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FOUGÈRES ET LA PÉRIODE FRANÇAISE (XVIème-XVIIème-XVIIIème siècles)

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LES ROIS CÈDENT TEMPORAIREMENT LA JOUISSANCE DE LA BARONNIE OU DE CERTAINES CHATELLENIES.

En 1524, François Ier, roi de France, pour récompenser la valeur d'un de ses chevaliers, René de Montéjean, lui accorda, devant Pavie, la jouissance de la baronnie de Fougères.

En 1541, elle fut donnée à Jehan de Laval, seigneur de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne, et peu après à Claude de Clermont (1546).

De 1547 à 1566, la baronnie appartient à la fameuse Diane de Poitiers, dont les armoiries furent peintes dans les vitraux de l'hôtel de ville, qui venait d'être restauré.

D'autre part, la duchesse Anne avait engagé [Note : C'est-à-dire cédé en garantie d'un prêt], en 1498, au chancelier Philippe de Montauban, moyennant 24.000 écus d'or avancés par lui, les châtellenies de Bazouges-la-Pérouse, Marcillé-Raoul et Rimou, avec la châtellenie de Saint-Aubin qui n'appartenait pas à la baronnie [Note : Le prêt ne fut complètement remboursé qu'en 1567 par un versement de 23.400 L. fait au sieur de Volvire, seigneur de Saint-Brice, héritier de Philippe de Montauban (Arch. départ., C. 2883)].

La châtellenie de Rimou avait déjà été aliénée en 1427, par le duc d'Alençon ; mais dès 1439, elle avait été rachetée par le duc de Bretagne, devenu seigneur de Fougères.

En 1600, le roi Henri IV céda à nouveau au maréchal de Brissac, lieutenant général du roi en Bretagne, la châtellenie de Bazouges, qui avait été rachetée, et celle d'Antrain. Elles firent retour au roi à la mort (1621) du bénéficiaire.

 

LE PROTESTANTISME.

Quant à la châtellenie de Saint-Aubin, après avoir appartenu à Philippe de Montauban, comme nous venons de le dire, elle fut aliénée en 1516, par le roi François Ier, en faveur de Jean d'Acigné ; et, en 1554, Henri II, à son tour, la céda au maréchal de Saint-André (GUILLOTIN DE CORSON, Grandes Seigneuries, p. 408).

Plus tard, nous verrons l'aliénation de certains revenus et même « l'engagement » de la baronnie entière (1753).

On voit que ces aliénations n'étaient pas toujours des faveurs gratuites ; elle servaient surtout à gager des emprunts. L'usage n'était pas rare. Ainsi, Jean V, duc de Bretagne, donna comme garantie à Pierre Rondel, bourgeois de Fougères, et Guyon de Monteault, qui payèrent en son nom 10.000 ducats d'or au pape, le profit seigneurial et le gouvernement de Morlaix et de Fougères (voir le Livre des Ozt, à la bibliothèque de Rennes, et M. Maupillé, Histoire, p. 94).

 

LE PROTESTANTISME DANS LA RÉGION FOUGERAISE.

Le XVIème siècle, c'est surtout le temps de la Renaissance, de la Réforme, et... des guerres de religion.

La région fougeraise fut très peu entamée par l'hérésie.

Ce n'est qu'en 1603, par suite du mariage de César de la Vieuxville avec Judith de la Musse, fille d'un huguenot fougueux de Vitré, qu'une petite colonie protestante s'établit à la Vieuxville, en la paroisse du Châtellier [Note : L'église catholique du Châtellier fut brûlée à la fin du XVIème siècle par des protestants normands. (MAUPILLE, Soc. Arch., XIII, p. 258)]. Une église du culte réformé fut érigée dans le château. Ce fut la seule de la région.

Cependant, elle eut comme succursale un petit oratoire à Villavran [Note : Villavran appartenait alors aux du Châtellier qui avaient eux aussi puisé l'hérésie à Vitré où elle eut beaucoup d'adeptes et où depuis 1560 il y avait un prêche] (Louvigné), et un autre au Rocher-Portail (Saint-Brice), alors appelé Rocher-Farcy, desservis par le même pasteur [Note : En 1660, il s'appelait Boursault ; jusque vers 1641 ou 1642, le service était fait par les ministres de Vitré].

M. Maupillé (Soc. arch., XI, p. 358) signale encore un petit centre protestant à la Godelinais [Note : Un centre assez important de protestantisme s'était formé (1563) au Bordage, en Ercé près Liffré ; ce château appartenait aux de Montbourcher ; les protestants y persistèrent jusqu'en 1701. — Le 25 juillet 1596, en revenant de Pontorson, où il était allé rendre visite au sieur de Montgommery, le seigneur du Bordage, passant par Romazy et Sens, tua 12 ou 15 personnes pour se venger des injures qu'on lui avait adressées. (Abbé ANGER, Soc. Arch., XLVII, p. 198 — d'après Vaurigaud)] (Mellé).

Dans notre pays, les huguenots étaient rares. Ils se recrutèrent surtout dans la noblesse. Avec les membres des familles dont nous venons de parler, citons encore Jean Le Limonnier, seigneur des Haries, en Dompierre ; Jacques Le Porc, seigneur de Larchapt, en Romagné ; Raoul de la Celle, seigneur de la Secardais (Mézière). On n'en connaît guère d'autres dans la région.

 

LES GUERRES DE RELIGION — MERCOEUR.

Gabriel de Montgommery, qui blessa à mort le roi Henri II était un protestant normand, bien qu'il fût seigneur des Haries, en Dompierre, par sa femme, née de la Bouexière. Il était de la paroisse de Ducey (Manche). Il fut décapité en 1574.

La plupart des hérétiques du fougerais abjurèrent après la révocation de l'Edit de Nantes [Note : Louis XIV qui, aux yeux des libéraux, paraît si blâmable d'avoir pris cette mesure, cédait d'une part à la poussée catholique qui la réclamait ; et, d'autre part, il ne la prit qu'après avoir essayé d'autres moyens, et alors qu'il ne restait à convertir que les plus entêtés. Le roi se croyait fondé à croire qu'en agissant par la manière forte il activerait le mouvement de conversion qui avait fort bien commencé. En tout cas, l'édit fut salué par une véritable explosion de joie chez les catholiques ; le Pape l'accueillit avec éloge ; et si, en quelques contrées, l'effet ne fut pas heureux, on a vu que chez nous l'Edit de révocation eut un très bon résultat. A Vitré, en 3 mois, 400 calvinistes (la totalité à 10 ou 12 près) renoncèrent à l'erreur. Ce furent les femmes qui se montrèrent les plus obstinées. (Voir B. POCQUET et P. DE LA BRIÈRE, Diction, apolog., t. XII, p. 1037)] (1685). En 1686 [Note : et non 1666 comme on l'a rencontré par ailleurs], dans l'église du Châtellier, 19 protestants firent retour au catholicisme, notamment Elisabeth de Montgommery, veuve de Jean de la Vieuxville, avec ses enfants, des parents et des domestiques. Les de Montgommery et les de la Vieuxville comptaient parmi les familles les plus attachées à l'hérésie. Les Etats de Bretagne accordèrent des secours à quelques convertis.

