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La Révolution dans l'ancienne paroisse de Guer

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1° LES DOLÉANCES.

Les doléances de Guer. — Suivant un antique usage, les députés de chaque ordre, en se rendant aux Etats-Généraux apportaient de leur province un cahier dans lequel étaient consignés les motifs de plainte, les voeux et les instructions de leurs électeurs.

Par ordre de Louis XVI, la plus entière liberté fut accordée pour la rédaction des cahiers. Pendant les trois mois que durèrent ces opérations, il régna par toute la France une effervescence qui dégénéra en rixes dans certains endroits, même en Bretagne.

Aux archives départementales, on conserve les doléances de toutes les paroisses du Morbihan. Celles de Guer furent rédigées par un certain Paragot, greffier d'une juridiction en Guer ; elles sont signées d'un très grand nombre d'électeurs, gens appartenant aux familles les plus honorables de l'endroit. On y voit en tête le nom de plusieurs anoblis par eux-mêmes qui furent les chefs du mouvement révolutionnaire dans ce pays, et ne manquèrent pas d'en profiter, pour s'enrichir des biens de l'Eglise et de la noblesse émigrée, comme on a pu le constater, par la liste des acquéreurs des biens nationaux ci-devant rapportée. Doit-on voir, dans cette pièce, le véritable esprit public, ou simplement la mentalité du rédacteur ? Il est certain que le peuple était fatigué de l'ancien régime et que clergé et paroissiens soupiraient après une ère nouvelle. L'occasion était bonne de manifester et on n'y manqua pas.

Voici ce que les électeurs de Guer étaient censés demander à leurs députés aux Etats-Généraux de France.

1° Seulement deux espèces d'imposition, l'une réelle sur les biens-fonds, sans aucune distinction de leur nature, que l'on peut appeler cens royal — l'autre personnelle sous le nom de capitation — l'une et l'autre seront indistinctement perçues sur les trois ordres de l'Etat et sur le même rôle.

2° Abolition des francs-fiefs à 8 sols par livre.

3° Abolition de toute corvée féodale et de tous autres droits féodaux abusifs connus sous le nom de quintaine, soûle, saut dans l'eau, et des corvées aux grands chemins.

4° Suppression des droits de lods et ventes et contrats d'échange.

5° On demande que l'ordre du Tiers ait aux Etats de cette Province une représentation proportionnée à son nombre ; que son président soit électif et ne puisse jamais être gentilhomme ou anobli ou ecclésiastique ; que cette ville (Guer) soit désignée pour chef-lieu d'un district de 10.000 habitants.

6° Plus de fuye ni garennes.

7° La liberté de moudre à tel moulin qu'on voudra et d'avoir des meules à bras sans payer.

8° La liberté de bâtir des fours indépendamment du four banal et qu'il soit permis aux boulangers et fourniers de vendre publiquement leur pain tous les jours de la semaine.

9° Qu'il soit enjoint aux seigneurs de se conformer à l'ordonnance de 1669 et aux officiers d'y tenir la main [Note : C'est-à-dire de faire la preuve de leur noblesse] ; qu'il leur soit défendu de laisser chasser leurs commençaux sous peine d'en répondre en privé nom ; qu'il soit permis à tout propriétaire de porter le fusil sur leurs propriétés, pour leur défense et celle de leurs maisons, même pour celle de l'Etat en cas de besoin.

10° Au cas qu'il plaise à sa Majesté d'établir des sièges royaux, qu'il en soit établi dans la ville de Guer, qui doit être prise pour chef-lieu d'un district considérable en égard à sa population et à sa distance de toute ville voisine ; qu'en tout cas, qu'il ne soit créé de justice royale contre le voeu général ; que les basses et moyennes justices soient supprimées et réunies aux hautes auxquelles elles ressortent ; que dans tous les cas possibles, il n'y ait que deux degrés de juridiction.

11° La suppression de tous les tribunaux d'attribution, même de consulats, et que toutefois l'ordonnance de 1673 soit exécutable en ce qui concerne la forme sommaire de terminer les différents.

12° La faculté de franchir les rentes féodales et que les sommes dues pour le casernement, frais de ministre et fouage extraordinaires soient supportées par MM. de l'ordre de la noblesse et auxquelles ils ont trouvé le moyen de se soustraire ; qu'ils soient forcés d'obéir sur le franchissement et au surplus sur le pied et dans tels délais qu'il plaira à sa Majesté fixer le tout sans solidité soit pour le franchissement, soit pour le service de la rente [Note : Cet article est si mal rédigé qu'on ne sait pas ce qu'il veut dire].

13° Suppression des receveurs des devoirs royaux dont le produit de leur charge s'élève au détriment du public, parce qu'ils seront remboursés sur les deniers du trésor de cette Province et qu'après cette suppression les trésoriers et collecteurs de chaque paroisse verseront leurs deniers au bureau du trésorier de la Province.

14° Que les sergents de la haute justice la plus voisine, les premiers requis soient compétents pour faire sommation et contrainte afin de paiement de deniers royaux et qu'on soit tenu de s'adresser à eux ; qu'en tout cas, un autre sergent ne puisse exiger un plus grand droit qu'eux.

15° Que la dîme ecclésiastique ne soit perçue en cette paroisse qu'à la 50 gerbe, le sol en étant fort ingrat et stérile ; que les dîmes inféodées soient de même réduites à cette quotité.

16° Que les bénéfices simples dans l'étendue de cette paroisse soient réunis à la cure.

17° La suppression de toutes les pensions et établissements en faveur des nobles.

18° Qu'il soit défendu à qui que ce soit, d'attenter à la liberté des citoyens ; qu'il n'y puisse jamais y être porté atteinte sans l'ordre du Magistrat.

19° Que tous les souscrivants la déclaration du 27 décembre 1788 [Note : D'après les règlements administratifs de la Provence, les Etats devaient se réunir en décembre 1788. Le roi ayant interdit cette tenue, les députés du Tiers obéirent et s'en allèrent ; les deux autres ordres résistèrent. La noblesse publia et fit distribuer une déclaration où les députés des villes étaient malmenés et tombaient sous le coup des plus graves accusations. Cette déclaration du 27 décembre fut signée d'un grand nombre ; ce sont ceux-là que « les doléances » voulaient exclure] ne puissent être relus pour représenter le Tiers aux Etats-Généraux.

20° Que l'ordre du Tiers ne soit jamais exclu d'aucune affaire ecclésiastique, militaire ou civile.

21° Qu'il soit défendu de percevoir aucun droit de coutume sans lettres patentes.

22° Que l'assemblée périodique des Etats-Généraux à une époque fixée lors de la prochaine tenue ; même une assemblée extraordinaire en cas de changement de règne ou de régence.

23° L'administration gratuite des sacrements de l'Eglise et qu'il plaise à sa Majesté d'indemniser les recteurs et curés dont le sort est déjà si borné dans ce diocèse ; par conséquent, l'abolition de tout droit connu sous le nom de casuel.

24° Que le tiers des bénéfices consistoriaux soit versé dans une caisse diocésaine, pour le soulagement des pauvres du diocèse et destinés à établir dans chaque bourg un peu considérable, particulièrement en cette ville, un hôpital dans lequel seraient aussi reçus les malades des petites paroisses voisines.

25° Qu'il soit établi dans chaque sénéchaussée principale un bureau de correspondance avec lequel MM. les députés aux Etats-Généraux entretiendront relation pendant la tenue des Etats-Généraux.

26° Que le prix des eaux-de-vie et autres liqueurs soit le même pour tous indistinctement.

27° Abolition du tirage au sort ; en tout cas, que les domestiques des ecclésiastiques et des nobles y soient assujettis.

Signatures : Fabre ; Cloarec ; Joseph de la Desmardais-Jan ; de Laumaillerie-Jan et son fils ; Mathurin Pihuit ; Charles Haguet ; Noël Henrio ; Alexis Bébin ; Joseph Lechauff ; Labbe, etc., etc.

A l'assemblée première tenue à Ploërmel le 7 avril 1789, Guer fut représenté par le sieur Fabre et Foulon-Desclos.

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2° LES MUNICIPAUX.

Formation de la Municipalité (Registre des délibérations de la commune de Guer). — Nous avons dit que le clergé lui-même était entré dans le mouvement révolutionnaire, croyant sans doute pouvoir le diriger et l'empêcher de tomber là où il inclinait. Il en fut ainsi à Guer, Ménéac et la plupart des paroisses.

