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HISTOIRE DE LA TERRE OU BARONNIE DE FOUGERES

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Seigneurs de la maison de Fougères proprement dite (990-1257).

La plupart des historiens qui ont parlé de la maison de Fougères regardent Méen, son auteur, comme un puîné de la maison de Rennes (D. Morice, t. III, p. 11 ; D'Argentré, 93 ; Dictionnaire d'Ogée, au mot Fougères).

Nous n'hésitons pas à regarder comme erronée cette opinion, qui repose uniquement sur une fausse interprétation que l'on a donnée à la qualité de neveu de l'archevêque prise dans un acte par ce seigneur. On a supposé en effet que Junkeneus, frère de Juhel Béranger et oncle de Conan, occupait encore, en 990, le siège métropolitain, et on a conclu de là que Méen devait appartenir à la famille ducale (D. Morice, t. III, col. 350).

Le catalogue des évêques de Dol ne donne, il est vrai, un successeur à Junkeneus que dix ans plus tard ; mais il est évident qu'il y a une lacune dans ce catalogue. Le prélat dont Méen est dit être le neveu, et qui a signé l'acte dont il s'agit, est désigné ainsi que lui sous le nom de Méen ; or, quoique les actes de l'église de Dol ne fassent mention d'aucun pontife de ce nom, nous croyons qu'il est plus raisonnable de supposer une lacune dans ces actes, surtout lorsqu'un acte qui a tous les caractères de l'authenticité nous présente un nom pour la remplir, que d'attribuer à un homme une existence qui dépasserait les limites que la providence semble avoir assignées à la vie humaine. Telle eût cependant été la condition de Junkeneus, s'il eût encore vécu en 990, car un siècle tout entier s'était écoulé depuis la mort de Béranger, son père. Pour nous, nous renfermant dans les limites de la connaissance que nous donne l'histoire du premier seigneur de Fougères, nous nous garderons de rien hasarder sur ses ancêtres. Nous dirons seulement qu'il devait appartenir à une famille considérable du duché, puisque cette famille avait fourni un prélat à la métropole.

Nous ne connaissons aucune particularité de la vie de Méen ; son nom, ainsi que le nom de plusieurs de ses descendants, ne réveille aucun souvenir, et ils seraient tombés dans l'oubli où sont ensevelis tant d'autres noms qui n'ont pas reçu la consécration de la gloire, si les églises et les monastères, dont les seigneurs de Fougères se montrèrent toujours les généreux bienfaiteurs, ne nous les avaient conservés avec les actes de leur pieuse munificence (D. Morice, t. III, col. 350, 351).

Méen eut pour successeur son fils Auffroy, vers l'an 1024. Ce seigneur fonda sur la hauteur où s'éleva plus tard l'abbaye de Rillé une première église qu'il consacra à Dieu sous le vocable de Sainte Marie (D. Morice, t. III, col. 358). Il prit une part active à la guerre civile qui éclata en 1034 entre Alain, duc de Bretagne, et Eudon, comte de Penthièvre. Il suivit les drapeaux du duc, et combattit à la bataille de Lehon, qui termina la querelle (D. Morice, t. I, p. 70). En 1027, il avait marié sa fille Ynoguen à Tristan de Vitré, et avait donné à son gendre toutes les paroisses du Vendelais situées au-delà du Coësnon, qui depuis cette époque ont toujours dépendu de la seigneurie de Vitré : il s'était seulement réservé le droit de pêche sur les deux côtés de la rivière. Auffroy mourut vers l'an 1048, et laissa la terre de Fougères à Méen II, son fils. Celui-ci sembla prendre à tâche de surpasser son père et son aïeul par ses libéralités envers les églises et les monastères, qui reçurent des témoignages non équivoques de son zèle religieux. Il est généralement regardé comme le fondateur de la collégiale de Saint-Léonard, qu'il érigea vers 1090. Il mourut l'année suivante, ou tout au plus tard celle d'après, et fut inhumé dans l'église de Saint-Sauveur-des-Landes, où reposaient déjà deux de ses fils, Eudon et Juthel (D. Morice, t. III, col. 393, 394, 398, 405, 410, 411, 423, 424, 471, 488, 489). Méen eut pour successeur Raoul, le second de ses fils, et le seul enfant qui lui restât. Ce jeune seigneur, qui avait été élevé à la cour d'Alain Fergent, duc de Bretagne, conserva toujours pour ce prince une vive affection : il l'accompagna lorsqu'il suivit le duc de Normandie dans son expédition en Angleterre, et combattit auprès de lui à la bataille d'Hasting (1066).

Les services du jeune seigneur breton ne furent pas perdus pour la maison de Fougères. Le conquérant, pour le récompenser de son zèle, et se l'attacher par les liens de la vassalité, lui donna des possessions considérables, tant dans ses anciens que dans ses nouveaux domaines. Un grand nombre de paroisses de Normandie, limitrophes de la Bretagne, furent alors réunies au patrimoine de la maison de Fougères, qui devint par cela même vassale des ducs de Normandie [Note : La donation du roi d'Angleterre comprenait, en Normandie : Savigny, les Loges, Brecé, Mesnil-Trove, Molines, Moidré, Heudi-Mesnil, Crèteville, Viré, Egouville, Courtils, Verdun, La Mancellière, Romagné, Wattigny, l'Appentis, Bouillon, etc. — En Angleterre : Bellingstone, Winchester, Kington, Plymton et Thetford. Le seigneur de Fougères devait à l'abbé du Mont-Saint-Michel le service d'un chevalier pour la moitié de Bouillon et de Chavoy. Ce chevalier devait lui être fourni par Bertrand de Verdun. Il devait également le tiers du service d'un chevalier pour la terre de Moidré. D. Morice, t. III, col. 619, 621].