A côté des noms d'hérétiques de notre pays, il convient de citer le nom d'un autre gentilhomme de chez nous, Jean de Poilley qui joua un rôle important sous Henri IV. Catholique fort instruit, il fut chargé par le roi de disputer, à Fontainebleau, sur un point de controverse relatif à l'Eucharistie (MAUPILLÉ, Soc. Arc., XI, 369).

 

LES GUERRES DE RELIGION DANS LA RÉGION FOUGERAISE — MERCOEUR A FOUGÈRES.

Les guerres de religion, très calamiteuses en Bretagne, le furent relativement peu chez nous. A part la petite ville de Bazouges-la-Pérouse, prise, reprise et pillée plusieurs fois, La Fontenelle pillée, Romazy incendié, l'église du Chatellier brûlée également, quelques chapelles détruites peut-être, le territoire de la baronnie resta indemne ou à peu près. En général les Fougerais se rangèrent du côté de la Ligue.

Le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne (depuis 1582), profitant des troubles, imagina de revendiquer à son profit, sous le couvert de dévouement à la Ligue, de prétendus droits de sa femme (Marie de Luxembourg, duchesse de Penthièvre) au trône ducal de Bretagne, comme si ce trône avait cessé de se confondre avec celui du roi.

C'était une réminiscence ridicule de la guerre de succession en Bretagne au XIVème siècle.


PILLAGES DES GENS DE MERCOEUR.

Mercœur s'empara de plusieurs villes bretonnes, notamment de Rennes (14 mars 1589) et de Fougères (21 mars 1589).

Il établit son quartier général dans cette dernière ville, qui n'avait fait aucune résistance. Le gouverneur de la place, marquis de la Roche, était alors prisonnier à Nantes, arrêté par ordre de Mercœur. Le commandant de la garnison en son absence, M. de Gréal, voulut défendre le château ; mais sentant sans doute son impuissance, il rendit la place pour 1500 écus d'or.

Mercœur résida alors à Gibarry, disent les documents de l'époque. Il semble plutôt que ce fut à la Vigne (LE BOUTEILLER, IV, 53), lieu tout voisin, du reste, de Gibarry, et comme celui-ci situé en dehors de la ville. Nous constatons la présence de Mercœur dans notre ville du 21 mars au 4 avril 1589 ; il s'y trouvait encore le 11 avril ; on l'y retrouve le 27 et 28 mai ; et il y revint le 14 août 1589 après le siège de Vitré.

Cette dernière ville était aux mains des protestants. Les troupes de Mercœur en firent le siège, sans succès, du 24 mars au 14 août. 1589. Les calvinistes, qui avaient senti la population vitréenne hostile, mirent la ville au pillage après que les ligueurs eurent levé le camp.

Autour de Mercœur s'était groupé un parti puissant, à la tête duquel se trouvait l'abbé de Rillé, Melchior de Marconnay (qui devint évêque de Saint-Brieuc). Cet abbé joua alors un rôle très important dans les affaires de la Ligue en Bretagne.

 

PILLAGE DE MARIGNY (SAINT-GERMAIN), DU HALLAY (LANDÉAN), DE MONTBRAULT (FLEURIGNÉ).

Cependant les partisans du roi avaient repris Rennes (5 avril 1589) et le Parlement de Bretagne, fidèle au roi, fulminait contre Mercœur.

Pour se venger, celui-ci s'acharna contre les propriétés de Jacques Harpin, seigneur de Marigny, président au Parlement, et contre celles de ses parents et alliés.

Mercœur fit piller le château de Marigny, et détruire ceux du Hallay et de Montbrault, qui appartenaient aux du Hallay, alliés de Harpin, époux de Jeanne du Hallay.

Il s'empara du château des Landes (en Saint-Méloir), appartenant à Jean le Bouteiller de Maupertuis, beau-frère du président Harpin.

Plusieurs maisons de la ville et de nombreuses terres dans la région (LE BOUTEILLER, IV, 57 et suiv.) furent confisquées (avant 1593), par Mercœur, sur les partisans du roi, laïques ou ecclésiastiques. Il a semblé à M. le Bouteiller (Notes manuscrites) que ces confiscations et la faveur de Mercœur pour les Ligueurs ses partisans, furent l'origine de l'ascension rapide et considérable de plusieurs familles. L'odieux de ces confiscations brutales fit que peu de fermiers se présentèrent en 1593, pour prendre en location les terres confisquées ; quelques-uns, moins scrupuleux en louèrent 8 à 9 à des prix très-minimes ; un bon nombre de terres ne trouvèrent pas d'amateurs. Il semble, dit M. le Bouteiller, qu'il se passa « quelque chose d'analogue à ce qui devait se produire, deux siècles plus tard, lors de la vente des biens nationaux » [Note : LE BOUTEILLER, IV, 59-60. Voir l'état des terres saisies à la Biblioque de Fougères].

Plusieurs des propriétés confisquées se retrouvent peu après aux mains des anciens propriétaires, ce qui permet de croire que quelques-unes furent restituées ou rachetées.

 

LE PRINCE DE DOMBES PILLE L'ABBAYE DE RILLÉ (1589) ET BRÛLE SES ARCHIVES.

Le roi Henri III avait nommé, le 7 juin 1589, en remplacement de Mercœur, un nouveau gouverneur de Bretagne : Henri de Bourbon, prince de Dombes.

Celui-ci voulut faire une reconnaissance du côté de Fougères, où des processions publiques mentionnées dans les comptes de saint Léonard, montrent que l'on était fort inquiet.

Le prince posta de l'artillerie sur les hauteurs de Rillé et du champ du lion. Des traces de coups de canon encore visibles à la base de la tour de Guibé, et d'autres, qui ont disparu, au pied de la tour Mélusine [Note : Dans l'enceinte de la poterne. (LE BOUTEILLER, Notice sur le château, p. 138, et IV, p. 61)] pourraient peut-être rappeler cette attaque. Il ne semble pas que le prince de Dombes fit un siège en règle. Il se retira après s'être vengé sur l'abbaye de Rillé, qui fut mise au pillage, du zèle de l'abbé et de ses religieux pour la Ligue et Mercœur [Note : LE BOUTEILLER, IV, 61 ; MAUPILLÉ, Hist., p. 113-174] (1589).

 

RENÉ DE LANGAN TENTE UN COUP DE MAIN CONTRE FOUGÈRES — BAZOUGES PRIS ET REPRIS.

