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FOUGÈRES DURANT LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE

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LA RÉVOLTE.

CONJURATION DE LA ROUËRIE.

Des protestations contre les idées et les faits des hommes de la Révolution étaient inévitables.

Il est à remarquer que ce sont les sentiments religieux qui se froissèrent d'abord ; nous l'avons constaté par les révoltes, toutes spontanées, qui se produisirent lors de l'application de la Constitution civile du clergé.

A ces manifestations improvisées va succéder la révolte organisée en vue d'un but déterminé, la cessation des désordres et des persécutions, par la restauration de l'autorité royale.

L'auteur de ce plan est un de nos compatriotes : le marquis Tuffin de la Rouërie, dont le rôle fut de première importance.

La Rouërie semble avoir été l'initiateur et le promoteur des révoltes de l'Ouest, des guerres de la Vendée, comme de la chouannerie.

Indignement trahi, la Rouërie est mort trop tôt pour diriger lui-même la contre révolution ; dès lors, son rôle a passé presque inaperçu. Les Fougerais, cependant, doivent le connaître.

***

Né à Fougères, le 13 avril 1751 [Note : La Rouërie naquit dans l'hôtel de la Belinaye (jadis Tribunal), chez sa grand'mère (Thérèse Frain de la Villegontier, dame de la Belinaye), où sa mère, à lui (Thérèse de la Belinaye, dame de la Rouërie), était venue faire ses couches], M. de la Rouerie, après une jeunesse orageuse, s'était distingué en Amérique, pendant la guerre de l'Indépendance, sous le nom de colonel Armand (1777-1783), aux côtés de La Fayette, dont il fut l'un des plus brillants lieutenants.

Revenu dans son domaine de la Rouerie, en Saint-Ouen, il prit part aux Etats de Bretagne de 1788. On se rappelle qu'il fut enfermé à la Bastille avec d'autres délégués bretons.

En 1789, il essaya en vain de décider la noblesse bretonne à députer aux Etats généraux de Versailles. Il s'opposa de même à l'émigration et prépara le lutte contre la Révolution dans le pays même.

***

Dès la mi-mai 1791, sentant le mécontentement grandir, avant tout commencement de révolte, il se rendit à Ulm, près du comte d'Artois, frère du Roi. Il lui soumit un vaste projet de résistance, et reçut, le 5 juin, d'assez vagues approbations, confirmées le 3 octobre 1791 par le comte de Provence (futur Louis XVIII). Il obtint, en outre, la promesse du rétablissement des privilèges de la Bretagne et l'assurance du commandement d'un régiment au retour du Roi. La Rouërie revint en France et chercha des adhérents. Puis il envoya des délégués à Coblentz et finit par obtenir, le 12 mars 1792, les pouvoirs les plus étendus pour organiser la rébellion en Bretagne et « dans les parties limitrophes des autres provinces » [Note : Texte de la Commission délivrée par les Princes à La Rouërie. (Le Nôtre, p. 95)].

Dès lors, il ne cessa de travailler à l'exécution de ses plans, courant de château en château, nouant partout des intelligences.

Malgré ses précautions, ses projets s'ébruitèrent. Il y eut même, en Bretagne et dans le Poitou, des soulèvements prématurés.

Dès août 1791, de vagues propos, tenus par des gens de Chauvigné, semblent indiquer la préparation d'un soulèvement ; mais ce ne fut qu'en mai 1792 que les bruits se précisèrent.

Le 10 mai 1792, le Journal des Départements signale des allées et venues suspectes à Rennes, et même des enrôlements. Il dit aussi que M. de la Rouërie semble recruter des partisans, et il s'émeut de la présence de quatorze prêtres insermentés à Saint-Ouen-de-la-Rouërie. On promet une prime de 120 francs, et même du double, à qui pourra dévoiler ce qui se prépare. Le registre municipal signale, à la date du 17 mai 1792, une tentative d'embauchage, à Fougères, dont le maire fut avisé. D'autres bruits alarmants sont mentionnés dans le même registre, à la date du 19 mai.

Un rapport de gendarmerie au département, du 24 mai, donna l'alarme.

Le 26 mai 1792, le district de Fougères était saisi de tentatives d'embauchages pratiquées en Fleurigné. Le 28, la municipalité de Pontorson signalait au district de Dol des préparatifs suspects. Le 29 mai 1792, la municipalité de Saint-Ouen-la-Rouërie prévenait ce même district qu'un rassemblement de plus de 200 hommes armés avait eu lieu au château de la Rouërie, dans la nuit du 28 au 29.

De son côté, le département recevait des avis du district d 'Avranches.

Prévenu par le département et par le district de Dol, le district de Fougères envoya, le 30 mai 1792, des commissaires sur les lieux, et ceux-ci, d'accord avec l'administration de Dol, réclamèrent l'aide de la force armée. Le 31 mai 1792, partirent de Fougères, pour Antrain et Saint-Ouen, 100 hommes de la garde nationale. Il vint également des troupes de Pontorson, de Dol, de Saint-Malo et de Rennes.

***

Mais le marquis de la Rouërie avait été prévenu, le 30 mai au soir, par un habitant d'Antrain. Aussi lorsque dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1792, les troupes cernèrent le château de la Rouërie, elles n'y trouvèrent plus que les domestiques : les conjurés royalistes n'y étaient plus.

