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L'ANCIEN RÉGIME DANS LA RÉGION FOUGERAISE

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FÉODALITÉ, RÉGIME SEIGNEURIAL.

 

RÉGIME FÉODAL. — ANCIEN RÉGIME. — RÉGIME MODERNE.

Régime féodal et ancien régime ne sont pas termes synonymes, bien que, par certains côtés, le régime féodal ait persisté jusqu'à la Révolution, qui mit fin en France à l'ancien régime et à tout reste de féodalité.

C'est alors que naquirent, chez nous, les régimes modernes, déjà en partie connus en Angleterre où, cependant, subsistent encore des traces notables du régime féodal, ce qui montre bien que la différence essentielle entre l'ancien régime et les régimes modernes ne réside pas dans la disparition des pratiques féodales.

Cette différence résulte surtout de l'opposition des principes de gouvernement.

Malgré les étiquettes et les préjugés, les gouvernements modernes, de plus en plus centralisés, se montrent plus oppressifs que les anciens. Ceux-ci, tout au moins, étant personnels, n'étaient pas irresponsables, comme le sont les pouvoirs collectifs et anonymes des Assemblées nationales.

Contrairement à une opinion courante, les régimes de concentration excessive ne datent pas, en France, de Louis XIV ou de Richelieu. Ils remontent à la Révolution et à l'Empire, lequel se réclamait des mêmes principes que la Révolution. Il ne faut donc pas avoir de parti-pris contre les régimes anciens, et il convient de les étudier dans leur cadre.

 

CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME FÉODAL ET ORIGINE DE L'ANCIEN RÉGIME.

Le régime féodal était caractérisé par deux faits importants :

1° un démembrement, opéré en des temps anarchiques, de la souveraineté royale, au profit d'une hiérarchie de seigneurs, c'est-à-dire de personnages investis, dans leurs domaines, de l'autorité publique sous forme de droit de seigneurie ;

2° l'apparition d'une forme particulière de la propriété foncière, que l'on a appelée : la tenure féodale.

Etabli peu à peu, au cours des IXème, et Xème siècles, le régime féodal constitua une réaction contre l'anarchie qui suivit la dislocation de l'Empire Carolingien.

Une « façon d'ordre » (DIMIER, Préjugés contre l'Histoire de France, I, 182) en résulta, que les Rois Capétiens (surtout Philippe le Bel — 1285-1314), s'appliquèrent à remplacer par un « ordre royal et administratif » (DIMIER, Préjugés contre l'Histoire de France, I, 171), en enlevant progressivement aux seigneurs une partie des droits régaliens que les circonstances avaient fait attribuer à ceux-ci, mais qui, normalement, n'appartiennent qu'au souverain.

C'est cet « ordre royal et administratif », réglé selon les temps et les circonstances, qui constitue ce qu'on peut appeler « l'ancien régime ».

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Les Rois Capétiens, et à leur exemple les Ducs de Bretagne, n'agirent que lentement et prudemment, évitant de froisser les personnes, de nuire aux intérêts, et de détruire brutalement les situations acquises. Ils maintinrent, quand c'était possible, les honneurs, profits et privilèges de tous.

Cela explique, au moment de la Révolution, les apparences persistantes, dans la Justice seigneuriale, les droits féodaux, les chartes communales, etc..., de l'autorité seigneuriale, disparue cependant en fait depuis plusieurs siècles, au profit de l'autorité royale.

Ce ne fut pas, du reste, sans créer parfois une certaine équivoque et une situation un peu fausse.

La seule institution féodale qui se maintint véritablement, non seulement en apparence, mais en droit et en pratique, c'est ce mode de propriété dont nous avons parlé : la tenure féodale, que nous allons décrire.

 

NATURE DE LA PROPRIÉTÉ FÉODALE.

La propriété foncière la plus usuelle, sous l'ancien régime, était très différente de la propriété actuelle, laquelle, conformément au droit romain dont elle dérive, est absolue et libre, ne créant aucun rapport persistant, après le contrat réalisé, entre vendeur et acheteur.

La propriété féodale, ou tenure, résultait d'un contrat dit d'afféagement, conclu dans des conditions débattues et acceptées, qui créait un rapport perpétuel, prévu dans l'acte, entre le concédant, ses successeurs ou ayants-droit, et le concessionnaire (ou teneur), ses successeurs ou ayants-droit.

Les engagements féodaux n'étaient donc pas simplement personnels ; ils persistaient malgré les changements de personnes ; et leur durée dépassait la vie humaine ; car ils étaient, en principe, perpétuels et immuables.

En sorte que c'étaient les propriétés (terres, maisons, etc.) plutôt que les personnes qui se trouvaient chargées de devoirs ou bénéficiaires de droits, ce qui ôtait tout caractère d'humiliation aux coutumes féodales, et permettait à chacun, si bon lui semblait, de se dégager des obligations dont son bien était grevé, en vendant ce bien.

Car le teneur, nonobstant ces obligations, était réellement propriétaire de sa tenure. Il pouvait l'exploiter, la donner à bail [Note : La location à bail n'avait aucun caractère seigneurial ; le vassal qui donnait une terre à bail restait le vassal de son seigneur sans devenir seigneur de son locataire, et le locataire n'était vassal ni de l'un ni de l'autre. On verra plus loin l'explication de ces termes : seigneur et vassal. Le locataire n'était pas chargé des obligations incombant au vassal (droits de mutation, etc.). Il arriva plus d'une fois qu'un bailleur, en louant une terre, ait essayé, à tort, de considérer le bail comme un afféagement et de se créer ainsi une sorte de seigneurie. Mais c'était contraire au droit et ne pouvait être admis], la vendre, ou la léguer à ses héritiers ; et, en cas de vente, le nouveau propriétaire prenait, dans la hiérarchie féodale, la place de son prédécesseur.

***

Il y avait cependant une restriction à la faculté d'aliéner, constituant un privilège en faveur du plus proche parent du vendeur, et, à défaut de ce parent, en faveur du seigneur suzerain.

Ces deux personnes, en effet, en vertu du Droit de retrait, avaient la possibilité de prendre la place de l'acheteur, en payant au vendeur le prix convenu.

Contrairement à ce qui se passe de nos jours, où les lois favorisent les individus et tendent à affaiblir les familles, on voulait jadis des familles fortes et assurées du lendemain. On considérait que les propriétés appartenaient plutôt aux familles qu'au membre qui en était le possesseur temporaire ; et l'on s'efforçait de maintenir dans la famille le bien familial.

La tenure n'était pas le seul mode de propriété existant au moyen-âge. La propriété libre n'avait pas entièrement disparu ; elle subsistait sous le nom de franc alleu, mais elle était devenue l'exception. Le franc alleu était plus libre encore que la propriété moderne, puisque, au début du moins, il n'était même pas soumis à l'impôt.

 

QUALITÉS DES PERSONNES ET DES TERRES.

Sous le régime féodal, non seulement les personnes et les familles étaient de qualités différentes : nobles, roturières ou serves, mais encore les terres participaient à ces diverses qualités.

Disons de suite que le servage fut aboli en Bretagne dès 946, par le duc Alain Barbe-Torte, avant par conséquent que l'histoire ne fasse même mention de la baronnie de Fougères. Il est donc inutile de nous y arrêter : dans notre région, aussi loin que l'histoire remonte, on n'entend pas parler de serfs ; on ne voit mentionner que des nobles et des roturiers ; ceux-ci étant bourgeois (habitants des villes ou des gros bourgs) ou paysans. On ne connaît chez nous que des terres nobles, ou fiefs [Note : Dans notre pays, on donna encore le nom de fief à des fragments de seigneuries, fragments servant d'assiette pour la cueillette des redevances féodales] proprement dits — et des terres roturières ou censives, encore appelées féages [Note : SÉE, Annales de Bretagne, XII, p. 198. — AUBERGÉ, Cartulaire de Fougères, p. 47] et parfois fiefs roturiers 6 ou fiefs vilains (ESMEIN, Histoire du droit, p. 211).

Les premiers nobles furent les chefs militaires, ceux qui, par leur vaillance, se constituèrent les défenseurs du pays et les gardiens de l'ordre en des temps troublés.

Au début du régime féodal, et jusqu'au XIIIème siècle (ESMEIN, Histoire du droit, p. 223), tout valeureux homme d'armes pouvait être armé chevalier, et tout chevalier devenait noble du fait même. D'autre part, le roturier qui achetait un fief noble acquérait lui-même, par ce fait, la noblesse. La noblesse était héréditaire.

Les deux premiers modes d'anoblissement disparurent au XIIIème siècle.

La noblesse, cependant, ne devint pas un corps fermé ; mais, pour y avoir accès autrement que par voie d'hérédité paternelle (la noblesse de la mère ne se transmettant pas à ses enfants), il fallut désormais la volonté du souverain, roi ou duc. Les roturiers devinrent nobles en vertu de Lettres de Noblesse concédées par le souverain, ou encore par l'exercice autorisé et prolongé de certaines fonctions judiciaires ou militaires.

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Quant à la qualité des terres, elle dépendit à l'origine de la qualité du concessionnaire.

La terre concédée, c'est-à-dire afféagée à un noble, fut considérée comme terre noble ; et cette qualité resta définitive, que la terre appartînt plus tard à un noble ou à un roturier.

Si elle avait été, au début, afféagée (on disait aussi accensée) à un roturier, la terre était roturière ; et le fait d'être plus tard possédée par un noble ne l'empêchait pas de demeurer roturière.

Cependant, les terres roturières pouvaient être anoblies par un acte de la volonté du souverain.

Les terres nobles étaient exemptes de l'impôt appelé fouage, qu'elles appartinssent ou non à un noble. Les terres roturières étaient soumises à cet impôt, même si elles venaient en la possession d'un noble.