Henri III fut assassiné le 2 août 1589.

Le premier de tous les Parlements de France, celui de Bretagne reconnut (22 octobre 1589) Henri IV comme roi, sous condition qu'il se fît catholique.

Deux mois plus tard le roi vint à Laval. Le prince de Dombes alla l'y retrouver, accompagné d'un bon nombre de gentilhommes bretons. C'est sans doute à cette occasion que René de Langan, seigneur du Bois Février (en Fleurigné), au début partisan de Mercœur, et revenu au parti du roi, résolut d'arracher Fougères des mains des ligueurs.

Il équipa à ses frais une troupe et tenta un coup de force contre la ville (fin de 1589 ou début de 1590). Mais il échoua ; et pendant 3 longues années il dut rester prisonnier au château de Fougères ; il n'en sortit qu'après rançon de 11.000 écus [Note : Un autre personnage, fait prisonnier en 1597 par les gens de Fougères, Maître Bonabes Biet, procureur général syndic des Etats, dut promettre payer à M. de Louvery, gouverneur de la place, une rançon de 1000 écus, sous la caution de Tristan de Beaucé, seigneur du Manoir de la Forêt en Lécousse — de René du Chastaigner — et de Gilles Ruellan, seigneur du Rocher-Portail. (Arch. départ., C 2903)].

Toujours rancunier, Mercœur tenta d'incendier le château du Bois Février.

Bazouges-la-Pérouse était aussi au pouvoir de Mercœur. Les gens du roi reprirent cette petite ville en 1590. A la fin de 1593, ou au début de 1594, Bazouges retomba aux mains des ligueurs, qui, à nouveau, en furent chassés en 1595 pour y rentrer peu après.

Cette localité souffrit beaucoup.

Quant à la ville d'Antrain, elle resta occupée par les troupes royales qui avaient une garnison au château de Bonnefontaine. En 1591, les Etats de la Ligue accordèrent aux fougerais l'autorisation de faire une levée de 2.000 écus pour l'entretien des fortifications de leur ville. Ils auraient désiré 6.000 écus, disant que Fougères et Châtillon « les seules places » du « parti de l'union » étant entourées d'ennemis, il était urgent d'en achever les fortifications (arch. départ. c. 3.187-3.190). On ne sait ce qui en résulta.

 

ABJURATION D'HENRY IV (25 JUILLET 1593 [Note : Le Pape n'accorda cependant l'absolution que le 16 septembre 1595]) — LA PAIX EN BRETAGNE : TRAITÉ D'ANGERS (1598).

L'abjuration d'Henri IV ne mit pas fin immédiatement à la rébellion de Mercœur ; mais la lutte n'avait plus ni motif, ni prétexte, ni chance de succès. Chacun le sentait.

Le marquis de Belle-Ile, gouverneur de Fougères pour Mercœur, résolut, pour se reconcilier avec le roi, de lui livrer le Mont Saint-Michel. Mais il trouva la mort dans cette entreprise (1596).

De son côté Mercoeur dut imiter tous les chefs ligueurs qui se soumettaient les uns après les autres. Le traité d'Angers (23 mars 1598) mit fin à la guerre par le mariage de César de Vendôme, fils naturel d'Henri IV, avec la fille de Mercœur.

Un mois plus tard, Vendôme était nommé gouverneur de Bretagne, et, au mois de mai 1598, Henri IV accordait l'amnistie aux Fougerais.

 

LES GUERRES CIVILES ET LES MOEURS. — RICHELIEU ET LE DUEL.

Les guerres de religion et les troubles qui agitèrent le temps de la minorité de Louis XIII, eurent pour résultat de ramener quelque sauvagerie dans les mœurs.

Aux discordes publiques, se joignirent les querelles privées. Des haines séparaient les familles. Les duels et les meurtres devenaient plus fréquents.

Dans un appartement de Rennes deux jeunes seigneurs se prennent de querelle et tirent l'épée : « Se voyant près de succomber, l'un d'eux appelle à son secours le sire de Gaulay, alors seigneur du Bois Guy, qui se trouvait dans une pièce voisine : A moi. Bois Guy ! cria-t-il. Et Gaulay accourant à sa voix, passe, sans autre forme de procès son épée au travers du corps de l'adversaire de son ami. Puis, saisi de remords, à la vue de sa victime, il saute sur son cheval, et gagnant Parigné à bride abattue, il arrive à l'église de cette paroisse au moment où la procession en sortait un Dimanche, avant la Grand'messe ; et courant au recteur, lui demande de chanter séance tenante une antienne des morts, devant la croix du cimetière, pour celui qui venait de tomber sous ses Coups. — Et depuis ce temps jusqu'à la Révolution, l'usage s'était continué de chanter ainsi cette antienne à la procession, chaque dimanche pour l'âme de la victime » (LE BOUTEILLER, IV, 100).

En 1615, aux Etats de Bretagne, une querelle éclate, pour une question de préséance, entre le baron de Nevet, gouverneur de Douarnenez, et Thomas de Guémadeuc, gouverneur de Fougères. Celui-ci qui possédait Mué (en Parcé), avait épousé Jeanne Ruellan, fille du fameux Gilles Ruellan, baron du Tiercent [Note : Gilles Ruellan, né à Antrain, d'abord domestique d'un marchand de toile de cette petite ville, époux de Françoise Miolais, fille d'une fruitière de Fougères, fit, dans le trafic des armes et les fermes d'impôts, une prodigieuse fortune. — Sans compter ce qu'il possédait ailleurs, il avait acquis dans notre pays : Le Rocher-Portail en Saint-Brice (1596) où il fit bâtir le superbe château qui existe encore ; — Le Plessis-Sénéchal et les Renaisières en St-Marc-le-Blanc (1596) ; — la Seigneurie du Tiercent, dont il prit le nom (1602) ; — Monthorin en Louvigné (1607) ; — la Galesnais et la Branche en St-Brice ; — la Ballue en Bazouges-la-Pérouse (1615) ; Le Plessis-Chasné en La Bazouge-du-Désert ; — la Sénéchaussière en Vieu-Vy (1615) ; La Chapelle-Saint-Etienne en Romagné, etc... Anobli en septembre 1603 (GUILLOTIN DE CORSON, Notice sur Le Tiercent), il fit ériger Le Tiercent en baronnie en 1608. Il était devenu assez influent pour s'entremettre entre le roi et de Mercœur. Il eut deux fils et 4 filles ; à la dernière, qui épousa le duc de Brissac, il donna 500.000 livres de dot (environ 3 millions de francs). Gilles Ruellan, baron du Tiercent, mourut à Paris (1627). Il fut inhumé aux Carmes, à Rennes ; ses entrailles furent déposées dans l'enfeu qu'il possédait dans l'église de La Celle-en-Gogles, en sa qualité de seigneur du Rocher-Portail].

