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| Les établissements hospitaliers et d'assistance à Fougères au XVIIIème siècle | 
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INTRODUCTION.
Le XVIIIème siècle a systématisé le recours aux enquêtes comme instrument de gouvernement. Appliquées à tous les secteurs de l'activité humaine, les enquêtes sont le préalable de toute politique nouvelle, notamment en matière d'assistance, tout choix d'une conduite à suivre impliquant une prise en compte de l'existant et des lacunes. Les informations collectées dans le cadre de ces enquêtes nous permettent de recenser les institutions d'assistance et d'en suivre l'histoire, particulièrement dans les villes, où la structure hospitalière est la plus élaborée. Une forte concentration humaine donne toujours lieu à l'éclosion d'un hôpital pour malades, ou hôtel-Dieu, d'une maison pour les pauvres, ou hôpital général, et d'établissements spécialisés d'initiative privée. Trois villes répondent à ce schéma dans le diocèse de Rennes : Rennes, Fougères et Vitré. Nous nous attacherons ici à la seconde, pour laquelle sont conservés les résultats des enquêtes hospitalières de 1723, 1764, 1774 et 1790.
Fougères. — Communauté formée de trois paroisses: Notre-Dame Rillé, Saint-Léonard, Saint-Sulpice; ch.-1. sén. et sub.
Sources :
A.D. 
I.-V., 17 F 2097, notes sur Saint-Nicolas de Fougères. - Ibid., 41 F 142, 
établissements charitables de Fougères. - Ibid., G 496 B Fougères, l'Union 
chrétienne. - Ibid., 45 H 1, Hôpitaux de Fougères.
A. M. Fougères, BB, 
registres de délibérations 1721-1790.
Hôpitaux de Fougères, notes communiquées 
par le docteur Chesnay.
Bibliographie :
Bertin (A.) et Maupille (L.), 
Notices historiques et statistiques sur la baronnie, la ville et 
l'arrondissement de Fougères, Rennes, 1846, in-8°.
Le Bouteiller (Vicomte), 
Notes sur l'histoire de la ville et du pays de Fougères, Rennes, 1912-1913. 4 
vol. in-8°.
Population :
1780: 10 à 11000 h. 
[Note : Ogée, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne. 1843, I. p. 279].
1781: 
« 6000 citoyens malheureux ». [Note : A. M. Fougères, BB, 13 juin 
1781].
1782: 6000 h. [Note : A.D. I.-V, 41 F 146, requête aux États].
1790: 7000 h. dont 5000 à Saint-Léonard et 2000 à 
Saint-Sulpice [Note : Ibid., L 1011].

HOTEL-DIEU SAINT-NICOLAS.
Au milieu du XIIème siècle, la baron Raoul II fonde, près de l'église Saint-Léonard, une aumônerie qui est détruite par les Anglais ; en attendant sa reconstruction, on installe provisoirement un nouvel établissement hors de la ville. En 1259, l'ancien hôpital est rebâti près de l'église Saint-Nicolas dont il prend le nom. A l'origine, l'aumônerie Saint-Nicolas est sous la direction de religieux ; à partir de 1259, un prêtre, qui en est en même temps l'aumônier, en prend la tête ; les lettres patentes du 31 août 1347, réunissant l'église à l'hôtel-Dieu, règlent la désignation du prêtre-administrateur en la confiant alternativement aux bourgeois et au seigneur. Ce régime se maintient jusqu'en 1560 où, suite à l'édit de Fontainebleau, l'administration de l'hôpital est confiée à trois délibérants de la communauté de ville [Note : Le Bouteiller, op. cit., p. 266-276]. A cette époque, une veuve est gardienne de l'hôpital ; celui-ci héberge quarante pauvres, couchés dans dix-huit « charlits » dont dix-sept seulement sont garnis ; l'état matériel ne cessant de se dégrader, la ville demande en 1672 l'installation des religieuses à l'hôtel-Dieu, car « il arrive souvent que les pauvres malades, qui y sont en grand nombre, ou meurent ou traînent en longueur faute de secours » [Note : A.D. I.-V, I Ba 24/119 r°-120 r°]. Trois hospitalières augustines de la Miséricorde de Jésus arrivent de Rennes en 1673. Sans ressources ni rétributions, mal accueillies par la population, elles perdent vite courage et quittent Fougères. Ce n'est qu'en 1678 que quatre nouvelles augustines viennent s'y installer définitivement et loger dans l'hôtel du Châtelier. Elles trouvent l'hôpital dans un état lamentable, « la salle des hommes remplie de huits à dix charlits sans garniture de lits, ni oreillers, ni traversins, pas partout de couettes, des balières au reste » [Note : Piacentini (R.), Origine et évolution de l'hospitalisation..., p. 116]. Les femmes et les enfants couchent sur de la paille à même le sol. Les premiers soins des religieuses, qui obtiennent en juillet 1679 des lettres patentes d'établissement [Note : A.D. I.-V., I Ba 24/119 r° — 120 r°], consistent à séparer les malades et les enfants en utilisant l'étage, puis à quêter pour faire des lits. En s'endettant, elles acquièrent de vieilles bâtisses en vue d'agrandir l'hôpital. Les construction sont entreprises à la fin du XVIIème siècle.
Administration temporelle.