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Seules, les terres nobles pouvaient donner lieu, dans leur étendue, à des afféagements. Mais les tenures ainsi découpées dans une terre noble pouvaient, selon les conditions de l'acte d'afféagement, demeurer nobles ou devenir roturières, et ainsi ces fragments pouvaient être nobles aux yeux des uns et roturiers aux yeux des autres.

Ainsi, dans la baronnie de Fougères, concession noble dans son ensemble vis-à-vis du duc de Bretagne, le baron de Fougères avait, par voie d'afféagement, découpé des concessions qui continuaient d'être nobles, comme les seigneuries de Villavran, de Larchapt, du Bois-Février, etc. ; et, à côté de celles-là, d'autres concessions très nombreuses, devenues roturières vis-à-vis de lui, réparties dans les diverses vairies ou châtellenies de la baronnie.

Ainsi encore, nous voyons le teneur du fief noble (ou seigneurie) de Larchapt constituer dans ce fief, toujours par voie d'afféagenient, des terres nobles comme Pérousel, la Hamelinais, etc., parmi un grand nombre de terres qui, à ses propres yeux, étaient roturières, comme La Tancerais, La Gillaudais, La Bosserie, etc., alors qu'aux yeux du seigneur de Fougères, le fief de Larchapt tout entier était considéré comme noble.

Et il en était de même dans les autres fiefs de la baronnie.

 

SEIGNEURS ET SEIGNEURIES.

Le seigneur était le titulaire du droit de seigneurie ; et ce droit, exercé dans un fief (ou terre noble), n'était autre, au début, qu'un débris de l'autorité royale, échu à un chef militaire en des temps anarchiques.

Le droit de seigneurie comportait notamment le droit de justice et de police, le droit de réquisition militaire pour la défense du fief, et le droit de perception d'impôts, non seulement comme fonctionnaire représentant le Souverain, mais à titre personnel.

Les terres anoblies ne donnèrent pas toujours droit de seigneurie ; elles n'eurent souvent d'autre privilège que l'exemption de l'impôt ou de la redevance. On les disait alors : « amorties ».

Le droit de seigneurie ne s'exerçait pleinement ni sur les domestiques du seigneur, ni sur les fermiers ou métayers exploitant la terre à son profit ; il ne s'exerçait que sur les vassaux. (Les domestiques et fermiers étaient justiciables du Seigneur, suzerain de celui qui les employait).

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Les vassaux, qui pouvaient être nobles ou roturiers, n'étaient autres que les afféagistes, les teneurs de terres concédées par voie d'afféagement, de même que les seigneurs étaient les concédants de ces terres.

Si donc le possesseur d'une terre noble, au lieu de l'afféager en partie, préférait en tirer profit directement, soit en la louant, soit en l'exploitant lui-même, tout entière, il n'avait pas de vassaux ; et par suite il n'était pas seigneur, et sa terre n'était pas une seigneurie.

C'était sans doute le cas pour un bon nombre de terres anoblies de nos pays, qui ne se composaient que d'une métairie ou d'une petite retenue, et auxquelles n'était attachée aucune justice (SÉE, Classes rurales, p. 27).

Si tout teneur de fief noble pouvait se créer des vassaux et devenir seigneur, il était en même temps vassal lui-même d'un autre seigneur, de qui il tenait son fief, et qui était son suzerain.

Et ce suzerain, à moins qu'il ne fût le roi, était lui-même vassal d'un autre suzerain. Le roi seul n'avait pas de suzerain, et de lui relevaient plus ou moins directement toutes les seigneuries. On disait de lui qu'il était souverain fieffeux du royaume (ESMEIN, Histoire du droit, p. 178).

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Dans notre pays, les seigneurs du Pontavice, ou de Marigny, ou du Rocher-Sénéchal, ou de Bonteville, etc., qui avaient chacun des vassaux dans leur fief, étaient tous eux-mêmes, pour tout ou partie de leur domaine, vassaux du seigneur de Saint-Brice, lequel était vassal du baron de Fougères, lequel était vassal du duc de Bretagne, qui lui-même, théoriquement, était vassal du roi.

La baronnie de Fougères ayant été achetée en 1428 par le duc de Bretagne, le roi devint, après la réunion de la Bretagne à la France, baron de Fougères, en tant que souverain de Bretagne ; et dès lors les seigneurs de Bonteville, de Marigny, etc., relevèrent du roi en arrière fief, par la seigneurie de Saint-Brice qui elle-même relevait alors prochement du roi.

Il arrivait, par suite de l'enchevêtrement des tenures et la complexité des héritages ou des transactions, que tel vassal se trouvait être, pour une terre, le seigneur d'un personnage qui était pour d'autres motifs son suzerain, ou encore que tel seigneur, pour une portion de terrain était son propre vassal. Nombreux étaient les seigneurs qui relevaient de plusieurs suzerains, parce qu'ils possédaient des terres qui mouvaient, les unes ou les autres, de seigneuries différentes.

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Les terres nobles seules, pouvant se morceler par voie d'afféagement, permettaient de se procurer des vassaux et de constituer une seigneurie.

Mais les roturiers pouvaient acheter des seigneuries et fiefs nobles.

Depuis le XIIIème siècle, cette acquisition ne les anoblissait plus, mais elle pouvait en faire des seigneurs : si la terre achetée comportait des tenures et des vassaux, c'est-à-dire si elle constituait une seigneurie, l'acquéreur, quoique roturier, jouissait dans sa terre des prérogatives d'un seigneur noble.

Ainsi on voit le fameux Ruellan devenir en 1596 seigneur du Rocher-Portail, alors qu'il ne fut anobli qu'en 1603 ou 1607. Les Frain furent de même seigneurs de la Villegontier avant d'être anoblis (1624).

On pouvait donc être seigneur sans être noble, de même qu'on pouvait être noble et teneur de biens nobles sans être seigneur (ESMEIN, Histoire du droit, p. 674).

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En compensation de, la faculté qui leur était laissée d'acquérir des biens nobles, les roturiers possesseurs de terres nobles payaient, au roi ou au duc, le droit de franc-fief, égal au revenu d'une année, et perçu à la fois tous les 20 ans et à chaque mutation de propriétaire [Note : Ce droit de franc-fief fut institué en Bretagne en 1294 ; il prit sa forme définitive en 1579. (ESMEIN, p. 225)].

C'est ainsi que l'on voit, en 1723-1724, Jean Lemercier taxé à 300 livres de droit de franc-fief pour sa métairie noble de la Richardaye en Villamée, et le sieur Regnault à 391 livres pour sa métairie noble de la Mancellière en Parcé ; César de Launay, à 150 livres pour le lieu noble de la Rouelle en Landéan ; Paul de Brégel, à 500 livres pour sa terre de Vaugarny en Saint-Etienne-en-Cogles (Arch. départ., C. 2221), etc...

 

LE TERRITOIRE DE LA SEIGNEURIE : LE DOMAINE ET LA MOUVANCE.

Le territoire de la seigneurie se décomposait en deux parties fort distinctes : le Domaine proche, et la Mouvance. Dans ces deux portions, les droits et profits du seigneur n'étaient pas les mêmes.

Le Domaine proche, ou Domaine proprement dit, comprenait l'habitation, avec parc ou jardin, des métairies voisines ou éloignées, des landes, bois, étangs, moulins, etc. ; tout cela non afféagé et demeuré la propriété effective du seigneur qui en tirait profit à sa guise, soit en l'exploitant lui-même (car nombre de seigneurs se livraient à l'agriculture), soit en la louant à des fermiers ou à des métayers [Note : Les baux à ferme et les baux à moitié fruits se pratiquaient à peu près également dans notre région].

La Mouvance, ou Directe seigneuriale, était constituée par les terres afféagées, appartenant par suite à des vassaux, roturiers ou nobles. Sur les terres de sa mouvance, c'est-à-dire sur celles qui relevaient de lui, le seigneur ne possédait plus que les droits de seigneurie : redevances, droit de justice, droits féodaux, etc...

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Lorsque la Mouvance était importante, elle était divisée, pour la cueillette des redevances, en circonscriptions très inégales, mais bien définies, appelées fiefs [Note : Le mot fief a donc deux significations], bailliages ou vairies, comprenant chacune une ou plusieurs terres censives [Note : Certaines censives sont souvent, chez nous, appelées, aux XVIIème et XVIIIème siècles, « masures ». On pourrait supposer qu'il s'agit de petites et insignifiantes tenures, plus réduites encore que les « closeries » ; mais il n'en est pas ainsi, car on voit des « masures » de 80 journaux et plus].

Dans chacune de ces circonscriptions, un des vassaux, à tour de rôle, sous le nom de sergent bailliager, devait procéder, à ses frais, à la perception des rentes payables en argent. Celles qui étaient payables en nature (blé, avoine, etc.) étaient dites portables, les vassaux les devant rendues dans les granges ou greniers du seigneur.

Les fiefs, bailliages ou vairies n'étaient pas toujours constitués par des terres voisines et se touchant ; ils s'enchevêtraient souvent parmi d'autres fiefs relevant d'autres seigneuries.

Les seigneuries elles-mêmes étaient souvent fort divisées et éparpillées ; elles comprenaient parfois plusieurs fiefs très éloignés [Note : Nous avons vu par ailleurs que la seigneurie de Fougères s'étendait sur un quartier de Rennes et sur des paroisses situées au sud de Rennes] du centre du domaine, et répartis sur une ou plusieurs paroisses. Elles n'avaient rien de régulier, ni comme étendue, ni comme situation, ni comme droits.