Donc Nevet et Guémadeuc s'étaient querellés. Le soir Guémadeuc et ses gens rencontrent dans la rue Jacques de Nevet et le tuent. Déjà Guémadeuc s'était rendu coupable d'autres crimes et exactions.

Des poursuites furent intentées contre lui.

Le roi fit investir le château de Fougères. Furieux, Guémadeuc rassemble des troupes, surprend le château et s'y enferme, en état de révolte ouverte. Le gouverneur de Bretagne, César, de Vendôme et le Maréchal de Vitry durent se rendre à Fougères avec une troupe pour réduire Guémadeuc. Il fut condamné (le 27 sept. 1616) à avoir la tête tranchée et « icelle portée en la ville de Fougères, plantée au bout d'une pique et fichée sur le principal portail du château ».

Sa femme se jeta en vain aux pieds du roi. Devenue veuve, elle entra au Carmel de Paris (GUILLOTIN DE CORSON, Le Tiercent, p. 51).

C'est ce personnage que rappelle le nom d'une des tours de l'avancée du château, dont il fut gouverneur.

On voit, par ces faits locaux, que Richelieu fut heureusement inspiré en interdisant les duels (1627).

Il faut reconnaître, en bons Français, qu'il ne le fut pas moins en réduisant à l'impuissance les grands seigneurs, trop souvent prêts à la sédition, bien que, si l'on en croit la tradition, cette politique ait eu de fâcheuses conséquences pour le vieux Château de Fougères.

 

RICHELIEU ET LE CHATEAU DE FOUGÈRES — CONSPIRATION DE CHALAIS (1626).

On sait qu'à la suite d'un complot, formé en 1626, autour de Gaston duc d'Anjou (plus tard duc d'Orléans), frère de Louis XIII, complot dans lequel étaient entrés le duc de Vendôme (gouverneur de Bretagne) et Talleyrand, marquis de Chalais, ce dernier fut arrêté et enfermé à Nantes (8 juillet 1626), puis condamné à mort (5 août 1626) et exécuté le 19 août 1626.

Le roi vint lui-même présider les Etats de Bretagne à Nantes (11 juillet 1626). Gaston d'Orléans, qui avait fait sa soumission, assista également aux séances [Note : Dans les archives de la paroisse de Billé, on conservait, avant la Révolution, un acte constatant que Gaston d'Orléans avait couché au presbytère de Billé, en se rendant à Nantes, la veille même du jour où commença le procès. M. Le Bouteiller explique que Gaston dut arriver de Paris à Billé par Ernée et le chemin Chasles, et continuer sa route par la voie de Bayeux à Nantes, route actuelle de Fougères à Vitré. (LE BOUTEILLER, IV, 113)]. Au cours de cette session fut annoncé le remplacement de Vendôme, au gouvernement de Bretagne, par le maréchal de Témines ; et pour éviter la possibilité de nouvelles rébellions, le roi, à l'instigation peut-être de Richelieu, décida la démolition des places appartenant à l'ancien gouverneur, duc de Vendôme (B. BOUQUET, Histoire de Bretagne, V, 386).

Est-ce en exécution de cette ordonnance que le donjon du château de Fougères fut démoli ? On ne le sait pas au juste (Voir LE BOUTEILLER, IV, 115-116, et Notice sur le château, p. 172). Il a été émis plusieurs autres hypothèses, mais toutes s'accordent à placer cet événement entre 1626 et 1630. M. Maupillé assure que l'ordre de démolition fut donné dès 1617 (Voir MAUPILLÉ, Histoire, 134. — Voir aussi Dictionnaire d'Ogée). On ne sait sur quoi il s'appuie. Il semble que d'autres tours furent découronnées, mais on ne sait rien de certain à ce sujet. Il est curieux de constater qu'on trouve aux archives départementales, mention de la démolition de beaucoup de fortifications entr'autres de celles de Dol, de Châtillon-en-Vendelais, de Pontorson, de Hédé, de Châteauneuf, du Plessis-Bertrand, etc., etc... et qu'on n'y voit absolument rien concernant la destruction du donjon de Fougères.

 

LA PESTE.

A la fin du XVIème siècle (surtout de 1562 à 1565) et au XVIIème siècle (surtout de 1626 à 1640), la région fougeraise, comme du reste toute la Bretagne et les provinces voisines, fut souvent ravagée par la peste et autres maladies contagieuses. Antrain fut éprouvé en 1564 et Bazouges-la-Pérouse en 1583. La paroisse d'Antrain alla en procession jusqu'à Mézières à cette occasion. En 1601 une dyssenterie emporta 54 personnes d'octobre à janvier dans la paroisse de Romagne. De septembre à décembre 1639, 360 personnes moururent à Saint-Georges de Reintembault, 120 à Poilley, 260 à Montours, 220 au Ferré (Rapport au Conseil général de M. Bourde de la Rogerie, archiv. 1924).

En 1635, l'épidémie sévissait d'une manière terrible, au point que les prêtres ne suffisaient plus à administrer les sacrements. On étendit le drap mortuaire sur les églises en signe de deuil. Il fallut établir de nouveaux cimetières, en Fleurigné, près de la Boë (LE BOUTEILLER, IV, 133) (1636), en Javené, dans la lande d'Iné (1623).

Un lazaret fut installé à Fougères dans un champ de la Madeleine [Note : La Madeleine, léproserie, fondée au moins au XIIème siècle (Le Bouteiller, II, 275), fut confiée plus tard aux Chevaliers de Saint-Lazare ; elle est située près d'Iné au bord d'une très ancienne route. La chapelle actuelle aurait été rebâtie en 1541 par Marc Gérault, chapelain. (Voir GUILL. DE CORSON, III, 286 ; MAUPILLÉ, Histoire, 167)], qui a conservé le nom de Champ de la Santé. Il semble que l'on utilisait un chemin (qui a porté le nom de Chemin de la Peste) (LE BOUTEILLER, IV, p. 8) pour accéder au lazaret sans passer par la ville. Par ce chemin on pouvait aller de Grolay à Pérousel par les Orières, Iné, la Madeleine, Gibary, la Vigne, la Grange ; il réunissait ainsi les routes de Caen, d'Alençon, de Chartres, d'Angers et de Rennes.

Les autorités prirent toutes les précautions usitées alors : on isolait les malades (pendant un temps d'épidémie dans le Gast, il fut interdit aux habitants de ce quartier de se rendre dans la ville close). On aérait les maisons (le chirurgien chargé de ce soin était appelé l'Eventeur). On multipliait les actes de dévotion.

 

RENOUVEAU RELIGIEUX.

