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ETUDE HISTORIQUE DE GOUAREC

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ETYMOLOGIE de GOUAREC.

Mr Jean-Marie PLANEIS, Docteur-ès-Lettres, voit dans le mot "gwareg" une variante bretonne de l'adjectif gallois "gwaredog" qui signifie : "rédempteur", "protecteur" (avec amuissement du -d- intervocalique).

Ainsi, "Feuntein Goarec" signifierait : Fontaine rédemptrice.
Mr Bernard TANGUY, dans une étude sur les noms de lieux bretons, donne à "Gwareg" la signification d' "arc".

HISTORIQUE DE GOUAREC.

Goarec, orthographié Gowarec à la fin du XVIIIème siècle, semble avoir été le siège d'une ancienne seigneurie qui, lors de la fondation de Bon Repos en 1184, est déjà la propriété des ROHAN.

En 1280, c'est une de leurs châtellenies qui possède un fermier receveur. L'Aveu [Note : Aveu : Acte d'allégeance, hommage d'un vassal à l'égard d'un suzerain] de la Vicomté de ROHAN mentionne en 1471, "l'apparence de ville forte et grandes douves anciennes".

La châtellenie s'étend alors sur 13 "trêves" [Note : Trêve : annexe de paroisse, desservie par un prêtre résident] : plouray, Mellionnec, une partie de Plouguernével, Saint-Gilles et Gouarec (trêves de Plouguernével), Pellan (Plélauff), une partie importante de Lescouët, Silfiac (en partie), la partie nord de Cléguérec, Sainte-Brigitte et Saint-Aignan (trêves de Cléguérec), Saint-Caradec et Trégomel (enclave de Guémené).

Dans la suite, les ROHAN renoncent à l'entretien du château, sans doute trop onéreux, mais conservent les prérogatives afférentes à la seigneurie : justice, foires, coutumes et mesures particulières, ainsi que des moulins.

Il semble que la chapelle du château ait survécu aux ruines de l'habitation des maîtres. Une Vierge de bois sculpté, qui paraît dater du XVème siècle, y est honorée sous le vocable de Notre-Dame de la Fosse (ou des fossés, ou des douves). L'Enfant-Jésus tient une pomme dans l'une de ses mains et un oiseau dans l'autre, à la manière de certaines statues médiévales.

Avant la Révolution française, il n'y a, au confluent de deux rivières : le Blavet et le Doré, qu'un simple hameau dépendant de Plouguernével et portant le nom de St Gilles-Goarec ; mais en raison de sa situation et de sa halle, il est le siège de foires. Ce hameau est dominé par trois édifices
Sur la hauteur, à l'ouest, une chapelle [Note : "Près de la chapelle Saint-Gilles, on a découvert des substructions et un canal ou aqueduc construit avec soin, incontestablement romain". (Cf. Histoire de Bretagne, par A. LE MOYNE DE LA BORDERIE, Tome 1er, p. 128. Chez VATAR Rennes. 1896], datant de la fin du XVème siècle, a remplacé un édifice plus ancien en faveur duquel une bulle d'indulgence a été donnée le 30 Avril 1387. Cette chapelle, dite de St Gilles, où l'on honore particulièrement la Sainte Trinité, dépend de la paroisse de Plouguernével, du diocèse de Quimper.

Dans la vallée, au bord du Blavet, subsiste la chapelle de Notre-Dame de la Fosse dont nous avons parlé, dernier vestige du château. En raison de la proximité du cours d'eau, cette chapelle est très humide, et la base de la statue de la Vierge, rongée par lysure et l'humidité, devra être sciée et remplacée.

Non loin de cette chapelle, un Pavillon de belle architecture appartient à la famille de ROHAN. Cette maison sert de résidence pour la chasse, mais on y exerce aussi la justice. St Gilles-Goarec dépend en effet de la juridiction de Corlay ou le Seigneur de ROHAN a droit de haute, moyenne et basse justice.

Outre ces trois édifices, le hameau comprend un marché couvert (halle dont le gros œuvre est en bois), quelques maisons de belle apparence, dont celle de Jacques GUILLET (1652), et des habitations plus simples : fermes et chaumières, parmi lesquelles se trouve une demeure qui, au XVIIIème siècle, appartient à un certain Louis AUDREIN, "cochonnier", probablement éleveur et marchand, dont le fils, intelligent en diable, va faire de brillantes études.

A l'époque dont nous parlons, antérieure à la Révolution, St Gilles-Goarec étant situé au creux d'une vallée, connait parfois des inondations : après de fortes pluies, les deux rivières qui s'y rencontrent, le Blavet et le Doré, sortent de leur lit et envahissent les prairies et les chemins avoisinants.

Ne parlons pas encore de routes : il s'agit de voies de terre en fort mauvais état dont les plus importantes ont emprunté l'ancienne voie romaine allant de Carhaix à Lamballe, avec embranchement sur Loudéac, vers Nantes. Cette voie romaine a suivi, autant que possible, le chemin des crêtes, pour éviter les marécages, nombreux dans les vallées. A St Gilles-Goarec, les chevaux, les chars et charettes ont certainement connu quelques difficultés. Citons sur le parcours : Stang ar Mel, Stang Go, Stang Very [Note : Stang : mot breton qui désigne une mare, un marécage, parfois un étang] ... Il n'est pas rare de trouver du sable de rivière quand on creuse le sous-sol.

En aval de la vallée du Blavet, à l'est de St Gilles-Goarec, une citadelle ruinée, Castel-Cran [Note : Sur Castel-Cran, Cf. Monographie de C. de KERANFLEC'H - KERNEZNE : Castel-Cran, IXème siècle], laisse apparaître des murs de fondation et la base d'un donjon sur un piton rocheux situé en face des hauteurs du Liscuis et non loin d'allées couvertes remontant aux 2ème et 3ème millénaires avant J.C. [Note : Sur les allées couvertes, Cf. Travaux de Mr LE ROUX, Professeur d'archéologie à la Faculté de Rennes. Datation au radio-carbone : Liscuis III : 1000 av. J.C. ; Liscuis II : 2200 à 24 00 av. J.C. ; Liscuis I : 3000 av. J.C.].

Quant à l'Abbaye de Bon Repos, elle tisse la trame de son histoire [Note : Sur Bon Repos Cf. études et conférences faites sur le sujet].

UN EVEQUE CONSTITUTIONNEL né à Goarec en 1741.

Entre le 19 Août 1762 et le 8 Avril 1775, Louis AUDREIN, époux de Jaquette ROYAN, éleveur et marchand de porcs, décède. On l'enterre dans l'enclos paroissial qui entoure la chapelle St Gilles. Sa tombe porte l'inscription : "Cy gist le corps de Louis AUDREIN époux de Jaquette ROYAN et père de M. AUIREIN Pfr au Cge de Quimper décédé le ...".

Une cassure de la pierre a enlevé la date du décès, mais il est clair qu'au moment de la mort de Louis AUDREIN, son fils est professeur au collège de Quimper. Cela se situe entre 1762 et 1775.

Yves-Marie, fils de Louis et de Jaquette, est un brillant sujet. Aimant l'étude plus que le négoce, il fait ses humanités au petit Séminaire de Plouguernével qui existe depuis un siècle environ. Il passe ensuite au Grand Séminaire de Quimper où il devient clerc. Ses dons intellectuels et oratoires lui valent des distinctions successives : d'abord professeur à Plouguernével, puis à Quimper, il monte à Paris et assume la responsabilité de Préfet des études au Collège Louis-le-Grand. Au nombre des élèves de cet établissement, on compte à cette époque ROBESPIERRE et Camille DESMOULINS.

La Révolution française ne va pas tarder.

Lorsque paraît la Constitution civile du clergé [Note : Le texte de la Constitution civile du clergé est adopté à l'Assemblée Constituante le 12 Juillet 1790. Il est sanctionné par le Roi Louis XVI le 26 Décembre 1790], l'Abbé AUDREIN ne balance pas longtemps : il prête serment à cette constitution, ainsi d'ailleurs que Monsieur LE MASLE qui, nommé évêque constitutionnel de Vannes, le prie de l'accompagner dans sa ville épiscopale en qualité de Vicaire général. Le 3 Septembre 1791, il est élu à l'Assemblée Législative.

Peu de temps après, grâce à ses qualités de tribun, Yves-Marie AUDREIN est élu à la Convention.

Au moment du procès du Roi, il se prononce pour la guillotine, mais en termes mesurés : "Je vote pour la mort, et je demande que la Convention examine s'il est expédient de surseoir à l'exécution".
Mais il fait tout ce qui est en son pouvoir pour que Madame Royale soit épargnée.

Entre temps, AUDREIN exerce sen ministère à Vannes. A la même époque, le diocèse de Quimper passe par de graves difficultés : en 1794, l'évêque du Finistère, Mgr EXPILLY, est guillotiné et personne ne tient à prendre la relève.

Ce n'est qu'en 1798 que l'Abbé AUDREIN accepte de monter sur le siège épiscopal de Quimper. Cela représente un certain courage : les prêtres réfractaires sont en exil ; le clergé en fonction ne sait comment se comporter, car les passions populaires ne sont pas éteintes ; enfin, les séminaires sont vides.

Les Chouans ne sont pas inactifs et vouent à l'évêque de Quimper une haine tenace.

Le mercredi 19 Novembre 1800, alors que Monseigneur AUDREIN se rend à une cérémonie de confirmation, il est rejoint entre Quimper et Chateaulin, près de la chapelle St Hervé en Briec, par une douzaine de Chouans ayant à leur tête le fameux François LE CAT, dit La Volonté. Ceux-ci lui intiment l'ordre de descendre de la diligence et l'entraînent dans une lande ou ils le criblent de balles.

Les restes d'Yves-Marie AUDREIN reposent au cimetière St Marc à Quimper.

Mais revenons au pays qui l'a vu naître. Avant la Révolution, le hameau de Goarec fait partie de la paroisse de Plouguernével et est administré par le Conseil de Fabrique de cette paroisse. Pourtant, le Duc de ROHAN a conservé certains droits dont la gestion est entre les mains d'un Sénéchal, fonctionnaire de la Maison de ROHAN. Ainsi, la Lande de Goarec est assujettie à une rente et à d'autres prestations féodales qui disparaissent avec l'abolition des privilèges, à la Révolution. La cession de la Lande est alors faite à la "ville" de Goarec, et non à la commune.