Raoul, de son côté, se montra tout dévoué au service de ses nouveaux maîtres. En 1106, il embrassa le parti d'Henri Ier contre Robert-courte-Cuisse, son frère, et conduisit à ce prince une troupe de Bretons, à la tête desquels il combattit à la bataille de Tinchebray, qui décida de la liberté et des prétentions du malheureux Robert.

Ce fut là le dernier acte politique de sa vie : à partir de cette époque, il ne parut plus occupé que des intérêts de son âme, et les années se passèrent pour lui dans les exercices religieux, les pèlerinages et de pieuses fondations.

En 1110, après avoir assisté au concile de Nantes, il partit pour Rome, vit, en passant, la célèbre abbaye de Marmoutiers, et y consacra le souvenir de son séjour par le don de l'église de la Trinité, qu'avait fait bâtir sa mère dans le marché de la ville de Fougères.

De retour dans ses terres, il donna à saint Vital la forêt de Savigny pour y bâtir un monastère, et accompagna cette donation de largesses considérables qui lui méritèrent d'être nommé le père nourricier de cette abbaye. Il fit même construire tout auprès une maison dans laquelle il se retirait souvent pour se délasser des affaires et jouir des entretiens de saint Vital. Enfin, sentant sa fin approcher, il quitta tout-à-fait le monde, prit l'habit religieux à Savigny, et y mourut en 1122 (D. Morice, t. III, col. 423, 463, 486, 525).

Guillaume et Raoul, ses deux fils aînés, l'ayant précédé dans la tombe, il eut pour successeur Méen III, que l'on avait surnommé Fransgallon. Ce jeune seigneur ne tarda pas lui-même à suivre son père : il tomba malade, quelques mois après, dans le cours d'un voyage qu'il avait entrepris pour visiter ses domaines d'Angleterre, et succomba à cette maladie (Histoire manuscrite de l'abbaye de Savigny, à la bibliothèque de Fougères).

Son corps fut déposé dans l'église de Saint-Pierre de Winchester.

La terre de Fougères passa alors à Henri, quatrième fils de Raoul.

Le nouveau Seigneur, qui avait manifesté une vive opposition aux projets de saint Vital, lorsque ce saint anachorète était venu à la cour de son père solliciter l'autorisation d'établir son monastère dans la forêt de Savigny, n'eut rien tant à coeur que de faire oublier aux religieux la conduite qu'il avait tenue alors. Il assista en personne, et entouré d'un grand nombre de seigneurs, ses vassaux, à la dédicace de l'église de l'abbaye, qui eut lieu en 1124 ; et voulant laisser aux religieux un souvenir de sa munificence, il leur donna à cette occasion la seigneurie de Moidré et la terre de Verdun, avec beaucoup d'autres biens, tant en Bretagne qu'en Normandie.

Vers l'an 1137, Henri donna un asile dans ses terres à Robert de Vitré, qu'une révolte de ses sujets, fomentée par Conan, duc de Bretagne, avait chassé de sa ville. Il lui procura même le moyen de se venger de ses  sujets, en mettant à sa disposition une petite troupe avec laquelle Robert pénétra dans le Vendelais, et fit quelques dégâts sur les terres de son ancienne baronnie. Mais les liens du sang et les égards dus au malheur furent moins puissants sur le coeur du seigneur de Fougères, que les caresses et les promesses de Conan. Celui-ci, voulant prévenir une alliance qui pourrait lui faire ombrage, fit offrir à Henri la terre de Gahard, avec une partie de la forêt de Rennes, s'il consentait à abandonner la cause de Robert (D. Morice, t. 1, p. 94 ; d'Argentré, livre IV. ch. 47 ; Le Baud, chroniques de Vitré, ch. XXIII) : le seigneur de Fougères, séduit par ces offres, eut la lâcheté de sacrifier son parent et son ami, et l'obligea à quitter, avec sa famille, l'asile qu'il lui avait d'abord généreusement procuré.

Cette coupable condescendance cimenta une étroite amitié entre Conan et Henri, qui devint dès lors un des conseillers les plus intimes du duc.

Cependant, le seigneur de Fougères n'avait pas trouvé dans la satisfaction de ses désirs ambitieux le bonheur qu'il avait espéré, et il avait tourné vers le ciel tous ses voeux et ses espérances. L'exemple de son père, mort religieux à Savigny, était comme un aiguillon puissant qui le poussait à l'imiter et portait toutes ses pensées vers le cloître ; mais Olive de Penthièvre, sa femme, ne négligeait aucun des moyens qui étaient en son pouvoir pour l'en détourner : les prières, les caresses et les larmes, étaient tour à tour mises en jeu pour ébranler la résolution de Henri. Enfin, cette dame, lasse de combattre et craignant de résister à une volonté si fortement arrêtée, céda à ses instances. Henri se démit alors de la seigneurie de Fougères, en faveur de son fils Raoul (1150) ; puis, après avoir réglé toutes ses affaires, il se retira à l'abbaye de Savigny, où il prit l'habit religieux (Histoire manuscrite de Savigny).