Voici, par exemple, la seigneurie du Bois-Guy, en Parigné ; ce n'était qu'une Basse justice ; elle était cependant fort étendue. Le domaine proche comprenait le château, le domaine et le moulin du Bois-Guy, les métairies de Mébesnard, de Cogé, de Vaucelle, des Bouliers, le tout en Parigné. Quant à la mouvance, elle s'étendait sur treize paroisses ; elle comptait sept fiefs en Parigné, quatre en Le Châtellier, deux en Saint-Germain, un en Lécousse, un en Romagné, un en Louvigné, un en Le Loroux, un en Monthault, un en Poilley, trois en Villamée et deux en Le Ferré, dont l'un, celui de Hirel, grand de 460 journaux, s'étendait sur Cogles et sur Montours,. A côté de ce grand fief de 460 journaux, il y en avait un autre, celui de la Ribassais, qui était constitué par une simple terre de 39 journaux !

D'autres seigneuries ne possédaient qu'un fief ou deux.

Celle de la Guillerie en Lécousse ne s'étendait que sur 124 journaux.

Tout cela faisait un ensemble très compliqué. Pour s'y reconnaître, le seigneur faisait procéder, de temps en temps, à des réformations de fiefs [Note : Le domaine royal était également l'objet de réformations. En 1726, on transporta à Paris 241 volumes de la réformation du domaine royal en Bretagne. (Arch. dép., C. 1903)], et l'on veillait à ce que les vassaux rendissent régulièrement des aveux [Note : Acte authentique exigé à chaque mutation de vassal et de seigneur comme reconnaissance de la concession du suzerain au vassal] décrivant minutieusement leurs tenues.

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ÉTAT DES SEIGNEURIES.

Nous verrons, à propos du droit d'aînesse, que les fiefs nobles étaient réputés indivisibles. S'il était, en principe, interdit d'en réduire l'importance en les morcelant, il était possible, au contraire, de réunir plusieurs seigneuries dans la même main, par héritage ou achat ; et le cas était fréquent.

Ainsi les seigneurs du Bois-Février en Fleurigné devinrent encore seigneurs de Fieurgon, de Montbraud, du Hallay-Robert, de la Créveure, du Plessis-Gâtinel, etc...

Les seigneuries de Pontpéan et de l'Artoire se trouvèrent réunies à celle du Hallay en Landéan.

Celles du Béchet, de la Barrais et de la Tendrais, à celle de la Villegontier (Parigné).

Celles des Renaisières, du Plessis-Sénéchal, de la Couvrie, de la Sénéchaussière, à celle du Tiercent.

Le seigneur de Saint-Brice devint possesseur de seigneuries importantes plus nombreuses encore, parmi lesquelles : la baronnie de Sens, la seigneurie de Parigné, celle de Saint-Etienne, celle du Rocher-Portail, celle de Fontaine-la-Chèze, etc., etc...

Parfois, les seigneuries ainsi groupées en un tout important, étaient gratifiées d'un titre honorifique.

 

DROITS ET DEVOIRS ATTACHÉS AUX TERRES NOBLES ET ROTURIÈRES.

A tous ses vassaux, nobles ou roturiers, le seigneur devait justice et protection.

Quant aux droits et devoirs du vassal, ils variaient selon qu'il était noble ou roturier, et aussi selon qu'il était teneur de biens nobles ou de biens roturiers.

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Le teneur de fief noble devait à son seigneur suzerain, en raison de la terre qu'il tenait de lui, le serment d'hommage et de fidélité [Note : L'hommage devait être prêté à chaque mutation de seigneur et de vassal] par lequel il s'engageait solennellement [Note : La cérémonie de l'hommage disparut au XVIème ou au XVIIème siècle] à l'assister et à le suivre à la guerre [Note : Il pouvait arriver qu'un homme fût vassal de plusieurs seigneurs à qui il prêtait le serment de foi et hommage. Cela n'avait pas d'inconvénient tant que ses divers suzerains vivaient en bonne intelligence. Mais si ces suzerains, en désaccord, en venaient aux armes les uns contre les autres, le vassal devait marcher sous la bannière du seigneur auquel il avait prêté ce qu'on appelait « l'hommage lige » (AUBERGÉ, Cartulaire de Fougères, p. 38)]. Noble lui-même, il devait le service militaire personnel ; roturier, ou incapable physiquement de servir, il devait se faire représenter à l'armée à ses frais.

De plus, le teneur de fief noble devait verser à son suzerain, en de rares cas déterminés, un secours pécunier, appelé les aides féodales. Parfois, mais rarement, la terre noble était grevée d'une redevance périodique (SÉE, Classes rurales, p. 31).

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Quant au possesseur de biens roturiers, il ne prêtait pas le serment d'hommage ; mais il était tenu quand même à l'obéissance ; c'est-à-dire qu'il devait se soumettre à la Justice de son seigneur et aux droits féodaux en usage. De plus, et c'était là une des principales obligations, il versait au seigneur une rente périodique et perpétuelle, en argent ou en nature, comme reconnaissance de la suzeraineté seigneuriale.

Ce versement se faisait à titre de paiement de la propriété dont le vassal était teneur, et aussi à titre d'imposition pour la sécurité que lui garantissait le seigneur.

Au début de la féodalité, il était arrivé que des propriétaires de terres franches de toute suzeraineté, pour assurer la sécurité de leurs possessions, s'étaient volontairement déclarés vassaux d'un seigneur du voisinage à l'épée puissante. Dans ce cas, la redevance qu'ils payaient à ce seigneur ne pouvait représenter qu'une imposition.

La rente, ou redevance, qui grevait ainsi les biens roturiers était appelée Cens, d'où le nom de Censives données à ces terres.

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Le seigneur qui afféageait une terre n'en touchait jamais la valeur en capital (à moins qu'il ne vendît sa seigneurie et son droit de suzeraineté). La redevance constituait théoriquement le seul paiement du vassal à son seigneur, bien que le vassal, du fait de la concession, fût réellement devenu propriétaire de la terre afféagée.

Mais le cens, généralement modique, bien inférieur à la valeur locative, n'était pas le seul profit du seigneur. C'était même, vers la fin de l'ancien régime, le moins important.

Car, en plus des diverses obligations dont il vient d'être question, les vassaux, nobles ou roturiers, devaient au seigneur suzerain certains droits de mutation en cas de vente ou d'héritage, assez analogues à nos impôts actuels sur la transmission des biens.

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Nous avons dit par ailleurs que, contrairement aux fiefs nobles, les terres roturières ne pouvaient pas être découpées par voie d'afféagement. Elles pouvaient cependant se morceler — ou rester dans l'indivision — par partage d'héritage, ou par vente.

Dans ces cas, les redevances seigneuriales étaient réparties à la charge des divers possesseurs ; et parfois ces possesseurs demeuraient responsables, solidairement entre eux, du montant intégral des redevances qui grevaient la terre avant le partage.

 

DIGNITÉS DES PERSONNES ET DES TERRES. — TITRES.

Pas plus que les personnes et les familles, les terres, même nobles, n'étaient égales en dignité et en droits.

Dans chaque paroisse, une terre possédait ou revendiquait le titre de terre seigneuriale de la paroisse. C'était, selon les cas, ou la plus ancienne seigneurie, ou la plus importante, ou surtout celle dont les possesseurs, jadis, avaient fondé ou rebâti l'église paroissiale, ou encore celle sur le territoire de laquelle avait été édifiée l'église [Note : Les jurisconsultes du XVIIème siècle reconnaissaient comme seigneur de la paroisse celui qui avait « la justice immédiate sur les habitants, et plus spécialement sur le sol où l'église est bâtie ». (GUYOT. d'après H. DU HALGOUET. Soc. (l'hist. et d'arch. IV, p. 36], ou celle qui possédait d'autres motifs de prépondérance.

Le possesseur de la terre seigneuriale de la paroisse était le patron, ou le seigneur de la paroisse, et comme tel il jouissait de prééminences et de privilèges. A l'origine, il avait même le droit de présentation du recteur, droit qui, à la longue, passa aux évêques, ou aux chapitres et abbayes.

 

TERRES SEIGNEURIALES.

La plupart du temps, la qualité de terre seigneuriale de la paroisse était bien reconnue et fixée à une seigneurie ; parfois, elle était contestée et disputée. Ainsi, au XVIIème siècle, les seigneurs des Alleuz et de Racinoux se disputaient les prééminences de Saint-Ouen-des-Alleux. Ceux du Hallay-Robert et de Malhère plaidèrent plus de deux siècles pour les prééminences de Laignelet. De même le seigneur de la Ballue prétendait aux prééminences de Bazougesia-Pérouse, et ces droits étaient contestés par le titulaire de la Châtellenie de Bazouges qui souvent fut le roi.