Pendant la Terreur, les lieux de culte sont fermés. Des habitants du bourg, craignant des déprédations et des actes d'impiété, enlèvent du socle qu'elle occupe dans la chapelle, la statue de Notre-Dame de la Fosse. Elle est dissimulée dans un lit-clos à deux étages, à Goarec même. Elle réintègre la chapelle Notre-Dame après la tourmente.

Une confrérie du Rosaire est érigée et établie dans cette chapelle le 13 Octobre 1806 par l'évêque de St Brieuc Monseigneur Jean-Baptiste CAFFARELLI, en vertu d'un indult accordé le 29 Avril 1802.

Quant à la chapelle St Gilles, elle est érigée en église paroissiale avec cure, par décret du 14 Pluviose an II, approuvé par le Gouvernement le 18 Germinal suivant.

Menaçant ruine au début du XIXème siècle, elle sert pourtant d'église paroissiale depuis le Concordat décrété le 8 Avril 1802 jusqu'au 5 Septembre 1827.

Une autre petite chapelle, située au sud du village de Kerdélès et dédiée à l'impératrice Ste Hélène que l'on invoque pour les yeux, tombe progressivement en ruines et est abandonnée après la Révolution.

A l'époque où sont fondés les cantons, Goarec devient une commune dépendant de Laniscat alors chef-lieu de canton. Ainsi, lorsque le 6 Juin 1795, Etienne-Yves-Joseph LE FLAHEC de Guermeur est assassiné par les Chouans à Rosquelfen, le procès-verbal du drame est enregistré par Henry PENAULT, assesseur du canton de Laniscat.

Mais une nouvelle organisation comprenant les communes de Laniscat, St Ygeaux, Perret, Plélauff, Lescouët et Saint-Gelven, fait de Goarec, situé au centre, le nouveau chef-lieu de canton.

Goarec ne s'étend ni ne se développe pendant les guerres Napoléoniennes, car la France est exsangue. Dans la campagne, on cultive des choux que l'on dit excellents. Dans la bourgade, tisse-t-on encore le lin ? Une rue, en tous cas, évoque cette industrie.

Le 4 Mai 1816, après tant de bouleversements politiques et militaires, c'est la Restauration et Louis XVIII monte sur le trône. Il s'agit d'une monarchie constitutionnelle. C'est une tentative de retour au passé. Le 24 Août 1816 à l'occasion de la St Louis, la municipalité de Goarec conduite par le Maire nouvellement élu, Monsieur LE DUIGOU, fait exécuter un mandement qui s'adresse à tous les cantons de France : la fête doit revêtir une solennité royale.

Ne nous privons pas du récit savoureux consigné dans le registre municipal de cette époque :
"La fête commence à l'aurore par un carillon de cloches. A 9 heures, des jeunes gens commandés par un officier de gendarmerie aidé d'un sous-officier de ligne, en retraite, se rendent à la porte de la Mairie pour présenter les armes devant tous les fonctionnaires du lieu revêtus de leur costume, et là le cortège se dirige vers l'église pour assister à l'office solennel qui commence à 10 heures, célébré par le curé". Pendant la Messe, différents morceaux de musique sont exécutés et "qui ont fait sur le public une impression bien touchante". A cela s'ajoutent quatre décharges tirées pendant l'office par la jeunesse armée.

A l'issue de la Messe, le cortège retourne à la mairie.

Une quête, précédemment organisée par le curé, permet de distribuer du pain à tous les indigents, par l'intermédiaire de dix dames désignées à l'avance. "Ainsi, ajoute le récit, les pauvres ont pu prendre part à l'allégresse publique et ont manifesté leur joie en appelant la bénédiction du ciel sur l'auguste Monarque au nom duquel ils recevaient ce soulagement, et sur ceux qui le leur avaient procuré".

A 14 heures, la population retourne à l'église (qui ne peut être que St Gilles) pour chanter les Vêpres. Au Magnificat, les jeunes gens armés tirent une nouvelle décharge. Le curé expose le St Sacrement et l'on chante le "Domine salvum fac Regem". Après quoi, le curé prononce un discours "écouté avec attention".

Puis la procession s'ébranle jusqu'au feu de joie préparé la veille par les soins du Maire. Dès que le feu crépite et que les flammes montent, explosent les cris de : "Vive le Roi ! Vive les Bourbons !" accompagnés de plusieurs décharges.

Après le chant du Te Deum, on retourne à l'église afin de terminer la cérémonie par une prière pour la conservation du Roi et de la famille royale.

Enfin, le Maire et les autorités suivis "d'un peuple innombrable" se rendent au lieu désigné pour divers amusements "compatibles avec le Saint du jour".

Ces divertissements durent de 16 à 20 heures. Le soir, on déploie des drapeaux blancs parsemés de fleurs de lys et il y a dans les rues toutes sortes d'illuminations.

La fête s'achève par un banquet. "La gaîté qui y a règné est inexprimable"... achève le secrétaire du Conseil municipal.

******

Mais il faut revenir aux choses sérieuses et la commune sent la nécessité d'une bonne administration et d'une gestion rigoureuse, car les fonds manquent. L'église paroissiale St Gilles est en très mauvais état ; la chapelle Notre-Dame de la Fosse est délabrée ; il y a un fort mauvais chemin pour se rendre à Plouguernével. Il faut donc s'organiser pour relancer l'économie locale.

Le 31 Août 1816, une pétition, signée des principaux fonctionnaires et de plusieurs habitants du canton, est adressée à l'autorité supérieure du département pour obtenir une foire à Gouarec, le 1er samedi du mois, "ce qui procurerait un avantage inappréciable sous le rapport du commerce et de l'agriculture". Cette foire se déroulera sous les halles situées devant le Pavillon ; les halles sont la propriété du Duc de ROHAN. Il s'agit d'un marché couvert qui, en ce début du XIXème siècle, donne des signes de vétusté, mais dont la charpente généreuse en bois ne manque pas d'allure. En 1820 la municipalité cherche un "moyen de régulariser la perception du droit d'étalage sous les Halles de Goarec, en obtenant de Monseigneur le Duc de ROHAN, propriétaire d'icelles, une fixation de loyer ou de prix de vente à l'amiable". (Cf. l'aboutissement de ces tractations p. 17).

En 1824 Charles X succède à Louis XVIII, "digne héritier de son auguste frère", commente la délibération du Conseil municipal dont les membres signent une motion et des voeux exprimés en ces termes : "Vive le Roi ! Vive Monseigneur le Dauphin ! Vive Madame la Dauphine ! Vivent les Bourbons à jamais !".

Cependant la célébration de la St Charles, fête du Roi, se fait dans la sobriété, car des restrictions s'imposent en raison des lourdes charges financières qui pèsent sur la commune : en effet le projet de reconstruction de l'église paroissiale se précise et l'on opte pour l'agrandissement de la chapelle Notre-Dame de la Fosse, plus au coeur de la bourgade que l'église St Gilles. C'est, pour le moment, la priorité essentielle.

FONDATION DES RELIGIEUSES AUGUSTINES.

Le 18 Août 1825, six religieuses Augustines de la Communauté de Guingamp viennent faire une fondation à Goarec, après la demande plusieurs fois réitérée du curé Monsieur GALERNE, requête appuyée par Monseigneur LE GROING de la ROMAGERE, évêque du diocèse de St Brieuc. De son côté le Maire Monsieur LE DUIGOU en a exprimé le désir, et une délégation de notables de Goarec a fait une démarche auprès de la Supérieure de Guingamp.

Les religieuses s'établissent donc, sommairement, dans une maison rue au Lin. Elles ne tardent pas à réunir des petites filles du bourg pour leur apprendre à lire et à écrire. Elles sont, d'autre part, sollicitées pour soigner des malades et des blessés, et elles installent une infirmerie et une petite pharmacie dans la maison voisine de leur lieu d'habitation. Elles vont aussi avoir l'occasion de faire des soins d'urgence à des prisonniers. Mais déjà elles songent à la construction d'une Communauté. Le 1er Avril 1826, on commence à creuser les fondations dans un terrain situé en bordure du chemin qui monte à St Gilles. La maison d'habitation des Soeurs s'élève au cours des années 1826-1827, ainsi que la chapelle. Les travaux ne sont pourtant pas terminés lorsque le 4 Octobre 18271 les religieuses occupent leur nouvelle Communauté.

TRAVAUX DU CANAL DE NANTES A BREST.
Une importante voie fluviale est en construction, destinée à permettre la navigation entre Nantes et Brest. Cet ouvrage gigantesque est divisé en sections confiées à des entrepreneurs concessionnaires. La main-d'oeuvre est surtout constituée par des forçats précédemment retenus en forteresse à Brest. Ce sont, pour la plupart, non pas des prisonniers de droit commun, mais des déserteurs qui n'aspirent qu'à rejoindre leurs familles. Ils cantonnent dans un bagne militaire à Glomel, mais sont affectés dans la journée à des travaux forcés de terrassement avec des moyens rudimentaires et quel que soit la temps. Le canal progresse cependant.

Des contestations surgissent à propos des travaux du canal :

Les entrepreneurs affectés à cet ouvrage sur Goarec : les sieurs THOMAS et GAIGNAUX, ayant besoin de pierre, font procéder à l'extraction du matériau dans une carrière réservée par la municipalité à l'achèvement de l'église paroissiale et à la construction de la Communauté des Soeurs Augustines.

Monsieur Antoine RACINET [Note : Antoine RACINET (1788-1880) est le père du Docteur Guillaume RACINET médecin de Goarec pendant une bonne partie du XIXème siècle], maire de Goarec depuis le 22 Décembre 1825, adresse donc une lettre au Préfet pour lui faire part de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de restaurer les chemins vicinaux, avant d'avoir fait exécuter les ponceaux nécessaires à l'évacuation des eaux, puisque, privé de la carrière, il ne peut se procurer la pierre nécessaire à ce travail.

Le Sous-Préfet lui répond que le Préfet a fait le nécessaire auprès de l'Ingénieur en chef, pour que la carrière soit rendue à l'usage de la commune.

Mais compte tenu de l'état d'encombrement dans lequel se trouve désormais cette carrière et, d'autre part, du fait que des bandes de gazon ont été enlevées sur le terrain communal pour recouvrir une portion du chemin de halage, le Conseil municipal propose de faire assigner les dits Sieurs GAIGNAUX et THOMAS devant les tribunaux. Cette action judiciaire a pour objet de les condamner à payer une juste indemnité pour le préjudice causé.