Son entrée dans le cloître fut, comme on n'en doute pas, l'occasion de magnifiques largesses qu'il fit à l'abbaye. A tous les dons qu'il lui avait déjà faits, il ajouta celui d'un moulin [Note : Le moulin appelé pour cela moulin de Savigny, et le faubourg du même nom, à Fougères], d'un étang, d'une prairie, situés dans la ville de Fougères, de la mouture de tout un quartier de la ville, de la vigne qui en était voisine, de l'église du Loroux, déjà donnée par son père, mais dont il confirma la donation, et enfin celui de la forêt des Loges, avec toutes ses dépendances, sauf le quartier dit des Eperviers.

Du reste, Henri ne jouit pas longtemps du repos qu'il s'était promis à l'ombre du sanctuaire ; il mourut l'année suivante et fut inhumé dans le cloître de son abbaye, qui devint dès lors le lieu ordinaire de la sépulture des seigneurs de Fougères (Morice, t. 3, col. 579, 580, 583, 585, 1150).

Raoul II prit part à la guerre civile qui éclata, en 1154, entre Conan, fils d'Alain, comte de Richemont, et Eudon, comte de Porhoët, au sujet de la possession du duché de Bretagne. Il fut du petit nombre des seigneurs qui suivirent les drapeaux d'Eudon, et servit ce prince avec beaucoup de zèle, dans la cours de la première campagne. Il combattit même pour lui à la bataille qui plaça un instant la couronne ducale sur sa tête, et força son rival d'aller chercher un asile et des secours à la cour du roi d'Angleterre. Mais l'année suivante, lorsque Conan reparut en Bretagne à la tête d'une armée anglaise, on le vit tout à coup, sans qu'on puisse se rendre compte des motifs qui déterminèrent sa conduite, embrasser le parti contraire et le servir avec la même ardeur qu'il avait montrée l'année précédente à le combattre. Dès le début de la campagne, il reçut l'armée anglaise dans sa ville de Fougères, assista dans ses rangs aux sièges de Hédé et de Montmuran, et marcha ensuite avec elle contre la ville de Rennes, dont la garnison capitula après un combat opiniâtre.

Peu de temps après, ayant rencontré Eudon qui battait la campagne pour rallier les débris de son armée et lever de nouvelles troupes, il l'attaqua et le fit prisonnier.

Des services aussi signalés, une capture aussi importante, valurent à Raoul toutes les bonnes grâces de Conan, qui le nomma grand-forestier de Bretagne, et attacha de grands avantages à cette charge, qu'il rendit héréditaire dans sa famille. Cependant, ni les faveurs de son souverain, ni les dignités dont il était revêtu, ne pouvaient faire oublier à Raoul les obligations qu'il avait à Eudon et l'amitié dont ce prince l'avait honoré aux jours de sa bonne fortune. Sensiblement touché des disgrâces de son ancien seigneur, et étouffant dans son coeur la crainte que pouvait lui inspirer le ressentiment de Conan, il lui rendit la liberté et lui procura les moyens de passer à la cour de Louis VII, qui occupait alors le trône de France. Vers le même temps, Jean de Dol, son beau-père, lui laissa en mourant la garde de sa jeune fille Iseult et de ses terres (1162) (Chronique de Robert, abbé du Mont-Saint-Michel). Raoul, craignant que Conan ne voulût se venger sur sa pupille de la haine que lui avait toujours portée son père, prit toutes les mesures que la prudence pouvait lui suggérer pour défendre ses domaines, dans le cas où Conan tenterait de s'en emparer. Il fit fortifier les châteaux de Dol et de Combourg, pourvut à leurs approvisionnements, et y établit de bonnes garnisons ; puis, cédant aux pressantes sollicitations d'Eudon, qui n'avait cessé, dans sa retraite, de travailler à se créer de nouveaux partisans, il abandonna tout à coup le parti de Conan, repassa sous les drapeaux de Porhoët, et, étant entré sur les terres du duc, il y exerça de grands ravages (1164) (D. Morice, t. I, p. 105). Conan, menacé de nouveau, eut recours à son ancien protecteur. Richard du Hommet, connétable du roi en Normandie, reçut l'ordre de pénétrer en Bretagne ; et, ayant réuni ses troupes à celles de Conan, il s'empara de Dol et de Combourg. Raoul ne se laissa point abattre par cet échec : trop faible pour tenir seul tête à un ennemi bien supérieur en forces, il songea à se créer des alliances qui le missent en mesure de recommencer les hostilités, et il manoeuvra avec tant d'adresse qu'il entraîna sous sa bannière un grand nombre de seigneurs bretons et manceaux, qui formèrent avec lui une alliance offensive et défensive (1165).