La communauté de ville revendique le droit immémorial de nommer l'économe-administrateur de l'hôtel-Dieu, ainsi que six commissaires, pris parmi ses membres, pour composer avec les huit commissaires-nés le bureau des pauvres de cet hôpital. Elle déroge ainsi au règlement mis en place par la déclaration du 21 décembre 1698 pour le gouvernement des hôpitaux du royaume. L'arrêt du parlement du 21 juin 1768 tente d'imposer l'application de cette déclaration à la communauté de Fougères. Le 13 février 1770, celle-ci présente une requête pour s'opposer à l'exécution de cet arrêt. Elle fonde son droit immémorial de nommer tous les trois ans les administrateurs de l'hôtel-Dieu en présentant toutes les délibérations par lesquelles elle a fait cette nomination depuis 1680. Le parlement, admettant finalement ce droit, ordonne, le 16 mai, qu'on en use à cet égard comme au passé [Note : Potier de La Germondaie, Recueil d'arrêts rendus au parlement de Bretagne depuis la Saint-Martin 1767 jusqu'au mois de mai 1770..., p. 443-449]. En 1773, la communauté demande pour elle toute l'autorité du bureau des pauvres, celui-ci ne se réunissant que rarement, faute de délibérants ; la communauté, argue, pour ce faire de sa permanence qui la met en état de délibérer sur les affaires des pauvres dans ses nombreuses assemblées. Nous ignorons l'issue de cette requête.
L'économe est l'administrateur de l'hôtel-Dieu ; jusqu'en 1762, il est renouvelé tous les ans. Il est d'usage d'en nommer deux ou trois à la fois, chacun officiant pendant une année. On veille alors à en choisir un dans chaque paroisse de la ville. Au début du siècle, l'entrée en fonction a lieu en juin car « c'est le temps le plus propre pour faire les provisions nécessaires aux pauvres » [Note : A. M. Fougères, BB, 25 juin 1720]. Après 1740, l'année d'économat commence à la Saint-André, « c'est ici la saison favorable pour faire les provisions de beurre et bientôt celle de faire tous les autres approvisionnements » [Note : Ibid., 10 juin 1766]. La difficulté de trouver des économes et la durée trop courte de la charge pour permettre de bien connaître les affaires ont incité le bureau à étendre à trois ans l'économat. On voit en effet, à plusieurs reprises, le nouvel économe demander au parlement de le décharger de sa fonction « sous prétexte d'incommodités et d'insuffisances » ; si le requérant obtient un arrêt favorable, il ne reste plus à la communauté de ville qu'à lui trouver un remplaçant, sans renoncer toutefois à se pourvoir devant le parlement pour demander l'annulation de l'arrêt obtenu. L'extension de la durée de la charge n'est pas facilement acceptée au départ. Le 7 septembre 1762, l'économe remontre qu'il a été nommé pour trois ans au mépris de l'ancien usage ; il accepte de servir un an seulement, à moins qu'on ne lui fournisse les sommes qu'il n'a pas les moyens d'avancer [Note : Hôpital de Fougères, registre de délibérations de l'hôtel-Dieu communiqué par le docteur Chesnay]. Cet économe ne reste en charge qu'un an : ses successeurs, jusqu'en 1772, assument leur fonction pendant trois ans chacun, tandis que les deux derniers officient l'un pendant quinze ans, l'autre pendant quatre.
L'économe est le premier personnage de l'hôpital ; jusqu'en 1764 il est le seul à pouvoir convoquer les membres du bureau pour tenir des assemblées ; l'arrêt du parlement du 4 septembre 1759 l'a confirmé dans cette prérogative. En décembre 1764, à l'occasion d'un conflit avec la communauté des chirurgiens [Note : cf. infra p], le sénéchal convoque exceptionnellement l'assemblée, sans en référer à l'économe qui exprime son mécontentement. Jugeant indécente l'attitude de l'économe, l'assemblée se réunit et délibère sans lui [Note : Notes du docteur Chesnay]. Cette première séance sans l'économe consacre aussi la disparition d'un autre de ses pouvoirs, celui de nommer le chirurgien qui servira à l'hôtel-Dieu durant son économat : le sénéchal et les autres membres du bureau présents décident que désormais les chirurgiens exerceront à tour de rôle, en commençant par le plus ancien d'entre eux, comme pour les apothicaires. Ainsi affaibli, l'économe n'effectue plus que ses tâches de gestionnaire dont il rend compte au bureau à la fin de son temps.
Aministration spirituelle.
Considérant que l'hôpital appartient à la ville, la communauté revendique le droit de nommer le chapelain comme elle choisit les administrateurs temporels. Partageant, à l'origine, cette prérogative avec les ducs de Bretagne, la ville a conservé seule ce droit, alors que l'évêque de Rennes n'obtenait, en 1695, que la présidence des assemblées du bureau, ce qui ne l'habilite ni à inspecter ni à critiquer. Jusqu'en mars 1765, la communauté procède à la nomination du chapelain sans rencontrer d'obstacles : à cette date, l'évêque refuse d'autoriser le nouveau gardien à confesser les malades ; il confère ce pouvoir à un autre ecclésiastique et il demande au roi de refuser pour gardien le prêtre désigné par la ville. La communauté fit observer que, si lors de la nomination de 1765 on inséra la clause « et ce sous le bon plaisir de Monsieur l'évêque de Rennes », ce ne fut que par pure politesse. L'évêque réplique qu'il ne conteste pas le droit du bureau mais qu'il faut l'informer. Chacun exhume ses titres. L'intendant soutient la cause de l'évêque. Celui-ci obtient par arrêt le droit de choisir le gardien parmi les six candidats que le bureau lui proposera. La communauté demande, par sa requête du 13 mars 1770, l'annulation de l'arrêt ; elle obtient gain de cause le 16 mai : le bureau de direction de l'hôtel-Dieu retrouve son droit de nommer le chapelain, lequel devra obtenir de l'évêque ou de ses grands vicaires les pouvoirs spirituels [Note : A.D. I.-V., C 1269 et Potier de La Germondaie, op. cit., Introduction au gouvernement des paroisses, suivant la jurisprudence du Parlement de Bretagne, 1772, p. 443-449].