La séance de ces délibérations s'est tenue le 10 MAI 1828 et est consignée en bonne et due forme dans le registre municipal.

Pendant que le Maire et ses conseillers font face à ces difficultés et tractations, les Soeurs Augustines viennent de faire construire un petit hôpital, rue St Gilles : une salle est destinée aux hommes, une autre aux femmes. La municipalité en reconnait l'utilité pour la commune et les alentours, par une délibération du 8 Janvier 1828. Elle demande au Roi Charles X, par l'intermédiaire du Préfet, l'autorisation nécessaire au fonctionnement de l'établissement. Celle-ci est accordée par ordonnance royale signée de Charles X en date du 13 Février 1828.

UNE GENDARMERIE A GOAREC.

Parmi les bagnards qui travaillent au creusement du canal, il arrive qu'en dépit de la surveillance, l'un ou l'autre s'évade et sème la terreur dans les campagnes.

Une brigade de gendarmerie est donc jugée indispensable à Goarec. Par décision ministérielle du 1er Avril 1830, une brigade à pied y est créée. Elle est composée d'un brigadier et de quatre gendarmes. Elle dépend de la lieutenance de Loudéac, compagnie des Côtes du Nord, 5ème légion. Elle s'occupe principalement de la police des routes et des campagnes. La gendarmerie qui est mise à la disposition de cette escouade n'est autre que le Pavillon situé au centre du bourg et qui appartient au Duc de ROHAN. Le casernement durera 18 ans à cet endroit.

CONSTRUCTION DE L’EGLISE.

La construction de l'église est la préoccupation majeure de la Municipalité. Il s'agit bien en effet d'une construction et non d'une restauration : il avait d'abord été question de l'agrandissement de l'ancienne chapelle Notre-Dame de la Fosse, mais on s'est rendu compte de la difficulté de l'opération. Il est plus simple, mais aussi plus onéreux, de construire une église neuve non loin de l'emplacement de la chapelle qui menace ruine. D'autre part, le curé Monsieur GALERNE va dans ce sens. Les plans sont donc confiés à Monsieur Joseph LE CLAIR, Conducteur des Ponts et Chaussées du Canal de Nantes à Brest.

Les travaux vont bon train puisqu'ils sont terminés le 22 Octobre 1827, mais s'il faut un clocher, cela se fera plus tard.

Cette construction représente d'énormes mises de fonds. Pourtant, la décision de percevoir des taxes d'octroi sur les marchandises entrant à Goarec pour la consommation et l'usage des habitants : viandes, boisson, bois, etc... a été prise le 26 Mai 1824 pour faire face à la nécessité de reconstruire l'église. Mais le tarif proposé pour établir l'octroi est loin de suffire aux dépenses engagées. [Note : Cet octroi sera souvent remis en question, particulièrement le 8 Mai 1839 où la délibération note que c'est une charge insupportable notamment pour la classe indigente de la commune. Il sera pourtant maintenu. Le 31 Décembre 1852, toutes les surtaxes d'octroi sur les boissons cesseront de plein droit. Le 1er Janvier 1856, nouvelles diminutions. Suppression le 30 Novembre 1906 après la construction du clocher].

La Révolution de 1830 ne semble pas troubler l'existence des provinciaux et l'avènement de Louis-Philippe ne laisse aucune trace dans les délibérations municipales.

En 1832 on procède à la réfection du chemin vicinal de Pont-Parquet, car il est en très mauvais état sur tout son parcours. Les fondatrices Augustines avaient failli s'y embourber non loin de Ste Tréphine, en venant rejoindre Goarec en 1825 !... Aussitôt le chemin restauré, le Conseil municipal fait, en 1833, des projets de reconstruction du Pont-Parquet. Mais si l'on tient compte de la récente construction de l'église, la municipalité doit faire face à d'énormes soucis financiers. Les difficultés pécuniaires sont telles, qu'à la réunion du Conseil municipal du 24 Janvier 1836, le secrétaire note en guise de conclusion : "Suivant le bras, la saignée"... et l'on doit renoncer à la réfection des rues pourtant en piteux état !

Cependant la localité bénéficie de certains avantages : ainsi la municipalité reconnait, le 24 Août 1836, l'utilité de "la Communauté des religieuses, dans laquelle sont reçues toutes les petites filles qui se présentent, pauvres comme riches". Les Soeurs ont en effet construit un Pensionnat en 1832.

Le 20 Mai 1837, une demande est faite par le Conseil municipal en vue d'obtenir un "service journalier pour la distribution de la correspondance administrative et particulière", et voilà que Goarec va avoir son premier facteur.

Le budget communal reçoit quelques bénéfices des habitants de la Lande de Goarec qui, en 1843, doivent payer la somme de 3 francs de rente annuelle pour l'emplacement d'une maison et 10 centimes par are de terre s'il y a un jardin.

NIVELLEMENT DES RUES.

Une route importante est en construction et va traverser la localité : c'est la "route royale". Mais son niveau n'est pas identique à celui des ruelles du bourg. En 1844 les travaux de nivellement des rues deviennent donc indispensables. Voici les termes de la délibération du 8 Mai 1844 : "M. le Maire expose que l'élévation donnée à la route royale N° 164 bis, dans la traversée de Gouarec, met la commune dans l'obligation de changer en totalité le nivellement du centre de Gouarec. Pour ce travail qui exigera le dépavage sur une surface d'environ 3500 mètres carrés, la construction de canivaux sur une longueur de 700 mètres, le déplacement de 800 mètres cubes de terre pour des terrassements tant en remblais qu'en déblais, le macadamisage de 1500 mètres carrés de chaussée : pour tout ce travail, M. le Maire pense qu'une somme de deux mille francs suffira".

Cela pose d'ailleurs un problème bien concret : les seuils des maisons étant en conséquence plus élevés que la chaussée, il s'avère nécessaire de construire de petits escaliers de une ou deux marches pour en faciliter l'accès. C'est l'objet d'un litige qui est réglé en séance extraordinaire le 30 Juin 1844 : "M. le Maire fait observer au Conseil qu'il n'a jamais eu en vue de rendre les maisons inabordables, que son intention est de faire pour la maison du Sieur plaignant, ce qu'il doit faire pour les autres maisons qui se trouvent dans la même position que la sienne, c'est-à-dire de pratiquer une ou deux marches pour faciliter le plus possible l'entrée de ces maisons".

EVENEMENTS NATIONAUX.

Si les évènements sur le plan national n'ont pas un grand retentissement sur la vie paisible de Gouarec, il y en a un qui figure dans les délibérations municipales :

Le 16 Avril 1846, le roi Louis-Philippe se trouve à Fontainebleau, à une partie de chasse avec la famille royale. Lui-même ne chasse pas; il se promène en forêt avec les dames dans un char à bancs, quand un ancien garde des forêts royales : LECOMTE tire à bout portant sur le roi, mais ne l'atteint pas. [Note : Cf. Vieux souvenirs du Prince de Joinville, p.414 à 416. CALMAN LEVY, Editeur, Paris 1894].

La municipalité de Gouarec écrit une lettre à Louis-Philippe en ces termes : " Sire, Le Conseil municipal de la Commune de Gouarec [Note : L'appellation : "Gouarec" s'écrit de plus en plus avec un U, comme nous le constatons dans les actes de l'époque] éprouve le besoin d'élever aussi sa faible voix pour se joindre au cri général d'indignation dont la France entière a retenti en apprenant le lâche attentat dirigé contre votre personne auguste. Nous bénissons la Providence qui, encore une fois, a veillé sur les jours de votre Majesté, et nous lui adressons les voeux les les plus ardents et les plus sincères pour qu'elle continue à vous couvrir de cette protection spéciale qui, d'une manière aussi miraculeuse, vient de conserver une vie si précieuse et si nécessaire au bonheur de la France".

Mais la roue tourne et les sentiments en subissent quelques fluctuations. En effet, deux ans plus tard, survient la Révolution de 1848. La République succède à la Monarchie constitutionnelle. Ces évènements politiques ont laissé des traces écrites à Gouarec et nous conservons la minute de la délibération : "3 Mars 1848, Aujourd'hui, 3 Mars 1848, en vertu d'une recommandation spéciale de Monsieur le Sous-Préfet de l'arrondissement de Loudéac, le Conseil municipal de la Commune de Gouarec a été convoqué en séance extraordinaire. Étaient présents : RACINET, Maire, JAMET, adjoint, LE MOIGN, LE ROUX, LE GLOANNEC, LE COUAIL et DION, Conseillers municipaux. Après avoir entendu la lecture de la proclamation de Monsieur le Sous-Préfet, proclamation faisant connaître la révolution qui venait de s'opérer, ainsi que la formation d'un gouvernement républicain, le Conseil municipal à l'unanimité assure adhérer avec franchise et cordialité à ce nouveau gouvernement. Après quoi la séance est levée aux cris de : "Vive la République ! ". Fait et délibéré les susdits jour, mois et an".

AFFAIRES LOCALES.

La politique nationale est pleine d'intérêt, mais les affaires locales ramènent la municipalité à la réalité quotidienne.

Le Pavillon de ROHAN s'avérant insuffisant comme gendarmerie, la brigade est transférée à la maison CONNAN, bien située à l'angle de la rue principale et de la route qui mène au Pont-Parquet.

Le 21 Juillet 1850, une délibération au sein du Conseil municipal propose l'acquisition de la Halle de Gouarec dont le propriétaire est le Duc de ROHAN. Elle est achetée l'année suivante au prix de 8.000 francs, payable en 10 ans avec un intérêt de 5 %.

Le 21 Avril 1852 les Conseillers s'attèlent à un autre projet : celui de la construction d'un débarcadère sur le canal, qui est jugé "de la plus haute importance pour le pays tant au point de vue de son commerce que de la prospérité de son agriculture".

"Il s'agit principalement de faciliter l'importation des engrais marins, aujourd'hui reconnus de première utilité en agriculture et dont l'emploi tend à se généraliser de plus en plus dans les cantons riverains du canal". [Note : Il semble que les travaux du débarcadère n'aient pas été exécutés dans l'immédiat. Il faut attendre le 7 Juin 1868, pour trouver la mention de "nouveau débarcadère" dans le registre].