A la suite de ces calamités, et aussi en réaction contre l'hérésie protestante, il se produisit un renouveau religieux très important, au point que l'on a pu dire que le XVIIème siècle « fut une des époques les plus profondément religieuses de l'histoire » (BAUDRILLART, Histoire de France, p. 323).

Des prières publiques eurent lieu partout, à l'occasion des épidémies. On fit des processions, comme à Beaucé où on laissa le drap mortuaire et la croix à la Placeardière [Note : Cette croix, qui est en cuivre et qui semble du XVIème siècle, se trouve maintenant à l'Ecartelée, village voisin de celui de la Placeardière qui a disparu. Le drap mortuaire n'existe plus], et des vœux, comme à Landivy et à la Chapelle-Janson.

La paroisse de Landivy promit de venir en pèlerinage, à Notre-Dame du Marais de Saint-Sulpice, tous les premiers samedis de juillet [Note : On sait que ce pèlerinage se continue toujours d'une façon très édifiante. C'est toute une paroisse qui se déplace hors de son diocèse ; il ne reste dans les villages que les personnes indispensables. Même pendant la Révolution, le pèlerinage se fit secrètement]. Celle de la chapelle Janson s'engagea à porter tous les ans un gros cierge à N.-D. de Charné d 'Ernée [Note : Vœu commué plus tard en un autre qui s'exécute toujours : on fait brûler un cierge devant une reproduction de la statue de N.-D. de Charné dans l'église même de La Chapelle-Janson. C'est l'occasion d'une fête solennelle].

A la suite de la peste de 1635 (Archives de la bibliothèque municipale) fut créée à Fougères la confrérie de Sainte-Anne et de Saint-Roch, encore existante. La chapelle Saint-Roch, en Parigné, avait été édifiée [Note : Elle fut reconstruite en 1774] en 1625 à la suite d'un vœu fait à l'occasion d'une épidémie.

Quant à la chapelle Saint-Roch, qui existait dans le cimetière du même nom à Fougères (emplacement de la prison actuelle), elle fut elle-même bâtie (vers 1582) à la suite d'une épidémie.

Le pèlerinage de Sainte-Anne de la Bosserie [Note : La chapelle Sainte-Anne de la Bosserie date de 1602], en Romagné, prit une grande extension. Celui de Sainte-Anne d'Auray semble aussi avoir pris plus d'importance après ces calamités.

Beaucoup de calvaires paraissent dater de cette époque. Si l'on veut par ailleurs juger de la renaissance religieuse au XVIIème siècle dans notre pays, il suffit de jeter les yeux sur le tableau suivant des fondations pieuses, dans notre ville, à cette époque.

 

ŒUVRES PIEUSES A FOUGÈRES ET ENVIRONS AU XVIIème SIÈCLE.

1602 : Construction de la chapelle Sainte-Anne de la Bosserie par la famille Le Maignan.

1607 : Fondation par Henri de Volvire, seigneur de Saint-Brice, du Couvent des Récollets (aujourd'hui maison de retraites, rue de la Forêt).

1607 : Etablissement des Ursulines à Fougères et création d'une maison d'éducation pour jeunes filles, à la demande de la communauté, qui acheta à cet effet les hôtels Porcon et de la Bretèche. Les premières religieuses vinrent de Paris. L'emplacement de cet établissement est occupé actuellement par le collège et la maison Saint-Joseph. Le bâtiment du collège (rue Lesueur) sur le portail duquel on voyait, récemment encore, les armoiries des Ursulines « sottement grattées », date de 1637. La chapelle de Saint-Joseph est de 1609.

1625 : Fondation, par les paroissiens de Parigné, de la chapelle Saint-Roch.

1628 : Réformation de l'abbaye de Rillé, dont les religieux, après approbation à Rome (1634) des nouvelles règles, devinrent Génovéfains.

1633 : Fondation du monastère des Clarisses Urbanistes par Jean Lejeune, seigneur de la Tendrais.

1635 : Institution à Saint-Léonard de la Confrérie de Sainte-Anne et de Saint-Roch.

1637 : Achèvement du dôme du clocher de Saint-Léonard.

1645 : Institution à Saint-Léonard et à Saint-Sulpice de la Confrérie du Port du Saint-Sacrement, qui exista jusqu'à la Révolution. Le recteur, ou son vicaire, portait le Saint Sacrement aux malades, sous un dais porté par deux prêtres choisis parmi les enfants de la paroisse, accompagnés de 4 enfants de chœur, en chantant des hymnes. Plusieurs confréries de métier furent reconstituées à Fougères au XVIIème siècle.

1648 : Missions du Père Maunoir à Mellé, Monthaut et Saint-Georges-de-Reintembault (Le Vénérable Maunoir, par le Père QUESTEL, p. 119).

1661-1663 : Missions du Père Maunoir à La Chapelle-Janson, Fougères, Saint-Georges [Note : Id., 120. — M. du Boisnouault (LE BOUTEILLER, IV, 170) donne la date de 1666 pour la mission à Fougères du P. Maunoir. Peut-être y en eut-il deux ?]. Le vénérable Père Maunoir, célèbre jésuite dont le procès en béatification se poursuit à Rome, est né à Saint-Georges-de-Reintembault le 1er octobre 1606.

Sa mission à Fougères eut un grand succès. Plus de 40 paroisses vinrent en procession. Toutes les maisons étaient pleines : il fallut camper dans les champs. Plusieurs personnes attendirent 2 jours et 2 nuits leur place au confessionnal [Note : Ces missions aux succès prodigieux rappellent les prédications de saint Vincent Ferrier qui prêcha à Fougères vers la fin d'avril 1418, et au début de mai de la même année à Bazouges et à Antrain. (DE LA BORDERIE, IV, 167)].

1664 : Fondation par Mme de la Ronce d'un sermon à Saint-Léonard, chaque jour d'octave du Saint Sacrement, par un Récollet.

1672 : Arrivée des religieuses Augustines à l'hôpital Saint-Nicolas.

1672 : Fondation, par Gabriel de Langan, d'une lampe perpétuelle devant la statue de N.-D. de Bon-Secours de la Porte-Roger, pour implorer le secours de la Sainte Vierge en faveur des jeunes mères. Lors de la démolition de la Porte-Roger, la statue (classée) de N.-D. de Bon-Secours fut portée proeessionnellement à Saint-Léonard. Elle a été, tout récemment, reportée solennellement dans la petite chapelle de Bon-Secours, qui vient d'être reconstruite dans la rue des Prés, et où se continue la même dévotion (voir le Bouteiller IV, 174).

