cour commune ». La police sanitaire devait être également exercée en commun. Les témoins rappelèrent à ce sujet qu'un jour « il fut trouvé chez un nommé Barribel, boucher, certaine char de beuff qui estoit infecte, et que ladite char fut condempnée par les deux juges du duc et de l'évesque assemblement, et de fait la firent bailler aux, chiens », mais que depuis le procureur Geoffroy de la Chapelle fit brûler au pilori « certain poisson qu'il trouva estre infect, et fist ledict exploict singulierement de par le duc, sans y appeler les officiers de l'évêque, combien qu'ils disoint se y opposer »

Toutes les dépositions confirmèrent donc la coutume et le droit reconnus depuis le XIIIème siècle. 

Les commissaires enquêteurs ne rendirent pas de sentence, mais communiquèrent au Conseil ducal leur procès-verbal. 

Une ordonnance de Jean V, donnée à Nantes le 23 février 1418 (Note : Archives de la Loire-Inférieure, E 74. — Le texte de cette ordonnance a été intégralement publié par M. René BLANCHARD, Lettres et mandements de Jean V, n• 1286) à la suite de l'enquête de 1417, confirma l'ancienne coutume et tous les règlements anciens, en disposant que l'administration générale de la ville de Guérande serait exercée en commun par les ducs de Bretagne et les évêques de Nantes. Les maisons dont la mouvance avait été contestée par Jean IV, furent reconnues comme étant sur le fief de l'évêque ; toutefois le duc conserva à son profit la redevance d'une paire d'éperons qui grevait la maison Chuygnart. Cette ordonnance mit fin à cette longue querelle de mouvance sur la ville de Guérande ; sa teneur, dans la suite ne fut jamais contestée ; mais aussi elle n'apporta aucun élément nouveau à l'état de chose que trouva Pierre Mauclerc quand il devint duc de Bretagne.

H. Quilgars

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