Henri II, instruit du danger auquel allait être exposé son allié, se hâta de passer lui-même sur le continent, et se mit en devoir de tirer une vengeance éclatante de Raoul, qu'il regardait, à juste titre, comme l'âme du complot. L'armée anglaise souffrit beaucoup, avant d'arriver à Fougères ; car Raoul, dans la prévision d'une guerre, avait fait couper tous les blés et les fourrages à plusieurs lieues à la ronde ; il avait fait rompre les chemins qui aboutissaient à sa ville ; il les avait remplis d'épines, de pieux et de chausses-trappes, et avait multiplié autant que possible les obstacles, pour entraver la marche des ennemis. Outre cela, la garnison, informée de leur approche, s'était mise en campagne et les harcelait sans cesse, jusqu'au moment où ils arrivèrent devant la ville et la sommèrent de se rendre. On était alors vers la mi-juin. La place, qui était abondamment pourvue de provisions et de munitions de toute espèce, ne voulut point entendre à une pareille sommation et les Anglais se disposèrent à en faire le siège. Ils éprouvèrent d'abord quelques échecs et virent, à plusieurs reprises, leurs travaux détruits par les assiégés, qui faisaient de fréquentes sorties dans lesquelles l'avantage leur restait quelquefois ; mais enfin la fortune de l'Angleterre l'emporta : la ville, prise d'assaut, fut livrée au pillage et rasée par ordre de Henri (1166) (Robert, abbé du Mont-Saint-Michel, Anno 1166. — D. Morice, t. 1, p. 106). Raoul, qui avait été assez heureux pour échapper au vainqueur, profita de son éloignement pour réparer les désastres de la guerre et relever les murs de son château. Sur ces entrefaites fut conclu le traité de Montmirail (1169), qui rendit la paix à la Bretagne ; mais sur la fin de l'année 1173, une rupture avant éclaté entre le roi d'Angleterre et ses fils, le monarque soupçonneux, dans la crainte que les seigneurs bretons ne s'attachassent à son fils Geoffroy, qui avait épousé l'héritière de Bretagne, et ne profitassent de cette occasion pour se soustraire à son obéissance, leur envoya l'ordre de se rendre auprès de sa personne. Le seigneur de Fougères fut du petit nombre de ceux qui refusèrent d'obéir : regardant cet ordre comme l'expression d'un sentiment de faiblesse de la part du roi, il se hâta de mettre la dernière main aux fortifications de sa ville, et aussitôt qu'elles furent achevées, il se déclara ouvertement contre lui.

Son exemple trouva des imitateurs dans Harsculphe de Saint-Hilaire, Hugues, comte de Chester, Eudon, comte de Porhoët, et Guillaume Patri, qui réunirent leurs troupes aux siennes (D Morice, t. 1, p. 110). Henri ne put contenir le ressentiment qu'excita en lui la nouvelle de cette défection. Il confia le soin de sa vengeance, dont le poids devait principalement retomber sur Raoul, à une troupe de routiers ou de Brabançons, qu'il envoya en Bretagne avec ordre de ne rien épargner sur leur passage. Ces mercenaires entrèrent sur les terres de Fougères, et, trop fidèles exécuteurs des ordres qui leur avaient été donnés, ils y mirent tout à feu et à sang.

La grandeur du péril ne fit qu'exalter le courage de Raoul et de ses alliés. Le seigneur de Fougères, qui d'abord s'était tenu renfermé derrière ses murailles, et qui, par son inaction, avait inspiré une fausse confiance aux ennemis, profita habilement de cette disposition pour les attaquer. Il fondit tout-à-coup sur eux, surprit leurs bataillons en désordre et les força de se disperser, après leur avoir fait éprouver des pertes considérables [Note : Cette rencontre eut lieu auprès du village qui, de là, a pris le nom de la Bataillière, sur la route de Saint-James à Fougères, à un myriamètre de cette dernière ville]. Puis, pour exercer de justes représailles des dégâts qu'ils avaient commis sur ses terres, il alla brûler les châteaux de Saint-James et du Teilleul (D. Morice, t. 1, p. 111. — Robert, abbé du Mont-Saint-Michel. Anno 1173). Henri, outré de colère, se mit en devoir de couper la retraite au seigneur de Fougères et songea à s'emparer de sa ville avant qu'il y fût rentré ; mais Raoul, soupçonnant ses desseins, hâta son retour, et le roi se garda bien de se trouver sur son passage. Il se consola néanmoins de cet échec, par la richesse et la grandeur du butin qu'il emporta de son expédition. Raoul, dans la prévision d'une guerre, avait fait construire dans sa forêt un souterrain [Note : Les celliers de Landéan. Voir Landéan] assez vaste pour contenir son mobilier le plus précieux et celui de ses vassaux. Il avait en outre donné l'ordre à ceux-ci de conduire dans le bois tous leurs bestiaux et leurs meubles, afin de les soustraire au pillage, dans le cas où l'ennemi viendrait une seconde fois à se rendre maître de la ville. Informés de l'approche de l'armée anglaise, les habitants de Fougères s'étaient mis en devoir de se conformer à cet ordre et déjà le convoi allait atteindre la forêt, lorsqu'il fut surpris par une troupe d'Anglais qui le pilla et se retira chargée de butin.

Pendant que l'ennemi emportait ses richesses et ne paraissait occupé que du soin de les mettre en sûreté, Raoul ne restait pas inactif ; il prenait le chemin de Combourg et de là se rendait à Dol. Arrivé devant ces deux places, il y pratiquait des intelligences, employait l'argent et les promesses pour gagner les garnisons et finissait par arborer sa bannière sur ces murailles, à la place du drapeau de l'Angleterre ; mais c'était là le dernier terme des prospérités de Raoul, le dernier gage que devait lui donner la fortune à la veille de le trahir.