En quittant la Rouërie, le marquis s'était dirigé vers le Maine (29-30 mai 1792). Il resta trois mois caché au chateau de Launay-Villiers, chez le chevalier de Farcy [Note : Le chevalier de Farcy de Villiers était le frère du Comte de Farcy de Mué (en Parce). Ce dernier avait fait entrer dans la conjuration M. Jean-Louis Gavard, maire de Parcé, qui accompagna La Rouërie à Launay-Villiers et y resta deux mois avec lui. (Soc. arch. de St-Malo, 1923-24, p. 143.) C'est Gavard qui présenta Jean Chouan au marquis de la Rouërie (Le Nôtre, p. 147) et qui mit le contrebandier en rapport avec les futurs chouans de Bretagne. On a appelé Gavard le 1er chouan de Bretagne. Cependant, il ne dut pas faire la guerre des chouans ; il fut surtout un recruteur du début. Il semble n'avoir pris part qu'à une affaire pour repousser une attaque contre Launay-Villiers. Après quoi, ayant appris qu'il était recherché, il quitta le pays en novembre 1792 et se retira à Jersey. C'est alors qu'il fut inscrit sur la liste des émigrés. Il était revenu en 1795 et fut nommé juge de paix du canton de Parcé par ses concitoyens, au grand scandale des administrateurs du district. En mai 1799, il fut arrêté, à la Rue en Parcé, comme receleur de prêtre ; un de ses parents par alliance, l'abbé Gavard, s'était en effet réfugié chez lui ; ayant été découvert, l'abbé fut tué par le détachement qui l'emmenait à Rennes. Quant à J.-L. Gavard, il fut remis en liberté le 11 février 1800, après 9 mois de prison. (Voir LE BOUTEILLER, Révolution ; Journal de Fougères, feuilleton n° 23, et Archives du Tribunal de Fougères)].

 

MORT DE LA ROUËRIE.

Il était là à proximité de Saint-Ouen-des-Toits où s'était établie la famille Cottereau, dont l'un des membres, Jean Cottereau, est connu sous le nom de Jean Chouan [Note : Jean Cottereau est né à Saint-Berthevin, près de Laval, le 30 octobre 1757. Il fut tué dans le bois de Misedon, près de St-Berthevin, le 28 juillet 1794. Il semble avoir pris part à la bataille du Bourgneuf livrée à la fin d'août 1792. (Le Nôtre, p. 200)].

M. de la Rouërie s'assura le concours de cette famille qui se livrait, entre la Bretagne et le Maine, à la contrebande du sel. Les Cottereau, par suite, avaient une grande connaissance du pays, et leurs relations, parmi les cultivateurs des deux provinces, étaient étendues. Ce concours fut donc très précieux.

Bientôt la Rouërie recommença ses tournées de propagande et d'organisation.

A la fin d'août 1792 (LE NÔTRE, p. 156), nous le retrouvons chez les Desilles, au château de la Fosse-Hingant, en Saint-Coulomb. En octobre de la même année il se tint là une assemblée de conjurés, au cours de laquelle la date de la prise d'armes fut discutée.

Vendu par son médecin, l'odieux Latouche-Chevetel, de Bazouges-la-Pérouse, qui instruisit Danton, la Rouërie dut se cacher. Errant de château en château, il arriva nuitamment (12 janvier 1793), exténué et malade, à la Guyomarais, près de Lamballe.

***

C'est là qu'il apprit la mort de Louis XVI.

Il en fut tellement ému et affligé qu'une fièvre cérébrale l'emporta (30 janvier 1793). On l'enterra nuitamment dans un bosquet.

Un domestique révéla le secret ; le cadavre fut déterré, et la tête, séparée du tronc, fut jetée par le fenêtre du salon aux pieds de Mme de la Guyomarais.

D'autre part, une partie des papiers de la conjuration furent découverts à la Fosse-Hingant (3 mars 1793). Heureusement pour de nombreux Fougerais, les listes des conjurés avaient été détruites le mois précédent (voir Annales Soc. arch. Saint-Malo, 1923-1924, p. 121).

Douze personnes cependant, dont une Fougeraise. Mme Le Moëllien, née à Rennes, cousine de M. de la Rouërie, fiancée de M. de Saint-Hilaire, et un Fougerais, Louis-Aimé du Pontavice, né à Montours, furent envoyées à la guillotine (18 juin 1793). Il faut lire tout cela dans le bel ouvrage de Le Nôtre. Rien n'est plus dramatique.

 

LA RÉVOLTE DE LA SAINT-JOSEPH (mars 1793).

La Rouërie mort, ses plans en partie découverts, les conjurés se trouvèrent déconcertés et désorientés.

La révolte n'en eut pas moins lieu ; mais elle manqua d'ensemble, de direction et de chef.

Sa préparation se continua silencieusement. Un rapport du procureur de la commune de Sens (Archives du Tribunal), du 10 février 1793, semble montrer qu'il se pratiquait alors des embauchages au château de Chaudebœuf, en Saint-Sauveur-des-Landes (habitation de M. Porée du Parc), pour le « carême prochain ».

Un décret de la Convention (25 février 1793) ordonnant le recrutement de 300.000 hommes [Note : L'Ille-et-Vilaine devait fournir 3120 hommes : Le district de Fougères. 747 ; celui de Dol, 566. La ville de Fougères, 43 ; Louvigné, 21 ; Saint-Brice, 18 ; Antrain, 8 (11 suivant un autre document) ; Tremblay, 14 ; Saint-Ouen-la-Rouërie, 20 ou 24 ; Saint-Aubin, 7 ; Romagné, 30 ; Saint-Germain, 39 ; Fleurigné, 20 ; La Bazouge-du-Désert, 19 ; Saint-Georges-de-Reintembault, 21 ; Parigné, 27 ; Chapelle-Janson, 35, etc., etc... La répartition ne s'explique guère], allait fournir l'occasion du soulèvement.