1678-1683 : Fondation de l'Hôpital général Saint-Louis. La chapelle et quelques bâtiments étaient achevés en 1680. L'établissement fut agrandi plus tard ; les premières constructions n'existent plus. Un des bâtiments actuels est de 1777 ; un autre est de 1814 [Note : L'hospice Saint-Louis fut doté lors de sa création de certains privilèges, comme le droit exclusif de vendre de la viande pendant le carême, de prendre du bois dans la forêt, de fournir les cercueils des personnes décédées en ville, etc., etc... Des dames charitables, Mlle des Buffards, Mlle de la Martinière, Mlle Lemercier, etc., s'en occupèrent d'abord. Les religieuses de la Sagesse y furent appelées en 1778-1779. On avait fait appel auparavant (1778) à la Congrégation de la Charité de Montoire qui ne put fournir le personnel suffisant].

1690 (Archives du District, 1792) ou 1697 (MAUPILLÉ, Histoire, p. 179) : Fondation, par Mlle Marie Gigon et trois autres personnes, de la maison des Gigonnes, au faubourg Saint-Léonard (ancienne gendarmerie). Les associées ne formaient pas une congrégation au sens strict du mot. Elles se destinaient à l'enseignement. Elles eurent une maison à Fougères et une à Louvigné. Mlle Duval, la fondatrice de Saint-Joseph, avait appartenu à la maison de Fougères ; cette maison fut acquise par Marie Gigon en 1701.

Fin du XVIIème au début du XVIIIème siècle : Reconstruction du couvent de Saint-François dans la forêt.

Au XVIIIème siècle s'inscrivent les oeuvres suivantes :

1716 : Création d'une maison de retraites par le marquis de Romilly, seigneur d'Ardennes, en Saint-Georges-de-Reintembault (propriété actuelle de M. A. Durand) [Note : Avant de s'installer au Clos-Morel, les Dames de la Retraite avaient eu un logement (depuis 1712) dans le vieux château, grâce sans doute à la complaisance du gouverneur, M. de Romilly. En quittant le château, elles durent occuper d'abord la maison précédemment habitée par les Urbanistes, au Clos-Morel, près de la rue des Prés. En 1745, elles construisirent, dans le même enclos, mais près du Bourg-Roger, une autre maison, qui fut agrandie de 1778 à 1780. La nouvelle chapelle, sous le vocable de N.-D. de la Miséricorde, fut bénite le 12 février 1784. En 1794, l'imprudence des soldats qu'on avait logés dans la maison de retraites provoqua un incendie qui détruisit les bâtiments les plus récents et la chapelle. — Les retraites étaient généralement prêchées par un Récollet].

1724-1750 : Reconstruction de l'abbaye de Rillé.

1736-1740 : Construction du bâtiment conventuel de Saint-Nicolas (caserne actuelle).

1740-1760 : Construction (ou plutôt achèvement) du chœur de Saint-Sulpice.

1776 (mars): Fondation, par Mlle Pauline de la Belinaye, dame de Vendel, du couvent de la Providence, dans les ruines du prieuré de la Trinité, depuis longtemps abandonné par les Bénédictins, et qu'elle venait d'afféager du Prieur titulaire.

Les sœurs de la Sagesse y arrivèrent en 1778. L'autorisation officielle se fit attendre, les Lettres patentes ne furent accordées qu'en 1782.

Mlle de la Belinaye fit élever le grand bâtiment qui existe encore, reconstruisit un oratoire dans les ruines de l'ancienne chapelle (oratoire qui fut brûlé en 1824), et aidée par des personnes pieuses, dota le nouvel établissement de 1.350 livres de rentes. Pendant la Révolution, la Providence fut considérée comme une propriété privée et ne fut pas aliénée. Un arrangement intervint plus tard avec la Commission des hospices.

De plus, dans la plupart des paroisses de la campagne se créèrent de nombreuses confréries. Cette magnifique floraison d'œuvres est symptomatique.

 

L'ABBÉ POUSSINIÈRE A FOUGÈRES. — LA CONFRÉRIE DU SAINT- ESPRIT DANS LA RÉGION DE LOUVIGNÉ.

Il y a bien quelques taches à ce tableau.

Nous verrons bientôt que les idées, quoique demeurées très religieuses, s'oblitéraient lentement sous l'influence des principes protestants qui n'avaient pas complètement disparu. En même temps, les mœurs, dans certains milieux, se corrompaient.

Le jansénisme ne semble pas avoir eu des effets directs très marquants chez nous. D'après M. Barthélemy Pocquet (Histoire de Bretagne, V, 606-608), le jansénisme n'exista pas en Bretagne à l'état endémique ; on n'en constate que des cas isolés, mais cependant son influence se fit longtemps sentir en certaines paroisses. Parmi les prélats les plus hostiles à l'hérésie, on cite Mgr de la Mothe Houdancourt, évêque de Rennes, de 1642 à 1662.

Ajoutons que les archives des Urbanistes de Fougères nous montrent qu'elles menaient une vie des plus saintes et des plus mortifiées, pratiquant la communion fréquente et ayant une grande dévotion envers le Saint-Sacrement, ce qui montre bien que le jansénisme n'avait pas eu d'influence sur elles (voir la notice du R. P. Achille Léon, dans la France Franciscaine de juillet-septembre 1925).

Quant au clergé, qui était très nombreux, il donnait généralement l'exemple des vertus chrétiennes. Il y eut cependant de rares cas scandaleux.

Parmi ces exceptions, il faut citer le cas de l'abbé Poussinière, qui fut l'objet, avec plusieurs complices, d'un procès pour sorcellerie et faits immoraux.

L'abbé Mathurin Truffier, sieur de la Poussinière, en Romagné, était chapelain à Saint-Sulpice, et habitait la rue du Nançon. Il passait pour sorcier, et l'on raconte encore à son sujet une foule de faits extraordinaires dont on trouvera le détail dans l'ouvrage de M. Le Bouteiller (IV, p. 147 et suiv.).

Ce procès eut un retentissement énorme dans toute la France. L'abbé Poussinière fut condamné à être brûlé ; jugement qui fut exécuté le 19 janvier 1643, à Rennes ; deux de ses complices furent condamnés à la potence, mais ils ne purent être pendus qu'en effigie, car ils s'étaient enfuis ; un autre complice fut pendu et deux autres condamnés à l'amende.

Signalons aussi, à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème, les désordres causés en Louvigné, Mellé en Poilley et St-Georges, par la Confrérie du Saint-Esprit, qui organisait, le lundi de la Pentecôte, d'étranges processions de cavaliers, et faisait du scandale dans les églises (voir Guillotin de Corson, V, 120).

 

FOUGÈRES AUX XVIIème ET XVIIIème SIÈCLES.

A part l'affaire de Chalais, qui eut peut-être sa répercussion à Fougères par le démantèlement des fortifications, on ne trouve plus guère, jusqu'à la Révolution, de faits importants de l'histoire de France, ou même de l'histoire de Bretagne, auxquels notre pays se soit particulièrement intéressé.