Henri, informé de la défection des garnisons de Dol et de Combourg, et craignant que leur exemple ne trouvât des imitateurs, envoya une seconde fois les Brabançons en Bretagne, pour contenir dans le devoir les populations qui pourraient être tentées de s'en écarter et y ramener celles qui s'en étaient déjà éloignées.

Raoul et ses alliés n'hésitèrent pas à marcher contre eux. Les deux armées se rencontrèrent le 20 août à une petite distance de Combourg et le combat s'engagea aussitôt ; mais les Bretons ne purent soutenir le choc impétueux de leurs adversaires. Plus de 1.500 des leurs restèrent sur la place et seize chevaliers, tombés entre les mains des Anglais, furent ensuite conduits à Pontorson. Raoul et le comte de Chester ne durent qu'à la vitesse de leurs chevaux d'échapper au sort de leurs compagnons ; ils gagnèrent en toute hâte la tour de Dol, où ils s'enfermèrent avec quarante chevaliers qui étaient parvenus à se sauver avec eux. Il y furent bientôt investis par les Brabançons qui les avaient suivis de près. L'arrivée de Henri qui, à la première nouvelle de la victoire de Combourg, s'était empressé de venir en personne pour en recueillir les fruits, fit pousser les opérations du siège avec une ardeur incroyable. Au bout de quelques jours, la tour, battue par les machines anglaises, menaçait d'ensevelir les assiégés sous ses ruines. Ceux-ci durent donc renoncer à la défendre et en conséquence ils capitulèrent le 26 août (D. Morice, t.1, 111).

Roger de Houveden nous a conservé les noms des chevaliers qui furent faits prisonniers, tant à la bataille de Combourg qu'à la prise de Dol. Parmi les premiers, on remarque Harsculphe de Saint-Hilaire et Raoul de Sens.

Parmi les seconds, Raoul de Fougères, Guillaume et Juhel, ses fils ; Leones de Poilley, Philippe de Landevy, Hamelin d'Esné (peut-être d'Ernée), Guillaume de Goron, Juhel de Mayenne, Guillaume de Saint-Brice, Guillaume d'Orange, Guillaume du Châtellier, Robert le Bouteiller, Sowal de Bâzouges, Henri et Philippe de Saint-Hilaire, Robert de Bâzouges, Philippe de Louvigné, Henri des Gastines, Henri de Saint-Étienne, Roger des Loges, etc. (D. Morice, I, 992).

Ils furent les uns et les autres conduits dans diverses forteresses, où ils demeurèrent renfermés jusqu'à la paix.

Le seigneur de Fougères ayant obtenu sa liberté en laissant au roi ses deux fils pour otages, revint dans ses terres, où il se montra plus que jamais l'ennemi irréconciliable des Anglais. Accompagné de quelques amis aussi ardents et aussi intrépides que lui, il passa une année toute entière dans les bois, dont il ne sortait que pour faire des incursions sur les terres du parti contraire. Durant tout ce temps, il ne cessa de harceler les troupes anglaises et de leur faire autant de mal qu'il était en son pouvoir, sans qu'elles pussent jamais user de représailles envers lui ; car il leur échappait toujours par sa prodigieuse activité. Enfin la paix conclue entre Henri et ses enfants vint mettre un terme à sa vie errante et lui permit de rentrer dans sa ville (1173).

Les grandes qualités de Raoul avaient été bien appréciées par Geoffroy, lors même qu'il était son ennemi. Aussi lorsque ce prince eut été reconnu duc de Bretagne, ne négligea-t-il aucun des moyens qui pouvaient lui attacher le seigneur de Fougères. Non content de lui restituer tous ses domaines et de rendre la liberté à ses fils, il lui accorda toute sa confiance et lui en donna le plus éclatant témoignage, en lui conférant la première dignité du duché, avec le titre et les fonctions de sénéchal de Bretagne (Histoire manuscrite de l'abbaye de Savigny).

Raoul assista en 1185 à la célèbre assemblée connue sous le nom d'Assise au comte Geoffroy, dans laquelle furent réglées les successions des barons et des chevaliers.

Geoffroy étant mort l'année suivante, il se montra un des plus zélés défenseurs des droits de la duchesse Constance contre les prétentions des rois Henri et Richard, qui réclamèrent successivement la garde des Etats et de la personne du jeune Arthur pendant sa minorité, et ce fut en partie à ses généreux efforts que cette princesse fut redevable de la conservation de ses droits de souveraine et de mère.

Cette affaire terminée, Raoul se mit en devoir de réaliser un projet qu'il méditait depuis longtemps. Dès l'année 1163, il s'était croisé avec ses frères Frangal et Guillaume ; mais il est plus que probable que la guerre qui s'alluma presque immédiatement après ne lui permit pas de donner suite à cette démarche, et depuis vingt-cinq ans il n'avait pas trouvé l'occasion d'accomplir son voeu. Il profita donc du rétablissement de la paix pour prendre part à la croisade qui se préparait contre les infidèles et il partit avec Richard, roi d'Angleterre, André de Vitré et Juhel de Mayenne (D. Morice, t. 1, p. 120). Il assista au siège de Saint-Jean-d'Acre et ne revint en Bretagne que vers l'année 1193.