Le plan de la Rouërie est mal connu dans ses détails. En ce qui concerne notre pays, le bruit courut, dès mai 1792, qu'un rassemblement, sur un mot d'ordre donné, devait s'opérer dans la forêt de Fougères, et que de là, les royalistes, La Rouërie en tête, devaient fondre sur la ville (Le Bouteiller, Rév., n° 21 ; enquête du maire de Fougères du 16 mai 1792).

Malgré la disparition du chef, il semble qu'un mot d'ordre général fut donnée : le 10 mars 1793, 900 communes (BEAUCHAMP, I, 108) de la Vendée, du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Loire-Inférieure, se soulevèrent.

***

Chez nous, le recrutement se faisant un peu plus tard, 6 à 7.000 hommes, appartenant à 21 paroisses, se trouvèrent rassemblés aux abords de la forêt, près de Landéan, le 19 mars 1793, jour fixé pour le tirage au sort dans cette commune, ce qui correspond bien aux bruits recueillis un an plus tôt par le maire de Fougères.

Il se produisit quelques désordres [Note : Les presbytères de Fleurigné, Laignelet, Parcé, occupés par des intrus, furent pillés. Le curé constitutionnel de Laignelet fut maltraité ; les autres curés s'enfuirent]. Des détachements se portèrent dans les paroisses voisines. Une rencontre eut lieu avec la garde nationale et une compagnie de troupes de ligne, près de Fleurigné ; il y eut plusieurs tués [Note : Non seulement dans le combat, mais au cours de l'émeute ; notamment Duronceray, maire de Parcé, son frère et un nommé Rondeau, furent mis à mort par les révoltés, sur le tertre de Montaigu, près de Dompierre. Le district, dans une adresse à la Convention, le 11 avril 1793, demanda qu'un monument fut élevé sur le tertre de Montaigu en mémoire des victimes. (Journal des Départements)].

Un instant les insurgés, qui s'étaient avancés jusqu'à Belair, à l'extrémité du faubourg Roger, songèrent â pénétrer dans la ville. Ils se bornèrent à y envoyer une députation. Le district fit de vagues promesses. Une poussée se produisit vers la ville. Mais, après quelques coups de fusils et de canon, le rassemblement se dispersa en laissant des prisonniers.

A Bazouge-la-Pérouse il y eut un attroupement de 200 hommes armés de bâtons. Les gardes nationales d'Antrain et de Pontorson, avec les gendarmes, les dispersèrent. Il y eut 5 à 6 blessés (DELARUE, Notes manuscrites).

Telle fut la Révolte de la Saint-Joseph, ainsi nommée dans le pays à cause de sa date (19 mars 1793).

 

AIMÉ DU BOIS-GUY.

Qui commandait cette multitude, ainsi rassemblée, le 19 mars 1793, dans la forêt de Fougères et dans les environs ?

A vrai dire, personne ; et c'est ce qui explique le piètre résultat de ce mouvement.

Un jeune homme de 17 ans à peine, Aimé du Bois-Guy, avait été acclamé par quelques personnes : « Voilà notre petit seigneur ; il sera notre général ! ».

Mais ce jour-là, Bois-Guy se contenta de se mêler aux révoltés. Il ne tardera pas, cependant, à devenir effectivement leur chef.

Aimé Picquet du Bois-Guy était né à Fougères, le 15 mars 1776. Sa famille possédait et habitait souvent le beau château du Bois-Guy, en Parigné.

Il était au courant des projets de La Rouërie qui, constatant son enthousiasme, lui avait promis de le faire son aide de camp.

Deux frères d'Aimé, plus âgés que lui, n'hésitèrent pas à se ranger sous les ordres de leur cadet [Note : L'aîné avait d'abord émigré ; il rentra à la fin de 1794].

C'était un caractère « gai, franc, ouvert » ; il avait « un coup d'œil pénétrant » ; — « calme, il donnait ses ordres avec précision », et au moment opportun il se précipitait. Tel est le portrait que fait d'Aimé son beau-frère et compagnon d'armes, M. de Pontbriand (LE BOUTEILLER, Révolution, feuilleton 57).

C'était, dit Crétineau Joly, la vivante image de son oncle, le célèbre amiral La Motte-Piquet [Note : Né à Rennes en 1720, mort à Brest en 1791. Il avait 28 campagnes et 46 ans de service à son actif].

Son existence, estime Lenôtre, « suffirait à défrayer la verve de dix romanciers ».

Les chouans qui, comme tous les militaires de ce temps, avaient la manie des surnoms donnaient à Bois-Guy celui de « Jean Menard ». Ce nom se trouve être, par hasard sans doute, celui d'un prêtre normand anticoncordataire (voir abbé Angot, Dictionnaire de la Mayenne, t. III, p. 13).

 

LES SUITES DE LA RÉVOLTE DE LA SAINT-JOSEPH.

Après un moment d'affollement, il y eut des représailles.

Le tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine eut à juger 500 accusés pour tout le département ; le 21 mai 1793, il se transporta à Fougères pour en juger 27.

D'autres accusés avaient été traduits devant une « Commission militaire », spécialement instituée à cet effet.