LA CONSTRUCTION D'UN PRESBYTERE.

Vers 1850 Monsieur GALERNE, curé de Gouarec, décide de faire construire un presbytère. Pour se procurer des ressources, il vend un petit domaine qu'il possède à la Croix-Rouge en Perret et demande à des amis de l'aider financièrement. Ceux-ci vont le faire généreusement. Et bientôt s'élève un bel édifice aux dimensions imposantes qui n'a qu'un défaut : celui d'être trop proche du Blavet...

UNE GRANDE DAME.

C'est à peu près à cette époque qu'une certaine Madame PETIT est reçue parmi les dames pensionnaires à la Communauté des Augustines. Elle y a été introduite par l'entremise de Monsieur l'Abbé BIGREL, ancien Aumônier du couvent, qui a été promu Vicaire général à St Brieuc. Madame PETIT se dit être une fille naturelle de Louis XV. Née Elisabeth-Thérèse LAFORGUE de la SALLE, elle a épousé en premières noces le Marquis de BREVILLE qui fut Gouverneur de St Domingue. Devenue veuve après l'assassinat du marquis lors d'une insurrection dans l'île dominicaine, elle a épousé en secondes noces le Sergent Jean-Baptiste PETIT, l'un des gardiens de la prison de Nantes. Elle y a, en effet, été incarcérée en tant qu'aristocrate, en débarquant dans ce port en pleine Révolution française. Grâce à ce roturier, elle a échappé à une mort certaine à l'époque où le fameux CARRIER semait la terreur sur les bords de Loire.

C'est une très vieille dame qui arrive le 1er Juillet 1849 à Gouarec, mais il lui reste beaucoup de distinction en dépit de son indigence. Elle meurt le 23 Avril 1859 à linge de 89 ans.

NOUVEAUX EVENEMENTS NATIONAUX.

Quand survient le Coup d'Etat du 2 Décembre 1851 et le plébiscite des 21 et 22 Décembre 1851 faisant de Louis-Napoléon BONAPARTE un Prince-Président élu pour 10 ans, nous ne sommes pas assurés que Monsieur Pierre LE MOIGN ait remplacé Monsieur Antoine RACINET comme maire de Gouarec, car le procès-verbal de la délibération n'a pas été consigné. Mais il est certain qu'il administre la commune le 25 Décembre 1851. [Note : Nous ignorons en conséquence le mode de désignation de ce Magistrat. Son prédécesseur Antoine RACINET a été nommé par arrêté du Préfet en date du 22 Décembre 1825. Le doyen du Conseil a ensuite reçu Monsieur RACINET aux fonctions de Maire. Ce dernier a juré fidélité au Roi, obéissance à la charte constitutionnelle et aux lois du Royaume].

La proclamation de l'Empire a lieu le 2 Décembre 1852. A l'occasion de la naissance de l'héritier présomptif chez le couple impérial, un projet de lettre, adopté à l'unanimité par les conseillers municipaux et daté du 23 Mars 1856, est conçu en ces termes : " Sire, La France entière a salué de ses acclamations l'heureuse délivrance de sa Majesté l'Impératrice et la naissance du prince impérial héritier de votre nom et continuation de votre glorieuse dynastie. Les membres du Conseil municipal de Goarec, interprètes des sentiments de la population de cette commune, après avoir rendu grâce à Dieu de cet heureux évènement, s'empressent de vous offrir, ainsi qu'à sa Majesté l'Impératrice, l'hommage de leurs respectueuses félicitations et de leurs voeux".

Quand survient, en Janvier 1858, l'attentat à la bombe perpétré par ORSINI, la France est horrifiée : l'attentat a lieu au moment où le couple impérial se rend à l'Opéra. Si la bombe n'atteint pas son objectif, elle fait pourtant 8 morts et 150 blessés. Le 31 Janvier le Conseil municipal de Gouarec se réunit en séance extraordinaire et, dans la foulée de l'évènement, écrit à l'Empereur : "Sire, Un cri d'indignation et d'horreur a retenti dans toute la France à la nouvelle de l'exécrable attentat commis contre les personnes Augustes de l'Impératrice et de votre majesté, par une poignée de scélérats et d'assassins stipendiés. L'autorité administrative et le Conseil municipal de Gouarec, après avoir par de solennelles actions de grâce, remercié la divine providence de la protection toute spéciale dont elle couvre les jours si précieux de votre majesté, éprouve le besoin de déposer à vos pieds, comme protestation de cet abominable crime, la nouvelle expression de leurs sentiments d'inviolable fidélité à votre majesté et d'attachement à votre dynastie. Fait et délibéré en séance extraordinaire à Gouarec, Cotes du Nord, le trente et unième jour de Janvier, mil huit cent cinquante huit".

Le 7 Août 1859, à la suite des victoires en Italie et de l'armistice signé le II Juillet entre Napoléon III et François-Joseph qui cède ses droits sur la Lombardie, une lettre est de nouveau adressée à l'Empereur : "Sire, La France peut se reposer dans son triomphe : assez de lauriers ont été moissonnés par son invincible armée dans les champs de la Lombardie. Magenta et Solférino diront longtemps à un puissant ennemi vaincu, les amers sacrifices de sa résistance à nos armes. Sire, la campagne d'Italie vous met au rang des plus grands capitaines, et la paix glorieuse de Villafranca sera dans l'histoire, l'immortel témoin de la modération du Prince qui, au comble du succès, a su résister à l'ennivrement de la fortune. Daignez, Sire, agréer les respectueux hommages de dévouement et de fidélité du corps municipal de la commune de Gouarec".

Un nouvel attentat met en péril la vie de l'Empereur, le 6 Juin 1867. Une lettre de sympathie lui est encore adressée : "Sire, L'autorité administrative et le Conseil municipal de Gouarec, au nom de leurs Concitoyens, s'unissent à la France entière pour remercier Dieu de la protection spéciale dont il a entouré votre Majesté et les personnes Augustes de vos hôtes. Ils flétrissent le malheureux qui a choisi, pour commettre son horrible attentat, notre chère patrie, le grand modèle de la loyauté, et ils vous prient de daigner agréer, Sire, de vos respectueux sujets, les humbles sentiments d'inviolable fidélité à votre Majesté et d'attachement à votre Dynastie". [Note : A travers ces lettres officielles, on observe que la façon d'orthographier le nom du bourg peut varier. Il apparait pourtant qu'une manière prévaut : "Gouarec" remplace "Goarec", rejoignant par le truchement de la lettre U, la prononciation du W de la fin du XVIIIème siècle. D'autre part, ces lettres montrent que la vie provinciale du XIXème siècle est toute bruissante des faits marquants de l'Histoire contemporaine].

LA "VILLE" DE GOUAREC.

Il y a localement des problèmes à résoudre.

En effet, dans la municipalité voisine, il se trouve des gens qui contestent les droits acquis à la Lande de Gouarec située sur la commune de Plélauff. Les membres du Conseil de Gouarec tiennent à préciser les choses de façon claire : "Gouarec avait les titres et privilèges de ville comme l'un des principaux sièges du Duché de ROHAN. La légitimité de notre propriété n'a jamais été contestée, ni par les descendants du Duc de ROHAN, ni par des cessionnaires, ni par la commune même où nos droits sont situés".

Un acte daté de 1724 reconnaît à Gouarec ce titre de ville, mais chacun sait que la localité n'est guère plus importante qu'un bourg. En fait, ce qui importe en l'occurrence, c'est que la donation ait été faite, pour tout ce qui concerne la Lande de Gouarec, à la Ville et non à la commune.

Par ailleurs, les séances de vaccination se pratiquent à Gouarec et ces mesures préventives sont confiées à la sage-femme qui a présidé à la mise au monde de nombreux enfants du pays : il s'agit de Madame Jeanne PHILIPPE, femme GUIOMARD. Chaque année, pour la vaccination, elle est reconduite dans ses fonctions. [Note : Il s'agit de la vaccine ou vaccination antivariolique, découverte par le médecin anglais JENNER (1749-1823)].

Le 3 Mai 1868, le Conseil municipal, après délibération, vote à l'unanimité la construction d'un hôtel de ville dont la dépense totale pourrait s'élever à 30.000 francs, à supporter pour 2/3, soit 20.000 francs par la commune, et 1/3, soit 10.000 francs par l'Etat.

Il s'agit de la reconstruction de la Halle, avec Mairie et Justice de Paix à la partie antérieure de l'édifice. Les plans ont été réalisés par Monsieur DELARUE, ingénieur et architecte.

Quelques jours plus tard, le 9 Mai, le Conseil charge Monsieur le Maire de transmettre à Monsieur l'Ingénieur DELARUE sa gratitude pour le plan. Les Conseillers autorisent le Maire à mettre en adjudication les travaux à entreprendre, lui donnant toute liberté pour la distribution intérieure de la construction.

Mais le premier Magistrat Pierre LE MOIGN meurt le 25 Juillet 1870. Son fils aîné Pierre-Marie, notaire, déjà membre du Conseil, le remplace, à la demande expresse des autres conseillers municipaux. Le 18 Septembre 1870, ils lui déclarent qu'ils considéreraient son refus, "dans le grand péril où se trouvent la France et la commune, comme le fait d'un fils qui, voyant sa mère en danger, passerait à l'étranger". Dans l'impossibilité de faire un appel immédiat au suffrage universel des habitants, le Conseil désigne donc le Maire d'une voix unanime et par acclamation.

En effet, la guerre de 1870 vient d'éclater. Aussi doit-on remettre à plus tard 12 réalisation de l'Hôtel de Ville.

Les 4 et 18 Septembre, les délibérations du Conseil municipal ont pour objet l'organisation de la garde nationale sédentaire, conformément à l'instruction du Préfet, en date du 24 Août 1870. La commune prévoit 2.000 francs sur son budget pour l'habillement, l'équipement et l'organisation de la garde nationale. Mais un appel est adressé aux citoyens de la commune, afin que ceux qui veulent bien se charger eux-mêmes de leur équipement, puissent le faire, "Le Conseil se déclarant parfaitement décidé à prêter son concours à toute initiative privée qui a en vue la défense nationale".

Trois gendarmes partent rejoindre l'armée de la Loire, en Novembre. L'un d'entre eux est porté déserteur. Rentré à Gouarec, il est arrêté, passe en Conseil de guerre et est fusillé.