Il renonça dès lors aux affaires publiques et se retira dans le château que Raoul Ier avait fait construire auprès de l'abbaye de Savigny. Ce fut dans cette retraite qu'il expira le 15 juin 1194. Son corps fut déposé dans le cloître régulier de l'abbaye, devant le chapitre (D. Morice, t. III, col. 588, 606, 619, 623, 627, 629, 631, 634, 635, 644, 645, 650, 653, 657, 664, 703, 706, 714, 724). A l'époque de la destruction de l'abbaye de Savigny, le tombeau de Raoul fut acheté par M. le comte de la Riboisière, qui l'a placé dans le parc de son château de Montorin, où on le voit encore en 1846.

Guillaume, fils aîné de Raoul, était mort depuis sept ans, lorsque ce seigneur lui-même descendit dans la tombe. La terre de Fougères passa en conséquence à un enfant du nom de Geoffroy, que Guillaume avait eu d'Agathe du Hommet, son épouse, et dont la garde fut confiée à Guillaume l'Angevin, son grand-oncle.

Guillaume fut du nombre des seigneurs bretons qui, à la nouvelle de l'attentat commis par ordre de Richard, sur la personne de la duchesse Constance, se rendirent à Saint-Malo-de-Baignon et là, après avoir renouvelé leur serment de fidélité au jeune Arthur, arrêtèrent d'aller porter leurs plaintes au roi de France de la perfidie de son vassal (1196) (D. Morice, t. I, p. 122).

Quand ensuite, pour toute réponse, Richard eut fait avancer ses troupes en Bretagne, Guillaume marcha contre elles à la tête des gens d'armes de la baronnie de Fougères et contribua à la défaite qu'elles éprouvèrent près de Carhaix.

Cinq ans plus tard (1203), Guillaume vit les terres de son neveu menacées d'une nouvelle invasion anglaise. Jean-sans-Terre, après l'assassinat du jeune Arthur, étant entré en Bretagne à la tête d'une nombreuse armée, s'empara de Dol et ravagea les environs de Fougères, sans éprouver de résistance. Il aurait sans doute attaqué la ville elle-même, si le roi de France, qui faisait la guerre à ses sujets du continent, ne l'eût contraint de voler à leur secours. Guillaume, profitant de sa retraite se rendit à Vannes, où les États de la province venaient de se réunir et délibéraient sur les moyens de venger le meurtre d'Arthur.

L'année suivante (1204), Guillaume maria son neveu à Mahault ou Mathilde, fille d'Eudon, comte de Porhoët, alliance qui, faisant passer une partie des biens de cette riche maison dans celle de Fougères, rendit celle-ci une des plus puissantes de la Bretagne.

Guillaume, en mariant son neveu, se réserva la jouissance du tiers de la terre de Fougères et le droit de disposer à perpétuité, soit en aumônes, soit à titre de gratification à ses serviteurs, d'une valeur de 100 livres, monnaie d'Anjou ; mais après son mariage Guillaume refusa de ratifier les engagements qui avaient été pris en son nom par Eudon, son beau-père, Geoffroy de Chateaubriand et Guillaume de la Guerche. Quatre années se passèrent en contestations après lesquelles Geoffroy consentit à laisser à son oncle la jouissance du Coglais et un revenu do 100 livres à prendre sur Marcillé et sur les terres les plus voisines de ce fief ou du Coglais. Mais Geoffroy ne tarda pas à regretter sa générosité envers son oncle, et il ne cessa de le troubler dans la possession de son apanage : alors l'un et l'autre consentirent à regarder comme non avenu le premier acte passé entre eux, et au lieu de Marcillé, Geoffroy proposa à son oncle, qui les accepta, 20 livres en fonds de terre sur les fiefs de Louvigné, avec le droit de prendre dans la forêt tout le bois de chauffage ou de construction qui lui serait nécessaire ; et pour que cet arrangement fût définitif, les deux parties le soumirent à l'approbation du roi de France, Philippe-Auguste, qui le revêtit de sa sanction (D. Morice, t. III, p. 797, 798, 810).

Dans le même temps Geoffroy eut à soutenir une contestation plus sérieuse contre Juhel de Mayenne, qui ne réclamait rien moins que la propriété et l'hommage de toute la terre de Fougères.

Sur quels titres ce seigneur appuyait-il sa demande ? Ses prétentions étaient-elles fondées ? C'est une question qu'il nous a été impossible d'éclaircir. Ce qu'il y a de certain, c'est que Geoffroy consentit à traiter avec lui, et  pour obtenir son désistement, il lui fit la cession de la contrée désignée aujourd'hui sous le nom de petit Maine, dans les communes de Louvigné et de la Bâzouges, avec des droits assez considérables attachés au moulin de la Bignette (D. Morice, t. III, col. 813 et 814. — Voir Louvigné et La Bâzouges).

Le seigneur de Fougères et son oncle prirent une part active à la guerre que Philippe-Auguste entreprit contre le roi d'Angleterre, pour le punir du meurtre du jeune Arthur, et combattirent dans les rangs de l'armée française, aux sièges de Loches et de Chinon (1205).

Ce fut le dernier acte important de la vie de ces deux seigneurs, qui moururent l'un et l'autre dans le courant de l'année 1212. Ils furent inhumés dans le cloître de l'abbaye de Savigny (D. Morice, t. III, col. 774, 818, 819, 844).

Raoul III n'avait encore que cinq ans, lorsque la mort de son père le mit en possession des riches domaines qui formaient alors l'apanage de la maison de Fougères. La garde de sa personne et de ses biens fut confiée à Pierre de Dreux, duc de Bretagne, sous lequel il fit ses premières armes, à la bataille de Châteaubriand (1222).