Une quinzaine de royalistes furent guillotinés à Fougères, le 13 avril 1793, à 8 heures du matin.

Certains condamnés furent fusillés ; quelques personnes furent maintenues en état d'arrestation, et d'autres acquittées.

Douze autres encore furent condamnées à mort par contumace, en mai 1793, par le tribunal criminel, et parmi elles : Aimé du Bois-Guy, son frère Louis, leur mère et leur sœur, « coupables de ne pas les avoir dénoncés » [Note : Mémoires de Pontbriand; Lemas (District de Fougères, p. 96), dit qu'il n'a pas trouvé trace de cette condamnation. — Voir « un chouan, le général du Bois-Guy » par le vicomte de Pontbriand p. 17].

Les biens de la famille du Bois-Guy étaient mis sous sequestre, et les scellés furent apposés sur les portes du château. Mais la municipalité de Parigné, gardienne des scellés, eut, dit Pontbriand [Note : Voir LE BOUTEILLER, Feuilleton 32. — On montre encore au château du Bois-Guy la « cache » où se réfugiaient les habitants en cas de danger], la jolie idée de cacher, dans leur propre château. Mme du Bois-Guy, qui était souffrante, sa fille, ses deux jeunes fils, et le garde-chasse Descroix, qui était également condamné.

Cet abri ne pouvait être que provisoire. On ne sait où se retirèrent Mme et Mlle du Bois-Guy. Nous les retrouverons bientôt à Ernée.

Les deux frères restèrent cachés dans le pays, entretenant des relations avec les royalistes. Le Journal des Départements publia, le 9 août 1793, une communication datée du 5 du même mois signalant un noyau contre-révolutionnaire en formation, dans la région Fougères-Laval-Mayenne-Ernée, et indiquant la paroisse de Bourgon comme lieu de rassemblement.

 

LA GRANDE ARMÉE VENDÉENNE.

Si un calme apparent règna dans nos régions après la révolte de la Saint-Joseph, il n'en fut pas de même au sud de la Loire.

Les paroisses de cette contrée, soulevées au 10 mars, restèrent en armes ; les royalistes tinrent campagne presque sans désemparer, forçant, pour ainsi dire, les gentilshommes à se mettre à leur tête [Note : Mémoires de Mme de la Rochejaquelein, p. 60. — La veuve de Lescure épousa en 1802 Louis de la Rochejaquelein, frère de Henri le généralissime].

Après la bataille de Cholet, les Vendéens traversèrent la Loire (16 au 19 octobre 1793), sur les conseils du prince de Talmont [Note : Antoine de la Trémoille, prince de Talmont, descendait du duc de la Trémoille qui gagna la bataille de Saint-Aubin. Il était le second fils du dernier comte de Laval et baron de Vitré (lequel était mort en 1792)], afin de se réunir aux royalistes de la Haute-Bretagne et du Maine.

L'armée vendéenne comprenait 30.000 fusiliers, 200 cavaliers. 40 à 50 pièces d'artillerie ; puis 10 à 15.000 femmes, enfants ou vieillards ; 200 voitures emmenaient les blessés, les malades, les provisions, les munitions.

Henri de la Rochejaquelein, qui n'avait que 21 ans, était alors généralissime. D'une bravoure sans pareille, il était adoré de ses soldats pour sa bonté [Note : Henri de la Rochejaquelein mourut le 29 janvier 1795, victime de sa bonté. Après un combat victorieux à Nouaillé, il s'entremit pour sauver deux soldats républicains, à qui il faisait grâce ; l'un d'eux, cependant, apprenant le nom de son bienfaiteur, le tua d'un coup de fusil. Forfait qui, du reste, fut aussitôt châtié] et sa modestie. Un des chefs vendéens, Lescure, « le saint de l'Anjou », mortellement blessé, suivait l'armée. Il mourut aux environs de la Pèlerine (entre Ernée et Fougères), le 3 novembre 1793 [Note : On n'est pas exactement fixé sur les circonstances et le lieu de ce décès. Mme de la Rochejaquelein, qui suivait la grande armée vendéenne, croit que M. de Lescure, son premier mari, mourut dans la voiture qui le transportait. — L'abbé Angot (Dict. de la Mayenne, III, 247, et IV, 710) dit que le décès eut lieu au village des Besnardières, à 3 kilomètres de la Pèlerine, en présence de Mme et de Mme du Bois-Guy. — Pontbriand, époux de cette dernière, a écrit que Lescure mourut à la Pèlerine, dans une chambre que s'empressa de lui céder Mme du Bois-Guy. — M. Le Bouteiller croit que cette chambre se trouvait au Bois-Joly, à 500 mètres de la Pèlerine].

Son corps fut déposé à Fougères, dans l'hôtel Le Harivel (maison Boutin, rue Pinterie actuellement). On s'aperçut alors qu'il portait un cilice. Le corps fut embaumé par M. Putod, médecin qui habitait la même maison, et qui joua alors un certain rôle.

 

RÉAPPARITION DE BOIS-GUY. — BOIS-GUY REJOINT LES VENDÉENS.

A peine Aimé du Bois-Guy eut-il appris la venue de l'armée vendéenne, qu'il s'empressa de rassembler les royalistes de la région, avec lesquels il était resté en rapports, et, à la tête de 260 hommes, il se porta à leur rencontre.