LA QUESTION DU PRESBYTERE.

Monsieur GALERNE, curé de Gouarec, meurt le 23 Septembre 1871. Par testament, il cède sa maison à la Fabrique pour servir de presbytère à perpétuité. Mais toutes les factures ne sont pas encore payées, et son successeur, l'Abbé HELARY, est contraint de vendre le magnifique édifice qu'il a même refusé tout d'abord d'habiter, lui préférant une demeure plus modeste.

Le Docteur Guillaume RACINET se charge généreusement de désintéresser les créanciers afin d'assurer pour toujours, pense-t-il, le logement du prêtre-résident, maison qu'il appelle : "Ti an Itron Varia ar Fons".

L'HOTEL DE VILLE.

Les hostilités se sont éloignées avec leurs séquelles de restrictions et de rigueur. Aussi, le 12 Juin 1872, le Conseil municipal relance-t-il les travaux de l'Hôtel de Ville. Il décide que l'édifice comportera deux pavillons sur arcades, aux extrêmités midi et nord de la Halle.

Le 24 Juillet 1872, l'architecte Monsieur DELARUE propose comme entrepreneur Monsieur Jean-Louis PIGNOREL "l'habile et consciencieux entrepreneur du petit séminaire de Plouguernével". [Note : Le petit séminaire de Plouguernével fondé le 28 Août 1669 par décret de Monseigneur de COETLOGON évêque de Quimper, dont dépendait la Cornouaille, a été construit sous l'impulsion de l'Abbé Maurice PICOT, Recteur de Plouguernével, et achevé en 1670. Délabré après la Révolution française, il est entièrement reconstruit de Juillet 1867 à Juillet 1877. L'entrepreneur est Monsieur PIGNOREL, de Saint-Brieuc. L'un des artisans les plus actifs du projet de restauration est Monsieur GALERNE, curé de Gouarec, précédemment recteur de Plouguernével]. La proposition est acceptée et on peut commencer les travaux. Pendant que cette construction importante se poursuit au centre de Gouarec, la municipalité fait exécuter le nivellement et l'empierrement des rues, dont il avait déjà été question en 1844, afin qu'il n'y ait pas de décalage entre la chaussée du bourg et la grand-route devenue "route nationale" après avoir été "route royale", puis "route impériale".

En 1875, l'Hôtel de Ville est terminé et on pense à en organiser l'inauguration. La municipalité met donc de côté la somme de 100 francs pour que la cérémonie se passe dignement. Mais, le 11 Juillet, le Conseil décide d'affecter cet argent à l'indemnisation des départements du Midi de la France qui ont été sinistrés par des inondations.

La commune n'est pas frustrée sous tous rapports, puisque les Conseillers acceptent la proposition d'un service télégraphique à Gouarec.

INONDATIONS.

Le 22 Août 1880 Gouarec connaît, à son tour, des inondations : le Blavet et le Doré, grossis par des pluies torrentielles, débordent pendant 15 heures. Le nivellement des rues est-il complètement étranger à un tel envahissement des eaux ? Toujours est-il que les gendarmes prêtent main forte aux riverains. En effet l'eau pénètre dans les maisons et notamment dans le presbytère. Le curé, Monsieur HELARY, pour se sauver, monte sur les épaules d'un robuste gendarme et dit en riant : "Je suis rassuré : me voilà à cheval sur la loi !". L'humour n'est donc pas absent... Le 1er Septembre de la même année, les gendarmes sont cités à l'ordre de la Légion pour leur dévouement en la circonstance.

LA TOUR DE L'EGLISE.

En 1889, l'église, édifiée depuis plus de cinquante ans, a besoin de réparations. Le Conseil municipal, après mûre réflexion, décide de sa restauration et de l'édification d'un clocher. Monsieur MOIGNON, architecte à Saint-Brieuc, est chargé de proposer plans et devis. La décision est prise en séance municipale le 9 Juin 1889 et le Conseil vote un emprunt de 12.000 francs. L'exécution est confiée à Monsieur Emile LE GAL, entrepreneur. Il s'avère nécessaire de sacrifier quelques dépendances de l'ancienne chapelle Notre-Dame de la Fosse, afin de construire plus commodément le clocher et y avoir accès. Le plan cadastral de l'époque comporte cette note : "La tour avance de 4 m 05 sur l'ancien pignon de la chapelle N.D. de la Fosse". La dépense totale de cette construction s'élève à environ 33.000 francs.

Le 19 Avril 1891, un incendie éclate dans le bois de Gouarec et les gendarmes sont de nouveau à pied d'oeuvre pour circonscrire le sinistre.

Depuis la disparition, en 1881, du Docteur RACINET, fils de l'ancien Maire, Gouarec n'ayant pas de médecin, doit recourir au Docteur DERIEN, de Corlay, pour la vaccination de 1895. Pendant cinq ans, de 1897 à 1902, on fait appel pour ce service, au Docteur LE HENAFF, de Saint Nicolas du Pélem.

LA LIGNE DE CHEMIN DE FER.

La fin du XIXème siècle connaît une effervescence inhabituelle : toute la région parle des travaux importants liés à la construction des chemins de fer. Les commentaires sont favorables ou défavorables et parfois la polémique est sévère.

Le 26 Septembre 1897, la réunion du Conseil municipal est décisive. Le secrétaire de la séance s'exprime en ces termes : "Monsieur le Maire a exposé que le dossier d'enquête relative à l'emplacement des stations de la ligne de chemin de fer de Saint-Méen à Loudéac et Carhaix (section de Loudéac à Carhaix) avait été déposé à la Mairie et que le Conseil municipal était appelé à donner son avis. Personne n'étant venu faire d'observation, le Conseil, en conséquence, acquiesce au projet".

Des ouvriers, recrutés dans la région, vont donc travailler sous la direction d'ingénieurs et de maîtres d'oeuvre chevronnés. Des chevaux aident à véhiculer rails et madriers de traverses. Des boeufs venus de Cléguérec sont aussi sur le chantier. Pour réconforter la main-d'oeuvre, des fermières apportent des bolées de lait ribot. Et c'est ainsi que bientôt, des ponts vont franchir les rivières, Un viaduc enjambe même la vallée du Daoulas.

Le premier train circule en 1901 et attire une foule de curieux, tout comme les chalands évoluant plus lentement sur le canal, précédés à l'arrivée par un son de corne appelant l'éclusier à remplir son office.

En 1903, le service ferroviaire est régulier, puisque trois trains journaliers font le trafic entre Carhaix et Loudéac, aller et retour. Les membres du Conseil municipal s'en félicitent au cours de la séance du 15 Mars 1903 : "Le canal et la gare permettent aujourd'hui à Gouarec, de recevoir et d'expédier des marchandises dans des conditions exceptionnelles et avantageuses".

A cette époque, le Maire est Monsieur Georges LE MOIGN, Avocat, élu à la majorité absolue par le Conseil municipal le 28 Décembre 1902, après le décès de son frère aîné Pierre-Marie, survenu le 13 Novembre précédent. C'est donc sous le mandat du nouveau Magistrat que se poursuivent les travaux de réfection du mur du cimetière St Gilles. Les arbres qui encombrent l'enclos paroissial : hêtres, frênes et ormes, sont vendus sur pieds aux enchères publiques, à charge pour les acquéreurs de les abattre, de les débiter et de les emporter. Seuls, les ifs sont conservés.

LOI DE SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT.

Le XXème siècle commence par des évènements politiques qui ont un retentissement jusqu'en province. En Juillet 1904, le Gouvernement provoque la rupture des relations diplomatiques entre le Vatican et la République. La loi du 7 Juillet 1904, dans son article 1er, proclame que l'enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations. La loi sur la séparation de l'Eglise et de l'État est votée par les chambres et promulguée le 9 Décembre 1905. Certaines institutions religieuses ne vont pas tarder à être fermées. La Direction et le corps professoral du petit Séminaire de Plouguernével sont dépossédés de leur établissement.

Le couvent de Gouarec étant reconnu juridiquement, les religieuses ne sont pas expulsées mais, par arrêté ministériel du 6 Juin 1908, elles sont contraintes de fermer leur école, Elles conservent leur oeuvre hospitalière mais étant donné le nombre d'indigents reçus à l'hôpital-hospice, elles doivent, pour vivre, faire du lavage, du repassage, des ouvrages de broderie et de tricot, pour les personnes qui veulent bien leur confier ce travail.

Le Conseil municipal sous l'égide de Monsieur Georges LE MOIGN, puis à partir des élections du 15 Mai 1904, de Monsieur Urbain LE DUIGOU [Note : Les élections municipales se font désormais régulièrement au suffrage universel, puis le Maire est élu au sein du Conseil à la majorité absolue], essaie de trouver une solution à la question scolaire. Il faudrait construire, mais l'on n'arrive pas à se mettre d'accord sur l'emplacement. Aussi, provisoirement, les instituteurs et institutrices de l'enseignement public sont-ils installés dans les locaux des halles. La situation ne sera pas résolue de sitôt.

L'administration communale souhaite aussi "la venue à Gouarec d'un docteur Médecin, d'une sage-femme et d'un pharmacien", ainsi que l'affirme la délibération du 22 Novembre 1903. Le secrétaire poursuit : "Le Conseil reconnait, avec ceux qui ont exprimé le désir d'avoir à Gouarec de ces professionnels, que leur présence y serait nécessaire. Cependant il ne croit pas que les finances municipales soient assez importantes pour rémunérer convenablement un médecin et un pharmacien ; il accepte cependant ferme de verser à une sage-femme l'ancien traitement annuel de soixante francs, avec promesse de s'évertuer à trouver le moyen d'augmenter peu à peu cette somme".

Il faudra encore attendre quelques années (en 1909), pour que le Conseil puisse nommer Monsieur LONGEART, docteur à Gouarec, médecin vaccinateur de la commune.

GOUAREC AU DEBUT DU XXème SIÈCLE.

Comment se présente Gouarec au début du XXème siècle ? C'est une petite cité dominée par son clocher tout neuf dont les factures ont été totalement règlées, ce qui a permis la suppression de l'octroi, le 30 Novembre 1906. (On se souvient que cette taxe avait été créée en 1824 pour faire face à la nécessité de reconstruire l'église).

