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LE MANOIR DE KEROHANT A GARLAN.

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Au Sud de Kermerchou, dont le sépare seul un vieux chemin, se trouve le manoir de Kerohant, jadis la plus importante terre de la paroisse de Garlan, ayant droit de haute, moyenne et basse justice et possédant les premières prééminences de l'église de Garlan. Au quinzième siècle, Kerohant appartenait à la famille de la Boissière, originaire de Ploujean et qui avait pour armes : de gueules à sept annelets d'or, blason que le commissaire chargé de faire état des prééminences des églises situées dans le ressort de Morlaix-Lanmeur, en 1679, semble avoir confondu avec celui des de la Roche Jagu (Archives du Finistère, A. 19), lesquels portaient également, selon Guy Le Borgne : de gueules à sept annelets d'or. Jehan de la Boissière était seigneur de Kerohant ou Kerouc'hant lors de la réformation de 1427. Il mourut cette même année et le duc Jean V accorda, par lettres du 6 mai 1427, à sa veuve Catherine Tuongoff et à leur fils aîné Bertrand de la Boissière, le don de la moitié de son rachat [Note : Lettres et mandements du duc Jean V, Société des bibliophiles bretons, T. V, p. 201].

Bertrand de la Boissière fournit aveu le 15 mars 1458 à la seigneurie de Boiséon pour terres en dépendant. Il eut pour fils Jehan de la Boissière, mentionné dans la réformation de 1481 comme possédant le manoir de Kerouhant « de grande estendue de terre vallant par an environ quarante livres de rente, appartenances de grand boys ancien, colombier, praries et autres embellissements de manoir ». Jehan de la Boissière, présent en archer en brigandine à la montre de 1481, reçut l'injonction de s'adjoindre un second archer. Il épousa Marie de Kermellec, fille d'Alain et d'Amice de Plougrois, partagée en 1497, et en eut Jehan de la Boissière, décédé avant 1535. Ce dernier avait lui-même pour fils aîné et principal héritier autre Jehan de la Boissière, seigneur expectant de Kerohant, mort assassiné vers 1530. On accusa de ce crime Charles de Cursay, sieur de Coatgrall et de Kersaint, qui, enfermé « ès prisons de la court de Mourlaix » dicte le 9 mars 1533 un long et très curieux testament contenant cette clause :

« Item, ordonne poier audict de la Forest, sondict beau-père (Alain de la Forest, sieur de Keranroux) et à Maître Pierres de la Forest, seigneur de Kergoasiou, ses procureurs pour la mise de la conduicte et deffanse de son proceix et matière touchant la mort de Jehan de la Boissière, seigneur expectant de Kerouchant, tant au Conseil, Parlement, Kerahès, Lantréguier, Mourlaix, que ailleurs, au pourchatz de remeptre et réintégrer ledict de Cursay en la franchise dont disoit avoir été spolié et aultrement, dont lesdicts de la Forest ont fait les froiz et mises requises et nécessaires à la requeste dudict de Cursay, comme il cognoit et affirme par son serment, et aussi pour impétrer et retirer sa gracze touchant la mort dont on l'accusoit dudict feu Jehan de la Boissière, la somme de ouict cent livres monnoie, en oultre tout ce qui avoit été prins et levé par lesdits nommés des fruictz et levées des terres dudict Cursay pour sa despancze durant qu'il fust aux Jacobins dudict Mourlaix et en la Tour Neuffve dudict Mourlaix » (Archives de l'hôpital de Morlaix, cartons des testaments).

La victime de Charles de Cursay avait des frères et des sœurs, auxquels la réformation de 1535 attribue la terre de Kerohant. Nous ne savons par quelle voie ce fief passa à la famille de Quillidien, car la généalogie de celle-ci n'indique pas d'alliances avec les de la Boissière. Guy de Quillidien, sieur du Porzou (en Plestin), et de Kerohant, époux en 1560 de Jeanne Le Cozic, douairière en 1588, morte à Morlaix, en Saint-Mathieu, le 25 juin 1596, en eut un fils et quatre filles. Son fils, nommé aussi Guy, embrassa pendant la Ligue le parti de la Sainte-Union et servit dans l'armée du duc de Mercœur, dont il suivit tous les mouvements. Il prit part aux escarmouches de la croix de Malhara, près de Châtelaudren, accompagna le duc à Jugon, était à la bataille de Craon, aux sièges de Blain et de Malestroit. Il tomba malade devant cette place, fut transporté à Josselin et y mourut dans les derniers jours de juin 1592, à l'âge de 26 ans. Voici la relation émue et touchante qu'a laissé de son trépas Missire Efflam Pichic, recteur de Plestin, sur le registre des sépultures de cette paroisse.