En route, la petite troupe se joignit à une autre de Vitré, et à une troisième amenée de la Mayenne par Jean Chouan. Et au nombre de 5 à 600, dans la nuit du 23 au 24 octobre 1793, les royalistes attaquèrent, à la Gravelle, une colonne républicaine de 1.600 hommes.

Vainqueur, Bois-Guy fait 1.200 prisonniers, qu'il renvoie à Vitré, après leur avoir fait promettre de ne plus combattre les royalistes.

Cette affaire procura aux insurgés des armes et des chevaux.

Le lendemain, 25 octobre 1793, Bois-Guy faisait sa jonction, à. Laval, avec les Vendéens.

Il se mit sous les ordres du prince de Talmont.

Aimé se distingua à Entrammes (27 octobre 1793) et à Château-Gontier [Note : On sait que, pendant leur repos à Laval, les Vendéens, attaqués à l'arrière, battirent les républicains à Entrammes et les repoussèrent jusqu'à Château-Gontier]. Il reçut les éloges publics du généralissime, de la Rochejaquelein.

Après quelques jours passés à Laval, les Vendéens ne firent que traverser Mayenne, d'où les troupes républicaines avaient fui, (2 novembre 1793), et le même jour ils arrivèrent, au soir, à Ernée (LE BOUTEILLER, Révolution, n° 36), où Bois-Guy retrouva sa sœur et sa mère.

Le dimanche 3 novembre 1793, vers 4 heures du soir, l'armée, vendéenne arrivait en vue de Fougères.

Comme on ne connaissait pas les projets des royalistes, l'anxiété avait été grande à Rennes et à Vitré. On avait craint que de Laval ils ne prissent cette direction.

 

LES VENDÉENS A FOUGÈRES (3-8 novembre 1793).

Il y eut un certain émoi à Fougères, le soir du 19 octobre 1793, à l'arrivée d'un commissaire du district de Vitré affolé, chargé de réclamer des secours contre une invasion possible des Vendéens.

Le lendemain, un commissaire du département [Note : C'était Julien-Louis Le Nicolais de Clinchamps, administrateur du département, jadis commandant de la garde nationale de La Bazouges-du-Désert, le futur commandant des forces de l'arrondissement de Fougères. Ce personnage, qui habitait le Pont dom Guérin, acheta comme bien national la petite chapelle Saint-Clair de l'hermitage au Pont dom Guérin. Il s'est fait enterrer dans cette chapelle où l'on voit toujours sa pierre tombale, Les Le Nicolais de Clinchamps étaient originaires de Normandie ; Julien-Louis était sénéchal de Landivy, comme l'avait été son père Guillaume] qui était également très inquiet, se présentait à son tour pour réquisitionner des forces.

Cent hommes partirent aussitôt pour Vitré avec une pièce de canon (20 octobre). Trois jours après on y envoya des équipes d'ouvriers du bâtiment pour fortifier la ville inquiète et, le 24 octobre, un convoi de vivres.

Cependant l'alerte était donnée partout : le tocsin avait sonné à Saint-Georges-de-Reintembault, dans la nuit du 23 au 24 octobre 1793 ; et, le 24, à Louvigné, La Bazouge, Mellé, etc... Bientôt des gardes nationales et des troupes de ligne arrivèrent à Fougères de toutes parts : Avranches, Vire, Coutances, Granville, Mortain, Sourdeval, Saint-James, Antrain, Saint-Georges, Louvigné, Mellé, la Bazouge, Saint-Marc-le-Blanc, etc.

Dans la soirée du 23 octobre 1793 on apprit, de Vitré, la prise de Laval par les Vendéens. Quelle direction prendraient-ils ?

Les villes de Vitré et d'Ernée firent savoir, le lendemain, qu'elles étaient résolues à résister ; si leurs garnisons étaient forcées, elles se replieraient vers Fougères.

Le 25, le district fit envoyer un bataillon dans la direction d'Ernée. Peu rassurées, cependant, les autorités réunies en permanence préparèrent, dès lors, l'exode de la caisse et des archives.

Le général Brière arriva à Fougères le 26 novembre, pour prendre le commandement des troupes, qui furent bientôt fortes d'environ 6.500 hommes.

Jaloux des gardes nationales, les soldats de ligne, que ravageait l'indiscipline, exigèrent qu'on leur donnât des souliers et une solde de 40 sous par jour, égale à celle des gardes nationaux. Brière céda, et la mesure fut ratifiée par les représentants du peuple.

Le général chargea la garde nationale de Billé, renforcée de 50 chasseurs, d'établir un barrage provisoire sur la route de Vitré. Il manda l'ingénieur d'Obenheim, qui arriva de Cherbourg le 1er novembre 1793.

***

En l'attendant. M. Rallier, ancien officier du génie, prépara la mise en état des fortifications de la ville.

Les bûcherons de la forêt furent requis de fournir du bois, et le retour des ouvriers envoyés à Vitré fut demandé, sans succès, du reste.

Le 28 octobre, on réquisitionna les boulangers, et le lendemain on fit amener en ville les grains des communes suspectes de sympathie pour les Vendéens.

Les cordonniers avaient aussi été réquisitionnés.

Afin de réchauffer l'ardeur des troupes, les autorités civiles et militaires organisèrent, le 1er novembre, une grande fête, où on lut des proclamations enthousiastes, et où chacun jura de lutter jusqu'à la mort, et d'incendier la ville plutôt que de la livrer aux Vendéens.

Dès le lendemain soir (29 novembre 1793), on apprit que l'avant-garde royaliste avait culbuté, entre la Pèlerine et Ernée, le 10ème bataillon de chasseurs envoyé le 25 octobre, et lui avait pris trois canons.