De ces contestations [Note : A Dompierre, une discussion s'étant élevée entre les seigneurs des Haries et de la Jalesne, un acte légal dut régler minutieusement la question de préséances : marche dans les processions, distribution du pain bénit dans des paniers séparés, etc... (Note de M. Le Bouteiller)] naquirent parfois des querelles scandaleuses [Note : En 1513, « René et Guillaume de la Vieuxville, pour s'opposer à l'ensevelissement du seigneur du Châtellier dans le chanceau qui leur était prohibitif, firent porter derrière le maître-autel des arbalètes..., tout un arsenal, et donnèrent l'ordre à plusieurs métayers et serviteurs de porter de la paille dans l'église, afin d'y demeurer couchés toute la nuit, comme dans un corps de garde. Des invectives violentes et des menaces de mort furent proférées de part et d'autre. Cependant, la bataille finit sans effusion de sang, parce que les amis du défunt décidèrent de porter le corps, de l'église du Châtellier dans celle de Saint-Germain-en-Coglès... ». « La vengeance de la partie évincée se réduisit à une plainte pour réparation des blasphèmes proférés dans l'église, et du port des armes dans le saint lieu. Il y eut saisie des biens des métayers, qui n'évitèrent la prison qu'en prenant la fuite. Les de la Vieuxville furent compris dans une amnistie, à condition toutefois qu'ils viendraient dans l'église du Châtellier pieds nus, un cierge à la main, et qu'ils feraient amende honorable à Dieu au moment de l'élévation de la messe paroissiale... » (Soc. hist. et arch., IV, p. 65). « Au commencement du XVIIème siècle, Louise de Maure, daine de Parigné..., vit contester ses droits dans l'église de Parigné par Jacquemine Pinel, veuve de Gilles de Gaulay, seigneur du Bois-Guy. Cette dernière dame voulut, en 1620, faire inhumer dans le chœur sont défunt mari ; elle disait qu'on y voyait déjà les tombes de René de Gaulay, seigneur du Bois-Guy, + 1561, et de Briande du Tiercent, sa femme, + 1555 ; mais on lui répondit que ces sépultures avaient été faites pendant la minorité et à l'insu de la dite dame de Parigné ; qu'en 1531, Julien de Gaulay, seigneur du Bois-Guy, ayant fait inhumer son fils à l'entrée du chœur de Parigné, François de Maure et Hélène de Rohan l'avaient fait exhumer et enterrer dans une autre partie de l'église. Aussi le Parlement de Paris débouta-t-il en 1623 la dame du Bois-Guy de sa prétention…. Par suite de cet arrêt la tombe et le banc du Bois-Guy furent enlevés du chanceau et transférés dans la nef » (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, V, 418)], des voies de fait, des détériorations d'objets armoriés (vitraux, bancs, etc.), et même des violations de sépultures.

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Quelquefois, la terre seigneuriale d'une paroisse se trouvait située sur le territoire d'une autre paroisse. C'est ainsi que la seigneurie du Tiercent était la terre seigneuriale de Baillé ; que les Portes, en Bazouges-la-Pérouse, étaient celle de La Fontenelle ; le Bas-Châtellier (en Saint-Germain), celle du Châtellier. La terre de Poilley donnait droit de seigneurie dans plusieurs paroisses, etc.

Le possesseur de la terre seigneuriale jouissait de certaines prérogatives : il avait la présidence dans l'assemblée paroissiale appelée le Général de la paroisse. Il avait droit aux prééminences dans l'église, droit de banc, de sépulture et d'armoiries, droit aux prières nominales, droit à l'encens et à la présentation en premier lieu du pain bénit, etc...

Cela n'empêchait pas d'autres seigneurs de posséder eux-mêmes dans l'église ou dans certaines parties de l'église, des droits de banc, de sépulture, d'armoiries, etc... Quelques-uns avaient une chapelle prohibitive, souvent dans le transept, qui avait été construite par eux ou leurs ancêtres. On devine que ce n'était pas sans donner lieu à des contestations.

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TERRES TITRÉES.

Indépendamment des privilèges de la terre paroissiale, de grandes inégalités existaient encore entre les diverses seigneuries : quelques-unes possédaient droit de Haute justice ; d'autres celui de Moyenne justice, et d'autres encore celui de Basse justice simplement.

D'autre part, au cours des temps, des titres honorifiques furent accordés à certaines terres nobles, désignées sous le nom de fiefs de dignité, qu'elles fussent ou non terres seigneuriales de paroisses, pour récompenser les familles qui les possédaient.

La plupart du temps, on réunissait plusieurs seigneuries, voisines ou non, pour constituer un ensemble important, méritant d'être titré.

Ainsi la seigneurie de Mayenne, en union avec celles de Sablé et de La Ferté-Bernard, fut érigée en marquisat d'abord, puis en duché.

Ainsi encore le Bois-Février (Fleurigné) fut érigé en marquisat en union avec Montbraud ; Marigny (Saint-Germain) en châtellenie en union avec la Chesnaye (Parigné) et les Coudrais (Villamée) ; la Dobiais (Saint-Jean) en marquisat en union avec Linières (Saint-Hilaire), etc...

Parmi les terres titrées, en dehors des provinces connues sous le nom de duché, de comté, voire même de royaume, et des baronnies d'ancienneté comme celles de Fougères. Vitré, etc., on peut citer dans notre région :

le duché pairie de Mayenne ;

les marquisats de la Ballue (Bazouges-la-Pérouse) ; du Bois-Février (Fleurigné) ; de Romilley, dont le chef-lieu était à Ardennes (Saint-Georges-de-Reintembault) ; de Saint-Brice (Saint-Brice-en-Cogles) ; de la Dobiais (Saint-Jean-sur-Couësnon) ; de la Rouërie (Saint-Ouen) ;

les comtés, comme Poilley, et Montmoron (Romazy) ;

les vicomtés, comme la Belinaye (Saint-Christophe-de-Valains) ; et les Portes (Bazouges-la-Pérouse) (DELARUE, Une famille bretonne, p. II) ;

les baronnies, comme Bonnefontaine (Antrain) ; le Tiercent Sens ;

les châtellenies, comme Chaudebœuf (St-Sauveur-des-Landes) ; Marigny (St-Germain-en-Cogles) ; Fontaine-la-Chèze (Laignelet) ; le Hallay (Landéan) ; la Haie-Saint-Hilaire (Saint-Hilaire-des-Landes) ; Monthorin [Note : Pour cette terre, le titre de châtellenie fut contestée et supprimée en 1678] (Louvigné) ; les Acres (Parigné) ; le Pontavice (Tremblay) ; Linières (St-Hilaire-des-Landes) ; Mué (Parcé), etc…

On donnait aussi le nom de châtellenies à certaines circonscriptions ayant eu pour centre un château-fort, et comprenant soit une paroisse entière, soit même plusieurs paroisses, constituées jadis pour faciliter l'administration des grandes seigneuries. C'est dans ce sens qu'il faut entendre ces expressions de châtellenies de Bazouges, ou d'Antrain, ou de Marcillé-Raoul, ou de Rimou, ou de Mézières, ou de Saint-Aubin. Dans ce sens, on disait également la châtellenie de Fougères.

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VALEURS DES TITRES.

Quant aux titres des personnes, ils ont varié selon les temps.

Aux époques mérovingienne et carolingienne, les officiers placés à la tête des grands et petits pagi prenaient le titre de comtes, et de vicomtes ou vicaires. Les marquis étaient les commandants des « marches », ou territoires-frontières.

Au début du régime féodal, on voit renaître le titre de Duc, d'origine gallo-romaine : il devient à peu près équivalent à celui de Comte ou de Prince, qu'on attribue aux très grands seigneurs.

Les Barons apparaissent à la même époque. Ce sont les grands vassaux directs des ducs, comtes ou princes, et leurs principaux officiers (DE LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, III, 4).

Tout seigneur de quelque importance considérait également comme « barons » ses principaux vassaux nobles, et notamment ses voyers ou vicaires.

Les titres de chevalier et d'écuyer, employés dans les vieux actes, sont indicateurs de noblesse. Ceux de noble homme et autres analogues sont appliqués surtout aux roturiers.

La qualification de seigneur ne s'applique qu'aux personnages investis d'une seigneurie et indique généralement la noblesse.

Celle de sieur est donnée aussi bien aux nobles qu'aux roturiers ; elle est parfois synonyme de seigneur, et parfois elle signifie simplement propriétaire. L'importance de ce titre varie avec celle de la terre possédée.

La particule n'est pas, à elle seule, indicatrice de noblesse. Le nom patronymique de très vieilles et très importantes familles nobles, les Tuffin, les Pinel, les Guérin, les Chesnel, etc., n'en comportait pas.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, tout propriétaire noble ou roturier joignait à son nom celui de sa terre, noble ou roturière ; souvent, le nom de la terre précédait celui de la personne, et parfois on supprimait complètement ce dernier : on disait indifféremment : le sieur de la Haye-Morel, ou M. Morel de la Haye, ou simplement le sieur de la Haye. M. Baston, sieur de la Gesmerais, au XVIIIème siècle, signait : Gesmerais-Baston ; M. Ménard sieur de Pelesne : Pelesne-Ménard ; M. Goret des Martinais : des Martinais-Goret, etc... D'autres signaient simplement du nom de leurs terres (Voir LE BOUTEILLER, IV, 287-288).

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La hiérarchie des titres : ducs, princes, marquis, comtes, vicomtes, barons, chevaliers... est arbitraire et récente.

Les titres étaient accordés soit à titre personnel et non héréditaire, soit à titre héréditaire ; et, dans ce dernier cas, ils étaient généralement attachés à la possession d'une terre.

Ils étaient, les uns comme les autres, purement honorifiques et ne conféraient aucun privilège effectif, contrairement à la qualité de noble.

 

INDIVISIBILITÉ DES FIEFS. — DROIT D'AINESSE.

De bonne heure, dans les familles nobles, s'établit ce qu'on a appelé le « Droit d'aînesse ».

Ce droit s'exerçait non pas dans l'intérêt du vassal noble, ni dans celui de son fils aîné, mais dans l'intérêt même du seigneur suzerain, ou de la société, afin d'assurer, par l'indivisibilité des fiefs, une situation suffisante au vassal noble, lui permettant de pourvoir à l'entretien et à l'équipement du nombre de chevaliers dus par lui à son suzerain.

Le fils aîné héritait de préférence à une sœur aînée ; mais lorsqu'il n'y avait que des filles, la soeur aînée héritait (AUBERGÉ, Cartul. de Fougères, p. 56).

Lorsque le vassal noble laissait en mourant plusieurs fiefs et plusieurs enfants, on répartissait les fiefs, un par enfant, tant qu'il y en avait. En revanche, lorsqu'il n'y avait qu'un fief noble, il était attribué en entier à l'aîné ; mais les puinés pouvaient exiger de l'aîné une rente viagère.