Ce ne fut pas sans de grandes difficultés que Raoul put sortir de l'étroite dépendance dans laquelle le retenait son tuteur. Comme celui-ci avait le plus grand intérêt à conserver le plus longtemps possible la garde des biens de son pupille, il refusait toujours de s'en dessaisir et alléguait sans cesse de nouveaux prétextes pour justifier sa conduite ; enfin, lorsque Raoul eut atteint l'âge de vingt-quatre ans, il consentit à l'envoyer en possession ; mais, en retour, il exigea de lui 9.000 livres tournois pour droit de bail (30 mai 1229).

Raoul eut bientôt une occasion de se venger de la mauvaise foi de son tuteur. Cette année-là même, Pierre ayant appelé les Anglais en Bretagne, le roi de France le fit condamner par la cour des pairs à la perte de son duché, et en exécution de cette sentence, il fit saisir tous les biens des seigneurs bretons qui se trouvaient dans son royaume. Quoique les nombreuses possessions de Raoul, en Normandie, se trouvassent comprises dans cette confiscation, il s'empressa d'aller trouver le roi à Athée [Note : Aujourd'hui dans le département de la Mayenne], et lui rendit hommage pour toutes les terres qu'il tenait du duc de Bretagne (D. Morice, t. III, col. 872).

Le monarque, reconnaissant de sa démarche, lui restitua toutes ses terres de Normandie, pour lesquelles Raoul lui rendit hommage, suivant la coutume de cette province.

Le roi et le seigneur de Fougères conclurent dans cette entrevue un traité dont voici les principales clauses : Le seigneur de Fougères prit l'engagement de livrer son château au roi, qui pourrait y établir telle garnison qu'il lui plairait, et de lui fournir trente chevaliers que le monarque entretiendrait à ses frais jusqu'à la fin de la guerre ou jusqu'à la majorité du duc de Bretagne, avec la faculté d'en disposer comme bon lui semblerait.

Le Roi, de son côté, prit l'engagement de ne faire aucun traité qui pût replacer le seigneur de Fougères dans la dépendance du roi d'Angleterre ou du duc de Bretagne, et de le secourir comme son vassal, s'il venait à être attaqué par l'un ou l'autre de ces princes.

Pour garantir la fidélité de sa promesse, Raoul accorda au roi l'hommage de tous les chevaliers de ses terres, lesquels devaient, en cas d'inexécution de quelques-unes des clauses du traité, rester auprès du Roi jusqu'à leur entier accomplissement.

Le duc de Bretagne conçut un vif ressentiment de la défection de Raoul, et pour que rien ne pût en arrêter les effets, il jura de ne faire aucune paix avec lui, sans l'assentiment du vicomte de Rohan (D. Morice, t III, col. 869).

Ce seigneur possédait toute la confiance du roi d'Angleterre, qui l'honorait d'une affection toute particulière, et Pierre pensait avec raison que nul plus que lui ne désirait l'humiliation et la ruine d'un vassal qui se montrait si hostile à la cause du monarque. Il marcha ensuite en tout hâte sur Fougères, surprit la garnison et s'empara du château ; mais les troupes de France qui gardaient la ville le reprirent presque aussitôt, et, la trêve conclue à Saint-Aubin-du-Cormier, en suspendant les hostilités, força le duc de Bretagne d'ajourner ses projets de vengeance (D. Morice, t. I, col. 163). Raoul profita de la paix pour contracter une alliance qui pût lui donner un appui, dans le cas où une nouvelle guerre viendrait fournir à Mauclerc l'occasion d'exécuter ses mauvais desseins contre lui. Il jeta les yeux sur Isabelle, fille d'Amaury de Craon et de Sablé, qui lui apporta en dot 2.000 livres tournois en deniers, et 350 livres de revenu annuel, qui furent assises sur les biens de la maison de Craon, à Agon, en Normandie, et à Châteauneuf sur Sarthe (D. Morice, t. III, col. 881). L'an 1235, la veille de la Toussaint, Raoul fut reçu chevalier par le roi Saint-Louis lui-même, avec tout le cérémonial usité.

Le 6 décembre de cette année, Isabelle accoucha d'un fils qui reçut au baptême le nom de Jean, et qui mourut le jour même de sa naissance. Raoul était alors occupé d'un procès considérable qui n'eut une solution définitive qu'en 1242. Eudon III, comte de Porhoët, étant mort en 1231, Raoul de Fougères, son petit-fils, Pierre de Chemillé et Olivier de Montauban, ses gendres, ainsi que Guy de Mauvoisin, son beau-frère, prétendirent également à son héritage (1235). Après de longs débats, qui ne furent suivis d'aucun résultat, Raoul et Guy de Mauvoisin convinrent de s'en rapporter, pour ce qui les concernait, à la décision du roi de France. Le monarque, ayant pris connaissance de l'affaire, prononça en faveur de Raoul, fils de l'aînée des filles d'Eudon, et envoya ce seigneur en possession de tous les biens contestés, à la charge de payer à Guy une somme de 2.500 livres tournois et une rente annuelle de 200 livres, qui serait assise sur les biens de la maison de Fougères en Normandie (D. Morice, t. III, p. 890).