Monsieur Le Breton, recteur de Guer, présida lui-même l'assemblée où furent nommés les officiers municipaux. Ce furent : MM. Pihuit, Denis, Henriot, prêtres ; Jean Danion, Joseph Guillotel, Yves Resnais, Julien Artur, Jean Colléaux, François Crochard, Joseph Hochet, Pierre Beaujouan, M. Fabre, ex-président du comité patriotique, député aux Etats à Rennes en 1788 (4 mars 1790). Le 8 mars, M. Pihuit, vicaire, fut nommé Maire de Guer.

Actes de la Municipalité. — Le 11 avril 1790, elle demande une brigade de Maréchaussée (gendarmes) pour faire la police et empêcher de nouveaux troubles.

31 juin 1790. — Elle fait emprisonner pour 24 heures Jean Colleaux (on dit Colliau), de la Touche-Boulard, domestique chez M. le Blanc, et le fils aîné de Julien Rouxel, fermier aux Aulnais, pour avoir insulté le major de la garde nationale et plusieurs officiers, pendant qu'ils assistaient à la procession du Sacre.

16 juin 1790. — Ils écrivent à M. de Thiard, commandant en Bretagne, de leur envoyer des armes pour 100 gardes-nationaux.

3 août 1790. — Le Maire condamne à 8 jours de prison Michel Colleaux et Mathurin Loret, son beau-frère, pour les troubles qu'ils ont causés.

5 décembre 1790. — La Municipalité fait saisir les papiers de la juridiction de Guer qui se trouvaient chez M. Paragot, greffier de cette juridiction (le rédacteur des doléances) et chez M. Jan de Laumaillerie, ancien greffier de Guer et de la Hâtaie — ceux de la Voltais et de Porcaro chez M. Foulon-Desclos — ceux du Bois-Jan et Vauniel chez M. le Tismennar.

La Mairie. — La première Mairie de Guer fut la chapelle Saint-Thomas, aujourd'hui convertie en habitation particulière.

A la date du 17 novembre 1790, on constate que le conseil municipal siège dans cette chapelle, mairie provisoire.

Elle devint la Mairie définitive de la façon suivante : ayant entendu dire qu'on allait mettre en vente les biens d'église, à savoir : la chapellenie des Ruaux, le pré de la Croix, le clos du Chardonneret, la lande des communs, les fondations de Langouet, les municipaux supplièrent l'autorité de ne pas vendre la chapelle Saint-Thomas, « lieu ordinaire des séances du conseil et aussi nécessaire au culte, attendu que notre église est trop petite dans les concours extraordinaires de peuple et qu'elle sera prochainement en chantier, l'une des costières menaçant ruine ». Les directeurs du département acceptèrent par délibération du 19 février 1791.

Le 31 janvier 1793 le procureur faisait savoir que cette chapelle ne serait pas comprise dans les biens nationaux, et que M. Monnerais, chapelain de la fondation, devait en faire les réparations, sous peine d'être dénoncé au Directoire.

Formation du département du Morbihan. — Sur la liste des électeurs choisis pour la formation du département du Morbihan, faite à Vannes le 26 mai 1790, nous trouvons les noms suivants de la commune de Guer : Pierre Joubin, Jean Danion, René Chôtard, René Rouaud, Mathurin Rouxel, M. Pihuit, Jan de la Desmardais.

Démission du Maire et du procureur de la commune. — Les événements se précipitaient et l'air devenait mauvais ; le mouvement révolutionnaire et anticlérical s'accentuait tous les jours ; aussi le Maire et le procureur furent-ils amenés à donner leur démission. Voici comment les registres la rapportent : 17 avril 1791. M. Joseph Pihuit et J. Henrio, curés de Guer, nommés en mars 1790 maire et procureur de la commune de Guer, donnent leur démission, craignant d'être exclus bientôt pour n'avoir pas fait le serment constitutionnel. Les municipaux acceptèrent à contre-coeur, « pénétrés de la plus vive douleur de la démission de MM. Pihuit et Henrio, les remercient de l'assiduité et exactitude qu'ils ont montrées pendant leur gestion ».

Voici les paroles de M. Pihuit (17 avril 1791) : « Messieurs, La pluralité des voix de la commune de Guer m'ayant fait l'honneur de me nommer Maire en mars 1790, j'acceptai cette grande marque de confiance et ai tâché jusqu'à ce jour d'y répondre en accomplissant avec la plus grande exactitude, autant qu'il m'a été possible, les fonctions de cette charge. Mais ne pouvant plus actuellement les remplir pour les raisons que je viens de vous faire connaître, j'ai remis les sceaux de la municipalité. Signé : J. Pihuit, curé de Guer ».

M. Henrio dit : « Messieurs, La commune de Guer au mois de mars 1790 réunit ses suffrages pour me nommer son procureur. Sensible à l'honneur qu'elle me faisait j'acceptai cette place et j'en ai rempli jusqu'à ce jour les fonctions avec toute l'exactitude dont je suis capable et autant que me le permit le peu de temps que me laissaient mes autres occupations au service de la paroisse. Mais aujourd'hui qu'il s'est répandu dans le public une confusion de libellés diffamatoires contre les ecclésiastiques, je crains avec raison que noirci dans mon patriotisme par des ennemis calomniateurs, je ne le devienne aussi dans la probité qui doit toujours accompagner l'exercice de ma charge. D'ailleurs, enveloppé dans la liste de proscription qui dévoue au remplacement tous les fonctionnaires publics, non jamais je ne puis savoir le jour où je serai obligé d'émigrer [Note : Il fut en effet déporté à la Guyanne], et mon changement pouvant donner à la commune de Guer un juste sujet de se plaindre de n'avoir pas fait plus tôt mon renoncement, pour la mettre à même de me donner un successeur. Toutes ces raisons mûrement examinées m'obligent malgré mon attachement à la Municipalité de faire à la commune mes sincères remerciements. Je me démet donc et signe : J. HENRIO, curé de Guer, cy devant procureur de la Commune ».

Ce sont là de nobles paroles qui font honneur à MM. Pihuit et Henrio et aussi aux Municipaux de Guer qui vivaient en bonne intelligence avec ces Messieurs.

MM. Eon, marchand, et Perrot furent élus maire et procureur pour remplacer M. Pihuit et M. Henrio.

1er juin 1791. — Les Municipaux, sur les remontrances du procureur de la commune que des libellés contre le nouveau régime circulent partout, et sur sa demande, ordonnent qu'ils soient lacérés et brûlés sur la place publique le jour de marché.

Contributions. — 25 mars 1792. — Le chiffre des contributions fut fixé par le département à 34.755 livres pour les sept sections de Guer et les frairiens de Monteneuf.

Démission du Maire, 20 novembre 1792. — M. Eon, maire, et Perrot, procureur donnent leur démission tout en protestant de leur fidélité au nouveau régime qui a rétabli la liberté (?) supprimée depuis longtemps. MM. Saulnier et Foulon sont nommés pour les remplacer.

Le 18 décembre 1792, M. Saulnier dit qu'il vient d'être nommé visiteur principal des Contributions du Morbihan et qu'il doit aller habiter Vannes ; il donne sa démission de Maire.

Le 13 janvier 1793, M. Yves ou Joseph-Marie Renais est nommé Maire, et Julien Arthur, procureur.

27 janvier 1793. — Sur la demande du procureur Julien Arthur ou Artur les municipaux demandèrent : 1° le retour d'une brigade de gendarmerie qui existait depuis 1692 et qu'on leur avait retirée ; 2° un bureau d'enregistrement ; 3° des routes vers Ploërmel, Vannes et Plélan.

24 mars 1793. — On dressa à Monteneuf un acte d'union et de fraternité républicaine entre les municipaux de Guer, Plélan et le Loutehel.

Le Bureau d'enregistrement. — On vient de voir que l'on réclamait le rétablissement du bureau d'enregistrement. Il avait été installé à Guer en 1692 mais supprimé par la direction du département, en vertu d'une délibération du 26 mars 1791, malgré les réclamations des municipaux et partagé entre Ploërmel et Malestroit.

Gendarmerie. — La gendarmerie aussi installée à Guer en 1692, avait été retirée le 11 avril 1790. Les municipaux en demandèrent une, comme nous l'avons vu.

Le 26 août 1792, « craignant que la brigade de gendarmerie demandée par Mauron au détriment de Guer ne soit attachée à Mauron », les municipaux envoient une députation pour la réclamer à nouveau. Le 27 janvier 1793, le procureur renouvelait cette demande.

Attitude de la municipalité. — Née du mouvement réformateur ou plutôt révolutionnaire, la municipalité de Guer, comme toutes les autres, devait être entraînée, par les événements, plus loin peut-être quelle n'eut voulu.

Le mouvement s'accentue aussitôt après la démission de l'abbé Pihuit et de son confrère, M. Henrio. Nous avons vu la municipalité ordonner de brûler en place publique les écrits qui n'étaient pas favorables au nouveau régime (1er juin 1792).