« Noble et puissant Guy de Quillidien, seigneur de Kerouc'hant, Sainct Lauc'ha, Quelengrac'h, la Boissière, le Porzou, Kerleau, etc., rendit son ame à Nostre Seigneur Dieu, deffendant la Saincte Union et l'Eglise catholicque, apostolique et romaine, à qui Dieu absolve, et fut son corps inhumé en l'église de Jocelyn, évêché de Vannes. La présente a esté escripte par son grand ami et le père spirituel dudit Seigneur, Messire Evflam Pichic, recteur de Plestin, le deuxième jour de juillet l'an mil cinq centz quatre vingtz douze. (Signé) E. Pichic, recteur » [Note : Les renseignements concernant Guy II de Quillidien sont extraits de Notes manuscrites sur les anciennes familles de Plestin, rédigées par feu M. l'abbé Joncour, recteur de Plestin, qui nous ont été communiquées par M. de Bergevin].

La sœur aînée de Guy, Margilie de Quillidien, épousa en 1586 Jean de Quélen, seigneur de Guernisac en Taule, fils de Tanguy de Quélen, seigneur de Guernisac, et de Marie Rivoalen. De ce mariage vinrent quatre filles dont l'aînée, Gilette de Quélen, héritière de Guernisac, Kerohant, etc., née au manoir de Kerohant, et baptisée à Garlan le 18 novembre 1587, fut mariée en 1599, à l'âge de 12 ans, à François de Kergroadez, seigneur dudit lieu en Plourin-Léon, veuf de Claudine de Kerlech.

Gilette de Quélen était douairière en 1630 et habitait à Kerohant vers cette époque avec son fils aîné René de Kergroadez. Son second fils François de Kergroadez, seigneur du Boys, demeurant au manoir de Kerangomar, s'enrôle en 1636 dans l'arrière-ban de l'évêché de Léon, en déclarant faire pour sa mère, « laquelle possède les terres nobles de Guernisac, Kerengoumarhc et Coatilès en la paroesse de Taulé en Léon et la terre de Kerohant en Treguer, valant 1500 livres de rente » (Archives de M. de Bergevin). Elle mourut à son manoir de Kerohant le 31 mars 1641 « et le mardy de Pasques appres son corps fust porté à Tolé pour estre enterré » (Reg. paroissiaux de Garlan et de Saint-Mathieu de Morlaix).

René de Kergroadez résidait d'une façon presque constante à Kerohant. Le 11 octobre 1646, il se qualifie dans un acte de baptême de « très noble et très illustre René de Quergroadez, seigneur temporel de Guernisac, Kerangoumarch, Kerouchant », et, à partir de 1659, de marquis de Kergroadez et comte de Penzé. Sa femme Louise Le Meneust de Brequigny, qu'il épousa assez tardivement, et qui ne lui donna point d'enfant, n'est pas mentionnée une seule fois sur les registres paroissiaux, ce qui porte à croire qu'elle ne vivait guère avec son mari. Ce dernier mourut à son manoir de Kerohant le 7 décembre 1666, « âgé de soixante ans ou environ » et fut inhumé le 9 dans l'enfeu de la terre de Guernisac en l'église de Taulé.

