Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE REGIME DES ECONOMATS (1763-1790)

  Retour page d'accueil       Retour Ville du Folgoët   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

La mesure qui enlevait aux Jésuites l’administration des biens du Folgoët en même temps que la direction du Séminaire de la Marine, était une conséquence de l’édit d’expulsion porté contre eux en 1762. Les biens du Folgoët étaient passés sous le régime des économats. Dans ces conditions, n’y a-t-il pas lieu de se demander si les griefs dont le recteur de Guiquelleau se fit le porte-parole n’auraient pas été plus fondés contre ce nouveau régime ?

Que faut-il entendre par économats ? Quand certains bénéfices ecclésiastiques n’avaient plus de gouvernement temporel, leur gestion était mise entre les mains d’un administrateur ou économe, qui était un fonctionnaire du pouvoir royal. Ainsi les biens retournaient au gouvernement, qui en percevait les revenus, mais devait en assumer les charges. Sous quelle forme ? Le gouvernement laissait ces biens à des fermiers par adjudication. Un sieur Bolle était économe des biens du Folgoët ; les sieurs Mazurier Kerouallin, demeurant à Landerneau, et Goubin, demeurant près de l’abbaye de Daoulas, en avaient pris à ferme le temporel ainsi que celui de l’abbaye de Daoulas. Ils payaient annuellement. 22.500 livres pour ladite ferme, sur laquelle somme les biens du Folgoët étaient estimés valoir de 8 à 9 mille livres de revenus.

C’est de ce régime que se plaignent les chapelains dans leur mémoire, où ils déclarent que, depuis 1765, ils continuent leurs services, mais ne reçoivent plus les mêmes secours. Ce service consistait dans la desserte des messes, dans la récitation du bréviaire au choeur, comme dans les églises cathédrales, et dans l’administration des sacrements aux fidèles.

Jean Chrestien de la Masse, chanoine, archidiacre et vicaire général de Léon, se transporta au Folgoët pour sa visite archidiaconale, le 8 novembre 1768, en compagnie de Mathurin Autheuil, promoteur général du diocèse. Il constata que l’office canonial entier était exactement célébré dans la chapelle et que les prières marquées au tableau des fondations étaient récitées à l’intention des fondateurs. Il fit observer que, depuis deux ou trois ans, ce qui correspond bien à la période du début des économats, les desservants chapelains, qui étaient au nombre de quatre, même avant l’établissement de l’hôpital, se trouvaient réduits à deux. Or, ces deux prêtres ne pouvaient acquitter seuls toutes les messes et il leur était très difficile de célébrer tout l’office canonial, d’autant plus qu’ils étaient souvent, appelés auprès des malades de l’hôpital, pour leur administrer les sacrements. Ils ne suffisaient même pas pour entendre les confessions des pèlerins qui viennent pendant le cours de l’année, de toutes les parties de la province pour y faire leur dévotion. Les chapelains, au surplus, ne pouvaient se dispenser d’exercer fréquemment, le droit d’hospitalité à l’égard de leurs confrères qui se présentaient à eux pour dire des messes de dévotion, et, des pèlerins notables qui venaient visiter la chapelle. Une somme de 450 livres, qui reviendrait à chacun et comprendrait l’honoraire de leurs messes, ne serait même pas proportionnée à toutes leurs obligations, ni suffisante à leur subsistance et à leur honnête entretien. En conséquence, il était de toute nécessité que le nombre de quatre desservants fût rétabli, et c’était aux économats de pourvoir à leur entretien et à leur logement (d’après le procès-verbal, signé Autheuil et Chrestien de la Masse).

Il convenait, je crois, de faire de ce rapport une analyse substantielle, parce qu’il va à l’encontre de l’opinion généralement reçue sur le litige soulevé plus haut et que, par ailleurs, il nous fournit des renseignements précis sur l’état de la dévotion à l’époque. Quel compte fut tenu de ce rapport ? Nous savons que le chiffre des chapelains fut doublé, mais nous ne pourrions dire en quelle année. Quant aux économats, nous avons vu qu’ils ne s’acquittèrent pas de leurs charges à la satisfaction des intéressés.