Le 22 mai 1793, les municipaux signent l'acte d'union républicaine avec Plélan et le Loutehel. Puis on les voit obéir, sans protestation, aux ordres du gouvernement révolutionnaire. Ainsi ils font descendre les cloches et chargent de cette besogne Jean Morin, menuisier à Couesnel, lequel accepte avec empressement à condition de lui fournir des ouvriers et des cordes (1er mai 1793).

C'était pour obéir à un arrêté du 28 avril ordonnant de descendre et d'enfouir les cloches qui n'avaient pas sonné le tocsin à l'occasion des troubles qui s'étaient produits en mars [Note : A l'occasion du tirage au sort, le 10 mars 1793, qui avait provoqué des résistances dans la Bretagne et la Vendée].

Ils laissent emporter, sans protester, les vases sacrés de l'église de Guer, après les avoir remis au citoyen Dubreton (24 juin 1793).

Nous les voyons, par contre, prendre les intérêts du Marquis de Guer qui avait été imposé pour 4.000 livres de contribution patriotique et que l'administration trouvait insuffisantes.

Ils répondirent « qu'ils ne connaissent pas l'état de fortune de M. de Guer ailleurs qu'à Guer ; qu'il a dans les environs 18.000 livres de rente ; qu'il paye déjà d'imposition 2.866 livres, et qu'ils jugent que les 4.000 livres sont plus qu'en rapport avec ses revenus » (6 février 1791).

Ils n'avaient pas été toujours aussi bienveillants envers le Marquis de Guer. Par exemple, en 1790, M. de Guer s'étant plaint de ce qu'on avait brisé ses vitres et ses meubles, à Coesbo, et ayant prié la municipalité d'y mettre bon ordre en lui envoyant des agents pour le protéger, la municipalité répondit qu'elle n'en ferait rien, vu qu'il n'avait pas prêté le serment de fidélité au nouveau régime.

Le journal qui nous rapporte cette réponse ajoute que des gens ont monté M. de Guer sur un mauvais pannais et l'ont emmené en cet équipage à Rennes [Note : Journal « La révolution de Paris », du 23 au 30 janvier 1790. — Pannais veut dire : couverture de toile piquée servant de selle alors fort en usage], la tête tournée vers la queue du cheval.

 

MONTENEUF.

En 1790, Monteneuf fut érigée en commune, du canton de Guer, district de Ploërmel, et incorporée au département du Morbihan.

Il paraît que Monteneuf ne s'empressa pas de profiter des avantages qu'on lui offrait. Il est probable cependant qu'un semblant de municipalité y fut établi. En 1793, le Maire se nommait M. Joubin. On a beau chercher dans les archives de la Mairie, on ne trouve trace de registre de délibération. Dans celui de Guer (11 vendémiaire, an VI, 6 octobre 97) on constate « que la commune de Monteneuf qui faisait autrefois partie intégrante de Guer n'a aucun agent ni adjoint ni autre fonctionnaire public et qu'on considère le canton (de Guer) [Note : Guer avait été érigé en canton avec Monteneuf seul pour succursale] comme formé d'une seule commune ».

Une autre note, à la même date, dit ceci : « Lambéis, agent municipal de Guer et Foulon, agent de Monteneuf, jurent haine immortelle à la royauté et à l'anarchie ». C'étaient des entre-deux, des lâches.

En fait, la municipalité de Monteneuf ne fut véritablement constituée que vers 1820.

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3° LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION.

Ils furent marqués par un mouvement populaire dirigé contre les nobles et leurs châteaux, dans le but de brûler les registres où se trouvaient consignées les rentes seigneuriales. Nous allons le faire connaître aussi complètement que possible, d'après les écrits et la tradition.

Le soulèvement éclata en janvier 1790 (Voir : « La Bretagne républicaine depuis 1789 jusqu'à nos jours », par Ch. Laurent, Lorient, 1875) dans la région comprise entre Rennes, Redon et Ploërmel. Une troupe de 1800 paysans partagés en trois bandes et renforcées successivement des habitants du pays qu'ils parcouraient, pillent et brûlent les châteaux qu'ils rencontrent. Les domaines de la Chapelle-Bouexic appartenant à M. de Pigneux, du Bois-Sauvage à M. de la Châtaigneraie, du château des Champs à M. de Piré sont les premiers incendiés dans le voisinage de Rennes. Cinquante autres gentilshommes fuient devant la dévastation de leurs propriétés, cherchant un refuge dans l'antique capitale de la Bretagne.

Les habitants de la Chapelle, entre Ploërmel et Pont-du-Roi (du-Roc probablement), abattent les fossés de Brilhac. Ceux d'Augan, de Guer, de Réminiac forcent, l'arme au poing, MM. de Cintré, de la Voltais, du Bot de la Grée, de Langan, Mademoiselle du Guiny à faire de leurs droits une renonciation conçue en ces termes : « Je déclare renoncer à mes fiefs, dîmes, rôles, afféagement, lods et ventes, rachats et droits de recette dont je fais remise pour le passé et l'avenir aux habitants de la paroisse... sur la demande qu'ils m'en ont faite, et de plus je déclare que les dits paroissiens sont de très honnêtes gens (?) et se sont comportés avec toute la décence possible. Signé... ».

Les habitants des paroisses de Mauron, Loutehel, Campel, Comblessac, Plélan, Maxent, armés de fusils, fourches, faucilles, pillent et saccagent entre autres châteaux, celui de M. de Guer et exigent de ce seigneur une pareille renonciation à ses rentes et droits féodaux.

Il en fut de même pour le château de l'Evêque à Saint-Malo de Beignon.

Le 28 janvier 1790, environ 400 campagnards des paroisses environnant Beignon, de Maure, Mernel, Saint-Séglin, Bruc, etc., tous vassaux de l'évêque de Saint-Malo, s'insurgèrent contre l'autorité de ce prélat (Mgr de Présigny) vinrent en furieux à Saint-Malo de Beignon, s'emparèrent violemment des vivres et boissons de M. Jean-Baptiste Pascheu, notaire et procureur, l'un des sous-fermiers de la baronnie, menacèrent de mettre le feu au château épiscopal et n'y renoncèrent qu'à la vue des titres seigneuriaux qu'ils livrèrent aux flammes avec de sauvages démonstrations de joie. Ils partirent ensuite satisfaits d'avoir assouvi leur haine. Mais ils revinrent dès le lendemain 29 ; toutefois, ils se contentèrent ce jour-là de piller la maison du concierge et quittèrent définitivement Saint-Malo-de-Beignon sans avoir mis le feu au manoir de l'Evêque (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, HG 82).

A cette vue d'ensemble, ajoutons quelques faits particuliers à la commune de Guer.

Château de Porcaro. — On lit dans « L'Extatique de Bretagne, Madeleine-Morice. — Lamarzelle, libraire à Vannes. Introduction, pages 5 et 6 ».

« Le château de Porcaro échappa d'une manière presque miraculeuse aux spoliations des Bleus. Il fut le seul qui ne fut pas visité par les colonnes incendiaires qui parcouraient le pays en tout sens. Dieu sembla détourner les pas des Bleus de Porcaro où Madeleine expira, où ses écrits étaient conservés avec une Vierge miraculeuse vénérée aujourd'hui dans l'église de Porcaro.

Cependant on savait parfaitement dans tout le pays que ce château était l'asile de tout ce qu'il pouvait y avoir de plus suspect, chouans, vendéens émigrés, proscrits.

Tandis que les propriétaires environnants étaient forcés de se cacher dans leurs fermes sous des habits de paysans, Mlle du Guiny, la protectrice et l'amie de Madeleine, à qui appartenait alors Porcaro, fut la seule qui ne voulut recourir à aucun déguisement. Elle demeura intrépide [Note : Sauf l'incident raconté plus haut. — Une autre fois, elle fut arrêtée, mais relâchée. Son château a été reconstruit ; on n'a conservé que l'escalier, en forme de tourelle, et les cuisines] au milieu des dangers, consolant les nombreux affligés que créait cette époque, inspirant courage à tout ce qui l'approchait. Cependant on s'attendait si bien à la voir attaquée, dans Porcaro, que les gens du lieu y avaient organisé une sûre défense. Les volets encore percés de trous nombreux attestent les précautions prises pour tirer à coup sûr, de l'intérieur, sur les assaillants ».