Plus tard, on admit le partage des grands fiefs, à condition que chaque part fût suffisante pour l'entretien d'un chevalier.

L'usage s'établit que l'aîné reçoive les deux tiers des biens nobles, l'autre tiers étant réparti entre les cadets [Note : C'était ce qu'on appelait la « tenure en juveigneur d'aîné » ou « tenure en parage ». (AUBERGÉ), Id., p. 58 ; Voir procès-verbal du District de Fougères, 25 frimaire, an III, etc...)], et les biens roturiers étant, répartis également entre tous les enfants.

Le droit d'aînesse n'a donc existé que dans les familles nobles, et pour les biens nobles seulement. Chez les roturiers, et pour les biens roturiers, quoique le père de famille eût le droit de répartir ses biens à son gré entre ses enfants, on partageait, le plus souvent, l'héritage en parties égales, ou bien on le laissait dans l'indivision.

Le fils aîné du roturier avait cependant, en vertu du « Droit de pillage », la faculté de choisir la maison principale de ses parents, mais en récompensant ses frères et sœurs.

En Bretagne, jusqu'à ce que le droit d'aînesse (avec rente viagère pour les cadets) ne fût rendu obligatoire par « l'assise au Geoffroy » (1185), il n'était pratiqué qu'exceptionnellement.

Et parmi ces exceptions (AUBERGÉ, Cartulaire de Fougères, p. 54), il faut citer la terre de Fougères. Dès avant 1185, la baronnie de Fougères passait intégralement à l'aîné.

Il pouvait ne pas en être de même pour les diverses seigneuries relevant de la baronnie.

Les « Juveigneurs », ou cadets, entraient souvent dans l'armée, même comme simples soldats, ou bien ils se livraient aux travaux agricoles, lesquels ne constituaient pas une « dérogeance » à la qualité de noble, contrairement à d'autres professions. Ils entraient aussi fréquemment, dans les Ordres.

 

AUTORITÉ SEIGNEURIALE. — OFFICIERS SEIGNEURIAUX.

Depuis longtemps [Note : Dès le XVIème siècle, l'exercice personnel du droit de juger fut enlevé aux seigneurs], l'autorité, dans la seigneurie, n'était plus exercée par les seigneurs. Elle était passée aux mains des officiers seigneuriaux, lesquels étaient choisis par les seigneurs, mais étaient soumis à la surveillance de l'Etat.

Ces officiers étaient :

Le Sénéchal, juge, chef de la police, et administrateur principal de la seigneurie ; s'occupant des tutelles, et des procédures en résultant. Avant d'entrer en fonctions, le Sénéchal devait passer un examen devant les juges royaux, prescription parfois négligée.

Le Procureur fiscal, qui avait un double rôle : celui de ministère public, et celui de Contrôleur des rentes et impositions seigneuriales. Il obligeait les vassaux à rendre leurs « aveux ». Souvent, il joignait encore à ces fonctions celle de receveur et de régisseur. C'était le véritable intendant de la seigneurie.

Le Greffier. à la fois secrétaire et archiviste, procédait aux inventaires, ventes de meubles, etc..

Les Procureurs, hommes d'affaires, dont le ministère n'était pas obligatoire.

Les Notaires seigneuriaux, distincts des notaires royaux ; ils tenaient leurs pouvoirs des seigneurs, et n'exerçaient que dans les seigneuries qui leur étaient confiées.

Les Sergents, ou huissiers, également institués par les seigneurs, portaient les exploits et les contraintes, opéraient les saisies, exerçaient une certaine surveillance de police.

En principe, ces fonctionnaires devaient recevoir du seigneur des traitements convenables ; mais, souvent, ils ne vivaient que de vacations et d' « épices ».

Ils paraissent avoir été peu aimés des paysans, à en juger par les cahiers de doléances, qui sont remplis de récriminations contre eux.

Quand la seigneurie était trop réduite pour leur fournir des ressources suffisantes, ils exerçaient leurs fonctions dans plusieurs seigneuries, ou cumulaient leur emploi avec la profession d'avocat ou d'hommes d'affaires dans les villes.

Parfois, ils achetaient au seigneur leur charge d'officier seigneurial ; ces charges prenaient ainsi le caractère d'un bien patrimonial.

Les seigneurs pouvaient révoquer leurs officiers ; mais, lorsqu'ils avaient été pourvus à titre onéreux, les officiers pouvaient exiger le remboursement de leurs finances ; et cela leur assurait souvent une véritable indépendance.

 

IMPOSITIONS SEIGNEURIALES — LODS ET VENTES — DROIT DE RECETTE OU DE RACHAT.

Nous avons fait allusion, par ailleurs, aux droits de mutation payés au seigneur suzerain, lors des successions et des achats d'immeubles, par les vassaux, tant nobles que roturiers.

Il s'agit surtout du droit de Lods et Ventes, et du droit de Recette ou de Rachat..

Le premier, perçu lors des acquisitions, était fixé au huitième (soit 12 1/2 % du prix d'achat).

L'autre était un impôt sur les successions, équivalent à une année de revenu (soit 3, 4 ou 5 % du capital). Il était indépendant du centième denier [Note : Le centième denier frappait de 1% les successions en ligne collatérale] perçu au profit du roi depuis décembre 1703.

Le droit de rachat (aussi appelé droit de recette) ne fut appliqué dans la baronnie de Fougères qu'à partir de 1559. Auparavant, on y percevait le droit de bail [Note : Voir LE BOUTEILLER, II, 21 et 362], qui consistait en la perception, par le suzerain, du revenu des mineurs jusqu'à leur majorité, et qui avait provoqué de nombreuses récriminations.

Les barons de Fougères jouissaient du droit de toucher, dans leur baronnie, les Lods et Ventes et le Rachat de toutes les terres nobles qui relevaient d'eux tant en proche qu'en arrière fief. En sorte que les seigneurs de fiefs, dans la baronnie, n'avaient ni Lods et Ventes ni Rachat sans un titre particulier (LOBINEAU, I, 852).

Ces impositions, ainsi payées à des particuliers, sont, avec la Justice seigneuriale, des restes du régime féodal proprement dit.

Les seigneurs représentant, au début de la féodalité, presque tout ce qui restait de la puissance publique, on comprend qu'ils aient pu percevoir, à leur profit, ces impôts.

Ce droit de lever des contributions s'était, avec le temps, transformé en propriété féodale. Aussi, bien que, depuis des siècles l'autorité fût revenue aux mains du roi, celui-ci, considérant que ces impositions, ainsi que les profits de justice, dont avaient bénéficié tant de générations, avaient pris un caractère patrimonial, jugea équitable de maintenir ces profits au seigneur, et c'est ainsi que l'apparence de l'autorité seigneuriale persista jusqu'à la Révolution.

 

LES REDEVANCES SEIGNEURIALES.

Les souverains étaient d'autant plus fondés à maintenir ces ressources aux gentilhommes, qu'elles constituaient souvent le plus clair de leurs revenus.

Car, il s'était produit ceci :

Le taux des redevances des terres roturières étant immuable et fixé à tant de mesures de grain, tant de livres ou de sols en monnaie, celles qui étaient payables en numéraire perdirent, au cours des siècles, la plus grande partie de leur valeur. Seules, les redevances en nature conservèrent à peu près leur valeur d'origine. Les autres, au XVIIIème siècle, étaient devenues insignifiantes. D'où il résulte que le revenu des seigneurs était parfois considérablement diminué.

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Nous trouvons dans l'ouvrage de M. Le Bouteiller (II, 300) des données permettant de se rendre compte de l'importance des redevances seigneuriales vers la fin du XVIIème ou le début du XVIIIème siècle.

Dans la vairie de Fleurigné, qui s'étendait sur environ 5.500 journaux de terres roturières relevant de la baronnie de Fougères, terres situées en cinq paroisses différentes, les redevances perçues par le voyer, au nom du seigneur de Fougères, se montaient à 74 l. en espèces environ et 1634 boisseaux d'avoine.

Or, nous connaissons les prix de l'avoine dans la seigneurie de Saint-Etienne-en-Coglès pour un bon nombre d'années, entre 1684 et 1829 (Voir SÉE, Classes rurales, p. 524). Le prix moyen ressort à 1 l. 4 s. le boisseau.

D'autre part, selon d'Avenel, la valeur de la livre pendant la même période, exprimée en francs d'avant-guerre, serait à peu près de 3 fr. 15.

Les 74 l. représenteraient donc 3 fr. 15 X 74 = 233 francs, et les 1634 boisseaux d'avoine à 24 sols (ou 3 fr. 78 le boisseau) : 3 fr. 78 X 1634 = 6.177 francs.

La valeur totale des redevances était donc de 6.410 francs pour 2.750 hectares, soit environ 2 fr. 35 par hectare de terre exploitable, car il s'agit ici de terres en rapport et non de la superficie totale des paroisses avec landes, bois, etc.

Or, toutes ces terres étaient afféagées depuis des siècles.

Dès 1434, le chiffre des redevances était le même qu'en 1619, et sans doute antérieurement. La plupart des afféagements pouvaient remonter, sinon au Xème siècle, au moins aux XIème, XIIème et XIIIème siècles.

Or, 74 livres pouvaient valoir alors, en notre monnaie, une dizaine de mille francs (valeur de 1927) peut-être, sinon davantage. Les redevances en numéraire étaient donc alors plus importantes que celles en nature, la valeur de celles-ci n'ayant sans doute pas varié énormément.

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A l'origine, les redevances féodales représentaient à la fois un paiement, par annuités, de la terre concédée, et une imposition seigneuriale.

Or, tombée au XVIIIème siècle au taux que nous avons dit de moins de 3 francs par hectare, elles étaient devenues notoirement insuffisantes pour constituer la rente perpétuelle représentative d'un capital qui n'avait jamais été versé au seigneur.