Goulven Le Melloc, dans ses lettres à l'Evêque, exprime, avec un rare bonheur d’expression et une vive délicatesse de sentiment, sa tendre piété envers la Vierge du Folgoët, et son culte pour la sainte chapelle à laquelle il voudrait « rendre son lustre et son premier éclat » ; mais il a le verbe haut contre la présence, près de l’incomparable monument, de l’hôpital militaire destiné à recevoir 300 soldats malades ou convalescents. La dévotion publique fléchit, et la cause principale en est due à cet établissement, installé dans la maison même des chapelains : « La force militaire s’est emparée de la maison et du jardin des chapelains et les a relégués dans de mauvais logements sans issues qu’on leur a fournis... La contagion des soldats malades et la licence de ceux qui étaient convalescents a éloigné le public ». Ailleurs, il fait une description très sombre des désordres qui sont la perdition du pays :

« Cet hôpital fait autant et plus de mal aux sujets du Roi que ne peut leur procurer de bien la prétendue convalescence qu’ils y viennent chercher. On n’y fait venir que des sujets déjà ruinés par des maux assez communs aux gens de troupe. Dans leur épuisement, ils espèrent trouver au Folgoët un soulagement à leurs maux, et ce soulagement consiste dans un relâche que quelques-uns d’entre eux sont contraints de donner à leurs passions, pour retourner, dans peu de jours, à leur vomissement. Je dis seulement quelques-uns : car on peut dire du grand nombre ce que dit saint Pierre du prince des ténèbres : Circuit, quaerens quem devoret, et, malheureusement, ils ne trouvent dans ce bourg que trop de proies à des passions dont les excès achèvent de les ruiner et les mènent au tombeau ».

L'évêque Jean-François de la Marche

Je me le représente, ce rude pasteur, avec ses traits accusés, son allure énergique, revêtu de l’ample chape quand, à la porte de son église de Guiquelleau, il offrait le goupillon au Seigneur Evêque Illustrissime et Révérendissime, venu pour sa tournée pastorale ; et le fait se reproduisit plusieurs fois, ainsi que l’attestent les signatures apposées au bas des cahiers des comptes paroissiaux. Je le vois aussi dans son église, coiffé du bonnet carré, portant un surplis de grosse toile à larges manches.

Modeste église, déjà délabrée de son temps, puisqu’elle menaçait alors, suivant son expression, « une ruine prochaine et totale », qui le mettra « bientôt dans la nécessité de rebâtir ». Presque aussi délabrée qu’au temps où je l’ai visitée, il y a quelque quinze ans, en compagnie d’artistes, anciens élèves des Beaux-Arts, qui s’extasiaient devant son caractère bien breton et devant la beauté du site enchanteur qui l’encadre. Elle est toujours dans le même état, mais ne sert plus au culte qu’une fois l’an, le jour de son pardon de Saint Vellé.

Au milieu de la terre battue, quelques pierres tombales, aux inscriptions pour la plupart effacées, gisent encore en guise de dalles : sans doute l’une d’entre elles recouvre les restes de l’original recteur, à côté de celle d’un de ses prédécesseurs, I. Blonce, qui restaura l’église au siècle précédent. Ce qui est certain, c’est que le mobilier sacré est plus ancien que Messire Le Melloc : le maître-autel, en forme de sépulcre, reposant sur quatre boules, empoignées par des griffes, et son tabernacle orné d’un ostensoir doré sur fond bleu ; à gauche, la banquette de l’officiant, le lutrin en solide bois de chêne, avec l’aigle qui le surmonte, déployant les ailes ; à droite, le prie-Dieu armorié portant le blason des anciens seigneurs du lieu ; sur le pourtour de l’autel, des stalles en vieux chêne, où prenaient place les chantres de campagne ; en dehors du choeur, un autel latéral revêtu de bois peint aux vieilles couleurs françaises : la Tulipe, la rose et l’œillet, et tout le cortège des naïves statues coloriées de saint Jean-Baptiste, de sainte Marguerite, de saint Nicolas, d’une sainte dominicaine.