La Grée de Callac. — En février 1792, une bande de paysans venus d'Augan et du Binio, sous la conduite du prêtre Joseph Pontgérard, devenu révolutionnaire et assermenté, arriva au château de la Grée, avec le dessein de forcer le comte du Bot à brûler ses titres seigneuriaux et ses papiers, sous peine de voir incendier sa demeure. Son sang-froid sauva son château du pillage et peut-être de l'incendie : « Quand cette troupe de forcenés entra dans la cour de la Grée, M. du Bot était debout sur le seuil de la porte de sa cuisine ; et il fumait la pipe, chose fort rare alors parmi les gentilshommes ; il voit venir les Sans-Culottes, écoute froidement leurs réclamations et leurs menaces ; puis, pour toute réponse, il va vers un pailler voisin, fait un énorme tortillon de paille, et rentre dans la cuisine, d'où il ressort aussitôt, tenant d'une main un tison embrasé, de l'autre son tortillon de paille et se met à courir dans la direction du Binio. Les paysans ébahis se mettent à sa poursuite, lui demandant où il va et ce qu'il veut faire. — " Mettre le feu chez vous, leur crie-t-il, puisque vous voulez le mettre chez moi ". Ce fut assez : les républicains déconcertés se dispersèrent et on ne les vit plus à la Grée ».

Plus tard, l'abbé Pontgérard reconnut son erreur, se rétracta, fut pris et déporté à Jersey ; revint à Augan, solliciter des secours pour ses confrères qui manquaient de tout, se rencontra à Hardouin avec ceux qu'il avait autrefois injuriés, recueillit leurs offrandes, fut pris par les patriotes et guillotiné à Rennes sur la place du Palais, le 9 mars 1794 (Marquis de Bellevue. La Seigneurie de la Grée de Callac, p. 60).

Château de la Voltais. — Au moment où éclata le soulèvement des paysans contre les nobles, la Voltais était habitée par M. Joseph-François-Marie le Provost de la Voltais avec son fils, M. Joseph-Mathurin. Ardent défenseur du trône et de l'autel, il fut pris et emmené à Rennes (sans lui laisser le temps de quitter ses sabots) où il fut emprisonné, relâché après le 9 thermidor (27 juillet 1794), il rentra à la Voltais, où il mourut en 1806.

Madame de la Voltais fut assaillie par un officier subalterne et menacée de mort pour avoir caché des prêtres. (On montre encore la cachette dans le château). Mais le chef du détachement s'interposa et défendit de la maltraiter. Ce qu'il fit, mais après l'avoir gifflée. Son fils, Joseph-Mathurin, qui alors était en bas âge, n'oublia pas l'insulte faite à sa mère et ayant plus tard rencontré à Dinan l'officier malhonnête, il lui demanda réparation par les armes et l'obtint.

Pour soustraire l'argenterie à la cupidité des soldats, on la mit dans une ribotte en bois et l'on chargea Jean Robert, Jardinier (Joseph Guiny était le cocher) de l'enterrer dans le jardin. Mais au moment où il s'apprêtait à le faire, il fut appréhendé par les gendarmes qui le fusillèrent sur place.

On raconte qu'une bande de gens venus d'Augan menaça de tout brûler si on ne leur remettait les papiers contenant les rôles des rentes seigneuriales. En homme bien avisé, M. de la Voltais les fit boire d'abord et manger à discrétion ; puis il leur remit un tas de papiers sans importance qu'ils brûlèrent avec satisfaction et s'en allèrent ensuite.

Villeblanche. — Ce château fut pillé par les patriotes dans la nuit du 22 au 23 février 1791.

 

La force publique entre en scène. La contre-révolution débute. — Après les paysans, ce furent les agents de l'administration révolutionnaire qui furent lancés contre les prêtres et les nobles. Les gendarmes de Malestroit et de Ploërmel firent de nombreuses incursions dans Guer et arrêtèrent plusieurs prêtres.

Le 3 novembre 1792, Guer reçut un détachement chargé de perquisitionner chez les suspects. Le conseil municipal, toujours docile, nomma Charles Le Goff pour accompagner le commandant.

La loi des suspects ne fut votée que le 17 septembre 1793 ; elle était appliquée à Guer avant d'être votée à Paris.

Contre les dénonciateurs on vit alors se lever des hommes résolus à leur faire payer leur vilaine besogne et à se faire des justiciers : ce furent les chouans.

Tout d'abord, ils sont isolés, sans organisation, mus par le seul sentiment de défense individuelle et de représailles. Bientôt ils devinrent un corps organisé avec des chefs, un mot d'ordre et un but déterminé : ce fut la chouannerie.

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4° LA CHOUANNERIE.

Considérations préliminaires. — Aujourd'hui la question de la chouannerie en Bretagne est de plus en plus l'objet de l'étude des érudits et des fouilleurs, comme on les appelle, non sans une légère pointe de malice. La chouannerie est vraiment l'étude du jour, du moins dans notre département. Puisque nous y sommes amenés par la suite de notre travail, nous en dirons aussi quelques mots et nous envisagerons la question dans son ensemble avant de l'étudier dans le petit cadre où nous nous sommes renfermé.

Les chouans ont été les défenseurs du trône et de l'autel ; ils ont dit qu'ils travaillaient pour ces deux nobles causes. Quelle fut l'idée dominante de la chouannerie ? Quelle cause l'a surtout provoquée et fait éclater ? Est-ce la défense de la religion tout d'abord et avant tout ; est-ce l'idée de venger la mort du roi et le désir de mettre Louis XVII sur le trône de France ?... Sur cette question, comme sur bien d'autres d'ailleurs, les avis sont partagés. De notre temps, où le sentiment royaliste a baissé, voire disparu dans un grand nombre d'esprits, on aime à dire généralement que la chouannerie fut avant tout, d'aucuns disent exclusivement, un mouvement d'indignation religieuse, provoqué par le bannissement des prêtres fidèles, la fermeture des églises, les mesures de persécution contre tous les bons catholiques.

Tout en admettant que ce sentiment eut une grande part dans le soulèvement de la Bretagne et de la Vendée, il est impossible de ne pas convenir, l'histoire est là pour le prouver, que la mort de Louis XVI produisit sur tous les bons esprits une impression profonde et que ce fut, à partir de ce moment, que la révolte devint générale. L'occasion, on le sait, fut le tirage au sort ordonné par le gouvernement révolutionnaire. Le peuple ne voulut pas comprendre la raison qui le faisait agir et se révolta. Ce fut l'étincelle qui mit le feu en Bretagne.

Maintenant, si nous nous demandons pourquoi les chouans sont devenus si impopulaires, disons le mot, si exécrés du peuple, alors qu'ils furent les défenseurs de tout ce que les paysans aimaient et vénéraient, nous trouvons plusieurs explications qui nous paraissent probantes.

Premièrement, ils combattaient le gouvernement établi, ce qui est toujours mal vu de l'ensemble du pays. Ils eurent pour adversaires et détracteurs tous les écrivains à la solde des gouvernements qui se sont succédé depuis 1789 jusqu'à nos jours, si l'on en excepte peut-être la Restauration. Ils ont été attaqués par tous les ennemis de la religion, et on sait qu'ils sont légion, très habiles à s'emparer de l'esprit public et à le façonner à leur manière de voir et de penser. Eux-mêmes, il faut le reconnaître, ont commis des excès, ce qui était inévitable, — étant donné la nature humaine — surtout ils ont été confondus avec les faux-chouans, organisés, payés par la Convention pour venir piller et brûler, massacrer le pauvre peuple, au nom du Roi et de la religion, afin de déshonorer les vrais chouans et les perdre dans l'estime publique.

Voici, en effet, ce que Sotin, ministre de l'Intérieur, écrivait au Commandant Oudard : « Je vous envoie des Jacobins qui rendront en Bretagne d'immenses services ».

Ce qu'ils détestent le plus au monde ce sont les chouans. « Laissez-les faire ; donnez-leur de la besogne ; qu'ils soient barbares en criant : " Vive le Roi " et en priant le ci-devant bon Dieu » (Georges Cadoudal et la Chouannerie, p. 189).

La Convention régularisa cette infamie par son arrêté du 4 septembre 1796.

Cela étant dit, nous allons raconter, sans parti pris, mais avec franchise et loyauté, ce que nous savons de la révolution et de la chouannerie en Guer. Nous prendrons Guer : 1° quartier-général des Chouans ; 2° quartier-général des Bleus.

1° Guer, quartier-général des Chouans. — Il faut croire que la réaction se fit dans l'esprit des paysans et que l'ensemble du pays fut favorable au mouvement de protestation, puisque nous voyons les Chouans établir leur quartier principal à Guer même, et leur chef, le comte de Puisaye, s'établir à Coesbo.

