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VENTE DE LA TERRE DE LEZOUALC'H SOUS LA REVOLUTION.

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Nous avons dit que la terre de Lezoualc'h fut vendue comme bien national. Il nous paraît intéressant d'entrer dans quelques détails sur cette opération.

L'estimation en fut faite, le 8 Vendémiaire an II (29 septembre 1793) par Mathieu Thalamot, notaire à Custren, en Esquibien, et Joseph Guezno, d'Audierne. Le total de la valeur fut évalué à 15.577 l. s 9 s. 4 d. et le revenu à 944 l. 1 s. 9 d (Q. 432). Le séquestre avait déjà été établi le dimanche 22 avril 1793 par les mêmes, accompagnés de Daniel Goraguer, maire de Goulien. A cette occasion, la dame de Lezoualc'h avait protesté auprès du Directoire du District, contre certaines mesures de brutalité dont elle aurait eu à souffrir de la part des Commissaires (L. 1. District de Pont-Croix). L'estimation du mobilier eut lieu le 22 mai 1793 et la vente en fut faite le 3 juin suivant [Note : L. 246. Les archives, contenues dans une armoire, furent transportées à Pont-Croix le 7 frimaire an III par Yves Riou, de Goulien. Elles semblent n'avoir pas eu le sort de beaucoup d'autres chartriers de manoirs bretons qui furent brûlés sur les places publiques (comme celles de Nevet à Locronan), car M. de Rosmorduc en a retrouvé une partie chez M. Le Bris-Durest, à Tréfest près Pont-Croix, descendant de Tréhot-Clermont, président du District de Pont-Croix à l'époque]. Le procès-verbal constate que pendant la vente « un tierçon de vin avait disparu, sans qu'il fut possible d'y remédier ». Il n'est pas. fait mention de la vaisselle d'argent, quoique le procès-verbal d'inventaire en fasse état… mais sans prix d'estimation. Le produit de la vente du mobilier monta à la somme de 2687 livres. La première criée d'adjudication des immeubles, du 20 nivôse an II (9 janvier 1794) n'eut pas d'effet. A la criée du 27 nivôse, le manoir et ses dépendances furent adjugés pour 16.278 l. à Yves Urcun de Goulien (Q. 103). Le reste du domaine fut vendu le 15 ventôse an VIII. Le tableau suivant fera voir le détail de la vente (Q. 23).

Vente des biens de la seigneurie de Lezoualc'h (en Goulien)

Vente des biens de la seigneurie de Lezoualc'h (en Goulien)

En l'an III, beaucoup d'acquéreurs avaient déjà acquitté leurs achats. En outre du prix du fonds, ils durent encore verser le principal des cheffrentes, qu'ils devaient au seigneur, à la caisse du Receveur du District de Pont-Croix. Les paiements furent faits en assignats. Il ne semble pas que la totalité du domaine de la seigneurie ait été vendue, pourtant nous n'avons pas trouvé d'adjudication autre que celle que nous venons de détailler. Dans le paiement de l'affranchissement des cheffrentes, le quart était déduit pour les impositions.

Les acquéreurs sont, en général, les tenanciers des fonds qu'ils achètent. Dans le Cap-Sizun, le morcellement de la grande propriété foncière date de la Révolution ; le travailleur de la terre est devenu possesseur de celle-ci, en achetant les biens nationaux : la bourgeoisie ne l'a lui a point disputée comme il est arrivé dans beaucoup d'autres endroits. Ici donc, l'opération a réalisé l'idée des législateurs révolutionnaires : rendre la terre a ceux qui la cultivaient [Note : Les lots achetés en commun devaient être distribués suivant les indications des déclarations fournies au seigneur par les tenanciers. L'acte de vente ne précisant pas le partage, ce procédé donna lieu, par la suite, entre les acheteurs qui avaient égaré leurs titres, à de longs et onéreux procès qui ont duré jusqu'à nos jours].

Jean-Paul Mascarenne, père, n'émigra point son aîné Paul-François se retira à l’île de Jersey et s'établit à St-Hélier [Note : CF. : De L'Estourbeillon : Les familles françaises à Jersey pendant la Révolution], où il vécut jusqu'à la fin de la Révolution. Le cadet, le possesseur de Lézoualc'h, ne semble pas avoir émigré. Lors de l'établissement du séquestré à Lézoualc'h, 22 avril 1793, sa femme déclara aux commissaires que son mari avait été appelé à Paris, auprès de son père malade et qu'il était parti dans le courant de décembre. Nous ignorons ce qu'il devint pendant la Révolution. Sa femme fut emprisonnée à Quimper par le Comité de Surveillance, mais fut remise en liberté le 22 janvier 1794, quelque temps après son arrestation (Cf. : Trévédy : Histoire du Comité révolutionnaire de Quimper. Appendice, p. 30).

Cependant le seigneur de Lezoualc'h résidait encore dans son manoir de Goulien en 1791. Voici ce qu'écrivaient au district de Pont-Croix, quelques citoyens de Goulien, le 29 août 1791 : « M. Lezoualc'h fut hier à la sacristie de Lannourec, demanda à la fabrique qui c'étoit les gens qui ont eu l'audace de tiré son grand tombeau hors de l'église. Le fabrique lui répondit que c'étoit la municipalité et dit que la municipalité n'avoit pas ordre de défaire les grands tombeaux, même l'Assemblée Nationale n'a jamais décrété cet ordre, ce n'est que MM. du District qui font des décrets eux-mêmes ; il dit aussy .auroit eu affaire à la municipalité et qu'il auroit eu la guerre avec eux et avec tous les paroissiens ; il dit aussy qu'on étoit à présent à commencer la guerre civile et on ira vie pour vie et le plus fort gagnera. Nous voulons que ce M. soit enlevé de la paroisse, car il commence à détourner le peuple et cependant nous étions bien. Signé : Daniel Goraguer, Jean Le Quéré, Jean Guezennec, Yves Urcun et Germain Kersaudy, maire ».