Sa veuve, Louise Le Meneust, se remaria à Thomas de Morant, baron, puis marquis du Mesnil-Garnier, maître des requêtes honoraire et conseiller d'Etat, ancien intendant de Bordeaux, de Rouen, de Touraine, etc., dont elle fut la troisième femme. Les héritiers de René de Kergroadez vendirent l'ensemble de ses terres à Charles-Marie Le Meneust de Bréquigny, frère de Louise Le Meneust et président à mortier au Parlement de Bretagne, auquel les fabriques de l'église de Garlan rendent aveu en 1689 pour héritages à Kergustou, sous le proche fief de la seigneurie de Kerohant. Le président de Bréquigny dut mourir sans postérité, car ses biens passèrent à son neveu Thomas-Guy de Morant, marquis de Morant, comte de Penzé, baron de Fontenay et de Bréquigny, colonel du régiment de Lassay, marié en 1704 à Anne-Josèphe Le Roux de Kerninon, et père de Charles-Marie-Thomas, marquis de Morant, comte de Penzé, etc., époux en 1726 de Gabrielle-Félicité de la Rivière. Leur fils Thomas-Charles, marquis de Morant, comte de Penzé, seigneur de Bréquigny, Guernisac, Kerangomar, Coatilès, Kerohant, mestre de camp des dragons de la Reine en 1748, brigadier des armées en 1760 et maréchal de camp en 1762, laissa de son mariage avec Anne-Françoise de la Bonde d'Iberville, un fils, officier aux dragons de la Reine en 1775, et deux filles [Note : La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la Noblesse, t. X, p. 458-460] dont l'une apporta par alliance la terre de Kerohant aux Le Gonidec de Traissan. Elle appartient actuellement au marquis de Carné.

Quelques familles nobles ont résidé au manoir de Kerohant, à titres de locataires, après la mort du marquis de Kergroadez. Ecuyer Claude du Parc et sa femme Jeanne-Ursule Le Meur, sieur et dame de Penanguer, y habitaient vers 1676, et y furent remplacés, en 1679, par écuyer Charles Cochart et Françoise de Kererault, sieur et dame de Kerveatoux. En 1697, on trouve à Kerohant écuyer Jean Cam, sieur de Kerouzien, et sa femme Claude-Hippolyte du Breil de Rays. Cette dame, qui portait un beau et antique nom, et qu'on est surpris de rencontrer mariée à un petit gentillâtre de noblesse contestable, était la fille, baptisée à Saint-Martin de Morlaix, le 19 mai 1650, de Messire Julien du Breil, seigneur de Rays et de la Godinaye, et de demoiselle Anne de Kerret, dame de Kerserhou. Elle survécut à son mari, décédé le 24 mars 1715, jusqu'au 24 novembre 1734 (Reg. paroissiaux de Saint-Martin de Morlaix et de Garlan). Yves-Marie Potonnier meurt à Kerohant le 10 germinal an III (1795).

Le manoir de Kerohant a subi bien des mutilations, et le toit de tuiles rouges dont on l'a couvert ne contribue pas peu à lui enlever son cachet extérieur. C'est un grand bâtiment du quinzième siècle, construit en petites pierres assez bien appareillées, et terminé par deux pignons aigus. Les deux façades Est et Ouest, presque semblables, sont percées d'étroites fenêtres garnies d'accolades et de barreaux de fer, et de deux ou trois baies plus larges, avec meneaux en croix. On a bouché plusieurs de ces ouvertures, et pratiqué à leur place d'autres fenêtres modernes. Les portes cintrées n'ont ni moulures ni écussons. A part de vastes cheminées de pierre et un escalier à balustres, l'intérieur de la maison n'offre rien de particulier. Derrière est une vaste grange à double portail. La chapelle s'élevait sur un petit tertre, à l'Est du manoir ; il n'en subsiste d'autres vestiges qu'une élégante arcade gothique en kersanton, avec crossettes frisées, qui doit avoir orné une crédence d'autel. Les ruines des murailles d'enceinte qui circonscrivaient plusieurs hectares de terrain, l'énorme colombier à porte ogivale qui se dresse au Nord de la ferme, les traces d'anciens viviers qu'on remarque dans le vallon voisin, témoignent encore de l'antique importance du manoir de Kerohant. Le vieux moulin seigneurial se trouve à plus de trois kilomètres de là, sur la rivière du Dourdu, aux confins de la commune.

Les paysans n'ont pas oublié que Kerohant a été la demeure d'un marquis, et ils montrent, comme étant son portrait, un buste de pierre qui termine le pignon de la métairie du Petit-Kerohant.

(L. Le Guennec).

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