Le comte de Puisaye [Note : Il a eu beaucoup de détracteurs ; on l'a accusé d'ambitions ; on a blâmé sa manière d'être vis-à-vis des autres chefs chouans. Il faut cependant lui reconnaître de grandes qualités] fut le véritable organisateur de l'insurrection dans la partie de la Bretagne qui s'étend de Rennes à Ploërmel et environs. Cette résistance fut organisée par lui après la défaite des Vendéens à Savenay, le 24 décembre 1793. Déjà elle avait été tentée par le Marquis de la Rouerie à la fin de 1792 et se termina par la mort tragique de son organisateur.

Puisaye avait pour lieutenant principal M. de la Trébonnière et sous-agent le chevalier de Busnel, propriétaire du Bouexy en Néant et de Rue-Neuve, en Tréhorenteuc.

Les principaux chefs de la région de Ploërmel furent en outre MM. Louis-Hippolyte du Bouays du Couetbout, Victor Urvoy de Closmadeuc, le Marquis de Guer et son fils, Jouanneaux du Lobo, Louis de Sol de Grisolles, ancien officier de marine, chef des Chouans de la région de Rochefort et Redon, en 1793, après la mort de M. de Caqueray de Lorme, dont nous avons raconté la mort, tout près de Saint-Nicolas-du-Tertre (Voir « l'Ancienne Paroisse de Carentoir », p. 413).

« Puisaye avait d'abord établi son quartier-général à Plélan, puis au château de Coetbo, en Guer, et enfin à Fougères » (Paimpont, p. 253). Mais bientôt il revint dans le pays de Guer et il s'y trouvait au commencement de mai 1794, lorsque entre son armée, forte d'environ 800 Chouans, il rencontra l'armée républicaine d'Ille-et-Vilaine qui venait lui barrer la route, pour l'empêcher de rejoindre la troupe de Georges Cadoudal. Cette armée comptait environ 3.000 hommes, commandés par les généraux Damas et Vendling.

Le 3 mai 1794, un furieux combat s'engagea entre les troupes républicaines et les Chouans. Puisaye remporta la victoire sur l'armée d'Ille-et-Vilaine, mais ne put atteindre celle du Morbihan que commandait le général Avril.

Ce combat de Beignon est ainsi raconté par « le registre de Concoret » de l'abbé Guillotin : « Le samedi 3 mai 1794, un détachement d'environ huit cents Vendéens, venant du côté de Guer, attaqua dans la lande de Beignon une troupe de patriotes qui fut mise en déroute et dont plusieurs furent tués, entre autres le curé constitutionnel de Montauban et le juge de paix du dit lieu » [Note : Paimpont, 253-255. — « L'abbé Pierre-Paul Guillotin, né en 1750, d'abord chapelain de Thélouet, en 1774, puis vicaire à Baulon et Saint-Servan. Chassé de cette paroisse en 1791, il se réfugia à Concoret où il rédigea un journal des événements survenus dans son voisinage pendant la période révolutionnaire. Il retourna en 1801 à Saint-Servan où il mourut en 1814 »].

Après ce beau fait d'armes, nous avons à signaler ce qu'on est convenu d'appeler « le siège de l'église de Guer » et qui nous intéresse tout particulièrement. Nous avons de ce combat deux récits qui diffèrent par la date et quelques détails, puis la tradition du pays.

Le dictionnaire d'Ogée et l'Histoire des Paroisses de M. Le Méné donnent la date du 25 janvier 1795 pour l'incendie de l'église de Guer, celle du 8 février pour l'incendie du presbytère.

M. de Bellevue dans « Paimpont » nous dit que le combat eut lieu le 10 juin 1796. La nouvelle édition de « la Vendée militaire » du P. Drochon, nous dit « fin de décembre 1795 ». Enfin, dans une délibération inscrite au registre (24 vendémiaire, an V — 15 octobre 1796), on enregistre que « l'église de Guer a été brûlée par les Chouans, que la partie restante est découverte, qu'il est impossible que la garde nationale puisse plus longtemps y séjourner ».

Il en résulte, toutefois, que ce fut après la réorganisation de la chouannerie par le comte de Puisaye, à la suite de la défaite des Royalistes à Quiberon le 17 juillet 1795 et les odieux massacres qui suivirent la capitulation de l'armée royale et catholique.

Nous donnons ici les deux récits :

1° Combat de Guer (10 juin 1796) (Voir Marquis de Bellevue. — Paimpont, p. 259). — « Après Quiberon, Puisaye organisa une compagnie dite " les chevaliers catholiques " dont firent partie entre autres, MM. Constant et Charles Huchet de Cintré, Jean-Louis Joulneaux de Breilhoussoux, Ferdinand de Sagazan, Joseph de Porcaro, Ruault de la Tribonnière, Joseph le Provost de la Voltais, le chevalier de Busnel, trois de Farcy. Cette troupe d'élite résolut d'attaquer la garnison de Guer qui pillait et incendiait tout le pays environnant. Elle entra à Guer le matin du 10 janvier 1796, refoulant les républicains qui s'enfermèrent dans l'église où ils se retranchèrent et d'où ils firent un feu meurtrier sur les Royalistes. M. Alexandre Apuril de Lourmay réussit à s'établir avec une dizaine d'hommes dans une maison voisine de l'église, du grenier de laquelle il tua beaucoup de Bleus qui cependant se défendirent toujours. Lassé de cette résistance, M. Auguste de la Blairie entreprit avec quelques autres, de briser à coup de hache la porte de l'église. Ce que voyant, les Républicains ouvrirent subitement cette porte et firent un feu de salve sur les assaillants. M. de la Blairie reçut une blessure dont il mourut une heure après. Il n'avait que dix-neuf ans. M. de la Tribonnière, le voyant tomber, l'avait pris dans ses bras et porté dans une maison voisine. Etant sorti lui-même quelques instants après, il fut frappé d'une balle à l'oeil gauche qui le tua raide. Près de lui périt un sergent nommé Castellan qui avait échappé au désastre de Quiberon, et plusieurs Chouans furent blessés en relevant le corps de leur chef. Ces pertes décidèrent les Royalistes à se retirer et, emmenant leurs morts et leurs blessés, ils gagnèrent la Chapelle-Bouexic, puis le château de Bréquigny. Après leur départ, les Républicains mirent le feu à l'église qui fut en partie détruite ».

Autre récit (fin décembre 1795) : « La Trébonnière, chef de la division de Mordelles et de Guer dans lesquelles Puisage a établi son quartier-général, s'était rendu maître des campagnes entre Vannes et Lorient. Inquiété par les garnisons de Mordelles et de Guer, il prend le parti d'aller attaquer cette dernière. Le combat s'engagea : il fut sanglant. Les patriotes retranchés dans l'église dont ils firent une citadelle s'obstinaient à continuer le feu. La Trébonnière donna le signal de la retraite. Le jeune Olivier de la Blayrie s'y oppose ; il entraîne de nouveau La Trébonnière et tous deux meurent presque du même coup. Les Royalistes se débandent » (Vendée militaire illustrée, édition de L. Drochon, T. III, p. 499).

Une compagnie de gens du pays prit part au siège de l'église de Guer. Elle était commandée par le capitaine Costard, du village de Saint-Etienne. C'est lui qui fut chercher à Maure, chez M. Le Chauff, les armes et l'argent nécessaires. On cachait l'argent sous la pierre du foyer du capitaine Costard, la poudre dans son foin, les fusils sous la racine d'un gros pommier qui existait, il n'y a pas encore de nombreuses années. Costard avait pour compagnon le soldat Savigné (le grand justicier du pays) qui se distingua pendant la période chouanne et dont il est parlé dans l'histoire de Carentoir.

A la restauration, Costard fut récompensé comme il le méritait. Il reçut un sabre (que nous avons vu) et une épée d'honneur que l'on conserve dans la famille.

On raconte qu'il y eut, aux environs de la ferme de Corrio, un violent combat entre les Chouans et les Bleus. En entendant la fusillade, les gens de l'endroit se portèrent au secours des Chouans et les Patriotes durent se retirer.

Dans le bois du Sillio, près de Pébusson, il y avait un trou appelé « le trou au loup » où les Bleus jetaient les Chouans qu'ils pouvaient prendre, sans avoir ou après les avoir fusillés.

Depuis ce temps, on entend en ce lieu des plaintes et des gémissements, dit-on.

Les Bleus se cachaient aussi dans le bois de Trosy, en Monteneuf. Un soir, la femme de la ferme entendit comme de petits coups de sifflet ; elle interroge et on lui répond deux ou trois fois ; elle s'avance, mais mal lui en prit....