Finances.
— Revenus.
Les revenus de l'hôtel-Dieu proviennent en grande partie des nombreuses terres, métairies, fiefs et immeubles qu'il possède et qui lui rapportent des rentes foncières et immobilières ainsi que des droits seigneuriaux ; s'y ajoutent d'importantes rentes, constituées au XVIIème siècle par des particuliers charitables. L'hôpital perçoit aussi des revenus casuels produits par les quêtes, la vente d'effets, le logement des soldats et l'entretien des enfants abandonnés. Il jouit, enfin, du droit de s'approvisionner tous les ans en bois de chauffage dans la forêt de Fougères.
Au début du XVIIIème siècle, les revenus de l'hôtel-Dieu s'élèvent à 4 000 l. Ils baissent au cours du siècle pour ne retrouver ce niveau qu'à la veille de la Révolution. La liquidation de la banqueroute de Law est une des premières causes de cet effritement : l'hôpital a désormais 1 000 l. de rente en moins, suite à des paiements en billets de banque sans valeur ou à l'insolvabilité des débiteurs. Les répercussions ne se font pas attendre : il faut réduire le nombre de lits et renvoyer quarante des cent malades, ainsi que le portier et une servante [Note : A.D. I.-V., C 1290, état du 25 octobre 1723]. Les incendies répétés, qui multiplient le nombre des malheureux tout en diminuant les facultés des personnes charitables, sont un autre facteur d'appauvrissement.
Les comptes conservés pour la seconde moitié du siècle nous permettent d'établir les proportions suivantes : sur les 4000 l. perçues en moyenne par l'hôpital dans la période 1760-1789, 65,5% proviennent des rentes foncières, immobilières et constituées ; le reste est tiré du casuel, soit 20% de la réception des bâtards, 10 % des pensions des soldats, 25 % des quêtes et 1 % de la vente d'effets divers. Enfin, l'hôpital prend dans la forêt de Fougères un certain nombre de charretées de bois — cent-vingt en 1664, soixante en 1690, et pour une valeur de 200 l. au milieu du XVIIIème siècle.
La part prise par la réception des bâtards est considérable, et l'on comprend que l'hôpital se plaigne, à diverses reprises au milieu du siècle, de l'envoi d'enfants à Paris qui le prive d'une grande partie de son revenu. L'hôpital touche, en effet, 60 l. pour chaque enfant naturel abandonné, et 120 l. par enfant légitime reçu, ce qui représente en moyenne 800 l. par an, à raison de douze enfants. Tout n'est pas bénéfice pour l'hôpital, puisqu'il lui faut payer chaque nourrice 3 l. par mois, soit 36 l. par an. Toutefois, il reste au minimum à l'hôpital 34 l. par an, et plus si l'enfant meurt dans les premiers mois, issue la plus probable. La réception d'enfants, qu'il n'aura généralement pas à entretenir longtemps, est donc pour l'hôtel-Dieu une ressource de toute importance, permettant d'entretenir les hospitalisés adultes et d'éviter le déficit. L'enquête de 1777 semblerait prouver le contraire : l'hôpital déclare, en effet, accueillir un nombre croissant d'enfants trouvés pour lesquels il faut payer la nourrice, sans avoir rien touché au moment de la réception ; les frais d'entretien de ces trente à trente-cinq enfants reçus dans l'année constitueraient une lourde charge que les 354 l. 6 s. 8 d. du papegaut ne parviennent pas à couvrir [Note : Ibid., C 1287]. En réalité, l'examen des comptes de cette même année 1777 et des cinq précédentes révèle que si un nombre de plus en plus important d'enfants sont admis il s'agit d'enfants naturels pour lesquels on paie, comme par le passé, 60 l., ce qui représente un revenu de près de 2000 l., soit la moitié du revenu total de l'hôpital dans cette période.
— Dépenses.
L'entretien et la nourriture des malades sont la première dépense de l'hôtel-Dieu puisqu'ils représentent 64,5 % du total. On en ignore le détail.
En 1723, l'hôpital emploie deux domestiques, un valet gagé 20 l. par an et une servante 128 l., ainsi qu'un prêtre-gardien payé 256 l. Il semblerait que cette dernière somme ne corresponde pas à des gages fixes, mais au prix payé pour l'acquittement des fondations, aussi le gardien demande-t-il en 1758 à être rétribué comme celui de Saint-Louis.