Sans tarder, les autorités firent diriger sur Rennes, sous l'escorte d'un détachement de la garde nationale, un baril rempli de l'argenterie des églises spoliées [Note : Cette argenterie pesait 172 marcs ; elle fut expédiée de Rennes à la Monnaie de Nantes. — Il fut expédié de l'argenterie provenant des églises du district à plusieurs reprises : le 23 janvier 1794, un envoi fut fait à la Convention, avec une somme en numéraire de 1907 livres provenant des fonds des Fabriques de Dompierre, Parcé, Luitré et Lécousse. Le 20 février 1794, il fut encore envoyé à la Convention de l'argenterie et du numéraire (3014 livres), provenant de La Chapelle-Janson, du Ferré, de Montours, de La Bazouge, de Fleurigné, de La Celle-en-Luitré et de Mézières. Le 15 floréal an III, le district disait avoir expédié 698 marcs 5 onces d'argent à la Convention, ainsi que les galons d'or et d'argent. Le cuivre, le bronze (cloches), l'étain et le plomb furent dirigés sur l'arsenal de Rennes. Les étoffes provenant des ornements d'église furent vendues. Le linge d'église fut également vendu, ou remis aux hôpitaux], les fonds de la municipalité et du district, et une partie des archives [Note : C'est peut-être lors de ce transport, ou au retour, que versa, au passage d'un ruisseau, un charriot chargé d'archives (selon M. Delarue). Ce qui expliquerait en partie pourquoi certaines pièces sont introuvables]. De plus, 46 chariots de subsistance furent éloignées de la ville (2 novembre 1793).

Le lendemain matin (dimanche 3 novembre 1793), après avoir passé la nuit en conseil, les autorités signalèrent au général Brière la possibilité de la venue des Vendéens par le vieux chemin de la Chaudronnerais à Iné, la grand'route ayant été obstruée par des abattis de bois et des tranchées. Le général affirma de nouveau que la ville pourrait tenir.

Après une fausse alerte, vers 8 heures du matin, Brière se rendit près des autorités civiles, et tous jurèrent « de mourir en républicains ».

Dès le soir, cependant, nos administrateurs, peu soucieux d'affronter la mort, estimant sans doute leur vie indispensable au bien public, prirent la route de Rennes.

Les Vendéens, en effet, dans leur marche rapide, avaient bousculé vers les trois heures de l'après-midi du dimanche les troupes, républicaines postées près de la Chaudronnerais ; un dernier combat s'était livré devant la porte Saint-Léonard [Note : La trace des boulets vendéens est encore visible dans les pignons des chapelles latérales sud de l'église de Saint-Léonard], et à 5 heures les royalistes victorieux entraient en ville (3 novembre 1793).

***

Beauchamp (II, 36) dit que la cavalerie, commandée par le prince de Talmont et Forestier, arriva à Fougères par des chemins de traverse. Il est donc possible que les membres du district aient vu juste. La cavalerie aurait gagné (sans doute par Iné, la Haute-Bourgère, Gibary et Savigny), le château où elle délivra 300 prisonniers royalistes. Puis, remontant vers la haute ville avec ceux-ci, les cavaliers rencontrèrent des fuyards républicains, qui s'empressèrent de chercher un refuge dans les maisons.

Plusieurs en furent arrachés et mis à mort.

La mère Saint-Augustin (Mme de Vallois), supérieure des Augustines de Saint-Nicolas, en sauva plusieurs qui s'étaient refugiés à l'hôpital [Note : Elle fut cependant bientôt emprisonnée].

Quatre cents républicains réussirent à gagner le château : ils furent traités en prisonniers de guerre.

Environ 200 hommes périrent à l'attaque de Fougères.

Un bon nombre de blessés et malades vendéens, qui avaient passé la nuit du 3 au 4 à la Pèlerine, n'arrivèrent à Fougères que le lundi 4 novembre 1793.

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Il semble que d’assez nombreaux Fougerais accueillirent avec sympathie les Vendéens, qui furent logés chez les habitants. Les campagnards les ravitaillaient volontiers.

Les royalistes firent, dans le pays, un bon nombre de recrues dont certains personnages marquants, notamment le fameux ingénieur d’Obenheim [Note : Il y a lieu de croire qu'Obenheim n'était qu'un espion ; car on le vit, après la débâcle des Vendéens, revenir dans l'armée républicaine avec un grade supérieur], dont nous avons mentionné l’arrivée à Fougères ; M. Putod [Note : Putod joua alors un rôle assez important. Il profita de son influence chez les royalistes pour faire délivrer des passeports à des Fougerais notables, qui couraient quelques risques dans la ville occupée, en raison de leurs attaches avec les autorités républicaines (notamment M. Rallier). Putod quitta Fougères un des derniers, et se sépara des Vendéens aux environs de Dol. Arrêté le 21 novembre 1793, il fut condamné à mort le lendemain, et exécuté aussitôt. Il avait été un des rédacteurs du cahier de la ville de Fougères en 1789. Il fut, en 1790, délégué de La municipalité de Fougères à la fête de la Fédération à Paris, avec 7 autres membres de la garde nationale. Au lieu de revenir, il entra dans la garde royale. Quand il revint à Fougères, il était fervent royaliste (LE BOUTEILLER, Feuilleton 6)], médecin à Fougères, dont nous avons parlé également ; le garde-magasin Veissel [Note : Veissel fut arrêté bientôt également et condamné à mort le 17 novembre 1793], le lieutenant de gendarmerie Guilhermel, etc.