Au centre du bourg, les halles occupent un espace important devant le pavillon de la justice de ROHAN, la maison des sergents de ladite seigneurie et l'immeuble de l'ancienne prison. Sur le nouveau champ de foire, le four banal reste le témoin de l'antique droit féodal, et l'on pêche l'anguille au Moulin de ROHAN.

Il y a des noms de rues : rue au Lin, rue du Baron, mais la plupart d'entre elles sont identifiées en fonction de leur destination : rue de la gare, rue du moulin de ROHAN, rue de la chapelle N.D. de la Fosse qui va devenir la rue de l'église, etc. Certaines de ces rues, en particulier la venelle du Biriou, sont tellement fangeuses qu'il faut des dispositions municipales pour en exécuter le nettoyage. Les pompes qui ont remplacé les anciens puits ne fonctionnent pas bien, mais l'eau ne manque pas dans les rivières et l'on s'en sert pour la lessive. Les lavandières se rendent au vieux pont du Doré, les brouettes chargées de linge et les mains rougies par le froid. Les bêtes viennent aussi s'y abreuver.

Le pont du Boédec sur le Blavet et le pont Oret sur le Doré auraient besoin d'être élargis. D'autant plus que le trafic occasionné par l'arrivée des marchandises à la gare et au débarcadère est important et est gêné, notamment en face des magasins à blé, par des amoncellements insolites de sacs et de caisses. Il arrive souvent que des charettes en charge et décharge bloquent la circulation. En 1903, le Conseil municipal signale le passage d'au moins cent voitures par jour, au niveau de la ligne de chemin de fer.

La petite cité Gouarecaine est ceinturée de fermes ; matin et soir, des troupeaux circulent assez librement au centre du bourg et il existe même un emplacement situé près du Pavillon de ROHAN que l'on appelle : "Place du marronnier des vaches".

Et pourtant, il y a lieu d'être prudent depuis que les "automobiles" traversent Gouarec. L'une d'entre elles a, en effet, franchi le talus qui borde le mauvais tournant de la route de Laniscat, aubout du Pont du Boédec, comme un "véritable cheval de course" mais, affirme le secrétaire de la délibération qui en fait foi, "les occupants ont à peine été contusionnés".

Cependant, la voiture des Postes, encore appelée "courrier", continue à sillonner les routes en dépit des autres moyens de transport. Et quand le soir, la petite cité retrouve le calme, le lampiste passe dans les rues pour allumer les réverbères.

CHARLES FILIGER.

En Septembre 1906, un homme de 43 ans, d'aspect plutôt frêle, s'installe dans une modeste auberge, derrière les Halles, où s'arrête la voiture postale. Il y loue une chambre pour 107 francs par mois. Il dispose dans cette pièce toiles et, chevalets, et reste volontiers y peindre et faire de la décoration sur des écuelles de bois. Cet homme s'appelle Charles FILIGER. C'est un peintre de talent. Il a connu GAUGUIN et SERUSIER, ayant partagé la même auberge au Pouldu, et il a adopté le style de l'école de Pont-Aven, avec une note mystique bien personnelle.

Mais il aime la solitude et après avoir découvert Gouarec, il s'y plait beaucoup. Il écrit à son frère Paul : "Je suis dans un pays admirable...le paysage d'ici est absolument nouveau pour moi, et Gouarec même, grand village où j'habite, est des plus jolis dans son cadre de vallées et de forêts, avec la rivière qui met une note riante dans cet ensemble des plus pittoresques... Je n'ai jamais rien rencontré de pareil comme sites, depuis que j'ai délaissé les bords de la mer, et je crois qu'en un tel milieu, je reviendrai aux promenades et aux études d'autrefois".

Mais l'hiver 1907-1908 à Gouarec lui est très pénible. Sa santé s'altère et il frêle la dépression. Le 28 Octobre 1908, en glissant dans l'escalier de l'auberge, il se casse la jambe et reste cloué au lit. Cela ne contribue pas à arranger ses difficultés pécuniaires. Pourtant, il se remet progressivement et recommence à peindre.

Son séjour prend fin en Juin 1909. En effet, il quitte définitivement Gouarec qu'il a tant aimé, après le vol sordide de son tableau préféré, par un peintre de Nantes, de passage à l'auberge.

La municipalité cannaît bien les enjeux de la cité et les souligne souvent au cours des réunions du Conseil. Nous y lisons sous la plume du secrétaire : "Gouarec est peut-être un site des plus jolis à voir, et une légitime curiosité est susceptible d'y amener bien du monde".

Il signale également : "Le Pavillon de ROHAN, oeuvre si curieuse et si admirée des artistes étrangers qui séjournent à Gouarec". (Peut-être faut-il y voir une allusion au passage de Charles FILIGER ?)

A QUAND LA LUMIERE ELECTRIQUE ?

C'est sous le mandat de Monsieur Georges LE MOIGN, élu à la tête de la commune le 17 Mai 1908, que l'on entend parler d'une nouveauté : l'électricité... Le 12 Décembre 1909, en séance municipale, "Monsieur le Président donne lecture d'une lettre de Mr le Préfet des Côtes du Nord, en date du 13 Novembre dernier, relative aux distributions d'énergie électrique. Cette question est à Gouarec l'objet d'études aussi graves que suivies depuis déjà plusieurs années ; elle a une importance si considérable non seulement pour Gouarec même, mais pour les lieux circonvoisins, qu'il serait, on peut le dire, de l'intérêt général du pays, d'envoyer à Gouarec les ingénieurs qu'offre la circulaire susvisée de M.le Préfet reproduisant les propositions premières de M.le Ministre".

L'électrification de la commune n'est pas encore pour demain, mais les premiers jalons d'études préalables sont accueillis favorablement et soulèvent de légitimes espoirs.

GESTION DES BIENS COMMUNAUX.

La situation particulière de Gouarec, en raison de ses origines féodales, amène le Conseil municipal à préciser fréquemment l'attribution des biens dits communaux, en fonction de la destination voulue par les donateurs. Voici ce que déclare une délibération du 8 Août 1909 : "La commune entend répéter qu'il n'y a jamais eu de Fabrique [Note : Fabrique ou Conseil de Fabrique : Groupe de clercs ou de laïcs qui administrent les biens d'une église] à Gouarec, pas plus que de paroisse, la Fabrique et la paroisse de Gouarec se trouvant légalement établies à St Gilles, comme le démontrent tous les titres des archives ; de plus, on pourrait citer tous les actes de bienfaisance faits au profit de la chapelle dite maintenant église de Gouarec, en particulier de la Soeur St Louis née Marie-Corentine TREVENEC [Note : Soeur St Louis, Ursuline (1763-1841), enterrée à Gouarec, à la Communauté des Augustines. Sa Communauté avait été expulsée à la Révolution française], et de Mme Toussaint LE ROUX née Marie-Anne HUET... Cette question amène M.le Président à prier le Conseil de remarquer que c'est surtout avec le produit des ventes des biens donnés par la Sr St Louis, que M. GALERNE, Curé, a pu bâtir son presbytère et que les dépendances de ce presbytère sont la propriété très ancienne de la Chapelle de N.D. de la Fosse, laquelle appartenait, comme la lande dite de Gouarec, du reste, à la seule Censive [Note : Censive : Selon le droit féodal, une censive est une terre roturière concédée par le Seigneur du lieu, à charge pour les bénéficiaires de lui verser une redevance annuelle] de Gouarec, dénommée maintenant la Commune de Gouarec, mais ce changement de nom n'a pu en rien changer l'origine initiale des propriétés".

Le 23 Juin 1912, la question est reprise, durant le mandat de Monsieur Louis LE ROUZIC élu maire de Gouarec le 13 Février 1910 selon les modalités légales en vigueur.

Voici les termes de la délibération : "Gouarec, autrefois censive et principauté du duché de ROHAN, offre cette singularité que son territoire relevait religieusement de Plouguernével, diocèse de Quimper, et civilement de la seigneurie de ROHAN. Comme censive, Gouarec était propriétaire d'une chapelle dédiée à N. D, de la Fosse ; comme paroisse, son église était à St Gilles-Gouarec, trêve de Plouguernével. Après la Grande Révolution, quand les configurations locales furent modifiées tant civilement que religieusement, Gouarec devint au premier chef, commune d'abord et chef-lieu de canton ensuite, et du second chef, paroisse. A titre de paroisse, son église était, comme auparavant, St Gilles-Gouarec ; peu à peu les desservants préférant célébrer les offices près de chez eux, délaissèrent l'église de la paroisse et vinrent officier dans la chapelle de la Censive ; ces nouvelles habitudes datent d'environ 1824 et finirent par se généraliser sous la République de 1848, puis sous le deuxième empire".

Voilà une fresque historique fort intéressante !

Nous ne pouvions que la transcrire intégralement.

La question de la Lande dont le plan cadastral date de 1835, préoccupe la Municipalité : Le 20 Septembre 1911, le secrétaire de la réunion écrit :
"On ne saurait tarder davantage à établir le plan de la Lande de Gouarec. Ce travail importe à la Commune et aussi à ses nombreux fermiers, puisque les contribuables de Gouarec menacent, à son défaut, d'exiger la location publique de tous ces biens donnés à la Censive de Gouarec par une princesse de Bretagne".

En effet, la situation des habitants de la Lande, dont certains sont "colons" et d'autres "fermiers", est particulière : des parcelles de terre leur ont été concédées gratuitement pour y construire leurs habitations dont ils sont propriétaires, ainsi que du sol qu'ils occupent, mais le sous-sol est la propriété de la Censive. Ils ne peuvent donc, pour leur propre compte, extraire des pierres, de carrières qui pourraient s'y trouver. Ces terres de la Lande sont un domaine congéable, c'est-à-dire un terrain affermé pour un temps indéterminé, mais dont le propriétaire, en l'occurrence la "ville" de Gouarec, peut reprendre la jouissance. Les habitants de la Lande doivent verser une redevance modique, voire symbolique. [Note : Cette situation durera jusque 1960 environ, où chacun pourra acquérir en totalité le sous-sol sur lequel est bâtie sa maison]

Si, en 1835, la Lande ne possédait qu'une huitaine d'habitations, en 1911, les foyers approchent de la centaine. [Note : En 1914, on signale 101 maisons. Le plan cadastral de la Lande de Gouarec attendra l'année 1920 pour être réalisé par les soins de Monsieur LE BRIS, ingénieur agent voyer à Rostrenen. Documentation sur la Lande : Cf. Compte-rendus des séances municipales du 3 Mai 1867, du 22 Février 1920, du 19 Janvier 1921, etc.].