Sans doute, au cours des siècles, les terres ont pu être vendues et payées plusieurs fois, mais à un prix qui était relatif aux charges les grevant : et le prix en a été touché par les vendeurs successifs, les teneurs, les vassaux vendeurs, et non par le seigneur, BAILLEUR PRIMITIF.

Celui-ci et ses successeurs, pour tout paiement [Note : Cependant, certains contrats d'afféagement comportaient un paiement à titre de « denier d'entrée ». D'autre part, il s'en faut que toutes les tenues aient été concédées par le seigneur, certains vassaux s'étant mis volontairement sous sa dépendance pour profiter de la protection que le suzerain devait à ses vassaux], n'ont reçu que la rente qui, d'après le contrat d'afféagement, devait être immuable et perpétuelle.

Si donc, au XVIIIème siècle, la modicité des redevances seigneuriales a pu parfois les faire considérer comme une imposition et les faire comprendre parmi les charges des paysans, c'est par erreur.

En réalité, et quant à l'ensemble, et depuis longtemps, elles ne représentaient plus que très imparfaitement et très insuffisamment un paiement périodique demeuré inamorti et toujours dû légitimement au seigneur.

Et cela rend plus criante encore l'injustice de la Révolution abolissant sans indemnité les redevances des tenures féodales.

L'attitude des rois laissant les seigneurs, en compensation de leurs pertes, par suite de la baisse de la valeur des monnaies, percevoir des impositions que l'Etat eût pu revendiquer, paraît plus légitime.

 

LES DROITS FÉODAUX.

Etant en quelque sorte, au début du régime féodal, les seuls dépositaires de la puissance publique, les seigneurs, dans l'étendue de leur seigneurie, agissaient en souverains : non seulement ils assuraient la sécurité dans leurs domaines, rendaient la justice à leurs vassaux, percevaient des impositions, mais encore ils avaient à se préoccuper de tous les détails de l'administration.

Cela les amena à édicter des prescriptions qui se perpétuèrent sous le nom de Droits féodaux, les uns fiscaux, d'autres honorifiques, et d'autres qui nous paraissent bizarres, et dont la signification était oubliée à la fin de l'ancien régime, mais qui n'en étaient pas moins observés, en partie tout au moins. On avait alors, en effet, le culte des coutumes ancestrales.

Nous mentionnerons dans le chapitre suivant quelques-uns de ces droits féodaux en usage dans notre pays. Il y en a de fort curieux.

Beaucoup sont une marque persistante du démembrement de la souveraineté, qui caractérise le régime féodal à ses débuts. On devine qu'ils furent établis dans un but d'utilité publique, comme l'exercice de la justice, la préparation militaire, la police dans le fief, l'entretien des routes et des forteresses, etc...

D'autres constituaient un bénéfice pour les seigneurs. Telles étaient les corvées et les rentes [Note : Une catégorie de corvées et de rentes, dites Rentes ou corvées chéantes et levantes, fut l'objet de nombreuses réclamations dans les cahiers de 1789. Ces droits offraient cette particularité qu'ils étaient dus autant de fois qu'il y avait, soit d'héritiers dans une succession, soit d'hommes en état de travailler dans le fief, etc... Le profit du seigneur variait donc, selon le nombre des personnes que les circonstances désignaient comme touchées par ces devoirs].

D'autres encore avaient le caractère de fêtes et de divertissements publics.

D'autres enfin devaient rappeler le souvenir d'une concession, d'une grâce quelconque, d'ailleurs oubliée, faite par le seigneur à ses vassaux.

Quelques-uns de ces droits (droit de fumage, droit exclusif de chasse, banalités. etc.) donnèrent lieu à de véhémentes protestations à la veille de la Révolution.

Le droit de fumage était surtout un impôt, basé sur le nombre des cheminées, analogue à notre imposition des portes et fenêtres. Parfois, il semble une redevance représentative de la valeur d'une maison afféagée.

Les banalités (droit de four et de moulin) obligeaient les vassaux à porter leur clientèle au four et surtout au moulin du seigneur.

 

QUELQUES DROITS FÉODAUX DE LA RÉGION.

Voici quelques droits féodaux qui s'exerçaient dans les seigneuries de la région :

Le Prieur de Villamée avait droit de corvée [Note : Les devoirs de corvée (ne pas confondre avec la Corvée royale des grands chemins) étaient assez fréquents, mais peu importants ; ils étaient souvent taxés en argent à un prix très réduit] sur ses paroissiens pour la récolte des foins.

Dans le bailliage de la Chattière en Tremblay, chaque tenancier devait une corvée chéante et levante pour les foins et les seigles.

Les hommes de quelques fiefs de Saint-Georges-de-Chesné devaient la corvée pour la réparation de la chaussée de l'étang de Vaumartin.

Les hommes du fief des Gants, en Saint-Georges-de-Chesné, devaient, à tour de rôle. payer à leur seigneur une paire de gants de 4 deniers.

Le fief à l'Oie, en Parcé, devait une oie au seigneur de la Ronce, en Billé.

Le sergent du fief du Val de Couësnon, en Tremblay, devait au seigneur du Pontavice deux cierges de cire blanche à la Fête-Dieu.

Le seigneur d'Ardennes, en Saint-Georges-de-Reintembault, pouvait exiger une gerbe de blé, par an, de chaque laboureur, et une poule par feu. Sur certains fiefs, il pouvait prendre 10 pots de vin.

Certains vassaux du Chastellier, en Vieuxviel, devaient offrir au seigneur deux côtes de lard sur une feuille de chou avec une livre de pain, un pot de vin, deux verres et une serviette.

Le seigneur de la Haie-d'Iré, en Saint-Rémy, avait droit de fumage à un sol par cheminée, et droit de bouteillage en certains fiefs [Note : D'après les Cahiers électoraux de 1789, les droits de fumage en Antrain auraient atteint parfois 4, 5, 6, 7 et même 8 demeaux d'avoine (35 litres au demeau d'Antrain). Dans ces cas, il semble bien que le droit ne représente plus une imposition, mais un paiement annuel d'une propriété afféagée].

Les possesseurs des fiefs de la Comté et de Beaulieu, en Dompierre, avaient « droit de coutume » (droit de prélever une certaine somme) sur les marchandises et denrées qui passaient « du pays de France, ou du Maine, au pays de Bretagne ».

Le titulaire du fief de la Grand'Marche, en Javené, devait le « devoir de garde » au bourg de Javené pendant la nuit de Noël.

Le seigneur de Mézières pouvait exiger le « droit de guet ».

Au Xème ou au XIème siècle, l'abbé du Mont Saint-Michel devait au seigneur de Poilley deux chevaux équipés lorsque le seigneur partait pour la guerre, après quoi les chevaux devaient être rendus à l'abbé.

Le même seigneur avait droit d'asile au Mont et dans les dépendances de l'abbaye en cas de nécessité.

Le seigneur de la Choltais, en Antrain, devait un fer à cheval en argent au seigneur de Fougères quand celui-ci venait à Antrain.

A certaines fêtes, le seigneur de Fougères devait sonner, au Mont Saint-Michel, la cloche pour les vêpres et matines, jusqu'à ce que les serviteurs de l'abbaye lui prissent la corde des mains.

La Fabrique de Mareillé-Raoul devait, à Pâques, au seigneur du Plessis, par l'entremise des trésoriers, une corbeille d'oublis.

Le seigneur de l'Angevinière, en La Chapelle-Janson, devait à l'abbesse de Saint-Georges de Rennes une paire d'éperons dorés et la permission de prendre un épervier dans ses bois.

Le seigneur de Bonnefontaine, en Antrain, avait droit de pêche prohibitive dans le Couesnon et l'Oysance. Sur diverses maisons d'Antrain, il lui était dû une gibecière à faucons, un jeu de quilles, deux boucles, un gant à fauconniers, une boule de buis, un collier de lévrier, etc...

Le seigneur de Fontaine-la-Chèze, en Laignelet, avait droit de pêche dans le Nançon, du Pont-aux-Anes au Gué-Landry.

Tous les chasseurs du territoire de Mézières devaient offrir au seigneur la peau et les bois du cerf, la peau de la biche, la tête et les quatre pieds de chaque bête noire.

Le seigneur de la Villegontier, en Parigné, devait offrir au seigneur-châtelain de Parigné (seigneur des Acres), à la messe de minuit à Noël, un cierge de cire blanche, et le lui présenter à son banc, dans le chanceau de l'église paroissiale.

Les seigneurs de Launay-Vendel, en Dompierre ; de la Tendrais, en Parigné ; de Bonnefontaine, en Antrain ; du Manoir, en Lécousse, avaient droit, en certaines circonstances, lors d'une fête religieuse, par exemple, à un chapeau de fleurs. A Launay-Vendel, ce chapeau était remis par une jeune fille qui, en échange, recevait du seigneur ou de son procureur le « devoir du baiser ».

A Chauvigné, c'était le recteur qui, en raison de son presbytère, devait offrir le chapeau de fleurs.

A Lécousse, le chapeau de muguets, dû par le seigneur du Manoir, était posé d'abord sur la croix processionnelle, puis il était offert à une jeune fille qui devait danser avec le seigneur, à l'assemblée du bourg.

En Saint-Sauveur-des-Landes, les nouvelles mariées devaient offrir un bouquet et un baiser au prieur, chanter et danser dans la grande salle du prieuré, faute de quoi, le dimanche suivant elles devaient venir à la messe un pied déchaussé, ou payer 60 sols d'amende.

A Vieuxviel, les nouvelles mariées devaient une chanson au seigneur du Chastellier, sous peine également de 60 sols d'amende.