Tel est le cadre dans lequel Messire Goulven accomplissait quotidiennement ses saintes fonctions. Même la vieille chaire branlante demeure, celle sans doute du haut de laquelle le zélé pasteur instruisait ses ouailles. Enfin, je, me l’imagine, dans son logement presbytéral, à gauche de l’église, sur l’emplacement que limitait encore, au temps de mon pèlerinage, le mur ébréché d’un jardin où poussaient des fuchsias et des clématites.

Donc Goulven Le Melloc n’était pas homme à dissimuler sa façon de penser. Reconnaissons au passage que ces recteurs de jadis, férus d’humanités, s’y entendaient pour tailler leur plume bien française. Les 87 rapports de ses confrères, en réponse à l’enquête de Mgr. de la Marche, nous laissent la même impression. Notre personnage avait, au surplus, le droit de parler haut. C’est lui qui, renommé par son éloquence et la franchise de son langage, avait été appelé, alors qu’il était recteur de Guimiliau, à prêcher à la cathédrale de Léon pour l’installation de Mgr. de la Marche. Il fit un tableau si pathétique des charges épiscopales que le prélat en fut ému et regretta, dit-on, d’avoir accepté un fardeau si redoutable ; mais, par un sermon sur les bienfaits de l’épiscopat, le prédicateur calma les scrupules de Monseigneur qui, peu de temps après, lui confia la paroisse mère du Folgoët.

Messire Goulven eût désiré, en attendant le transfert de sa paroisse au siège du magnifique monument « de la dévotion des Ducs de Bretagne à la Mère de Dieu », avoir au moins sa résidence à l’ombre de l’insigne basilique. Il en donnait des raisons fort pertinentes à son évêque, faisant ressortir que la plus grosse partie de ses 900 paroissiens vivaient dans l’agglomération du Folgoët, donc à plus d’une demi-lieue de sa résidence. La détresse des âmes et des corps, sur laquelle il eût voulu se pencher de plus près, n’exigeait-elle pas un contact plus fréquent ? En effet, « cette portion, la plus grande et la plus désolée du troupeau », ne se rendait, à Guiquelleau qu’une fois l’an, pour la Pâque ; dans la chapelle du Folgoët, ces paroissiens n’étaient pas « dans le cas d’entendre ni instruction, ni prône, ni catéchisme ». Ainsi la translation s’imposait. D’ailleurs le recteur se borne à dire tout haut ce que d’autres pensent et disent tout bas : « Il y a bien des années, écrit-il, qu’on faisait retentir cette antienne aux oreilles de mon prédécesseur ; et on me l’a répétée à moi-même plus de cent fois, parmi les différentes personnes avec lesquelles je me suis trouvé ». Sa Grandeur a de puissantes relations. « Parlez-en au Roi. Vous êtes un de ces personnages que Sa Majesté écoute. D’ailleurs, la demande n’a rien de chimérique. Je ne dis rien, Monseigneur, que le nouveau règne (Louis XVI) ne puisse nous faire espérer ».

Monseigneur l’écouta bien. Il prit même le soin de faire reproduire, avec un avis favorable au transfert, le rapport du recteur dans le tableau des cures de son diocèse à soumettre à l’examen de l'Assemblée du Clergé, pour être introduit au Conseil du Roi. Mais Goulven Le Melloc mourut à Guiquelleau, le 8 septembre 1785, âgé de 58 ans, sans que fût réalisé le plus cher désir de sa vie (L. Kerbiriou).

 © Copyright - Tous droits réservés.