La situation doit donc être clarifiée.

LA GUERRE DE 1914-1918.

Nous ne connaissons pas la date exacte des élections municipales de l'année 1914, mais nous sommes assurés que le 10 Mai 1914, Monsieur Yves PENAULT vient de succéder à Monsieur Louis LE ROUZIC à la tête de la mairie de Gouarec.

Dès le début de la première guerre mondiale dite "grande guerre", les soldats rejoignent le front, équipés de leur uniforme bleu "horizon".

Le 2 Août 1914, par suite de la mobilisation générale, le nouveau maire et ses conseillers prennent des dispositions d'urgence pour rentrer les récoltes : des équipes volantes de volontaires non exploitants sont organisées pour aider les fermiers privés de main-d'oeuvre du fait de la guerre. Deux propriétaires, disposant chacun de deux chevaux, offrent de les mettre, au prix de leur picotin d'avoine, à la disposition de conducteurs de faucheuses (il existe environ une faucheuse par village).

La délibération municipale du 4 Février 1915 fait allusion à "l'arrivée probable de blessés ou malades militaires du Pays de Gouarec, chez les Soeurs Hospitalières de cette ville".

Les membres présents votent même une somme de trois cent francs pour parer aux premières nécessités "sous cette réserve que Gouarec n'ait pas d'Allemands à hospitaliser".

Effectivement, l'ancien pensionnat des Augustines est transformé en intendance militaire dépendant de l'Hôpital de Plouguernével. Cinquante blessés y seront reçus du début Mai 1915 au 25 Décembre de la même année. Ils sont même si bien soignés, que l'Officier inspecteur doit avertir la Supérieure que les soldats y prolongent volontiers leur convalescence. Des réfugiés civils sont également logés gratuitement au Couvent, du 15 Juillet 1917 au 31 Juillet 1919.

Les Gouarecains, bien qu'à la campagne, connaissent les restrictions : il y a des cartes de pain, mais aussi des castes de pétrole. Et comme dans toutes les guerres, il y a les héros ... et les profiteurs.

En 1918, la grippe espagnole agrandit les vides laissés par la guerre. C'est aussi autour des années 1919-1920, que trois enfants : l'un de Gouarec, le second de la Lande et le troisième de Kerflec'h en Plélauff, sont mordus par un chien enragé. Le petit JOUAN est terrassé ; les deux autres, conduits en char-à-bancs à Saint-Brieuc pour recevoir du serum antirabique, sont sauvés.

Le 27 Janvier 1918, le Conseil, à la majorité des voix, nomme Monsieur L'HERMITE administrateur communal, en remplacement de Monsieur Yves PENAULT, décédé. Mais les élections du 13 Décembre 1919 donnent à la commune un nouveau Magistrat : Monsieur Hippolyte LE MOIGN dont le père, l'oncle et le grand-père ont également administré la mairie de Gouarec.

UNE GREVE DES BOULANGERS.

Du 16 au 21 Septembre 1920, les boulangers de la localité font la grève : le prix du pain est trop bas pour leur permettre de vivre de leur travail. D'ailleurs, on raconte depuis longtemps qu'au XVIIIème siècle, une dame de ROHAN-GUEMENE, suzeraine de ces lieux, étant venue visiter Gouarec, offrit à ses vassaux un fastueux banquet. Elle avait fait venir de loin et à grands frais du pain de froment, mais à sa stupéfaction, elle constata que ses invités préféraient le pain de seigle. Irritée, "elle s'emporta en invectives contre un pays peuplé de gens de si mauvais goût et prophétisa que jamais boulanger ne pourrait vivre de son état à Gouarec". [Note :  Cf. La Bretagne contemporaine. Ouvrage collectif, p.81. Imprimeur-Editeur : Henri CHARPENTIER, 1865].

La prophétie semble bien se réaliser en cette fin de l'été 1920 et les boulangers cessent de fournir à leur clientèle une denrée jugée indispensable. Il en résulte une réaction d'inquiétude et de mécontentement dans la population. Une manifestation est même organisée : les mamans suivies de leur progéniture viennent crier famine à la porte du premier Magistrat. Comment donner satisfaction à ces revendications trop légitimes ?

Monsieur le Maire décide d'utiliser le four à pain du Couvent et va en demander l'autorisation à la Supérieure qui accède bien volontiers à sa requête. Il vient lui-même assister à la fabrication du pain. La cuisson terminée, les belles et bonnes miches sont disposées dans une charette à bras pour être vendues à chaque coin de rue, par les soins du secrétaire de mairie… à la joie des habitants.

L'opération est répétée pendant les six jours de grève.

Le 21 Novembre, la délibération municipale en tire les conclusions.

"Grève des boulangers.
M. le Président rend compte que pendant la grève des boulangers qui a duré du 16 au 21 Septembre 1920 inclus, il a dû assurer le ravitaillement de la population. L'opération a donné les résultats suivants :
Achat de 13 sacs de farine : 1.679 f.
Frais divers : 43,f.20
Boulanger (15 f. par jour) : 90 f.
Fagots (35 f. le cent) : 40,f 60
Total : 1.852,f.80
La vente du pain a rapporté 2.152,f.80.

Soit 598 pains à 3,f.60, soit 46 pains par sac. Il reste donc à la Commune un bénéfice de 300 f.

Sur ce bénéfice, le Conseil décide de prélever une somme de 40 f. pour le Secrétaire de Mairie, M. PENAUIT Yves, qui a bien voulu se charger de la vente du pain. Le Conseil vote une gratification de 10 f. pour M. Jean-Louis LE MAPIHAN qui a accepté de fabriquer le pain pendant la grève et, se faisant l'interprète de la population toute entière, lui adresse tous ses remerciements. Le Conseil également, à l'unanimité de ses membres, offre aux Soeurs hospitalières de la Communauté de Gouarec, ses sincères remerciements pour l'empressement avec lequel elles ont mis leur boulangerie et même leur personnel à la disposition de la municipalité.

Le Doyen d'âge des Conseillers, M.JOUANNO, au nom de ses collègues et de toute la population gouarecaine, adresse ses vifs compliments à M. le Maire, pour l'autorité dont il a fait preuve en cette circonstance".

TRANSFERT DE LA GENDARMERIE.

Le 1er Janvier 1921, par décision ministérielle, la brigade de gendarmerie est transférée de la maison CONNAN qu'elle occupait depuis 1848, à l'Hôtel COUGARD, rue du Moulin. Le procès-verbal d'installation est signé du Maire et du lieutenant de gendarmerie.

LES FOIRES.

Les foires ayant été interrompues pendant la guerre de 1914, le Conseil municipal en décide la reprise à partir de 1921, chaque deuxième samedi du mois, avec adjudication des droits de place.

Le marché aux bestiaux a lieu sur la place du centre, en face du four banal ; les étalages de marchandises sont groupés sous les Halles, à l'abri des intempéries. Les commerces de Gouarec améliorent ce jour-là leur chiffre d'affaires.

Précisément, les Halles ont besoin de réparations. Le 21 Août 1921, le Conseil donne un avis favorable pour que soient restaurées la toiture, les fenêtres, la porte du grenier, et que le sol soit aplani.

UN BARRAGE A GUERLEDAN.

Les projets du barrage de Guerlédan prennent corps en 1921. Le financement ne tarde pas à être voté et accordé. De 1924 à 1930 la région mûroise va connaître une activité intense. Mais à Gouarec, on en parle aussi.

La séance municipale du 17 Septembre 1922, tout-à-fait dans la ligne de la délibération du 12 Décembre 1909, reflète l'adhésion pleine et entière du Conseil : "Au sujet de la demande de concession présentée par la Société générale d'entreprises, 56 faubourg St Honoré, Paris, pour l'établissement d'une usine hydro-électrique, le Conseil donne un avis très favorable ; l'électricité, une fois installée, ne pouvant que procurer des avantages nombreux à la région traversée".

Ce que l'on ne réalise paa encore, c'est que la voie navigable va se trouver limitée par le barrage. Mais la voie ferrée n'a-t-elle pas pris le relai ?

Aussi le Conseil municipal, satisfait de la marche du progrès, peut-il songer au développement de la culture, par la création de la première bibliothèque. Un crédit de 100 F. est voté le 3 Décembre 1922 pour l'achat de livres de lecture qui seront déposés à la bibliothèque de l'école des garçons et mis à la disposition des habitants de la Commune.

Comme il faut être réaliste, la municipalité fait, en Août 1923, l'achat d'une pompe à incendie dont le coût s'élève à 4.353,50 F.

Mais le danger est ailleurs : il y a des inondations à Gouarec, les 2 et 3 Janvier 1925. Le Conseil municipal note une "crue anormale des eaux" jusqu'à 1 mètre de hauteur, et cherche à en déterminer les causes. Il décide, le 15 Mars 1925, la réfection du pont du Doré qui ne permet pas un débit suffisant, et la rectification de la digue de St Hervé pour assurer un meilleur écoulement du trop-plein des eaux du canal.

On oublie un peu tous ces soucis le 18 Août 1925 quand, à l'occasion du Centenaire de l'arrivée des Augustines à Gouarec, ont lieu de grandes solennités. Pour commémorer l'évènement, un beau calvaire est érigé, grâce à l'initiative et aux ressources de l’Aumonier Monsieur MORIN, en bordure du champ de foire qui va devenir la Place du Calvaire.

L'électrification de la ville et des différents bâtiments communaux : mairie, écoles, église, halles, est bien avancée en Décembre 1927. Les rues sont éclairées eu Mars 1930. Tous les travaux prévus par le Conseil sont terminés le 15 Novembre 1931.

Mais dans le même temps, les inondations sont fréquentes, surtout dans la partie basse de la localité. Les 28 et 29 Novembre 1930, le niveau de l'eau atteint 0m 45 dans certaines maisons et il y a de nombreux sinistrés. Aussi "Le Conseil municipal estime qu'il y aurait lieu de prier Monsieur le Ministre des travaux publics, de nommer une commission d'Ingénieurs, pour savoir si la construction du barrage de Guerlédan n'est pas la cause principale de nos inondations, attendu qu'avant cette construction, Gouarec n'était jamais inondé".