A Sougeal, les nouvelles mariées devaient aussi chanter devant le seigneur de Tréet (Vieuxviel) à l'issue de la grand'messe, et lui offrir des épingles.

Le fief de la Chauvinais, dans la seigneurie de Saint-Brice, devait, à Noël, deux sonnettes d'argent, aux armes du seigneur, 2 laisses et 6 couples de chiens courants, qui devaient être présentés, à l'issue de la grand'messe, en présence du propriétaire de la Basse-Lande, accompagné de sonneurs et joueurs d'instruments.

Dans le fief de Montoger, en Luitré, chaque sujet était obligé, à la veille de Noël, sous peine de 60 sols d'amende, d'aider à transporter dans la salle du manoir, et de placer dans la cheminée deux tisons et une fourche pris dans les dépendances de la terre de Montoger.

Le seigneur du Pontavice, en Tremblay, avait droit de « mai » : son procureur désignait un capitaine, qui choisissait une capitainesse, lesquels devaient danser, dans la cour du prieuré de Tremblay, et dans la cour du manoir du Pontavice.

Le même seigneur possédait aussi droit de « soule ». Le jeu de soule n'était pas sans rapports avec le jeu de crosses moderne. Le gagnant à ce jeu était dispensé de courir la quintaine.

A Larchapt, en Romagné, le seigneur exerçait le droit de « saut » : les hommes nouvellement mariés devaient sauter une cave pleine d'eau sous peine d'amende.

Les seigneurs de Launay-Vondel (Dompierre). des Portes (Bazouges-la-Pérouse), du Pontavice (Tremblay), de Mézières, etc..., avaient le droit de faire courir « quintaine » aux nouveaux mariés, On appelait quintaine un poteau enfoncé en terre, sur lequel on posait un mannequin armé d'une masse d'armes et d'un bouclier tournant sur un pivot. Le coureur devait frapper l'écu : s'il le faisait maladroitement, la masse d'armes du mannequin rendait le coup. Le seigneur de Launay-Vendel fournissait, pour cette course, un cheval, des éperons et un fer de lance ; le nouveau marié fournissait le bois de la lance.

Les possesseurs d'une maison du Gast (au côté sud de la rue, maison n° 20 d'un rentier de 1540) étaient tenus « de loger les chiens du baron de Fougères la première nuit ».

Les paroissiens de Beaucé, étaient tenus de charroyer, jusqu'au château de Fougères, le foin d'un pré dépendant du château, et situé près de la Sermandière. En 1674, ils voulurent s'exempter de cette servitude, mais ils perdirent leur procès au Parlement.

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On voit, par ces détails fort incomplets, quoique nombreux, combien ces usages étaient variés, et parfois bizarres. On comprend aussi que certains droits, comme celui de baiser, et celui de la danse, aient pu donner lieu à la fameuse légende du droit du seigneur sur la femme de ses vassaux. Inutile de dire que ce prétendu droit n'exista jamais : il eût, du reste, été absolument invraisemblable dans une société chrétienne comme celle du Moyen-Age. C'est la méconnaissance de l'origine de certaines coutumes et l'incompréhension des termes vieillis de certains textes qui donnèrent lieu à cette légende, ressassée ensuite par mauvaise foi ou ignorance [Note : Voir Dictionn. apologétique, IV, 1190 — LE BOUTEILLER, II, 306 — DE LA BORDERIE, III, 122]. En réalité, il s'agissait d'un droit pécunier, exigé pour obtenir dispense de la continence, prescrite dans les premiers siècles de l'Eglise, pendant les 3 jours qui suivaient le mariage — ou d'une redevance féodale due en certains cas de mariage et exprimée en termes naïvement grossiers et outrancieusement comminatoires — ou parfois d'un geste symbolique d'un goût douteux, qu'on appelait le « cuissage » et semble avoir paru jadis moins choquant, mais n'ayant aucun rapport avec le prétendu droit. Il marquait simplement la persistance des droits seigneuriaux sur la postérité espérée des nouveaux mariés. Du reste, ce geste de mauvais goût pouvait, le plus souvent, être évité par un impôt léger.

 

PRIVILÈGES DES GENTILSHOMMES.

A la fin du XVIIIème siècle, les seigneurs jouissaient encore de certains privilèges honorifiques et fiscaux, les uns attachés à !a qualité de gentilhomme, et les autres, à la terre plutôt qu'à la personne.

Parmi les premiers, citons : titres, préséance, facilité d'accès à certains emplois, droit d'entrée aux Etats de Bretagne, jurisprudence spéciale, mode particulier de partage d'héritage, rôle distinct pour les impositions de la Capitation et du Vingtième, faveurs pour certains droits de consommation, exemptions pour la Corvée, pour la milice, etc...

Parmi les privilèges attachés à la seigneurie, il faut noter : hérédité de certains titres ; droits de bancs, armoiries, ou enfeus dans les églises ; droit à l'encensement [Note : Le prêtre, étant sur les marches de l'autel, devait se tourner vers les bancs des seigneurs et les encenser les uns après les autres, en commençant par le seigneur de la paroisse et les Hauts justiciers. Il était d'usage d'encenser 3 fois le seigneur et sa femme, et une fois chacun de leurs enfants. Cet usage scandalisait beaucoup les révolutionnaires ; dans les registres du District, on trouve maintes protestations contre ces encensements qui, disait-on n'étaient dûs qu'à Dieu], à la présentation de l'eau bénite et du pain bénit avant les autres assistants et aux prières nominales ; droit aux profits de justice ; droit d'impositions seigneuriales et de redevances ; droits de chasse, de pêche, de garenne, de colombage, etc. ; exemption de l'impôt des fouages.

La plupart de ces avantages (sauf le premier) appartenaient également aux bourgeois possesseurs de terres seigneuriales.

Les privilèges accordés dans les édifices religieux résultaient de donations faites par les anciens possesseurs de la seigneurie.

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Le plus connu des privilèges fiscaux était l'exemption des fouages, impôt direct établi par feu, qui remonte, en Bretagne, à 1365.

A ce moment, les seigneurs étaient restés encore les défenseurs attitrés du pays, militaires nés et gratuits (charge assez lourde), et les administrateurs réels des seigneuries.

On s'explique donc fort bien l'immunité de l'impôt : c'était une compensation, bien faible, aux charges de seigneurs, et la reconnaissance des services qu'ils rendaient.

Mais avec l'établissement des armées permanentes et soldées, avec le développement de la justice et de l'administration royales, vont disparaître progressivement les motifs d'une exemption qui, cependant, persistera jusqu'à la Révolution, en ce qui concerne les impôts anciens, les fouages.

Lorsque Colbert créa les impositions nouvelles (Capitation, Vingtièmes, etc..), il n'était plus équitable d'en dispenser les seigneurs.

Malgré leur privilège si ancien, les gentilshommes durent se soumettre aux taxes nouvelles ; mais, en Bretagne, ils le firent de mauvaise grâce, et parfois s'ingénièrent à réduire leur quote-part. Ils eurent tort !

Ajoutons que si les impôts avaient été répartis uniformément, il n'en serait résulté qu'un soulagement insignifiant pour le Tiers. Que pouvait faire, dans une population de deux millions d'âmes que comptait alors la Bretagne, la suppression des privilèges peu importants — de 2.000 nobles, dont beaucoup n'étaient pas fortunés ?

 

SITUATION DES GENTILSHOMMES A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME PRODUIT DE LA SEIGNEURIE, DE FOUGÈRES.

La diminution de la valeur des droits et redevances payables en numéraire fut une des causes de la médiocrité de la situation des gentilshommes au XVIIIème siècle. La défense de faire commerce et d'exercer d'autre profession que l'agriculture, en fut une autre. Le désœuvrement, le luxe, le séjour à la Cour y aidèrent aussi.

Le droit d'aînesse et l'indivisibilité des fiefs avaient pu souvent maintenir les aînés dans une certaine aisance. Mais les cadets étaient parfois réellement pauvres et n'avaient souvent d'autres ressources que la rente viagère due par l'aîné, quelquefois maigre ; un bon nombre entraient dans les Ordres ou se faisaient soldats ; d'autres vivaient de la vie des cultivateurs.

Les familles jouissant de plusieurs seigneuries réunies avaient parfois des revenus importants.

Dans notre pays, au XVIIIème siècle, c'étaient les marquis de Saint-Brice qui avaient la situation la plus brillante : à la suite de riches alliances, les seigneurs de Saint-Brice avaient fini par rassembler entre leurs mains, avec la terre de Saint-Brice proprement dite, la baronnie de Sens qui, à elle seule, s'étendait sur un millier d'hectares, les seigneuries de Fontaine-la-Chèze en Laignelet, des Acres et du Solier en Parigné, de Saint-Etienne dans la paroisse de ce nom, celle du Rocher-Portail en Saint-Brice, celle de la Chattière en Antrain, etc... Les mouvances du marquisat de Saint-Brice étaient si nombreuses, qu'à l'instar de la baronnie de Fougères, les fiefs en étaient répartis en 9 vairies ou grandes sergentises, auxquelles étaient préposés autant d'officiers pourvus d'un domaine noble, comme gage de leurs fonctions.

Le marquisat de Romilly, dont le chef-lieu était Ardennes en Saint-Georges-de-Reintembault, et la baronnie du Tiercent pouvaient rapporter, certaines années, une quarantaine de mille livres de rentes à chacun de leurs propriétaires [Note : SÉE, Classes rurales, p. 25 à 29. — Le revenu variait beaucoup avec les prix des céréales, à cause des rentes en nature].

Beaucoup d'autres seigneuries avaient des revenus inférieurs à 10.000 livres ; beaucoup encore ne valaient pas 4.000 livres de rentes ; un bon nombre produisaient à peine 1.000 livres ; et quelques-unes moins encore !

