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Yves-Jean-Baptiste DELAUNAY, prêtre guillotiné à Rennes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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86. — Né au Fief-Sauvin, canton de Montrevault actuel, dans le diocèse d’Angers, le 18 mars 1725, Yves-Jean-Baptiste DELAUNAY, fils de noble homme J.-B. Delaunay, sieur de la Boizardière, et de damoiselle Suzanne Terrien, fut ondoyé le jour même. Le supplément des cérémonies du baptême n’eut lieu que le 24 mai suivant.

Le jeune Delaunay fut élevé par les Bénédictins de la célèbre abbaye de Saint-Florent de Saumur. Il n’entra pas pour cela cependant dans leur congrégation et leur préféra celle des chanoines réguliers, dont la maison-mère était l’abbaye de Sainte-Geneviève de Paris. Il fit profession, à l'âge de 21 ans, chez les Génovéfains.

Il fut pourvu le 12 juillet 1756 du modeste prieuré de Langan, puis envoyé administrer, le 17 décembre 1764, le prieuré-cure de Québriac où il construisit une école. Il y demeura jusqu’au 13 mai 1789, date à laquelle la confiance de ses supérieurs l’appela comme prieur claustral de Saint-Pierre de Rillé, charge à laquelle il joignait la desserte de la paroisse dite de Notre- Dame ou Saint-Eloy de Rillé, au faubourg de Fougères.

87. — Lorsque la loi du 14 octobre 1790 vint obliger tous les religieux français à déclarer si, oui ou non, ils consentaient à mener encore la vie de communauté, le P. Delaunay répondit qu’il désirait demeurer dans son abbaye pour y continuer ses fonctions pastorales avec l’aide d’un vicaire. Il fit connaître, à cette occasion, qu’il avait alors 66 ans d’âge et 45 ans de vie religieuse.

Quelques semaines plus tard, la funeste loi du 27 novembre 1790, sanctionnée par le faible Louis XVI le 26 décembre suivant, vint soumettre tous les ecclésiastiques français à charge d'âmes à l’obligation de prêter serment à la néfaste Constitution civile du Clergé ; mais le P. Delaunay refusa de s’y conformer. Bien plus, le 18 juin 1791, les « patriotes » de Fougères invitèrent vainement ce bon religieux à se joindre pour les Fêtes-Dieu aux processions des paroisses de Saint-Sulpice et de Saint-Léonard, alors présidées par des schismatiques ; quoiqu’on eût pris soin de l’avertir qu’un refus de sa part entraînerait la suppression immédiate de sa paroisse. Aussi, dès le 23 juillet de cette année, les membres du district de Fougères délibéraient-ils sur la suppression prochaine de l’église de Rillé. On faisait valoir « que le sieur Delaunay n’admettait pas la loi du serment et que ses principes, opposés à là nouvelle Constitution, l’engageaient sans cesse à des démarches plus indiscrètes les unes que les autres et qu’on lui reproche d’admettre dans son église tous les prêtres ennemis du serment et de leur donner l’autorisation d’y célébrer ».

Finalement, la paroisse de Rillé fut supprimée officiellement le 16 novembre 1791, l’église fermée et, le 19 de ce mois, on fit défense au P. Delaunay d’exercer désormais aucunes fonctions curiales. Bien plus, le 21 décembre suivant, les autorités fougeraises, à la suite de l’arrêté du Conseil général d’Ille-et-Vilaine du 14 décembre précédent, signifièrent à l’ancien prieur de Rillé d’avoir à s'éloigner à trois lieues au moins de Fougères. Après avoir vainement produit des certificats médicaux, il obéit à cet ordre le 16 janvier seulement et se réfugia à Montours, chez son collègue le génovéfain Targes ; mais c’est inutilement qu’il sollicita quelques semaines après de rentrer à Fougères, pour y recevoir les soins que nécessitait son étal de santé ; les révolutionnaires de cette ville lui firent refuser cette autorisation, le 15 février 1792.

88. — Le P. Delaunay se trouvait en juin suivant à Sautoger, près de Sens, avec le recteur de Saint-Ouen-la-Roüairie, lorsqu’il fut arrêté, le 18 de ce mois, par les soins de la municipalité. Ce même jour, celle-ci chargea le sieur René Sausset, huissier près le tribunal du district de Dol, de conduire à Rennes l’ancien prieur de Rillé, conformément à l’arrêté du Conseil général d’Ille-et-Vilaine en date du 15 avril précédent. En conséquence, l’huissier Sausset fit monter à cheval le P. Delaunay et, accompagné d’un détachement de gardes nationaux, ils prirent ensemble la route de Rennes, ville dans laquelle ils arrivèrent vers les onze heures et demie du soir. L’ex-génovéfain trouva d’abord un logement chez Mlle Bertiau, place Sainte-Anne, puis, neuf jours plus tard, nous le voyons résidant chez Joseph Duchesne, rue Haute.

Finalement, on l’enferma le 14 août 1792 dans l’ancienne abbaye Saint-Melaine avec tous les insermentés que l’on avait groupés par la violence dans la capitale de la Bretagne.