Pour terminer, disons d'après la tradition locale, que les Chouans, avant de se retirer, mirent le feu au clocher de l'église de Guer ; il se communiqua au reste de l'édifice qui fut en grande partie brûlé. A partir de ce moment, la garnison dut aller s'établir au château de Coesbo. Ne valait-il pas mieux que l'église fut brûlée que de servir de caserne à une pareille soldatesque ? C'était « l'abomination de la désolation dans le lieu saint ». Le feu purifie [Note : Il existe, paraît-il, une peinture représentant le siège de l'église de Guer. On nous a dit l'avoir vue, mais on ne se rappelle pas où. C'est regrettable]. D'ailleurs il n'est pas certain que les chouans aient brûlé l'église ; nous sommes même convaincus du contraire : ce sont les Bleus qui l'ont incendiée, en se retirant.

2° La colonne républicaine à Guer (Voir « Les bleus en campagne », Revue de Bretagne, février 1902 et suiv.). — Le lamentable échec des Emigrés n'avait ni découragé, ni désorganisé les Chouans, comme on aurait pu le croire. Ils continuèrent la campagne, comme si rien n'était.

Dès le 22 novembre 1795, le commissaire de la municipalité de Guer avait signalé au district de Ploërmel, demandant du secours, la présence de 2.000 Chouans à la Chapelle-Bouexic et 4 à 500 à la Bourdonnaye, en Carentoir. « Ils ne cessaient d'enlever les grains de la République et menacent de nous attaquer », disait-il. Il en était de même à Rochefort et aux environs. Le district signalait la présence de 4.000 Chouans disséminés dans le pays et s'apprêtant à attaquer Rochefort.

Ce que voyant, l'administration résolut de frapper un grand coup, et en avril-mai 1796 « une colonne mobile de 12 à 1500 hommes sous les ordres des adjudants-généraux Simon et Crublier » fut envoyée dans le pays et se mit à parcourir les communes de Guer, Beignon, Campénéac et Augan (Archives du Morbihan, L 1227).

Pour se venger de ne pas rencontrer de Chouans, elle se mit à piller, pour se faire la main.

Des détachements furent laissés en observation à Guer et les autres continuèrent leur marche dans la vallée de l'Aff. Le 19 floréal, an IV (9 mai 1796), ils se heurtèrent à une bande de Chouans au château de la Bourdonnaye : ils étaient de 7 à 800, bien armés, bien commandés, les uns à cheval et les autres à pied. La colonne républicaine n'osa pas les attaquer et les deux armées se poursuivirent jusqu'à la limite de Monterrein et de Ploërmel. Les Chouans passèrent par Saint-Jean-de-Villenart et Guirhel et arrivèrent au Bois-de-la-Roche, arrachèrent les plombs du château pour s'en faire des balles. Ayant perdu la trace des Chouans, Simon et Crublier laissèrent les soldats se livrer à un pillage qui dura 2 jours et eut pour théâtre les communes de Caro et Monterrein. La troupe se replia ensuite sur Guer et Plélan, chargée de butin, sinon de gloire. « Elle laissait derrière elle la dévastation, le vide, le désespoir et la mort. Elle n'avait respecté ni les biens ni les personnes, n'avait reculé devant aucun attentat. Bref, elle s'était comportée vis-à-vis de compatriotes, comme elle ne l'eut pas fait envers des étrangers ».

D'après le rapport de Mlle Angélique-Perrine de Marnière, femme de M. François du Bois-Baudry [Note : Angélique de Marnière était fille de Julien-Joseph de Marnière, marquis de Guer et de Angélique Olive de Chappedelaine. Leur mariage avait eu lieu dans la chapelle de Couesbo, le 19 novembre 1754], propriétaire du château de la Haute-Touche, en Monterrein, les dégâts et pillages faits à son château se montaient à 1.977 livres.

En se repliant sur Guer, les soldats de Simon s'arrêtèrent à la Grée de Callac et pillèrent le château malgré les scellés qui y avaient été apposés par le citoyen Le Cuel, juge du canton de Campénéac. Il renfermait les meubles et effets d'Alexis-François du Bot, père d'émigré, décédé à la maison de la Grée de Callac.

Le citoyen Yves Delameulle, notaire public à Campénéac, fut chargé d'aller constater le bris des scellés et les dégâts commis à la Grée de Callac. Voici la déposition qu'il fit le 25 floréal devant le district de Ploërmel :

« Le 22 du présent mois, environ les 11 heures du matin, nous y avons trouvé la citoyenne veuve Dubot [Note : C'était : Marquise Emilie-Judith du Moulin du Brossay, fille de Daniel et de Marquise-Antoinette Le Borgne. Elle avait épousé Alexis-François-Amator du Bot, chevalier seigneur de la Grée, du fait de sa mère Jeanne-Marie Ermar, héritière de la Grée. Il mourut à la Grée en 1796, âgé de 77 ans] à laquelle parlant, nous avons déclaré le sujet de notre transport. Et la ditte veuve Dubot nous a déclaré que dimanche, 19 du présent mois, environ les 10 à 11 heures du matin, il entra une troupe de soldats armés de fusils et en uniforme bleu dans la maison de la Grée, qui commencèrent par fouiller, insulter, maltraiter les domestiques. Ensuite de quoi, une partie montèrent dans la chambre où elle se trouvait lors, sautèrent sur elle et lui arrachèrent de force une montre d'or qu'elle avait à la ceinture, lui prirent dans ses poches environ 24 à 25 livres en argent, une petite malle d'écaille argentée, un flacon rempli d'aiguilles, et ils lui donnèrent plusieurs coups de pied et de poing. Ensuite ils descendirent et sortirent dans la cour. Les ayant suivis et s'étant plainte au commandant des vols et insultes qu'elle venait de recevoir, elle et ses domestiques, ce dernier lui demanda si elle connaissait les voleurs et qu'au surplus elle n'avait qu'à envoyer quelqu'un de sa part aux moulins de Bréant où il allait se rendre avec sa troupe, que là il eut fait fouiller tous ses soldats et rendre tous les objets volés. Ensuite de quoi ils partirent, et ayant prié ses domestiques de se rendre au dit lieu de Bréhant, pour y réclamer les objets volés, aucuns ne voulurent y aller dans la crainte d'être fusillés. Le lendemain, le 20, environ les 9 à 10 heures du matin, entrèrent sept hommes armés de fusils et de bayonnettes et habillés de bleu qui fouillèrent ses domestiques et leur prirent tous les objets dont ils se trouvaient munis. Ensuite de quoi ils montèrent dans sa chambre, y déchirèrent la bande de scellés apposés sur la serrure de l'armoire à gauche en entrant, forcèrent la serrure, prirent tous les effets qui leur convenaient le mieux et notamment quatre sacs remplis d'argent de différente monnaie, un mantellet de taffetas noir garni de dentelles, disant que cela était bon à faire des cravattes et plusieurs autres effets tels que mantellets d'indienne de mousseline, robes, tabliers, bas de soie et de coton, tant à son usage qu'à celui de son mari ; en un mot, ils remplirent leurs sacs et prirent la fuite et s'en furent rejoindre leur corps qui était à Monteneuf  » (L 1197).

Les châteaux n'étaient pas seuls à recevoir la visite des Bleus et à se voir dépouillés par eux. Toujours en se rendant de Caro à Guer, ils trouvèrent moyen de voler, sur la lande de Monteneuf, plus de vingt têtes de bétail évaluées de 3 à 400 francs (L 1197).

Des enquêtes furent faites par les juges de paix de Guer, Caro, Campénéac, mais de pure forme, on le pense bien. Il en fut de même du général Hoche et du ministre de la Guerre. En pouvait-il être autrement ?

Deux procès-verbaux attestent que les soldats républicains de Simon ne respectent même pas, en Guer, les propriétés des fonctionnaires de l'Etat, ni celles des patriotes que la peur des Chouans faisaient se réfugier dans les villes et avaient pris une part active au mouvement révolutionnaire. Nous voulons parler du citoyen Fabre, juge au tribunal de Vannes et des Jan de la Desmardais, personnages qui nous sont connus [Note : 9 juin 1793 : « Les citoyens Charles Jan père, membre du Conseil général du département, et Baptiste Saulnier sont nommés (par le Conseil municipal) pour assurer le salut et la tranquillité publique et jurent de maintenir l'indivisibilité de la république, son unité, la liberté et l'égalité ou de mourir pour la défendre » (?)].

« Sur réquisition du citoyen Fabre, procès-verbal des dégâts faits en sa métairie de Choisel de Haut et Choisel de Bas (acquise nationalement) fut dressé par Charles Haguet et Julien Arthur, agents municipaux de Guer. Il y est dit que 300 hommes de ceux qui étaient logés à Coesbo y vinrent piller le 18 floréal et y commirent pour 800 francs de dégâts » (L 1234).