L'hôpital gage aussi et surtout les services de personnes qui lui sont extérieures, comme le médecin ou le chirurgien reçevant chacun une somme forfaitaire de 36 l. par an pendant tout le siècle, et l'apothicaire payé 150 l. par an jusqu'en 1761. Ces honoraires fixes ont suscité une polémique sérieuse entre les administrateurs de l'hôpital d'une part et les niédecins, les chirurgiens et les apothicaires de Fougères d'autre part. La première querelle naît en janvier 1761 [Note : Notes du docteur Chesnay] ; elle oppose à la communauté des chirurgiens de la ville l'économe de l'hôpital qui dénonce l'obligation, intolérable selon lui, de payer 36 l. par an au chirurgien pour la visite des malades de l'hôpital, alors que les statuts de 1732 instaurent la gratuité des soins pour ceux-ci. Les chirurgiens continuent à recevoir les 36 l. annuelles jusqu'à la fin du siècle. En décembre 1761, ce sont les apothicaires qui réclament une augmentation de leurs honoraires : chaque année celui qui sert l'hôtel-Dieu perçoit forfaitairement 150 l. pour les remèdes qu'il fournit, ce qui lui occasionne une perte d'environ 200 l. dans les années normales, et bien supérieure en période d'épidémie. Les apothicaires demandent donc qu'on fixe à 250 l. leur indemnité annuelle et qu'on y ajoute 2 s. par jour pour les remèdes donnés au soldats malades ; le 18 mai 1762, le bureau accepte de porter à 200 l. au lieu de 150 les honoraires des apothicaires, dans une délibération que le parlement homologue le 24 juin de la même année. En temps d'épidémie, les apothicaires et les chirurgiens reçoivent des récompenses en plus de leurs indemnités. En 1785, le médecin chargé de l'hôtel-Dieu sollicite la même faveur [Note : A.D. I.-V, C 1269] ; nous ignorons l'issue de sa requête.
Fonctionnement.
— Hospitalisés.
L'hôtel-Dieu est dès sa création une maladrerie : il reçoit à l'origine tous les malades, à l'exclusion des incurables et des vénériens. Tous doivent être domiciliés à Fougères, à moins qu'il n'existe une fondation pour leur paroisse de campagne. C'est ainsi qu'en 1762 l'hôpital héberge quatre pauvres de Javené [Note : Notes du docteur Chesnay] pour acquitter la fondation du recteur de cette paroisse qui a constitué 164 l. de rente annuelle à cet effet. L'hôpital accueille aussi, depuis une date inconnue, les enfants trouvés ou abandonnés ; ils n'y séjournent pratiquement pas, sauf s'ils sont déjà grands ou malades, puisqu'on les place le plus tôt possible en nourrice.
Au début du siècle, les malades hébergés sont une centaine ; après l'affaire Law, ils ne sont plus qu'une soixantaine. L'hôpital compte alors quinze lits dans la salle des hommes, et dix-sept dans celle des femmes [Note : A.D. I.-V., C 1290], nous ignorons combien il y en avait dans l'embas où logent les enfants ; ils ne devaient pas être bien nombreux, puisqu'en 1761 on ne compte que trente-huit lits à l'hôpital, soit six de plus qu'en 1723. On n'hésite pas à coucher deux ou trois malades dans le même lit, cette pratique est plusieurs fois attestée, notamment en période d'épidémies où il faut pallier l'affluence des malades. En 1775, la communauté de ville, en conflit avec les hospitalières de la Miséricorde qui veulent agrandir leur couvent sur les fossés de la ville, déplore l'initiative des religieuses en soulignant que ce ne sont pas elles mais les malades qui sont à l'étroit, vu qu'ils couchent parfois à trois dans le même lit [Note : A.D. I.-V., C 385]. Ce manque de place, dû à l'exiguïté des bâtiments, est encore plus durement ressenti lorsqu'arrivent les soldats malades. Ceux-ci, qu'ils soient casernés à Fougères ou à Antrain, ou qu'ils appartiennent à des régiments de passage, viennent de plus en plus nombreux à mesure que le réseau routier s'améliore. Ces « sujets immédiatement précieux à l'État » ont la préférence des administrateurs et des médecins — même si on a parfois à se plaindre de leurs désordres et débordements — et il faut, à l'arrivée d'un régiment, renvoyer chez eux tous les malades pour loger les soldats, comme cela s'est pratiqué en novembre 1761. Enfin, l'hôpital reçoit épisodiquement des pensionnaires, moyennant 12 l. par mois ; on en compte neuf de 1773 à 1782 [Note : Notes du docteur Chesnay].
— Personnel.
Pour s'occuper des différents hospitalisés, les religieuses sont aidées par cinq domestiques, dans la seconde moitié du siècle : un valet pour les hommes, une servante pour les femmes, une pour les enfants, une cuisinière, enfin une femme qui aide à la cuisine et à la salle des enfants. Ce personnel coûte peu puisqu'il ne reçoit souvent pas d'autres gages que son entretien et sa nourriture, qui ne diffère pas de celle des pauvres. Les registres de délibérations mentionnent, à plusieurs reprises, l'offre faite par des hommes et des femmes de se donner à vie à l'hôpital, pour servir les pauvres et assurer leur entretien personnel ; on trouve aussi l'exemple, en 1761, du choix d'un portier parmi les hospitalisés, pour ne pas avoir à nourrir, et surtout à loger, une personne supplémentaire. Ce problème du logement semble être crucial ; il est une des raisons pour lesquelles l'hôpital distribue quelques pensions de 2 l. par mois à des veuves domiciliées et à des invalides afin de les aider à élever leurs enfants sans avoir à les héberger [Note : Notes du docteur Chesnay].
BÂTIMENTS.
Les bâtiments les plus anciens remontent au XIIème siècle, les plus récents au XVIIème siècle. Ils ont tous été rasés, ainsi que la chapelle, en 1865 pour le percement de la rue de Pommereul. Seuls subsistent aujourd'hui l'ancien'hôtel du Chatelier, où vivaient les religieuses, et la maison conventuelle bâtie en 1740.