C'est à Fougères que fut amené, devant les chefs royalistes, l'ancien procureur-syndic du Calvados, Bougon-Longrais [Note : Bougon Longrais avait soutenu la cause des Girondins en favorisant l'insurrection fédéraliste. Mis hors la loi, il dut se cacher. Arrêté par une patrouille vendéenne près de Fougères, sur le point d'être fusillé, il dut la vie à l'intervention du prince de Talmont dont il suivit le sort. (Exécuté le 5 janvier 1794], l'ami de Charlotte Corday. C'est encore à Fougères que le fameux Georges Cadoudal rejoignit l'armée vendéenne, à la tête de 150 Morbihannais.

Les Vendéens commencèrent à évacuer Fougères le 6 novembre 1793, prenant la direction d'Antrain. Les principaux chefs ne partirent que le 8. Putod ne dut s'éloigner que le 10.

Ils laissaient les hôpitaux remplis de blessés et de malades.

Aimé du Bois-Guy suivit l'armée, emmenant un des canons de la ville.

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Durant leur séjour, les royalistes avaient envoyé des patrouilles dans tous les environs réquisitionner ce qui était nécessaire à la vie d'une multitude de 40 à 50.000 personnes. Ces patrouilles s'emparaient des provisions et effets mis sous séquestre, dans les maisons décrétées « bien national » [Note : Ce fut le cas notamment aux châteaux de la Motte de Saint-Brice et du Bois-Février en Fleurigné]. Elles vidaient les caisses des percepteurs, et des paroisses aux mains des schismatiques [Note : Les Vendéens enlevèrent les fonds de la paroisse de Saint-Sulpice (1431 livres)] ; mettaient à contribution les acquéreurs et fermiers des biens nationaux ; abattaient les arbres de la liberté ; hissaient le drapeau blanc au sommet des clochers ; menaçaient les « patriotes », ces tyranneaux de village, et les curés intrus ; pillaient leurs presbytères, et brûlaient les papiers administratifs, sans malheureusement assez de discernement [Note : A Fougères, les archives des maisons religieuses, déposées au district, furent pillées et brûlées. Il en fut ainsi ailleurs].

M. Lesueur, maire de la ville, qui avait eu le courage de rester à son poste, fut fusillé au château le 15 brumaire au II (5 novembre et non le 3, par conséquent sans la précipitation que décrit Lemas (District breton, p. 62) dans son district breton et que répète Depasse dans son opuscule sur Fougères, p. 43). On ignore complètement les motifs de sa condamnation, car il s'agit évidemment de l'exécution d'une sentence. On peut supposer que M. Lesueur refusa d'obtempérer à certains ordres, ou qu'il chercha à fomenter un soulèvement ou encore qu'il mit des obstacles à l'exécution des mesures prescrites par les Vendéens.

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Il y eut d'autres exécutions, mais elles furent peu nombreuses.

On fut fixé, à Antrain, le 6 novembre 1793, par des estafettes, sur la direction prise par les Vendéens en quittant Fougères. Aussitôt la petite ville fut évacuée.

L'avant-garde vendéenne arriva le 6 à 2 heures de l'après-midi, à Antrain, et alla cantonner à La Fontenelle.

Deux heures après, pendant six heures au moins, dit M. Delarue, défilèrent d'importants éléments de l'armée. Les jours suivants arrivèrent les non combattants et les convois.

La tête de l'armée parvint à Dol le 7 novembre 1793, mais le dernier groupe vendéen ne quitta Antrain que le dimanche 10 novembre, quand La Fontenelle fut complètement évacuée ; les combattants avaient déjà dépassé Avranches.

On sait l'échec qui attendait les Vendéens à Granville, les 13, et 14 novembre 1793. Il leur fallut rétrograder.

Des détachements successifs de Vendéens occupèrent Bazouges-la-Pérouse, où ils furent favorablement accueillis, dès le 6 au soir et les 7, 8, 9, 11 et 13 novembre 1793. Les derniers quittèrent Bazouges le jeudi 14 au matin. Ils trouvèrent dans la caisse du receveur des domaines la somme de 7.122 livres. Les autorités [Note : Le maire de Bazouges (Chèvetel), deux officiers municipaux, le capitaine de la garde nationale (Lemarchand), l'agent national (François-Anne Gautier), et autres furent dénoncés à la Commission militaire Brutus Magnier, par Legendre, curé intrus de Marcillé-Raoul, véritable énergumène, comme complices des Vendéens. Les accusés furent acquittés, et Legendre, convaincu de calomnie, fut condamné] et les prêtres jureurs avaient déguerpi.

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Des Vendéens, passant à Pontorson, se détachèrent pour ouvrir les portes du Mont Saint-Michel aux prêtres détenus.

Plusieurs prêtres quittèrent alors leur prison. Les documents officiels cités par M. Piron, en nomment 22, dont plusieurs ne tardèrent pas à être repris. Selon Crétineau Joly, il en serait sorti davantage, mais après l'échec de Granville, 15 à 20 auraient jugé prudent de réintégrer leur prison. Lecoz aurait alors décidé les gardiens à taire la courte absence de ces prêtres, et ainsi, il faut lui rendre cette justice, il leur sauva peut-être la vie.