« 12 floréal an IV, nous Charles Haguet, agent national de Guer et y demeurant et Julien Arthur, adjoint, demeurant au village de la Desmardais, à requête de Barbe Rouxel [Note : Soeur ou mère du prêtre Rouxel qui fonda « la Mission » à Guer. — Charles Jan de la Desmardais, fils de Charles, notaire et procureur de Guer et de Catherine Mellier, fut baptisé le 14 août 1767], femme de Charles Jan-Desmardais, fils et belle-fille du citoyen Charles Jan père, réfugiés à Rennes, (par crainte des Chouans) et d'eux chargés de veiller à leurs droits et conservation de leurs propriétés, demeurant en l'enclos de cette ville, nous sommes descendus en la maison du dit Charles Jan près rue Gurval, au derrière de la ci-devant église pour constater les délits et dégradations commis par la troupe aux ordres des généraux Simon et Crublier, le 11 et 12 floréal. Assistés de deux menuisiers experts, Pierre Le Bourgeois et Lucien Jambut, de Guer, avons examiné la porte de la cuisine ; le battant droit a été fracturé, le battant gauche enlevé, et perquisition faite d'iceluy dans la ditte maison sans le trouver aucunement, présumé brûlé... Nous étant transportés à la maison de la Galerie, rue Rencontre, nous avons vu la porte de la grange ouverte et forcée avec bayonnètes et dedans la ditte grange sept barriques remplies de miel, fors la 4e qui sondée a paru avoir été tirée par la bonde et le fausset jusqu'à concurrence de la moitié. De tout quoi.... Signé : Haguet, agent national, Julien Arthur, adjoint, Rouxel, femme Jan, Louis Jambut, menuisier, P. Le Bourgeois, Mahé, secrétaire provisoire » (L 1234).

Pendant ces pillages, Simon et Crublier se tenaient à Guer et reçurent du district de Ploërmel une verte semonce ; ils répondirent par des explications dans une lettre datée de Guer (Guer, 21 floréal, an IV) où ils disaient avoir reçu l'ordre de poursuivre partout et d'employer les moyens qu'ils jugeraient nécessaires et ne regrettant rien de ce qui avait été fait.

La guerre entre Chouans et Bleus se continua pendant l'année 1796. Un traité de paix fut signé à Lohéac le 21 juin 1796, mais ne donna pas grand résultat ; la guerre reprit avec une certaine violence en 1799 ; enfin, le 13 février 1800, Cadoudal signa la paix au château de Beauregard près de Vannes. Mais la paix ne fut définitive qu'après le traité d'Amiens conclu le 22 mars 1802.

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5° LE CLERGÉ ET LA RÉVOLUTION.

Le clergé ne fut pas hostile au mouvement qui se produisit en 1789, loin de là ; il supporta sans trop de récrimination la perte de ses biens injustement mis à la disposition de la nation.

Mais quand il fallut faire le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790, il ne voulut pas entrer dans cette voie schismatique et la plupart des prêtres le refusa.

De là, grande fureur du gouvernement républicain qui d'étape en étape, arriva à édicter le bannissement des non-assermentés sous peine de mort.

Parmi les prêtres de Guer, nous n'en connaissons pas qui ait fait le serment exigé par la loi ; au contraire, dans les rapports officiels, ils sont tous présentés comme des fanatiques, des enragés, etc.

12 juin 1791. — Dans une lettre des administrateurs du district de Ploërmel on lit : « Nos prêtres font le diable après avoir mangé le bon Dieu... ». MM. La Noë, recteur de Caro ; Le Breton, recteur de Guer ; Janvier, doyen de Beignon ; le recteur de Campénéac sont tous décrétés de prise de corps ; M. Favrot, vicaire à Campénéac, et Maubec, avocat à Ploërmel, sont dangereux, excitent les prêtres à la révolte.

Voici un autre document plus explicite : c'est un rapport adressé à l'administration départementale par Gaillard de la Touche, procureur-syndic de Ploërmel, le 17 juin 1792 (Archives départementales).

Dans cette pièce officielle Guer est représenté « comme le repaire et le foyer de la coalition ».

Sont signalés comme se trouvant à Guer, à cette date, outre le recteur et ses deux vicaires, Gicquel, chapelain de Porcaro (refuge des prédicateurs de tout le canton) : 

Gourier, prêtre, « fanatique enragé ».

Deux Chevel, « tous deux frères, chassés de Rennes pour fanatisme ».

Plantard, « ex-curé de Mohon, chassé aussi pour fanatisme ».

Plantard jeune, « adjoint de l'autre ».

Chastenet, prêtre « fou ».

Hervé, prêtre « modéré ».

Ces prêtres devaient exercer le ministère à Guer ou originaires de cette paroisse ou y avaient leur famille, car les décrets qui les expulsaient de leur paroisse les condamnaient en même temps à se retirer à 10 lieues de distance ou dans leur famille.

Sur un ancien recteur de Comblessac, on porte le jugement suivant : « Gérôme Jan, prêtre, ci-devant recteur de Comblessac, né à Guer, mort hier en son domicile à Comblessac, en enfance » (11 juin 1793).

Voici les noms des prêtres de Guer condamnés à la déportation, d'après les listes officielles :

1793-1794 : MM. Le Breton, recteur de Guer ; Bebin, prêtre à Guer ; Plantard, prêtre à Guer ; Denis, prêtre à Guer ; Foulon, vicaire à Monteneuf ; Cormier, prêtre à Guer ; Hemeric, prêtre à Guer ; Monnerais, prêtre à Guer ; Michel, prêtre à Monteneuf ; Pihuit, vicaire à Guer ; Poirier ; Jean-Baptiste Chastaux ; Pierre Hervé à Monteneuf ; Morin ; Gaurier ; Henrio ; autre Morin.

Le jugement de l'histoire sur ces prêtres est tout autre que celui des administrateurs de ce temps-là. C'étaient de bons prêtres. Voici une petite notice sur quelques-uns d'entre eux.

M. LE BRETON est recteur de Guer en 1789. Il avait fait partie de l'administration du district de Ploërmel dans les années 1790 et 1791. Mais il ne tarda pas à encourir la haine des révolutionnaires parce que, non content de refuser le serment avec ses deux vicaires, il lut en chaire le bref du Pape condamnant la constitution civile du clergé.

Le 28 août 1792, il demandait à être déchargé des papiers et registres de l'église. On fit droit à sa demande et le tout fut déposé dans une armoire à la sacristie.

Le 6 mai 1792, il écrivait aux directeurs, les priant de lui payer sa pension.

Il resta plusieurs années à Guer, fut arrêté et saisi par un de ses paroissiens.

Devint curé de Guer au Concordat.

Curé constitutionnel. - A Guer, les patriotes voulurent avoir un recteur ou, comme on disait alors, un curé constitutionnel à la place de M. Le Breton.

La cure de Guer fut présentée à M. Mordillet, curé assermenté de Trésigny (près de Lannion). Par lettre du 23 septembre 1791, celui-ci disait qu'il acceptait volontiers Guer, si les électeurs le choisissaient pour curé. Il fut nommé par eux quelques jours après. Cependant il ne crut pas devoir accepter à cause de l'opposition de l'Evêque constitutionnel des Côtes-du-Nord. Sa lettre de renonciation est du 6 octobre. Dans une autre datée du 28 juillet 1791, il avait témoigné sa satisfaction de ce qu'on songeait à lui pour la cure de Ploërmel et acceptait le cas échéant. Guer eut la chance de n'avoir pas de curé assermenté.

M. PIHUIT. - Nous l'avons vu exercer les fonctions de maire et donner sa démission. Il fut au nombre des prêtres déportés.

M. HENRIO, second vicaire et adjoint de Guer, démissionna, comme nous l'avons dit.

Par lettre du 3 novembre 1791, il réclama à l'administration le paiement de sa pension, ainsi que le prêtre Danion, en décembre de la même année. Il demeura dans le pays de Guer aussi longtemps qu'il put. Il fut pris en 1798 et condamné à la déportation à la Guyanne, avec quelques autres prêtres morbihannais. Le navire qui les y conduisait fit naufrage et fut pris par les Anglais qui emmenèrent en Angleterre les prêtres qui s'y trouvaient. M. Henrio dut rentrer à Guer en 1800.

M. FOULON, curé de Monteneuf. — Le 13 juin 1791 il écrivit à M. Gaillard, procureur-syndic du district de Ploërmel, pour lui dire qu'il a refusé le serment et lui demander le paiement de ses mois échus.