L'hôtel-Dieu est resserré dans un enclos de dix à douze toises carrées, entre le mur de la ville à l'est et au sud, la rue principale et l'hôtel de ville à l'ouest, le couvent des religieuses de la Miséricorde de Jésus au nord. L'hôpital ne peut être agrandi car il est bâti contre les remparts de Fougères [Note : A.D. I.-V., C 1292]. Il n'y a pas quinze pas du corps du bâtiment au gros mur de la ville. Les terres de jardins voisins et les rues surmontent de beaucoup les bâtiments encaissés et y causent une humidité telle que les caves et le rez-de-chaussée sont la plupart du temps inutilisables.

HOPITAL GÉNÉRAL SAINT-LOUIS.
Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, les pauvres pullulent à Fougères où il n'existe alors aucun établissement pour les recevoir. A la suite de l'édit de 1662, la communauté de ville, encouragée par le duc de Chaulnes, décide de fonder un hôpital général pour les pauvres. Elle demande pour ce faire l'autorisation royale, qui lui est accordée par l'arrêt du conseil du 31 décembre 1670. Celui-ci prescrit au sénéchal d'assembler d'une part le maire et les échevins, d'autre part les curés et les supérieurs des communautés, pour étudier l'affaire et dresser un procès-verbal qu'on soumettra à l'évêque et au roi [Note : A.D. I.-V., 41 F 142]. Le projet ne prend réellement corps qu'en 1678. A cette époque, en effet, la ville a acquis des terrains et des maisons au faubourg Roger, dans la rue du Colombier. Le R.P. Chaurand, venu dans cette ville avec deux imprimés — la Manière d'établir et régir les hôpitaux généraux par la confrérie de charité et les Règles et statuts de l'hôpital de Lyon — inaugure le nouvel hôpital, Saint-Louis, le 20 novembre [Note : Briand (abbé A.), La fondation et la vie d'un hôpital au XVIIème siècle : Saint-Louis de Fougères, dans B.M.S.A. I.V. LXX III (1960-1961), p. 23-40]. Déjà le 15 octobre, la ville a sollicité des lettres patentes qu'elle obtient en juillet 1683.
Direction.
L'article 2 des lettres patentes fixe la composition du bureau. Il comprend seize membres, sept directeurs nés — qui sont le sénéchal, le procureur du roi, le syndic de la communauté, les recteurs des trois paroisses et l'économe de l'hôtel-Dieu — ainsi que neuf bourgeois élus, renouvelés par quatre tous les trois ans, parmi lesquels on choisit le greffier et le receveur, révocables à volonté. Les seize directeurs nomment sept d'entre eux comme visiteurs de l'hôpital, officiant chacun un jour par semaine. Les directeurs sont exempts de charges publiques ; ils exercent des pouvoirs de police sur les pauvres. Leur bureau tient, au moins une assemblée hebdomadaire. La présence de neuf directeurs aux séances est obligatoire pour que les délibérations soient valides. Les visiteurs viennent y faire le rapport de leur activité et des délibérations qu'ils ont prises sur les affaires d'importance moindre.
Gouvernement intérieur.
L'article 1 des lettres patentes autorise les administrateurs à proposer des personnes capables, pour s'occuper des pauvres. Les revenus de l'hôpital général sont trop modiques pour permettre d'appeler des filles de Saint-Thomas-de-Villeneuve ou des sœurs grises, celles-ci n'allant que dans les établissements où l'on assure leur nourriture et leur entretien. En 1723, l'hôpital est tenu par quatre demoiselles laïques et vertueuses que ne lie aucun vœu. Elles vivent à leurs frais et font passer au profit des pauvres l'excédent de leur fortune [Note : A.D. I.-V., C 1290]. Ce système ne s'est pas maintenu, puisqu'en 1758 l'économe déplore l'absence de personnes dirigeant la maison et l'obligation où l'on est de s'en remettre à des servantes gagées que les pauvres ne craignent ni ne respectent. Trois demoiselles de la ville [Note : Anne Lemercier, Marie-Anne Bertin, Anne Frontin des Bussards], qui depuis plusieurs années consacrent leurs soins aux pauvres de leur paroisse, offrent de venir servir gratuitement à l'hôpital en qualité de dames hospitalières de Saint-Louis. La nécessité de corriger les abus nombreux, les désordres et les vols qui se sont commis dans l'hôpital amènent à accepter leur proposition à laquelle l'évêque donne son approbation le 16 mai 1758 [Note : A.D. I.-V., 45 H 1]. Dès le départ, cet arrangement est considéré comme temporaire et les trois demoiselles s'obligent à ne pas prendre de nouvelles associées, le bureau se réservant toujours le droit d'appeler des religieuses hospitalières si ses revenus s'accroissent. Les trois demoiselles dépendent de l'évêque et du bureau. Elles sont logées dans une pièce de l'hôpital ; l'établissement leur fournit le bois de chauffage et les légumes du jardin. Pour le reste, elles s'entretiennent à leurs frais. Elles ont l'entière administration et police de l'intérieur de la maison sous l'autorité du bureau. Elles tiennent un registre chiffré de la dépense qu'elles font avec les sommes que l'économe leur délivre et dont elles lui rendent compte tous les mois. Nous ignorons à quelle date ces demoiselles quittèrent l'hôpital. Le 13 juin 1778, le bureau délibère en faveur de l'établissement de quatre soeurs de la Charité de la maison de Montoirs. La supérieure donne son approbation le 5 juillet, et l'évêque la sienne le 10 août ; mais deux soeur meurent peu après sans être remplacées. En 1790, l'hôpital fait appel aux sœurs de la Sagesse de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Finances.