Charles Colbert, en 1665, déclare que les gentilshommes riches n'étaient que l'exception.

Quelques-uns, même, étaient si pauvres qu'ils acceptaient des Etats de Bretagne des secours fort modiques, n'excédant pas 30 livres.

Du reste, l'aspect seul de nombreux manoirs seigneuriaux, encore épars dans nos campagnes, montre bien que beaucoup de gentilshommes menaient une existence très modeste.

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Puisque nous parlons des revenus des seigneuries, disons ici que, d'après un calcul approximatif auquel je me suis livré, en utilisant les données assez incomplètes que nous possédons, les redevances de la baronnie de Fougères, dues au roi, à la fin du XVIIème siècle, en tant que seigneur féodal baron de Fougères, pouvaient varier, selon les années et le prix des céréales, entre 22.500 livres (73.000 francs d'avant guerre) et 42.500 livres (138.000 francs).

En 1671-1672, la ferme du domaine de Fougères fut affermée 23.000 livres par an.

Lors de l'Engagement de la baronnie de Fougères au duc de Penthièvre, il fut fait une estimation des revenus, mais je ne l'ai pas trouvée aux archives départementales. J'y ai vu, par contre, les comptes des recettes du domaine de Fougères, pour les années 1775, 1776-1777 et 1778 (le dernier compte est incomplet). Le revenu s'élève à 25.000 livres environ ; mais le produit de tous les gages féodés n'y figure pas. On se souvient que ces gages avaient été aliénés en 1718. Les revenus du gage de la Villegontier et de celui des Domaines, seuls, y figurent. On ne voit rien pour Bazouges et Antrain ; cependant l'engagiste de ces châtellenies était mort en 1746, et leur revenu avait dû revenir au roi, ces engagements n'étant consentis qu'à vie durante.

En 1792, le district de Fougères estimait que le revenu de la baronnie pouvait valoir 13.453 livres, non compris les Halles de Fougères. (Elles produisaient en 1775 environ 2.200 livres).

 

APPRÉCIATION DU RÉGIME FÉODAL.

Le régime féodal ou seigneurial avait ce quadruple avantage :

1° de perpétuer et de fortifier des familles marquantes, en constituant aux aînés une situation aussi stable et assurée que possible, non seulement par le droit d'aînesse, l'indivisibilité des fiefs, le droit de retrait, etc..., mais encore par le caractère perpétuel et inamortissable des rentes féodales et des droits seigneuriaux, qui maintenait indéfiniment, aux teneurs successifs d'un fief, et sans que l'un d'entre eux pût facilement les gaspiller, des ressources suffisantes pour leur permettre de « servir ». De cette façon, dans toutes les régions, se maintenaient des familles notables susceptibles de rendre des services publics ;

2° de rendre la propriété foncière plus facilement accessible ; et cela, de deux façons : du fait de l'afféagement, qui permettait de devenir propriétaire sans avoir à verser le capital représentant la valeur de la terre, mais simplement une rente annuelle. Et aussi, de ce fait, que les charges perpétuelles grevant les terres afféagées en diminuaient forcément la valeur marchande, ce qui permettait de les acquérir plus facilement, et cela sans dommage ni pour le vendeur, ni pour l'acheteur, ni pour le seigneur ;

3° de créer des relations et une certaine solidarité entre les individus, les familles et les classes, par suite des échanges de services, des redevances en nature et de l'état de dépendance, réciproque engendré par les pratiques féodales ;

4° de mettre à la portée des gens une justice peu coûteuse. On pourrait encore citer comme avantage le fait, dans les seigneuries de quelqu'importance, de constituer un embryon d'administration locale et un élément de décentralisation.

Nonobstant ces avantages, on constate chez les juristes modernes, influencés par l'esprit individualiste et égoïste de notre temps, une tendance à considérer — à tort, selon moi — la propriété féodale comme une propriété d'un mode inférieur, parce qu'elle n'était pas franche de toutes charges et libre de rapports persistants entre les contractants ou leurs ayants-droit.

Il est certain qu'on ne peut approuver la complexité et l'enchevêtrement inextricable des seigneuries, résultat des partages, des alliances matrimoniales, et des variations de fortune, mais qui s'opposaient souvent à toute velléité de bonne administration.

Il est certain, en plus, que bon nombre de pratiques féodales étaient devenues désuettes et incomprises de part et d'autre.

Une réforme, vers la fin de l'ancien régime était certes nécessaire. Mais de là à la destruction radicale et à la reconstruction hâtive sur des données non vérifiées, il y a un abîme.

La propriété féodale fut d'abord déclarée rachetable. En août 1792 (du 18 au 25), les seigneurs qui ne pouvaient produire des titres furent dépossédés de leurs fiefs. Enfin, en 1793, la propriété féodale fut abolie, sans indemnités, qu'il y eût ou non des titres.

 

LES RÉFORMATIONS DE LA NOBLESSE.

Nous avons donné, par ailleurs, de temps en temps quelques noms de personnes ou de familles, relevés dans les actes de différentes époques. Il est bon de dresser en plus une liste, forcément écourtée, des principales familles nobles ou notables du pays, et de décrire leur blason ; et ceci, non seulement à cause de la reconnaissance due à beaucoup de membres de ces familles pour services rendus : mais encore parce que la connaissance des personnes et des familles rend l'histoire plus intime et plus intéressante ; et aussi parce que la lecture des écussons que l'on retrouve encore sur beaucoup de monuments et d'objets, jette parfois beaucoup de lumière sur les faits et les temps.

Comme les familles nobles jouissaient de privilèges fiscaux et honorifiques, bon nombre de notables familles roturières cherchèrent, de tout temps, à usurper la noblesse.

Pour empêcher ces intrusions, et principalement dans un intérêt fiscal, l'autorité fit procéder à des enquêtes ou « réformations de la noblesse ».

La première réformation connue en Bretagne date de 1423.

Une autre se fit dans la plupart des évêchés de Bretagne de 1443 à 1483 ; une autre fut effectuée en 1513, etc...

Enfin, une réformation générale, pour toute la France, fut ordonnée par Lettres patentes de Louis XIV, en date du 20 janvier 1668.

Dans la liste qui suit, on appelle :

« Familles d'ancienne extraction », celles qui purent faire remonter leur noblesse jusqu'au XVème siècle ;

Et « Familles d'extraction », celles qui, en 1668, pouvaient justifier de trois générations nobles.

D'autre part, une ordonnance de 1696 créa, dans un but purement fiscal, un « Armorial général », pour enregistrer toutes les armoiries, sans prétendre aucunement constituer des preuves de noblesse, car non seulement les roturiers pouvaient se composer des blasons, mais on leur en imposait parfois (DUPUY, Adm. en Bretagne, p. 276).

Beaucoup de notables bourgeois, de riches commerçants, d'officiers seigneuriaux, d'ecclésiastiques, de villes et de corporations [Note : En 1700, les vitriers et ciergiers de Fougères, les avocats, les bouchers, les charpentiers et sans doute d'autres corporations de notre ville firent enregistrer leurs armoiries] firent enregistrer des armoiries moyennant le débours de 20 livres.

Les arrêts de commissions de réforme, qui déboutaient de la noblesse, prouvaient l'insuffisance de preuves, plutôt que l'usurpation.

Aussi, si l'on peut dire, avec quelque certitude, que telle famille est noble, il est bien plus téméraire d'affirmer que telle autre ne l'est pas.

Certaines fonctions faisaient acquérir la noblesse (charges du Parlement, de la Cour des Comptes, de la Chancellerie, grades dans l'armée, etc...), d'autres la faisaient perdre (métiers manuels, sauf celui de cultivateur, commerce, professions judiciaires inférieures, etc...).

Certaines industries et certains commerces ne constituaient pas une « dérogeance » à la noblesse : le commerce maritime, par exemple, et l'industrie de la verrerie. A propos de cette dernière industrie, il est inexact de dire qu'elle conférait par elle-même la noblesse : elle faisait simplement bénéficier le verrier roturier de l'exemption de certaines taxes ; mais beaucoup de gentilshommes ont été verriers.

La noblesse se perdait à la suite de condamnations entraînant infamie. On cite plusieurs cas d'anoblissement d'artistes et de commerçants au XVème siècle (Soc. arch. d'Ille-et-Vilaine, VII, p. II), ce qui montre que la noblesse n'était pas un corps fermé.

M. le Vte Le Bouteiller, dans un travail resté manuscrit, a fait le relevé des familles nobles ayant eu, au cours des âges, des rapports avec notre pays. Il en a compté environ 550, et il donne les armoiries de 438 d'entre elles. On pourrait décomposer ainsi ces familles :

familles nobles originaires de la région fougeraise : une centaine, dont une vingtaine existent encore ou se sont éteintes depuis peu. Dans cette catégorie citons : les de la Belinaye, les de la Haye-Saint-Hilaire, les de Léziard, etc. ;

familles nobles non originaires, mais ayant passé une longue période dans notre région : une vingtaine (Le Bouteiller, de Farcy, de Gaulay, Hay, etc.) ;

familles nobles non originaires ayant passé dans la région un temps plus réduit : environ 110 (de Couasnon, de Saint-Germain, Groult, de Guiton, etc.) ;

familles de passage, environ 290 ;

familles de noblesse douteuse, appartenant plutôt à la vieille bourgeoisie, inscrites pour la plupart dans l'armorial de 1696 : une trentaine.

 

LES ARMOIRIES.

Les armoiries datent surtout des croisades ; leur usage se répandit à la suite de l'adoption de casques à visières fermées, pour permettre de reconnaître le chevalier.

L'établissement et la description des armoiries ont donné lieu à la science du blason qui utilise un langage spécial.

(Emile Pautrel).

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