Il resta dans sa trève tout le temps de la révolution, continuant, comme il le pouvait, son saint ministère. On nous a raconté qu'il était originaire de Gaël ; qu'il avait fait bâtir au bas du bourg de Monteneuf une maison qui se nomme encore « le presbytère » ; qu'il avait avec lui deux nièces, pour le servir et s'occuper du linge de l'église ; qu'un jour, une patrouille se présente chez elles, demandant où est leur oncle ; qu'elles répondent : cherchez-le et trouvez-le si vous pouvez, mais éloignez votre chien qui nous fait peur...

Pour échapper aux perquisitions, M. Foulon allait de temps en temps aux forges de Paimpont et y restait, déguisé en ouvrier.

Un jour, les Patriotes arrivent et disent au maître des Forges : Foulon est ici. — Il répondit : Oui, j'ai un foulon ici, en montrant son grand marteau : qui veut en goûter ?

Un autre jour, M. Foulon rencontre, au village du Pâty, un patriote du pays qui lui dit : Je te reconnais: tu es le prêtre Foulon... Il répondit : Oui, je suis le prêtre Foulon, puis s'avance vers son interlocuteur, lui arrache son fusil et le quitte en lui disant : Prends garde à toi, si j'apprends que tu t'occupes de moi.

Une autre fois, il rencontra près de Vinouze un prêtre intrus du nom de Billard [Note : Ce prêtre nous est inconnu. Nous racontons ce que nous avons entendu dire] qui lui dit : « Je pourrais vous dénoncer aux Bleus... — Si tu le fais, malheur à toi, répliqua M. Foulon en lui montrant ses poings ».

M. Foulon n'a pas quitté le pays. Au Concordat il fut nommé recteur de Monteneuf.

Sa maison a servi de presbytère jusque vers 1820. Le terrain du presbytère actuel a été donné par M. de Bellouan d'Avaugour. Cet endroit s'appelait « le Croissant ». Il y avait à Monteneuf un prêtre nommé M. Michel qui faisait fonction d'aide-vicaire.

Autres prêtres. — On nous a raconté qu'au Bas-Tréron (on dit Trézon) se cachait un prêtre non assermenté. Un jour qu'il sortait de chez lui, il reçut un coup de fusil, tomba à genoux et mourut dans cette position, les bras en croix.

M. Bertrand, prêtre, se cachait à la Voltais dans le château qui, comme nous l'avons dit, renfermait une cachette très bien installée. Il fut fusillé, en portant le Saint Viatique, à l'endroit où se trouve la Croix-Bertrand.

Un prêtre, dont on ignore le nom, fut blessé d'un coup de fusil, pendant qu'il se rendait au village de la Ville-Daniel où il se cachait habituellement. Les gendarmes le suivirent à la trace de son sang ; mais le sang-froid des villageois le sauva.

On dit qu'un prêtre fut pris et fusillé au village des Cormiers ; un autre, en pleine ville de Guer, dans les pommeries.

Pendant toute la révolution, on a dit la messe dans la chapelle intérieure de la Hattaie. Dans le haut du pavillon on voit une cachette.

M. MONNERAIS (Charles-René). — Titulaire de la fondation Saint-Thomas ; fut fusillé par les Bleus le 23 juillet 1794 ; né à Guer, prêtre le 22 septembre 1785. — La tradition dit qu'il fut lardé de coups de sabre et de baïonnettes ; que les soldats apportèrent, au village de la Gouïe, en les Brûlais, sa chemise toute ensanglantée, voulant la faire embrasser à de jeunes filles, en disant : Voilà la relique du prêtre que nous avons escoffié.

M. GOURIER. - Naquit au village de Tréveneuc ; fut chapelain de la Ville-Morin ; refusa le serment ; avait 3 cachettes : sur la butte du Dran, dans un bois nommé depuis « le bois des prêtres », à la Ville-Morin et à la Gouraye de bas.

Voici ce qui nous a été raconté de lui par un de ses neveux : Il se trouvait sur le Dran, avec plusieurs compagnons ; se voyant saisi par un soldat, il lui propose sa montre en or, pour le laisser tranquille. Le soldat répondit : Ni votre montre, ni votre vie ; mais n'allez pas me compromettre, passez vite. En traversant le bois des Prêtres, il perd son chapeau ; des soldats s'en emparent, le portent en triomphe à Guer, le mettent en morceau avec leurs sabres, en disant : Si nous avions sa tête...

A la Ville-Morin, se voyant entouré, il ne perd pas son sang-froid ; demande à la femme de ferme si elle n'a pas vu son cheval. Celle-ci répond qu'elle l'a vu dans son pré, y faisant du dommage et le menace, si pareille chose arrive encore ; échappe ainsi.

A la Gouraye de bas, dans sa maison, il est vu par des soldats, monte sur le toit, reçoit un coup de fusil dans le talon, mais ne meurt pas.

Un de ses compagnons fut tué dans les environs des Moutiers.

M. Pierre HERVÉ, confesseur de la foi. — Il naquit à la métairie du Breil, près de Porcaro, de Jean et de Marguerite Ealet, le 16 février 1762 et baptisé le même jour dans l'église de Monteneuf. Il eut pour parrain et marraine : Pierre Bebin, Guillemette Hervé, en présence de son père, de Jeanne Boschet, Julien Reminiac et plusieurs autres.

Il fut ordonné diacre le 10 juin 1786 ; vicaire à Maure du 20 juillet 1788 à la fin de l'année ; puis auxiliaire de M. Foulon, curé de Monteneuf, spécialement chargé de la frairie de la Grée-Basse ; signa aux registres de Monteneuf depuis mai 1790 au 18 octobre 1792 ; refusa le serment ; fut arrêté par les gendarmes de Malestroit ; entra à la citadelle de Port-Louis le 18 septembre 1793  parti de Port-Louis le 18 février 1794 ; déporté dans la rade de Rochefort avec un grand nombre de confrères ; mort de misère le 25 août 1794, à l'âge de 32 ans ; enterré dans l'Isle-Madame. Il est parmi les confesseurs de la foi dont on instruit en ce moment le procès en Béatification et Canonisation.

Dans le procès-verbal de l'enquête faite à Vannes le 1er mars 1794, pour constater l'identité des 17 prêtres condamnés à la déportation, par le citoyen Dubuisson, il est dit que Pierre Hervé a répondu : « Qu'il se nommait Pierre Hervé, prêtre desservant la frairie de la Grée-Basse, commune de Monteneuf, né dans la paroisse de Guer, fils de Jean Hervé et de Marguerite Ealet, demeurants à la Grée-Mareuc, ditte paroisse de Guer, a déclaré avoir des ressources sur les biens de sa mère décédée, mais n'en pas jouir, attendu que son père est vivant et qu'il n'a pas déclaré ses droits ... » (Archives départementales, L 862).

Ses parents durent quitter le Breil pour aller s'établir à la Grée-Mareuc, mais il est bien constaté, par les registres, qu'il est né à la ferme du Breil.

Dans sa séance publique du 3 septembre 1793, le conseil général du District de Ploërmel, présidé par le citoyen Nayl, assisté des citoyens Béchu, Le Goasbe, Pascheu, Dubreton, Maillard, procureur-syndic, on vota 100 francs de gratification aux gendarmes qui avaient arrêté Pierre Hervé (Archives départementales, L 1200, fol. 58).

Dans l'ouvrage de M. l'abbé Guillon, docteur en Théologie, intitulé « Les Martyrs de la foi, pendant la Révolution », publié en 1821, on lit : « Pierre Hervé, vicaire de la paroisse de Sainte-Maure (Maure), avait vu le jour dans celle de Guer près Ploërmel, ne fit point le serment de 1791, fut persécuté, et alla exercer son ministère dans le département du Morbihan. Son zèle s'y fit remarquer par une activité très profitable à l'Eglise, et on s'y saisit de sa personne. Pour mettre le comble à leur haine, les impies autorités de cette Province envoyèrent le vicaire Hervé à Rochefort, afin qu'il fut compris dans une déportation maritime de prêtres catholiques. On le fit monter sur le navire " les deux Associés ". Les souffrances qu'il éprouva dans l'horrible entrepôt de ce bâtiment lui arrachèrent bientôt la vie. Ce zélé ministre de Jésus-Christ mourut le 25 août 1794, à l'âge de 32 ans et fut enterré dans l'île Madame ».

En clôturant ce long travail nous formons le voeu que ce bon prêtre soit bientôt placé, avec ses confrères, sur les autels. Il sera surtout alors, pour toute l'ancienne paroisse de Guer, une gloire nouvelle et un protecteur de plus. « SOLI DEO, OMNIS HONOR ET GLORIA ». (abbé Le Claire, 1915).

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