Au début du XVIIIème siècle, l'hôpital général possède près de 4 000 l. de revenu. Suite à la banqueroute de Law, il perd 2 600 l., franchies en billets de banque. Il ne dispose plus, en 1723, que de 1187 l. 12 s. 3 d. de revenu, non compris les aumônes en nature et les travaux des manufactures [Note : A.D. I.-V, C 1290]. En 1727, un incendie cause pour 10000 l. de dégâts, en détruisant trois chambres, la grande salle, la réserve de bois, les lits et le linge [Note : A.D. I.-V, C 1269]. En 1758, le revenus s'élèvent à 2500 l. par an [Note : A.D. I.-V,45 H 1] ; en 1764, ils sont tombés à 1 000 l., [Note : A.D. I.-V, C 1292] mais ils se montent à 3 500 l. en 1774 [Note : A.D. I.-V, C 1293]. Enfin, en 1790, les baux des métairies atteignent à eux seuls 2000 l. On ignore le produit des autres recettes.
Jusqu'en 1774, les possessions foncières et immobilières de l'hôpital général sont sans grande importance, elles ne rapportent que 466 l. en 1723. L'essentiel des recettes provient alors des rentes constituées, des aumônes et des fondations qui atteignent 721 l. 12 s. 3 d. On ignore le montant du casuel ; les lettres patentes ont pourtant attribué à cet hôpital des sources multiples de revenus annexes. Tout d'abord, l'hôpital jouit de trois monopoles qui sont les quêtes, la vente de la viande pendant le carême et la fourniture des châsses, ces deux derniers monopoles étant mis en adjudication. L'hôpital se voit aussi réserver tous les dons et legs généraux en faveur des pauvres et la moitié des aumônes de fondation, tandis que les notaires doivent inciter les particuliers à tester en faveur de l'hôpital général. Sont aussi attribuées à l'hôpital général toutes les amendes pour non respect des règlements sur la mendicité, ainsi que la moitié des amendes civiles et criminelles imposées par les juges ordinaires. De plus, l'hôpital a le droit de s'approvisionner en bois de chauffage dans la forêt de Fougères et d'y prendre chaque années cinquante cordes, sans rien payer. Enfin, l'hôpital est autorisé à avoir des manufactures et à en vendre le produit sans être soumis à aucun contrôle. Au début du siècle, une manufacture de toile occupe douze métiers à l'hôpital ; ce petit commerce permet d'économiser de quoi commencer la construction du nouveau bâtiment. En 1723, seuls fonctionnent encore trois métiers à faire de la toile qui produisent à peine six aulnes par jour [Note : A.D. I.-V., C 1290] — soit un revenu annuel de 100 l. — et trois métiers à faire du filet rapportant 30 l. annuelles [Note : Consommation interne comprise] ; le filage, enfin, permet de gagner 25 l. par an [Note : Consommation interne non comprise].
Ces revenus, quoique modiques, sont absolument nécessaires pour faire subsister une partie des hospitalisés. En 1725, par exemple, toutes charges payées, il ne reste plus que 700 l. à l'hôpital pour nourrir une cinquantaine de pauvres, ce qui représente 9 d. par personne et par jour. En 1758, le rapport est supérieur mais reste faible : pour l'entretien de quatre-vingts pauvres, on dépense 1700 l. par an, soit 1 s. 1 d. par personne et par jour, somme dérisoire si l'on considère qu'à la même époque on évalue à 6 s. par jour le coût du pain et de la soupe grasse des vagabonds emprisonnés. En 1764, avec 1000 l. de revenu l'hôpital ne peut faire subsister ses quarante pauvres qu'au moyen des charités extraordinaires ; celles-ci, faites souvent en grain, permettent avec les légumes du vaste jardin, qui en produit plus qu'il n'en faut pour les pauvres, de nourrir les hospitalisés.
Pour redresser une situation souvent difficile, les directeurs demandent à plusieurs reprises, et notamment en 1723 et 1764, qu'on fasse appliquer l'article 9 des lettres patentes qui attribue à l'hôpital général la moitié des aumônes d'ancienne fondation détenues par l'abbaye de Rillé (1206 l.), le prieuré du château de Fougères (408 l.), l'abbaye de Savigny (430 l.), l'abbaye de la Vieuville (330 l.), le prieuré de la Trinité de Fougères (71 l.) et plusieurs autres ; l'ensemble représenterait 1258 l. alors que dans l'immédiat l'hôpital n'en reçoit que 400 [Note : A.D. I.-V., C 1291].
Fonctionnement.
Dès sa fondation, cet établissement s'affirme dans deux fonctions, le renfermement des mendiants et l'hébergement des vieillards, des invalides et des enfants hors d'état de gagner leur vie et natifs de Fougères, ou qui y sont domiciliés depuis au moins cinq ans.
L'hôpital emploie deux archers chargés d'arrêter les mendiants de la ville. Ces archers sont habillés par la communauté de ville qui leur fournit leurs casaques aux armes de Fougères, conformément à un arrêt du conseil de 1681, et les paient 75 l. chacun par an en 1683 et 87 l. en 1781 ; en retour, ces archers balaient les places de la ville tous les samedis, sous peine de 1 l. d'amende au profit de l'hôtel-Dieu en cas de contravention à cet usage ancien. En 1781, la communauté se plaint d'avoir à payer les archers-balayeurs et estime qu'elle pourrait faire faire cette besogne à meilleur marché.