(A voir !...On se souvient que le 22 Août 1880, le Blavet et le Doré avaient débordé pendant 15 heures. Une inondation est également signalée en 1910).

TRAVAUX D'ADDUCTION D'EAU.

Le projet d'adduction d'eau, envisagé dès 1922, resurgira en 1928, pour prendre corps le 9 Juin 1929. La municipalité prend la décision de confier les travaux à Monsieur LE BRIS, Ingénieur des Travaux Publics à Rostrenen. Le devis chiffré à 130.000 F est dépassé et c'est un coût de 166.000 F qu'il faut envisager. On demande donc une subvention.

Le 8 Septembre 1930, le Conseil municipal peut s'estimer satisfait : "Toutes les canalisations sont terminées et le réservoir est en charge". Aussi peut-on songer à la pose de bornes-fontaines.

HYGIENE ET PROTECTION INFANTILE.

La question de l'hygiène scolaire et de la protection infantile n'est pas indifférente : le 2 Mars 1930, a lieu une inspection médicale des écoles, et le 15 Février 1931, le Conseil adopte le principe des consultations de nourrissons. Quant à l'école des Soeurs, elle ouvre de nouveau ses portes le 2 Octobre 1931, après 23 ans d'interruption.

LES P.T.T.

L'usage du téléphone commence à se développer. Au couvent des Augustines, il y avait un poste téléphonique depuis 1891 [Note : Il s'agit d'un réseau téléphonique intérieur à l'établissement] mais une nouvelle installation a été réalisée en 1927.

Le 15 Février 1931, le Conseil municipal décide d'installer le téléphone à la gare de Gouarec et à la Poste, ce qui facilite, sans aucun doute, la rapidité des relations et transactions commerciales.

Précisément, le bureau de Postes, situé rue de la gare, est trop exigu ; aussi, la Municipalité projette-t-elle, le 26 Juin 1932, la construction d'une nouvelle Poste. En Août 1934, puis en Février 1935, des accords sont passés avec l'Administration régionale des Postes. Les travaux sont donc entrepris en bordure de la route nationale. Ils sont terminés à la fin Décembre 1936.

DIFFICULTES ECONOMIQUES.

Les difficultés économiques de l'année 1934 ont un impact local, d'autant plus que la sécheresse sévit chaque été depuis quelques années. Aussi le secrétaire du Conseil évoque-t-il, le 18 Décembre 1934 : "la situation malheureuse dans laquelle se trouvent actuellement les cultivateurs".

Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les doryphores ont fait leur apparition depuis 1931 : le 14 Février 1932, a été créé un comité de défense contre le doryphore.

Les élections municipales de 1935 se déroulent selon la réglementation en vigueur, mais le 15 Mai, le scutin du Conseil donne, aux trois tours, l'égalité des voix à deux des membres de l'assemblée. Monsieur Jean LE MAOUT, plus âgé, est proclamé Maire.

Dans toute la France, en dépit des difficultés sociales et politiques, on commence à parler de l'exposition internationale qui doit se tenir à Paris. Le 7 Mars 1937, le Conseil municipal doit débattre de sa cote-part : "Le Président du Comité de la participation de la Bretagne à l'exposition de 1937 sollicite de la commune une subvention pour l'aider à rendre plus importante cette manifestation. L'Assemblée, dont le budget est très limité, accorde une subvention de 50 F".

Le 3 Décembre 1938, les Conseillers reprennent la question du groupe scolaire intercommunal, amorcée en 1903, affinée en 1907, évoquée de nouveau en 1921 ; ils marquent un pas de plus : la décision de construction est prise. L'architecte en sera Monsieur ROLLAND.

Mais les bruits de guerre vont arrêter ce bel élan.

LA GUERRE MONDIALE DE 1939-1945.

Au mois de Septembre 1938, les accords de Munich semblent une garantie pour ceux qui ont connaissance des difficultés internationales. Aussi la mobilisation générale et la déclaration de guerre en Septembre 1939 surprennent-elles l'ensemble des Gouarecains. Toutes les illusions sont dissipées quand, les 15, 16 et 17 Juin 1940, des soldats anglais fuyant l'armée allemande, traversent Gouarec pour gagner Brest et s'y embarquer.

C'est au soir du 18 Juin que les premiers soldats de la Wermarch, dans deux autos blindées, arrivent en éclaireurs.

Le 19, c'est toute une division blindée qui déferle en pays conquis. Les Allemands occupent Gouarec le 5 Juillet et, après des réquisitions rapides, une garnison de 150 soldats ennemis s'installe pour y cantonner. L'externat des Soeurs Augustines sert de logement à 54 soldats. Les officiers trouvent des chambres en ville.

Des réfugiés arrivent aussi d'un peu partout. Il vaut mieux se fixer quelque part, puisqu'il faut se procurer des permis de circulation.

Aussi le Conseil municipal évoque-t-il, le 22 Septembre 1940, "la grave et malheureuse crise que nous traversons"... et en recherche les causes :
"Les malheurs qui s'abattent sur notre pauvre pays nous incitent à chercher pourquoi nous sommes tombés si bas".

Comme si la nature s'en mêlait, l'hiver est rigoureux et l'été est chaud : les années 1940 à 1943 sont des années de sécheresse.

Pourtant, la résistance s'organise et les jeunes et moins jeunes y ont une part active. Même au Couvent, se cachent des jeunes gens, requis pour le service du travail obligatoire (S.T.0.) et deux résistants notoires recherchés par la Gestapo : Madame BRINGUET et son fils "petit Pierre". Un jour, poursuivi par les Allemands, Pierre leur échappe en sautant par-dessus le mur de clôture, aussi prestement qu'un jeune chat. [Note : Parlant de la Supérieure, Madame BRINGUET écrira : "Elle savait bien ce qu'on risquait, et toute sa Communauté avec nous...". "On peut bien dire qu'elles nous ont sauvés, mon fils et moi, les Soeurs blanches". Cf. Autour de la plage Bonaparte, du Colonel REMY (Librairie PERRIN)]. Des Gouarecains résistent aussi et certains vont héroiquement donner leur vie pour la France : Louis ALLENOU qui, après avoir été dirigé sur Rennes et Compiègne, est déporté à Neuengamme et meurt à Neustadt ; Louis LE BAIL et Jean LE MOULEC aui restent en Bretagne et sont exécutés à Port-Louis ; Auguste PAULOU qui est incarcéré et martyrisé par les S. S. pour n'avoir commis qu'un délit mineur : celui de déchirer une affiche apposée par l'armée allemande. Et que dire de ceux qui donnent leur vie sur d'autres fronts ?

Quand survient le débarquement des Alliés le 6 Juin 1944, tout n'est pas joué, tant s'en faut ! Un groupe local de maquisards abat un officier allemand et en blesse un autre, au cours du repas qu'ils prennent à l'Hôtel du Blavet. D'autre part, des avions de la Royal Air Force mitraillent des camionnettes sur la route nationale.

Le car au gazogène permet encore de circuler car, par ailleurs, les voitures particulières ont été réquisitionnées ou ne disposent ni de pneus ni d'essence.

L'armée américaine avance en livrant quelques combats, en particulier aux abords de Bon Repos. Elle est alors bien exceptionnelle, l'aventure d'un jeune homme d'une commune voisine : Joseph QUELFENNEC qui, fusillé en compagnie de deux soldats américains par des Allemands, et transpercé à bout portant de 9 balles, se retrouve après 23 jours de coma, vivant en Angleterre.

Le 3 Août, les Allemands, avant de partir, font sauter leur dépôt de munitions des Forges-des-Salles et les déflagrations font trembler toute la région.

Le 4 Août, les Américains arrivent à Gouarec et la joie de la libération éclate au grand jour. Il faudra pourtant attendre le 8 Mai 1945, pour que se célèbre la Fête de la Victoire. Le soir, un feu de joie éclaire le bal public sur la place du Calvaire.

Les élections du 17 Mai 1945 remettent Monsieur Hippolyte LE MOIGN à la tête de l'administration municipale.

La guerre n'ayant permis aucune réalisation, les premiers travaux visent à restaurer ce qui est en mauvais état la toiture des Halles, des réparations indispensables sur les deux pavillons qui les encadrent, la toiture de l'église paroissiale. Par les soins de la municipalité, la chapelle St Gilles est complètement restaurée en 1946. Les frais sont entièrement couverts par une souscription volontaire.

Mais le 27 Avril 1947, la délibération du Conseil municipal porte sur "l'érection du Monument aux morts des deux guerres et de la Résistance". L'oeuvre est confiée au sculpteur Monsieur LE BOZEC. Emilie LE COQ sert de modèle à l'artiste.

Un projet d'assainissement de la commune et de tout-à-l'égout est également décidé et confié aux Ingénieurs-Conseils Messieurs VINCENT frères. Ils seront aussi chargés, le 8 Juin 1948, du projet d'adduction d'eau potable. Cela semble d'autant plus impérieux, que du mois de Juin 1947 à la mi-Janvier 1948, il ne pleut pas et le manque d'eau se fait sentir. [Note : Il faudra attendre Décembre 1952 pour que la première tranche de ces travaux soit terminée. On profitera des tranchées d'adduction d'eau et d'égoûts pour placer des cables téléphoniques souterrains].

LES ECOLES.

Une école libre de garçons ouvre ses portes en Septembre 1948 : l'école St Georges, située rue St Gilles.

D'autre part, le 8 Décembre 1948, la question du groupe scolaire public se précise : "Par arrêté du 14 Octobre dernier, le Ministre de l'Education nationale a approuvé la création, en vue de construire, d'un groupe scolaire intercommunal à Gouarec, comprenant 3 classes pour les garçons et 2 pour les filles".

Mais les communes de Laniscat et de Plélauff refusant leur participation aux honoraires de l'architecte, le projet est ajourné.

REPRISE LES FOIRES.

C'est également à la fin de 1948 que "la situation économique semblant devoir enfin s'améliorer", le Conseil municipal décide de "reprendre les foires mensuelles qui étaient si bien achalandées avant la guerre de 1939".

CONCLUSION.

Les évènements se succèdent et l'on ne peut, à son gré, y mettre un terme, car la vie est un perpétuel mouvement.

C'est sur un tel dynamisme local que s'achève pourtant cette fresque historique. Il faut, en effet, un peu de recul pour que l'Histoire prenne du relief.

(G. Pennehouat).

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