Les prétendants refusèrent d'acquiescer à ce jugement, et l'année suivante (1236), ils portèrent leur affaire à la cour du duc de Bretagne, qui confirma la sentence du roi ; mais ce fut seulement deux ans plus tard (1238) que Raoul et Guy, fatigués de ces longs débats, prirent enfin le parti de transiger et acceptèrent les conditions imposées par les deux souverains (D. Morice, t. III, p. 901, 902, 907).

Sur ces entrefaites, Jean Ier, fils de Pierre de Dreux, ayant atteint sa majorité, fut reconnu duc de Bretagne. Un de ses premiers soins fut de ramener sous son obéissance le seigneur de Fougères qui, depuis dix ans, ne reconnaissait d'autre souverain que le roi de France. Pour le disposer en sa faveur, il s'engagea à juger le différend qui existait depuis si longtemps entre ses oncles et lui ; il exempta ses terres du droit de bail et de rachapt, sauf l'assise du comte Geoffroy ; il lui accorda sur les Juifs de ses terres la même juridiction qu'avait André de Vitré ; enfin il lui permit de fortifier, comme bon lui semblerait, son château de Marcillé, Raoul ne fut point insensible à la perspective de si grands avantages : cependant, reconnaissant tout ce qu'il devait au roi de France, il voulut avoir obtenu son agrément, avant de faire hommage au duc. Le monarque consentit sans peine à sa demande, et dès lors le seigneur de Fougères redevint le vassal du duc de Bretagne (1239) (D. Morice, t. III, p. 910 et 911). Saint-Louis n'en continua pas moins de lui accorder une grande confiance et une estime toute particulière. Cette année-là même, ayant renouvelé avec le nouveau duc de Bretagne tous les traités qu'il avait faits avec son père, et exigé de lui qu'il s'engageât à ne faire ni directement, ni indirectement la guerre à la France, il voulut que Raoul se portât fort pour son souverain, et lui garantit l'exécution de ses promesses, en s'engageant à prendre son parti contre le duc lui-même, dans le cas où celui-ci viendrait à enfreindre les conditions de son hommage (D. Morice, t. III, p. 914).

Jean, de son côté, mit le plus grand empressement à remplir les engagements qu'il avait contractés envers Raoul. Il ne négligea aucun des moyens qui pouvaient amener entre ses deux oncles et lui une réconciliation à laquelle on travaillait inutilement depuis dix ans, et il fut assez heureux pour y réussir. Cette longue contestation fut terminée par un traité, passé devant le duc lui-même, à la Meilleraye, le 15 avril 1242, et d'après lequel environ les deux tiers de la succession d'Eudon furent attribués à Raoul, l'autre tiers demeurant à ses oncles, qui le partagèrent (D. Morice, t. III, p. 912, 916, 933, 934, 935, 940, 941 et 942. - Hévin, arrêts sur Frain, 530 et 531).

Deux ans plus tard fut également terminé un différend qui existait depuis longtemps à l'égard du Vandelais, entre les seigneurs de Fougères et ceux de Vitré. Raoul et André s'abouchèrent à Monbelleu, le jour Saint-Gilles 1244, et là, il fut arrêté entre eux qu'ils ne pourraient avoir aucune forteresse dans le pays Vandelais, si ce n'est Fougères et Châtillon, qu'ils se réservaient le droit de fortifier comme bon leur semblerait. Une dernière clause du traité portait que tous les sujets de contestation qui avaient pu exister entre eux ou leurs prédécesseurs, seraient considérés comme non avenus, moyennant une rente annuelle de 30 livres que le seigneur de Vitré paierait à celui de Fougères [Note : Cartulaire de Rillé, à la Bibliothèque de Rennes. D. Morice, t. III, 927 et 928. L'assiette de ces 30 livres fut faite sur les terres et les hommes du seigneur de Vitré dans la paroisse de Saint-Didier].

Raoul, ayant ainsi réglé les affaires de sa baronnie, se rendit aux sollicitations des religieux de Savigny qui, depuis plusieurs années, le pressaient de demander au souverain pontife la canonisation de Saint-Vital, leur fondateur, et de ses compagnons. Il écrivit en conséquence au pape Innocent IV, l'informant des miracles qui s'opéraient tous les jours, par l'intercession de Dom Vital, Dom Geoffroy, Dom Pierre et Dom Hamon, moines de Savigny, et le priant de les mettre au nombre des saints (Histoire manuscrite de l'abbaye de Savigny). Nous ignorons l'effet que produisit la lettre de Raoul  et si ses démarches furent accueillies par la cour de Rome. Ce qui nous le ferait croire, c'est que, depuis cette époque, les saints dont il est question ont été honorés dans une grande partie de la chrétienté.

Le 29 janvier 1253, Raoul maria sa fille unique Jeanne de Fougères, à Hugues XII de Lusignan, comte de la Marche. Le mariage fut célébré par Etienne de Châteaudun, abbé de Savigny, avec toute la pompe que comportait la haute position des deux conjoints. Raoul ne survécut que trois ans à cette cérémonie. Il mourut le 24 mars 1256, à l'âge de cinquante-deux ans, et fut inhumé, comme ses prédécesseurs, dans le cloître de l'abbaye de Savigny (Histoire manuscrite de l'abbaye de Savigny).

En lui finit la maison de Fougères, après 266 ans d'existence (L. Maupillé et A. Bertin, 1846).

Fougères : tableau généalogique et chronologique des seigneurs de Fougères, de la maison de Fougères proprement dite

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