Conçu pour loger cent personnes, l'hôpital en héberge seulement quatre-vingts en 1723, cinquante en 1725, quatre-vingts en 1758 et soixante en 1764. On a l'habitude de n'y recevoir qu'un très petit nombre de pauvres âgés et invalides des trois paroisses de la ville, qui pour y entrer attendent souvent longtemps une place vacante. La modicité des revenus est un obstacle insurmontable. On ne peut pas compter sur le travail des pensionnaires pour accroître les recettes. En effet, la majorité des hospitalisés ne peuvent travailler pour l'hôpital, étant trop jeunes ou trop âgés. Toutefois, certains enfants qu'on ne peut envoyer en pension chez des cultivateurs, faute d'argent, sont occupés à tirer, carder et filer la laine. Reste une minorité turbulente de gens que les servantes n'arrivent pas à contenir ni à contraindre au travail. Certains sortent la nuit et s'en reviennent ivres, d'autres « gardent les surplus de leur portion de pain, en font une petite provision et la vendent à des malheureux avec qui ils passent une journée à boire » [Note : A.D. I.-V, 45 H 1, lettre du 16 mars 1758] ou vont sans permission travailler à leur profit pour des particuliers. L'absence de clôture et de portier facilite ces désordres, aussi l'évêque réclame-t-il en 1758 qu'on établisse la clôture que prévoyait l'article 22 des lettres patentes [Note : A.D. I.-V, 45 H 1, lettre du 16 mai 1758].
Bâtiments.
L'édification du premier bâtiment est achevée en 1680. Cette construction occupe le fond d'une cour divisée par la chapelle en une aire pour les hommes et une pour les femmes. Une reconstruction intégrale est entreprise au XVIIIème siècle : on prévoit, avant 1720, d'élever un bâtiment de deux cent trente pieds de long, à deux étages, mais la mort d'une dame charitable prive l'hôpital général de sa principale ressource et il faut interrompre la construction ; seule la première moitié est achevée en 1723. En 1764, on projette de reprendre les travaux pour pouvoir héberger deux cents pauvres [Note : A.D. I.-V., C 1292], mais il faudrait 20 000 l. et l'on espère l'appui des États. La seconde tranche est entreprise à partir de 1772 ; elle s'achève en 1777.
Mis à part quelques agrandissements opérés de 1812 à 1814, l'hôpital est demeuré intact jusqu'à la nuit des 8 et 9 juin 1944 où il fut entièrement détruit par un bombardement.
A la fin du XVIIIème siècle, l'hôpital, occidenté, a son entrée sur la rue du Colombier. C'est un long bâtiment, précédé d'une chapelle construite de 1724 à 1739 sur les plans de Huguet le Jeune et qui sépare la cour en deux. L'aile sud du bâtiment est prolongée vers l'ouest puis vers le nord par deux corps de logis réservés aux chambres de force. A l'est, l'hôpital donne sur le jardin avec lequel il communique par un passage entre deux cours murées. Ces deux cours, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes, sont complètement coupées du jardin. A l'intérieur, le bâtiment hospitalier s'organise symétriquement de part et d'autre de l'axe de la chapelle, avec toutefois une aile nord de moindre dimension que l'aile sud ; chaque sexe a son aile. Dans le prolongement de la chapelle s'organisent les pièces du service et du personnel : au rez-de-chaussée, la cuisine, à l'étage, les appartements du gardien, au second, ceux des hospitalières. De part et d'autre de cet axe central se répartissent les pièces des enfermés, avec au rez-de-chaussée les deux salles d'ouvrages et les deux réfectoires, et au premier, comme au second, deux grandes chambres des pauvres. L'aile nord compte en plus quatre chambres, deux au premier, deux au second, dont on ignore la destination.

UNION OU INSTITUTION CHRÉTIENNE.
En 1697, Marie Gigon, née dans le Perche de parents pauvres, réunit à Fougères quelques autres filles pieuses et ouvre une école de charité [Note : Guillotin de Corson, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, III, p. 227]. En 1701, René Ménard, recteur de la paroisse Saint-Léonard de Fougères, s'associe à cette œuvre qui reçoit le 3 juin 1725 l'approbation de la communauté de ville et son appui pour demander des lettres patentes. Le 15 juin 1728, l'évêque confirme cette maison. Elle est alors tenue par les filles de l'Union chrétienne, appelées familièrement gigones, du nom de leur fondatrice. Ces femmes pieuses vivent en commun et ne font que des vœux annuels. Elles instruisent les jeunes filles de la ville et de la campagne, et entretiennent, à partir de 1745, une fillette pauvre de onze ans, qui est remplacée tous les quatre ans par une autre du même âge. En 1790, la maison de l'Instruction a 150 l. de revenus [Note : A.D. I.-V., L 1011].

MAISON DE LA PROVIDENCE.