L’existence de ces ecclésiastiques durant leur internement à Rennes avait été fort pénible : il leur fallait journellement répondre aux appels des agents municipaux, et souffrir souvent les injures d’une vile populace, qu’on ameutait contre ces pauvres prêtres pour leur reprocher d’avoir refusé de prêter serment. A Saint-Melaine, ils ne furent pas plus heureux : la nourriture de la maison était insuffisante et détestable ; l’air manquait partout, et si les prisonniers voulaient ouvrir leurs fenêtres, les sentinelles leur envoyaient des balles et les « Patriotes » les accablaient d’injures. La prière et le bréviaire récité en commun étaient les seules consolations de ces confesseurs de la Foi.

89. — De Saint-Melaine, on transféra, le 1er octobre suivant, ceux de ces prêtres reconnus sexagénaires ou infirmes dans l’ancien couvent de la Trinité, converti également en prison. On a reproduit ailleurs, une lettre adressée par quelques-uns de ces détenus, parlant au nom de leurs confrères, laquelle en apprend long sur le fâcheux état auquel ils étaient réduits. Leur sort, du reste, ne fut nullement amélioré lorsqu’on les transféra au Mont-Saint-Michel, le 16 octobre de l’année 1793.

90. — Lorsque les ministres de J.-C. furent arrivés dans cette nouvelle prison, ils furent entassés dans les cachots et on les soumit à un régime débilitant que la charité de quelques fidèles courageux put seule adoucir. On vit alors des chrétiens faire jusqu’à vingt lieues pour porter des vivres à leurs vénérés pasteurs.

Deux documents adressés par la municipalité montoise aux membres du district de Saint-Malo, à la date du 12 et du 31 décembre 1793. nous montrent que l’on faisait littéralement périr d’inanition les malheureux prisonniers ; on les a, du reste, intégralement reproduits ailleurs. Le P. Yves Delaunay partageait cette pénible situation lorsque les Vendéens entrèrent au Mont-Saint-Michel, au mois de novembre 1793, dans l’intention de mettre en liberté ces vénérables victimes de la Révolution. Ce religieux, qui, en sa qualité d’Angevin, comptait peut-être des parents ou des amis parmi les libérateurs, les suivit, ne jugeant pouvoir être pis nulle part que dans cette affreuse prison. Le désir de se procurer quelques vivres, de l’aveu des municipaux du Mont-Saint-Michel, ne fut pas non plus assurément étranger à sa détermination.

91. — Le pauvre vieillard, en tout cas, fut bien déçu dans son espoir et trouva une existence peut-être encore plus misérable, dans un pays ravagé par la guerre, sillonné en tous sens par des colonnes mobiles, où partout sa qualité de prêtre réfractaire le faisait traquer comme une bête fauve.

Six mois durant, M. Delaunay erra du Coglès au Bas-Maine, cherchant vainement un refuge où il pût vivre en sécurité. Il parvint même à pénétrer dans Fougères, où il eut le bonheur, de son propre aveu, de pouvoir une fois célébrer la sainte messe. A la longue, on le reconnut et, pour pouvoir gagner la prime de 100 livres promise à qui ferait arrêter un prêtre, il se trouva quelqu’un qui le dénonça. Le P. Delaunay fut arrêté dans un champ, entre Romagné, Lescousse et Saint-Germain, près la ferme la Pouardière, jadis propriété de Rillé, au moment où il récitait son bréviaire.

Le 18 prairial an II (6 juin 1794), on l’interna à Rennes à la prison de la Tour-Le Bat, en qualité d'insermenté sexagénaire en rupture de ban, venant de Fougères ; puis, le 16 juillet suivant, on l’en fit sortir pour l’incarcérer à la prison de la Porte. Saint-Michel, qui servait vraiment d’antichambre à la guillotine.

Une maladie que fit alors le vieux génovéfain retarda sa comparution devant le Tribunal criminel. Ce ne fut que le 2 août de cette année qu’il subit l’interrogatoire prescrit par la loi. Il y répondit à son juge avec autant de fermeté que de prudence : il avoua être sorti de lui-même du Mont-Saint-Michel, avoir passé huit jours à Antrain, puis plusieurs semaines erré en mendiant son pain, mais il refusa de nommer les personnes qui l’avaient assisté. Son interrogatoire terminé, le Tribunal criminel le condamna à la peine de mort en qualité de prêtre réfractaire sexagénaire évadé de prison, par conséquent en contravention avec l’article premier de la Loi du 22 prairial an II, et par suite justiciable de la guillotine.

Cette sentence fut rendue le 3 août 1794. Le vénérable prieur de Rillé, Frère Yves-Jean-Baptiste Delaunay, la subit courageusement le lendemain sur la place du Palais, à l’âge de 70 ans, scellant de son sang une existence tout entière consacrée à Dieu et aux âmes. Les religieuses actuelles de la communauté de Rillé conservent pieusement sa mémoire.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, op. cit., t. III, p. 475. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution, etc., op. cit., t. II, p. 23. — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, etc., op. cit., p. 51-52. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l’archidiocèse de Rennes, etc., op. cit., p. 116-127, contient les pièces officielles du procès de ce religieux.

(Dossier n° 259 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d’Ille-et-Vilaine).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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