Parmi les prêtres qui ne voulurent pas rentrer au Mont, après en être sortis, citons dom Delaunay, prieur de Rillé, et M. Lemercier de Morière, ancien vicaire de Taillis, retiré à Fougères. Bientôt repris, ils furent exécutés, le premier le 4 août 1794 et le second le 2 janvier 1794.

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HORRIBLES MASSACRES DANS LES HÔPITAUX DE FOUGÈRES (17 novembre 1793) — BATAILLES DE DOL ET DE TRANS (21-22 novembre 1793).

Pendant tout ce temps, une vingtaine, de mille hommes de troupes républicaines s'étaient concentrés autour d'Antrain ; Marceau était établi à Tremblay ; Marigny et Westermann à Montanel et Saint-Ouen ; Tribout à Pontorson ; Chambertin à Sacey ; Kléber à Antrain, avec Muller, Boucret, Canuel et Amey.

Ces deux derniers généraux reçurent ordre de se porter sur Fougères, où ils parvinrent le 17 novembre 1793 ; les troupes cantonnèrent dans le voisinage de l'Abbayette et de la Haute-Bourgère.

Le 18, Tribout fut battu à Pontorson, par les Vendéens de retour de Granville ; 400 fuyards atteignirent Antrain vers minuit ; pris pour des Vendéens, ils furent reçus à coups de fusil.

Le 19, au soir, l'armée catholique entrait à Dol. Canuel et Amey furent rappelés de Fougères.

Une grande bataille, ou plutôt, comme dit M. P. Delarue [Note : Notes manuscrites (déposées aux arch. départ.)] (d'Antrain), deux batailles s'engagèrent, le 21 novembre 1793, à Dol ; le 22, à Trans.

Les républicains battus, se replièrent sur Rennes, laissant dans l'église d'Antrain 150 blessés.

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Or, les Mayençais de Canuel, pendant leur court séjour à Fougères, avaient odieusement massacré, de la façon la plus barbare et la plus atroce, les blessés et malades royalistes restés dans les hôpitaux. Les républicains eux-mêmes déclarèrent que les soldats de Canuel en avaient égorgé deux mille ! Chiffre que l'on veut croire exagéré ; toutefois, il y eut assez de victimes pour que le cimetière Saint-Roch [Note : Ce cimetière occupait l'emplacement de la prison actuelle] devînt insuffisant.

Les Vendéens victorieux apprirent, précisément à Antrain, les forfaits des soldats qui fuyaient devant eux. Ils voulurent, sentiment assez naturel dans leur colère, user de représailles et massacrer les blessés républicains de l'église d'Antrain.

Mais les chefs s'y opposèrent. M. de la Rochejaquelein, généralissime des Vendéens. fit conduire ces blessés à leur armée, demandant simplement qu'on agît de même à l'égard des royalistes : voilà les hommes qu'on appelait des « brigands » !

Aimé du Bois-Guy et ses soldats reçurent encore des éloges publics pour leur brillante conduite.

Pendant la bataille de Dol, les représentants du peuple avaient institué, le 21 novembre 1793, à Antrain, où se tenait l'état major de l'armée, une Commission militaire pour juger les espions et les « brigands ». Elle était présidée par le sanguinaire Brutus Magnier ; les séances devaient se tenir chez la veuve Bizot, près de la grande halle.

La Commission n'eut le temps de prononcer qu'une seule condamnation (celle de Jacques Royer, des Haries, en Dompierre, qui avait suivi la Vendée). Les Vendéens, arrivant aux portes d'Antrain, les membres de la Commission durent plier bagage et se retirer à Rennes, où ils continuèrent leur sinistre besogne.

Ils se transportèrent ensuite (10 décembre 1793) à Saint-Aubin, puis à Fougères (du 11 au 15 décembre), où ils siégèrent à la mairie. A Saint-Aubin ils avaient tenu séance dans l'église.

 

LES VENDÉENS REPASSENT A FOUGÈRES (23-24 novembre 1793) — LEUR DÉBACLE AU MANS (11-12 décembre 1793).

A la date du 23 novembre 1793 les Vendéens, pour la seconde fois, se trouvaient à Fougères.

Le dimanche 24, ils firent chanter un Te Deum dans l'église de Saint-Léonard, pour leur victoire de Dol. L'abbé Bernier, orateur remarquable, futur négociateur du Concordat, puis évêque d'Orléans, prononça un discours pendant la cérémonie.

Beaucoup d'hommes de la région quittèrent l'armée vendéenne en traversant Fougères ; mais les deux frères du Bois-Guy, avec une partie de leurs soldats, accompagnèrent les Vendéens jusqu'au Mans, où ils se firent encore remarquer.

On sait que là (11 et 12 décembre 1793) les royalistes, vaincus, durent se replier sur Laval, et que les républicains, sans pitié, massacrèrent hommes, femmes, enfants, blessés, traînards, prisonniers, au nombre de 20.000 ! Il y eut des traits de férocité inouïs, bien dignes des « hommes sensibles » de la Révolution.

Péniblement, les malheureux qui avaient échappé au désastre gagnèrent la Loire et rentrèrent dans leur pays. La grande armée vendéenne était détruite, mais la guerre de partisans continua longtemps au sud de la Loire.

Quant aux frères du Bois-Guy, ils se séparèrent des Vendéens, à Laval, vers le 15 décembre 1793, et rentrèrent dans la région de Fougères avec 80 hommes environ.

Ils reprirent la vie de proscrits en attendant et en préparant de nouvelles luttes.

(Emile Pautrel).

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