Aucun désordre n'est signalé à Fougères, ni pendant la Fronde (1648-1653) [Note : On possède une lettre datée de Saint-Germain, le 23 mars 1649, de M. de Mortemart, gouverneur du château de Fougères, à son lieutenant, M. de Saint-Gilles du Gage, qui commandait la place de Fougères en son absence, pour lui recommander la fidélité au roi. (Arch. départ.)], ni pendant la Révolte du papier timbré (1675), qui causa tant de troubles en Bretagne, et notamment à Rennes. Serait-ce parce que les papetiers de notre pays bénéficièrent du privilège de la fabrication exclusive de ce papier ?

Un seul personnage de notre région, semble-t-il, se trouva compromis dans l'affaire de Pontcallec (1719) (épisode breton de la conspiration de Cellamare) ; ce fut le comte de Baussan du Groësquer, qui habitait ordinairement le Moulin-Blot, en Vendel. Il s'enfuit en Hollande, condamné à mort par contumace, puis amnistié (Histoire de Bretagne, B. POCQUET, VI, 41, 136-186).

Aucun député de chez nous aux Etats de Bretagne, ne joua un rôle bien marquant dans les discussions orageuses qui s'élevèrent entre les représentants du roi en Bretagne et la pointilleuse assemblée bretonne. Nous verrons cependant que M. M. Tuffin de la Rouërie et Lemercier de Montigny s'y trouvèrent mêlés en 1788. On peut citer encore M. Tréhu de Monthierry, maire de Rennes, qui appartenait à une famille originaire de Saint-Germain-en Cogles. En somme, de menus faits locaux seuls remplissent nos annales à cette époque ; nous aurons l'occasion d'en parler par ailleurs.

***

Nous nous bornerons à signaler :

En 1645 : l'arrivée au château de 24 prisonniers espagnols pris par le duc d'Orléans (frère de Louis XIII) au fort de Wardick au cours de la guerre de Trente Ans.

En 1707, nouvelle arrivée de 300 Anglais faits prisonniers pendant les guerres de Louis XIV.

En 1779, à l'occasion de la guerre de l'Indépendance des Etats-Unis, aménagement du château, par M. de Pommereul, officier d'artillerie, pour recevoir 3.000 ou même 3.600 prisonniers [Note : En août 1793, le district estime que le château pouvait contenir 12 à 1500 prisonniers, avec le bataillon nécessaire pour les gardes. (Arch. départ.)]. Il n'ent fut, du reste, interné que 7 à 800, et ils n'y restèrent que peu de temps.

Signalons encore :

En 1653, du 20 octobre au 6 décembre, la tenue des Etats de Bretagne à Fougères. Les séances eurent lieu dans l'église Saint-Léonard.

En 1674, l'établissement de fontaines publiques à Fougères ; l'eau venait comme aujourd'hui de la forêt. La première fontaine fut placée vers le milieu de la rue de l'Aumaillerie ; un peu plus tard (1687), on en plaça une dans la rue Pinterie, devant la façade de Saint-Yves, pour laquelle la tuyauterie suivait le mur extérieur de la clôture de ville. Le couvent des Récollets et l'hôpital Saint-Louis étaient favorisés d'une prise d'eau.

En 1755 et 1774, on tenta, sans succès, d'établir une fontaine près de la halle (au coin de la rue de l'Horloge actuelle).

En 1790, on établit la fontaine publique de la petite Douve.

En 1838, on réussit enfin à amener l'eau près de la halle aux grains (coin de la rue de l'Horloge), où elle s'élevait à 30 pieds au-dessus du sol.

***

Lugubre série de sinistres :

4 mai 1710. Incendie de l'ancienne Saulnerie, qui amena la création de la place du Brûlis.

16 mai 1734. Incendie de la halle aux toiles et à la viande.

11 septembre 1751. Incendie de nombreux immeubles dans le bas de la Grand'Rue, côté est, et de la rue de l'Aumaillerie [Note : A la suite de ce désastre, une messe, dite "de l'incendie" fut fondée (21 novembre 1751) à St-Sulpice pour remercier N.-D. des Marais d'avoir épargné les Sulpiciens].

29 août 1762. Incendie de dix maisons dans la rue des Trois-Rois (Jean-Jacques-Rousseau) et les rues voisines.

22 septembre 1788. Incendie dans le bas de la Grand'Rue, côté ouest.

4 octobre 1788. Incendie de seize maisons près du carrefour Saint-Jean. Dans l'écurie de l'hôtel du Cheval-Blanc périrent quinze chevaux de dragons.

Ces nombreux et violents sinistres provoquèrent l'achat de pompes à incendie (1764) et amenèrent la reconstruction des quartiers incendiés sur des plans d'alignements nouveaux, établis en 1734, 1752 et 1762 [Note : La grand'rue devait avoir 36 pieds de largeur ; la rue derrière, 24 pieds ; la rue Tarascon (rue Rallier), 20 pieds ; la rue du Boëlle, 20 pieds. Un puits qui se trouvait dans la rue en face de l'hospice Saint-Nicolas devait être supprimé].

 

DÉMOLITION DES PORTES DE VILLE.

On ordonna de détruire les porches et de cesser de construire des maisons en pans de bois et de les couvrir en essentes.

Il existe aux archives départementales deux projets d'élévation pour les maisons à reconstruire dans la Grand'Rue : l'un, du 12 Septembre 1734, est signé Huguet ; l'autre, du 30 octobre 1734, est signé Gabriel, l'un des deux fameux architectes de ce nom. Ces plans furent assez sensiblement modifiés.

Un plan d'alignement général, daté de 1785, fut revisé en 1818, puis en 1851 (Archives municipales).

***

A partir de 1737 les murs de ville furent afféagés à des particuliers [Note : En 1736, on voit démolir le "donjon" de la porte de Rillé. (C. 2614). C'était sans doute une tour du boulevard de ce nom]. La démolition des portes Roger, Saint-Léonard et de Rillé s'effectua de 1767 à 1775 ; la porte Saint-Léonard ne fut entièrement démolie qu'en 1813 (Note de M. Le Bouteiller).

Le collège Saint-Yves fut fermé en 1742, réouvert en 1768 et fermé définitivement en 1774.

PLANS DES ENVIRONS DE LA PORTE-ROGER.

Fougères : Les environs de la Porte Roger (Bretagne).

Légende : — 1. Porte-Roger. — 2 Hôtel de la Belinaye. — 3. Boulevard de la Porte-Roger. — 4. Tour de Montfromery. — 5. Tour du four. — 6. Porte Thuolays. — 7. Tour des Noës (ancienne prison). — 8 Beffroi. — 9. Place et puits de l’Aumaillerie. — 10 Emplacement de la porte Roger primitive. — 11. Place du Brûlis, emplacement de l’ancienné Saulnerie.

(Ce plan se rapporte au XVIIIème siècle et à été obtenu par la confrontation de plusieurs plans des archives).