A la suite de cette plainte, le directoire du District de Pont-Croix, dans sa séance du 29 août 1791, « fit mander le Sr Lezoualc'h devant lui et lui répéta les accusations portées contre lui. Il se contenta de nier et de prendre une attitude indifférente ; en ccnséquence, le Directoire le déclara responsable des événements qui pourraient arriver à Goulien ».

La destruction du tombeau de Lezoualc'h, dans la chapelle de Lannourec, avait été faite par suite d'une fausse interprétation du décret du 15 mars 1790, sur « les distinctions honorifiques, supériorité et puissance résultant du régime féodal ». Le décret du 19 juin 1790, sur l'abolition de la noblesse héréditaire précisa celui du 15 mars en spécifiant « que sous prétexte du présent décret, aucun citoyen puisse se permettre d'attenter aux monuments placés dans les temples, aux chartes, titres et autres renseignements intéressants les familles ou les propriétés, ni aux décorations d'aucun bien public ». Mais ces sages prescriptions n'eurent qu'une durée éphémère, car le 14 août 1792 l'Assemblée Nationale décrétait : « Toutes les statues bas-reliefs, inscriptions, et autres monuments en bronze ou en toute autre matière, élevés dans les places publiques, temples, jardins, parcs et dépendances, maisons nationales, même dans celles qui étaient réservées à la jouissance du roi, seront enlevés à la diligence des représentants des communes, qui veilleront à leur conservation provisoire... les monuments, restes de la féodalité, de quelque nature qu'ils soient, existant encore dans les temples et autres lieux publics et même à l'extérieur des maisons particulières, seront, sans aucun délai, détruits à la diligence des communes (art. III)... La commission des monuments est chargée expressément de veiller à la conservation des objets qui peuvent intéresser essentiellement les arts » (art. IV).

Les représentants des communes rurales se perdaient évidemment dans ces décrets successifs qui semblaient contradictoires et en conséquence se mirent en devoir de détruire tout ce qui leur rappelait l'ancien état de choses, qui les avait fait beaucoup souffrir.

Le manoir de Lezoualc'h fut signalé, le 29 avril 1793, comme étant le quartier général des contre-révolutionnaires au Cap-Sizun, sous la direction de Rospiec, ancien président du Directoire du District de Pont-Croix, père de la dame de Lezoualc'h.

En germinal an III Jean Paul Mascarenne père et sa femme adressaient une pétition au District de Pont-Croix, dans laquelle ils disaient que « Nonobstant les preuves inconstestables par eux fournis à l'Administration du District, malgré une main-levée qu'ils ont obtenue en conséquence, relativement à la réserve qu'ils s'étaient faite en mariant Antoine-Marie-Hyacinthe Mascarenne, leur fils, réputé émigré, la dite administration s'est toujours refusée à apporter à leur triste et fâcheuse position, accablés d'infirmités et réduits à ces seules réserves dans leur vieillesse, le moindre allègement que l'humanité inspire en pareille situation ». En cette année, un secours de 4000 l. en assignats et 10000 l'année suivante, leur fut accordé.

Ils s'étaient retirés à Kermourant, en Penestin (Morbihan) d'où est daté leur certificat de résidence, du 8 septembre 1793, qui donne le signalement suivant de Jean-Paul Mascarenne « N'exerce dans cette commune aucune profession, ni étant venu que pour la suite de ses affaires, âgé de 63 ans, taille cinq pieds, six pouces, visage ovale, yeux gris, bouche moyenne, nez aquilin, menton rond, cheveux et sourcils blancs ». Le conseil général de Penestin ajoutait que « Mascarenne ne jouissait là-bas d'aucun revenu et les biens de son épouse sur lequel il résidait, était également séquestré ».

Paul-François Mascarenne fut rayé de la liste des émigrés par arrêté du Ministre de la police générale du 8 frimaire an X. Il prêta serment de fidélité à la Constitution devant le Sous-Préfet de Savenay le 19 pluviôse an X. Il avait déjà obtenu des Consuls de la République par arrêté du 29 vendémiaire an IX, main-levée de tout séquestre existant sur ses biens invendus, à l'exception des bois et forêts.

Antoine-François-Hyacinte Mascarenne dut mourir pendant la Révolution. En germinal an IX, sa veuve obtenait la reprise de sa communauté dans le mobilier de Lezoualc'h, à la somme de 1430 livres, 13 s. 4 d. tournois. La loi du 27 avril 1825 (milliard) accorda à la famille de Mascarenne une indemnité de 9.705 fr. 80 c.

Lezoualc'h n'est plus qu'une ferme maintenant, seulement différente de celles des environs par la masse délabrée de son manoir. Les vieux capistes vous diront bien que ses souterrains recèlent encore des trésors, gardés nuit et jour par un coq et une vipère, mais son passé peu à peu s'évanouit ; c'est pourquoi j'ai essayé de rappeler au souvenir de mes compatriotes les faits marquants de son histoire.

(Daniel Bernard).

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