Le 2 mars 1776, Mlle Pauline de la Bélinaie, de Vendel, achète une maison, dépendant du prieuré de la Trinité de Fougères, avec cour et jardin, pour y fonder l'établissement de la Providence. Cette maison de charité est tenue par trois soeurs de la Sagesse qui distribuent aux artisans et ouvriers pauvres et malades, du bouillon, des remèdes... et qui suppléent au peu de secours que fournit l'hôtel-Dieu, toujours rempli de soldats. En outre, cet établissement loge et entretient un grand nombre de jeunes orphelines qui sont instruites dans les devoirs de la religion et formées au travail. Mais cette fondation ne possède que 600 l. de revenus en deux rentes, constitutées par contrats des 16 et 17 avril 1778, et sur lesquelles il faut payer la pension des deux religieuses et les réparations. La fondatrice sollicite donc, en 1780, des lettres patentes qui encourageraient les personnes charitables à augmenter la dotation de l'établissement. L'intendant, mais surtout Amelot [Note : Antoine Jean Amelot de Chaillou, secrétaire d'État à la maison du roi], y sont d'abord peu favorables ; ils craignent en effet l'inutilité de cette maison dans une ville qui compte déjà deux hôpitaux et un établissement de l'éducation chrétienne. Jugeant préférable, d'accroître les revenus des établissements existants, ils invitent la fondatrice à renoncer à cette maison et à en transférer les fonds aux hôpitaux de la ville. Mais l'évêque fait l'apologie de la Providence et il appuie la demande des lettres patentes de Mlle de La Bélinaie. Le subdélégué lui-aussi loue cette maison qu'on a vue dès sa création « remplie de jeunes orphelines enlevées à la misère et au danger de la corruption » et qui s'occupent utilement [Note : A.D. I.-V., C 1269]. Les lettres patentes sont finalement accordées en octobre 1782 [Note : A.D. I.-V., 1 Ba 45/11 v°]. A cette date, l'établissement dispose de 800 l. de revenu. Il est dirigé par trois sœurs qui attendent l'arrivée imminente d'une quatrième.

BUREAU DES PAUVRES DE LA PAROISSE SAINT-LÉONARD.
On en ignore l'origine. Il est régi par un règlement à partir de novembre 1744. Celui-ci divise la paroisse en quatre quartiers : chacun d'eux est visité par une dame charitable. Une cinquième dame s'occupe des questions d'intendance.
Les revenus du bureau proviennent de quatre quêtes annuelles et des dons en argent, linge et vieux vêtements. Un tronc à la porte de l'église permet aux fidèles d'y déposer leur aumône. En 1790, ce bureau possède 806 l. 12 s. en rentes constituées.
Chaque dame dresse la liste des pauvres de son quartier. Elle leur rend visite pour voir si les enfants sont instruits religieusement, s'ils ne s'adonnent pas à la fainéantise et s'ils ne couchent pas à plusieurs des deux sexes dans le même lit, auquel cas elles achètent les lits supplémentaires nécessaires. Les dames s'efforcent de donner des métiers aux enfants en concluant pour eux des contrats d'apprentissage avec des maîtres et maîtresses de confiance. Elle procurent du travail à domicile aux mères et filles en leur fournissant du fil. Elles apportent de la toile, du grain ou de la farine aux plus défavorisés et évitent le plus possible les secours en argent. Quand elles découvrent des malades, elle essaient de les faire rentrer à l'hôpital. Si l'hôpital est surchargé, elles font appel aux médecins et chirurgiens de la ville, obligés de soigner gratuitement les pauvres, et elles apportent aux malades des bouillons, des chemises, qu'elles doivent changer tous les huit jours, et des draps lavés tous les mois. En temps de disette, elles distribuent du pain.
Si elles apprennent l'installation dans la ville d'une famille de pauvres étrangers à la paroisse, elles doivent en avertir le recteur pour qu'il les fasse renvoyer.

CHARITÉS.
Notre-Dame-de-Rillé.
Cette paroisse reçoit des charités de l'abbaye Saint-Pierre-de-Rillé dont un des religieux est son recteur. En 1790, celui-ci déclare faire 800 l. d'aumônes chaque année à la paroisse [Note : Rebillon (A.), La situation économique du clergé à la veille de la Révolution dans les districts de Rennes, Fougères et Vitré, Rennes. 1913, CXXIX — 750 p. ; p. 422].
Saint-Léonard.
En 1769, la confrérie de Sainte-Anne-et-Saint-Roch, fondée dans cette église à l'occasion de la peste de 1635, demande des lettres patentes, ce qui permet à l'intendant d'écrire au contrôleur général : cette société « est d'une grande utilité et procure des avantages réels tant aux habitants de Fougères en général, par rapport aux messes qu'elle fait dire chaque jour, que pour les pauvres auxquels elle fait distribuer des aumônes assez abondantes dans les calamités publiques » [Note : A.D. I.-V, C 1198]. En 1790, les pauvres jouissent d'une rente de 806 l. 12 s. [Note : A.D. I.-V, L 1011].
Saint-Sulpice.
Il n'existe aucune fondation dans cette paroisse.
Ville.
Les hospitalières de la Miséricorde de l'hôtel-Dieu déclarent faire des aumônes qu'elles évaluent à 15 l. en 1790 [Note : Rebillon (A.), op. cit.].
CONCLUSION.
Avec un lit d'hôpital pour cinquante-huit habitants [Note : Le meilleur chiffre après celui de Rennes (1 pour 29) et avant celui de Vitré (1 pour 72)], Fougères semble relativement privilégiée. En fait, l'obligation pour l'hôtel-Dieu de recevoir les soldats malades et les enfants trouvés, jointe au manque de moyens de l'hôpital général, tempère cette impression. Le bureau des pauvres et les bourses de charité dispensent quant à eux des aides utiles mais dérisoires au vu de l'immense détresse à secourir.
(Christine Nougaret-Chapalain).
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