Le 13 septembre 1768 se rompit la chaussée [Note : Cette chaussée, qui avait déjà cédé en 1720, fut remplacée en 1771 par une autre dont une partie existe encore. Cette nouvelle jetée avait 22 toises de longueur et allait de la tour de Coigny à la porte de Rillé. Cela réduisit l'étang de la Couarde aux dimensions qu'il a encore] de l'étang de la Couarde, produisant une grave inondation à Saint-Sulpice.

En 1783, les Etats de Bretagne décidèrent de faire passer la route de Rennes à Paris par Fougères. Il fallut pour cela améliorer ce qu'on appelait les « banlieues », c'est-à-dire les grandes routes à la sortie de la ville. C'est alors (1785) que pour éviter la rue du Gast, étroite et escarpée, on « coupa » le rocher du Champ-du-Lion et celui de la Poterne. Le travail ne fut achevé que pendant la Révolution [Note : En (1803), on construisit le « chemin neuf » au flanc sud du coteau de Rillé et au delà jusqu'au carrefour Saint-Jean. Les travaux furent achevés en 1806 (LE BOUTEILLER., XIXe s., n° 3) (M. Maupillé, p. 476, dit 1812). Le « chemin neuf » fut d'abord établi à un niveau beaucoup plus bas ; plus tard, il fut relevé sensiblement pour amortir la pente. Ceci explique pourquoi plusieurs maisons se trouvent comme enterrées. En 1843 avaient été ouvertes les rues du Tribunal, de Nantes et du Maine. En 1846, le Portail Marie fut relié au Chemin Neuf par la « Corderie ». Vers le même temps, on fit le détour actuel de la route de Saint-Malo, à partir de la Motelle].

PLAN DES ENVIRONS DES SAINT-LÉONARD.

Fougères : Les environs de Saint Léonard (Bretagne).

Légende : — 1. Porte Saint-Léonard. — 2. Hôtel de Ville. — 3. Eglise Saint-Léonard. — 4. Tour du Papegault. — 5. Boulevard de la porte Sainte-Léon. — 6. Hôtel des Gleteins. — 7 Tour Saint-Nicolas. — 8. Puits Saint-Nicolas. — 9 Saint-Nicolas. — 10. Chœur des augustines. — 11. Chapelle du Bois-Garnier. — 12. Porterie. — 13. Hôtel du Châtellier. — 14. Maison conventuelle. — 15 . Ursulines. — 16. Puits. — 17. Cuisine-chauffoir. — 18. Cimetière et chapelle Saint-Roch.

***

Le château de Fougères fut afféagé en 1784 à M. de Pommereul, cet officier d'artillerie qui, quelques années auparavant, avait présidé à sa réparation. M. de Pommereul ne devait pas tarder à devenir propriétaire incommutable (1802). L'afféagement comprenait toutes les dépendances du château (étang, prairies et rocher de la Couarde, 4 moulins, porte Notre-Dame, les fossés et corps de garde de la ville, le Parc (31 journaux de terre entre le Nançon, Rillé et le chemin du Gué-Laudry ; la butte du Parc (6 journaux entre Nançon et la rue actuelle du Cimetière) ; la Prée au duc, près de la Sermandière (25 journaux).

 

LES DÉPUTÉS DES ÉTATS A LA BASTILLE.

Signalons, enfin, en 1755, « l'engagement » ou aliénation de l'usufruit de la baronnie, consenti au duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne (1753), fils du comte de Toulouse, lui-même fils légitimé de Louis XIV, en échange et garantie de prêts faits au Trésor royal.

Cet « engagement » qui, de par sa nature, était toujours révocable, comprenait la seigneurie de Quimperlé [Note : Celle-ci avait déjà été engagée en 1715 au comte de Toulouse avec celle de Quimper. (Arch. départ., C. 1940)], en même temps que celle de Fougères.

C'était alors une forme des emprunts d'Etat (ESMEIN, Histoire du droit, p. 330). Un bon nombre de seigneuries royales et de droits domaniaux en Bretagne avaient déjà été engagés au comte de Toulouse.

Avant que la baronnie ne fût tout entière engagée, le revenu des gages féodés ou vairies avait été ainsi aliéné (Arch. départ. C. 1909-1914-1937-1940-1945), à une époque où les besoins d'argent de l'Etat étaient grands :

Celui du Coglais avait été adjugé, en 1718, à la princesse de Montbazon, au prix de 65.193 livres. Ceux du Bois-Février (27.073 l.), du Plessis-Chasné (30.659 l.), de la Chasse-Beauvais (18.055 l.) et d'Ardennes, avaient été engagés, à vie durante, à M. de Romilly, gouverneur du château, qui mourut en 1765. Celui des Vairies, 28.060 livres, à M. de la Faye. Celui des Domaines, 13.287 livres, au même M. de la Faye. Ceux de Bazouges, Marcillé et Rimou, 21.726 livres, au même. Celui de la Chattière, 27.234 livres, à M. de Coëtanfao, qui mourut en 1746.

Les droits de coutume, à Fougères, furent, à la même époque, aliénés 23.632 livres, à M. Boula. Des rentes domaniales furent également vendues.

 

LES DÉPUTÉS DES ETATS DE BRETAGNE A LA BASTILLE (1788).

Parmi les moyens dont usaient, et même abusaient, les Etats de Bretagne, pour protester contre les projets des représentants du roi, qui leur semblaient contraires à l'intérêt ou aux privilèges de la province, il en est un auquel ils recouraient fréquemment, c'est l'envoi à la Cour d'une députation pour parlementer et discuter directement avec le Roi et ses Ministres.

En juillet 1788, à la suite de la suppression et de la réforme du Parlement de Bretagne, une délégation de douze membres des Etats se rendit à Paris.

Le marquis Tuffin de la Rouërie, un de nos compatriotes qui jouera un grand rôle au début de la Révolution, faisait partie de cette députation, qui fut enfermée à la Bastille, le 14 juillet 1788, au grand émoi des Bretons.

Trois nouvelles délégations des Etats de Bretagne partirent successivement pour Versailles.

La première, composée de douze membres (dont M. de Farcy de Mué), fut arrêtée à Houdan. Les deux autres furent reçues par le Roi (30 juillet 1788 et 31 août 1788).

M. Lemercier de Montigny, maire de Fougères, faisait partie de la seconde. Dans la troisième se trouvaient M. de la Belinaye et M. Tréhu de Monthierry, maire de Rennes.

Ces délégations obtinrent satisfaction : le Roi s'inclina devant la tenacité bretonne. Fut-ce un bien ?

Le Parlement fut rappelé (23 septembre 1788), et le retour des douze gentilshommes bretons — dont la Rouërie — provoqua de grandes manifestations de joie en Bretagne.

(Emile Pautrel).

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